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[1995] 3 C.F. 330

A-649-94

Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada Inc. (appelantes) (défenderesses)

c.

Richter Gedeon Vegyészeti Gyar Rt (intimée) (demanderesse)

Répertorié : Richter Gedeon Vegyészeti Gyar Rt c. Merck& Co. (C.A.)

Cour d’appel, juge en chef Isaac, juges Stone et Robertson, J.C.A.—Ottawa, 23 juin et 10 juillet 1995.

Pratique — Communication de documents et interrogatoire préalable — Interrogatoire préalable — Appel d’une ordonnance interlocutoire rejetant la requête présentée en vue d’obtenir une ordonnance conformément aux Règles 456(5) et 462(4) pour la tenue de l’interrogatoire préalable de huit inventeurs/cédants du brevet de l’intimée qui résident en Hongrie — Le juge des requêtes a statué que les appelantes n’avaient pas démontré qu’il était nécessaire que les inventeurs expliquent les brevets — La Règle 456(5) confère à la partie qui a un intérêt opposé à celui d’un cessionnaire qui est également partie à l’action le droit d’interroger le cédant — Elle n’exige pas qu’il soit démontré que cette preuve est nécessaire comme condition préalable à l’interrogatoire.

Brevets — Pratique — La Règle 456(5) prévoit l’interrogatoire préalable du cédant du brevet par la partie qui a un intérêt opposé au cessionnaire — Le juge des requêtes a refusé d’ordonner l’interrogatoire des inventeurs/cédants résidant en Hongrie — Il était d’avis que les inventeurs n’avaient pas besoin d’expliquer leurs inventions puisque toute personne versée dans leur science pourrait reproduire le brevet — Dans le cas d’un cédant qui a sa résidence au Canada, la partie qui interroge n’est nullement tenue de prouver que le cédant est requis pour expliquer un fait en cause — Cette exigence n’existe pas non plus implicitement lorsqu’on demande l’aide du tribunal, le cédant étant un non-résident.

Interprétation des lois — Selon l’art. 456(5) des Règles de la Cour fédérale, lorsque le cessionnaire est partie à l’action, le cédant peut également faire l’objet d’un interrogatoire préalable — Le juge des requêtes a statué que les appelantes avaient le droit d’interroger un seul des huit inventeurs/cédants du brevet — Il a commis une erreur en refusant de tenir compte de l’art. 33(2) de la Loi d’interprétation selon lequel le pluriel ou le singulier s’appliquent, le cas échéant, à l’unité et à la pluralité.

Droit international — Le juge des requêtes a rejeté la requête sollicitant une ordonnance pour la tenue de l’interrogatoire préalable de huit inventeurs/cédants du brevet de l’intimée résidant en Hongrie — Il n’a pas tenu compte d’une convention internationale d’entraide judiciaire relativement aux procédures devant les tribunaux de l’un ou l’autre des États contractants parce qu’elle n’avait pas été mise en œuvre par une loi — La preuve établissait que la convention était en vigueur au Canada et en Hongrie — La convention vise à faciliter les procédures devant les tribunaux des États contractants; elle ne modifie pas leur droit interne — Sa validité ne dépend pas de sa mise en œuvre au moyen d’une loi — Il faut l’interpréter de façon libérale afin de donner effet à sa fin véritable.

Il s’agissait d’un appel d’une ordonnance interlocutoire rejetant une requête présentée en vertu des paragraphes 456(5) et 462(4) des Règles de la Cour fédérale en vue d’obtenir une ordonnance pour la tenue de l’interrogatoire préalable de huit inventeurs/cédants du brevet de l’intimée résidant à Budapest, en Hongrie. L’intimée réclamait la propriété du brevet en tant que cessionnaire de neuf inventeurs, dont huit sont encore ses employés. Les appelantes ont nié la contrefaçon et allégué l’invalidité du brevet.

Le paragraphe 456(5) prévoit que lorsque le cessionnaire est partie à l’action, le cédant peut également faire l’objet d’un interrogatoire préalable. Selon le paragraphe 462(4), sauf ordonnance expresse de la Cour, la personne soumise à un interrogatoire préalable oral qui n’a pas sa résidence au Canada est interrogée à l’endroit, de la manière, et aux frais et dépens acceptés par cette personne ou convenus entre les parties.

Le juge des requêtes a conclu que les inventeurs/cédants n’avaient pas besoin d’expliquer leurs inventions, puisque toute personne versée dans l’art ou la science de l’inventeur pourrait, après examen du brevet, le reproduire lorsque le monopole prendrait fin. Il a conclu que les appelantes n’avaient pas prouvé [traduction] « la nécessité d’obliger les inventeurs/cédants à se soumettre à un interrogatoire préalable oral ». De toute façon, il a décidé que les appelantes avaient le droit d’interroger seulement un des huit inventeurs/cédants. Comme les appelantes n’avaient pas désigné la personne qui devait être interrogée au préalable, il a refusé de rendre l’ordonnance. Il a aussi refusé d’appliquer la Convention entre Sa Majesté et le Régent du Royaume de Hongrie concernant les actes de procédure en matières civiles et commerciales prévoyant l’entraide judiciaire. Des éléments de preuve non contredits établissaient qu’une telle convention était et demeure en vigueur au Canada et en Hongrie, mais le juge des requêtes a estimé ne pouvoir prendre la Convention en considération que si les appelantes avaient prouvé qu’elle avait été dûment approuvée au moyen d’une loi au Canada et en Hongrie. Les appelantes ont fait valoir que le juge des requêtes avait commis des erreurs : (1) en exigeant qu’elles démontrent que le témoignage des inventeurs/cédants était nécessaire; (2) en limitant le nombre d’inventeurs/cédants qui pouvaient être interrogés conformément au paragraphe 456(5) des Règles; et (3) en ne tenant pas compte de la preuve relative à la Convention.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

(1) La partie à une action qui désire interroger un cédant qui a sa résidence au Canada peut le faire de plein droit pourvu que les dispositions de la Règle 462 relatives à la signification d’une mise en demeure de comparaître et d’un montant d’argent suffisant aient été respectées. La partie qui interroge n’est nullement tenue par la loi de prouver à quiconque, comme condition préalable à l’interrogatoire, que le cédant est requis pour expliquer un fait en cause ou que la comparution du cédant en vue d’un interrogatoire préalable oral est nécessaire. Le paragraphe 462(4) envisage l’aide du tribunal lorsque les personnes à interroger résident à l’extérieur du Canada, en l’absence d’entente entre elles et les parties, mais il n’impose pas ces exigences expressément ou par voie d’interprétation nécessaire. Comme elles ne reposent ni sur un principe ni sur la doctrine et la jurisprudence, le juge des requêtes a commis une erreur en les imposant.

(2) Le juge des requêtes a également eu tort de conclure que les appelantes n’avaient le droit d’interroger au préalable qu’un inventeur/cédant. Le paragraphe 456(5) utilise le singulier, mais le paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation prévoit que le pluriel ou le singulier s’appliquent, le cas échéant, à l’unité et à la pluralité. Les décisions judiciaires sur lesquelles le juge des requêtes s’est appuyé ne viennent pas étayer l’interprétation restrictive qu’il a donnée du paragraphe 456(5) et il a eu tort de refuser de tenir compte de la directive énoncée au paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation.

