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[1995] 1 C.F. 260

T-1557-92

Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. (demanderesse)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada (défenderesse)

94-T-30

Elgin Cabinet Incorporated (requérante)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, les anciens ministres du Revenu national, Otto Jelinek et Garth Turner, le ministre du Revenu national, David Anderson, John Allen Sitka, Merv Sitka, Augie Haugen, et autres personnes dont le nom est inconnu (intimés)

Répertorié : Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. c. Canada (1re inst.)

Section de première instance, protonotaire Hargrave—Winnipeg, 13 juillet; Vancouver, 3 août 1994.

Pratique — Prescription — Demandes de prolongation du délai pour déposer une déclaration — Les requérantes, fabricants manitobains d’armoires, étaient assujetties à la taxe de vente fédérale en vertu de la Loi sur la taxe d’accise — Elles ignoraient l’existence d’un abattement d’impôt d’un tiers parce que la note de service faisant état de la décision prise à cet égard, bien qu’elle ait été envoyée au Manitoba, a été détruite par les fonctionnaires de Revenu Canada dès qu’ils en eurent pris connaissance — Les requérantes ont demandé la prolongation du délai, prévu par la Loi sur la prescription du Manitoba, pour intenter une action frappée de prescription — La note de service constitue un fait pertinent au sens de l’art. 20(2) de la Loi — La cause d’action fondée sur la destruction du message en question a pris naissance lors de la découverte des faits pertinents — Possibilités raisonnables de succès — Les requérantes ont fait preuve de diligence raisonnable — Prolongation accordée.

Pratique — Plaidories — Modifications — Les demanderesses ont demandé la prolongation du délai pour modifier leurs déclarations — Les actions en cours étaient des appels interjetés contre une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur en vertu de l’art. 81.24 de la Loi sur la taxe d’accise — L’art. 81.28(3)a) vient empêcher l’adjonction de nouvelles parties et causes d’action.

Couronne — Responsabilité délictuelle — Négligence — Les requérantes demandent la prolongation du délai pour déposer contre la Couronne et certains particuliers des déclarations leur reprochant d’avoir fait des déclarations inexactes par négligence — Le ministre du Revenu national ne peut être actionné en tant que représentant de ses subordonnés — Les particuliers employés de Revenu Canada ne peuvent être poursuivis devant la Cour fédérale puisque la cause d’action repose sur une loi provinciale — La cause d’action découlant de la destruction du message se situe entre la négligence opérationnelle et l’acte illégal — Les requérantes ont subi une perte du fait de s’être vu refuser la possibilité d’utiliser une méthode de calcul de la taxe employée partout ailleurs au Canada — Application du critère de la prévisibilité raisonnable.

Douze requêtes ont été présentées en l’espèce. Quatre d’entre elles visent à obtenir la prolongation du délai pour modifier les déclarations, et les huit autres, à prolonger le délai pour déposer une déclaration contre la Couronne et différents particuliers. Entre 1985 et 1990, les demanderesses et les requérantes, des entreprises de fabrication d’armoires qui exercent leurs activités au Manitoba, ont payé la taxe de vente fédérale calculée selon la méthode du prix de vente, en application du paragraphe 50(1) de la Loi sur la taxe d’accise. À la fin de 1986, Revenu Canada a fait parvenir à tous ses bureaux au Canada, au moyen d’un réseau interne de communication (INET), une décision autorisant les fabricants d’armoires à calculer leur taxe de vente de manière à recevoir un abattement d’un tiers. Les fabricants d’armoires de cuisine partout au Canada ont profité de la méthode de la valeur déterminée, de l’escompte ou de la déduction pour calculer la taxe. Seuls ceux du Manitoba n’ont pu le faire parce que le message INET, quoiqu’il ait été reçu par Revenu Canada, a été détruit immédiatement après lecture. Ce n’est qu’au cours de la dernière année que les demanderesses et les requérantes ont appris la destruction du message INET, à la suite d’une demande présentée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information par un fiscaliste-conseil. Elles ont donc demandé la prolongation du délai en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi sur la prescription du Manitoba (suivant lequel un tribunal peut autoriser une partie à intenter ou à continuer une action qui serait normalement prescrite, pourvu qu’il ne se soit pas écoulé plus de douze mois entre la date à laquelle le requérant a eu ou aurait dû avoir connaissance de tous les faits pertinents sur lesquels repose l’action et la date de la présentation de la demande d’autorisation au tribunal). Les principales questions en litige sont : 1) celle de savoir si l’article 81 de la Loi sur la taxe d’accise fait complètement échec aux quatre requêtes en modification et si les fabricants d’armoires ont démontré qu’ils avaient à l’égard des particuliers défendeurs une cause raisonnable d’action; 2) celle de la connaissance des faits constituant la cause d’action; 3) celle de l’établissement d’une cause d’action.

Jugement : les demandes de prolongation du délai pour modifier les déclarations par l’adjonction de parties et d’une cause d’action doivent être rejetées; les demandes de prolongation du délai pour déposer une déclaration contre la Couronne et différents particuliers doivent être accueillies.

1) Les déclarations en cours s’inscrivaient à l’origine dans le cadre d’appels interjetés contre la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur en vertu de l’article 81.24 de la Loi sur la taxe d’accise. L’alinéa 81.28(3)a) de celle-ci vient empêcher que les déclarations soient modifiées par l’adjonction de nouvelles parties et de nouvelles questions litigieuses. Un ministre ou ancien ministre n’est pas, en sa qualité de préposé de la Couronne, responsable du délit civil d’un subordonné. La Cour fédérale n’a pas compétence relativement aux deux anciens ministres ni aux employés de la Couronne pris individuellement, étant donné que les causes d’action proposées reposent sur une loi provinciale et non pas fédérale. Le ministre du Revenu national ne peut être actionné en tant que représentant de ses subordonnés. Dans la mesure où un redressement doit être accordé en vertu de la Loi sur la prescription du Manitoba, il ne peut l’être qu’à l’égard d’une action dans laquelle Sa Majesté serait l’unique partie défenderesse.

2) La destruction du message INET est d’une importance capitale et constitue un fait pertinent au sens de la définition figurant au paragraphe 20(2) de la Loi manitobaine. Dans le cas d’une action en responsabilité délictuelle, la cause d’action prend naissance non pas lorsque, à l’insu du demandeur, se trouvent réunis tous les éléments du délit civil, mais bien dès que les faits pertinents sur lesquels repose cette cause d’action ont été découverts par le demandeur ou auraient dû l’être s’il avait fait preuve de diligence raisonnable. Dans les décisions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans les affaires Imperial Cabinet, Seine River et Artec Design, il n’y a rien qui indique que le tribunal était au courant de la destruction du message INET. Les actions que souhaitent intenter les requérantes ont pour fondement la destruction abusive du message INET. Compte tenu de leurs antécédents et de leur expérience, on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les requérantes aient appris plus tôt la destruction de ce message. Cette destruction constituait un fait pertinent de nature déterminante, dont les requérantes ignoraient l’existence au moment de l’expiration du délai de prescription. Toutefois, dès qu’elles ont découvert ce fait pertinent, elles ont agi dans le délai de douze mois, sans aucun retard inexpliqué ou déraisonnable. Pour peu qu’elles réussissent à établir une cause d’action, les requérantes ont droit à une prolongation de délai en vertu de la Loi manitobaine, car elles n’auraient pu, en faisant preuve de diligence raisonnable, découvrir le fait que Revenu Canada avait reçu, lu et détruit un message pertinent.

