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[1995] 2 C.F. 544

T-2531-94

TNT Canada Inc. (requérante)

c.

Le directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence et John A. Olah (intimés)

Répertorié : TNT Canada Inc. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches) (1re inst.)

Section de première instance, juge Teitelbaum—Toronto, 24 janvier et 21 février 1995; Ottawa, 16 mars 1995.

Concurrence — Demande en vue d’annuler les ordonnances ex parte enjoignant à certaines personnes de comparaître pour être interrogées sur toute question pertinente quant à une enquête fondée sur l’art. 10 de la Loi sur la concurrence — Les ordonnances ont été rendues après que les requérants ont été accusés d’avoir commis des actes criminels aux termes de la Loi — Selon l’art. 11, une fois que le directeur des enquêtes et recherches a ordonné la tenue d’une enquête, il peut demander une ordonnance ex parte enjoignant à une personne de comparaître pour être interrogée — La tenue d’une enquête est une condition préalable à l’interrogatoire prévu à l’art. 11 — L’enquête prend fin lorsque l’objet est atteint, c’est-à-dire lorsque le directeur a déterminé les faits pertinents qui lui permettent de renvoyer l’affaire au procureur général et que des accusations sont portées — L’enquête ne se poursuit pas jusqu’à l’obtention d’une condamnation.

Pratique — Jugements et ordonnances — Annulation ou modification — Demande en vue d’annuler les ordonnances ex parte par lesquelles un juge de la C.F. a enjoint à certaines personnes de comparaître pour être interrogées sur toute question pertinente quant à une enquête fondée sur l’art. 10 de la Loi sur la concurrence — La Règle 330 permet à la Cour d’annuler ou de modifier toute ordonnance ex parte — Seul un juge de la C.F. peut modifier ou annuler les ordonnances dont il est question aux présentes — Le juge Teitelbaum a compétence pour entendre les demandes tant comme juge qui a prononcé les ordonnances que comme juge de la Cour qui les a rendues.

Pratique — Parties — Statut — Demande en vue d’annuler des ordonnances ex parte enjoignant à certaines personnes de comparaître pour être interrogées sur toute question pertinente quant à une enquête fondée sur l’art. 10 de la Loi sur la concurrence — Les requérants ne sont pas assujettis aux interrogatoires prévus à l’art. 11 — Les requérants sont accusés d’avoir commis des infractions pénales aux termes de la Loi — Il est admis que l’objet des interrogatoires est d’obtenir des renseignements au sujet des accusations pénales — Lorsqu’un individu ou une personne morale est accusé et que des personnes doivent être interrogées dans une « procédure parallèle » afin de fournir des renseignements, cet individu ou cette personne morale peut être irrémédiablement lésé ou sérieusement touché par les interrogatoires — Cet individu ou cette personne morale a donc le statut nécessaire pour présenter une demande fondée sur la Règle 330 en vue de faire réviser les ordonnances ex parte.

Juges et tribunaux — Demande en vue d’annuler des ordonnances ex parte enjoignant à certaines personnes de comparaître pour être interrogées sur toute question pertinente quant à une enquête fondée sur l’art. 10 de la Loi sur la concurrence — Le contrôle judiciaire n’est pas un recours disponible, parce que la délivrance des ordonnances et la présentation de la demande en vue de les obtenir ne découlent pas de décisions rendues par un office fédéral — Seul un juge de la C.F. peut modifier des ordonnances — Le juge Teitelbaum a compétence tant comme juge qui a prononcé les ordonnances que comme juge de la Cour qui les a rendues.

Il s’agit de demandes en vue d’annuler des ordonnances ex parte par lesquelles le juge Teitelbaum a enjoint à certaines personnes de comparaître pour être interrogées sur toute question pertinente quant à une enquête fondée sur l’article 10 de la Loi sur la concurrence au sujet de la vente et la fourniture de services de groupement de marchandises et de services connexes. Une enquête officielle a été entreprise conformément à l’article 8 (maintenant l’article 10) au sujet des activités des requérants, sur la foi d’allégations selon lesquelles ceux-ci s’étaient entendus pour ne pas fixer des prix inférieurs à ceux que chacun d’eux exige. Selon l’alinéa 45(1)c), toute personne qui complote avec une autre personne pour empêcher ou pour réduire indûment la concurrence dans le transport ou la fourniture d’un produit commet un acte criminel. En 1989, le directeur des enquêtes et recherches a recommandé au procureur général du Canada de porter des accusations contre les requérants sous le régime de l’article 45 de la Loi. En septembre 1990 et juillet 1992, des accusations fondées sur l’alinéa 45(1)c) ont été portées contre les requérants. Après l’enquête préliminaire, les requérants ont été renvoyés pour subir leur procès. La demande ex parte a été présentée et accordée par la suite. Selon la Règle 330 des Règles de la Cour fédérale, la Cour peut annuler toute ordonnance ex parte.

Le directeur a soutenu que les requérants n’avaient pas le statut nécessaire, parce qu’ils ne sont pas directement touchés par la décision par laquelle le directeur a demandé la délivrance des ordonnances ex parte qui, selon lui, peuvent toucher uniquement les personnes dont l’interrogatoire sous serment est ordonné. Les requérants, qui font l’objet d’accusations pénales, soutiennent qu’ils pourraient être directement touchés par le résultat des interrogatoires des personnes visées par les ordonnances ex parte, parce que les questions au sujet desquelles les témoins seraient interrogés concernent directement la preuve que Sa Majesté veut établir au procès criminel.

Les questions à trancher étaient celles de savoir si la Cour avait la compétence voulue pour examiner les requêtes en vue d’annuler les ordonnances ex parte en vertu de la Règle 330 ou de la compétence inhérente dont elle est investie, si les requérants, qui n’étaient pas visés par les interrogatoires prévus à l’article 11, avaient le statut nécessaire pour présenter une demande conformément à la Règle 330, si une enquête entreprise aux termes de l’article 10 de la Loi sur la concurrence était menée lorsque les ordonnances ex parte ont été rendues et si l’enquête entreprise sous le régime de l’article 10 se poursuit une fois que des accusations pénales ont été portées par le procureur général.

Jugement : les demandes sont accueillies.

Seul un juge de la Cour fédérale peut modifier ou annuler les ordonnances ex parte. Le juge Teitelbaum avait la compétence voulue pour entendre les demandes, tant comme juge qui a prononcé les ordonnances devant être révisées que comme juge de la Cour qui a rendu les ordonnances. Les requérants ne pouvaient présenter une demande de contrôle judiciaire, car la décision de rendre les ordonnances n’a pas été prise par un office fédéral au sens du paragraphe 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, mais plutôt par un juge investi de la compétence d’un tribunal supérieur. En outre, ni la demande du directeur en vue d’obtenir la délivrance des ordonnances ex parte non plus que la « décision » de présenter la demande ne constituaient une « décision » assujettie au contrôle judiciaire à titre de « décision rendue par un office fédéral ». Cette dernière décision était plutôt un acte administratif.