(3) La Convention vise à faciliter les procédures devant les tribunaux des États contractants. Elle ne modifie pas le droit interne des États contractants. Ainsi, selon la pratique existant au Canada, sa validité ne dépend pas de sa mise en œuvre au moyen d’une loi. Il faut l’interpréter de façon libérale afin de donner effet à sa fin véritable. Lorsque la Convention s’interprète de cette façon, l’interrogatoire préalable des inventeurs/ cédants est visé par la définition de « preuve à recueillir » à l’article 7 de la Convention.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Convention entre Sa Majesté et le Régent du Royaume de Hongrie concernant les actes de procédure en matières civiles et commerciales, 25 septembre 1935, [1939] R.T. Can. no 6, art. 7.

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 2, 3(1), 33(2).

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 10 (mod. par L.C. 1994, ch. 44, art. 86), partie II.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 332(1), 455 (mod. par DORS/90-846, art. 15), 456 (mod., idem), 457 (mod., idem), 458 (mod., idem), 459 (mod., idem), 460 (mod., idem), 461 (mod., idem), 462 (mod., idem), 463 (mod., idem), 464 (mod., idem), 465 (mod., idem), 466 (mod., idem), 466.3 (édicté par DORS/92-726, art. 4), 494(9) (mod. par DORS/90-846, art. 21).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Zingre c. La Reine et autres, [1981] 2 R.C.S. 392; (1981), 127 D.L.R. (3d) 223; 10 Man. R. (2d) 62; 61 C.C.C. (2d) 465; 23 C.P.C. 259; 38 N.R. 272.

DISTINCTION FAITE AVEC :

Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Company Limited, [1984] 2 C.F. 42 (1983), 1 C.I.P.R. 163; 77 C.P.R. (2d) 76 (1re inst.); Sternson Ltd. c. CC Chemicals Ltd., [1982] 1 C.F. 350 (1981), 124 D.L.R. (3d) 76; 58 C.P.R. (2d) 145; 36 N.R. 507 (C.A.); Lido Industrial Products Ltd. c. Teledyne Industries, Inc., [1979] 1 C.F. 310 (1978), 91 D.L.R. (3d) 81; 41 C.P.R. (2d) 1; 23 N.R. 100 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Dennison Manufacturing Co. of Canada Ltd. c. Dymo of Canada Ltd. (1975), 23 C.P.R. (2d) 155 (C.F. 1re inst.); Abitibi-Price Sales Corp. c. Wilhelm Wesch (Le), [1987] 2 C.F. 579 (1987), 10 F.T.R. 14 (1re inst.).

DOCTRINE

Castel, J.-G. Canadian Conflict of Laws, 3rd ed., Toronto : Butterworths, 1994.

Freedman, B. J. et G. N. Harney. « Obtaining Evidence from Canada : The Enforcement of Letters Rogatory by Canadian Courts » (1987), 21 U.B.C. L. Rev. 351.

Gotlieb, A. E. Canadian Treaty-Making. Toronto : Butterworths, 1968.

Hogg, Peter. Constitutional Law of Canada, 3rd ed., Scarborough : Carswell, 1992.

Kindred, H. M. et al. International Law Chiefly as Interpreted and Applied in Canada, 5th ed., Toronto : Emond Montgomery Publications Ltd., 1993.

Ministère des Affaires étrangères. Mesures prises par le Canada en matière de traités bilatéraux, 1992.

APPEL d’une ordonnance interlocutoire rejetant une requête présentée en vertu des paragraphes 456(5) et 462(4) des Règles de la Cour fédérale en vue d’obtenir une ordonnance pour la tenue de l’interrogatoire préalable de huit inventeurs/cédants du brevet de l’intimée résidant en Hongrie ((1994), 87 F.T.R. 230 (C.F. 1re inst.)). Appel accueilli.

AVOCATS :

G. Alexander Macklin, c.r. et Jane E. Clark pour les appelantes (défenderesses).

Ronald E. Dimock et Solomon R. Avisar pour l’intimée (demanderesse).

PROCUREURS :

Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour les appelantes (défenderesses).

Avisar, Hunt & Yan, Ottawa, pour l’intimée (demanderesse).

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge en chef Isaac : Il s’agit d’un appel formé contre une ordonnance interlocutoire rendue par un juge des requêtes en Section de première instance le 28 novembre 1994 [(1994), 87 F.T.R. 230], dans une action intentée par l’intimée pour contrefaçon de son brevet. L’ordonnance a rejeté une requête présentée par les appelantes en vue d’obtenir une ordonnance conformément aux paragraphes 456(5) et 462(4) des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 [mod. par DORS/90-846, art. 15] (ci-après appelées « les Règles ») pour la tenue de l’interrogatoire préalable de huit inventeurs/cédants du brevet de l’intimée qui résident à Budapest, en Hongrie.

Dans cette action, l’intimée réclame la propriété du brevet en tant que cessionnaire de neuf inventeurs, dont huit sont encore ses employés. Les appelantes contestent l’action en se fondant sur plusieurs points, dont la dénégation de la contrefaçon. Elles allèguent également l’invalidité du brevet notamment pour le motif que les personnes y nommées en qualité d’inventeurs ne sont les inventeurs de rien qui soit brevetable.

Les appelantes ont déposé leur requête le 18 août 1994. À leur demande en vue de la tenue de l’interrogatoire préalable des huit inventeurs/cédants à Budapest, elles ont joint une demande d’ordonnance visant à forcer la société intimée à produire trois de ses employés pour être interrogés au préalable à Budapest en tant que ses représentants et une demande en vue de la délivrance de lettres rogatoires adressées à la Cour du district central de Pest afin de solliciter son aide pour l’interrogatoire préalable de tous ces employés à Budapest, en rapport avec l’action pour contrefaçon en instance devant notre Cour. Les éléments portés à la connaissance du juge des requêtes indiquent que les interrogatoires préalables étaient censés se dérouler durant la semaine du 12 au 16 septembre 1994 inclusivement. La requête a été entendue le 23 août 1994. Le 28 novembre 1994, le juge des requêtes a rendu l’ordonnance qui rejetait la requête. Il a donné plusieurs motifs à cet égard.

Il a rejeté comme étant prématurée la requête présentée conformément au paragraphe 456(4) [mod., idem] des Règles en vue d’une ordonnance qui obligerait certaines personnes nommées par les appelantes à se rendre à Budapest pour être soumises à un interrogatoire préalable pour la société intimée. Le juge des requêtes a signalé, avec raison à mon humble avis, qu’en vertu du paragraphe 456(2) [mod., idem] des Règles, le droit de désigner la ou les personnes qui seront soumises à un interrogatoire préalable pour la société intimée est accordé à l’intimée dans le premier cas mais non aux appelantes ou à la Cour. Tant que les personnes désignées par l’intimée n’avaient pas montré durant l’interrogatoire préalable qu’elles n’étaient pas des personnes bien renseignées au sens du paragraphe 456(2), les appelantes ne pouvaient pas invoquer à leur avantage les dispositions du paragraphe 456(4). Comme en l’espèce les interrogatoires préalables n’avaient pas encore eu lieu, le juge des requêtes a rejeté cette partie de la requête, mais sous réserve du droit pour les appelantes de présenter de nouveau leur demande dans des circonstances appropriées. Cette partie de l’ordonnance n’a fait l’objet d’aucun appel.