3) L’obligation, incombant à un requérant aux termes du paragraphe 15(2) de la Loi manitobaine, d’établir la cause d’action, ne consiste pas à simplement produire une preuve suffisante à première vue. Le requérant doit produire une preuve établissant qu’il a une cause d’action qui, sous réserve de tout moyen de défense pouvant être invoqué, lui offre des possibilités raisonnables de succès. Il faut démontrer que la preuve est assez solide pour que, si le litige était poursuivi jusqu’au stade de l’instruction, il existe des chances réalistes que l’action soit accueillie. La preuve présentée à l’appui d’une allégation sera retenue tant qu’elle n’aura pas été réfutée. Il existe une cause d’action en l’espèce puisqu’un message éminemment pertinent a été lu et détruit, et les intimés pourraient être jugés responsables, à supposer que les requérantes soient en mesure de prouver ce qu’elles avancent dans les documents qu’elles ont produits. Il faut examiner les éléments requis pour fonder une cause d’action sur la négligence afin de déterminer si l’action offre des possibilités raisonnables de succès. Il doit y avoir d’abord une obligation reconnue de satisfaire à une norme de conduite afin de protéger autrui contre des risques déraisonnables, et un manquement à cette obligation, c’est-à-dire la négligence. Les fonctionnaires de Revenu Canada au Manitoba reconnaissent avoir reçu le message INET et l’avoir détruit. C’est la destruction qui a fait naître une cause d’action se situant entre une mauvaise décision participant de la négligence opérationnelle et un acte qui confine à l’abus ou à l’illégalité. Les requérantes auraient des chances raisonnables de succès si l’affaire était poursuivie jusqu’au stade de l’instruction. Ensuite, il doit résulter un préjudice important pour les intérêts des requérantes. Il ressort de la preuve que les requérantes ont subi une perte du fait que leur a été refusée la possibilité de se servir d’une méthode de calcul de la taxe qui s’employait partout ailleurs au Canada. Enfin, un lien raisonnable doit exister entre la conduite de la partie défenderesse et le préjudice. Il convient d’appliquer en l’espèce le critère de la prévisibilité raisonnable. Revenu Canada au Manitoba pouvait facilement prévoir que la destruction du message INET contraindrait les fabricants d’armoires au Manitoba à calculer leur taxe à un taux plus élevé. Il était facilement prévisible que le fait de ne pas informer les requérantes d’un abattement fiscal légitime entraînerait un préjudice pour les fabricants d’armoires qui acquittaient la taxe au cours la période en cause.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1.

Loi sur la prescription, L.R.M. 1987, ch. L150, art. 14, 15(2), 20(1),(2),(3),(4).

Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 50(1) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, art. 190; ch. 42, art. 4), 81 (mod., idem, ch. 7, art. 38), 81.24 (édicté, idem; mod. par (4e suppl.), ch. 47, art. 52), 81.28(3)a) (édicté par (2e suppl.), ch. 7, art. 38).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Einarsson v. Tamar Mail Order Inc., [1992] 2 W.W.R. 84; sub nom. Einarsson et al. v. Adi’s Video Shop et al. (1992), 76 Man. R. (2d) 218 (C.A. Man.); Hoeppner v. Horstman Contracting Ltd., [1992] 3 W.W.R. 335; (1992), 79 Man. R. (2d) 257; 50 C.L.R. 220 (B.R.); J. (A.) v. Cairnie Estate, [1993] 6 W.W.R. 305 (C.A. Man.).

DÉCISIONS CITÉES :

Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. c. M.R.N. (1992), 5 TCT 1127 (T.C.C.E.); Seine River Cabinets Ltd. c. M.R.N. (1992), 5 TCT 1122 (T.C.C.E.); Artec Design Inc. c. M.R.N. (1992), 5 TCT 1124 (T.C.C.E.); Conseil des Ports Nationaux v. Langelier et al., [1969] R.C.S. 60; (1968), 2 D.L.R. (3d) 81; Kealey c. Canada (Procureur général), [1992] 1 C.F. 195; (1991), 1 Admin. L.R. (2d) 138; 46 F.T.R. 107 (1re inst.); Hanson (J.M.) c. Canada, [1991] 1 C.T.C. 32; (1990), 90 DTC 6670; 38 F.T.R. 34 (C.F. 1re inst.); Stephens c. R. (1982), 26 C.P.C. 1; [1982] CTC 138; 82 DTC 6132; 40 N.R. 620 (C.A.F.); Pacific Western Airlines Ltd. c. R., [1979] 2 C.F. 476; (1979), 105 D.L.R. (3d) 44; 13 C.P.C. 299 (1re inst.); Tribro Investments Ltd. c. Embassy Suites, Inc. (1992), 40 C.P.R. (3d) 193; 51 F.T.R. 241 (C.F. 1re inst.); Manning v. Nassar, [1991] 1 W.W.R. 37; (1990), 70 Man. R. (2d) 310; 43 C.P.C. (2d) 209 (C.A.); H. (I.) v. Isaac, [1994] 6 W.W.R. 381 (C.A. Man.); Weselak v. Beausejour District Hospital No. 29 (1987), 34 D.L.R. (4th) 478; [1987] 2 W.W.R. 360; 49 Man. R. (2d) 86 (C.A.); Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147; (1986), 75 N.S.R. (2d) 109; 31 D.L.R. (4th) 481; 186 A.P.R. 109; 34 B.L.R. 187; 37 C.C.L.T. 117; 42 R.P.C. 161; Kamloops (Ville de) c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S. 2; (1984), 10 D.L.R. (4th) 641; [1984] 5 W.W.R. 1; 29 C.C.L.T. 97; Kozak et ux. v. Dominion Insur. Corpn. et al., [1972] 6 W.W.R. 741 (B.R. Man.).

DOCTRINE

Black’s Law Dictionary, 6th ed. St. Paul, Minn. : West Publishing Co., 1990, « Prima facie case ».

Klar, Lewis N. Tort Law. Carswell, 1991.

DEMANDES de prolongation du délai pour modifier les déclarations par l’adjonction de parties et d’une cause d’action, et d’autorisation de prolonger le délai pour déposer une déclaration contre la Couronne et différents particuliers. Demandes accueillies en partie.

AVOCATS :

Martin J. Pollock pour les demanderesses/requérantes.

Rick Woyiwada pour les défendeurs/intimés.