Les requérants avaient le statut nécessaire pour présenter la demande de révision. Le directeur a admis que l’objet des interrogatoires prévus à l’article 11 est d’obtenir des renseignements au sujet des accusations pénales actuellement en cours, lesquelles accusations concernent des actes criminels qui peuvent avoir des conséquences très graves. Lorsqu’un individu ou une personne morale est accusé et que des personnes doivent être interrogées dans une « procédure parallèle » afin de fournir des renseignements concernant ces accusations, cet individu ou cette personne morale peut être irrémédiablement lésé ou, à tout le moins, sérieusement touché par les interrogatoires. Cet individu ou cette personne morale aurait le statut nécessaire pour présenter une demande fondée sur la Règle 330 en vue de faire réviser les ordonnances ex parte rendues par cette Cour. Les personnes devant être interrogées sont appelées à répondre sous serment à des questions concernant des crimes que les requérants pourraient avoir commis. L’interrogatoire en question touche directement les requérants et peut avoir des conséquences directes pour eux.

Lorsque les ordonnances ex parte ont été prononcées, la Cour n’avait pas la compétence voulue pour les rendre, parce qu’aucune enquête visée par l’article 10 n’était menée. Selon l’article 10, le directeur doit demander la tenue d’une enquête lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction visée à la partie VI ou VII a été ou est sur le point d’être perpétrée. Le but de l’enquête est de savoir si une infraction visée à l’article 45 a été commise. Lorsque le directeur ordonne qu’une enquête soit menée, il peut, conformément à l’article 11, présenter une demande ex parte dans laquelle il atteste qu’une enquête est menée en application de l’article 10 et demande une ordonnance enjoignant à une personne de comparaître pour être interrogée sous serment afin de fournir les renseignements qu’elle pourrait avoir au sujet de l’enquête. Pour qu’un interrogatoire prévu à l’article 11 ait lieu, une enquête doit être menée.

Une enquête prend fin lorsque son objet a été atteint, c’est-à-dire lorsque le directeur estime qu’il a déterminé les faits pertinents qui lui permettent de renvoyer l’affaire au procureur général et que celui-ci porte des accusations contre les individus ou personnes morales qui faisaient l’objet de l’enquête fondée sur l’article 10 conformément au paragraphe 45(1). L’« enquête » en l’espèce a pris fin lorsque le procureur général a porté des accusations contre les requérants. L’enquête ne se poursuit pas jusqu’à ce qu’une condamnation soit obtenue. Le directeur peut poursuivre l’enquête après avoir renvoyé l’affaire au procureur général afin d’obtenir des éléments de preuve supplémentaires; cependant, une fois que des accusations pénales sont portées, les fonctions que le directeur exerce sont des fonctions liées à l’exécution. Ces fonctions ne comprennent pas le pouvoir de tenir des audiences aux termes de l’article 11 ou d’obtenir des mandats en application de l’article 15.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.

Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19), art. 10 (mod., idem, art. 23), 11 (mod., idem, art. 24), 12 (mod., idem), 13 (mod., idem), 15 (mod., idem), 45 (mod., idem, art. 30).

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 324, 330 (mod. par DORS/79-58, art. 1).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

R. c. R.J.S., [1995] A.C.S. no 10 (QL); Wilson c. R., [1983] 2 R.C.S. 594; (1983), 4 D.L.R. (4th) 577; [1984] 1 W.W.R. 481; 26 Man. R. (2d) 194; 9 C.C.C. (3d) 97; 37 C.R. (3d) 97; 51 N.R. 321.

DÉCISION CITÉE :

May and Baker (Canada) Ltée. c. L’Oak, [1979] 1 C.F. 401 (1978), 89 D.L.R. (3d) 692; 22 N.R. 214 (C.A.).

DEMANDES d’annulation d’ordonnances ex parte enjoignant à certaines personnes de comparaître pour être interrogées sur toute question pertinente quant à une enquête fondée sur l’article 10 de la Loi sur la concurrence. Ces ordonnances avaient été rendues après que les requérants ont été accusées d’avoir commis des actes criminels visés par l’article 45. Demandes accueillies.

AVOCATS :

John B. Laskin pour la requérante TNT Canada Inc.

Bobyn M. Bell pour la requérante Consolidated Frastfrate Transport Inc.

Donald S. Affleck, c.r. pour les requérants Cottrell Transport Inc., Larry Wilson et David Trudeau.

John M. Hovland et Claire Kennedy pour la requérante Northern Pool Express (Trans Western Express).

Michael R. Dambrot, c.r. pour les intimés.

PROCUREURS :

Tory Tory DesLauriers & Binnington, Toronto, pour la requérante TNT Canada Inc.

Davies, Ward & Beck, Toronto, pour la requérante Consolidated Fastfrate Transport Inc.

Kelley Affleck Greene, Toronto, pour les requérants Cottrell Tansport Inc., Larry Wilson et David Trudeau.

Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto, pour la requérante Northern Pool Express (Trans Western Express).

Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Teitelbaum : Les présents motifs s’appliquent à l’affaire TNT Canada Inc. c. Directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence et John A. Olah, T-2531-94, à l’affaire Consolidated Fastfrate Transport Inc. c. Directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence et John A. Olah, T-2581-94, à l’affaire Cottrell Transport Inc., Larry J. Wilson et David L. Trudeau c. Directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence et John A. Olah, T-2600-94 et à l’affaire Northern Pool Express Ltd., faisant affaires sous le nom de Trans Western Express c. Directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence et John A. Olah, T-2608-94.

Le 22 septembre 1994, conformément à une demande ex parte fondée sur la Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663], j’ai rendu six ordonnances enjoignant à Peter Dockalek, Robert Stanley, Danny Swail, Bryan Swail, Hank Russelle et Donald Clarke de se présenter devant John A. Olah le 3 octobre 1994 [traduction] « pour être interrogés sous serment ou affirmation solennelle sur toute question pertinente quant à l’enquête susmentionnée ».

L’« enquête susmentionnée » renvoie à une enquête fondée sur l’article 10 de la Loi sur la concurrence [L.R.C. (1985), ch. C-34 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19, 23)] (Loi) au sujet de la vente et de la fourniture de services de groupement de marchandises et de services connexes.

J’ai rendu les ordonnances en question le 22 septembre 1994 parce que j’étais convaincu, sur la foi de la preuve dont j’étais saisi, que les exigences de l’alinéa 11(1)a) [mod., idem, art. 24] et du paragraphe 13(1) [mod., idem] de la Loi sur la concurrence avaient été respectées et qu’une enquête avait été entreprise en 1987 conformément à l’article 10 de la Loi.