Le juge des requêtes a ensuite porté son attention sur la demande présentée par les appelantes conformément aux paragraphes 456(5) et 462(4) des Règles en vue d’obtenir une ordonnance pour interroger au préalable huit des neufs inventeurs/cédants à Budapest. Il a rejeté cette partie de la requête pour plusieurs motifs. Premièrement, il a dit que les inventeurs/cédants n’avaient pas besoin d’expliquer leurs inventions à qui que ce soit, puisque, par définition, toute personne raisonnablement versée dans l’art ou la science de l’inventeur pourrait, après examen du brevet, le reproduire lorsque le monopole prendrait fin. Deuxièmement, il a conclu que les appelantes n’avaient pas prouvé « qu’il est nécessaire que pareilles personnes [inventeurs/cédants] comparaissent à un interrogatoire préalable oral » (à la page 233). Troisièmement, de toute façon, le juge des requêtes a conclu, en se fondant sur la décision Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Company Limited, [1984] 2 C.F. 42(1re inst.), que les appelantes avaient le droit d’interroger seulement un des huit inventeurs/cédants, malgré la directive prévue au paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21. Comme les appelantes n’avaient pas désigné la personne qui devait être interrogée au préalable, il a refusé de rendre l’ordonnance. Il a refusé d’appliquer la Convention entre Sa Majesté et le Régent du Royaume de Hongrie concernant les actes de procédure en matières civiles et commerciales, signée à Budapest le 25 septembre 1935, R.T. Can. 1939 no 6, à laquelle le Canada a donné son adhésion, (ci-après appelée « la Convention »), comme les appelantes l’avaient demandé.

Les appelantes s’opposent à l’ordonnance dans la mesure où elle a rejeté la requête présentée conformément aux paragraphes 456(5) et 462(4) des Règles. Elles allèguent plusieurs causes d’erreur. Premièrement, elles soutiennent que le juge des requêtes a commis une erreur en exigeant qu’elles démontrent que les inventeurs/cédants ont besoin d’expliquer le brevet et que leurs témoignages sont nécessaires. Elles font valoir que, à sa lecture même ou par voie d’interprétation nécessaire, le paragraphe 456(5) n’impose aucune de ces deux obligations; deuxièmement, elles prétendent qu’il a commis une erreur en limitant le nombre d’inventeurs/cédants qui peuvent être interrogés conformément au paragraphe 456(5); troisièmement, elles déclarent qu’il a commis une erreur en estimant que les paragraphes 456(5) et 462(4) exigeaient que les inventeurs/cédants soient du ressort de notre Cour; et en dernier lieu, elles affirment qu’il n’a pas tenu compte de la preuve relative à la Convention. Quant à l’intimée, elle demande le maintien de l’ordonnance, en prétendant que le juge des requêtes a eu raison dans toutes ses conclusions.

Je traiterai chacun des motifs d’objection à tour de rôle. Cependant, comme le règlement des questions qu’ils soulèvent invite à tenir compte des dispositions des Règles promulguées en 1990, il pourrait être utile de reproduire ici les règles pertinentes. Dans la mesure où le juge des requêtes a fondé ses conclusions sur des principes énoncés par notre Cour ou par la Section de première instance dans des affaires jugées avant 1990, je reproduis aussi l’ancienne Règle 465, qui régissait la procédure se rapportant aux interrogatoires préalables. Les passages pertinents de la Règle 456 sont rédigés ainsi :

Règle 456. (1) Une partie n’a le droit d’interroger toute partie adverse au préalable qu’une seule fois sans l’autorisation de la Cour.

(2) Lorsqu’une personne morale, un groupe de personnes ou une entité non constitué est soumis à un interrogatoire préalable, il doit choisir un dirigeant, un directeur, un membre ou un employé bien renseigné qui sera interrogé en son nom.

(4) Lorsqu’elle est saisie d’une demande de la part d’une partie ayant le droit d’interroger une personne désignée conformément à l’alinéa (2) ou (3), la Cour peut ordonner qu’une autre personne soit interrogée.

(5) Lorsque le cessionnaire est partie à l’action, le cédant peut également faire l’objet d’un interrogatoire préalable. [C’est moi qui souligne.]

Les passages pertinents de la Règle 462 sont libellés ainsi :

Règle 462. (1) La partie qui désire interroger une partie adverse au moyen d’un interrogatoire préalable oral :

a) signifie une mise en demeure de comparaître (formule 21) à la partie adverse et une copie de cette mise en demeure à toute autre partie à l’action, et, sauf si les parties en conviennent autrement,

b) signifie à la partie adverse un montant d’argent suffisant pour couvrir les frais raisonnables de déplacement et de séjour de la personne soumise à l’interrogatoire.

(2) La mise en demeure de comparaître et le montant d’argent mentionnés à l’alinéa (1) sont également signifiés au cédant ou au failli qui fait l’objet d’un interrogatoire préalable conformément à la règle 456(5) ou (6).

(4) Sauf ordonnance expresse de la Cour, la personne soumise à un interrogatoire préalable oral qui n’a pas sa résidence au Canada est interrogée à l’endroit, de la manière, et aux frais et dépens acceptés par cette personne ou convenus entre les parties.

L’ancienne Règle 465 se lisait ainsi en ce qui concerne ses passages pertinents :

Règle 465. (1) Aux fins de la présente Règle, on peut procéder à l’interrogatoire préalable d’une partie, tel que ci-après prévu dans cette Règle,

a) si la partie est un individu, en interrogeant la partie elle-même,

b) si la partie est une corporation ou un corps ou autre groupe de personnes autorisé à ester en justice, soit en son propre nom soit au nom d’un membre de sa direction ou d’une autre personne, en interrogeant un membre de la direction ou autre membre de cette corporation ou de ce groupe,

et dans cette Règle, une partie qui est interrogée au préalable ou qui doit être interrogée au préalable est parfois désignée comme « la partie qui est interrogée au préalable » ou « la partie qui doit être interrogée au préalable » selon le cas et l’individu qui est ou, qui doit être interrogé, est parfois désigné comme « l’individu qui est interrogé » ou « l’individu qui doit être interrogé » selon le cas.

(5) Le cédant d’un brevet d’invention, d’un droit d’auteur, d’une marque de commerce, d’un dessin industriel ou de tout bien, droit ou intérêt peut être interrogé au préalable par une partie qui est opposée à tout cessionnaire. (Lorsque le contexte le permet, la mention faite dans la présente Règle d’un individu qui doit être interrogé ou d’un individu qui est interrogé comprend un tel cessionnaire).

(7) Sur demande de la partie qui se propose d’exercer en vertu de la présente Règle un droit d’interrogatoire préalable, toute personne qui est habilitée par l’alinéa (6) pour être l’examinateur et qui a convenu d’agir en cette qualité pour cet interrogatoire particulier doit émettre une convocation signée par elle et fixant les temps et lieu prévus pour l’interrogatoire (Une telle convocation doit indiquer les noms de la partie qui procède à l’interrogatoire préalable, de la partie qui doit être interrogée au préalable et de l’individu qui doit être interrogé).

(8) Une convocation émise en vertu de l’alinéa (7), à laquelle doit être joint le montant approprié des frais de déplacement, doit être signifiée au procureur ou solicitor de la partie qui doit être interrogée dans le cas d’un interrogatoire préalable autre que ceux visés par l’alinéa (1)b) ou l’alinéa (5); et elle doit également être ainsi signifiée dans le cas d’un interrogatoire préalable visé par l’alinéa (1)b) si la Cour en donne l’ordre avant que la signification ne soit effectuée; et, dans tous les cas auxquels s’applique le présent alinéa, la signification de la convocation au procureur ou solicitor de la partie qui doit être examinée, suffira.

