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[2018] 1 R.C.F. 325

IMM-2418-16

2017 CF 288

Morteza Momenzadeh Tameh (demandeur)

c.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeur)

Répertorié : Tameh c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Cour fédérale, juge en chef Crampton—Vancouver, 27 février; Ottawa, 16 mars 2017.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Dispense ministérielle — Délai déraisonnable — Demande d’ordonnance de mandamus visant à forcer le défendeur à rendre une décision concernant la demande de dispense ministérielle du demandeur — Le demandeur a été jugé interdit de territoire en 2001 et sa demande de résidence permanente a été refusée en raison de son association antérieure avec une organisation terroriste — La demande de dispense ministérielle a été rejetée, mais cette décision a été annulée et renvoyée pour nouvel examen en 2008 — Elle a été confiée à différents agents à maintes reprises — L’Agence des services frontaliers (ASFC) a informé le demandeur qu’il lui était impossible de lui donner un échéancier exact concernant la date à laquelle la décision serait rendue au sujet de sa demande de dispense ministérielle — L’ASFC a soutenu que plusieurs facteurs avaient eu une incidence directe sur le traitement de la demande — Il s’agissait de déterminer ce qui constitue un délai généralement raisonnable pour traiter les demandes de dispense ministérielle — Les demandes de mandamus liées à des cas portant sur des retards qui ont comme conséquence d’étendre la durée totale du traitement bien au-delà de 9 mois dépendent de la question de savoir si l’ASFC a fourni des justifications pouvant expliquer le délai de manière satisfaisante — En l’espèce, l’ASFC a fourni une justification de certains retards, mais pas tous — Un délai raisonnable attribuable à la réorganisation interne et au retrait d’une organisation terroriste de la liste se situerait entre 12 et 18 mois — Le délai de 45 mois dans le cas présent est déraisonnable — Lorsque des questions de sécurité nationale sont soulevées, la Cour devrait hésiter à rendre une ordonnance de mandamus si celle-ci a comme résultat une enquête avortée ou asphyxiée — Toutefois, le défendeur n’a pas carte blanche en ce qui a trait au temps dont il dispose pour rendre des décisions en vertu de l’art. 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — Il pourrait s’avérer approprié, à l’occasion, de forcer le ministre à rendre sa décision dans un délai précis — Les inquiétudes du défendeur peuvent être prises en considération en prévoyant suffisamment de temps pour lui donner la latitude nécessaire afin de pouvoir équilibrer ses autres priorités — Demande accueillie en partie.

Il s’agissait d’une demande d’ordonnance de mandamus visant à forcer le défendeur à rendre une décision concernant la demande de dispense ministérielle du demandeur.

Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente en 1994, après avoir obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. En 2001, un conseiller en immigration a jugé qu’il était interdit de territoire en raison de son association antérieure avec les Mujahedin-e-Khalq (MEK), une organisation qui figurait sur la liste canadienne d’entités terroristes. Le conseillé a recommandé que la demande de dispense ministérielle à l’égard de son interdiction de territoire soit accordée, en vertu de l’alinéa 19(1)f) de la Loi sur l’immigration (maintenant l’alinéa 34(1)f) et le paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi)). La demande de dispense ministérielle du demandeur a été rejetée, mais cette décision a été annulée et renvoyée pour nouvel examen en 2008. Entre 2009 et 2011, le traitement de la demande a été confié à différents agents à maintes reprises. En 2012, le demandeur a demandé qu’aucune décision ne soit rendue au sujet de sa demande avant que la Cour suprême du Canada (C.S.C.) ne rende sa décision dans l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile). Le gouvernement du Canada a plus tard retiré le MEK de sa liste des entités terroristes. Par conséquent, le demandeur a produit des observations supplémentaires relatives à sa demande en 2013. Quelques semaines plus tard, la C.S.C. a rendu sa décision dans l’arrêt Agraira, forçant l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à modifier considérablement son approche en matière de traitement des demandes de dispense ministérielle à l’égard d’une interdiction de territoire. En 2014, l’ASFC a informé le demandeur qu’il lui était impossible de lui donner un échéancier exact concernant la date à laquelle la décision serait rendue au sujet de sa demande de dispense ministérielle.

L’ASFC a soutenu, entre autres, que plusieurs facteurs ont eu une incidence directe sur le traitement de la demande du demandeur, en l’occurrence les changements apportés à la gestion et aux politiques, la décision de retirer le MEK de la liste d’entités terroristes, la décision rendue dans l’arrêt Agraira, qui a forcé l’ASFC à modifier de manière substantielle son approche relative au traitement des demandes de dispense ministérielle, ainsi que les modifications à la Loi, qui ont eu une incidence sur les dispositions en matière de dispense ministérielle.

Il s’agissait de déterminer ce qui constitue un délai généralement raisonnable pour traiter les demandes de dispense ministérielle.

Jugement : la demande doit être accueillie en partie.

Les demandes de mandamus liées à des cas portant sur des retards qui ont comme conséquence d’étendre la durée totale du traitement bien au-delà de neuf mois dépendent de la question de savoir si l’ASFC a fourni des justifications pouvant expliquer le délai de manière satisfaisante. L’ASFC a offert une explication raisonnable de certains retards liés au traitement de la demande du demandeur. Plusieurs causes de retard étaient de nature exceptionnelle, et il était raisonnable de penser qu’elles pouvaient avoir eu un impact important sur le traitement de demandes de dispense ministérielle par l’ASFC. Cependant, l’ASFC n’a pas justifié de manière satisfaisante tous les retards qui se sont produits. Un délai raisonnable attribuable à la réorganisation interne se situerait entre 12 et 18 mois. Tout au plus, il serait raisonnable d’attribuer un délai supplémentaire totalisant entre 12 et 18 mois au retrait du MEK de la liste d’entités terroristes. Le délai de 45 mois pris pour assurer le traitement de la demande du demandeur depuis la décision rendue dans l’arrêt Agraira était déraisonnable, plus précisément compte tenu du retard accusé avant ce moment précis. Lorsqu’une demande de dispense ministérielle soulève des questions de sécurité nationale, la Cour devrait hésiter à rendre une ordonnance de mandamus si celle-ci a comme résultat une enquête avortée ou asphyxiée. Toutefois, l’application étendue de cette proposition a des limites, et celle-ci ne saurait servir de fondement à la position du ministre, selon laquelle il ne devrait être assujetti à aucune limite de temps lorsqu’il rend une décision en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi. Le défendeur n’a pas carte blanche en ce qui a trait au temps dont il dispose pour rendre des décisions en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi. À un moment donné, lorsque le délai pour répondre à une demande présentée en vue d’obtenir une décision en vertu de cette disposition a franchi le seuil de ce qui est acceptable, il pourrait s’avérer approprié de forcer le ministre à rendre sa décision dans un délai précis. Dans de telles circonstances, les inquiétudes du défendeur peuvent être prises en considération, dans une large mesure, en prévoyant suffisamment de temps pour lui donner la latitude nécessaire afin de pouvoir équilibrer ses autres priorités, alors qu’il s’occupe également des questions visées par l’ordonnance de mandamus.

