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[1995] 3 C.F. 713

T-2065-94

Le procureur général de la Nouvelle-Écosse, représentant Sa Majesté la Reine du chef de la province de la Nouvelle-Écosse (requérant)

c.

Ultramar Canada Inc. (intimée)

et

George N. Addy, directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence (Canada), L.R.C. (1985), ch. C-34, art. 7(1) (intervenant)

et

Atlantic Oilworkers Union, Local 1 (intervenant)

T-2603-94

Le procureur général de la Nouvelle-Écosse, représentant Sa Majesté la Reine du chef de la province de la Nouvelle-Écosse (requérant)

c.

Ultramar Canada Inc. (intimée)

et

George N. Addy, directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence (Canada), L.R.C. (1985), ch. C-34, art. 7(1) (intervenant)

et

Atlantic Oilworkers Union, Local 1 (intervenant)

Répertorié : Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Ultramar Canada Inc. (1re inst.)

Section de première instance, juge MacKay— Halifax, 16 et 17 janvier; Ottawa, 31 août 1995.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — La partie intimée s’est engagée à exploiter une raffinerie pendant sept ans — Elle a fermé la raffinerie à cause d’un changement défavorable important — La province cherche à empêcher le directeur des enquêtes et recherches de rendre une décision sur la question du changement défavorable important en raison d’une crainte de partialité et demande un mandamus pour l’obliger à forcer la partie intimée de continuer d’exploiter la raffinerie — L’interprétation et la nature des engagements sont litigieuses — Le directeur n’a pas le pouvoir de se prononcer sur les intérêts opposés de la partie requérante et de la partie intimée — Il exerce une fonction administrative — La crainte raisonnable de partialité de la part du directeur dans l’évaluation des engagements de la partie intimée n’est pas la norme applicable — L’obligation d’équité n’a pas été violée — Le directeur n’a pas une obligation à caractère public d’obliger la partie intimée à continuer d’exploiter la raffinerie — Lorsque l’obligation d’agir relève d’un pouvoir discrétionnaire, un mandamus ne peut être accordé pour forcer l’exercice de cette obligation d’une manière particulière.

Concurrence — Le Tribunal de la concurrence a rendu une ordonnance par consentement en vertu de la Loi sur la concurrence concernant le dessaisissement des éléments d’actif de Texaco dans la région de l’Atlantique — L’objet de l’ordonnance est de maintenir la concurrence dans les secteurs du raffinage, de la vente en gros et de la vente au détail de pétrole — Impériale a racheté Texaco Canada au moyen d’un fusionnement — Ultramar a acheté la raffinerie située en Nouvelle-Écosse à Impériale — Elle s’est engagée à exploiter la raffinerie pendant sept ans, sauf en cas de changement défavorable important — Elle a fermé la raffinerie en se fondant sur un tel changement — La province a demandé une ordonnance de prohibition fondée sur une crainte de partialité de la part du directeur et une ordonnance de mandamus pour obliger le directeur à forcer Ultramar de continuer d’exploiter la raffinerie — Rôle du directeur des enquêtes et recherches en vertu de la Loi — La Loi n’autorise pas le directeur à se prononcer sur les intérêts opposés de la partie requérante et de la partie intimée — L’obligation d’agir équitablement envers la partie requérante a été respectée.

Pratique — Parties — Qualité pour agir — La partie intimée et l’intervenant mettent en doute la qualité pour agir de la partie requérante (la province de la Nouvelle-Écosse) — Application de l’art. 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale — Les mots « directement touché » employés à l’art. 18.1(1) n’ont pas un sens restreint — L’intérêt de la partie requérante dans la concurrence sur le marché pétrolier local et dans le maintien des opérations de la raffinerie était véritable et important — Reconnaissance de la qualité pour agir — Le syndicat s’est vu reconnaître la qualité pour agir comme intervenant — Il ne peut soulever de nouvelles questions qui diffèrent de celles soulevées par la partie requérante.

En 1990, la partie intimée, Ultramar, a acheté la raffinerie d’Eastern Passage, en Nouvelle-Écosse, à la Compagnie Pétrolière Impériale Limitée après que cette dernière se fut portée acquéreur, par fusionnement, des actions de Texaco Canada Inc. Après avoir conclu que le fusionnement diminuerait indûment la concurrence sur certains marchés, le directeur des enquêtes et recherches a demandé au Tribunal de la concurrence de rendre une ordonnance par consentement en vertu de la Loi sur la concurrence. Le Tribunal a accordé l’ordonnance demandée, dont l’objet était de maintenir la présence concurrentielle continue d’éléments d’actif de raffinage, de vente en gros et de vente au détail de pétrole qui soient viables dans la région de l’Atlantique. Par la suite, le directeur a approuvé conditionnellement l’achat par Ultramar des éléments d’actif de Texaco, y compris la raffinerie, dont Impériale s’était portée acquéreur. Parmi les conditions de cette approbation, Ultramar s’est engagée par écrit envers le directeur à exploiter la raffinerie pendant une période de sept ans sauf en cas de changement défavorable important et, si pareil changement se produisait pendant cette période, à donner un préavis de 90 jours avant de prendre des mesures compromettant l’exploitation de la raffinerie. En mai 1994, Ultramar a écrit au directeur pour l’informer de son intention de fermer la raffinerie au motif qu’un changement défavorable important s’était produit. Sur la base d’une crainte raisonnable de partialité de la part du directeur, la partie requérante a demandé une ordonnance visant à empêcher le directeur de rendre une décision définitive sur la question du changement défavorable important. Lorsqu’Ultramar a cessé d’exploiter la raffinerie en octobre 1994, la partie requérante a présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur de forcer Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie conformément aux engagements qu’elle avait pris. Quatre questions principales ont été soulevées : 1) la qualité de la partie requérante pour demander un redressement et la qualité pour agir du syndicat à titre d’intervenant; 2) le bien-fondé de la demande d’ordonnance de prohibition; 3) la nature des engagements pris par Ultramar; et 4) le bien-fondé de la demande d’ordonnance de mandamus.

Jugement : la partie requérante avait qualité pour demander un redressement et le syndicat avait qualité pour agir à titre d’intervenant; les deux demandes doivent être rejetées.

1) La question de la qualité pour agir se rapporte à l’application du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Le principe général veut qu’on reconnaisse à un groupe d’intérêt public la qualité pour contester l’exercice de pouvoirs administratifs lorsque la partie requérante démontre qu’elle a un intérêt véritable à titre de citoyen, qu’une question sérieuse est soulevée et qu’il n’existe pas d’autre moyen raisonnable et efficace de soumettre la question au tribunal. Le libellé du paragraphe 18.1(1) attribue à la Cour le pouvoir discrétionnaire de reconnaître la qualité pour agir quand elle est convaincue que les circonstances et l’intérêt qu’a le requérant justifient cette reconnaissance. Le paragraphe 18.1(1) comprend la procédure normale maintenant applicable aux demandes de jugement déclaratoire et on ne saurait présumer que le Parlement, en employant les mots « directement touché », entendait restreindre l’étendue de la qualité pour agir dans l’intérêt public à celle qui était reconnue avant la série de décisions de la Cour suprême commençant avec l’arrêt Thorson. L’intérêt de la province de la Nouvelle-Écosse dans la concurrence sur le marché pétrolier local et dans le maintien de l’activité économique et de l’emploi à la raffinerie est un intérêt public important et véritable. Cet intérêt est touché du fait des mesures prises par le directeur pour régler la question du changement défavorable important soulevée par Ultramar en vertu de l’engagement de 1990. Comme l’intérêt de la province est véritable et important, les questions soulevées, c’est-à-dire la crainte de partialité de la part du directeur dans la démarche suivie en l’espèce et les obligations du directeur relativement aux engagements pris par Ultramar, sont des questions réglables par les voies de justice. Les circonstances justifiaient qu’on reconnaisse à la partie requérante la qualité pour demander le contrôle judiciaire. Les intérêts de la justice permettaient de reconnaître le statut d’intervenant à l’Atlantic Oilworkers Union, Local 1, qui avait participé activement à titre d’intervenant aux procédures devant le Tribunal de la concurrence et aux premières étapes des consultations et de l’échange de lettres dont les présentes procédures sont l’aboutissement. Le principe général veut qu’un intervenant dans une procédure de contrôle judiciaire soit dans l’impossibilité de soulever une nouvelle question qui diffère de celles soulevées dans la demande, à moins que le tribunal n’autorise expressément le contraire. À certains égards, des questions différentes de celles qui ont été présentées par la partie requérante ont été soulevées, en particulier dans les observations écrites du syndicat. Mais ces observations ont généralement été utiles à la Cour parce qu’elles ont éclairé le contexte et les engagements litigieux.

2) Au moment de l’examen de la question du changement défavorable important, le directeur aurait agi de telle manière qu’il a suscité une crainte raisonnable de partialité. Tous les agissements du directeur à cet égard se sont produits après le dépôt de la demande de prohibition et n’étaient pas des facteurs dont il convenait de tenir compte pour évaluer la crainte raisonnable de partialité alléguée en l’espèce. Aucun fait n’appuyait les arguments du syndicat concernant un déni de justice naturelle à l’égard du droit d’être entendu au sujet des questions soulevées en l’espèce. Le droit d’être entendu n’implique pas le droit de voir son point de vue accepté. La partie requérante a eu la possibilité d’être entendue en ce qui a trait au sens des mots « changement défavorable important » et à la question de savoir si Ultramar avait établi qu’un tel changement s’était produit. Ni la partie requérante ni le syndicat n’ont été privés de la possibilité de fournir une interprétation des engagements de 1990 et d’exposer leurs perceptions des obligations du directeur en vertu de ces engagements. Le rôle du directeur à cet égard doit être déterminé en conformité avec la loi applicable, à savoir la Loi sur la concurrence. Toute obligation du directeur d’agir équitablement envers la partie requérante dépend de ce rôle. Ni les dispositions législatives habilitantes, ni les termes exprès de l’ordonnance par consentement du Tribunal, ni même les termes des engagements pris par Ultramar n’habilitaient le directeur à se prononcer sur les intérêts opposés d’Ultramar et de la partie requérante. Le directeur était libre, dans les limites des pouvoirs que lui confère la loi, de concevoir des mécanismes pour régler des questions qui relèvent de ses pouvoirs administratifs et d’enquête. En évaluant la situation pour établir les faits et examiner l’application des engagements pris par Ultramar à ces faits, le directeur s’acquittait d’une fonction administrative ordinaire conformément à son rôle en matière d’enquête et de protection de l’intérêt public. Il devait examiner les observations des parties avec un esprit ouvert avant de rendre une décision définitive. La fonction consistant pour le directeur à déterminer si Ultramar a rempli ses engagements n’est pas une fonction à l’égard de laquelle la crainte raisonnable de partialité est une norme appropriée. Il ne s’agit pas d’une norme applicable à une tâche administrative accomplie par quelqu’un qui a une obligation à caractère public, à savoir servir des intérêts créés par une loi habilitante. Le directeur n’a pas violé son obligation de fournir une procédure équitable à la partie requérante pour faire ses observations ni menacé de violer son obligation d’équité envers la partie requérante, de manière à justifier l’intervention de la Cour. La partie requérante ne pouvait pas demander à quelqu’un d’autre que le directeur de rendre une décision définitive sur la question de savoir si un changement défavorable important s’était produit depuis que l’engagement de 1990 avait été pris. La Cour n’a pas le pouvoir d’ordonner à un autre représentant du secteur public ou privé d’agir à la place du directeur.

3) Les engagements ne sont pas prévus par la Loi sur la concurrence ni dans l’ordonnance du Tribunal qui a donné lieu aux engagements pris. Dans la présente espèce, les engagements étaient plus qu’un contrat normal entre des parties privées. Ils créaient des attentes non seulement pour les parties à ces engagements, à savoir Ultramar et le directeur, mais aussi pour d’autres. Les mots employés dans les engagements mêmes, à savoir que les engagements sont un contrat régi sous tous les rapports par les lois applicables de l’Ontario et du Canada, doivent avoir une signification. Tout désaccord entre le directeur et Ultramar sur la question de l’exécution des obligations doit être réglé par un tribunal qui appliquera les lois désignées dans le cadre d’une poursuite intentée par l’une ou l’autre partie. Une différence importante dans l’interprétation de l’engagement de 1990 qui a été débattue dans le cadre de la présente demande consistait à savoir si cet engagement obligeait Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie à moins que le directeur ne détermine qu’un changement défavorable important s’était produit. Pour les fins de la présente demande, les engagements pris par Ultramar ne créaient pas pareille obligation; de plus, le directeur n’avait pas l’obligation correspondante d’exiger le maintien en exploitation de la raffinerie jusqu’à ce qu’une telle décision ait été rendue. Ultramar prenait toutefois le risque d’être poursuivie en justice par le directeur pour manquement à son engagement.