(9) Dans tout cas auquel ne s’applique pas l’alinéa (8), l’individu qui doit être interrogé peut être cité à comparaître (par subpoena ad testificandum ou subpoena duces tecum) de la même façon qu’un témoin cité pour interrogatoire. Dans ce cas, la convocation émise en vertu de l’alinéa (7) doit être signifiée au procureur ou solicitor de la partie qui doit être interrogée au préalable ou de la partie dont l’intérêt est opposé à celui de la partie qui procède à l’interrogatoire, selon le cas.

(12) Lorsqu’un individu qui doit être interrogé au préalable est hors du ressort de la Cour, temporairement ou d’une façon permanente, la Cour pourra ordonner, ou les parties pourront convenir, que l’interrogatoire préalable soit tenu à un endroit, et de telle manière, qui sera considérée comme juste et convenable.

(15) À un interrogatoire préalable autre qu’un interrogatoire en vertu de l’alinéa (5), l’individu qui est interrogé doit répondre à toute question sur tout fait que la partie interrogée au préalable connaît ou a les moyens de connaître et qui peut soit démontrer ou tendre à démontrer ou réfuter ou tendre à réfuter une allégation de fait non admis dans une plaidoirie à la cause de la partie qui est interrogée au préalable ou de la partie qui procède à l’interrogatoire.

(16) À l’interrogatoire préalable d’une personne en vertu de l’alinéa (5), cette dernière doit répondre à toute question sur tout fait dont elle a connaissance et qui peut soit démontrer ou tendre à démontrer une allégation de fait non admis dans une plaidoirie du cessionnaire ou de la partie qui procède à l’interrogatoire, soit réfuter ou tendre à réfuter une telle allégation de fait. [C’est moi qui souligne.]

Contrairement aux anciennes Règles qui prévoyaient à la Règle 465 un code complet pour le déroulement des interrogatoires préalables, les Règles actuelles ont établi un régime simplifié qui, dans certains cas, est formulé de façon différente. Ainsi, les Règles 455 à 461 [mod., idem] régissent le déroulement des interrogatoires préalables en général; les Règles 462 à 466 [mod., idem] régissent le déroulement des interrogatoires préalables effectués oralement et la Règle 466.3 [édictée par DORS/92-726, art. 4] prévoit l’audition avant le procès de personnes qui ne sont pas parties à l’action. Il faut noter que, contrairement à l’ancienne Règle 465, les Règles actuelles n’imposent pas la comparution des personnes au moyen d’assignations, mais elles prévoient à la Règle 461 une série de sanctions en cas de manquement.

Le paragraphe 456(5) est clair et sans équivoque. Il est libellé ainsi :

Règle 456….

(5) Lorsque le cessionnaire est partie à l’action, le cédant peut également faire l’objet d’un interrogatoire préalable.

À sa lecture même, ce paragraphe confère à la partie à une action qui a un intérêt opposé à celui d’un cessionnaire qui est également partie à l’action le droit d’interroger le cédant. Ce droit peut être exercé à la discrétion de la partie qui a un intérêt opposé à celui du cessionnaire. À mon avis, ce paragraphe suppose que le cédant témoignera au sujet de faits se rapportant aux questions en litige. Il a été jugé que l’ancien paragraphe 465(5), qui accordait un droit semblable, visait à permettre à la partie effectuant l’interrogatoire d’obtenir des faits en vue de la préparation d’une preuve complète et d’obtenir du cédant des déclarations qui pourraient être utilisées pour attaquer sa crédibilité en cours de contre- interrogatoire, si le cédant était assigné comme témoin au procès. Voir Sternson Ltd. c. CC Chemicals Ltd., [1982] 1 C.F. 350(C.A.), à la page 358, et Dennison Manufacturing Co. of Canada Ltd. c. Dymo of Canada Ltd. (1975), 23 C.P.R. (2d) 155 (C.F. 1re inst.), aux pages 161 et 162.

Le droit prévu au paragraphe 456(5) est distinct et indépendant de celui prévu aux paragraphes 456(1), (2) ou (3) d’interroger une partie adverse, si c’est un individu, ou un dirigeant, un directeur, un membre ou un employé, si c’est une personne morale ou la Couronne. Ainsi, la partie à une action qui désire interroger un cédant qui a sa résidence au Canada peut le faire de plein droit pourvu que les dispositions de la Règle 462 relatives à la signification d’une mise en demeure de comparaître et d’un montant d’argent suffisant aient été respectées. Dans un tel cas, la partie qui interroge n’a pas besoin d’invoquer l’aide de la Cour à moins que ce soit pour demander que les sanctions prescrites à la Règle 461 soient imposées dans un cas approprié. Dans le cas d’un cédant qui a sa résidence au Canada, la partie qui interroge n’est nullement tenue par la loi de prouver à quiconque, comme condition préalable à l’interrogatoire, que le cédant est requis pour expliquer un fait en cause ou que la comparution du cédant en vue d’un interrogatoire préalable oral est nécessaire. Mais on n’a pas sollicité l’aide du juge des requêtes pour l’interrogatoire préalable des inventeurs/cédants qui ont leur résidence au Canada. Les personnes qui devaient être interrogées au préalable avaient toutes leur résidence à Budapest. Le paragraphe 462(4) envisage l’aide du tribunal dans un tel cas, en l’absence d’entente entre les personnes qui doivent être interrogées au préalable et les parties. Toutefois, le paragraphe 462(4) n’impose pas ces exigences expressément ou par voie d’interprétation nécessaire. Comme elles ne reposent ni sur un principe ni sur la doctrine et la jurisprudence, je dois conclure que le juge des requêtes a commis une erreur en les imposant.

Quant au deuxième motif d’objection, à savoir que le juge des requêtes a eu tort de conclure que les appelantes n’avaient le droit d’interroger au préalable qu’un inventeur/cédant, j’ai seulement besoin de dire que je suis tout à fait d’accord avec l’affirmation des appelantes. Il est vrai que le paragraphe 456(5) des Règles utilise le singulier. Mais, comme chacun sait, ce paragraphe fait partie d’un texte au sens de la définition prévue à l’article 2 de la Loi d’interprétation. Les dispositions de cette Loi, en raison de son paragraphe 3(1), s’appliquent à tout texte. Le paragraphe 33(2) contient une directive claire et non équivoque selon laquelle, dans l’interprétation de textes fédéraux, comme les Règles :

33. …

(2) Le pluriel ou le singulier s’appliquent, le cas échéant, à l’unité et à la pluralité.

Dans ses motifs, le juge des requêtes s’est référé à cette disposition, mais, comme il était d’avis qu’il lui appartenait d’empêcher « la multitude d’interrogatoires que laisse entendre la demande [des appelantes] en vue d’interroger huit cédants » [à la page 233], il a refusé de tenir compte de la directive claire. Il a préféré s’appuyer sur la décision rendue par le juge Walsh dans Corning Glass Works , précitée, et tirer des décisions rendues par notre Cour dans Lido Industrial Products Ltd. c. Teledyne Industries, Inc., [1979] 1 C.F. 310(C.A.), et Sternson Ltd. c. CC Chemicals Ltd., précitée, un appui à sa position selon laquelle un seul inventeur/cédant pouvait être interrogé au préalable. Le premier point à noter au sujet de ces décisions judiciaires, c’est qu’elles ont toutes été rendues avant 1990, sous l’empire de l’ancienne Règle 465.