La demande d’ordonnance de mandamus a été accueillie et assujettie au calendrier présenté en l’espèce.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, partie II.1.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34, 35(1)b),(2), 42.1(1), 42.1(3).

Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, règle 22.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742, 1993 CanLII 3004 (C.A.); Douze c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1337; Dragan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 211; Kalachnikov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 777, [2003] A.C.F. no 1016 (QL); Esmaeili-Tarki c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 697.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Momenzadeh Tameh c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 884; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559.

DÉCISIONS CITÉES :

Hanano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 998; Platonov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16104 (C.F. 1re inst.); Seyoboka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1290; Aghdam c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 131.

DEMANDE d’ordonnance de mandamus visant à forcer le défendeur à rendre une décision concernant la demande de dispense ministérielle du demandeur. Demande accueillie en partie.

ONT COMPARU

Shane Molyneaux pour le demandeur.

Helen Park pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Shane Molyneaux, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

Le juge en chef Crampton :

I.          Introduction

[1]        D’une manière générale, les ministres fédéraux sont des personnes très occupées. Mais ils ne sont pas occupés au point de pouvoir prendre autant d’années qu’ils le souhaitent pour répondre à des demandes présentées en vertu d’une loi promulguée en bonne et due forme, par des personnes qui sollicitent des décisions importantes à leurs yeux. À un moment donné, ils devront faire face à l’obligation de produire une réponse.

[2]        À l’origine, le demandeur en l’espèce, M. Tameh, a présenté sa demande de résidence permanente au Canada en 1994, après avoir obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention plus tôt cette même année. Cependant, en août 2001, il a été frappé d’une interdiction de territoire en raison de son association avec les Mujahedin-e-Khalq (MEK), une organisation de son pays natal, l’Iran, laquelle, jusqu’en 2012, figurait sur la liste canadienne d’entités terroristes établie pour l’application de la partie II.1 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46. Le conseiller en immigration qui a fait cette recommandation a également recommandé que la demande présentée en vue d’obtenir une dispense ministérielle à l’égard de son interdiction de territoire soit accordée, en vertu de l’alinéa 19(1)f) [alors en vigueur] de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[3]        En novembre 2007, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Stockwell Day, a décidé de ne pas accorder la dispense ministérielle. Néanmoins, la juge Mactavish a annulé cette décision et l’a renvoyée pour nouvel examen en juillet 2008, au motif que le ministre n’avait pas été informé de tous les faits pertinents relatifs à la participation de M. Tameh dans le MEK (Momenzadeh Tameh c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 884 (Tameh)).

[4]        En octobre 2012, alors que M. Tameh attendait le nouvel examen, il a demandé que la décision du ministre soit suspendue jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada (C.S.C.) ait rendu sa décision dans l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 (Agraira). Cette décision a été rendue en juin 2013, près de quatre années en arrière.

[5]        Toutefois, M. Tameh attend toujours qu’une décision soit rendue concernant sa demande de dispense ministérielle. Selon la position du ministre, en raison de ses nombreuses fonctions et responsabilités, il ne devrait, en aucun cas, être assujetti à quelque échéance que ce soit pour rendre ses conclusions concernant de telles demandes.

[6]        Je ne partage pas son opinion.

[7]        Le ministre doit avoir une latitude importante dans l’établissement de ses priorités, certes; mais il doit tout de même répondre aux demandes de dispense ministérielle dans un délai raisonnable.

[8]        Ce que constitue « un délai raisonnable » dépendra, dans une large mesure, du contexte factuel exposé dans chaque cas. Selon la preuve produite dans le cadre de l’audience en ce qui concerne le temps généralement pris pour traiter les demandes de dispense ministérielle, j’estime que le délai initial d’environ quatre ans pris pour traiter la demande de M. Tameh, entre juillet 2008 et octobre 2012, est à la limite extrême de ce qui est acceptable à cet égard. Cette limite est sujette à des ajustements dus à des retards importants (au-delà des périodes de temps pour répondre) de la part de personnes qui ont présenté de telles demandes au ministre, des retards excessifs attribuables à des tiers et qui ne relèvent aucunement du ministre, ainsi qu’à des circonstances exceptionnelles.

[9]        Considérant le temps consacré au dossier de M. Tameh avant l’arrêt Agraira, précité, j’estime que les 45 mois supplémentaires qui se sont écoulés depuis sont déraisonnables. J’estime également que la prépondérance des inconvénients favorise la délivrance de l’ordonnance de mandamus demandée par M. Tameh.

[10]      Par conséquent, et pour d’autres motifs établis ci-dessous, je vais rendre cette ordonnance, mais selon les modalités révisées qu’il a établies avec l’avocat du ministre, suivant les instructions que j’avais données à ce dernier lors de l’audience relative à l’espèce, le 27 février 2017.

II.          Faits

[11]      M. Tameh était un membre du MEK, de 1979 à septembre 1982.

[12]      Selon un affidavit confirmé par Tracy Vansickle, une gestionnaire de l’unité des exceptions ministérielles (UEM) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le MEK est une organisation de la résistance iranienne qui a tenté de renverser les régimes séculiers et théocratiques en Iran. L’organisation avait formé des alliances avec le régime de Saddam Hussein en Iraq, l’Organisation de libération de la Palestine et d’autres factions de la Palestine. Pour atteindre ses objectifs, l’organisation a notamment eu recours à des assassinats, des attaques armées, des prises d’otages, des attaques au mortier, des raids de tir et esquive contre des civils, du personnel gouvernemental et militaire et contre des infrastructures, à la fois iraniennes et étrangères.