4) Il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle la Cour devrait inférer une obligation à caractère public de la part du directeur, à savoir obliger Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie pendant sept ans jusqu’à ce que lui-même ou quelqu’un à sa place décide qu’un changement défavorable important s’est produit. Pour qu’une obligation à caractère public soit implicite, elle doit découler de l’économie de la Loi et du règlement en vertu desquels agit l’autorité publique, en l’espèce le directeur. Les responsabilités du directeur en vertu des engagements ne découlaient pas directement de l’ordonnance du Tribunal ou de la Loi, mais des engagements mêmes. Ces responsabilités ne créaient pas une obligation implicite imposée par la Loi. L’existence d’une obligation à caractère public d’agir est l’une des conditions qui doivent être respectées pour qu’une ordonnance de mandamus puisse être accordée. Il n’existait aucune obligation à caractère public envers la requérante. Lorsque l’obligation d’agir relève d’un pouvoir discrétionnaire, un mandamus ne peut être accordé pour forcer l’exercice de cette obligation d’une manière particulière. Le texte de loi imposait au directeur une obligation générale à caractère public, à savoir examiner l’argument d’Ultramar selon lequel un changement défavorable important s’était produit; cette obligation comprenait le pouvoir de se pourvoir en justice si le directeur n’était pas du même avis qu’Ultramar au sujet du changement défavorable important ou de la décision de fermer la raffinerie. C’est au directeur qu’il appartient de déterminer, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, si une poursuite doit être intentée. Il n’appartient pas à la Cour d’ordonner l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ou de préciser comment ce pouvoir devrait être exercé.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19), art. 1.1 (édicté, idem), 7, 101 (édicté, idem, art. 45), 105 (édicté, idem).

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(1) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 28(2).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1611(3) (édictée par DORS/92-43, art. 19).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Friends of the Island Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 2 C.F. 229 (1993), 102 D.L.R. (4th) 696; 10 C.E.L.R. (N.S.) 204; 61 F.T.R. 4 (1re inst.); Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623; (1992), 95 Nfld. & P.E.I.R. 271; 4 Admin. L.R. (2d) 121; 134 N.R. 241; Edmonton Friends of the North Environmental Society c. Canada (Ministre de la Diversification de l’économie de l’ouest canadien), [1991] 1 C.F. 416 (1990), 73 D.L.R. (4th) 653; [1991] 2 W.W.R. 577; 78 Alta. L.R. (2d) 97; 47 Admin. L.R. 265; 114 N.R. 153 (C.A.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l’énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; (1976), 68 D.L.R. (3d) 716; 9 N.R. 115; Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 232 (1993), 16 Admin. L.R. (2d) 1; 20 Imm. L.R. (2d) 231; 156 N.R. 212 (C.A.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Canada (Directeur des enquêtes et recherches : Loi sur la concurrence) c. La Compagnie Pétrolière Impériale Ltée, [1990] D.T.C.C. no 1 (QL); Canada (Directeur des enquêtes et recherches : Loi sur la concurrence) c. La Compagnie Pétrolière Impériale Ltée, [1990] D.T.C.C. no 3 (QL); Canada (Loi sur la concurrence : Directeur des enquêtes et recherches) c. Imperial Oil Limited, [1994] D.T.C.C. no 23 (QL); Syndicat canadien des télécommunications, division no 1 des Travailleurs unis du télégraphe c. Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers, [1982] 1 C.F. 603 (1981), 126 D.L.R. (3d) 228; 81 CLLC 14,126; 42 N.R. 243 (C.A.); Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; (1978), 12 A.R. 449; 89 D.L.R. (3d) 161; 7 Alta. L.R. (2d) 370; 23 N.R. 565; Alex Couture Inc. c. Canada (Procureur général) (1991), 83 D.L.R. (4th) 577; [1991] R.J.Q. 2534; 38 C.P.R. (3d) 293; 41 Q.A.C. 1 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 447 (1994), 17 Admin. L.R. (2d) 2; 164 N.R. 361 (C.A.); Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; (1974), 43 D.L.R. (3d) 1; 1 N.R. 225; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; (1975), 12 N.S.R. (2d) 85; 55 D.L.R. (3d) 632; 32 C.R.N.S. 376; 5 N.R. 43; Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; (1981), 130 D.L.R. (3d) 588; [1982] 1 W.W.R. 97; 12 Sask. R. 420; 64 C.C.C. (2d) 97; 24 C.P.C. 62; 24 C.R. (3d) 352; 39 N.R. 331; Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607; (1986), 33 D.L.R. (4th) 321; [1987] 1 W.W.R. 603; 23 Admin. L.R. 197; 17 C.P.C. (2d) 289; 71 N.R. 338; Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (1993), 18 Admin. L.R. (2d) 122; 52 C.P.R. (3d) 339; 162 N.R. 177 (C.A.).

DEMANDES d’ordonnances de prohibition et de mandamus contre le directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence relativement aux engagements écrits pris par la partie intimée, Ultramar, envers le directeur d’exploiter une raffinerie. Demandes rejetées.

AVOCATS :

Reinhold M. Endres et Louise Poirier pour le requérant.

Glenn A. Hainey et Michael S. Koch pour l’intimée.

Michael F. Donovan et Nile A. Kaya pour le directeur des enquêtes et recherches intervenant.

Ronald A. Pink, c.r., et Leanne W. Macmillan pour l’Atlantic Oilworkers Union, Local 1 intervenant.

PROCUREURS :

Ministère de la Justice, province de la Nouvelle-Écosse pour le requérant.

Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer, Toronto, pour l’intimée.

Le sous-procureur général du Canada pour le directeur des enquêtes et recherches intervenant.

Pink, Breen, Larkin, Halifax, pour l’Atlantic Oilworkers Union, Local 1 intervenant.

Ce qui suit est la version française des motifs des ordonnances rendus par

Le juge MacKay : Le procureur général de la Nouvelle-Écosse, qui représente Sa Majesté la Reine du chef de la province de la Nouvelle-Écosse (la partie requérante ou la province), demande au moyen de deux avis de requêtes introductives d’instance entendues conjointement le contrôle judiciaire d’activités de l’intervenant George N. Addy, qui est le directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence du Canada (la Loi), L.R.C. (1985), ch. C-34 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19], paragraphe 7(1) (le directeur), et le prononcé d’ordonnances contre celui-ci.

Les activités du directeur qui préoccupent la partie requérante et qui ont donné lieu aux demandes de contrôle judiciaire se rapportent à des engagements écrits que la partie intimée, Ultramar Canada Inc. (Ultramar), a pris envers le directeur relativement à l’achat et à l’exploitation subséquente de la raffinerie d’Eastern Passage, en Nouvelle-Écosse (la raffinerie). Ultramar a acheté la raffinerie à la Compagnie Pétrolière Impériale Limitée en 1990, après que cette dernière se fut portée acquéreur, par fusionnement, des actions de Texaco Canada Inc. à des conditions généralement approuvées, à la demande du directeur, par le Tribunal de la concurrence en vertu de la Loi. Parmi les conditions des arrangements relatifs à la prise en charge par Ultramar des opérations de Texaco dans la région de l’Atlantique en 1990, Ultramar a pris l’engagement par écrit envers le directeur d’exploiter la raffinerie pendant une période de sept ans, sauf en cas de changement défavorable important, et, si pareil changement se produisait pendant cette période, de donner un préavis de 90 jours avant de prendre des mesures compromettant l’exploitation de la raffinerie. Après avoir assuré la charge de ces opérations, Ultramar a pris, en 1993, un autre engagement écrit envers le directeur, à savoir que si elle informait le directeur de son intention de cesser l’exploitation de la raffinerie au cours de la période de sept ans pendant laquelle elle s’était engagée à le faire, elle lui fournirait la preuve de ses tentatives pour offrir publiquement en vente la raffinerie et de l’absence de tout acheteur éventuel intéressé à exploiter la raffinerie.

En mai 1994, Ultramar a écrit au directeur pour l’informer de son intention de fermer la raffinerie au motif qu’un changement défavorable important s’était produit. Le directeur a mis en place un mécanisme en vue de l’examen des mesures prises par Ultramar à la lumière de ses engagements antérieurs, et la province de la Nouvelle-Écosse a été invitée par le directeur à participer à cet examen en tant que partie intéressée. Pour différentes raisons, la province a conclu que les circonstances suscitaient une crainte de partialité de la part du directeur quant à l’examen de la question de savoir si un changement défavorable important s’était produit. Elle a donc demandé, au moyen d’une requête présentée le 2 septembre 1994, une ordonnance visant à empêcher le directeur de rendre une décision définitive sur cette question. Lorsqu’Ultramar a cessé d’exploiter la raffinerie en octobre 1994, la partie requérante a présenté, le 28 octobre, une deuxième demande en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur de forcer Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie conformément aux engagements que la compagnie avait pris, tels que la province les interprétait.

Ces demandes soulèvent plusieurs questions. J’ai entendu, en tant que question préliminaire, une demande présentée par l’Atlantic Oilworkers Union, Local 1, en vue d’obtenir l’autorisation d’intervenir à l’audition des deux demandes. Cette demande a été entendue, et accueillie à certaines conditions, une semaine seulement avant la date fixée pour l’audition des demandes de contrôle judiciaire. Une autre question s’est posée pendant l’audition lorsque le syndicat intervenant a soulevé des questions que la partie intimée et le directeur ont jugées différentes de celles soulevées par la partie requérante. La qualité pour agir du syndicat intervenant à cet égard a été contestée par la partie intimée, Ultramar, et par le directeur, mais a été soutenue par la partie requérante, dans des observations écrites qui ont été présentées après l’audition des demandes. Je vais examiner la reconnaissance du syndicat en tant qu’intervenant et l’étendue autorisée de son intervention après avoir statué sur les questions principales, c’est-à-dire celles que soulèvent les demandes présentées par le procureur général de la Nouvelle-Écosse.

La partie intimée, Ultramar, et le directeur intervenant contestent tous deux la qualité de la partie requérante pour demander le redressement recherché en l’espèce et le bien-fondé des demandes d’ordonnances de prohibition et de mandamus. La nature des engagements pris par Ultramar, sur lesquels reposent les demandes de redressement, est implicitement en litige dans les présentes procédures.

Mes conclusions sur les questions principales qui sont soulevées peuvent être résumées ainsi qu’il suit.

1. La partie requérante a qualité pour demander un contrôle judiciaire et des ordonnances comme celles qui sont demandées en l’espèce.

2. Les questions principales qui sont soumises à la Cour sont celles qui sont nécessaires pour statuer sur les demandes présentées par la partie requérante et, à cet égard, après avoir examiné les observations des parties,

(i) la demande d’ordonnance de prohibition est rejetée, et

(ii) la demande d’ordonnance de mandamus est rejetée.

3. Avant de traiter la demande d’ordonnance de mandamus, j’examine la nature des engagements litigieux en l’espèce. J’arrive à la conclusion que ceux-ci sont plus que des engagements contractuels ordinaires à certains égards mais que, de par leurs termes exprès, ils ont un caractère contractuel en ce qui a trait à leur interprétation et à leur application, et que les parties à ces engagements sont Ultramar et le directeur.

4. La demande de statut d’intervenant présentée par le syndicat est accueillie, mais, de par ses termes et selon les principes généraux, elle ne permet pas à l’intervenant de soulever des questions que la partie requérante n’a pas soulevées. Le syndicat soutient qu’il ne soulève pas des questions différentes de celles présentées par la partie requérante, mais j’arrive à la conclusion qu’il le fait à certains égards, en particulier dans ses observations écrites.

Dans les motifs qui suivent, j’examinerai ces questions et ces décisions dans l’ordre indiqué, après avoir passé en revue les circonstances qui ont abouti aux demandes soumises à la Cour.

Le contexte

En 1989, le directeur a conclu que le fusionnement de la Compagnie Pétrolière Impériale Limitée et de Texaco Canada Inc. diminuerait indûment la concurrence sur certains marchés, et il a demandé au Tribunal de la concurrence, en juin 1989, de rendre une ordonnance par consentement en vertu de la Loi sur la concurrence. L’ordonnance demandée visait à imposer le dessaisissement de certains éléments d’actif acquis par Impériale lorsqu’elle s’est portée acquéreur des actions en circulation de Texaco, et certaines autres mesures de redressement. Le syndicat intervenant en l’instance est également intervenu dans les procédures devant le Tribunal, et il semble avoir joué un rôle important en ce qui a trait aux questions touchant l’exploitation des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique. La province de la Nouvelle-Écosse n’est pas intervenue dans ces procédures, bien que le Québec et Terre-Neuve l’aient fait par l’intermédiaire de leur procureur général respectif.

Par sa décision en date du 26 janvier 1990 [[1990] D.T.C.C. no 1 (QL)], le Tribunal de la concurrence a approuvé, relativement à la demande du directeur, une partie seulement du projet d’ordonnance par consentement. Cette décision est en partie libellée ainsi qu’il suit (à la page 14 et aux pages 66 et 67 respectivement) :

S’agissant de la région de l’Atlantique, les dispositions visant cette région ne seront approuvées seulement à l’une des deux conditions suivantes :

i) soit que tous les éléments d’actif dans la région fassent l’objet d’un dessaisissement;

ii) soit que des éléments de preuve supplémentaires concernant les ressources financières, les compétences, l’expérience et les plans de l’acquéreur soient communiqués au Tribunal, lesquels renseignements devront démontrer que l’acquéreur des éléments d’actif de Texaco sera effectivement un concurrent dynamique dans la région de l’Atlantique, à l’exemple de Texaco qu’il sera appelé à remplacer.

et

… les dispositions du PROC [le projet révisé d’ordonnance par consentement], concernant la région de l’Atlantique, étaient les plus problématiques pour le Tribunal. En résumé, ces dispositions soulevaient la question … de savoir dans quelle mesure un dessaisissement, dans le cas d’un marché non concurrentiel avant le fusionnement, sans être un dessaisissement complet de tous les éléments d’actif dans la région géographique, permettrait de satisfaire aux critères d’approbation. Deux des membres du Tribunal … ne sont pas convaincus du fait que les dispositions prévues au POC [projet d’ordonnance par consentement] ou au PROC permettront fort vraisemblablement d’empêcher la diminution sensible de la concurrence dans la région de l’Atlantique, ce qui sera l’effet présumé du fusionnement.