La décision Lido Industrial Products Ltd. est la première selon l’ordre chronologique. Dans cette affaire-là, la défenderesse [appelante] dans une action pour contrefaçon d’un brevet demandait l’autorisation d’interroger au préalable conformément à l’ancien paragraphe 465(5) des Règles deux cédants du brevet qui avaient leur résidence aux États-Unis. La défenderesse [appelante] demandait qu’ils comparaissent pour être interrogés au préalable par un examinateur spécial à Toronto. La requête a été rejetée en Section de première instance, et ce rejet a été confirmé en appel. Le juge en chef a, au nom de la Cour à l’unanimité, donné deux raisons en faveur du rejet de l’appel. Premièrement, il a dit que le paragraphe 465(5) contenait une limite territoriale implicite car une ordonnance de la Cour n’était exécutoire qu’au moyen d’une assignation qui n’avait aucune valeur à l’extérieur du Canada. Deuxièmement, la défenderesse [appelante] n’avait pas prouvé l’existence d’une convention internationale qui permettait l’interrogatoire préliminaire de témoins possibles par opposition à l’obtention d’éléments de preuve pour les fins du procès au Canada. Dans les motifs de cette décision, on n’examine pas la question de savoir si l’interrogatoire préalable devrait se limiter à un seul cédant. J’ajouterais que, même si ces motifs laissent croire que la Section de première instance avait refusé la requête en vue de l’interrogatoire préalable de deux cédants non résidents, l’appel s’est limité au refus relativement à un seul cédant. Aucune explication n’est fournie en ce qui concerne la limite imposée.

L’arrêt Sternson Ltd., précité, consistait en un appel formé contre un jugement de la Section de première instance [[1981] 1 C.F. 541 qui empêchait la défenderesse dans une action pour contrefaçon de poursuivre aux États-Unis l’interrogatoire préalable d’un cédant du brevet qui y avait sa résidence, conformément à une ordonnance d’une cour de district des États-Unis. La Cour a accueilli l’appel. Les motifs décisifs du juge Ryan, qui se prononçait au nom de la Cour à l’unanimité, apparaissent dans le passage suivant, à la page 359 :

Il est vrai que, pour les motifs donnés dans l’arrêt Lido, la Division de première instance de la Cour fédérale n’aurait pu ordonner l’interrogatoire préalable de M. Rehmar. Il en est ainsi parce que, et seulement parce que, M. Rehmar ne serait pas soumis à un subpoena délivré au Canada. Je ne vois cependant pas en quoi cela empêche l’appelante de se présenter devant un tribunal américain ayant juridiction sur M. Rehmar pour obtenir, en vertu de la loi américaine applicable, le genre d’ordonnance qu’elle pourrait obtenir de la Cour fédérale si M. Rehmar, le cédant du brevet, se trouvait au Canada. La procédure à laquelle on a eu recours à l’étranger est une procédure admissible dans l’action dont la Cour fédérale est saisie en ce qui concerne un cédant à qui il est possible de faire une signification au Canada. L’interrogatoire intervenu à l’étranger n’est évidemment pas celui prévu à la Règle 465. Cela ne signifie cependant pas qu’il soit interdit d’y procéder.

Comme dans l’arrêt Lido Industrial Products Ltd., on n’examine pas non plus dans l’arrêt Sternson Ltd. la question de savoir si un interrogatoire préalable effectué conformément à l’ancien paragraphe 465(5) devrait se limiter à un seul cédant.

Dans Corning Glass Works, précité, les défenderesses dans une action pour contrefaçon se sont prévalues de l’ancienne Règle 465 pour demander l’autorisation de signifier une assignation de comparaître à un interrogatoire préalable à l’un des deux inventeurs/cédants du brevet, qui avait sa résidence aux États-Unis. Il semble que l’autre inventeur/cédant avait déjà été interrogé au préalable pour la société demanderesse et que, durant l’interrogatoire préalable, il avait entrepris de s’informer et de fournir les renseignements demandés par la défenderesse. En refusant cette autorisation, le juge Walsh a cité l’ancien paragraphe 465(5) des Règles et a déclaré aux pages 46 et 47 :

Le mot « cédant » est employé au singulier et rien n’indique que dans le cas d’un coïnventeur les deux parties peuvent être interrogées au préalable. Pendant son interrogatoire, M. Schultz s’est engagé à s’informer au sujet de M. Maurer et bien qu’il puisse être utile pour les défenderesses d’interroger le coïnventeur Maurer, cela ne signifie pas nécessairement un deuxième interrogatoire, puisque normalement en vertu de notre procédure, contrairement à celle en vigueur aux États-Unis, une seule personne peut être interrogée pour une société. En l’espèce M. Schultz a été interrogé. Il est vrai que le paragraphe (19) de la Règle 465 autorise la Cour pour des raisons spéciales mais exceptionnellement, et dans sa discrétion, à ordonner un autre examen préalable après qu’une partie ou cessionnaire aura été examiné au préalable en vertu de la Règle; toutefois, il s’agit d’une disposition qui n’est pas utilisée fréquemment.

Cependant, la véritable question tient à ce que la présente Cour ne peut réellement délivrer un subpoena enjoignant un non résident à venir au Canada pour y être interrogé, même si on offre le montant des frais de déplacement. [C’est moi qui souligne.]

Dans cette affaire-là, le juge des requêtes ne semble pas avoir tenu compte de la directive énoncée au paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation. En tout cas, il est manifeste que le passage de ses motifs que je viens de citer n’était pas nécessaire à sa décision.

En résumé, je conclus que les décisions judiciaires sur lesquelles le juge des requêtes s’est appuyé en l’espèce ne viennent pas étayer l’interprétation restrictive qu’il a donnée du paragraphe 456(5) et qu’il a eu tort de refuser de tenir compte de la directive claire et non équivoque du paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation.

Chacune des affaires invoquées avait trait à la limite territoriale des assignations délivrées par la Cour et adressées à des non-résidents. Il s’agit d’une préoccupation valable, car il est essentiel que la Cour ne délivre pas d’actes de procédure qu’elle ne peut pas faire exécuter. Mais comme le juge en chef l’a mentionné dans Lido Industrial Products Ltd., précité, cette préoccupation cesserait si l’acte de procédure pouvait être exécuté en vertu d’une convention internationale en vigueur.

La préoccupation exprimée dans ces affaires relativement à la portée des actes de procédure de la Cour s’applique tout autant aux actes de procédure délivrés en vertu des Règles actuelles, même si la contrainte par assignation n’est plus la façon d’assurer la comparution d’une personne. Les appelantes ont reconnu cette limite et ont fait devant le juge des requêtes la preuve de la Convention, qui, à leur avis, fournit un mécanisme efficace pour l’exécution de toute ordonnance que la Cour pourrait rendre conformément au paragraphe 462(4) des Règles pour l’interrogatoire préalable des inventeurs/cédants à Budapest. Elles soutiennent que le juge des requêtes n’a pas tenu compte de leurs éléments de preuve. Essentiellement, les appelantes font valoir que le paragraphe 462(4) des Règles confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’ordonner que des non-résidents soient interrogés oralement au préalable; mais elles admettent que la Cour rendra une telle ordonnance seulement lorsque celle-ci a des chances de donner des résultats. La Convention, dont la preuve a été faite devant le juge des requêtes, montre qu’une telle ordonnance pourrait donner des résultats en l’espèce. Pour ces raisons, disent-elles, notre Cour devrait rendre une telle ordonnance et délivrer une lettre rogatoire.