[13]      Selon le témoignage de M. Tameh, qui ne semble pas avoir été contesté, ses activités au sein du MEK consistaient notamment à distribuer des dépliants, écrire des graffitis politiques sur les murs, faire des dons financiers, cacher des personnes qui fuyaient les autorités iraniennes, obtenir des témoignages de prisonniers politiques et participer à des manifestations sur place. Après être devenu le dirigeant d’une cellule de voisinage en mai 1982, il est entré dans la clandestinité en septembre 1982 et, plus tard, il a été capturé et emprisonné pendant cinq ans à partir de décembre 1982.

[14]      Ayant été détenu et victime de harcèlement par les autorités iraniennes à plusieurs reprises, M. Tameh s’est enfui de l’Iran et est venu au Canada à la fin de l’année 1993.

[15]      En août 2008, après que la juge Mactavish a annulé la décision du ministre Stockwell Day qui refusait à M. Tameh sa demande de dispense ministérielle concernant son interdiction de territoire, l’ASFC a offert à M. Tameh la possibilité de présenter d’autres observations pouvant appuyer sa demande.

[16]      Ces observations supplémentaires ont été produites environ trois semaines plus tard. M. Tameh en a produit d’autres en juillet 2009, lorsque l’Union européenne a retiré le MEK de sa liste d’organisations terroristes. Il avait alors reçu un avis du nouveau ministre, Peter Van Loan, indiquant que l’ASFC lui ferait parvenir une recommandation en vue d’une décision à prendre au cours des 18 mois qui suivaient.

[17]      Cependant, selon Mme Vansickle, entre 2009 et 2011, le traitement de la demande de M. Tameh a été confié à différents agents à maintes reprises. Ce n’est qu’en septembre 2012 que l’ASFC a enfin communiqué un projet de recommandation de dispense ministérielle à M. Tameh. Au moment où il a fourni des commentaires initiaux à l’ébauche en octobre 2012, il a demandé qu’aucune décision ne soit rendue au sujet de sa demande avant que la C.S.C. ne rende sa décision dans l’arrêt Agraira, précité.

[18]      En décembre 2012, le gouvernement du Canada a décidé de retirer le MEK de sa liste des entités terroristes. Par conséquent, en février 2013, M. Tameh a produit des observations supplémentaires relatives à sa demande. L’ASFC a alors préparé une recommandation finale pour le ministre, qu’elle a acheminé au président de l’ASFC, en mai de l’an dernier. Quelques semaines plus tard, la C.S.C. a rendu sa décision dans l’arrêt Agraira. Selon Mme Vansickle, cette décision a eu comme conséquence de forcer l’ASFC à modifier considérablement son approche en matière de traitement des demandes de dispense ministérielle à l’égard d’une interdiction de territoire.

[19]      En réponse à une demande de renseignement formulée par M. Tameh en novembre 2013 concernant l’état de son dossier, l’ASFC lui a indiqué que son dossier était toujours actif, mais qu’il lui était impossible de lui donner un échéancier exact concernant la date à laquelle la décision serait rendue au sujet de sa demande de dispense ministérielle. Un avis semblable a été donné à M. Tameh par l’ASFC, en février 2014.

[20]      Le 20 janvier 2016, M. Tameh a envoyé une lettre à l’ASFC, dans laquelle il demandait qu’une décision soit prise à l’égard de sa demande de dispense ministérielle, toujours en suspens. À ce jour, aucune décision relative à sa demande n’a été prise.

III.         Textes législatifs pertinents

[21]      La décision rendue initialement, frappant M. Tameh d’interdiction de territoire au Canada, a été rendue en vertu de la division 19(1) f)(iii)(B) de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. La recommandation actuelle en faveur d’une dispense ministérielle à l’égard de son interdiction de territoire a été faite en vertu d’une exception établie dans le libellé de la conclusion à l’alinéa 19(1)f).

[22]      En 2002, l’alinéa 19(1) f) de la Loi sur l’immigration a été remplacé par l’alinéa 34(1)f) et le paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Il est notamment indiqué à l’alinéa 34(1)f) que tout résident permanent ou étranger est interdit de territoire pour des raisons de sécurité dans les cas suivants s’il est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’actes comprenant, notamment, le terrorisme.

[23]      La décision du ministre Stockwell Day de rejeter la demande de dispense ministérielle de M. Tameh à l’égard de son interdiction de territoire a été rendue en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR, comme il était alors formulé. Les parties semblent s’accorder sur le fait que la demande de dispense ministérielle de M. Tameh doit être évaluée en application de cette version du paragraphe 34(2), comme suit :

34 […]

Exception

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

[24]      Conformément à la loi actuelle, le paragraphe 42.1(1) de la LIPR, précise que le ministre peut, sur demande d’un étranger, déclarer que les faits visés à l’article 34 (et certaines autres dispositions) n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de l’étranger si celui-ci le convainc que cela ne serait pas contraire à l’intérêt national.

[25]      En vertu du paragraphe 42.1(3) de la LIPR, pour décider s’il fait la déclaration en application du paragraphe 42.1(1), le ministre ne tient compte que de considérations relatives à la sécurité nationale et à la sécurité publique sans toutefois limiter son analyse au fait que l’étranger constitue ou non un danger pour le public ou la sécurité du Canada.

[26]      Le libellé complet des dispositions législatives mentionnées ci-dessus est présenté à l’annexe 1 des présents motifs.

IV.        Évaluation

A.        Critère juridique

[27]      La décision d’accorder une dispense ministérielle conformément au paragraphe 34(2) de la LIPR est de nature hautement discrétionnaire (Tameh, précitée, au paragraphe 38).

[28]      Avant que la Cour n’envisage d’exercer son pouvoir discrétionnaire afin de rendre une ordonnance de mandamus visant à forcer une autorité publique à rendre une décision, le demandeur doit démontrer ce qui suit :

I.          Il existe une obligation légale à caractère public;

II.          L’obligation doit exister envers le demandeur;

III.         Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation. Notamment :

A.        Le demandeur a satisfait à toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;

B.        Il y a eu 1) une demande d’exécution de l’obligation, 2) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande (à moins que celle-ci ait été rejetée sur-le-champ), et 3) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple, un délai déraisonnable;

IV.        Le requérant n’a aucun autre recours;

V.        L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;

VI.        En vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé;

VII.       Selon la balance des inconvénients, une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

(Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 [pages 766-769], 1993 CanLII 3004 (C.A.), au paragraphe 45; Douze c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1337 (Douze), au paragraphe 26; Dragan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 211 (Dragan), au paragraphe 39; Kalachnikov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 777, [2003] A.C.F. n1016 (QL) (Kalachnikov), au paragraphe 11.)