Par suite des ordonnances susmentionnées que j’ai rendues, les requérants en l’espèce, TNT Canada Inc. (TNT), Consolidated Fastfrate Transport Inc. (Consolidated), Cottrell Transport Inc., Larry J. Wilson et David L. Trudeau (Cottrell) ainsi que Northern Pool Express Ltd. (Trans Western) ont déposé des avis de requête introductive d’instance en vue d’obtenir une ordonnance :

[traduction] a) déclarant l’alinéa 11(1)a) de la Loi sur la concurrence nul et non avenu, dans la mesure où il autoriserait l’intimé, le directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence (le « directeur »), à demander des ordonnances enjoignant à certaines personnes de comparaître afin d’être interrogées devant un fonctionnaire d’instruction après que des accusations ont été portées contre la personne dont la conduite doit faire l’objet des interrogatoires, qu’une enquête préliminaire a été tenue à l’égard des accusations et qu’un renvoi à procès a été ordonné;

b)   déclarant que le directeur n’avait pas la compétence ou l’autorisation nécessaire pour présenter la demande ex parte le 19 septembre 1994 en vue d’obtenir des ordonnances fondées sur l’alinéa 11(1)a) et le paragraphe 13(1) de la Loi sur la concurrence afin de désigner un fonctionnaire d’instruction et d’exiger la présence de six personnes aux fins d’un interrogatoire devant le fonctionnaire en question;

c)   interdisant à l’intimé John A. Olah (Olah), qui a été désigné dans les ordonnances ex parte rendues par l’honorable juge Teitelbaum le 22 septembre 1994 au sujet de la demande présentée par un représentant du directeur (les « ordonnances »), de mener ou de poursuivre des interrogatoires conformément aux ordonnances;

d)   déclarant que les interrogatoires qui seraient menés conformément aux ordonnances violeraient les droits de TNT qui sont prévus à l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »);

e)   annulant les ordonnances;

ou toute autre ordonnance appropriée.

La demande est fondée sur les motifs suivants, qui sont énoncés dans l’avis de requête de TNT :

[traduction] a) Le déroulement des interrogatoires conformément à l’alinéa 11(1)a) et au paragraphe 13(1) de la Loi sur la concurrence, après que des accusations ont été portées contre la personne dont la conduite doit faire l’objet de l’interrogatoire, qu’une enquête préliminaire a été tenue au sujet des accusations et qu’un renvoi à procès a été ordonné, serait incompatible avec l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte;

b)   à la date à laquelle les ordonnances ont été demandées, aucune enquête les concernant n’était menée en application de l’article 10 de la Loi sur la concurrence;

c)   la demande visant à obtenir les ordonnances n’a pas été présentée dans un but autorisé par la Loi sur la concurrence et constituait un recours abusif;

d)   dans sa demande ex parte visant à obtenir les ordonnances et dans sa déclaration sous serment, le requérant a omis de révéler des faits importants qui concernent l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour en ce qui a trait à l’octroi des ordonnances;

e)   si tous les faits pertinents avaient été révélés, aucun motif justifiant l’octroi des ordonnances n’aurait existé;

f)    la tenue des interrogatoires demandés par le directeur violerait les droits de TNT qui sont garantis par l’alinéa 11d) de la Charte, la demande visant à obtenir les ordonnances ayant été présentée

—   environ quatre ans après que des accusations de complot sous le régime de l’article 45 de la Loi sur la concurrence ont été portées contre TNT et quatre autres sociétés sur la foi des conclusions de l’enquête qui est manifestement visée par la demande;

—   environ quatre mois après que les sociétés (ainsi que cinq personnes subséquemment accusées) ont été renvoyées pour subir leur procès au sujet de ces accusations à la fin de l’enquête préliminaire;

—   environ trois mois après la lecture des accusations en question;

—   environ trois mois et demi avant la date à laquelle le procès de TNT et des sociétés doit débuter;

g)   tout autre motif que l’avocat juge pertinent.

Lorsque j’ai été saisi de la demande ex parte fondée sur la Règle 324 vers le 22 septembre 1994, un affidavit de David M. Gilkes intitulé [traduction] « Document d’information en vue d’obtenir des ordonnances enjoignant à certaines personnes de comparaître pour être interrogées », en date du 19 septembre 1994, y était joint (voir l’onglet 5 du dossier de la demande). David M. Gilkes est un représentant autorisé du directeur des enquêtes et recherches aux termes de la Loi.

Je n’ai pas l’intention de répéter dans la présente décision les renseignements que M. Gilkes a fournis dans ce document, car celui-ci comporte 40 paragraphes et est clair en soi.

Le « document d’information » renferme des renseignements relatifs à « l’enquête » que Gilkes a pu obtenir au sujet des requérants, des renseignements concernant l’industrie du groupement de marchandises et des renseignements se rapportant à une entente touchant les requérants.

M. Gilkes déclare également dans le document d’information que les personnes devant être interrogées sous serment [traduction] « possèdent ou sont susceptibles de posséder des renseignements pertinents quant à la présente enquête ». « La présente enquête » est celle qui est mentionnée ci-dessus, qui a débuté en 1987 et qui est fondée sur l’article 10 de la Loi; elle concerne la vente et la fourniture de services de groupement de marchandises et de services connexes.

C’est à la suite des renseignements fournis par M. Gilkes que j’ai rendu les ordonnances ex parte. Dans les paragraphes 2 à 7 de son document d’information, M. Gilkes m’a fourni les renseignements suivants au sujet de « l’enquête » :

[traduction] 2. Le 7 avril 1987, le directeur des enquêtes et recherches (le « directeur ») a ordonné la tenue d’une enquête, conformément à l’article 8 (maintenant l’article 10) de la Loi, au sujet des activités de Clarke Transport Canada Inc., Consolidated Fastfrate Transport Inc., Cottrell Transport Inc., SSF Distribution Inc.—Distribution SSF Inc., TNT Canada Inc., faisant affaires sous le nom de TNT Railfast, Northern Pool Express Ltd., faisant affaires sous le nom de Trans Western Express, et Westway Forwarding Limited, ayant des motifs raisonnables de croire qu’une infraction prévue à l’alinéa 45(1)c) de la Loi sur la concurrence avait été commise par les entreprises spécialisées en groupement de marchandises.

3. Les sociétés nommées au paragraphe 2 auraient conclu une entente par laquelle elles auraient convenu de ne pas abaisser leurs prix par rapport à ceux des autres parties à l’entente. Cette entente a été facilitée par l’échange de renseignements sur les taux au cours de réunions régulières.

4. Le 1er mai 1987, le juge Rosenberg, de la Cour suprême de l’Ontario, a délivré des mandats de saisie et de perquisition conformément à l’article 13 (maintenant l’article 15) de la Loi. Des perquisitions ont été menées entre le 5 mai et le 15 mai 1987 inclusivement et un total de 51 175 documents ont été saisis à 14 endroits.

5. Le 24 septembre 1990, des accusations fondées sur l’alinéa 45(1)c) de la Loi sur la concurrence ont été portées contre Clarke Transport Canada Inc., Consolidated Fastfrate Transport Inc., Cottrell Transport Inc., Northern Pool Express Ltd., faisant affaires sous le nom de Trans Western Express, et TNT Canada Inc., faisant affaires sous le nom de TNT Railfast. Une copie de la dénonciation est jointe aux présentes comme pièce « A ».