Avant d’examiner les allégations des appelantes sur ce point, je désire faire quelques observations sur la nature des éléments de preuve qu’elles ont présentés.

Les appelantes ont prouvé l’existence de la Convention et le fait qu’elle était en vigueur tant au Canada qu’en Hongrie en déposant l’affidavit de Birgit Baasch, une stagiaire du cabinet Gowling, Strathy & Henderson, qui les représente. Une copie de la Convention, publiée par l’Imprimeur du Roi (maintenant l’Imprimeur de la Reine), est annexée à l’affidavit sous la cote H. Sont également annexées sous la cote I quelques pages tirées d’un document élaboré par le ministère des Affaires étrangères et intitulé Mesures prises par le Canada en matière de traités bilatéraux (1992). Ce document contient l’entrée suivante en ce qui concerne la Hongrie :

Entraide judiciaire

Convention entre le Royaume-Uni et la Hongrie concernant les actes de procédure en matière civile et commerciale.

Budapest, le 25 septembre 1935

En vigueur le 1er avril 1939

Notes

Extension au Canada le 1er avril 1939 notifiée par un Échange de Notes signées à Budapest les 1er et

23 mars 1939 (RTC 1939/6)

Suspendue durant la Deuxième Guerre mondiale, remise en vigueur le 27 février 1948.

Au paragraphe 13 de son affidavit, Mme Baasch a déclaré que, selon ce qu’elle savait et croyait, la Convention et les notes échangées sont encore en vigueur. Cette information découlerait d’une conversation téléphonique entre la déposante et le registraire de la Section des traités du ministère des Affaires étrangères. De la même façon, au paragraphe 15, Mme Baasch a attesté ce qui suit :

[traduction] 15. J’ai appris de Klara Kaszo, avocat à Budapest (Hongrie), et je le crois très sincèrement, que, si une ordonnance devait être rendue par la Cour fédérale du Canada et une lettre rogatoire délivrée par cette même cour à la Cour de Hongrie, pour demander la comparution de citoyens hongrois relativement à des procédures en matière civile intentées au Canada, dont les présentes procédures introduites en Cour fédérale du Canada, en vertu de la Convention susmentionnée, les tribunaux hongrois mettraient à exécution l’ordonnance rendue au Canada et le ministre de la Justice se conformerait à la lettre rogatoire pour obliger les citoyens hongrois à comparaître à cette fin. Mme Kaszo a également dit que la Convention était encore en vigueur.

Étant donné les dispositions du paragraphe 332(1) des Règles selon lesquelles, lors de requêtes interlocutoires, les faits peuvent se prouver au moyen d’affidavits fondés sur ce que les déposants savent et croient, la preuve présentée par les appelantes suffit, mais à peine. Il aurait été préférable que les appelantes prouvent ces faits en déposant un affidavit émanant du registraire des traités relativement à la validité de la Convention au Canada et un autre émanant du procureur hongrois relativement à sa validité en Hongrie, affidavits fondés sur ce qu’ils en savent.

De toute façon, le juge des requêtes avait pris connaissance d’éléments de preuve non contredits selon lesquels il y avait en vigueur entre le Canada et la Hongrie une convention d’entraide judiciaire en matière civile et commerciale et selon lesquels un tribunal hongrois honorerait une lettre rogatoire émanant de notre Cour en vue d’une aide pour assurer la comparution des inventeurs/cédants pour la tenue d’interrogatoires préalables à Budapest. Le juge des requêtes n’a reconnu aucun effet à ces éléments de preuve, parce que l’on n’avait pas fait la preuve du droit hongrois. Il semblait également d’avis que le défaut de prouver que la Convention avait été dûment mise en œuvre tant au Canada qu’en Hongrie constituait un vice fondamental. Par conséquent, il a considéré la requête des appelantes comme étant une demande présentée en vertu de la Partie II de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, et, en fin de compte, il a refusé de délivrer des lettres rogatoires en vertu de cette Partie. Il a eu raison d’agir ainsi non pas pour le motif qu’il a donné mais parce que cette Partie ne s’appliquait pas à l’espèce. La Partie II de la Loi sur la preuve au Canada traite de la preuve à recueillir dans les procédures devant les tribunaux étrangers et non pas, comme en l’espèce, devant les tribunaux canadiens.

Donc, le juge des requêtes ne disposait plus que de la Convention comme seul mécanisme pour exécuter l’ordonnance que les appelantes avaient demandée. Il ressortait de la preuve présentée devant lui que la Convention était en vigueur au Canada et en Hongrie, mais il n’en a pas tenu compte car il estimait ne pouvoir prendre la Convention en considération que si les appelantes avaient prouvé qu’elle avait été dûment approuvée au moyen d’une loi au Canada et en Hongrie. Pour lui, « les accords simplement conclues par le pouvoir exécutif d’un gouvernement depuis longtemps disparu » [à la page 236] ne suffiraient pas, même en présence d’une preuve non contredite que l’entente est en vigueur.

La Convention a été conclue à Budapest le 25 septembre 1935 entre les dirigeants du Royaume-Uni et ceux du Royaume de Hongrie, par l’intermédiaire de leurs plénipotentiaires respectifs.

Le préambule est libellé ainsi :

Sa Majesté le Roi de Grande-Bretagne, d’Irlande et des Territoires britanniques au delà des mers, Empereur des Indes, et Son Altesse Sérénissime le Régent du Royaume de Hongrie, désireux de se prêter une assistance mutuelle dans l’accomplissement des actes de procédure relatifs aux affaires civiles ou commerciales dont sont saisies ou pourraient être saisies leurs autorités judiciaires respectives, ont résolu de conclure une convention à cet effet et ont désigné pour leurs plénipotentiaires :

Sa Majesté le Roi de Grande-Bretagne, d’Irlande et des Territoires britanniques au delà des mers, Empereur des Indes :

Pour la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord :

L’honorable sir Patrick William Maule Ramsay, K.C.M.G., envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Sa Majesté à Budapest :

Son Altesse Sérénissime le Régent du Royaume de Hongrie : M. Kálmán Kánya de Kánya, ministre royal de Hongrie pour les Affaires étrangères.

L’article 17 indique que la Convention ne s’applique pas ipso facto à toutes les parties de ce qui était alors connu sous le nom d’Empire britannique, et cet article ainsi que l’article 18 prévoient un mécanisme en vue d’étendre son application à des parties de l’Empire britannique autres que le Royaume-Uni.

La Convention a été ratifiée par un échange de notes à Londres, le 7 mai 1936. Elle a été étendue au Canada conformément aux articles 17 et 18 par notification au moyen d’un échange de notes en date des 1er et 23 mars 1939 et est entrée en vigueur dans le cas du Canada le 1er avril 1939. Elle a été suspendue durant la Seconde Guerre mondiale, probablement parce que le Royaume de Hongrie était alors considéré comme un État ennemi. Comme le chef d’État du Royaume-Uni n’a délivré de nouvelles lettres patentes habilitant le gouverneur général du Canada qu’en 1947, la ratification et la mise en œuvre de la Convention ont été faites par le Royaume-Uni. En 1948, le Canada a notifié à la Hongrie la remise en vigueur de la Convention. Voir A. E. Gotlieb, Canadian Treaty-Making (Toronto : Butterworths, 1968), aux pages 39 et 81. Il ressort de la preuve présentée devant le juge des requêtes et devant nous que la Convention est encore en vigueur au Canada et en Hongrie.