[29]      Pour démontrer qu’un délai est déraisonnable, un demandeur doit établir les trois éléments suivants : i) que le délai en question est plus long que ne l’exige, à première vue, la nature du processus, ii) que le demandeur et son avocat n’en sont pas responsables, et iii) que l’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante (Douze, précitée, au paragraphe 28; Dragan, précitée, au paragraphe 54; Esmaeili-Tarki c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 697 (Esmaeili), au paragraphe 10).

[30]      Ce que constitue une « un délai raisonnable » dépendra essentiellement du contexte factuel de l’affaire. Néanmoins, la jurisprudence actuelle peut fournir certains paramètres d’orientation générale utiles (Esmaeili, précitée, au paragraphe 11; Hanano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 998 (Hanano), aux paragraphes 13 à 15; Dragan, précitée, au paragraphe 55).

B.        Application des critères aux circonstances en l’espèce

[31]      Dans son application des critères relatifs au mandamus, établis ci-dessus, aux faits en l’espèce, M. Tameh s’appuie de manière significative sur les décisions Esmaeili et Douze, précitées. Dans ces deux cas il était question de demandes de mandamus à l’égard de demandes de dispense ministérielle. Comme en l’espèce, la décision Esmaeili portait sur une demande de dispense ministérielle présentée en vertu du paragraphe 34(2) à l’égard d’une décision d’interdiction de territoire fondée sur le fait que le demandeur avait été membre du MEK. Dans la décision Douze il était question d’une demande de dispense ministérielle présentée en vertu du paragraphe 35(2), relative à une conclusion d’interdiction de territoire conformément à l’alinéa 35(1)b) de la LIPR.

[32]      Autant dans la décision Esmaieili que dans la décision Douze, précitées, les observations du ministre semblaient porter principalement sur l’absence de retard déraisonnable et sur la prépondérance des inconvénients. À l’instar de ces décisions, le ministre accorde la même importance à ces éléments en l’espèce, et il ajoute que dans certaines situations particulières, il est justifié de prendre plus de temps pour rendre une décision adéquatement pesée. En ce qui a trait à ce dernier élément, le ministre soutient qu’il ne devrait pas être tenu de rendre une décision à l’intérieur d’une période de temps donnée ou avant un moment précis, en raison de l’incidence que sa conclusion pourrait avoir sur la sécurité nationale.

1)         Le devoir d’agir et l’obligation envers M. Tameh

[33]      S’appuyant sur la décision Esmaeili, précitée, aux paragraphes 9 et 10, M. Tameh affirme que le ministre a l’obligation publique de rendre une décision à l’égard des demandes de dispense ministérielle, et que ce droit lui est conféré du fait qu’il a présenté une demande.

[34]      Je partage cet avis, bien que je souligne que dans la décision Esmaeili, précitée, le ministre n’a pas contesté que ces deux conditions étaient satisfaites. Le ministre semble avoir adopté une position similaire dans la décision Douze, précitée, au paragraphe 27. De même, le ministre en l’espèce ne semble contester ni l’obligation publique à l’égard de demandes de dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2), ni l’obligation de fournir une réponse relative à la demande de M. Tameh.

2)         Obligation légale d’agir

[35]      Les observations des parties relatives à une condition préalable à la délivrance d’une ordonnance de mandamus portent essentiellement sur la question de savoir si le délai pris par le ministre pour répondre à la demande de dispense ministérielle présentée par M. Tameh était déraisonnable.

[36]      M. Tameh fait remarquer plus de huit années se sont maintenant écoulées depuis que la juge Mactavish a annulé le refus initial de lui accorder sa dispense ministérielle et qu’elle a renvoyé l’affaire au ministre pour nouvel examen.

[37]      Il reconnaît qu’en octobre 2012, il demandé que la décision du ministre soit reportée jusqu’à ce que la C.S.C. rende sa décision dans l’arrêt Agraira, précité. Cependant, il souligne que la C.S.C. a rendu sa décision dans cette affaire environ huit mois plus tard, en juin 2013, c’est-à-dire environ quatre années en arrière. Il soutient qu’aucun autre retard accusé lors du traitement de sa demande ne peut lui être attribué.

[38]      Pour sa part, le ministre répond qu’il n’existe aucun élément de preuve soutenant qu’il a manqué à son devoir. Il soutient que le traitement par l’UEM de la demande de dispense ministérielle présentée par M. Tameh est toujours en cours.

[39]      Le ministre attribue le temps considérable pour assurer le traitement de cette demande à la nature complexe de la procédure d’évaluation. Notamment, les étapes consistent à : effectuer des recherches et recueillir les données, préparer un projet de recommandation au ministre, le communiquer au demandeur à des fins d’observations, examiner les observations du demandeur et réévaluer la recommandation à la lumière desdites observations, examiner la recommandation au besoin, examiner la recommandation à l’échelon supérieur au sein de l’ASFC, la faire examiner par le président de l’ASFC, et déposer la recommandation et les documents à l’appui au ministre en vue de sa décision.

[40]      Cependant, dans son affidavit, Mme Vansickle souligne que le processus décrit dans les lignes qui précèdent prend généralement neuf mois, du début jusqu’à la fin. Ceci ne comprend pas la période au cours de laquelle un dossier demeure dans l’inventaire des demandes de dispense ministérielle, ce qui, selon ma compréhension, signifie le temps suivant l’acheminement d’une recommandation au ministre pour examen, une fois que les diverses étapes décrites au paragraphe 39 ci-dessus ont été franchies.

[41]      Mme Vansickle ajoute que le processus de préparation d’une recommandation ministérielle peut prendre encore plus de temps lorsque des facteurs de complication entrent en jeu, comme des retards attribuables à des organisations partenaires ou à un demandeur lors de sa réponse à des demandes de renseignements, des observations répétées ou à de nouveaux arguments soulevés par le demandeur, une jurisprudence récente qui a une incidence sur une affaire donnée, ou l’obligation de divulguer une recommandation mise à jour au demandeur. Puisque la présence de tels facteurs est très fréquente, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’ASFC ait besoin de bien plus de neuf mois pour préparer une recommandation à des fins d’examen par le ministre.