6. Le 16 juillet 1992, des accusations fondées sur l’alinéa 45(1)c) de la Loi ont été portées contre Larry Wilson, David Trudeau, Graham Muirhead, Al Lajoie, Donald Freeman et Ed Pequeneza à l’égard de la même affaire. Dans le cas de M. Pequeneza, un cancer en phase terminale a été diagnostiqué et les accusations portées contre lui ont été retirées le 31 mai 1993 (il est décédé en octobre 1993). Une copie de la dénonciation est jointe aux présentes comme pièce « B ».

7. L’enquête préliminaire concernant les dix accusés a débuté le 7 février 1994. Le 25 mai de la même année, le juge Pickett, de la Cour de l’Ontario (Division provinciale), a ordonné un renvoi à procès à l’égard de tous les accusés. La lecture de l’acte d’accusation devait avoir lieu le 24 juin 1994 et le procès touchant les entreprises devait débuter le 9 janvier 1995.

Il importe de souligner que la demande ex parte dont j’ai été saisi vers le 22 septembre 1994 a été présentée après le dépôt d’accusations pénales portées contre les requérants, après la tenue d’une enquête préliminaire et après le renvoi à procès des requérants. Le procès concernant les accusations pénales portées contre les sociétés requérantes doit débuter en mars 1995.

Les questions à trancher découlent des motifs que les requérants ont énumérés dans leur demande :

1) Le directeur peut-il procéder à des interrogatoires fondés sur l’article 10, l’alinéa 11(1)a) et le paragraphe 13(1) de la Loi après que des accusations pénales ont été portées contre une personne dont la conduite doit faire l’objet de l’interrogatoire, qu’une enquête préliminaire a été tenue au sujet des accusations et qu’un renvoi à procès a été ordonné? Selon les requérants, cet interrogatoire irait à l’encontre de l’article 7 et de l’alinéa 11d) de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]].

2) Y avait-il une « enquête » qui était menée, laquelle enquête avait débuté aux termes de l’article 10 de la Loi, lorsque les ordonnances ex parte ont été rendues?

3) Le représentant du directeur, M. Gilkes, a-t-il omis de révéler des faits pertinents et importants lorsque le directeur a demandé les ordonnances ex parte?

En outre, un certain nombre de questions de fond et de procédure doivent être tranchées. Les requérants les résument comme suit :

Questions de fond

1. Lorsque les ordonnances ex parte fondées sur l’alinéa 11(1)a) de la Loi sur la concurrence ont été demandées et accordées, l’enquête visée par l’article 10 de la Loi et mentionnée au paragraphe 2 du document d’information de David M. Gilkes (dossier de la demande, p. 20) était-elle alors menée ou terminée?

2. Si l’enquête était alors menée, de sorte que les ordonnances ex parte auraient pu être demandées et accordées, l’octroi des ordonnances reposait-il sur un fondement approprié, compte tenu des facteurs pertinents quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour, des données qui n’ont pas été divulguées dans la demande ex parte et de la preuve dont la Cour est maintenant saisie?

3. Si l’enquête était alors menée, de sorte que les ordonnances ex parte auraient pu être demandées et accordées, la demande visant à obtenir les ordonnances en question constitue-t-elle un recours abusif dans les circonstances du présent litige?

4. Si l’enquête était alors menée, de sorte que les ordonnances ex parte auraient pu être demandées et accordées, et que les ordonnances ont par ailleurs été accordées en bonne et due forme, l’application de l’alinéa 11(1)a) de la Loi sur la concurrence et l’octroi des ordonnances dans les circonstances du présent litige vont-ils à l’encontre de l’article 7 ou de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés?

Questions de procédure

1. La Cour a-t-elle la compétence voulue pour examiner les requêtes en vue d’annuler les ordonnances ex parte en vertu de la Règle 330 ou de la compétence inhérente dont elle est investie?

2. Dans l’affirmative, les requérants ont-ils le statut nécessaire pour présenter les requêtes?

3. La Cour a-t-elle la compétence voulue pour statuer sur les demandes de contrôle judiciaire en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale?

4. Dans l’affirmative, les requérants ont-ils le statut voulu pour présenter les demandes?

5. Dans l’affirmative, si les requérants ont présenté une preuve justifiant l’octroi, en tout ou en partie, de la réparation qu’ils demandent, la Cour devrait-elle refuser d’accorder cette réparation dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

Si je suis convaincu que, à la date de la délivrance de mes ordonnances ex parte, aucune enquête n’était menée aux termes de l’article 10 de la Loi, il est admis qu’aucune ordonnance ex parte ne pourra être rendue en application de l’article 11 de la Loi. En pareil cas, je ne serais pas tenu de trancher les autres questions de fond soulevées par la présente demande. En fait, les avocats de tous les requérants et l’avocat du directeur intimé m’ont demandé de ne trancher aucune des autres questions de fond si j’en arrive à la conclusion qu’aucune enquête n’était menée.

Il m’apparaît nécessaire de trancher d’abord la question de procédure qui consiste à savoir si la Cour a la compétence voulue pour examiner les requêtes visant à annuler les ordonnances ex parte en vertu de la Règle 330 [mod. par DORS/79-58, art. 1] ou de la compétence inhérente dont elle est investie.

À mon avis, la Cour a la compétence voulue pour entendre la présente demande visant à annuler ou à modifier les ordonnances ex parte que j’ai rendues le 22 septembre 1994.

Voici le texte de la Règle 330 des Règles de la Cour fédérale :

RÈGLE 330. La Cour peut annuler

a) toute ordonnance rendue ex parte, ou

b) toute ordonnance rendue en l’absence d’une partie qui a omis de comparaître par suite d’un événement fortuit ou d’une erreur ou à cause d’un avis de requête insuffisant;

mais une telle annulation n’affecte ni la validité ni la nature d’une action ou omission antérieure à l’ordonnance d’annulation sauf dans la mesure où la Cour, à sa discrétion, le prévoit expressément dans son ordonnance d’annulation.

Les ordonnances qui ont été rendues le 22 septembre 1994 à la demande du directeur des enquêtes et recherches étaient manifestement des ordonnances ex parte. Ainsi, si je conclus, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, que je n’aurais pas dû accorder les ordonnances ex parte, je pourrai modifier ou annuler lesdites ordonnances. À mon avis, cette modification ou annulation ne pourra être ordonnée que par moi-même ou par un autre juge de la Cour fédérale. Aucun juge d’un autre tribunal n’aurait la compétence voulue pour modifier ou annuler les ordonnances ex parte que j’ai rendues. L’avocat du directeur m’a proposé de laisser au juge qui entendra l’affaire au pénal le soin de déterminer s’il y a lieu de modifier ou d’annuler l’ordonnance.

Dans le présent litige, j’estime que, si j’en viens à la conclusion qu’à la date à laquelle j’ai rendu les ordonnances ex parte, le directeur ne menait aucune enquête au sujet de l’activité des requérants aux termes de l’article 10 de la Loi, qu’un élément important n’a pas été divulgué ou qu’un élément de preuve trompeur a été présenté, je peux, conformément à la Règle 330, modifier ou annuler les ordonnances ex parte que j’ai rendues.