PROCUREURS :

Pollock & Company, Winnipeg, pour les demanderesses/requérantes.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs/intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le protonotaire Hargrave : Les présents motifs résultent de douze requêtes, présentées par les demanderesses et les requérantes. Quatre de ces requêtes visent à obtenir la prolongation du délai pour modifier les déclarations par l’adjonction de parties autres que Sa Majesté et par l’ajout d’une cause d’action. Les huit autres tendent à l’obtention de l’autorisation de prolonger le délai pour déposer contre la Couronne et différents particuliers des déclarations leur reprochant notamment d’avoir été négligents et d’avoir fait des déclarations inexactes par négligence.

C’est dans l’affaire Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. ainsi que dans les affaires Artec Design Inc. c. La Reine, T-1556-92, Kliewer’s Cabinets Ltd. c. La Reine, T-1331-91, et Seine River Cabinets Ltd. c. La Reine, T-1555-92, que les demanderesses cherchent à faire modifier leur déclaration. Elles demandent toutefois en outre, au cas où je conclurais que la modification par l’adjonction de parties et de causes d’action n’est pas permise, que je considère leurs requêtes, présentées à titre subsidiaire, visant à obtenir l’autorisation d’engager de nouvelles actions. J’en viens donc à ces requêtes.

Elgin Cabinet Incorporated ainsi que Kildonan Custom Cabinet Ltd. c. La Reine, 94-T-38, Sacco Cabinets Ltd. c. La Reine, 94-T-40, Gateway Cabinets Ltd. c. La Reine, 94-T-42, Artec Design Inc. c. La Reine, 94-T-44, Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. c. La Reine, 94-T-43, Kliewer’s Cabinets Ltd. c. La Reine, 94-T-45, et Seine River Cabinets Ltd. c. La Reine, 94-T-46, sont toutes des affaires dans lesquelles la requérante demande une ordonnance portant prolongation du délai pour déposer une déclaration. Comme il a été indiqué plus haut, quatre de ces requérantes sont également demanderesses dans le cadre des quatre premières requêtes susvisées.

HISTORIQUE

Les demanderesses et les requérantes sont des entreprises de fabrication d’armoires qui exercent leurs activités au Manitoba. Pendant des périodes commençant entre 1985 et 1987 et se prolongeant jusqu’à différentes dates au début de 1990, ces entreprises versaient la taxe de vente fédérale conformément à la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (la Loi), et en calculaient le montant selon la méthode du prix de vente, en application du paragraphe 50(1) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, art. 190; ch. 42, art. 4] de la Loi.

Vers le mois de décembre 1975, le ministre du Revenu national a diffusé le mémorandum ET-202, qui prévoyait deux autres méthodes de calcul de la taxe pour des marchandises spécifiées, méthodes qu’on pouvait choisir à condition d’avoir satisfait aux exigences posées dans ce mémorandum ou dans la note ou lettre autorisant le recours à ces autres méthodes pour les marchandises en question.

En janvier 1985, le ministre a établi en vertu du mémorandum ET-202 en matière d’accise la fiche de décision 3700/107, qui autorisait, sur le fondement de différents faits pertinents, les fabricants d’armoires de cuisine qui vendaient à des particuliers et qui n’étaient pas en mesure de déterminer eux-mêmes la valeur aux fins de la taxe, à utiliser pour le calcul de celle-ci la méthode de la valeur déterminée, de l’escompte ou de la déduction. Par la suite, soit vers le mois d’avril 1985, le ministre a établi une nouvelle fiche de décision, portant le numéro 3700/107-1, qui venait élucider celle de janvier 1985. Ni l’une ni l’autre fiche n’a été approuvée par Revenu Canada au Manitoba.

Le 15 octobre 1986, John Sitka, gestionnaire de l’unité de l’établissement de la valeur à Ottawa, a adressé aux directeurs régionaux une note de service leur faisant part que les fabricants d’armoires de cuisine ne pourraient plus se servir de la méthode de l’escompte. Le 5 novembre 1986, toutefois, il est revenu sur sa décision et en a informé tous les bureaux de Revenu Canada au pays au moyen d’un réseau interne de communication (INET). La nouvelle décision a eu pour effet de permettre aux fabricants canadiens d’armoires de cuisine de calculer leur taxe de vente de manière à recevoir un abattement d’un tiers.

Les fabricants d’armoires de cuisine partout au Canada, à l’exception de ceux du Manitoba, ont donc profité de la méthode de la valeur déterminée. Or, si les demanderesses et les requérantes avaient suivi cette méthode de calcul, elles auraient économisé environ 500 000 $ sur la taxe de vente.

Les fabricants d’armoires de cuisine au Manitoba n’ont pas été mis au courant de la décision de novembre 1986, car il semble que le message INET, quoiqu’il ait été reçu par Revenu Canada au Manitoba, a été détruit immédiatement après lecture, ce qui n’a été découvert qu’en 1991, lorsque Edward Reid de Winnipeg, un fiscaliste-conseil qui avait déjà rempli des fonctions de consultant à Revenu Canada, a fait une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information [L.R.C. (1985), ch. A-1].

Les demanderesses et les requérantes disent avoir appris la destruction du message INET au cours de la dernière année, soit, dans le cas d’Imperial, le 29 septembre 1993, et dans le cas d’Elgin, le 24 novembre 1993. D’autres n’en auraient été mises au courant qu’en juin 1994. Les demanderesses et les requérantes demandent donc maintenant la prolongation du délai en vertu de la partie II de la Loi sur la prescription du Manitoba, L.R.M. 1987, ch. L150, suivant laquelle un tribunal peut autoriser une partie à intenter ou à continuer une action qui serait normalement prescrite, pourvu qu’il ne se soit pas écoulé plus de douze mois entre la date à laquelle le requérant a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de tous les faits pertinents sur lesquels repose l’action et la date de la présentation de la demande de prolongation au tribunal.

Du point de vue de la défenderesse et des intimés, la demande fondée sur la Loi sur la prescription a été présentée après l’expiration du délai. Ils invoquent, entre autres, les appels interjetés par Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. [Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. c. M.R.N. (1992), 5 TCT 1127], Seine River Cabinets Ltd. [Seine River Cabinets Ltd. c. M.R.N. (1992), 5 TCT 1122] et Artec Design Inc. [Artec Design Inc. c. M.R.N. (1992), 5 TCT 1124] devant le Tribunal canadien du commerce extérieur à l’automne 1991. Les décisions, rendues au mois de mars 1992, rejetaient les appels des fabricants d’armoires qui avaient erronément versé des montants supplémentaires au titre de la taxe de vente du fait d’avoir calculé celle-ci par la méthode du prix de vente plutôt que par celle de la valeur déterminée. Le Tribunal du commerce a rejeté leurs appels au motif qu’il était incompétent pour déterminer s’il était loisible aux fabricants d’armoires de calculer la taxe de vente selon la méthode de la valeur déterminée. D’après la défenderesse et les intimés, la date à retenir est antérieure aux audiences devant le Tribunal du commerce ou, à tout le moins, est liée à celles-ci.

Les demanderesses et les requérantes soutiennent par contre que le délai est à calculer à partir du moment où elles ont été informées de la destruction du message INET.