[42]      En d’autres mots, certains retards qui ont comme conséquence d’étendre la durée totale du traitement bien au-delà de neuf mois peuvent, à première vue, ne pas être plus longs que ce qui est naturellement exigé par le processus. Je m’attends à ce que des demandes de mandamus liées à des cas portant sur de tels retards dépendent de la question de savoir si l’ASFC a fourni des justifications pouvant expliquer le délai de manière satisfaisante.

[43]      En l’espèce, Mme Vansickle soutient que les facteurs mentionnés précédemment, considérés avec l’ensemble des autres facteurs, ont eu une incidence directe sur le traitement de la demande de M. Tameh. En l’occurrence, des changements ont été apportés à la gestion et aux politiques, qui comprenaient, notamment, une réorganisation interne qui a mené à la création de l’UEM. Notons également les décisions de l’Union européenne et du Canada de retirer le MEK de la liste d’entités terroristes, les décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (C.A.F.) et la C.S.C. dans l’arrêt Agraira, précité, ainsi que des modifications à la LIPR, qui ont eu une incidence sur les dispositions en matière de dispense ministérielle.

[44]      Qui plus est, la décision de la C.S.C. dans l’arrêt Agraira, précité, a forcé l’ASFC à modifier de manière substantielle son approche relative au traitement des demandes de dispense ministérielle. Il fallait donc plus de temps pour examiner les observations de Mr. Tameh concernant la conséquence du retrait du MEK de la liste des entités terroristes par l’Union européenne et par le gouvernement canadien.

[45]      Mme Vansickle souligne également que la préoccupation première de l’ASFC immédiatement après la décision rendue dans l’arrêt Agraira, précité, était de réévaluer les décisions relatives à la dispense ministérielle qui avaient été laissées en suspens devant notre Cour. Plus récemment, l’ASFC s’est penchée sur l’examen d’autres affaires de son inventaire, dont la demande de M. Tameh, qui se trouve actuellement à une étape avancée du traitement.

[46]      J’estime que l’explication de Mme Vansickle offre une explication raisonnable de certains retards liés au traitement de la demande de M. Tameh. Plusieurs causes de retard identifiées par Mme Vansickle étaient de nature exceptionnelle, et il est raisonnable de penser qu’elles puissent avoir eu un impact important sur le traitement de demandes de dispense ministérielle par l’ASFC. À cet égard, mentionnons, notamment, la réorganisation interne effectuée en 2008, suite à plusieurs décisions rendues par notre Cour, le retrait du MEK des listes d’entités terroristes au sein de l’Union européenne et au Canada, ainsi que les décisions rendues par la C.A.F. et la C.S.C. dans l’arrêt Agraira, précité.

[47]      Néanmoins, même ces événements particuliers, collectivement et conjointement avec les autres motifs de retard mis en l’avant par Mme Vansickle, ne peuvent justifier de manière satisfaisante tous les retards qui se sont produits dans le traitement de la demande de M. Tameh. Tel est le cas, que l’on commence à compter à partir du jour où la juge Mactavish a renvoyé l’affaire au ministre à des fins de réexamen plus de huit ans en arrière, ou que l’on compte à partir de la date de la décision rendue par la C.S.C. dans l’arrêt Agraira, précité, c’est-à-dire presque quatre ans en arrière.

[48]      À mon avis, un délai raisonnable attribuable à la réorganisation interne se situerait entre 12 et 18 mois. Tout au plus, il serait raisonnable d’attribuer un délai supplémentaire totalisant entre 12 et 18 mois au retrait du MEK de la liste d’entités terroristes au sein de l’Union européenne et au Canada.

[49]      Il s’ensuit qu’au mieux, ces événements, conjointement avec le temps pris pour examiner les observations supplémentaires présentées par M. Tameh concernant ces événements, constituent une simple explication raisonnable justifiant pourquoi une décision n’avait toujours pas été rendue en décembre 2012 en ce qui a trait à la demande de dispense ministérielle de M. Tameh. Je reconnais que la demande de M. Tameh en octobre 2012 sollicitant qu’aucune décision ne soit prise à l’égard de sa demande avant que la décision de la C.S.C. soit rendue dans l’arrêt Agraira, en juin 2013, a été un facteur de complication. Ce retard de huit mois semble avoir été le seul retard qui puisse lui être attribué dans l’ensemble de l’historique de sa demande.

[50]      Considérant que la décision rendue par la C.S.C. dans l’arrêt Agraira, précité, au paragraphe 87, a élargi l’éventail des facteurs qui peuvent s’avérer pertinents à l’égard de la détermination du contenu de l’« intérêt national » pour les besoins de la mise en œuvre du paragraphe 34(2), il est compréhensible que d’autres retards considérables dans le traitement de la demande de M. Tameh en vertu de cette disposition en aient découlé, après juin 2013.

[51]      Néanmoins, l’évolution du droit engendrée par cette décision ne constitue pas une justification raisonnable du délai de 45 mois qui se sont écoulés depuis juin 2013, particulièrement en considérant tout le travail qui avait déjà été fait à l’égard de la demande de M. Tameh.

[52]      Bien que le caractère raisonnable du retard sera, dans une large mesure, fonction d’un contexte factuel donné, la jurisprudence peut fournir des paramètres utiles (Esmaeili, précitée, au paragraphe 11; Hanano, précitée, aux paragraphes 13 à 15; Dragan, précitée, au paragraphe 55; Platonov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16104 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 10.

[53]      Dans la décision Esmaeili, précitée, au paragraphe 15, un délai de cinq ans suivant la présentation d’une demande de dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR renvoyée au ministre pour nouvel examen avait été jugé déraisonnable. Dans la décision Douze, précitée, aux paragraphes 31 à 33, une conclusion similaire a été tirée dans le cas d’un délai de presque trois ans dans le traitement d’une demande de dispense ministérielle présentée en vertu du paragraphe 35(2).

[54]      Dans d’autres contextes, des délais variant entre deux ans et quatre ans et demi accusés lors du traitement de demandes de citoyenneté ou de résidence permanente au Canada ont été jugés comme déraisonnables, en dépit de l’obligation d’effectuer une vérification des antécédents des demandeurs ou des évaluations liées à la sécurité nationale : (voir les décisions qui ont fait l’objet d’un nouvel examen dans Dragan, précitée, aux paragraphes 49 à 58; et dans Hanano, précitée, aux paragraphes 15 et 16). Je reconnais que les dispositions législatives qui ont précisément fourni le cadre d’analyse dans ces cas se distinguaient suffisamment des paragraphes 34(2) et 35(2) de la LIRP pour en diminuer l’utilité aux fins de la présente affaire.