La Convention vise à faciliter les procédures en matière civile et commerciale devant les tribunaux des États contractants. Elle ne modifie pas le droit interne des États contractants. Ainsi, selon la pratique existant au Canada, sa validité ne dépend pas de sa mise en œuvre régulière au moyen d’une loi. Voir P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada, vol. 1, 3e éd. (Scarborough : Carswell, 1992), aux pages 11-4 à 11-6; H. M. Kindred et autres, International Law Chiefly as Interpreted and Applied in Canada, 5e éd. (Toronto : Emond Montgomery Publications Ltd., 1993); Abitibi-Price Sales Corp. c. Wilhelm Wesch (Le), [1987] 2 C.F. 579(1re inst.). Le juge des requêtes a donc eu tort d’exiger que l’on fasse la preuve de l’existence d’une loi fédérale qui mette la Convention en œuvre.

La Partie III de la Convention décrit la façon de recueillir la preuve. Les articles 7, 8 et 9 sont rédigés ainsi :

III.—Réunion des preuves

Article 7

(a) Lorsqu’une autorité judiciaire siégeant sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes demandera que des preuves soient recueillies sur le territoire de l’autre Haute Partie contractante, ces preuves pourront être recueillies suivant l’une des méthodes prescrites aux articles 8 ou 9, dans les cas où ces articles sont applicables.

(b) Dans la partie III de la présente convention :

1o L’expression « réunion des preuves » doit être interprétée comme comprenant l’établissement d’un procès-verbal des dépositions d’un demandeur, d’un défendeur, d’un expert ou de toute autre personne déposant sous la foi du serment ou autrement, l’assermentation d’un demandeur, d’un défendeur, d’un expert ou de toute autre personne, aux fins d’un acte de procédure quelconque; ainsi que la production, l’identification et l’examen de pièces écrites, échantillons ou autres objets;

2o Le terme « témoin » sera considéré comme comprenant toute personne dont la déposition devra être recueillie comme il est dit ci-dessus;

3o L’expression « pays d’origine » sera interprétée comme signifiant le pays dont l’autorité judiciaire demande la réunion des preuves, et l’expression « pays d’exécution » comme signifiant le pays dans lequel doivent être recueillies les preuves. [Soulignement ajouté.]

Article 8

(a) L’autorité judiciaire du pays d’origine pourra, conformément à la législation de ce pays, s’adresser, par commission rogatoire, à l’autorité compétente du pays d’exécution pour lui demander de recueillir les preuves.

(b) La commission rogatoire sera rédigée dans la langue du pays d’exécution ou accompagnée d’une traduction dans cette langue. Cette traduction sera certifiée conforme par un agent diplomatique ou consulaire représentant le pays d’origine ou par un traducteur officiel ou juré du pays d’exécution ou du pays d’origine. La commission rogatoire indiquera la nature de l’affaire pour laquelle est demandée la réunion des preuves et fournira toutes les indications nécessaires à cet effet, les noms des parties et les noms, qualités et adresses des témoins. Elle devra également, soit : 1o être accompagnée d’une liste des questions à poser au témoin ou aux témoins, ou, selon le cas, d’une description des pièces écrites, échantillons ou autres objets à produire, à identifier ou à examiner, ainsi que d’une traduction certifiée conforme de la manière prévue ci-dessus; soit 2o demander à l’autorité compétente de permettre que soient posées de vive voix telles questions que les parties ou leurs représentants désireront poser.

(c) Les commissions rogatoires seront transmises :

En Angleterre, par un agent diplomatique ou consulaire hongrois au « Senior Master of the Supreme Court of Judicature ».

En Hongrie, par un agent diplomatique ou consulaire britannique au Ministère royal hongrois de la Justice.

Si l’autorité à laquelle une commission rogatoire a été transmise n’a pas qualité pour en assurer l’exécution, ladite autorité (sauf dans les cas où l’exécution est refusée conformément au paragraphe (f) du présent article) devra la faire suivre d’office à l’autorité compétente du pays d’exécution.

(d) L’autorité compétente du pays d’exécution devra donner effet à la commission rogatoire et recueillir les preuves demandées, en ayant recours aux mêmes mesures coercitives et aux mêmes voies de procédure que celles qui sont employées pour assurer l’exécution d’une commission ou d’une ordonnance émanant des autorités de son propre pays, sauf dans le cas où, dans la commission rogatoire, serait exprimé le désir qu’une procédure spéciale soit suivie, auquel cas cette procédure spéciale devra être appliquée dans la mesure où elle n’est pas incompatible avec la législation du pays d’exécution.

(e) L’agent diplomatique ou consulaire qui transmet la commission rogatoire sera, s’il le désire, informé de la date et du lieu où il sera procédé à l’acte demandé, afin qu’il puisse aviser la partie intéressée ou les parties intéressées, qui, si elles le désirent, seront autorisées à y assister en personne ou à s’y faire représenter par des représentants légaux qui ont qualité pour comparaître devant les tribunaux du pays d’exécution.

(f) L’exécution d’une commission rogatoire remplissant les conditions prévues ci-dessus dans le présent article ne pourra être refusée que :

1o Si l’authenticité de la commission rogatoire n’est pas établie;

2o Si, dans le pays d’exécution, l’exécution de la commission rogatoire en question ne rentre pas dans les attributions du pouvoir judiciaire;

3o Si la Haute Partie contractante sur le territoire de laquelle cette commission rogatoire doit être exécutée juge cet acte de nature à porter atteinte à sa souveraineté ou à sa sécurité.

(g) Dans tous les cas où la commission rogatoire n’aura pas été exécutée par l’autorité requise, celle-ci en avisera immédiatement l’agent diplomatique ou consulaire par lequel ladite commission rogatoire a été transmise, en indiquant les motifs pour lesquels l’exécution de la commission rogatoire a été refusée, ou l’autorité compétente à laquelle elle a été transmise.

(h) Lorsqu’une commission rogatoire aura été exécutée, l’autorité compétente à laquelle elle a été adressée ou transmise fournira à l’agent diplomatique ou consulaire par l’entremise duquel ladite commission rogatoire a été envoyée, les pièces justificatives nécessaires attestant qu’elle a été exécutée.

Article 9

(a) Les preuves pourront également être recueillies par un agent diplomatique ou consulaire représentant le pays d’origine, sans qu’une demande soit adressée aux autorités du pays d’exécution ou sans que ces autorités aient à intervenir.

(b) L’agent diplomatique ou consulaire pourra inviter les personnes désignées par le tribunal du pays d’origine à comparaître devant lui et à faire leurs dépositions. Il pourra procéder à toute réunion des preuves qui ne serait pas contraire à la législation du pays d’exécution. Les comparutions devant cet agent ainsi que les dépositions auront un caractère entièrement volontaire, et aucune mesure de coercition ne sera employée.

(c) Les preuves pourront être recueillies suivant les règles de procédure admises par la législation du pays d’origine, et les parties auront le droit de comparaître en personne ou de se faire représenter par des représentants légaux qui ont qualité pour comparaître devant les tribunaux du pays d’origine ou du pays d’exécution.

(d) Tant que le Gouvernement hongrois n’aura pas adressé une notification par la voie diplomatique, les dispositions du présent article ne s’appliqueront pas aux dépositions de personnes qui sont sujets ou citoyens de la Haute Partie contractante sur le territoire de laquelle les preuves doivent être recueillies.