Dans l’arrêt Wilson c. R., [1983] 2 R.C.S. 594, le juge en chef Laskin ainsi que les juges Estey et McIntyre ont décidé ce qui suit [sommaire, aux pages 594 et 595] :

En l’absence d’un droit d’appel contre une autorisation et vu l’inapplicabilité du certiorari, toute demande de révision d’une autorisation doit être adressée à la cour qui l’a accordée. Comme il n’est pas toujours pratique ni possible d’adresser une demande de révision au juge qui a rendu l’ordonnance, un autre juge de la même cour peut réviser une ordonnance rendue ex parte : (1) s’il a le pouvoir d’annuler l’ordonnance, (2) s’il agit avec le consentement du juge qui a rendu l’ordonnance ou si ce dernier ne peut siéger, et (3) s’il reprend au complet l’audition de la demande, à la fois sur le plan du droit et celui des faits en cause.

Voici comment le juge McIntyre s’exprime à la page 607 :

Puisqu’il n’y a aucun droit d’appel contre l’octroi d’une autorisation et puisqu’il ne paraît pas y avoir lieu à certiorari (en l’absence d’une question de compétence), toute demande de révision d’une autorisation doit, selon moi, être adressée à la cour qui l’a accordée. Cette procédure est appuyée par la jurisprudence. Une autorisation est accordée par suite d’une demande ex parte. Il existe en matière civile un corps de jurisprudence qui porte sur la révision d’ordonnances rendues ex parte. Suivant une règle généralement acceptée, une ordonnance ex parte peut faire l’objet d’une révision par le juge qui l’a rendue. Dans l’arrêt Dickie v. Woodworth (1883), 8 R.C.S. 192, le juge en chef Ritchie affirme, à la p. 195 :

[traduction] Le juge de première instance ayant rendu une ordonnance ex parte, il avait pleinement compétence pour l’annuler du moment qu’on lui prouvait qu’elle n’aurait pas dû être accordée et, une fois annulée, c’était comme si elle n’avait jamais été accordée …

Ce point de vue se dégage des propos du juge en chef Mathers de la Cour du Banc du Roi dans l’arrêt Stewart v. Braun, [1924] 3 D.L.R. 941 (B.R. Man.), à la p. 945 :

[traduction] Mais il arrive souvent que les juges et les officiers judiciaires soient appelés à rendre des ordonnances ex parte; dans ces cas, une seule partie est représentée et l’ordonnance ne résulte pas d’une décision judiciaire mûrement pesée et rendue à l’issue d’une audience et de débats. Une demande d’annulation ou de modification d’une ordonnance ex parte n’étant ni un appel ni l’équivalent d’un appel, le juge ou l’officier qui l’a rendue a, depuis l’adoption de The Judicature Act, tout comme il l’avait avant son adoption, le droit d’annuler ou de modifier ladite ordonnance …

Voir également l’arrêt May and Baker (Canada) Ltée. c. L’Oak, [1979] 1 C.F. 401(C.A.).

De plus, les requérants ne pouvaient présenter une demande de contrôle judiciaire, car les ordonnances que j’ai rendues le 22 septembre 1994 ne constituent pas des décisions rendues par un « office fédéral » au sens du paragraphe 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)].

Ma décision de rendre des ordonnances ex parte était une décision d’un juge investi de la compétence d’un tribunal supérieur. Les requérants ne sont donc pas autorisés à demander une révision des ordonnances ex parte que j’ai rendues au moyen d’une demande de contrôle judiciaire.

Par ailleurs, ni la demande du directeur en vue d’obtenir la délivrance des ordonnances ex parte non plus que la « décision » de présenter la demande ne constituent ce qu’on peut appeler une « décision » assujettie au contrôle judiciaire à titre de décision rendue par un office fédéral au sens du paragraphe 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale . La « décision » de demander la délivrance des ordonnances ex parte peut être considérée uniquement comme un acte administratif et non comme une décision visée par l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

La question de procédure que je dois ensuite trancher est celle de savoir si les requérants qui ne sont pas visés par les interrogatoires prévus à l’article 11 ont le statut nécessaire pour présenter une demande conformément à la Règle 330 des Règles de la Cour fédérale.

Les requérants, qui font l’objet d’accusations pénales, soutiennent qu’ils pourraient être directement touchés par le résultat des interrogatoires des personnes visées par les ordonnances ex parte.

Selon l’avocat des requérants [traduction] « Il existe manifestement une conséquence qui permet aux accusés (les requérants en l’espèce) de demander à la Cour fédérale d’annuler ces ordonnances ». L’avocat ajoute que les requérants peuvent être lésés par la délivrance des ordonnances ex parte et qu’ils ont donc l’intérêt voulu pour présenter la demande de contrôle conformément à la Règle 330. Il énumère ensuite plusieurs raisons indiquant sans équivoque que les requérants sont lésés :

1) les requérants sont accusés : [traduction] « ils font face à des accusations pénales très sérieuses »;

2) [traduction] « le procès dans les poursuites pénales est imminent ». En fait, le procès concernant les présents requérants doit débuter en mars 1995;

3) [traduction] les questions au sujet desquelles ces témoins (les personnes qui ont visées par les ordonnances ex parte) seraient interrogés concernent directement la preuve que Sa Majesté veut établir au procès (le procès dans les poursuites pénales);

4) [traduction] Sa Majesté cherche à utiliser ces interrogatoires pour faire en sorte que les requérants soient déclarés coupables d’une grave infraction pénale;

5) [traduction] La Loi sur la concurrence elle-même reconnaît explicitement que les requérants sont lésés par la présentation de la preuve aux termes de l’article 11.

L’avocat cite ici les paragraphes 12(3) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 24] et 12(4) [mod., idem] de la Loi :

12. …

(3) Un fonctionnaire d’instruction doit permettre que soit représentée par avocat toute personne interrogée aux termes d’une ordonnance rendue en application de l’alinéa 11(1)a) de même que toute personne dont la conduite fait l’objet d’une enquête.

(4) La personne dont la conduite fait l’objet d’une enquête lors d’un interrogatoire prévu à l’alinéa 11(1)a) et son avocat peuvent assister à cet interrogatoire à moins que le directeur, le représentant autorisé de ce dernier, la personne interrogée ou l’employeur de cette dernière ne convainque le fonctionnaire d’instruction que la présence de la personne dont la conduite fait l’objet d’une enquête :

a) entraverait le bon déroulement de l’interrogatoire ou de l’enquête;

b) entraînerait la divulgation de renseignements de nature commerciale confidentiels se rapportant à l’entreprise de la personne interrogée ou de son employeur.

L’avocat du directeur estime que les requérants ne devraient pas se voir accorder le statut, parce qu’ils ne sont pas directement touchés par la décision par laquelle le directeur a demandé la délivrance des ordonnances ex parte. Selon l’avocat, ces ordonnances peuvent toucher uniquement les personnes dont l’interrogatoire sous serment est ordonné.