[55]      Quoi qu’il en soit, la jurisprudence évoquée ci-dessus appuie en grande partie ma position selon laquelle le délai de 45 mois pris pour assurer le traitement de la demande de M. Tameh depuis la décision rendue dans l’arrêt Agraira, précité, est devenu déraisonnable, plus précisément compte tenu du retard accusé avant ce moment précis. Je précise tout de suite que, dans certains cas, un retard plus court que celui dont il est question ici pourrait être déraisonnable, selon les « facteurs de complication » et si le délai est attribuable au demandeur, qui n’aurait pas répondu à l’ASFC dans le délai prévu à cet effet.

[56]      Ma position selon laquelle le retard, à la suite de l’arrêt Agraira, accusé dans le traitement de la demande de M. Tameh soit devenu déraisonnable, est appuyée par la preuve présentée dans l’espèce. Comme je l’ai déjà indiqué, Mme Vansickle a déclaré que le processus de préparation d’une recommandation finale au ministre « prend environ neuf mois » du début jusqu’à la fin, selon les « facteurs de complication ». De tels facteurs semblent avoir été présents dans la conclusion initiale tirée par le ministre Stockwell Day à l’égard de la demande de M. Tameh, pourtant cette conclusion a été tirée environ 26 mois après que la première recommandation de l’ASFC a été envoyée à M. Tameh, en août 2005. Les facteurs de complication semblaient alors avoir diminué temporairement après que la juge Mactavish a renvoyé la demande de M. Tameh au ministre, en juillet 2008, puisque M. Tameh avait été avisé par le nouveau ministre, en septembre 2009, que l’ASFC allait lui présenter une nouvelle recommandation en vue d’une décision « dans les 18 prochains mois ». Finalement, la nouvelle recommandation a, en fin de compte, été communiquée à M. Tameh à des fins de commentaires en septembre 2012, à peine plus de quatre ans après la date du jugement rendu par la juge Mactavish.

[57]      Compte tenu de tout ce qui précède, je considère que la période de temps écoulée entre juillet 2008 et septembre 2012 se situait à la limite de ce qui est raisonnablement acceptable dans les circonstances décrites aux paragraphes 40 à 51. Compte tenu de la nature des circonstances exceptionnelles qui ont eu une incidence et des conséquences sur la demande de M. Tameh durant cette période, il est difficile d’envisager des circonstances qui auraient pu raisonnablement entraîner un plus long délai, plus particulièrement à la lumière du témoignage de Mme Vansickle indiquant que, de façon générale, le processus prend environ neuf mois « du début jusqu’à la fin ».

[58]      Néanmoins, je considère que le retard supplémentaire de 45 mois qui s’est maintenant écoulé depuis la décision rendue par la C.S.C. dans l’arrêt Agraira, précité, est déraisonnable, indépendamment de l’impact que la décision a eu sur le traitement des demandes de dispense ministérielle par l’ASFC. En d’autres termes, je conclus que le ministre n’a pas justifié adéquatement le délai supplémentaire.

[59]      J’accepte la proposition générale du ministre selon laquelle, lorsqu’une demande de dispense ministérielle soulève des questions de sécurité nationale, la Cour devrait hésiter à rendre une ordonnance de mandamus si celle-ci a comme résultat une enquête avortée ou asphyxiée (Seyoboka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1290, au paragraphe 9). Toutefois, l’application étendue de cette proposition a des limites, et celle-ci ne saurait servir de fondement à la position du ministre, selon laquelle il ne devrait être assujetti à aucune limite de temps lorsqu’il rend une décision en vertu du paragraphe 34(2). Dans certaines circonstances, le délai requis pour le traitement d’une demande particulière pourrait bien s’étendre au point qu’il puisse être tout à fait justifié de rendre une ordonnance de mandamus dans les circonstances de l’affaire.

3)         Possibilité d’un recours adéquat

[60]      En l’absence de toute observation de la part du ministre sur ce point, j’accepte la position de M. Tameh voulant qu’il n’existe aucun autre recours lui permettant d’obtenir une dispense de la décision à l’égard de son interdiction de territoire au Canada.

4)         Incidence d’une ordonnance de mandamus sur le plan pratique

[61]      M. Tameh soutient que, si une ordonnance de mandamus est rendue, le ministre sera tenu de rendre une décision qui pourrait avoir une réelle incidence sur le plan pratique pour lui. Plus précisément, il indique qu’en tant que réfugié au sens de la Convention dont la demande de résidence permanente a été rejetée, il risque le renvoi du Canada. De plus, il ne dispose actuellement d’aucun droit absolu lui permettant de quitter ce pays et d’y retourner par la suite. Qui plus est, en ce qui le concerne, le chemin de la résidence permanente et de la citoyenneté, et des avantages qui en découlent, lui est également interdit dans les faits à l’heure actuelle. Si le ministre rend une décision favorable à l’égard de sa demande de dispense en vertu du paragraphe 34(2), la voie lui donnant potentiellement droit à un tel statut lui sera ouverte.

[62]      En réponse, le ministre indique que M. Tameh est autorisé à demeurer au Canada de façon permanente en vertu du principe de non-refoulement, et qu’il peut travailler, faire des études et être admissible à certaines prestations de maladie ou d’avantages sociaux.

[63]      Je suis convaincu qu’indépendamment de ces divers avantages soulevés par le ministre, une ordonnance de mandamus pourrait avoir une réelle incidence sur le plan pratique pour M. Tameh, notamment, en lui ouvrant la voie de l’obtention d’une éventuelle résidence permanente et, possiblement, à la longue, de la citoyenneté dans ce pays.

5)         Aucun empêchement à l’obtention du redressement demandé en vertu de l’équité

[64]      Le ministre n’a démontré aucun élément empêchant d’obtenir, en vertu de l’équité, l’ordonnance de mandamus demandée par M. Tameh.

6)         La balance des inconvénients

[65]      Le ministre soutient que, considérant la balance des inconvénients, le mandamus ne devrait pas être accordé.

[66]      À cet égard, le ministre s’appuie essentiellement sur le fait qu’il a un large éventail de fonctions et de responsabilités, dont plusieurs sont essentielles à la sécurité nationale du Canada. Notamment, il souligne être responsable de plus de 15 lois, et que, en conjonction avec ses organismes, il gère plus de 130 lois, en totalité ou en partie. Il soutient qu’il devrait pouvoir être libre d’établir ses priorités à l’égard de ses multiples fonctions selon son bon jugement et que, s’il était tenu de rendre ses décisions dans un délai précis, il pourrait devoir porter son attention ailleurs que sur des situations urgentes. À titre subsidiaire, il déclare que cette situation pourrait avoir une incidence négative sur d’autres décisions qu’il lui incombe de rendre.

