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[1995] 3 C.F. 474

T-374-95

LGS Group Inc. (requérante)

c.

Le procureur général du Canada (intimé)

et

Lee Daws (intervenant)

Répertorié : LGS Group Inc. c. Canada (Procureur général) (1re inst.)

Section de première instance, juge Gibson—Ottawa, 5 juin et 18 août 1995.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Certiorari — Décision du ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux de résoudre le marché conclu avec la requérante — Le ministre a demandé des propositions pour la conception d’un environnement de démonstration pour le soutien logistique et administratif des systèmes d’armes du MDN — Le ministre a accepté la proposition de la requérante — Une allégation de conflit d’intérêts a été formulée parce que l’intervenant avait participé à l’élaboration de la proposition de la requérante — Le ministre a résolu le marché pour non-respect du code sur les conflits d’intérêts — La décision de résoudre le marché est assujettie au contrôle judiciaire — Le ministre n’a commis aucune erreur pouvant donner lieu au contrôle judiciaire — Le devoir d’agir équitablement envers la requérante a été respecté.

Couronne — Contrats — Le marché conclu entre la requérante et le ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux a été résolu pour non-respect des dispositions régissant les conflits d’intérêts par un ancien titulaire de charge publique — L’intervenant a tiré directement avantage du contrat — Le terme « contrat » inclut le processus d’appel d’offres — Il doit recevoir une interprétation large à la mesure de l’objet et des principes du code régissant les conflits d’intérêts.

Fonction publique — Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique — Publié par le Conseil du Trésor en vertu de l’art. 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques — Les décisions rendues par application des dispositions régissant les conflits d’intérêts peuvent donner lieu au contrôle judiciaire — Un ancien colonel des FAC a divulgué des « renseignements d’initié » à la requérante dans la préparation de sa proposition pour le projet du MDN — Il a tiré directement avantage du contrat — Il n’a pas été rémunéré pour simple « polissage de texte » — Violation de l’OAFC 19-37 (Ordonnances administratives des Forces canadiennes) — Aucun devoir d’agir équitablement envers l’intervenant.

Forces armées — Un colonel à la retraite a été embauché en qualité de consultant par une société qui voulait obtenir un contrat du MDN — Il avait dirigé le bureau qui avait recommandé le projet en cause — Il a reçu la somme de 38 000 $ pour trois mois de travail en qualité de consultant — Il n’a pas reçu pareille rémunération pour de simples services de révision ou de « polissage de texte » — Seuls le colonel et un nombre restreint d’autres personnes connaissaient l’attitude bien ancrée des personnes qui étudieraient les propositions — Le marché a été résolu par Travaux publics pour violation de l’OAFC 19-37 et du Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique — La décision a été rendue par l’autorité compétente, le ministre des Travaux publics, et non par l’amiral qui a simplement préparé une note de synthèse pour le ministre de la Défense nationale.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a résolu le marché conclu entre le ministre et la requérante. En novembre 1994, le ministre a présenté une demande de propositions au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour la conception et la mise en place d’un environnement de démonstration pour le soutien logistique et administratif des systèmes d’armes du MDN. Pour la préparation de sa proposition, qui a par la suite été acceptée par le ministre, la requérante a retenu les services d’un ancien colonel des Forces armées canadiennes, l’intervenant en l’espèce, en qualité d’entrepreneur indépendant. L’intervenant, qui s’était prévalu d’un programme d’encouragement à la retraite anticipée, avait dirigé le bureau même qui avait recommandé qu’une demande de propositions soit faite pour le projet en cause. En vertu de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676, qui faisait partie des conditions générales du marché, aucun ancien titulaire d’une charge publique au sein du gouvernement du Canada, qui ne se conforme pas aux dispositions du Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique, n’est admis à tirer directement avantage du contrat. Une allégation a été formulée selon laquelle il était possible qu’il y ait conflit d’intérêts et que la requérante ait tiré un avantage indu de la participation de l’intervenant à l’élaboration de sa proposition. La requérante a nié que l’intervenant ait, de quelque façon que ce soit, divulgué des renseignements « privilégiés » ou « d’initié » et elle a affirmé que sa participation était de notoriété publique et connue du MDN. Le ministre a résolu le marché pour violation du Code régissant les conflits d’intérêts et de l’OAFC 19-37 (Ordonnances administratives des Forces canadiennes). Les questions à trancher étaient les suivantes : 1) La décision de résoudre le marché était-elle assujettie au contrôle judiciaire? 2) Dans l’affirmative, une erreur justifiant l’exercice de ce contrôle a-t-elle été commise?