Puis, le Tribunal de la concurrence a rendu, en février 1990 [[1990] D.T.C.C. no 3 (QL)], une ordonnance par consentement donnant effet à sa décision, qui contenait des dispositions agréant au Tribunal, au directeur et à Impériale. Cette ordonnance comprenait les dispositions suivantes portant sur le dessaisissement par Impériale des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique [aux pages 8, 13 et 18 à 21 de QL].

1. L’objet de la présente ordonnance est de maintenir la présence concurrentielle continue d’éléments d’actif de raffinage, de vente en gros et de vente au détail de pétrole qui soient viables, de façon que l’acquisition, directe ou indirecte, du contrôle par Impériale, par l’achat d’actions, des opérations de Texaco n’empêche ni ne diminue sensiblement la concurrence, ou n’ait vraisemblablement pas cet effet, dans le secteur aval de l’industrie pétrolière canadienne.

5. Tous les dessaisissements prévus aux présentes sont sujets à l’approbation préalable du directeur …

12. Dans la région de l’Atlantique, Impériale doit se dessaisir de tous les éléments d’actif suivants (qui sont décrits de façon plus détaillée aux annexes 1, 2, 3 et 4) :

a) la raffinerie d’Eastern Passage …

14. Le dessaisissement des éléments d’actif dans la région de l’Atlantique doit, dans la mesure où cela est raisonnable et possible, se faire au profit d’un acheteur unique, lequel a, selon le directeur, l’intention et la capacité de livrer une concurrence efficace et vigoureuse dans la région de l’Atlantique. En exerçant son droit d’approbation en vertu de la présente ordonnance et conformément aux dispositions de la Loi, le directeur tiendra compte, outre les critères applicables aux acquisitions prévus par la Loi,

(i) de la situation financière de l’acheteur proposé des éléments d’actif et de leur maintien en exploitation;

(ii) des plans commerciaux de l’acheteur proposé en ce qui concerne le maintien en état et en exploitation des éléments d’actif;

(iii) [de] l’accès à l’expertise d’ordre technique et commercial dont dispose l’acheteur proposé pour maintenir en exploitation intégrée les éléments d’actif.

Par la suite, le directeur a approuvé conditionnellement l’achat par la partie intimée, Ultramar, des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique, y compris la raffinerie, dont Impériale s’était portée acquéreur. Parmi les conditions de cette approbation, il y avait certains engagements pris par Ultramar et énoncés dans une lettre envoyée au directeur en date du 24 septembre 1990. Cette lettre est libellée en partie ainsi qu’il suit :

[traduction] La présente a pour objet de confirmer que, sous réserve de l’approbation par le directeur du projet d’acquisition par Ultramar Canada Inc. des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique dont la Compagnie Pétrolière Impériale Limitée s’était portée acquéreur, en vertu des dispositions de la Loi sur la concurrence et de l’ordonnance par consentement entre le directeur des enquêtes et recherches et la Compagnie Pétrolière Impériale Limitée et autres rendue par le Tribunal de la concurrence le 6 février 1990, et de la conclusion de la transaction, Ultramar Canada Inc. (« Ultramar ») prend les engagements suivants envers le directeur :

3.   Maintien des opérations de la raffinerie de Dartmouth

Ultramar a l’intention de continuer à exploiter la raffinerie d’Eastern Passage située à Dartmouth. Plus précisément :

A.   La raffinerie continuera à être exploitée pendant au moins sept ans à compter de la date de clôture de l’achat des éléments d’actif de Texaco Canada, sauf en cas de changement défavorable important.

Si un changement défavorable important survient au cours de cette période de sept ans, Ultramar remettra au directeur un avis d’au moins 90 jours avant de prendre des mesures compromettant l’exploitation de la raffinerie.

B.   Ultramar joint en annexe « C » le texte d’un programme d’investissement qu’elle a l’intention d’appliquer à l’égard de la raffinerie de Dartmouth.

4.   Rapports au directeur

Ultramar remettra au directeur, au moins une fois par année, un rapport écrit ainsi que les autres rapports écrits ou oraux que le directeur pourra demander concernant l’exécution de ses engagements, et fournira au directeur tout autre renseignement que celui-ci pourra raisonnablement exiger pour être en mesure de déterminer les modalités et l’étendue de la mise en œuvre des engagements.

Ultramar convient que les présents engagements et la présente entente sont définitivement censés être un contrat passé en vertu des lois de la province de l’Ontario et des lois du Canada applicables à cet égard et, sous tous les rapports, régi par ces lois et interprété conformément à ces lois.

Dans cette même lettre, Ultramar a convenu que les engagements pourraient, à la demande du directeur, faire partie d’une ordonnance par consentement du Tribunal de la concurrence aux termes de l’article 105 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 45] de la Loi sur la concurrence, mais aucune demande en ce sens n’a été faite.

L’annexe « C » mentionnée dans la lettre précitée concerne la raffinerie et énonce les raisons pour lesquelles Ultramar croyait qu’elle pourrait continuer de l’exploiter. Cette annexe présente également plusieurs projets concernant un investissement possible dans des améliorations à la raffinerie, pour un total de quelque 48 millions de dollars, en plus des dépenses annuelles consacrées à l’entretien.

Les engagements étaient censés être pris en considération par le directeur au moment de décider de donner l’approbation prévue dans l’ordonnance par consentement de février 1990 du Tribunal. Les arrangements pris avec Ultramar, y compris les engagements écrits, ont été approuvés par le directeur, et Ultramar a fait l’acquisition des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique dont Impériale s’était portée acquéreur.

Après des discussions avec le directeur, Ultramar a pris d’autres engagements dans une lettre en date du 25 octobre 1993 qu’elle lui a fait parvenir. Dans cette lettre, Ultramar évoque la lettre du 24 septembre 1990 et, plus précisément, l’engagement pris à ce moment-là de continuer à exploiter la raffinerie. La lettre en date du 25 octobre est en partie libellée ainsi qu’il suit :

[traduction] La présente a pour objet de confirmer que, si Ultramar Canada Inc. avise le directeur, conformément aux engagements du 24 septembre 1990, d’une mesure qui compromettra l’exploitation de la raffinerie, notamment si elle informe le directeur de son intention de cesser de l’exploiter avant l’expiration de la période de sept ans prévue dans les engagements du 24 septembre 1990, Ultramar fournira au directeur, après avoir examiné la question avec celui-ci, des données permettant de déterminer s’il existe encore un intérêt raisonnable et légitime de la part d’une partie viable en ce qui a trait au maintien de la raffinerie comme entreprise en pleine exploitation au Canada. Pour se conformer à cet engagement, Ultramar devra établir, à la satisfaction du directeur, qu’elle a publiquement offert en vente la raffinerie sans imposer de restriction déraisonnable quant au prix et qu’il n’existe aucune manifestation légitime d’intérêt quant à l’achat de la raffinerie et au maintien de son exploitation.

Vers la fin d’avril et le début de mai 1994, la partie requérante, le directeur et le syndicat ont tous appris de diverses sources qu’Ultramar envisageait de fermer la raffinerie. Le personnel du directeur a promis à l’avocat du syndicat, qui représentait également la province à ce moment-là, que [traduction] « les opinions des parties intéressées, en particulier celles de votre client, seront recueillies et prises en considération » au moment d’évaluer toute affirmation d’Ultramar quant au changement défavorable important requis pour qu’elle puisse prendre des mesures compromettant l’exploitation de la raffinerie.

Le 10 mai 1994, Ultramar a officiellement informé le directeur de sa conclusion selon laquelle il y avait eu un changement défavorable important au sens de l’engagement de 1990. Ultramar a donné au directeur le préavis de 90 jours prévu dans cet engagement, par lequel elle annonçait son intention de fermer la raffinerie et confirmait qu’elle était prête à la mettre en vente. Les intentions générales d’Ultramar étaient alors connues de toutes les parties aux procédures.

Le 1er juin 1994, lors d’une réunion avec le directeur convoquée à la demande de la province, le directeur a informé les représentants de la province de la position prise par Ultramar et a fait savoir qu’il examinerait cette position et donnerait aux parties intéressées, y compris la province, la possibilité de présenter des observations avant de rendre une décision sur la question du changement défavorable important. La province a demandé à obtenir une copie de tous les renseignements fournis par Ultramar, mais le directeur lui a opposé un refus parce qu’Ultramar ne lui avait pas donné la permission de fournir à la province les renseignements qui étaient considérés comme confidentiels parce qu’ils portaient sur les opérations commerciales d’Ultramar. Le 9 juin 1994, l’avocat de la province, qui représentait également le syndicat à ce moment-là, a écrit au directeur pour lui expliquer que, selon son interprétation, le terme changement défavorable important employé dans l’engagement de 1990 ne voulait pas simplement dire une pénurie de ventes ou d’investissements, ou le résultat des forces normales du marché, mais signifiait un événement catastrophique pour la raffinerie.

Le 27 juin 1994, Ultramar a récrit au directeur pour lui exposer son point de vue sur la question du changement défavorable important et lui fournir les renseignements qu’il avait demandés précédemment sur cette question.

Le 7 juillet 1994, la partie requérante a reçu une lettre du directeur qui était libellée en partie ainsi qu’il suit :

[traduction] Un mécanisme a été mis en place afin de déterminer si un changement défavorable important s’est produit, comme l’exigent les engagements du 24 septembre 1990 … Je distribuerai prochainement à toutes les parties qui s’intéressent à la situation de la raffinerie de Dartmouth un résumé des observations d’Ultramar. Je communiquerai en même temps à toutes ces parties intéressées mes opinions initiales sur le changement défavorable important allégué par Ultramar. Toutes les parties intéressées auront alors douze jours pour soumettre d’autres observations à mon bureau. Je rendrai une décision définitive lorsque j’aurai reçu les opinions des tierces parties.

L’avocat qui représentait alors la province et le syndicat a accusé réception de la lettre du directeur. Par la suite, dans une lettre en date du 14 juillet 1994 qu’il a télécopiée au directeur, le nouvel avocat nommé pour représenter la province a demandé au directeur de donner à cette dernière l’occasion de le rencontrer pour lui faire part de ses craintes et lui apporter son aide avant qu’il ne fasse une [traduction] « recommandation provisoire ». Le directeur n’a pas répondu directement à cette demande mais, dans l’accusé de réception en date du 22 juillet envoyé au nom du directeur, on indiquait qu’on ne savait pas très bien qui était le représentant de la province à ce moment-là et on invitait la province à fournir ses observations dans les plus brefs délais, en réponse à l’invitation lancée par le directeur environ quatre jours plus tôt.

Dans une lettre en date du 18 juillet 1994 qui lui a été envoyée au nom du directeur, la province a été renseignée sur le processus en cours. Cette lettre contenait une note [traduction] « exposant les opinions initiales du directeur sur la question du changement défavorable important et présentant l’information sur laquelle ces opinions initiales sont fondées ». La lettre d’accompagnement précisait que le directeur avait examiné la question du changement défavorable important à partir de l’information qui lui avait été fournie par Ultramar et par d’autres sources, et qui avait été analysée par le personnel du Bureau de la politique de concurrence et un spécialiste de l’industrie dont le directeur avait retenu les services. Les parties intéressées devaient avoir la possibilité de présenter des observations sur cette question avant que le directeur ne rende une décision définitive, et ces observations devaient être reçues au plus tard le 1er août 1994. La lettre d’accompagnement précisait ceci : [traduction] « la trousse ne contient pas toute l’information sur laquelle les opinions du directeur sont fondées, étant donné que certains documents ne peuvent être divulgués en raison de leur caractère stratégique sur le plan commercial. On estime toutefois que l’information communiquée dans la trousse est suffisante pour permettre aux parties intéressées de présenter des observations sur la question. »

Voici un extrait de la note qui renferme les opinions initiales du directeur :

[traduction] Tout compte fait, l’opinion initiale du directeur, qui est fondée sur les observations d’Ultramar, sur l’examen des documents à l’appui fournis par Ultramar et sur l’analyse de l’information qu’ils renferment par le personnel du directeur et l’expert-conseil, est la suivante : un changement défavorable important s’est produit et il convient de libérer Ultramar de son obligation de continuer à exploiter la raffinerie de Dartmouth. La diminution des marges de raffinage, combinée à d’autres changements moins importants sur le marché, a fait en sorte que la raffinerie de Dartmouth, qui était une installation marginale au moment où les engagements de 1990 ont été pris, est devenue une source inefficace d’approvisionnement en dérivés raffinés du pétrole dans les provinces maritimes. La situation actuelle sur le marché est apparue indépendamment des mesures prises par Ultramar. La capacité d’Ultramar d’approvisionner le marché d’une manière plus rentable est le résultat de décisions commerciales prises en réaction aux changements du marché auxquels elle fait face depuis 1990.

L’objet de la note est exposé en ces termes dans l’introduction :

[traduction] La note et les pièces jointes sont destinées à permettre à des tierces parties intéressées de présenter au directeur leurs propres observations sur la question. Ces observations doivent être reçues au plus tard le 1er août 1994. Le directeur examinera les opinions et les renseignements fournis par les tierces parties, ainsi que les observations d’Ultramar, et rendra ensuite une décision définitive sur la question.

Le 19 juillet 1994, la partie requérante a demandé une prorogation du délai accordé pour présenter des observations au directeur sur la question du changement défavorable important. Le 26 juillet 1994, elle a appris que la date limite avait été reportée au 26 août 1994 avec le consentement d’Ultramar. Cette prorogation aurait été demandée par le directeur en raison de l’expiration imminente du préavis de 90 jours prévu dans les engagements de 1990.