[67]      Dans une certaine mesure, je ne suis pas indifférent aux observations du ministre. Cependant, elles ne justifient aucunement, ni individuellement ni collectivement, sa position selon laquelle il doit absolument avoir carte blanche en ce qui a trait au temps dont il dispose pour rendre des décisions en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR. À un moment donné, lorsque le délai pour répondre à une demande présentée en vue d’obtenir une décision en vertu de cette disposition a franchi le seuil de ce qui est acceptable, il pourrait s’avérer approprié de forcer le ministre à rendre sa décision dans un délai précis.

[68]      Dans de telles circonstances, les inquiétudes du ministre peuvent être prises en considération, dans une large mesure, en prévoyant suffisamment de temps au ministre pour lui donner la latitude nécessaire afin de pouvoir équilibrer ses autres priorités, alors qu’il s’occupe également des questions visées par l’ordonnance de mandamus (Kalachnikov, précitée, au paragraphe 24).

[69]      Dans ses observations écrites, le ministre a indiqué que l’ASFC était disposée à consentir à terminer un projet de recommandation ministérielle et de le partager avec M. Tameh dans les trois mois suivant la date de l’ordonnance rendue par notre Cour, accueillant la présente demande sur consentement des parties. Le ministre a ajouté que M. Tameh disposerait alors de deux mois supplémentaires pour présenter ses observations à l’égard du projet de recommandation. Dans les trois mois supplémentaires qui suivraient, l’ASFC produirait alors la dernière recommandation relative à la dispense ministérielle au ministre, à moins qu’en raison des modifications apportées par l’ASFC en réponse aux observations de M. Tameh, il soit nécessaire de communiquer d’autres renseignements à ce dernier. Dans ce dernier cas, les délais de deux et trois mois mentionnés ci-dessus s’appliqueraient à nouveau, ce qui, dans les faits, aurait comme conséquence d’ajouter cinq mois au processus. Néanmoins, personne ne s’est prononcé en ce qui a trait au délai à l’intérieur duquel le ministre serait tenu de rendre sa décision, une fois qu’il aurait reçu le projet de recommandation de l’ASFC.

[70]      À l’audience relative à la présente demande, j’ai laissé entendre que le délai mentionné ci-dessus de cinq à huit mois n’était pas raisonnable dans les circonstances de l’espèce, plus particulièrement en ce qui a trait au délai déjà écoulé et au fait que le ministre ne serait pas tenu de rendre une décision à l’intérieur d’une période précise. En réponse, l’avocat a réduit la période initialement prévue ci-dessus de trois mois à 30 jours. Cependant, l’avocat du ministre s’est catégoriquement opposé à tout délai imposé au ministre au cours duquel il devrait rendre sa décision, une fois qu’un dossier en provenance de l’ASFC lui serait parvenu.

[71]      En réponse, j’ai répondu à l’avocat du ministre qu’il devait obtenir des précisions en ce qui a trait à une période de temps plus raisonnable au cours de laquelle la recommandation de l’ASFC pourrait être acheminée au ministre, et au cours de laquelle le ministre rendrait alors sa décision.

[72]      En fin de compte, suivant l’audience, l’avocat du ministre et l’avocat de M. Tameh ont convenu d’adopter le calendrier suivant :

i.          Dans les 30 jours qui suivent la date de l’ordonnance de la Cour, l’ASFC fera connaître le projet de recommandation relative à la dispense ministérielle à M. Tameh.

ii.         M. Tameh disposera alors de 30 jours à compter de la date à laquelle le projet de recommandation lui aura été communiqué pour envoyer ses observations à cet égard à l’ASFC.

iii.        Le président de l’ASFC acheminera alors le projet de recommandation, ainsi que les observations de M. Tameh, au ministre dans les 60 jours suivant la réception de ces observations. À titre subsidiaire, si les modifications apportées par l’ASFC à la recommandation à la suite des observations de M. Tameh doivent être à nouveau communiquées à ce dernier, l’ASFC fera parvenir une mise à jour de la recommandation à M. Tameh dans les 45 jours qui suivent la réception desdites observations supplémentaires. Dans ce dernier scénario, M. Tameh disposera alors de 30 jours pour fournir toute observation à l’ASFC en réponse à la recommandation mise à jour; et le président de l’ASFC disposerait alors de 60 jours suivant la réception des dernières observations de M. Tameh pour acheminer au ministre la recommandation ainsi que les observations de M. Tameh.

iv.        Dans les 60 jours suivant la réception de la recommandation et les observations en provenance du président de l’ASFC, le ministre rendra une décision à l’égard de la demande de M. Tameh.

v.         La Cour conservera sa compétence pour traiter de toute question liée aux prolongations ou à toute autre question soulevée pouvant avoir une incidence sur l’ordonnance de la Cour.

[73]      Puisque M. Tameh a consenti au calendrier qui précède, je suis prêt à l’adopter et à l’inclure dans l’ordonnance que je vais rendre et par laquelle j’accorde le mandamus.

V.        Conclusion

[74]      Pour les motifs établis ci-dessus, la demande présentée par M. Tameh en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus sera accueillie, et assujettie au calendrier présenté au paragraphe 72 ci-dessus.

[75]      Aucune question à certifier n’a été présentée par les parties. Puisque le temps que nécessite le traitement des demandes de dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR est grandement lié aux faits, je conclus qu’il n’y a aucune question à certifier.

VI.        Les dépens

[76]      M. Tameh a demandé que lui soient accordés des dépens pour les sommes qu’il a engagées en ce qui a trait à la présente demande, sur la base avocat-client.

[77]      La règle 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, prévoit que « [s]auf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens » (je souligne).