L’avocat du directeur a admis devant la Cour que l’objet des interrogatoires prévus à l’article 11 de la Loi est d’obtenir des renseignements au sujet des accusations pénales actuellement en cours devant la Division générale de la Cour de justice de l’Ontario contre les requérants. Ces accusations pénales en cours concernent des actes criminels qui peuvent avoir des conséquences très graves.

Je suis convaincu que, lorsqu’un individu ou une personne morale est accusé et que des personnes doivent être interrogées dans une « procédure parallèle » afin de fournir des renseignements concernant ces accusations, cet individu ou cette personne morale peut être irrémédiablement lésé ou, à tout le moins, sérieusement touché par les interrogatoires. Cet individu ou cette personne morale aurait donc le statut nécessaire pour présenter à la Cour une demande fondée sur la Règle 330 en vue de faire réviser les ordonnances ex parte rendues par cette Cour.

Même si les personnes devant être interrogées ne sont accusées d’aucun crime pour l’instant, elles sont appelées à répondre sous serment à des questions concernant un ou plusieurs crimes que les requérants pourraient avoir commis.

À mon avis, les commentaires que le juge en chef du Canada a formulés dans l’affaire R. c. R.J.S., [1995] A.C.S. no 10 (QL) (dossier 23581, décision non publiée en date du 2 février 1995), aux pages 4 et 5 de ses motifs, indique comment les requérants en l’espèce peuvent être touchés si le directeur utilise les interrogatoires prévus à l’article 11 pour obtenir indirectement une preuve incriminante contre eux :

Le cas hypothétique suivant est un exemple d’une situation où, à mon avis, une cour est justifiée d’exempter une personne de l’obligation de témoigner. Supposons que les membres d’une association professionnelle d’un secteur d’activité donné se réunissent et s’entendent sur un plan pour fixer les prix des marchandises qu’ils produisent, ce qui constitue un acte criminel visé à l’al. 45(1)c) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34. Supposons également que le directeur des enquêtes et recherches obtienne des documents identifiant clairement les personnes impliquées et la nature de leur implication, par exemple un accord de fixation de prix signé par les parties. Si le directeur commençait une enquête et obtenait des assignations forçant les signataires à témoigner, ces derniers pourraient, à mon avis, demander à la cour une exemption de l’obligation de témoigner. Dans ce cas, où les faits révèlent que le directeur a déjà conclu qu’une infraction a été commise et a identifié les parties à l’infraction, la cour serait justifiée de conclure que contraindre les suspects à témoigner violerait les droits que leur garantit l’art. 7. Dans ces circonstances, je crois que la cour aurait le pouvoir discrétionnaire de déclarer les assignations inopérantes, dégageant ainsi les suspects de l’obligation de témoigner.

De plus, il appert d’une lecture des paragraphes 12(3) et (4) de la Loi que le Parlement estimait que « toute personne dont la conduite fait l’objet d’une enquête » peut être présente lors de l’interrogatoire prévu à l’article 11.

Il est donc possible de conclure que l’interrogatoire en question touche directement les requérants et qu’il peut avoir des conséquences directes pour eux.

À mon avis, les requérants en l’espèce ont le statut nécessaire pour présenter la demande de contrôle fondée sur la Règle 330 et j’ai la compétence voulue, tant comme juge qui a prononcé les ordonnances devant être révisées que comme juge de la Cour qui a rendu les ordonnances, pour réviser celles-ci.

Au départ, je dois dire que, comme juge appelé à réviser un certain nombre d’ordonnances ex parte dans le cadre d’une demande fondée sur la Règle 330, je ne devrais pas commenter la validité constitutionnelle des articles 10 et 11 de la Loi dans les circonstances du présent litige.

Compte tenu des faits de la présente affaire, je devrais me limiter à déterminer si une enquête est menée aux termes de l’article 10 de la Loi et, dans l’affirmative, si le directeur (ou son représentant) a communiqué suffisamment de renseignements au sujet de tous les faits pertinents pour me permettre de savoir s’il y a lieu de rendre les ordonnances ex parte en date du 22 septembre 1994.

Toutes les parties au présent litige reconnaissent que, pour que le directeur demande un interrogatoire prévu à l’article 11, une enquête doit être menée.

Voici le libellé des articles 10 et 11 de la Loi :

10. (1) Le directeur fait étudier, dans l’un ou l’autre des cas suivants, toutes les questions qui, d’après lui, nécessitent une enquête en vue de déterminer les faits :

a) sur demande faite en vertu de l’article 9;

b) chaque fois qu’il a des motifs raisonnables de croire :

(i) soit qu’une personne a contrevenu ou manqué de se conformer à une ordonnance rendue en application de l’article 32, 33 ou 34, de la partie VIII,

(ii) soit qu’il existe des motifs justifiant une ordonnance en vertu de la partie VIII,

(iii) soit qu’une infraction visée à la partie VI ou VII a été perpétrée ou est sur le point de l’être;

c) chaque fois que le ministre lui ordonne de déterminer au moyen d’une enquête si l’un des faits visés aux sous-alinéas b)(i) à (iii) existe.

(2) À la demande écrite d’une personne dont les activités font l’objet d’une enquête en application de la présente loi ou d’une personne qui a demandé une enquête conformément à l’article 9, le directeur instruit ou fait instruire cette personne de l’état du déroulement de l’enquête.

(3) Les enquêtes visées au présent article sont conduites en privé.

11. (1) Sur demande ex parte du directeur ou de son représentant autorisé, un juge d’une cour supérieure, d’une cour de comté ou de la Cour fédérale peut, lorsqu’il est convaincu d’après une dénonciation faite sous serment ou affirmation solennelle qu’une enquête est menée en application de l’article 10 et qu’une personne détient ou détient vraisemblablement des renseignements pertinents à l’enquête en question, ordonner à cette personne :

a) de comparaître, selon ce que prévoit l’ordonnance de sorte que, sous serment ou affirmation solennelle, elle puisse, concernant toute question pertinente à l’enquête, être interrogée par le directeur ou son représentant autorisé devant une personne désignée dans l’ordonnance et qui, pour l’application du présent article et des articles 12 à 14, est appelée « fonctionnaire d’instruction »;

b) de produire auprès du directeur ou de son représentant autorisé, dans le délai et au lieu que prévoit l’ordonnance, les documents ou autres choses dont celle-ci fait mention;

c) de préparer et de donner au directeur ou à son représentant autorisé, dans le délai que prévoit l’ordonnance, une déclaration écrite faite sous serment ou affirmation solennelle et énonçant en détail les renseignements exigés par l’ordonnance.

(2) Lorsque, en rapport avec une enquête, la personne contre qui une ordonnance est demandée en application de l’alinéa (1)b) est une personne morale et que le juge à qui la demande est faite aux termes du paragraphe (1) est convaincu, d’après une dénonciation faite sous serment ou affirmation solennelle, qu’une affiliée de cette personne morale a des documents qui sont pertinents à l’enquête, il peut, sans égard au fait que l’affiliée soit située au Canada ou ailleurs, ordonner à la personne morale de produire les documents en question.