Or, il n’y a rien dans les motifs de ses trois décisions qui indique que le Tribunal du commerce était au courant de la destruction du message INET et, de fait, il y a tout lieu de croire qu’il ne l’était pas, puisqu’il a qualifié d’inefficace le système de messages INET en ce qui concerne la région de Winnipeg.

La défenderesse n’a pas produit de preuve sous forme d’affidavit, bien que les avocats aient soulevé plusieurs points auxquels aucune réponse n’a été donnée, parmi lesquels figure, pour invraisemblable qu’elle puisse paraître, l’assertion par l’avocat des intimés que Revenu Canada détruisait peut-être systématiquement les messages INET. On aurait cru en fait que ces points sont le genre de choses dont la défenderesse et les intimés auraient eu connaissance.

La question principale est de savoir si les demanderesses et les requérantes remplissent les conditions de l’obtention d’un redressement en vertu de la Loi sur la prescription. Se posent toutefois aussi deux questions préliminaires, soit celle de savoir si l’article 81 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38] de la Loi sur la taxe d’accise fait complètement échec aux quatre requêtes en modification, et celle de savoir si les fabricants d’armoires se sont acquittés de l’obligation, aux termes de la Loi sur la prescription, de démontrer qu’ils ont à l’égard de chacune des personnes qu’ils souhaitent constituer parties défenderesses une cause raisonnable d’action.

LES REQUÊTES EN MODIFICATION ET L’ARTICLE 81 DE LA LOI SUR LA TAXE D’ACCISE

L’action d’Imperial Cabinet ainsi que les actions des trois autres demanderesses ont été introduites en 1991 et 1992. Ces demanderesses cherchent à faire prolonger le délai pour modifier leurs déclarations, qui, à l’origine, s’inscrivaient dans le cadre d’appels interjetés contre la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur en vertu de l’article 81.24 [édicté, idem; L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47, art. 52] de la Loi.

L’avocat de la défenderesse fait valoir que l’alinéa 81.28(3)a) [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38] vient empêcher de façon absolue que les déclarations soient modifiées par l’adjonction de nouvelles parties et par l’ajout de nouvelles questions litigieuses. L’alinéa 81.28(3)a) est ainsi conçu :

81.28

(3) Un appel à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu de la présente partie est réputé être une action devant la Cour fédérale à laquelle la Loi sur la Cour fédérale et les règles établies conformément à cette loi s’appliquent comme pour une action ordinaire, sauf dans la mesure où l’appel est modifié par des règles spéciales établies à l’égard de tels appels, sauf que :

a) les règles concernant la jonction d’instances et de causes d’action ne s’appliquent pas, sauf pour permettre la jonction d’appels en application de la présente partie.

Les actions dont il s’agit en l’occurrence sont des appels et l’alinéa 81.28(3)a) joue de manière à empêcher l’adjonction de nouvelles parties et causes d’action. Prenant pour point de départ le point préliminaire concernant les parties aux actions projetées, je me penche donc maintenant sur les requêtes en prolongation du délai pour produire une déclaration.

L’EXISTENCE D’UNE CAUSE D’ACTION À L’ÉGARD DES PARTICULIERS DÉFENDEURS

L’article 14 de la Loi sur la prescription porte sur la prolongation des délais. La prolongation est soumise à diverses conditions, dont celle énoncée au paragraphe 15(2) :

15(2) Lorsqu’une demande est présentée en vertu de l’article 14, afin que soit obtenue l’autorisation d’intenter ou de continuer une action, le tribunal ne doit accorder l’autorisation demandée que s’il apparaît, sur la foi de la preuve fournie par le requérant ou en son nom, que si l’action était intentée immédiatement ou était continuée, cette preuve serait suffisante, à défaut de preuve contraire, pour établir la cause d’action, à l’exclusion de toute défense s’appuyant sur une disposition de la présente loi ou d’une autre loi de la Législature, qui établit une prescription.

Dans l’arrêt Einarsson v. Tamar Mail Order Inc., [1992] 2 W.W.R. 84, à la page 87, la Cour d’appel du Manitoba a fait le condensé suivant du paragraphe 15(2) de la Loi sur la prescription :

[traduction] Pour reformuler librement cette disposition, le requérant doit produire une preuve établissant qu’il a une cause d’action qui, sous réserve de tout moyen de défense pouvant être invoqué, lui offre des possibilités raisonnables de succès.

L’avocat des défendeurs soutient que les ministres ne sauraient être jugés responsables du fait d’autrui et qu’aucun fonctionnaire ne peut être poursuivi devant la Cour fédérale, car le cas des fonctionnaires est du ressort provincial.

De son côté, l’avocat des demanderesses fait valoir que ce serait un double emploi insensé que d’introduire contre des particuliers des instances parallèles devant la Cour du Banc de la Reine du Manitoba.

D’après les déclarations que souhaitent déposer les requérantes, deux anciens ministres du Revenu national ainsi que le ministre actuel sont responsables de la négligence de différents employés de Revenu Canada.

Or, un ministre ou ancien ministre n’est pas, en sa qualité de préposé de la Couronne, responsable du délit civil d’un subordonné : Conseil des Ports Nationaux v. Langelier et al., [1969] R.C.S. 60, aux pages 70 à 73. En outre, la Cour fédérale n’a pas compétence relativement aux deux anciens ministres que l’on souhaite constituer défendeurs : voir, par exemple, Kealey c. Canada (Procureur général), [1992] 1 C.F. 195 (1re inst.), aux pages 208 et 209.

En ce qui concerne les employés de la Couronne pris individuellement, en l’occurrence John Sitka, Merv Sitka, Augie Haugen et les autres employés dont le nom est inconnu, la Cour fédérale n’a pas compétence à leur égard, étant donné que les causes d’action proposées reposent sur une loi provinciale et non pas fédérale : voir, par exemple, Hanson (J.M.) c. Canada, [1991] 1 C.T.C. 32 (C.F. 1re inst.), à la page 39; Stephens c. R. (1982), 26 C.P.C. 1 (C.A.F.), aux pages 9 et 10, et, d’une manière générale, Pacific Western Airlines Ltd. c. R., [1979] 2 C.F. 476 (1re inst.).

En résumé, le ministre du Revenu national ne peut être actionné en tant que représentant de ses subordonnés. De même, les anciens ministres du Revenu national ne peuvent être poursuivis devant la Cour fédérale. Quant aux particuliers employés du ministère du Revenu national, ils pourraient faire l’objet d’une action devant les tribunaux provinciaux, mais non devant la Cour fédérale. Il sera en conséquence impossible aux demanderesses d’obtenir gain de cause contre ces parties. Dans la mesure donc où un redressement doit être accordé en vertu de la Loi sur la prescription, il ne peut l’être qu’à l’égard d’une action dans laquelle Sa Majesté serait l’unique partie défenderesse.