[78]      Cette Cour conclut que les délais indus dans le traitement d’une demande en vertu de la LIPR constituent de telles « raisons spéciales » dans plusieurs cas (voir Aghdam c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 131, aux paragraphes 21 et 22, et les causes qui y sont citées). Puisque plus de huit ans se sont maintenant écoulés depuis que la juge Mactavish a renvoyé l’affaire au ministre pour qu’il rende une nouvelle décision relative à la demande de M. Tameh, je suis disposé à considérer que ces circonstances sont spéciales et qu’elles justifient l’adjudication d’une somme forfaitaire de 4000 $, comprenant la TVH et les débours, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         Cette demande est accueillie en partie;

2.         Les parties devront accomplir les étapes décrites ci-dessous dans les délais qui sont prévus :

a.         Dans les 30 jours suivant la date de l’ordonnance de la Cour, l’ASFC communiquera le projet de recommandation relative à la dispense ministérielle à M. Tameh.

b.         M. Tameh disposera alors de 30 jours à partir de la date à laquelle le projet de recommandation lui aura été communiqué, pour présenter ses observations à l’ASFC à cet égard.

c.         Le président de l’ASFC communiquera alors le projet de recommandation, ainsi que les observations de M. Tameh au ministre dans les 60 jours suivant la réception desdites observations. À titre subsidiaire, si les modifications apportées par l’ASFC à la recommandation en réponse aux observations de M. Tameh nécessitent que d’autres communications lui soient faites, l’ASFC enverra une recommandation mise à jour à M. Tameh dans les 45 jours de la réception desdites observations supplémentaires. Dans le dernier scénario, M. Tameh disposera alors de 30 jours pour transmettre toute observation à l’ASFC en réponse à la recommandation mise à jour; et le président de l’ASFC disposerait alors de 60 jours suivant la réception des dernières observations de M. Tameh, pour acheminer la recommandation et les observations de M. Tameh au ministre.

d.         Dans les 60 jours suivant la réception de la recommandation et des observations en provenance du président de l’ASFC, le ministre rendra une décision relative à la demande de M. Tameh.

3.         La Cour conservera sa compétence pour trancher toute question relative à toute prolongation ou d’autres questions soulevées qui ont une incidence sur l’ordonnance de la Cour;

4.         Le ministre paiera les dépens de M. Tameh totalisant 4000 $, comprenant la TVH et les débours;

5.         Aucune question à certifier n’a été présentée.

ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2011, ch. 27

Sécurité

34 (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

a) être l’auteur de tout acte d’espionnage dirigé contre le Canada ou contraire aux intérêts du Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

b.1) se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

c) se livrer au terrorisme;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

Exception

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national. [Maintenant abrogé.]

[…]

Exception — demande au ministre

42.1 (1) Le ministre peut, sur demande d’un étranger, déclarer que les faits visés à l’article 34, aux alinéas 35(1)b) ou c) ou au paragraphe 37(1) n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de l’étranger si celui-ci le convainc que cela ne serait pas contraire à l’intérêt national.

Exception — à l’initiative du ministre

(2) Le ministre peut, de sa propre initiative, déclarer que les faits visés à l’article 34, aux alinéas 35(1)b) ou c) ou au paragraphe 37(1) n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de tout étranger s’il est convaincu que cela ne serait pas contraire à l’intérêt national.

Considérations

(3) Pour décider s’il fait la déclaration, le ministre ne tient compte que de considérations relatives à la sécurité nationale et à la sécurité publique sans toutefois limiter son analyse au fait que l’étranger constitue ou non un danger pour le public ou la sécurité du Canada.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (abrogée)

Personnes non admissibles

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

a) celles qui souffrent d’une maladie ou d’une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu’un médecin agréé, dont l’avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut :

(i) soit que ces personnes constituent ou constitueraient vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques,

(ii) soit que leur admission entraînerait ou risquerait d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;

b) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles n’ont pas la capacité ou la volonté présente ou future de subvenir tant à leurs besoins qu’à ceux des personnes à leur charge et qui ne peuvent convaincre l’agent d’immigration que les dispositions nécessaires — n’impliquant pas l’aide sociale — ont été prises en vue d’assurer leur soutien;

c) celles qui ont été déclarées coupables, au Canada, d’une infraction qui peut être punissable, aux termes d’une loi fédérale, d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans;

c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles ont, à l’étranger :

(i) soit été déclarées coupables d’une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d’une loi fédérale, d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu’au moins cinq ans se sont écoulés depuis l’expiration de toute peine leur ayant été infligée pour l’infraction,

(ii) soit commis un fait — acte ou omission — qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s’il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d’une loi fédérale, d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu’au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;

c.2) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles sont ou ont été membres d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction au Code criminel ou à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui peut être punissable par mise en accusation ou a commis à l’étranger un fait — acte ou omission — qui, s’il avait été commis au Canada, constituerait une telle infraction, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national;

d) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu’elles :

(i) soit commettront une ou plusieurs infractions qui peuvent être punissables par mise en accusation aux termes d’une loi fédérale, autre qu’une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions,

(ii) soit se livreront à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction qui peut être punissable par mise en accusation aux termes d’une loi fédérale;

e) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles :

(i) soit commettront des actes d’espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s’entend au Canada,

(ii) soit, pendant leur séjour au Canada, travailleront ou inciteront au renversement d’un gouvernement par la force,

(iii) soit commettront des actes de terrorisme,

(iv) soit sont membres d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle :

(A) soit commettra des actes d’espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s’entend au Canada,

(B) soit travaillera ou incitera au renversement d’un gouvernement par la force,

(C) soit commettra des actes de terrorisme;

f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles :

(i) soit se sont livrées à des actes d’espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s’entend au Canada,

(ii) soit se sont livrées à des actes de terrorisme,

(iii) soit sont ou ont été membres d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée :

(A) soit à des actes d’espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s’entend au Canada,

(B) soit à des actes de terrorisme,

le présent alinéa ne visant toutefois pas les personnes qui convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national;

g) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu’elles commettront des actes de violence de nature à porter atteinte à la vie ou à la sécurité humaines au Canada, ou qu’elles appartiennent à une organisation susceptible de commettre de tels actes ou qu’elles sont susceptibles de prendre part aux activités illégales d’une telle organisation;

h) celles qui, de l’avis d’un arbitre, ne sont pas de véritables immigrants ou visiteurs;

i) celles qui cherchent à entrer au Canada sans avoir obtenu l’autorisation ministérielle requise par l’article 55;

j) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu’elles ont commis une infraction visée à l’un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre;

k) celles qui constituent un danger envers la sécurité du Canada, sans toutefois appartenir à l’une des catégories visées aux alinéas e), f) ou g);

l) celles qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d’un gouvernement qui, de l’avis du ministre, se livre ou s’est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à un fait — acte ou omission — qui aurait constitué une infraction au sens des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

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