(3) Nul n’est dispensé de se conformer à une ordonnance visée au paragraphe (1) ou (2) au motif que le témoignage oral, le document, l’autre chose ou la déclaration qu’on exige de lui peut tendre à l’incriminer ou à l’exposer à quelque procédure ou pénalité, mais un témoignage oral qu’un individu a rendu conformément à une ordonnance prononcée en application de l’alinéa (1)a) ou une déclaration qu’il a faite en conformité avec une ordonnance prononcée en application de l’alinéa (1)c) ne peut être utilisé ou admis contre celui-ci dans le cadre de poursuites criminelles intentées contre lui par la suite sauf en ce qui concerne une poursuite prévue à l’article 132 ou 136 du Code criminel.

(4) Une ordonnance rendue en application du présent article a effet partout au Canada.

En conséquence, conformément à l’article 10, le directeur doit demander la tenue d’une enquête lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction visée à la partie VI ou VII a été ou est sur le point d’être perpétrée. L’enquête a pour but « de déterminer les faits », c’est-à-dire de savoir, en l’espèce, si une infraction liée à la concurrence, soit l’infraction prévue à l’article 45, a été commise. Voici le texte du paragraphe 45(1) [mod., idem , art. 30] de la Loi :

45. (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l’une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :

a) soit pour limiter, indûment, les facilités de transport, de production, de fabrication, de fourniture, d’emmagasinage ou de négoce d’un produit quelconque;

b) soit pour empêcher, limiter ou réduire, indûment, la fabrication ou production d’un produit ou pour en élever déraisonnablement le prix;

c) soit pour empêcher ou réduire, indûment la concurrence dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens;

d) soit, de toute autre façon, pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu.

Selon la façon dont j’interprète l’article 10 de la Loi en l’espèce, le directeur a demandé la tenue d’une enquête en l’espèce pour savoir si un complot avait été formé entre des individus ou des personnes morales au sens du paragraphe 45(1) de la Loi.

Lorsque le directeur ordonne qu’une enquête soit menée, il peut, conformément à l’article 11, présenter une demande ex parte dans laquelle il atteste qu’une enquête est menée en application de l’article 10 et demande à un juge d’une cour supérieure, d’une cour de comté ou de la Cour fédérale d’ordonner à une ou plusieurs personnes de comparaître pour être interrogées sous serment afin de fournir les renseignements qu’elles pourraient avoir au sujet de l’enquête.

Dans la présente affaire, il s’agirait de renseignements concernant l’existence d’un complot en vue de réduire la concurrence à l’encontre des présents requérants, lequel complot constitue une infraction pénale.

Il est bien certain qu’il doit y avoir une enquête. Dans le présent litige, comme je l’ai mentionné, il est admis que, si une enquête est menée, c’est l’enquête qui a été entreprise par le directeur et qui a donné lieu au renvoi de l’affaire au procureur général. Ce renvoi a incité le procureur général à porter des accusations pénales contre les requérants.

Il est donc vital de déterminer si, lorsque j’ai rendu mes ordonnances ex parte le 22 septembre 1994 conformément à l’article 11 de la Loi, une enquête était menée. Il est admis qu’aucune nouvelle enquête n’a été demandée à l’encontre des requérants conformément à l’article 10 de la Loi. La seule enquête dont le directeur a demandé la tenue contre eux est celle qui a débuté le 7 avril 1987.

Toutes les parties reconnaissent que, si le directeur avait demandé la tenue d’une nouvelle enquête contre les mêmes requérants, la validité des ordonnances ex parte ne pourrait nullement être contestée, pourvu que les interrogatoires soient liés à la « nouvelle enquête ».

Nous savons maintenant comment commence une « enquête ». Cependant, la question qui se pose est celle de savoir quand une « enquête » prend fin, si cela se produit.

En résumé, les requérants font valoir qu’une enquête prend fin contre certains individus ou personnes morales dès que des accusations pénales sont portées contre eux. Le directeur soutient que l’enquête se termine uniquement lorsque lui-même en décide ainsi, car aucune disposition de la Loi ne précise quand une « enquête » prend fin. Il ajoute qu’une enquête prend fin lors d’une condamnation.

Je suis convaincu qu’une « enquête » ne prend pas fin lorsque le directeur renvoie l’affaire au procureur général.

À mon sens, une enquête prend fin lorsque son objet a été atteint, c’est-à-dire lorsque le directeur estime qu’il a déterminé les faits pertinents, lesquels faits lui permettent de renvoyer l’affaire au procureur général, et que celui-ci porte des accusations contre certains individus ou personnes morales conformément au paragraphe 45(1) de la Loi. Dans le présent litige, l’événement qui met fin à « l’enquête » est le dépôt par le procureur général des accusations contre les requérants.

Contrairement à ce que soutient l’avocat du directeur, je ne puis conclure qu’une enquête prend fin uniquement lorsque le directeur en décide ainsi ou, dans les circonstances de la présente affaire, lorsqu’une condamnation est obtenue.

Le but de la Loi et celui du directeur ne consistent pas à obtenir « une condamnation ». L’un des principaux objectifs du directeur consiste à réunir tous les renseignements nécessaires pour déterminer s’il existe une preuve factuelle suffisante pour recommander au procureur général d’intenter des poursuites pénales. Cette tâche fait partie des fonctions du directeur qui sont liées à l’exécution de la Loi.

Bien entendu, mes commentaires concernent uniquement l’enquête visée par l’article 10.

Par ailleurs, afin de permettre aux parties de mieux comprendre comment j’en suis arrivé aux conclusions qui précèdent, il m’apparaît utile de résumer les faits pertinents.

Le 17 avril 1987, le directeur a entrepris une enquête officielle conformément à l’article 8 [S.R.C. 1970, ch. C-23] (maintenant l’article 10) de la Loi au sujet des activités des requérants. L’« enquête » était fondée sur des allégations selon lesquelles les requérants s’étaient entendus pour ne pas fixer des prix inférieurs à ceux que chacun d’eux exige, contrairement à l’alinéa 32(1)c), maintenant l’alinéa 45(1)c), de la Loi. Selon cette dernière disposition, toute personne qui complote avec une autre personne pour empêcher ou pour réduire indûment la concurrence dans le transport ou la fourniture d’un produit commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de 10 000 000 $. Après le début de l’enquête, des perquisitions ont été menées en mai 1987 conformément à des mandats délivrés en application de l’article 13 (maintenant l’article 15) de la Loi. Plus de 51 000 documents ont été saisis.

En novembre 1989, par suite de l’« enquête de 1987 », le directeur a recommandé au procureur général du Canada de porter des accusations contre les requérants sous le régime de l’article 45 de la Loi. La preuve n’indique nullement que le directeur a fait quoi que ce soit pour poursuivre l’enquête après avoir renvoyé l’affaire au procureur général afin que celui-ci intente des poursuites. Le directeur reconnaît (paragraphe 3, à la page 2 de son mémoire) qu’après avoir renvoyé l’affaire au procureur général et jusqu’à ce qu’il présente la demande ex parte devant moi, [traduction] « il n’a utilisé aucun pouvoir officiel (c’est-à-dire un pouvoir d’origine législative nécessitant l’approbation judiciaire) au cours de cette enquête ».