LE REDRESSEMENT FONDÉ SUR LA LOI SUR LA PRESCRIPTION

Deux questions se posent concernant un redressement fondé sur la Loi sur la prescription. Premièrement, quand les requérantes ont-elles découvert la cause d’action sur laquelle elles se fondent? Deuxièmement, existe-t-il en fait une cause d’action qui leur offre des possibilités raisonnables de succès?

Les avocats ont soulevé d’autres points que j’ai examinés, mais relativement auxquels je me borne aux observations suivantes :

1. Les requérantes, loin d’avoir fait preuve d’inertie, ont, chaque fois qu’il y a eu retard, cherché diligemment à obtenir redressement par d’autres moyens, de nature surtout politique;

2. Certaines parties des affidavits renferment des irrégularités, mais, dans la plupart des cas, cela n’a d’incidence que sur leur valeur probante;

3. Tout compte fait, les affidavits, une fois élagués, contiennent assez de détails pour satisfaire à l’exigence posée par la Loi sur la prescription;

4. Compte tenu de la décision Tribro Investments Ltd. v. Embassy Suites, Inc. (1992), 40 C.P.R. (3d) 193 (C.F. 1re inst.), il s’agit en l’espèce d’une requête interlocutoire dans le cadre de laquelle il est en conséquence permis de produire des affidavits faisant état de ce que croit savoir le souscripteur;

5. Un affidavit peut contenir du ouï-dire, ou même du ouï-dire double, et ce contenu peut être pris en considération dans l’appréciation de la valeur probante de cette preuve, valeur qui risque dans certains cas d’être minime;

6. Une preuve sous forme d’affidavit qui est entachée d’irrégularité ne devient pas admissible du seul fait qu’il n’y a eu aucun contre-interrogatoire relativement à l’affidavit;

7. La prolongation du délai n’entraînerait pour Sa Majesté en sa qualité de défenderesse aucun préjudice manifeste;

8. Vu l’arrêt Manning v. Nassar, [1991] 1 W.W.R. 37 (C.A. Man.), à la page 41, et l’arrêt H. (I.) v. Isaac, [1994] 6 W.W.R. 381 (C.A. Man.), il convient de trancher à ce stade-ci la question de la prolongation du délai.

En bref, pour intéressants que soient ces points, il ne reste au fond que deux questions en litige.

I.          La Loi sur la prescription

Les dispositions de la Loi sur la prescription qui se rapportent à l’introduction d’une nouvelle action sont les suivantes :

Prolongation du délai dans certains cas

14(1)         Par dérogation à toute disposition de la présente loi ou d’une autre loi de la Législature ayant pour effet d’établir une prescription, le tribunal peut, sur demande, autoriser le requérant à intenter ou continuer une action, lorsque le tribunal conclut, sur la foi de la preuve fournie par le requérant ou en son nom, qu’une période maximale de 12 mois s’est écoulée entre les dates suivantes :

a) la date à laquelle le requérant a eu connaissance pour la première fois, ou celle à laquelle il aurait dû avoir connaissance, compte tenu des circonstances, de tous les faits pertinents sur lesquels s’appuie l’action;

b) la date de la présentation de la demande de prolongation au tribunal.

Preuve exigée lors de la demande

15(2)         Lorsqu’une demande est présentée en vertu de l’article 14, afin que soit obtenue l’autorisation d’intenter ou de continuer une action, le tribunal ne doit accorder l’autorisation demandée que s’il apparaît, sur la foi de la preuve fournie par le requérant ou en son nom, que si l’action était intentée immédiatement ou était continuée, cette preuve serait suffisante, à défaut de preuve contraire, pour établir la cause d’action, à l’exclusion de toute défense s’appuyant sur une disposition de la présente loi ou d’une autre loi de la Législature, qui établit une prescription.

Définitions

20(1)         Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

« conseils opportuns » Dans le contexte de faits ou de circonstances, les conseils donnés par des personnes compétentes qui possèdent les qualifications requises dans leurs domaines respectifs, pour donner des conseils relativement aux aspects professionnels ou techniques des faits ou des circonstances en question …

Référence aux faits pertinents

20(2)         Dans la présente partie, une référence à un fait pertinent concernant une cause d’action constitue une référence à un ou à plusieurs des faits indiqués ci-dessous :

a) le fait que des blessures ou des dommages ont résulté d’un acte ou d’une omission;

b) la nature, l’ampleur ou la gravité des blessures ou des dommages résultant d’un acte ou d’une omission;

c) le fait que les blessures ou les dommages ainsi causés étaient attribuables à un acte ou à une omission, ou encore la mesure dans laquelle les blessures ou les dommages étaient attribuables à un acte ou à une omission :

d) l’identité d’une personne qui accomplit un acte ou qui omet d’accomplir un acte, un devoir, une fonction ou une obligation;

e) le fait qu’une personne a accompli un acte ou a omis d’accomplir un acte, un devoir, une fonction ou une obligation, et qu’en conséquence d’un tel acte ou d’une telle omission, une personne a subi des blessures ou des dommages ou a acquis un droit par suite d’un tel acte ou d’une telle omission.

Nature des faits pertinents

20(3)         Pour les besoins de la présente partie, les faits pertinents se rattachant à une cause d’action doivent être considérés comme des faits de nature déterminante, lorsqu’il s’agit de faits à l’égard desquels une personne possédant le niveau d’intelligence, d’instruction et d’expérience qui lui sont propres, et connaissant ces faits et ayant obtenu des conseils opportuns au sujet de ceux-ci, aurait considérés [sic] à ce moment-là comme concluants pour donner lieu de croire raisonnablement à la réussite d’une action et à l’octroi de dommages-intérêts, ou à une réparation dont l’ampleur justifierait les procédures judiciaires qui seraient requises. Toutefois, il n’est tenu compte d’aucune défense pouvant être fondée sur une prescription établie par la présente loi ou par une autre loi de la Législature.

Faits connus de sources extérieures

20(4)         Sous réserve du paragraphe (5) et pour les besoins de la présente partie, un fait est en tout temps censé ne pas être connu par une personne, ni réellement ni en vertu d’une présomption, lorsque les éléments suivants sont réunis :

a) la personne ne connaissait pas le fait à ce moment-là;

b) dans la mesure où il lui était possible d’établir le fait, la personne avait pris tous les moyens qu’une personne de son niveau d’intelligence, d’instruction et d’expérience aurait dû prendre avant ce moment-là, afin d’établir le fait en question;

c) dans la mesure où il existait des circonstances qui lui étaient connues et qui lui auraient permis, à l’aide de conseils opportuns, d’établir le fait ou de conclure à son existence, la personne avait pris tous les moyens qu’une personne de son niveau d’intelligence, d’instruction et d’expérience aurait dû prendre avant ce moment-là, afin d’obtenir des conseils opportuns à l’égard de ces circonstances.

II.         Connaissance des faits constituant la cause d’action

L’avocat des requérantes fait valoir qu’une nouvelle cause d’action a pris naissance quand celles-ci ont appris que Revenu Canada au Manitoba avait détruit le message INET qui aurait pu faire bénéficier les fabricants d’armoires du Manitoba d’une réduction substantielle d’impôt en ce sens qu’il leur aurait été permis d’utiliser la méthode de la valeur déterminée, de l’escompte ou de la déduction comme moyen légitime et moins coûteux de calculer la taxe.