Jugement : la demande doit être rejetée.

1) Les décisions rendues en vertu des dispositions concernant les conflits d’intérêts applicables aux anciens titulaires d’une charge publique sont susceptibles de contrôle judiciaire. La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), [1995] 2 C.F. 695 est concluante quant à la question de la compétence. Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que le pouvoir du ministre relativement aux appels d’offres « ne peut plus être qualifié de pouvoir inhérent à compter du moment où le gouverneur en conseil, autorisé par législation, a jugé opportun de le codifier en des termes qui ne portent pas à équivoque ». Bien que le pouvoir du ministre de passer des marchés découle d’une disposition législative distincte, soit l’article 16 de la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services, l’exercice de ce pouvoir par le ministre demeure assujetti aux règlements pris par le gouverner en conseil. Par analogie avec l’affaire Cousineau, les décisions concernant le processus d’appel d’offres en vue de la passation d’un marché public, prises en vertu du régime législatif en cause, sont assujetties au contrôle judiciaire; ce raisonnement s’applique aussi bien aux actes accomplis par le ministre en sa qualité de partie contractante, à l’occasion de la résolution d’un marché, qu’à ses actes accomplis en vue de la passation d’un marché. Le véritable motif de la résolution tient au fait que la proposition contenait une déclaration inexacte en ce qui a trait au respect des modalités du processus d’appel d’offres. Par application de la conception libérale et englobante de la portée du contrôle judiciaire prônée par la Cour d’appel, la décision du ministre de résoudre le marché a été prise par un « office fédéral » au sens de l’article 2 de la Loi sur la Cour fédérale et elle était assujettie au contrôle judiciaire.

2) Pour trancher la question de l’erreur pouvant donner lieu à l’exercice du contrôle judiciaire, il faut répondre à trois questions. Il faut d’abord déterminer si la décision de résoudre le contrat a été prise par l’autorité compétente. La prétention de la requérante et de l’intervenant portant que l’amiral Saker est en fait l’auteur de la décision n’était pas étayée par la preuve. L’amiral a préparé une note de synthèse à l’intention du ministre de la Défense nationale et c’est ce dernier qui a pris la décision portant que l’intervenant ne s’était pas conformé à l’OAFC 19-37. Toutefois, c’est le ministre des Travaux publics qui a résolu le marché. La deuxième question à résoudre est celle de savoir si le ministre de la Défense nationale disposait d’éléments de preuve sur lesquels fonder sa décision. Le Conseil du Trésor a publié le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Il a été jugé que l’intervenant avait contrevenu au paragraphe 11 de l’OAFC 19-37 qui interdit à tous les membres ou les anciens membres des Forces canadiennes de divulguer des « renseignements d’initié » touchant les programmes ou les politiques des Forces canadiennes avant qu’ils deviennent accessibles au public en général. Le rôle de la Cour ne consistait pas à déterminer s’il y avait bel et bien eu infraction à l’OAFC 19-37 et à l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676, mais plutôt si la conclusion du ministre portant qu’une telle infraction avait été commise était erronée d’après les documents dont lui et les personnes qui l’ont conseillé disposaient. L’opinion à laquelle est parvenu l’amiral Saker quant à la violation du paragraphe 11 par l’intervenant était raisonnablement possible, compte tenu des documents dont disposaient l’amiral Saker et, par son entremise, l’auteur de la décision. Les conseils donnés par l’intervenant concernant les attentes et l’attitude bien ancrée des personnes qui allaient examiner la proposition de la requérante, les mots-clés et les expressions à mettre en évidence ou à éviter, constituent des conseils touchant les programmes ou les politiques des Forces canadiennes, à des fins commerciales, et non de la simple révision ou du « polissage de texte » comme le prétendait la requérante. L’intervenant n’aurait pas reçu une rémunération de 38 000 $ sur une période de trois mois pour ce type de services. Seuls l’intervenant et un nombre très restreint d’autres personnes connaissaient l’attitude bien ancrée des personnes qui allaient examiner les propositions. Compte tenu de la preuve soumise à l’auteur de la décision, il lui était raisonnablement possible de statuer que l’intervenant ne s’était pas conformé au paragraphe 11 de l’OAFC 19-37. Si le terme « contrat » figurant à l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 était interprété comme excluant le processus d’appel d’offres, un élément substantiel de l’objet du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat ne pourrait être atteint et cette disposition serait sans effet. L’article 28 ne doit pas être interprété de façon à soustraire à tout examen les actes des anciens titulaires de charge publique et entrepreneurs qui bénéficient mutuellement de renseignements « d’initié » ou « confidentiels », simplement parce qu’ils tirent cet avantage dans le cadre du processus d’obtention du marché plutôt que dans l’exécution du marché. Le terme « contrat » doit recevoir une interprétation large à la mesure de l’objet et des principes du Code régissant les conflits d’intérêts. Si on applique cette interprétation, l’intervenant a tiré « directement avantage » du processus d’appel d’offres en recevant une rémunération substantielle pour aider la requérante à préparer sa réponse à la demande de propositions. La décision de résoudre le marché n’a pas été prise sans égard à la question de savoir si l’intervenant a tiré « directement avantage du contrat » ou en tenant si peu compte de cette question que le ministre a commis une erreur qui justifierait l’exercice du contrôle judiciaire. La dernière question est celle de savoir si l’équité procédurale devait être respectée et si elle l’a été. Le processus décrit dans le dossier établit que la requérante connaissait les faits qui lui étaient reprochés et qu’elle a eu pleinement l’occasion de faire valoir son point de vue dans un délai raisonnable, compte tenu des circonstances. Aucune allégation de partialité n’ayant été faite, le devoir d’agir équitablement envers la requérante a été respecté. L’intimé n’avait aucun devoir d’agir équitablement envers l’intervenant; quoi qu’il en soit, l’occasion fournie indirectement à l’intervenant d’expliquer son rôle et l’examen par l’intimé de la réponse de l’intervenant satisfaisaient aux exigences minimales applicables.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2 « office fédéral » (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art.1), 18.1 (édicté, idem, art. 5).

Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, art. 18(2).

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 11(2) (mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 81), 41(1) (mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 50).

Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services, L.R.C. (1985), ch. S-25, art. 5(2), 16, 17, 18.

Loi sur les immeubles fédéraux, L.C. 1991, ch. 50, art. 16(2)b).

Ordonnances administratives des Forces canadiennes, 19-37.

Règlement concernant les immeubles fédéraux, DORS/92-502, art. 4(1).

Règlement sur les marchés de l’État, DORS/87-402, art. 5, 7 (mod. par DORS/91-651, art. 3).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 1612 (édictée par DORS/92-43, art. 19), 1618 (édictée, idem).

JURISPRUDENCE

DÉCISION SUIVIE :

Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), [1995] 2 C.F. 695(C.A.).

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Peet c. Canada (Procureur général), [1994] 3 C.F. 128 (1994), 78 F.T.R. 44 (1re inst.); Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879; (1989), 62 D.L.R. (4th) 385; 100 N.R. 241.

DOCTRINE

Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat. Ottawa : Bureau du conseiller en éthique, 1994.

Conseil du Trésor du Canada. Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique. Ottawa : Approvisionnements et Services, 1985.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a résolu un marché conclu entre le ministre et la requérante. Demande rejetée.

AVOCATS :

Barbara McIsaac, c.r., pour la requérante.

Michael F. Ciavaglia et Ian D. McCowan pour l’intimé.

Anne M. Mullins et Eric Gionet pour l’intervenant.

PROCUREURS :

McCarthy Tétrault, Ottawa, pour la requérante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Rasmussen, Starr & Ruddy, Ottawa, pour l’intervenant.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Gibson : Les présents motifs visent la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le ministre) a résolu le marché W8464-4-CA03/01-ER passé le 30 janvier 1995 entre le ministre, au nom de Sa Majesté la Reine du chef du Canada, et la requérante. La décision de résoudre le marché est datée du 17 février 1995.

La requérante sollicite une ordonnance prononçant la nullité et l’illégalité de la décision du ministre, ainsi qu’une ordonnance de la nature d’un certiorari annulant la décision du ministre. En fait, si le redressement demandé est accordé, le contrat sera rétabli. L’intervenant appuie la demande de redressement de la requérante.