Le 19 août 1994, la partie requérante a demandé au directeur de lui fournir d’autres renseignements sur les marges commerciales véritables à la raffinerie, pour l’aider dans la préparation de sa réponse aux observations d’Ultramar et aux opinions initiales du directeur. Elle a finalement transmis au directeur ses observations sur la question du changement défavorable important le 26 août 1994. En même temps, elle a fait savoir qu’elle avait l’intention de déposer une demande d’ordonnance de prohibition fondée sur une crainte raisonnable de partialité de la part du directeur.

Le 30 août 1994, la partie requérante a été invitée à rencontrer le directeur et des membres de son personnel pour discuter de ses observations sur le changement défavorable important et de ses craintes. On lui a également fourni des renseignements sur les marges en réponse à sa demande antérieure à ce sujet. Le 1er septembre 1994, la partie requérante a accepté de rencontrer le directeur et ses collaborateurs le 8 septembre, comme proposé, mais a fait savoir qu’elle déposerait probablement une demande d’ordonnance de prohibition contre le directeur avant cette réunion. Elle a laissé entendre que, dans ces circonstances, le directeur devrait cesser de s’occuper de l’affaire et devrait plutôt confier à quelqu’un d’autre la responsabilité de rendre une décision sur la question du changement défavorable important. La requête introductive d’instance dans laquelle la partie requérante demandait une ordonnance de prohibition contre le directeur fondée sur une crainte raisonnable de partialité a été déposée le 2 septembre 1994.

Le 8 septembre 1994, des représentants de la province ont rencontré le directeur et ses conseillers à Ottawa lors d’une réunion présidée par le directeur. À cette occasion, le directeur a déclaré que son intention était de permettre à la province d’exposer sa thèse, et il a ajouté qu’il voulait bien faire comprendre qu’il n’avait pas rendu une décision définitive sur la question du changement défavorable important.

Le 28 septembre 1994, l’avocat du directeur a avisé la partie requérante que le directeur serait en mesure d’examiner la question du changement défavorable important le 30 septembre. Mais le directeur ne l’avait pas encore fait lorsque, le 3 octobre, un membre de son bureau a fait savoir que le directeur avait conclu qu’il serait inopportun de rendre une décision définitive sur la question du changement défavorable important pendant que la demande d’ordonnance de prohibition de la partie requérante était en instance.

Le 4 octobre 1994, l’avocat de la partie requérante a avisé Ultramar—le directeur a obtenu copie de cet avis—que la position de la province était la suivante : puisque le directeur avait décidé qu’il ne statuerait pas sur la question du changement défavorable important à ce moment-là, Ultramar était liée par l’engagement qu’elle avait pris de continuer à exploiter la raffinerie jusqu’au règlement de la question. L’avocat de la province a de nouveau défendu cette position le 7 octobre lorsqu’il a écrit au bureau du directeur pour exiger que le Bureau de la politique de concurrence intente immédiatement une poursuite contre Ultramar pour [traduction] « rupture de contrat et toute autre cause d’action pouvant exister. Comme Ultramar n’a pas respecté les engagements contractuels qu’elle a pris envers le directeur le 24 septembre 1990 et le 25 octobre 1993, nous espérons que le Bureau jugera également bon de demander une injonction provisoire ». Ce jour-là, soit le 7 octobre, l’avocat de la province a également écrit à un procureur du directeur pour demander que l’engagement de 1990 soit exécuté contre Ultramar.

Le 9 octobre 1994, Ultramar a cessé de traiter du pétrole brut à la raffinerie et a commencé la réduction progressive des opérations de la raffinerie. L’avocat de la province et l’avocat du directeur se sont échangé d’autres lettres, mais aucune autre mesure n’a été prise, sauf que la requête introductive d’instance de la province concernant la demande d’ordonnance de prohibition a été modifiée, à la demande de cette dernière, avec l’autorisation de la Cour.

Le 28 octobre 1994, la partie requérante a déposé sa deuxième demande dans laquelle elle demandait, par voie de requête introductive d’instance, le prononcé d’une ordonnance de mandamus pour obliger le directeur à faire exécuter les engagements pris par Ultramar en 1990. Une ordonnance ultérieure de la Cour a modifié le statut du directeur qui, de partie intimée qu’il était dans ces deux procédures, est devenu un intervenant, conformément à la décision rendue par la Cour d’appel dans l’affaire Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 447(ci-après « Bernard »).

Le 4 novembre 1994 [[1994] C.C.T.D. no 23 (QL)], le Tribunal de la concurrence a rejeté la demande présentée par un intervenant dans les procédures, l’Atlantic Oilworkers Union, Local 1, qui voulait que le Tribunal fasse valoir sa compétence au sujet des questions soulevées par la fermeture de la raffinerie et de l’exécution des engagements pris par Ultramar. Le juge Rothstein, qui s’est exprimé au nom du Tribunal, a statué que le Tribunal n’avait pas compétence pour faire exécuter les engagements pris par Ultramar ou pour forcer le directeur à les faire exécuter.

Qualité de la province pour demander un redressement

La partie intimée, Ultramar, et le directeur intervenant contestent tous deux la qualité de la partie requérante pour présenter les présentes demandes de contrôle judiciaire et demander le redressement recherché en l’espèce, à savoir :

1) une ordonnance de prohibition visant à empêcher le directeur de rendre une décision définitive sur la question du changement défavorable important, de sorte que cette décision soit rendue par une autre personne compétente, soit désignée par le directeur comme la partie requérante semble le suggérer, soit nommée par la présente Cour comme le syndicat intervenant le demande; et

2) une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur de faire exécuter l’engagement pris par Ultramar d’exploiter la raffinerie jusqu’à ce que le directeur, ou quelqu’un à sa place, ait statué qu’un changement défavorable important s’est produit ou jusqu’à l’expiration de l’engagement.

La question de la qualité pour agir se rapporte à l’application du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5, qui dispose :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

Il y a encore peu de décisions qui portent sur le paragraphe 18.1(1). Par contre, il existe une jurisprudence abondante sur la question générale de la qualité pour agir, notamment des arrêts de la Cour suprême du Canada qui énoncent les principes généralement applicables à cet égard. Parmi ces arrêts figurent ceux qui jettent les bases modernes de la qualité pour agir dans l’intérêt public. Voir Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; et Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S 607. Ces arrêts énoncent le principe général selon lequel on reconnaît à un groupe d’intérêt public la qualité pour contester l’exercice de pouvoirs administratifs lorsque la partie requérante démontre qu’elle a un intérêt véritable à titre de citoyen, qu’une question sérieuse est soulevée et qu’il n’existe pas d’autre moyen raisonnable et efficace de soumettre la question au tribunal.

Dans la présente espèce, le directeur soutient que les mots « directement touché » employés au paragraphe 18.1(1) ont un sens assez restreint, qui est antérieur aux décisions de la Cour suprême en matière de qualité pour agir dans l’intérêt public. Ces mots sont identiques à ceux qui étaient employés dans l’ancien paragraphe 28(2) de la Loi sur la Cour fédérale, disposition qui prévoyait, jusqu’en 1992, le contrôle par la Cour d’appel des décisions rendues par un office fédéral exerçant une fonction judiciaire ou quasi-judiciaire. Le législateur a volontairement employé les mêmes mots lorsqu’il a édicté l’article 18.1 pour modifier la Loi sur la Cour fédérale et prévoir expressément la procédure de contrôle judiciaire.

Ma collègue Mme le juge Reed a examiné et rejeté cet argument dans l’arrêt Friends of the Island Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 2 C.F. 229(1re inst.). Elle a fait les remarques suivantes (à la page 283) :

… je ne peux pas conclure que, lorsque le législateur a modifié la Loi sur la Cour fédérale … il a voulu limiter la révision judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(1) au critère défini avant les arrêts Thorson, Borowski et Finlay. Je suis d’avis que le libellé du paragraphe 18.1(1) attribue à la Cour le pouvoir discrétionnaire de reconnaître la qualité pour agir quand elle est convaincue que les circonstances particulières de l’espèce et le type d’intérêt qu’a le requérant justifient cette reconnaissance. (À supposer bien sûr qu’il y ait une question réglable par les voies de justice et qu’il n’existe aucun autre moyen efficace et pratique de soumettre la question aux tribunaux.)

Dans la présente espèce, Ultramar et le directeur invoquent plusieurs moyens au soutien de l’affirmation selon laquelle on ne doit pas reconnaître à la province la qualité pour agir. Je résume ci-après mes vues sur leurs arguments, au risque de trop simplifier ceux-ci.

a) Ultramar et le directeur font valoir que la province n’est pas « directement touché[e] par l’objet de la demande » étant donné que cet « objet » est l’opinion définitive du directeur sur l’existence ou non d’un changement défavorable important au sens de l’engagement de 1990. Ils affirment que la conclusion définitive du directeur sur cette question n’a aucun effet direct sur l’intérêt de la province car c’est seulement après que le directeur aura tranché cette question et pris des mesures à cet égard que cette décision et ces mesures auront un effet sur la province. Il se peut qu’il n’y ait aucun effet si le directeur conclut qu’un changement défavorable important s’est produit.

À mon avis, cet argument donne une interprétation trop étroite aux mots « directement touché » qui sont employés au paragraphe 18.1(1). Ce même argument empêcherait une partie, y compris Ultramar dans d’autres circonstances, de demander le contrôle judiciaire des décisions du directeur en ce qui a trait aux engagements, étant donné que les mots « directement touché », dans ces conditions, ne permettraient pas de reconnaître la qualité pour agir, sauf lorsqu’une mesure prise par le directeur, et non pas simplement une décision rendue par celui-ci, toucherait l’intérêt d’une partie.

b) Ultramar et le directeur soutiennent que la partie requérante, à savoir le procureur général de la province, n’a aucun rôle à jouer pour protéger l’intérêt public dans les circonstances de l’espèce étant donné que cet intérêt découle selon eux de la concurrence sur le marché et que la protection d’un intérêt public semblable relève de la compétence du procureur général du Canada.

À mon avis, cet argument est sans fondement. Bien que la protection des intérêts publics réglementés par le Parlement relève effectivement de la compétence des autorités fédérales, y compris le directeur et le procureur général du Canada, les aspects de la concurrence sur le marché provincial qui ne sont pas encore réglementés par le Parlement relèvent légitimement de la compétence de la province, et d’autres intérêts publics, qui surgissent relativement à des questions qui ressortissent à la compétence d’une législature provinciale et relèvent du mandat du procureur général de cette province et de ses collègues, peuvent être touchés par l’exercice du pouvoir législatif fédéral.

c) Ultramar et le directeur soutiennent que la province n’a aucun intérêt véritable dans l’objet de la demande de contrôle en l’espèce parce qu’il s’agit d’une affaire qui résulte de la réglementation fédérale de la concurrence, même sur le marché provincial, et que l’intérêt premier de la province dans la présente espèce réside dans le maintien en exploitation de la raffinerie et la protection des emplois qui y sont occupés, et seulement de façon accessoire, et encore, dans le maintien de la concurrence.

À mon avis, on cherche au moyen de cet argument qui consiste à définir la décision du directeur par rapport à ses origines dans l’administration fédérale à isoler cette décision des préoccupations d’autres personnes, comme si des intérêts qui s’inscrivent dans d’autres contextes et découlent d’autres responsabilités peuvent ne pas être touchés par la décision et l’action, ou par l’inaction, du directeur. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans la vie et dans la société, comme le montre la décision antérieure du directeur de recevoir les observations de la province et d’autres parties intéressées.

d) En dernier lieu, Ultramar et le directeur soutiennent que les arrêts qui portent sur la qualité pour agir dans l’intérêt public se rapportent à des actions en jugement déclaratoire et ne s’appliquent pas aisément lorsque le redressement demandé est une ordonnance de prohibition et une ordonnance de mandamus. Ils affirment que, dans le cas d’une ordonnance de mandamus, la qualité pour agir doit être reconnue uniquement lorsqu’il y a une obligation à caractère public envers la partie requérante et que l’autorité responsable refuse de s’acquitter de cette obligation.

Je ne suis pas convaincu que les restrictions relatives à la qualité pour agir autrefois applicables à la forme de redressement demandé, si elles ont déjà été importantes, le sont encore, compte tenu de l’article 18.1 qui énonce simplement la façon d’exercer le recours général qu’est le contrôle judiciaire. Dans le cadre de ce recours général, une partie requérante peut demander une ordonnance découlant historiquement de recours spéciaux et extraordinaires, et les restrictions qui s’appliquaient à ces recours peuvent encore être applicables pour déterminer si le redressement demandé devrait être accordé, mais pas pour déterminer si la partie requérante a qualité pour demander un redressement au moyen d’une demande de contrôle judiciaire. En outre, le paragraphe 18.1(1) comprend la procédure normale maintenant applicable aux demandes de jugement déclaratoire, et on ne saurait présumer, selon moi, que le Parlement, en employant les mots « directement touché », entendait restreindre l’étendue de la qualité pour agir dans l’intérêt public à celle qui était reconnue avant la série de décisions de la Cour suprême commençant avec l’arrêt Thorson. Au contraire, on doit présumer que ces décisions éclairent l’interprétation du paragraphe 18.1(1).

Ayant rejeté les moyens invoqués par Ultramar et le directeur pour ne pas reconnaître à la province la qualité pour agir, j’en viens maintenant aux moyens invoqués par la province au soutien de la reconnaissance de sa qualité pour agir en l’espèce, étant donné que, lorsque la qualité pour agir d’une partie requérante en vertu du paragraphe 18.1(1) est contestée, la Cour doit trouver un fondement à la reconnaissance de la qualité pour agir d’une partie.