Dans leur demande, les appelantes disent vouloir interroger les huit inventeurs/cédants pour deux raisons : premièrement, en vue d’en obtenir des renseignements leur permettant de préparer la preuve qu’elles doivent présenter et, deuxièmement, en vue d’obtenir des déclarations permettant d’attaquer sa crédibilité si un inventeur est assigné comme témoin pour l’intimée lors du procès. Elles concèdent à juste titre que le paragraphe 494(9) [mod. par DORS/90-846, art. 21] des Règles leur interdit d’utiliser tout élément de preuve qu’elles obtiennent de ces témoins pour prouver un fait en cause lors du procès puisque les témoins ne sont pas parties à l’action. Mais cela n’empêche pas que ce fait soit admissible en ce qui a trait à la crédibilité des témoignages lorsque l’article 10 [mod. par L.C. 1994, ch. 44, art. 86] de la Loi sur la preuve au Canada est concerné. Elles nous invitent à interpréter la Convention de façon libérale afin de donner effet à sa fin véritable, qui est de faciliter les procédures dans les deux États contractants. Elles soutiennent que, lorsque la Convention s’interprète de cette façon, l’interrogatoire préalable des inventeurs/cédants est visé par la définition de « preuve à recueillir » à l’article 7 de la Convention.

Cette invitation est tout à fait convenable et je l’accepte. La remarque incidente du juge Dickson, tel était son titre à l’époque, dans Zingre c. La Reine et autres, [1981] 2 R.C.S. 392, aux pages 409 et 410, bien que rédigée dans un contexte différent, décrit bien la méthode d’interprétation qui devrait nous guider :

L’argument en faveur de l’octroi de l’ordonnance en l’espèce ne repose pas seulement sur la notion de la « courtoisie ». Il se fonde sur un traité. En répondant par l’affirmative à la demande, la Cour reconnaîtra et appliquera une obligation qui incombe au Canada en droit international, en vertu d’un traité. Les parties reconnaissent que le Traité s’applique en l’espèce. Aucun des arrêts que les appelants ont cités ne porte sur une situation où le Canada est tenu de fournir de l’aide à des autorités étrangères. Il incombe à la Cour de donner au Traité de 1880 et à l’art. 43 de la Loi sur la preuve au Canada une interprétation équitable et libérale de manière à satisfaire aux obligations internationales du Canada. Se voyant dans l’impossibilité de faire extrader les appelants de la Suisse, le Canada a obligé la Suisse à entreprendre des procédures criminelles. La Suisse demande maintenant l’aide du Canada dans ces procédures. Le Traité de 1880 impose au Canada l’obligation précise d’accéder à la demande suisse. S’il refuse de le faire, le Canada manquera à ses obligations internationales. Aux termes du Traité, des ordonnances de témoigner rendues par suite d’une commission rogatoire, comme en ont demandées les Suisses, font partie intégrante des procédures criminelles en vertu d’une délégation en Suisse. Il faut présumer, faute de preuve du contraire, que la demande a été faite en conformité du Traité, en conformité des règles et de la pratique suisses, et dans le but « de mieux assurer l’administration de la justice et la répression des crimes », ce que le Traité dit expressément être son objet.

Dans cette affaire-là, la Cour était saisie de la question de savoir si le Canada devait honorer une lettre rogatoire émanant d’un tribunal suisse pour recueillir des éléments de preuve devant servir au stade de l’interrogatoire dans des procédures en matière pénale en Suisse.

Voir également J.-G. Castel, Canadian Conflict of Laws, 3e éd. (Toronto : Butterworths, 1994), à la page 128, et B. J. Freedman et G. N. Harney, « Obtaining Evidence from Canada : The Enforcement of Letters Rogatory by Canadian Courts » (1987), 21 U.B.C. L. Rev. 351.

Compte tenu de la preuve ainsi que de la doctrine et de la jurisprudence mentionnées, je suis d’avis que les appelantes avaient présenté leur preuve en ce qui a trait à la question de l’ordonnance en vue de l’interrogatoire préalable des huit inventeurs/cédants à Budapest et à la question de la lettre rogatoire. Le juge des requêtes a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire en raison de l’erreur à laquelle j’ai fait allusion. En toute déférence, il faut prononcer une telle ordonnance pour que justice soit rendue en l’espèce.

Pour tous les motifs susmentionnés, j’accueillerais l’appel avec dépens à tous les niveaux, j’annulerais l’ordonnance du juge des requêtes et j’ordonnerais que les appelantes puissent interroger au préalable les huit personnes suivantes : Peter Bod, Kalman Harsanyi, Bela Hegedus, Erik Bogsch, Eva Fekecs, Peter Imre, Zsuzsanna Aracs née Trischler et Sandor Miszori, qui ont toutes leur résidence en Hongrie, en tant que cédants du brevet canadien no 1 265 809, à l’heure et à la date convenues par les parties ou désignées par notre Cour, à un endroit qui devra être déterminé par la Cour du district central de Pest (Hongrie); et, en outre, j’ordonnerais que les appelantes soumettent effectivement à notre Cour le texte d’une lettre rogatoire compatible avec l’article 8 de la Convention et adressée à la Cour du district central de Pest pour lui demander son aide en vue de l’exécution de l’ordonnance.

Je ne voudrais pas mettre fin au présent appel sans faire quelques observations sur l’explication que le juge des requêtes a donnée au sujet du temps mis à rendre sa décision. Les éléments portés à sa connaissance indiquaient que les parties avaient pris des mesures pour que les interrogatoires préalables se déroulent durant la semaine du 12 au 16 septembre 1994 inclusivement. La présentation de la requête était fixée au 23 août 1994 et elle a été entendue ce jour-là. Le 28 novembre 1994, environ trois mois après que la requête eut été plaidée et deux mois après la date fixée pour les interrogatoires préalables, le juge des requêtes a rendu son ordonnance qui rejetait la requête des appelantes.

Il a expliqué le délai écoulé entre l’audition et le prononcé de la décision dans le passage suivant de ses motifs [à la page 232] :

Pour diverses raisons la Cour a été dans l’impossibilité de statuer sur la requête des défenderesses dans le délai prévu par celles-ci. Toutefois, compte tenu de cette décision, et du temps qu’il aurait fallu pour que l’appel soit entendu, ce retard imprévu n’aura pas autant d’inconvénients que ce à quoi l’on aurait par ailleurs pu s’attendre.

À partir des documents déposés à l’appui de la requête, il m’apparaît clairement que les avocats des parties avaient essayé entre mai et août 1994 de régler les questions en litige sans l’intervention des tribunaux et que la requête n’a été présentée qu’une fois que ces tentatives eurent échoué. En raison de ces faits et comme les interrogatoires préalables devaient commencer dans les trois semaines suivant l’audition de la requête, les parties avaient le droit de s’attendre à ce que la Cour fasse tous les efforts possibles pour satisfaire à leur demande. Compte tenu de l’explication qu’il a donnée, le juge des requêtes était manifestement d’avis différent; sinon, il se serait prononcé plus tôt sur la requête comme les parties avaient tout droit de s’y attendre. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, le juge a l’obligation de trancher toutes les affaires qu’il entend dans un délai raisonnable après l’audition. Le caractère raisonnable du délai s’évaluera, naturellement, selon les circonstances de chaque cas, y compris, lorsqu’on les connaît, les mesures que les parties ont convenu de prendre après le prononcé de la décision. Je fais les présentes observations pour signaler que le règlement des affaires dans un délai opportun est un élément important de l’administration de la justice pour les parties et ne devrait pas être négligé.

Le juge Stone, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

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