Les requérantes prétendent n’avoir eu connaissance des faits pertinents que lorsque leur avocat les a informées, dans certains cas à l’automne 1993, dans d’autres au printemps 1994, d’une demande antérieure d’un fiscaliste-conseil par suite de laquelle a été découverte la destruction du message INET.

D’après l’avocat des intimés, tous les faits étaient connus il y a plus de douze mois et se trouvent en fait exposés dans les décisions qu’a rendues en 1992 le Tribunal canadien du commerce extérieur. L’avocat affirme en outre que les requérantes n’étaient pas obligées d’attendre qu’elles acquièrent par hasard une connaissance de seconde main de renseignements obtenus en 1991, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, par un fiscaliste-conseil n’ayant aucun lien avec elles.

Pour déterminer l’importance de la destruction du message INET comme fait pertinent selon la définition figurant au paragraphe 20(3) et au sens des paragraphes 14(1) et 20(2) de la Loi sur la prescription, j’ai examiné minutieusement les déclarations que souhaitent déposer les requérantes. Ces dernières soutiennent essentiellement que la taxe a été payée par suite d’une erreur imputable à l’insouciance, à l’incurie et à la négligence, revêtant notamment la forme de déclarations inexactes, des employés de Revenu Canada qui ont détruit le message INET approuvant l’autre méthode de calcul de la taxe de vente.

Dans ce contexte, le message INET est d’une importance capitale et constitue un fait pertinent au sens de la définition figurant au paragraphe 20(2) de la Loi sur la prescription, abstraction faite évidemment de la question de savoir s’il existe même une cause d’action, sur laquelle je me pencherai ultérieurement, et de celle de savoir si le délai courait à partir de la destruction du message, ou dès le moment où les requérantes prétendent en avoir eu vent, ou à partir d’un moment quelconque se situant entre les deux.

L’avocat des intimées soutient énergiquement que, dans le cas d’une action en responsabilité délictuelle, le délai de prescription court du moment que se trouvent réunis tous les éléments du délit civil, à savoir l’obligation de prudence, le manquement à cette obligation et un préjudice découlant du manquement, comme l’indique l’arrêt Weselak v. Beausejour District Hospital No. 29 (1987), 34 D.L.R. (4th) 478 (C.A. Man.).

Selon la thèse des requérantes, le délai ne court qu’à partir de la découverte des faits pertinents sur lesquels l’action est fondée. À ce propos, l’avocat me renvoie à la décision Hoeppner v. Horstman Contracting Ltd., [1992] 3 W.W.R. 335 (B.R. Man.), dans laquelle le juge Lockwood, se refusant à suivre l’arrêt Weselak, a invoqué plutôt les arrêts Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147 et Kamloops (Ville de) c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S. 2, l’un et l’autre de la Cour suprême du Canada, à l’appui de la proposition voulant qu’au Canada une cause d’action prenne naissance non pas lorsque, à l’insu du demandeur, tous les éléments existent, mais bien dès la découverte des faits pertinents. Le juge s’est référé à cet égard aux motifs du juge Le Dain dans l’arrêt Central Trust [à la page 224] :

Je suis donc d’avis que le jugement de la Cour à la majorité dans l’affaire Kamloops pose une règle générale selon laquelle une cause d’action prend naissance, aux fins de la prescription, lorsque les faits importants sur lesquels repose cette cause d’action ont été découverts par le demandeur ou auraient dû l’être s’il avait fait preuve de diligence raisonnable.

Toujours dans la décision Hoeppner, le juge Lockwood a ajouté, à la page 349 :

[traduction] J’admire certes le raisonnement serré de mon confrère le juge Hanssen dans l’arrêt Weselak, mais il semble bien que la Cour suprême du Canada ait établi dans l’arrêt Kamloops, et en particulier dans l’arrêt Central Trust Co., une règle générale qui lie tous les tribunaux canadiens, et ce, indépendamment de toute disposition particulière établissant une prescription, comme celle invoquée par la Cour d’appel de notre ressort.

Par conséquent, a conclu le juge Lockwood, il existe une règle générale exigeant la découverte. Cette règle s’applique à la prolongation du délai en vertu de la Loi sur la prescription, de sorte que le délai court à partir du moment où le demandeur découvre les faits pertinents ou aurait dû les découvrir s’il avait fait preuve de diligence raisonnable.

Dans les décisions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans les affaires Imperial Cabinet, Seine River et Artec Design, il n’y a rien qui indique que le tribunal était au courant de la destruction du message INET, bien que M. Reid, le fiscaliste-conseil, eût pu en être informé, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, vers l’époque de la tenue des audiences. On aurait cru d’ailleurs qu’un événement aussi intéressant eût suscité des observations de la part du tribunal. Quoi qu’il en soit, d’après leurs affidavits, Zvi Gitter, président d’Imperial Cabinet, Gerald Petit, administrateur de Seine River, et Hubert Bildes, président d’Artec Design, personnes dont les sociétés étaient parties aux litiges devant le Tribunal canadien du commerce extérieur, n’ont appris la destruction du message INET qu’à l’automne 1993, dans le cas de M. Gitter, et au printemps 1994, dans celui de MM. Petit et Bildes.

Je me suis penché en outre sur la question de savoir si une personne possédant le niveau d’intelligence, d’instruction et d’expérience des requérantes, qui, à ce que je peux voir, sont des sociétés dirigées par des petits entrepreneurs, ou, quant à cela, si n’importe qui d’autre qu’un fiscaliste-conseil qui avait déjà été employé de Revenu Canada, aurait pensé à demander en vertu de la Loi sur l’accès à l’information la communication d’une directive qui avait été détruite, au cas où cette démarche porterait fruit. Le faire sans disposer déjà de certains renseignements à ce sujet serait comme essayer de trouver dans une pièce obscure un chat noir dont l’existence est incertaine.

En résumé, les actions que souhaitent intenter les requérantes ont pour fondement la destruction abusive du message INET. Or, compte tenu de leurs antécédents et de leur expérience, on ne devait raisonnablement s’attendre à ce que les requérantes aient appris plus tôt la destruction de ce message. Et le document ainsi détruit renfermait des faits pertinents de nature déterminante, dont les requérantes ignoraient l’existence au moment de l’expiration du délai de prescription. Toutefois, dès qu’elles ont découvert les faits pertinents, elles ont agi dans le délai de douze mois, sans aucun retard inexpliqué ou déraisonnable.

Il en va de même de chacune des huit requérantes.

Donc, pour peu qu’elles réussissent à établir une cause d’action, les requérantes ont droit à une prolongation de délai en vertu de la Loi sur la prescription, car elles n’auraient pu, en faisant preuve de diligence raisonnable, découvrir le fait que Revenu Canada avait reçu, lu et détruit un message pertinent.