Dans l’arrêt Syndicat canadien des télécommunications, division no 1 des Travailleurs unis du télégraphe c. Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers, [1982] 1 C.F. 603(C.A.), la Cour a statué qu’un syndicat qui n’était pas touché par une décision du Conseil canadien des relations du travail, mais qui était susceptible de l’être, n’était pas une « partie directement affectée » au sens du paragraphe 28(2) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10] dans son libellé antérieur. Le juge Le Dain, J.C.A. s’est exprimé en ces termes dans des motifs concordants (aux pages 612 et 613) :

La difficulté … consiste à déterminer si, dans les circonstances très spéciales de l’espèce, le requérant devrait être considéré comme ayant été directement affecté par la décision du Conseil [qui reconnaissait un syndicat comme le successeur d’un autre syndicat] … à titre d’agent négociateur pour l’unité des employés en télécommunications régis par la convention collective existante … Ce que cela comporte, selon moi, est une détermination quant à savoir si cette décision a directement affecté un intérêt que la Cour devrait reconnaître comme suffisant pour que soit reconnue la qualité pour agir. La reconnaissance de la qualité pour agir, du moins dans les cas où l’intérêt sur lequel elle se fonde ne peut être clairement défini en termes d’obligations ou de droits légaux, est une question relevant de la discrétion judiciaire …

Comme nous l’avons vu, Mme le juge Reed a déclaré, dans l’arrêt Friends of the Island, dans lequel il est question de l’interprétation du paragraphe 18.1(1), que l’exercice du pouvoir discrétionnaire attribué à la Cour dépendait de l’évaluation des circonstances particulières de l’espèce et du « type d’intérêt qu’a le requérant », vraisemblablement à condition que cet intérêt soit touché par l’objet de la demande de contrôle judiciaire.

La partie requérante soutient qu’elle a un intérêt suffisant pour qu’on lui reconnaisse la qualité pour demander le redressement recherché pour plusieurs raisons. Son intérêt est décrit dans les observations qu’elle a soumises au directeur le 26 août 1994 et se rapporterait à ses craintes concernant la compétitivité sur le marché provincial, dont traitent la plupart de ses observations, ainsi qu’à son intérêt général dans la poursuite des opérations de la raffinerie et le maintien des emplois qu’elles procurent. L’intérêt de la province dans la concurrence sur le marché local, en particulier au niveau du détail, se reflète dans l’activité de réglementation de longue date de la province en ce qui a trait à la commercialisation des produits pétroliers, y compris la réglementation des prix. L’avocat de la partie requérante attire également l’attention sur le rôle que joue celle-ci en sa qualité de représentant de l’intérêt public de la province; c’est un rôle que ne peuvent pas aisément jouer des membres du grand public, un rôle que le directeur a reconnu en invitant la province à présenter des observations et un rôle que la Loi sur la concurrence elle-même reconnaît au procureur général d’une province, lequel a, en vertu de l’article 101 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 45], qualité pour intervenir devant le Tribunal de la concurrence relativement aux questions de fusionnement qui sont soumises à ce dernier. L’avocat de la partie requérante soutient que, de même que la partie requérante aurait pu participer aux audiences devant le Tribunal en 1989 et en 1990 au sujet du fusionnement d’Impériale et de Texaco, y compris l’examen des dispositions concernant le dessaisissement des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique dont Ultramar s’est par la suite portée acquéreur, de même elle devrait se voir reconnaître la qualité pour contester le mécanisme mis en place par le directeur pour donner suite aux arrangements fondés sur la décision et l’ordonnance par consentement du Tribunal. Ceux qui s’opposent à la reconnaissance de la qualité pour agir de la province laissent entendre que le fait que la province n’ait pas participé aux procédures du Tribunal en 1989-1990 est en quelque sorte révélateur d’un manque d’intérêt véritable, maintenant, pour les questions touchant la concurrence sur le marché local, mais je n’en suis pas convaincu.

À mon avis, l’intérêt de la province dans la concurrence sur le marché pétrolier local et dans le maintien de l’activité économique et de l’emploi à la raffinerie ne saurait être autre chose qu’un intérêt public important et véritable que seule la province peut représenter. Il s’agit d’un intérêt qui est touché, selon moi, du fait des mesures prises par le directeur pour régler la question du changement défavorable important soulevée par Ultramar en vertu de l’engagement de 1990. Il est peut-être vrai que l’intérêt de la province sera touché de façon encore plus directe par les décisions et les mesures qui seront prises dans la foulée de l’évaluation définitive du changement défavorable important par le directeur. Néanmoins, l’application de cette disposition de l’engagement est un préalable essentiel à la prise d’une mesure concernant la raffinerie, que cette mesure soit prise par le directeur, comme le prévoit la demande de mandamus présentée par la province, ou par Ultramar, comme cela s’est produit dans les faits lorsqu’elle a décidé de réduire progressivement les opérations de la raffinerie après avoir conclu, d’elle-même, qu’elle avait rempli ses engagements et qu’un changement défavorable important s’était produit. Ultramar a pris la décision unilatérale de fermer la raffinerie après que le directeur eut décidé d’attendre que la présente procédure de prohibition soit terminée pour trancher la question du changement défavorable important.

Dans les circonstances de l’espèce, comme l’intérêt de la province est véritable et important, les questions soulevées, c’est-à-dire la crainte de partialité de la part du directeur dans la démarche suivie en l’espèce, et les obligations du directeur relativement aux engagements pris par Ultramar, sont clairement des questions réglables par les voies de justice. Les avocats d’Ultramar et du directeur prétendent qu’il existait d’autres moyens de régler ces questions; plus précisément, ils affirment que la décision par laquelle le Tribunal de la concurrence a rejeté la demande présentée par le syndicat intervenant pour que le Tribunal surveille les responsabilités contractées par Ultramar en vertu de ses engagements n’a pas été portée en appel ni contestée devant la Cour d’appel. Ce moyen proposé suppose que l’intérêt du syndicat est identique à celui de la province, ce qui n’a pas du tout été démontré. Selon moi, les tentatives faites par le syndicat auprès du Tribunal de la concurrence ne constituaient pas un autre moyen de soulever les questions soulevées en l’espèce par la partie requérante, car ces questions se rapportent au propre intérêt de la partie requérante et à ses perceptions de la façon dont cet intérêt est touché.

En définitive, les circonstances de l’espèce justifient certainement qu’on reconnaisse à la partie requérante la qualité pour demander le redressement recherché au moyen d’une procédure de contrôle judiciaire.

Prohibition

Selon la province, lorsque le directeur a examiné la question du changement défavorable important, il a agi de telle manière qu’il a suscité une crainte raisonnable de partialité, contrairement aux règles d’équité procédurale et à l’obligation qui lui incombe de garantir l’équité procédurale.

Les événements qui auraient donné naissance à cette crainte sont au nombre de treize. Ils sont résumés ci-après en termes généraux.

-     Le directeur a fondé sa décision initiale sur les observations d’Ultramar seulement. Le contenu de ces observations a été communiqué à la province uniquement après que cette décision a été rendue et sans aucune participation de la province à cette première étape, en dépit du fait que celle-ci avait demandé, vers la mi-juillet 1994, à rencontrer le directeur avant qu’il ne rende sa décision initiale.

-     Lorsque le directeur a renseigné la province sur les observations faites par Ultramar, il ne lui a fourni qu’un résumé qui contenait des renseignements choisis. Le directeur s’est abstenu de lui fournir d’autres renseignements qu’il possédait au moment de rendre sa décision initiale, y compris des renseignements sur les marges réelles, au motif qu’il s’agissait de renseignements confidentiels. La province a donc répondu à des données générales sur le marché plutôt qu’aux données financières réelles concernant Ultramar.

-     Le spécialiste de l’industrie dont le directeur a retenu les services comme conseiller a eu une trentaine de conversations avec des consultants embauchés par Ultramar au cours de la préparation des observations d’Ultramar. Aucun renseignement au sujet de ces conversations n’a été fourni à la province, et le spécialiste n’a eu aucun contact avec les représentants de la province avant la réunion du 8 septembre; ces derniers ont trouvé que les commentaires que ce spécialiste a faits publiquement sur les observations de la province lors de cette réunion étaient désobligeants et négatifs.

-     Le directeur a commencé par accorder un délai excessivement court pour la présentation des observations en réponse à sa décision initiale et aux renseignements fournis concernant les observations d’Ultramar. Ce délai a été prorogé uniquement après qu’Ultramar eut donné son consentement. Je constate que ce consentement était, dans les faits, l’acquiescement d’Ultramar à la prorogation de la période de préavis de 90 jours prévue dans l’entente de 1990, avant que des mesures compromettant les opérations de la raffinerie ne soient prises.

À mon avis, quelques-uns de ces événements et certains autres sont étrangers à la question de l’évaluation d’une crainte raisonnable de partialité parce qu’ils se sont produits après le dépôt de la demande d’ordonnance de prohibition. Ainsi, le directeur aurait commis une erreur en présidant la réunion du 8 septembre malgré l’opposition de la province et le dépôt de la demande d’ordonnance de prohibition fondée sur une crainte de partialité de la part du directeur. En outre, le directeur aurait commis une erreur en refusant d’agir, ou même de demander la poursuite des opérations de la raffinerie, lorsqu’Ultramar a commencé à la fermer, du moins jusqu’à ce que la question du changement défavorable important ait été réglée. Cette crainte de partialité serait également renforcée par la façon dont le directeur a participé aux présentes procédures, étant donné qu’il s’est opposé aux demandes de contrôle judiciaire et a contesté la qualité pour agir de la partie requérante. De toute évidence, le directeur a agi sur la base des conseils qu’il a reçus à tous ces égards. Tous ces événements sont peut-être préoccupants pour la province, mais ils se sont produits après le dépôt de la requête introductive d’instance concernant la demande de prohibition et, à mon avis, ce ne sont pas des facteurs dont il convient de tenir compte pour évaluer la crainte raisonnable de partialité alléguée en l’espèce.

Je constate que la participation du directeur aux présentes procédures avait, selon moi, un caractère un peu plus contradictoire que ne le prévoient les principes applicables aux organismes fédéraux pouvant faire l’objet d’un contrôle judiciaire, énoncés par le juge Estey dans l’arrêt Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684. Le rôle du directeur dans la présente espèce a son origine dans son statut initial de partie intimée aux présentes procédures, encore que le rôle énoncé par le juge Estey serait applicable à un organisme désigné comme partie intimée, ou comme intervenant, comme le directeur l’est devenu dans la présente espèce conformément à l’enseignement plus récent de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bernard, précité.

Le syndicat intervenant a indiqué qu’il y avait d’autres facteurs à prendre en considération pour évaluer la crainte de partialité alléguée. Le syndicat et le directeur sont les seules parties aux présentes procédures qui ont participé activement au processus qui s’est déroulé sous la surveillance du Tribunal de la concurrence et du directeur en 1989-1990, d’abord dans le cadre du fusionnement d’Impériale et de Texaco, puis dans le cadre de l’acquisition subséquente par Ultramar des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique. Selon le syndicat, la position initiale du directeur dans ce processus, telle qu’elle était énoncée dans un projet d’ordonnance par consentement, a été rejetée par le Tribunal, comme l’a été une position révisée du directeur. Soucieux d’assurer le maintien de la concurrence sur le marché atlantique, le Tribunal a donné son adhésion à l’ordonnance par consentement de février 1990 qui reflétait la troisième position du directeur. Selon le syndicat, la disposition 14 de cette ordonnance est un élément clé de la décision du Tribunal et des termes de l’ordonnance par consentement puisqu’elle visait à garantir le maintien en état de tous les éléments clés, y compris la raffinerie, de l’actif de Texaco dans la région de l’Atlantique en tant qu’opération intégrée. Le syndicat soutient que les mesures prises par le directeur reflètent celles qui avaient été proposées en 1989, mais que le Tribunal a rejetées. Bref, le syndicat laisse entendre que le directeur a tout simplement persisté dans l’opinion que son bureau avait adoptée en 1989 et que le Tribunal avait alors jugée inacceptable, mais à laquelle le directeur insuffle maintenant une nouvelle vie. Je ne suis pas convaincu qu’il existe des éléments de preuve au soutien des conclusions de fait sur lesquelles cette perception du syndicat repose.

Cette perception est fondée sur des arguments qui diffèrent de ceux invoqués par la province. L’avocat du syndicat plaide que le directeur a commis une erreur en enfreignant les règles de justice naturelle à deux égards. Premièrement, il a refusé d’accorder aux parties intéressées le droit d’être entendues relativement à trois questions fondamentales. Ces questions sont la définition des mots « changement défavorable important » employés dans l’engagement de 1990, la question de savoir si Ultramar a établi qu’il existait un changement défavorable important suffisant pour la libérer de ses engagements, et la définition et la portée générales de l’engagement de 1990, particulièrement en ce qui concerne son exécution par le directeur. L’avocat du syndicat attire l’attention sur l’avis donné par le bureau du directeur en mai, dans lequel on garantissait que les parties intéressées auraient la possibilité d’être entendues avant qu’une décision ne soit rendue. Il plaide en outre que, en prenant sa décision initiale en juillet, fondée sur l’évaluation des observations d’Ultramar seulement, le directeur a défini les mots « changement défavorable important » et a conclu qu’Ultramar avait démontré qu’un tel changement s’était produit. Puis, en octobre, lorsqu’il est devenu évident qu’Ultramar fermait la raffinerie, l’avocat du directeur a fait savoir que, selon son interprétation des engagements, rien ne lui permettait d’insister pour qu’Ultramar maintienne la raffinerie en exploitation; selon lui, seule une ordonnance judiciaire permettrait d’obtenir un tel résultat.