Compte tenu de la preuve présentée devant moi ou plutôt de l’absence totale de preuve, je suis convaincu que le directeur n’a pris aucune mesure conformément à la Loi pour poursuivre l’enquête après avoir soumis au procureur général les éléments de preuve qu’il avait réunis, surtout à compter de la date à laquelle celui-ci a porté des accusations contre les requérants. Si une enquête a eu lieu, elle a été dirigée par le procureur général.

Le 24 septembre 1990, des accusations ont été portées sous le régime de l’alinéa 45(1)c) de la Loi contre Clarke Transport, Consolidated, Cottrell, TNT et Trans Western. Le 16 juillet 1992, des accusations ont également été portées contre Wilson, Trudeau, Lajoie, Pequeneza, Freeman et Muirhead. Les accusations ont été retirées contre Pequeneza. Selon la dénonciation, les accusés (les requérants en l’espèce) auraient commis l’infraction entre février 1976 et mai 1987.

L’enquête préliminaire tenue sous le régime du Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46] au sujet des accusations portées contre les requérants et les autres personnes accusées a débuté le 7 février 1994 devant la Cour de l’Ontario (Division provinciale).

Le 25 mai 1994, à la fin de l’enquête préliminaire, tous les accusés (les requérants) ont été renvoyés pour subir leur procès.

Environ quatre mois après ce renvoi, le 19 septembre 1994, Gilkes a présenté à la Cour fédérale, au nom du directeur, une demande ex parte en vue d’obtenir, conformément à l’alinéa 11(1)a) et au paragraphe 13(1) de la Loi, des ordonnances désignant un fonctionnaire d’instruction et enjoignant à six personnes, soit Robert Stanley, Danny Swail, Bryan Swail, Hank Russelle, Peter Dockalek et Donald Clarke, de comparaître devant le fonctionnaire à Toronto le 3 octobre 1994 pour être interrogées sous serment ou affirmation solennelle.

Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai accordé lesdites ordonnances demandées le 22 septembre 1994.

Les requérants en l’espèce et les individus accusés ont été avisés des ordonnances ex parte qui ont été rendues le 22 septembre 1994 et des interrogatoires qui devaient être tenus le 3 octobre de la même année dans une lettre que Gilkes a fait parvenir à leurs avocats le 27 septembre 1994. Un avis a été remis, compte tenu du fait que chacune des personnes et entreprises accusées dont l’avocat recevait une lettre était visée par l’interrogatoire dans la mesure permise par le paragraphe 12(4) de la Loi.

Les avocats qui auraient mené l’interrogatoire sont ceux qui s’occupent des poursuites pénales au nom du procureur général. L’avocat de celui-ci a confirmé que Sa Majesté n’avait nullement l’intention de déposer au procès des requérants des transcriptions de la preuve obtenue lors des interrogatoires, mais que ce fait n’empêchait pas Sa Majesté ou la défense (les requérants) d’utiliser les transcriptions pour rafraîchir la mémoire des témoins ou pour contredire leur témoignage, s’ils étaient appelés à témoigner au procès.

Après la présentation des demandes en l’espèce devant moi, les interrogatoires prévus à l’article 11 ont été ajournés sine die.

En conséquence, comme je l’ai déjà mentionné, la question à trancher est celle de savoir si une enquête entreprise par le directeur conformément à l’article 10 de la Loi au sujet des actes de certains individus ou personnes morales se poursuit une fois que des accusations pénales ont été portées par le procureur général suivant la recommandation du directeur.

Comme je l’ai déjà mentionné, je suis convaincu que l’enquête se termine lorsque le but de l’enquête a été atteint, c’est-à-dire lorsque le procureur général porte des accusations pénales contre les individus ou les personnes morales dont les activités faisaient l’objet de l’enquête prévue à l’article 10. Je ne puis admettre que la Loi permet au directeur de mener une enquête concernant les activités d’individus et de personnes morales qui ont fait l’objet d’une enquête et qui ont été inculpés par le procureur général sous le régime de la Loi sur la concurrence par suite des conclusions que le directeur a tirées dans le cadre de l’enquête. Bien entendu, cela ne signifie pas que l’aide du directeur ne sera pas requise lors des travaux préparatoires au procès que mènera la poursuite; cependant, cette aide serait fournie sous la surveillance du procureur général, qui dirigerait les travaux dans le cadre des responsabilités dont il est investi en matière de poursuites. Comme je l’ai déjà indiqué, aucune disposition de la Loi n’empêche le directeur de poursuivre son enquête après avoir renvoyé l’affaire au procureur général afin d’obtenir des éléments de preuve supplémentaires; cependant, une fois que des accusations pénales sont portées, le contrôle des procédures, y compris les travaux supplémentaires liés à la poursuite, s’ils sont nécessaires, relève du procureur général et c’est lui qui est responsable du déroulement des poursuites pénales.

Tant et aussi longtemps que le procureur général ne porte pas d’accusations contre des individus ou des personnes morales sur la foi des éléments de preuve obtenus lors d’une enquête fondée sur l’article 10, le directeur peut, conformément à la Loi, poursuivre une enquête afin de réunir des éléments de preuve en tenant des interrogatoires prévus à l’article 11 ou en faisant des saisies et des perquisitions fondées sur l’article 15 [mod., idem, art. 24]. Pour tenir un interrogatoire prévu à l’article 11 ou pour obtenir un mandat prévu à l’article 15, le directeur doit mener une enquête. Dans quel but? Dans le but de réunir des éléments de preuve à soumettre au procureur général pour que celui-ci détermine s’il y a lieu de porter des accusations pénales conformément à un article de la Loi, en l’occurrence, l’alinéa 45(1)c). Cela n’empêche pas le procureur général de renvoyer l’affaire au directeur pour que celui-ci mène une enquête supplémentaire avant que des accusations soient portées.

Une fois que le directeur a présenté au procureur général suffisamment d’éléments de preuve pour que celui-ci intente des poursuites pénales, il continue à exercer des fonctions liées à l’exécution. Cependant, ces fonctions ne comprennent pas le pouvoir de tenir des audiences aux termes de l’article 11 de la Loi ou d’obtenir des mandats en application de l’article 15 de la Loi une fois que des accusations pénales ont été portées.

Je suis donc convaincu que, lorsque j’ai rendu les ordonnances ex parte le 22 septembre 1994, je n’avais pas la compétence voulue pour le faire, parce qu’aucune enquête visée par l’article 10 de la Loi n’était menée.

Comme je l’ai mentionné, les avocats m’ont demandé de ne pas trancher les autres questions soulevées, si j’en venais à la conclusion qu’aucune enquête n’était menée. Je n’ai pas l’intention de trancher les autres questions et je me bornerai à dire qu’à mon avis, le représentant du directeur n’a pas omis de divulguer un fait pertinent et important lorsqu’il a demandé les ordonnances ex parte.

Les demandes des requérants sont accueillies avec dépens. Étant donné qu’une seule demande a été débattue à titre de demande type, un seul groupe de dépens seront accordés pour la partie des plaidoiries.

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