III.        Établissement d’une cause d’action

L’obligation, incombant au requérant aux termes du paragraphe 15(2) de la Loi sur la prescription, d’établir la cause d’action, ne consiste pas à simplement produire une preuve suffisante à première vue.

Toutefois, comme il apparaîtra plus loin, je n’abandonne pas complètement le critère de la preuve suffisante à première vue évoqué dans la décision Kozak et ux. v. Dominion Insur. Corpn. et al., [1972] 6 W.W.R. 741 (B.R. Man.), à la page 743.

J’ai déjà parlé de l’arrêt Einarsson et de la façon dont la Cour d’appel a reformulé, à la page 87 l’exigence selon laquelle :

[traduction] … le requérant doit produire une preuve établissant qu’il a une cause d’action qui, sous réserve de tout moyen de défense pouvant être invoqué, lui offre des possibilités raisonnables de succès.

Ce principe a été développé par la Cour d’appel du Manitoba dans l’arrêt J. (A.) v. Cairnie Estate, [1993] 6 W.W.R. 305, à la page 317 :

[traduction] Le juge de la cour des requêtes a eu tout à fait raison de conclure que la preuve produite ne permettait pas d’établir une chance raisonnable de succès contre les psychiatres fonctionnaires. Dans ce contexte, avoir des « possibilités raisonnables de succès » ne veut pas dire simplement établir une cause d’action qui soit suffisante pour contester avec succès une demande de radiation de la déclaration. En effet, le requérant qui présente une demande en vertu de la partie II de la Loi doit « établir la cause d’action, à l’exclusion de toute défense s’appuyant sur une disposition de la présente loi » [par. 15(2)]. Il lui faut démontrer que la preuve est assez solide pour que, si le litige était poursuivi jusqu’au stade de l’instruction, il existe des chances réalistes que l’action soit accueillie …

Plus récemment, la Cour d’appel du Manitoba a reconnu que le critère applicable est celui énoncé dans l’arrêt Einarsson, à savoir que la demande doit [traduction] « reposer sur une cause d’action qui offre des possibilités raisonnables de succès » : H. (I.) v. Isaac, précité, à la page 383.

Les arrêts Einarsson et H. (I.) ainsi que l’arrêt Cairnie Estate, qui pose le critère des chances réalistes, imposent à la partie requérante une lourde charge en matière de preuve. Il ne faut cependant pas perdre de vue le critère de la preuve suffisante à première vue, qui a quand même une certaine pertinence en l’espèce. Dans la sixième édition de Black’s Law Dictionary, on peut lire ce qui suit [à la page 1190] :

[traduction] … au sens où l’entendent les tribunaux, le terme « prima facie » veut dire non seulement que la preuve du demandeur permettrait d’arriver raisonnablement à la conclusion que recherche ce dernier, mais aussi que cette preuve, si le défendeur n’en produit lui-même aucune pour la réfuter, commande cette conclusion.

Voilà qui précise davantage la proposition selon laquelle la preuve présentée à l’appui d’une allégation sera retenue tant qu’elle n’aura pas été réfutée. En l’espèce, les intimées n’ont produit aucune preuve, si bien que je peux accepter celle des requérantes, pour autant qu’elle soit admissible.

Au départ, l’avocat des intimées déclare que Sa Majesté n’avait aucune obligation d’informer les requérantes, de sorte qu’aucune cause d’action n’a pris naissance.

Or, il se peut que, malgré la « Déclaration des droits du contribuable », dont la version anglaise est jointe aux affidavits des requérantes et qui semble émaner de Revenu Canada (Impôt), les fonctionnaires de Revenu Canada ne soient pas tenus de par la common law de porter secours aux contribuables lésés. L’obligation pouvant incomber aux fonctionnaires en général s’est toutefois alourdie au fil des ans.

À un bout de l’échelle se trouve l’appréciation de la responsabilité délictuelle de l’État en fonction de la bonne foi. Comme le dit Lewis Klar dans Tort Law, à la page 198 :

[traduction] Les décisions Anns et Kamloops ont amené l’approche suivante. S’il existe un lien étroit entre un organe public défendeur et un demandeur, il y aura obligation de prudence relativement aux décisions ou actes négligents n’ayant rien à voir avec l’exercice légitime du pouvoir discrétionnaire en matière politique. De toute évidence, la négligence dans l’application de la politique en question fera entrer en jeu l’obligation de prudence. Il n’en sera toutefois pas ainsi des décisions légitimes touchant l’ordre public, pourvu que celles-ci soient prises de bonne foi. Passé un certain point, qui n’a cependant pas encore été clairement défini, la corruption, la mauvaise foi ou l’extrême négligence auront pour conséquence qu’on sera assujetti à la norme de prudence propre au secteur privé.

À l’opposé de la négligence opérationnelle sont les abus de pouvoir et les actes illégaux. Or, il se peut bien que les actes de Revenu Canada en l’espèce puissent se placer entre ces deux extrêmes. Si un fonctionnaire au bureau de Manitoba s’était contenté d’afficher le message INET ou de le classer, sans rien dire, si ce n’est pour répondre aux questions pertinentes, je serais porté à retenir les arguments des intimées. Toutefois, comme un message éminemment pertinent a été lu et détruit, une cause d’action existe et les intimés pourraient être jugés responsables, à supposer que les requérantes soient en mesure de prouver ce qu’elles avancent dans les documents qu’elles ont produits.

Les avis des avocats divergent sur la question de savoir si, d’après les documents produits par les requérantes, l’action offre des possibilités raisonnables de succès. Force m’est donc d’examiner les éléments requis pour fonder une cause d’action sur la négligence :

1. L’existence d’une obligation reconnue de satisfaire à une norme de conduite afin de protéger autrui contre des risques déraisonnables;

2. Le manquement à cette obligation, c’est-à-dire la négligence;

3. Un préjudice qui en découle pour les intérêts des requérantes;

4. Un lien raisonnable entre la conduite de la partie défenderesse et le préjudice.

Or, les intimées ne m’ont présenté aucun élément de preuve établissant que les requérantes sont les auteurs de leur propre malheur. Par conséquent, je n’ai pas à prendre en considération ce qui serait normalement le dernier élément, à savoir la négligence concourante ou l’acceptation volontaire du risque.

A.        L’obligation et le manquement à celle-ci

Comme il a été indiqué ci-dessus, une obligation incombe aux fonctionnaires dans certaines circonstances.

Si Revenu Canada au Manitoba avait reçu le message INET et n’avait rien fait, même sachant, comme on a dû le savoir, que ce message intéressait les fabricants d’armoires du Manitoba en particulier et l’économie manitobaine en général, c’eût été une conduite déplorable, mais qui n’aurait peut-être pas donné lieu à une action en justice. Mais, de leur propre aveu, les fonctionnaires de Revenu Canada ont détruit le message.

C’est précisément la destruction qui fait naître une cause d’action se situant entre une mauvaise décision participant de la négligence opérationnelle où des mesures auraient été prises, sans diligence raisonnable, et un acte effectivement accompli, dont on pourrait soutenir qu’il confine à l’abus ou à l’illégalité.