À mon avis, aucun fait n’appuie les arguments du syndicat concernant un déni de justice naturelle à l’égard du droit d’être entendu au sujet des questions soulevées en l’espèce. Le droit d’être entendu n’implique pas le droit de voir son point de vue accepté. Le 9 juin 1994, l’avocat du syndicat, qui agissait apparemment en tant que représentant du syndicat et de la province, a écrit au directeur pour lui exposer son interprétation de l’engagement et du sens des mots « changement défavorable important ». Il était au courant du processus, par la suite, lorsqu’il a cessé de représenter la province, mais le syndicat, pour des raisons jugées importantes, n’a pas présenté d’observations en réponse à l’invitation du directeur qui accompagnait sa décision initiale le 18 juillet 1994. La province a manifestement eu la possibilité d’être entendue en ce qui a trait au sens des mots « changement défavorable important » et à la question de savoir si Ultramar avait établi qu’un tel changement s’était produit, et elle a effectivement présenté des observations écrites avant l’expiration du nouveau délai en août, puis de vive voix au cours de la réunion avec le directeur le 8 septembre. De toute évidence, la province n’a pas été privée de la possibilité d’être entendue sur les questions maintenant soulevées par le syndicat, même si elle est préoccupée par le processus dans le cadre duquel ses observations ont été faites. Par ailleurs, la province et le syndicat ont fait des démarches auprès du directeur pour qu’il oblige Ultramar à exploiter la raffinerie au moins jusqu’au règlement final de la question de savoir si un changement défavorable important s’est produit. Ils n’ont pas réussi à convaincre le directeur d’agir selon leur volonté, mais ils n’ont pas été privés non plus de la possibilité de fournir une interprétation des engagements de 1990 et d’exposer leurs perceptions des obligations du directeur en vertu de ces engagements.

L’avocat du syndicat prétend que le deuxième principe de justice naturelle que le directeur a enfreint est celui qui consiste à garantir le droit d’être entendu par un juge désintéressé et impartial. L’avocat du syndicat souscrit aux arguments de la province et affirme que le directeur a eu une attitude empreinte de partialité qui a fait naître une crainte raisonnable de partialité, vraisemblablement fondée sur la perception du syndicat selon laquelle le Tribunal ne voulait pas que les forces normales du marché soient un motif suffisant pour mettre un terme à l’exploitation des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique en tant qu’entreprise en pleine exploitation pour consolider la concurrence sur le marché régional. Mais le directeur, qui avait initialement proposé une ordonnance par consentement reconnaissant ces forces, interpréterait maintenant, compte tenu de son opinion initiale, les engagements pris en 1990 à la lumière de ces forces du marché. Le syndicat convient avec la partie requérante [traduction] « que le directeur remplissait une fonction essentiellement décisionnelle ou quasi-judiciaire » et était, par conséquent, tenu d’agir équitablement et de se conduire de manière à ne donner naissance à aucune crainte raisonnable de partialité. Dans la présente espèce, les avocats de la partie requérante et du syndicat prétendent qu’il n’en a pas été ainsi. En outre, ils soutiennent que, pour interpréter les engagements de 1990, les seuls facteurs qui devraient être pris en considération sont ceux qui étaient reconnus, en 1990, comme se rapportant à un changement défavorable important, ce qui excluait les forces normales du marché. À titre subsidiaire, l’avocat du syndicat prétend que, si la Cour arrive à la conclusion que le directeur remplissait une fonction préliminaire, d’enquête et administrative, alors, en ce qui concerne la définition du changement défavorable important, l’esprit du directeur était fermé au point de rendre vain tout autre argument.

Selon moi, cette dernière prétention subsidiaire n’est pas étayée par la preuve au dossier. En outre, elle suggère l’existence d’une partialité véritable, du moins dans l’interprétation de la principale disposition litigieuse dans les engagements de 1990. Cette prétention va au-delà des préoccupations de la province qui, dans son argumentation, a pris soin de préciser qu’elle ne prétendait pas qu’il y avait eu partialité véritable de la part du directeur, mais que le redressement demandé était fondé sur une crainte raisonnable de partialité dans les circonstances de l’espèce.

L’avocat d’Ultramar plaide que, étant donné le rôle du directeur qui, en l’espèce, remplissait une fonction non pas décisionnelle, mais préliminaire, d’enquête et administrative, il serait exagéré d’appliquer une [traduction] « norme d’impartialité fondée sur la crainte raisonnable de partialité » semblable à celle qui s’applique aux tribunaux. Selon lui, le critère approprié consisterait plutôt pour le directeur à garder un esprit ouvert, comme il l’a fait en l’espèce puisqu’il a déclaré à maintes reprises qu’il ne rendrait pas une décision définitive sur la question du changement défavorable important avant d’avoir pris en considération les observations de la province ainsi que celles d’autres parties intéressées.

Dans l’arrêt Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, le juge Cory a fait les remarques suivantes au nom de la Cour au sujet du devoir des commissions. Ces remarques me paraissent également applicables aux administrateurs (aux pages 636, 638 et 639) :

Tout corps administratif, quelle que soit sa fonction, est tenu d’agir équitablement envers les personnes assujetties à la réglementation, sur les intérêts desquelles il est appelé à statuer.

Bien que tous les corps administratifs soient soumis à l’obligation d’agir équitablement, l’étendue de cette obligation tient à la nature et à la fonction du tribunal en question … L’obligation d’agir équitablement comprend celle d’assurer aux parties l’équité procédurale, qui ne peut tout simplement pas exister s’il y a partialité de la part d’un décideur. Il est évidemment impossible de déterminer exactement l’état d’esprit d’une personne qui a rendu une décision d’une commission administrative. C’est pourquoi les cours de justice ont adopté le point de vue que l’apparence d’impartialité constitue en soi un élément essentiel de l’équité procédurale. Pour assurer l’équité, la conduite des membres des tribunaux administratifs est appréciée par rapport au critère de la crainte raisonnable de partialité. Ce critère consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un décideur.

De toute évidence, il existe une grande diversité de commissions administratives. Celles qui remplissent des fonctions essentiellement juridictionnelles devront respecter la norme applicable aux cours de justice. C’est-à-dire que la conduite des membres de la commission ne doit susciter aucune crainte raisonnable de partialité relativement à leur décision. À l’autre extrémité se trouvent les commissions dont les membres sont élus par le public. C’est le cas notamment de celles qui s’occupent de questions d’urbanisme et d’aménagement, dont les membres sont des conseillers municipaux. Pour ces commissions, la norme est nettement moins sévère. La partie qui conteste l’habileté des membres ne peut en obtenir la récusation que si elle établit que l’affaire a été préjugée au point de rendre vain tout argument contraire. Les commissions administratives qui s’occupent de questions de principe sont dans une large mesure assimilables à celles composées de conseillers municipaux en ce sens que l’application stricte du critère de la crainte raisonnable de partialité risquerait de miner le rôle que leur a précisément confié le législateur.

En outre, le membre d’une commission qui remplit une fonction d’élaboration des politiques ne devrait pas être exposé à une accusation de partialité du seul fait d’avoir exprimé avant l’audience des opinions bien arrêtées … Il s’agit plutôt de la simple confirmation du principe suivant lequel les tribunaux doivent faire preuve de souplesse face à ce problème, de manière que la norme appliquée varie selon le rôle et la fonction de la commission en cause.

Pour appliquer ces principes à la présente espèce, il convient d’abord de déterminer en quoi consiste le rôle du directeur dans la présente affaire conformément à la loi applicable, à savoir la Loi sur la concurrence. Toute obligation du directeur d’agir équitablement envers la partie requérante dépend de ce rôle. L’objet de la Loi est énoncé à l’article 1.1 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19] :

1.1 … de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but de stimuler l’adaptabilité et l’efficience de l’économie canadienne, d’améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, d’assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l’économie canadienne, de même que dans le but d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits.

Le directeur des enquêtes et recherches intervenant, qui est nommé en vertu de l’article 7 de la Loi, joue un rôle important à titre de responsable des enquêtes et des recherches se rapportant à des activités commerciales, en vue de favoriser l’atteinte des objectifs généraux de la Loi. Ces enquêtes et recherches peuvent aboutir à des poursuites criminelles en vertu de la Loi ou à des arrangements de réglementation en matière civile sous le régime de la partie VIII, sous réserve de l’autorisation du Tribunal de la concurrence. Les pouvoirs du directeur visés en l’espèce découlent d’arrangements pris avec l’autorisation du Tribunal exprimée dans l’ordonnance par consentement de février 1990 et, dans ces limites, des arrangements conclus entre Ultramar et le directeur, y compris les engagements pris par Ultramar.

Ni les dispositions législatives habilitantes, ni les termes exprès de l’ordonnance par consentement du Tribunal, ni même les termes des engagements pris par Ultramar n’habilitent le directeur à se prononcer sur les intérêts opposés d’Ultramar et de la province. Je constate que, même si les termes des engagements pouvaient être interprétés de manière à permettre au directeur de se prononcer sur les intérêts opposés d’Ultramar et de la province, ce rôle ne serait valide que s’il était autorisé par le Tribunal de la concurrence ou, s’agissant du directeur, par les dispositions de la loi habilitante. En l’espèce, la loi qui prescrit le rôle du directeur, c’est-à-dire la Loi sur la concurrence, ne contient, à mon avis, aucune autorisation semblable.

Dans la présente espèce, le directeur ne s’acquitte pas d’une fonction décisionnelle simplement parce qu’il évalue la question de savoir si Ultramar a établi qu’un changement défavorable important s’est produit, c’est-à-dire parce qu’il interprète l’engagement. Par ailleurs, j’estime que le directeur est libre, dans les limites des pouvoirs que lui confère la loi, de concevoir des mécanismes pour régler des questions qui relèvent de ses pouvoirs administratifs et d’enquête, y compris le mécanisme mis en place en l’espèce, qui consiste à rendre une décision initiale à laquelle les parties intéressées sont invitées à répondre, lorsque le directeur leur a formellement promis qu’il ne rendrait pas une décision définitive avant d’avoir examiné toutes les observations présentées en temps utile.

L’avocat de la province soutient que la fonction du directeur en l’espèce s’apparente à celle de l’Office national de l’énergie dans l’affaire Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l’énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369, mais je n’en suis pas convaincu. Dans la présente espèce, le directeur ne déterminait pas quelle partie, s’il en était, devait être autorisée à prendre une mesure particulière parmi les parties qui avaient présenté une demande, comme c’était le cas de l’Office national de l’énergie qui, dans l’affaire précitée, devait essentiellement se prononcer sur des intérêts opposés. Au contraire, le directeur dans la présente espèce évaluait une situation pour établir des faits et examiner l’application des engagements pris par Ultramar à ces faits. À mon avis, cette fonction était une fonction administrative ordinaire dont le directeur s’est acquitté conformément à son rôle en matière d’enquête et de protection de l’intérêt public. L’invitation qu’il a adressée aux parties intéressées de présenter des observations ne l’obligeait pas à « entendre » ces observations autrement qu’en les examinant avec un esprit ouvert avant de rendre une décision définitive.

Dans ses observations écrites, Ultramar affirme que le directeur n’était pas tenu à l’équité procédurale envers la Nouvelle-Écosse dans la présente espèce en raison de la nature de la décision à rendre et parce qu’il n’existait aucun lien avec la province ayant pour effet d’obliger le directeur à lui accorder l’équité procédurale. En tant qu’intervenant, le directeur ne fait pas écho à cette affirmation. À mon avis, il existe un lien entre le directeur et la province, comme il existe un lien entre le directeur et d’autres particuliers ou organismes publics et privés intéressés, un lien qui procède des responsabilités publiques du directeur, un lien qui confirme l’existence d’une obligation d’équité procédurale envers la province ou le syndicat, ou envers toute autre partie intéressée qui manifeste un intérêt pour des questions qui préoccupent le directeur. Cette obligation peut varier en fonction de l’affaire qui est soumise au directeur et des circonstances dans lesquelles elle surgit. Dans la présente espèce, la question est la suivante : quelle est la nature de cette obligation, et le directeur a-t-il commis un manquement à cette obligation qui justifie l’intervention de la Cour.

Selon moi, la fonction qui consiste pour le directeur à déterminer si Ultramar a rempli ses engagements n’est pas une fonction à l’égard de laquelle la crainte raisonnable de partialité est une norme appropriée. C’est une norme qui s’applique à la tâche consistant à faire un choix parmi des intérêts opposés, c’est-à-dire une tâche décisionnelle. Il ne s’agit pas d’une norme applicable à une tâche administrative accomplie par quelqu’un qui a une obligation à caractère public, à savoir servir des intérêts créés par une loi habilitante. Dans ces dernières circonstances, on s’attend à un parti pris pour la défense de ces intérêts et, de fait, c’est la raison d’être de nombreux administrateurs. Pour servir ces intérêts, l’administrateur peut fort bien assumer une obligation d’équité envers ceux dont les intérêts pourraient être touchés par ses décisions, mais il peut s’acquitter de cette obligation en renseignant les parties intéressées sur les questions à l’étude et en leur donnant la possibilité de présenter, en temps utile, des observations à cet égard, qu’il devra prendre en considération avec un esprit ouvert, sauf pour ce qui est de sa partialité légitime ou de son obligation à l’égard des objectifs de la loi, avant de rendre sa décision.

Je ne suis pas convaincu que, dans les circonstances de l’espèce, le directeur a violé son obligation de fournir une procédure équitable à la province pour faire ses observations, ou a menacé de violer son obligation d’équité envers la province, de manière à justifier l’intervention de la présente Cour par voie d’ordonnance.

De plus, je ne suis pas convaincu qu’une telle ordonnance permettrait d’atteindre l’objectif souhaité par la partie requérante, c’est-à-dire obtenir que quelqu’un d’autre que le directeur rende une décision définitive sur la question de savoir si un changement défavorable important s’est produit depuis que l’engagement de 1990 a été pris. La Cour n’a pas le pouvoir d’ordonner à un autre représentant du secteur public ou privé d’agir à la place du directeur. La personne qui serait nommée par le directeur à cette fin, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un fonctionnaire, serait simplement un mandataire ou un représentant du directeur lui-même. La question de savoir si le directeur pourrait nommer une telle personne ou si quelqu’un d’autre pourrait agir avec ou sans la délégation du directeur peut soulever des questions juridiques qui ne sont pas examinées dans la présente espèce.

En résumé, étant donné la fonction exercée par le directeur en l’espèce, à savoir une fonction discrétionnaire de nature administrative, je suis d’avis que la norme d’impartialité fondée sur la crainte raisonnable de partialité n’est pas applicable pour évaluer la démarche suivie par le directeur. En raison de ses responsabilités publiques, le directeur a toutefois, selon moi, l’obligation de garantir l’équité procédurale aux parties intéressées et l’obligation de leur donner la possibilité de présenter des observations au sujet des questions qui le préoccupent, et il doit garder un esprit ouvert, sous réserve de ses responsabilités publiques, lorsqu’il examine les observations qui lui sont soumises. Dans la présente espèce, il n’y a pas eu de manquement à cette obligation d’équité qui justifierait l’intervention de la présente Cour.

Pour les motifs qui précèdent, je rejette la demande en vue d’obtenir une ordonnance pour empêcher le directeur de rendre une décision définitive sur la question de savoir si un changement défavorable important s’est produit depuis l’engagement pris par Ultramar en 1990.

La nature des engagements pris par Ultramar

À mon avis, l’engagement pris en 1993 est simplement un complément aux engagements initiaux de 1990. Il est préférable d’évaluer la nature des engagements et les responsabilités et les recours qu’ils créent en fonction des engagements de 1990, qui décrivent mieux leur portée et leur intention générales. Comme nous l’avons vu plus haut, les principales dispositions litigieuses sont les suivantes :

[traduction] A. La raffinerie continuera à être exploitée pendant au moins sept ans …, sauf en cas de changement défavorable important.

Si un changement défavorable important survient au cours de cette période de sept ans, Ultramar remettra au directeur un avis d’au moins 90 jours avant de prendre des mesures compromettant l’exploitation de la raffinerie.

Ultramar convient que les présents engagements et la présente entente sont définitivement censés être un contrat passé en vertu des lois de la province de l’Ontario et des lois du Canada applicables à cet égard et, sous tous les rapports, régi par ces lois et interprété conformément à ces lois.

Les engagements ne sont pas prévus par la Loi sur la concurrence, ni dans l’ordonnance du Tribunal qui a donné lieu aux engagements litigieux. En tant que moyen, ils sont décrits en termes généraux par Mme le juge Rousseau-Houle dans l’arrêt Alex Couture Inc. c. Canada (Procureur général) (1991), 83 D.L.R. (4th) 577 (C.A. Qué.), à la page 637. Dans son analyse des pouvoirs généraux qui sont conférés au directeur pour tenter de régler les questions que soulèvent les fusionnements, elle déclare :

Les engagements sont un autre moyen d’obtenir qu’un fusionnement soit conforme à la loi sans qu’il soit besoin d’amorcer des procédures devant le Tribunal. Le directeur peut obtenir des parties à un projet d’acquisition ou de fusion, l’engagement qu’elles vont restructurer la transaction ou céder, avant ou après la vente, une partie des actions ou des éléments d’actif à un autre acheteur.

Les parties aux engagements dans la présente espèce sont Ultramar et le directeur. Ni la partie requérante pour la province ni le syndicat intervenant ne prétendent qu’ils y sont partie. Le syndicat soutient toutefois que les engagements sont plus qu’un simple contrat, qu’ils sont la conséquence de l’ordonnance du Tribunal par laquelle le directeur a été autorisé à surveiller le dessaisissement, à certaines conditions, des éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique dont Impériale s’était portée acquéreur. Ils prétendent que ces engagements supposent une obligation à caractère public de la part du directeur, dont celui-ci refuse de s’acquitter, ce qui justifie le prononcé d’une ordonnance de mandamus. Cette obligation consiste à veiller à ce qu’Ultramar continue d’exploiter la raffinerie pendant la période de sept ans prévue dans l’engagement pris en 1990, à moins que le directeur ou quelqu’un à sa place ne détermine qu’un changement défavorable important s’est produit depuis. Selon les avocats de la partie requérante et du syndicat intervenant, à moins de considérer que les engagements obligent Ultramar à exploiter la raffinerie pendant sept ans, sauf si un changement défavorable important est constaté par le directeur ou quelqu’un à sa place, les engagements sont pratiquement dénués de sens. Ils soutiennent que ces engagements doivent vouloir dire quelque chose de plus que l’envoi par Ultramar d’un préavis de 90 jours avant la prise de mesures unilatérales pour fermer la raffinerie.

Je conviens que les engagements sont plus qu’un contrat entre des parties privées. Ils créent des attentes non seulement pour les parties à ces engagements lorsqu’ils sont pris, compte tenu des obligations à caractère public du directeur, mais aussi pour d’autres, comme les présentes procédures le montrent. Ces engagements sont plus qu’un contrat ordinaire à un autre égard, parce qu’ils imposent des obligations morales et éthiques inhabituelles aux parties, à savoir Ultramar et le directeur. Leurs positions respectives, l’une en tant qu’entité commerciale et l’autre en tant que pouvoir public, en souffriront à moins que ces obligations ne soient respectées. Chacun tend à s’en ressentir s’il y a désaccord sur la question de savoir si les engagements pris par Ultramar sont respectés ou si les attentes de tierces parties intéressées sont déçues.

Quoi qu’il en soit, les mots employés dans les engagements, à savoir que les engagements sont un contrat régi sous tous les rapports par les lois applicables de l’Ontario et du Canada, doivent avoir une signification. À mon avis, ils en ont une. En cas de désaccord entre le directeur et Ultramar sur la question de l’exécution des obligations, alors l’interprétation des engagements et les recours qui peuvent être exercés, s’il s’avère que les engagements ne sont pas respectés, sont des questions devant être réglées, en définitive, par un tribunal qui appliquera les lois désignées dans le cadre d’une poursuite intentée par l’une ou l’autre partie, à savoir Ultramar ou le directeur.

Comme je l’ai fait remarquer, une différence importante dans l’interprétation de l’engagement de 1990 qui a été débattue devant moi consiste à savoir si cet engagement oblige Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie à moins que le directeur ne détermine qu’un changement défavorable important s’est produit. C’est ainsi que les avocats de la partie requérante et du syndicat intervenant interprètent l’engagement, et ils concluent qu’il impose à Ultramar une obligation que le directeur peut faire exécuter, à savoir l’exploitation ininterrompue de la raffinerie jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue. Les avocats d’Ultramar et du directeur ne souscrivent pas à cette interprétation ou à cette conception de la responsabilité du directeur. Selon eux, l’obligation qui incombe à Ultramar d’exploiter la raffinerie pendant sept ans est assujettie au droit qu’a Ultramar de prendre des mesures qui compromettent l’exploitation de la raffinerie après avoir donné un préavis de 90 jours relativement à la constatation d’un changement défavorable important. Si le directeur n’admet pas qu’un changement s’est produit et qu’Ultramar entreprend de fermer la raffinerie, comme elle l’a fait en l’espèce en l’absence d’une décision du directeur, les avocats d’Ultramar et du directeur conviennent qu’Ultramar prend le risque d’être poursuivie en justice par le directeur pour manquement à son engagement, mais que rien ne l’empêche d’agir ainsi.

Je n’ajouterai rien au sujet des interprétations opposées concernant les engagements. Je n’ai pas l’intention de régler cette divergence importante, en partie parce que je suis d’avis qu’elle n’a pas été débattue à fond à l’audition, mais a été abordée uniquement en tant qu’étape accessoire mais nécessaire de l’argumentation relative à l’ordonnance de mandamus demandée, et en partie parce que je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire de régler cette divergence dans les présentes procédures.

À mon avis, puisque les deux parties aux engagements, à savoir Ultramar et le directeur, s’entendent sur l’interprétation des engagements, la Cour ne peut souscrire à une interprétation différente émanant d’autres parties, même si elles sont profondément intéressées par l’affaire. Elle le pourrait peut-être dans des circonstances exceptionnelles, mais, dans la présente espèce, il ne semble pas y en avoir. Par conséquent, s’agissant de la présente demande, je ne conclus pas que les engagements pris par Ultramar obligent cette dernière à continuer d’exploiter la raffinerie jusqu’à ce que le directeur ait rendu une décision sur la question du changement défavorable important, ni que le directeur a l’obligation correspondante d’exiger, d’une manière ou d’une autre, le maintien en exploitation de la raffinerie jusqu’à ce que pareille décision ait été rendue.

Mandamus

L’ordonnance de mandamus demandée par la partie requérante est fondée sur une obligation à caractère public du directeur, qui serait dérivée des engagements de 1990, à savoir obliger Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie pendant sept ans, à moins que le directeur ou quelqu’un à sa place ne décide de façon indépendante qu’un changement défavorable important s’est produit. Le syndicat intervenant appuie vigoureusement ce point de vue. Les engagements auraient un caractère public et s’apparenteraient à une fiducie administrée par le directeur dans l’intérêt du public, conformément au désir du Tribunal de la concurrence de maintenir en exploitation les éléments d’actif de Texaco situés dans la région de l’Atlantique afin de garantir la concurrence sur le marché.

Comme je l’ai indiqué dans des commentaires antérieurs sur la nature des engagements, les parties aux présentes procédures ont des opinions divergentes sur l’interprétation et l’application des engagements, et sur les responsabilités qui en découlent et les recours qui peuvent être exercés. Par contre, il n’y a pas de divergence entre les parties aux engagements, à savoir Ultramar et le directeur, qui ne souscrivent pas à l’interprétation proposée par la province quant aux engagements et à leurs répercussions. Comme je l’ai indiqué, je ne suis pas convaincu qu’il convienne de préférer l’interprétation et les conclusions de la province et du syndicat à celles des parties aux engagements.

En outre, j’estime qu’il ne s’agit pas d’une situation dans laquelle la Cour devrait inférer une obligation à caractère public de la part du directeur, du moins une obligation à caractère public semblable à celle que la province invoque. Les faits de l’espèce ne sont pas analogues à ceux de l’affaire Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de L’Immigration), [1994] 1 C.F. 232(C.A.), dans laquelle le juge Hugessen, qui s’exprimait pour la majorité, a conclu qu’il existait une obligation à caractère public implicite en vertu de la Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2] et de son règlement, à savoir fournir un formulaire de demande à un immigrant éventuel dans le cadre d’une demande de parrainage. Pour qu’une obligation à caractère public soit implicite, on doit assurément pouvoir affirmer qu’elle découle de l’économie de la Loi et du règlement en vertu desquels agit l’autorité publique, en l’espèce le directeur, comme la Cour l’a déclaré dans l’affaire Nguyen. Dans les présentes procédures, aucune disposition de la Loi n’est invoquée au soutien de l’existence d’une obligation à caractère public implicite, et je n’en vois moi-même aucune. Quelles que soient les responsabilités du directeur en vertu des engagements, elles ne découlent pas directement de l’ordonnance du Tribunal, mais des engagements eux-mêmes, comme le juge Rothstein l’a précisé dans la décision qu’il a rendue pour le Tribunal en réponse à la requête présentée par le syndicat (voir Canada (Loi sur la concurrence : Directeur des enquêtes et recherches) c. Imperial Oil Limited, [1994] D.T.C.C. no 23 (QL)), motifs de la décision concernant la compétence relative aux engagements. Les responsabilités qui incombent au directeur en vertu des engagements ne découlent pas directement de la Loi. Cela ne veut pas dire qu’elles vont à l’encontre de la Loi ou outrepassent d’une façon ou d’une autre les pouvoirs que la Loi confère au directeur; il s’agit plutôt de reconnaître que les engagements ont été acceptés par le directeur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi. À mon avis, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’affirmer que les responsabilités du directeur en vertu des engagements, assumées dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, créent une obligation implicite imposée par la Loi.

En résumé, je ne suis pas convaincu que, dans la présente espèce, le directeur a une obligation à caractère public d’obliger Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie jusqu’à ce que lui-même ou quelqu’un à sa place décide qu’un changement défavorable important s’est produit.

L’existence d’une obligation à caractère public d’agir est l’une des conditions qui doivent être respectées pour qu’une ordonnance de mandamus puisse être accordée. Il existe d’autres conditions à cet égard, que le juge Robertson de la Cour d’appel a énoncées dans l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742(C.A.), aux pages 766 à 769, qui n’ont pas été remplies dans la présente espèce. Par conséquent, rien ne permet de conclure que, même si le directeur avait une obligation d’agir à caractère public, il s’agit d’une obligation envers la partie requérante, même si la province prétend que la partie requérante représente l’intérêt de la population à l’échelle provinciale. En outre, rien ne prouve en l’espèce que, s’agissant de l’exercice de la sorte d’obligation d’agir à caractère public qui, selon moi, peut être inférée de la loi, cette obligation est quelque chose d’autre qu’une obligation de nature discrétionnaire. Lorsque l’obligation d’agir relève d’un pouvoir discrétionnaire, un mandamus ne peut être accordé pour forcer l’exercice de cette obligation d’une manière particulière.