Cela ne veut pas dire que les intimés se sont montrés négligents, mais les requérantes ont assurément des chances raisonnables de succès, à supposer qu’elles puissent établir un préjudice matériel et l’existence d’une cause immédiate.

B.        Le préjudice matériel

On a soutenu, sans toutefois trop insister, me semble-t-il, que le fait de refuser aux requérantes la possibilité de calculer la taxe de vente selon la méthode de la valeur déterminée ne suffit pas en soi pour établir qu’elles ont subi une perte.

Dans leurs affidavits, les requérantes indiquent ce qu’elles auraient économisé si elles s’étaient vu accorder l’abattement d’un tiers sur la taxe qui, croient-elles, aurait résulté de la méthode de la valeur déterminée. L’avocat des intimés se demande, de son côté, comment les requérantes peuvent savoir qu’elles auraient eu droit à cet abattement.

Cependant, il ressort nettement de la preuve que, même si l’on écarte les assertions faites dans les affidavits, selon lesquelles un [traduction] « abattement légitime de 33 1/3 pour 100 » a été refusé aux requérantes, le Tribunal canadien du commerce extérieur a tiré comme conclusion de fait que la possibilité d’utiliser une méthode particulière de calcul de la taxe leur a bel et bien été refusée :

Il ressort clairement des éléments de preuve déposés auprès du Tribunal que toute l’industrie canadienne des armoires de cuisine avait le droit, aux termes de la politique de Revenu Canada, de calculer son obligation fiscale conformément à la fiche de décision 3700/107-1 du 23 avril 1985 au 16 mars 1989 … Cette erreur semble avoir eu pour résultat une application inéquitable et injustifiable de la politique ministérielle à l’industrie d’une région du pays. (Seine River Cabinets Ltd. c. M.R.N. (1992), 5 TCT 1122), aux pages 1123 et 1124.)

Les requérantes m’ont convaincu qu’elles ont subi une perte du fait que leur a été refusée la possibilité de se servir d’une méthode de calcul de la taxe qui s’employait partout ailleurs au Canada.

C.        La causalité

Il y a plusieurs façons dont la question de la causalité a été analysée afin de déterminer si un défendeur peut être jugé responsable dans un cas où il y a obligation, manquement à l’obligation et préjudice. En l’espèce, cependant, on peut s’en tenir au critère de la prévisibilité raisonnable.

L’historique de l’affaire se trouve en grande partie exposé dans l’affidavit de Zvi Gitter, qui semble avoir pris l’initiative d’inciter plusieurs fabricants d’armoires à faire cause commune en l’espèce, bien qu’ils soient concurrents.

Les faits énoncés dans les motifs (annexés à l’affidavit de M. Gitter) de la décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 2 mars 1992 font état, pour les années 1985 et 1986, d’une assez grande activité en ce qui concerne la taxation des fabricants d’armoires.

Revenu Canada au Manitoba pouvait facilement prévoir que la destruction du message INET, sur laquelle repose les actions que souhaitent intenter les requérantes, contraindrait les fabricants d’armoires au Manitoba à calculer leur taxe à un taux plus élevé. Tous ces fabricants auraient en conséquence à verser davantage au fisc, ce qui les désavantagerait par rapport à leurs concurrents.

Il était facilement prévisible que, n’étant pas mis au courant d’un abattement fiscal légitime, les fabricants d’armoires qui acquittaient la taxe au cours de la période en cause en subiraient un préjudice.

CONCLUSIONS

L’article 81 de la Loi sur la taxe d’accise empêche les demanderesses de modifier leur déclaration dans les affaires Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd., T-1557-92, ainsi que dans les trois affaires analogues, à savoir : Kliewer’s Cabinets Ltd., T-1331-91; Artec Design Inc., T-1556-92 et Seine River Cabinets Ltd., T-1555-92. Les demandes dans le cadre de ces actions sont rejetées et les dépens sont adjugés à la défenderesse.

En ce qui concerne les requérantes dans l’affaire Elgin Cabinet Incorporated et dans les sept autres affaires dans lesquelles ont été présentées des requêtes analogues en prolongation du délai pour intenter une action, il leur incombe de prouver qu’elles satisfont aux exigences que pose la Loi sur la prescription.

Voilà ce qu’elles ne sont pas parvenues à faire dans le cas des réclamations qu’elles souhaitent présenter contre le ministre actuel et les anciens ministres du Revenu national ou les employés nommément désignés de Revenu Canada. La Couronne peut toutefois être tenue responsable de la négligence de ses préposés et employés.

J’ai consacré beaucoup de temps à la lecture et à la relecture de la volumineuse preuve sous forme d’affidavits produite à l’appui des huit demandes en question. Certaines parties de ces affidavits sont inadmissibles et je n’en ai donc pas tenu compte. D’autres parties sont suspectes, de sorte que je leur ai accordé un poids moindre. Mais, à tout prendre, les requérantes se sont acquittées de la charge que leur impose la Loi sur la prescription.

Elles ont en effet démontré que les demandes ont été présentées en temps utile, étant donné que le délai courait à partir du moment où elles ont eu connaissance de la destruction du message INET de Revenu Canada. Là où il le fallait, les requérantes ont expliqué de façon satisfaisante pourquoi elles ont laissé écouler plusieurs mois avant de présenter les demandes en question, et de toute façon, ce retard n’a occasionné aucun préjudice.

Il me semble que les requérantes, si elles invoquent comme cause d’action la destruction du message INET, ont des chances raisonnables et réalistes d’obtenir gain de cause.

Visiblement, plusieurs des faits pertinents énumérés au paragraphe 20(2) existent dans le cas des requérantes en ce sens qu’au cours des douze derniers mois, elles ont découvert un acte accompli par Revenu Canada, à savoir la destruction du message INET, qui leur a fait subir des dommages.

Les requérantes m’ont convaincu qu’elles satisfont aux exigences du paragraphe 20(3) de la Loi sur la prescription, puisque les faits pertinents qu’elles ont découverts au cours des douze derniers mois sont peut-être de ceux sur lesquels aurait pu tomber un fiscaliste-conseil qui a été employé de Revenu Canada et qui possédait déjà certaines connaissances relatives à ces faits. Ce ne sont cependant pas des faits qu’un fabricant d’armoires, faisant preuve de diligence raisonnable, aurait pu raisonnablement connaître ou découvrir.

J’ai en conséquence accordé la prolongation du délai en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi sur la prescription, de sorte que les requérantes peuvent déposer une déclaration contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Sauf les changements raisonnables qui s’imposent pour tenir compte du fait qu’il n’est accordé aucune prolongation du délai pour actionner le reste des défendeurs proposés, cette déclaration reprendra les termes énoncés dans les projets de déclarations joints aux affidavits produits à l’appui des huit demandes d’autorisation d’intenter une action.

Les déclarations doivent être déposées au plus tard le 2 septembre 1994.

Les dépens suivront l’issue de la cause.

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