Dans la présente espèce, j’admets que le texte de loi impose une obligation générale à caractère public. Cette obligation consiste à examiner l’argument d’Ultramar, selon lequel un changement défavorable important s’est produit, à la lumière de la preuve dont dispose le directeur et de celle fournie par les parties intéressées, à la lumière des engagements et à la lumière des responsabilités du directeur en vertu de la Loi. Cette obligation ne comprend pas le pouvoir d’insister pour qu’Ultramar continue d’exploiter la raffinerie, mais elle comprend le pouvoir de se pourvoir en justice si le directeur n’est pas du même avis qu’Ultramar au sujet du changement défavorable important ou de la décision de fermer la raffinerie. C’est au directeur qu’il appartient de déterminer, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, si une poursuite doit être intentée, compte tenu de la façon dont il perçoit ses responsabilités publiques en vertu de la Loi. Il n’appartient pas à la présente Cour d’ordonner l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ou de préciser comment ce pouvoir devrait être exercé.

À mon avis, les circonstances de l’espèce ne constituent pas une situation dans laquelle la Cour, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devrait intervenir pour ordonner, comme la partie requérante le demande, que le directeur oblige Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie pendant au moins sept ans, à moins que celui-ci ou quelqu’un à sa place ne décide qu’un changement défavorable important s’est produit.

Par conséquent, je rejette la demande d’ordonnance de mandamus.

Le syndicat intervenant

Pour les besoins du dossier, j’en viens finalement à deux questions qui se posent en ce qui a trait à l’intervention du syndicat dans les présentes procédures, à savoir les raisons de reconnaître à l’intervenant la qualité pour agir à un stade particulièrement avancé de la procédure, et la portée des questions par la suite soulevées par l’intervenant.

Comme je l’ai déjà mentionné, la demande présentée par le syndicat afin d’obtenir le statut d’intervenant dans les deux demandes a été entendue seulement six jours avant la date prévue pour l’audition des demandes. Le syndicat a présenté cette demande conformément au paragraphe 1611(3) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663 (édicté par DORS/92-43, art. 19)] qui dispose :

Règle 1611 ….

(3) La Cour peut accorder l’autorisation d’intervenir à l’audition d’une demande de contrôle judiciaire aux conditions qu’elle considère appropriées et peut donner des directives quant à la procédure à suivre lors de l’intervention, quant à sa portée, quant à la présentation et à la signification des documents et quant à toute autre question pertinente à l’intervention.

La partie intimée, Ultramar, et le directeur intervenant se sont tous deux opposés à la demande du syndicat. Bien que la partie requérante n’ait pas participé au débat, elle n’était manifestement pas hostile à cette demande. À la clôture du débat, j’ai statué de vive voix que la demande était accueillie; j’ai confirmé cette décision dans une ordonnance écrite imposant certaines conditions, notamment la fixation d’une date limite pour le dépôt du dossier du syndicat consistant en un exposé des faits et du droit seulement, sans autres affidavits. De plus, comme la demande d’intervention du syndicat n’abordait pas adéquatement les arguments que celui-ci entendait invoquer à l’audition, n’importe laquelle des autres parties était libre de soulever une question, soit concernant le droit du syndicat de soulever une question, soit concernant le préjudice causé à autrui en soulevant une question au moyen d’une intervention de dernière minute, sans donner à d’autres parties la possibilité de répondre. Aucune condition n’était imposée quant au droit du syndicat d’interjeter appel de ma décision sur les présentes demandes ou de participer à un appel à cet égard. Si cette question devient litigieuse, elle peut être réglée au moyen d’une demande présentée à la section compétente de la Cour.

En dépit des craintes soulevées par le défaut du syndicat, au moment de demander le statut d’intervenant, d’expliquer en détail de quelle façon ses arguments pourraient différer de ceux que la partie requérante a avancés dans le dossier qu’elle a déposé, j’arrive à la conclusion que les intérêts de la justice dans les circonstances de l’espèce permettent de reconnaître au syndicat le statut d’intervenant. Celui-ci a participé activement à titre d’intervenant aux procédures devant le Tribunal de la concurrence en 1989-1990 et aux premières étapes, jusqu’à la mi-juillet, des consultations et de l’échange de lettres dont les présentes procédures sont l’aboutissement. Étant donné cette participation, les opinions du syndicat ne seraient pas une surprise pour les parties, et la Cour pourrait veiller à ce que celles-ci ne soient pas lésées par l’intervention tardive du syndicat.

À l’audition des demandes de contrôle judiciaire, les avocats d’Ultramar et du directeur ont soulevé une objection à propos de ce qu’ils percevaient comme des questions nouvelles et différentes soulevées par le syndicat intervenant, questions qui n’avaient pas été soulevées par la partie requérante. Comme ils s’en sont aperçus uniquement pendant la fin de semaine qui a précédé l’audition des demandes et lors de l’argumentation, la Cour a invité les avocats à présenter leurs objections par écrit et a donné au syndicat la possibilité d’y répondre.

Les observations écrites reçues postérieurement à l’audience comprennent un exposé plus fouillé des objections soulevées par Ultramar et appuyées par le directeur, selon lesquelles, autant les conditions attachées à la reconnaissance de sa qualité pour agir que les principes empêchaient le syndicat, comme intervenant, de soulever des questions que la province n’avait pas soulevées à titre de partie requérante. Le syndicat soutient qu’il n’a pas soulevé de nouvelles questions, mais qu’il a plutôt cherché à traiter les questions soulevées dans les demandes de la province en fonction de la preuve que les autres parties et l’intervenant avaient déjà soumise à la Cour, mais, de son propre aveu, dans une perspective et au moyen d’arguments quelque peu différents.

À mon avis, les conditions de la qualité pour agir du syndicat ne précisent pas si celui-ci pouvait, en sa qualité d’intervenant, soulever de nouvelles questions et invoquer de nouveaux arguments. À défaut de stipulation contraire, le syndicat est lié par le principe général selon lequel « l’intervenant doit en général accepter le dossier tel quel … [et] n’a pas qualité pour interjeter appel » (le juge Stone, J.C.A., dans Edmonton Friends of the North Environmental Society c. Canada (Ministre de la Diversification de l’économie de l’ouest canadien), [1991] 1 C.F. 416(C.A.), à la page 423). À mon sens, ce principe général empêche un intervenant dans une procédure de contrôle judiciaire de soulever une nouvelle question, c’est-à-dire une question qui diffère de celles qui sont soulevées par la demande de contrôle judiciaire, telles que les parties les voient, à moins que le tribunal n’autorise expressément le contraire lorsque les parties à la demande ne s’y opposent pas.

Dans la présente espèce, les observations écrites de l’intervenant semblent soulever de nouvelles questions auxquelles s’oppose la partie intimée, Ultramar. Ces questions touchent les aspects suivants :

(1)  [traduction] « Le syndicat a-t-il qualité pour demander une ordonnance de prohibition et une ordonnance de mandamus ? » Cette question n’a pas été débattue oralement. De toute évidence, la Cour n’a été saisie d’aucune demande en ce sens du syndicat dans les présentes procédures. Par conséquent, je n’examine ni ne tranche la question telle qu’elle est formulée dans les observations écrites du syndicat.

(2)  Le syndicat attire l’attention sur la question soulevée par la province comme fondement de sa demande de prohibition, c’est-à-dire la crainte raisonnable de partialité, mais il fait remarquer dans ses observations qu’il a des vues différentes sur la question abordée dans cette demande. De l’avis du syndicat, la question présentée par les faits consiste à savoir s’il y a eu déni d’équité procédurale en raison du refus d’accorder à la province la possibilité d’être entendue relativement à certaines questions importantes.

J’ai déjà traité cette question à la lumière de la preuve qui a été produite. Je ne considère pas qu’il s’agit d’une question nouvelle et différente de celles que la province a soulevées comme partie requérante étant donné que cette question est censée être fondée sur une conception différente des mêmes faits exposés dans le dossier sur lequel la partie requérante s’appuie. Il aurait été plus simple pour la partie intimée et le directeur de connaître le point de vue du syndicat plus longtemps à l’avance, mais, selon moi, ils n’ont subi aucun préjudice, surtout qu’ils ont eu la possibilité de présenter des observations sur la question après l’audition des demandes et qu’ils l’ont fait.

(3)  En dernier lieu, les observations écrites du syndicat intervenant font également référence au fait que le directeur aurait refusé au syndicat le droit d’être entendu, et le syndicat fait valoir, du moins en passant, dans son mémoire que la Cour devrait veiller à ce que le directeur ne rende pas une décision définitive avant qu’on ait donné au syndicat la possibilité d’être entendu.

Selon moi, il ressort clairement des commentaires faits plus haut dans les présents motifs que l’obligation d’équité du directeur se rapporte à l’examen des observations présentées en temps utile. En l’espèce, pour des raisons qui découlent de restrictions contenues dans une convention collective signée avec Ultramar, le syndicat a renoncé à présenter des observations pendant la période cruciale comprise entre les mois de juillet et octobre 1994. Par la suite, il a demandé à être entendu par le directeur. Le directeur peut consulter qui il veut et quand il veut, mais la présente Cour ne considère pas qu’il a commis un manquement à son obligation d’équité en ne fournissant pas une occasion spéciale au syndicat ou à n’importe qui d’autre pour présenter des observations longtemps après l’expiration du délai prévu à cette fin. Dans la mesure où le syndicat, dans ses observations écrites, invite la Cour à intervenir pour ordonner au directeur de lui accorder la possibilité d’être entendu, cette invitation est rejetée.

Il convient de mentionner que les observations présentées par le syndicat à titre d’intervenant ont généralement été utiles à la Cour parce qu’elles ont éclairé le contexte et les engagements litigieux.

Conclusions

L’Atlantic Oilworkers Union, Local 1, s’est vu reconnaître la qualité pour agir comme intervenant dans les deux demandes de contrôle judiciaire pour les raisons énoncées dans les présents motifs. Le statut d’intervenant du syndicat ne lui permettait pas de soulever des questions différentes de celles que la partie requérante a soulevées.

À mon avis, la partie requérante a qualité pour demander les formes de redressement demandées en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale. La province sera directement touchée par la décision du directeur, cette décision étant une condition préliminaire essentielle à toute mesure qu’il pourrait prendre ou ne pas prendre relativement aux engagements d’Ultramar. De plus, la province a un intérêt véritable et à caractère public important qui fait en sorte que ses préoccupations méritent d’être prises en considération dans l’examen du redressement demandé.

Aussi important que soit l’intérêt de la partie requérante, je rejette la demande de prohibition car j’estime que le directeur n’est pas assujetti à une norme fondée sur la crainte raisonnable de partialité dans l’accomplissement de la tâche qui était la sienne en l’espèce, à savoir une tâche administrative plutôt que décisionnelle. Par ailleurs, dans la mesure où le directeur assumait une obligation d’équité envers la partie requérante, il s’est acquitté de cette obligation. Le directeur a donné à la province la possibilité de présenter des observations qu’il devait étudier avec un esprit ouvert, sous réserve uniquement de la « partialité » dont il était tenu de faire preuve dans l’exécution de ses responsabilités d’origine législative. Rien ne permet d’affirmer qu’il n’avait pas un esprit ouvert. Après avoir mis en place un mécanisme qui prévoyait la communication aux parties intéressées de sa conclusion initiale ou préliminaire et des renseignements de base sur lesquels cette conclusion était fondée, le directeur a précisé qu’il rendrait une décision définitive seulement après avoir examiné toutes les observations présentées en temps utile. La mise en place de ce mécanisme relevait de son pouvoir discrétionnaire.

Je rejette également la demande en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur de forcer Ultramar à continuer d’exploiter la raffinerie jusqu’à ce que celui-ci ou quelqu’un à sa place ait statué sur la question du changement défavorable important ou jusqu’à l’expiration de la période d’exploitation de sept ans initialement acceptée par Ultramar. Compte tenu de ses responsabilités d’origine législative, le directeur a, dans les circonstances de l’espèce, une obligation d’agir à caractère public envers la population en général. Il ne s’agit pas d’une obligation envers la partie requérante. Il s’agit d’une obligation qui doit être exercée dans le contexte du pouvoir discrétionnaire que la loi confère au directeur, et ce pouvoir discrétionnaire n’est pas assujetti à des directives ou à une intervention de la présente Cour dans les circonstances de l’espèce.

D’importantes questions ont été soulevées au sujet de l’interprétation et de la nature des engagements qui ont donné lieu aux présentes demandes. Je n’ai pas statué sur toutes les observations des parties concernant les aspects des engagements car cela ne semblait pas nécessaire pour régler les questions principales. J’arrive à la conclusion que les engagements, tels qu’ils sont formulés, visent seulement deux parties, à savoir Ultramar et le directeur. Bien qu’ils soient plus importants qu’un simple contrat entre des parties privées à cause de leurs répercussions éthiques qui touchent à la fiducie et à l’intégrité tant pour Ultramar que pour le directeur, les engagements, de par leurs termes exprès, sont censés être, sous tous les rapports, un contrat régi par les lois de l’Ontario et du Canada et interprété conformément à ces lois. Pour le moins, ces rapports comprennent l’interprétation et l’exécution desdits engagements.

En dernier lieu, je regrette que le règlement des questions soulevées et habilement débattues ait pris plus de temps que prévu.

Une copie des présents motifs doit être déposée dans chacun des dossiers T-2065-94 et T-2603-94 de la Cour, avec l’ordonnance distincte rendue à l’égard de chaque demande.

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