I.          LES FAITS ET LE CONTEXTE

Le 17 novembre, 1994, le ministre a présenté une demande de propositions au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) en vue d’obtenir des propositions pour la conception et la mise en place d’un environnement de démonstration pour le soutien logistique et administratif des systèmes d’armes du MDN. Ce projet portait le nom de CALS/CAPERRS Demonstration Environment (CCDE). CALS est un acronyme formé à partir des mots « Continuous Acquisition and Life Cycle Support », qui signifient « Acquisition et soutien logistique assistés par ordinateur », et CAPERRS est un acronyme formé à partir des mots « Computer Assisted Publishing and Electronic Records Retrieval System », qui signifient « Système d’édition assisté par ordinateur et de recouvrement électronique des dossiers ». La demande de propositions décrivait ainsi l’objet du projet CCDE :

[traduction] … faire la démonstration de l’utilisation de la technologie de l’information appliquée à l’amélioration des méthodes de travail dans le but d’accroître substantiellement la productivité; promouvoir l’acceptation des nouvelles technologies par les usagers en en démontrant les avantages; acquérir de l’expérience sur une petite échelle de façon à réduire les risques liés à l’implantation subséquente sur une plus grande échelle[1].

La technologie CALS/CAPERRS est essentiellement une méthode de gestion de l’information utilisant la technologie assistée par ordinateur aux fins de remplacer la communication sur papier ou écrite par une communication presque instantanée par voie électronique. L’intervenant la décrit, en d’autres termes, comme une stratégie de gestion des affaires sans papier. Par exemple, la technologie CALS aurait été utilisée pour la conception du Boeing 777 par une équipe internationale dont les membres se communiquaient toute modification de la conception et de la logistique, presque instantanément, à l’aide de systèmes informatiques intégrés.

Le 30 janvier 1995, le ministre a accepté la proposition de la requérante qui a donné lieu à la passation d’un marché avec le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (Travaux publics) pour l’étape de la conception du projet CCDE. Pour la préparation de sa proposition, la requérante a retenu les services de Lee Daws, l’intervenant, en qualité d’entrepreneur indépendant. L’intervenant est un ancien colonel des Forces armées canadiennes qui a quitté l’armée en se prévalant d’un programme d’encouragement à la retraite anticipée le 15 septembre 1994. Entre le mois de juillet 1993 et la date de sa retraite, l’intervenant a exercé les fonctions de Directeur—génie et maintenance (planification et normalisation); accessoirement à ses tâches, il dirigeait le bureau responsable de la technologie CALS au MDN.

Le 2 février 1995, Travaux publics a convoqué une réunion avec la requérante pour discuter d’une allégation formulée par un plaignant non identifié selon laquelle il était possible qu’il y ait conflit d’intérêts et que la requérante ait tiré un avantage indu de la participation de l’intervenant à l’élaboration de sa proposition. Immédiatement après cette réunion, la requérante a reçu par télécopieur la demande de renseignements suivante de la part de Travaux publics :

[traduction] … tel que nous l’avons mentionné au cours de notre réunion, nous vous demandons de préciser quelle a été la participation de M. Daws à l’étape des appels d’offre en ce qui concerne la formulation de la soumission de LGS et de nous expliquer comment cette participation se situe par rapport aux dispositions d’après-mandat énoncées dans le Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique. Plus particulièrement, si vous êtes d’avis qu’aucun problème ne se pose, comme vous l’avez affirmé au cours de notre réunion, une explication détaillée des raisons sur lesquelles se fonde cette affirmation permettra au ministre non seulement de répondre au plaignant mais aussi de se prononcer sur le sort réservé au marché passé avec LGS[2].

À cette date, la requérante a également reçu un ordre d’arrêt des travaux, prenant effet le jour même, en conformité avec l’article 22 (la disposition concernant l’arrêt des travaux) des conditions générales faisant partie du marché passé entre la requérante et le ministre. Cet ordre enjoignait à la requérante [traduction] « de fournir une justification pour laquelle nous ne devrions pas prendre de mesures additionnelles pour dissoudre ou résilier le contrat pour cause de non-respect des modalités applicables à la fois à l’appel d’offres qui a précédé la passation du marché et au marché proprement dit »[3].

La requérante a répondu par écrit à Travaux publics le 3 février 1995 en niant que l’intervenant avait, de quelque façon que ce soit, divulgué des renseignements « privilégiés » ou « d’initié » à la requérante et affirmant que la participation de l’intervenant était de notoriété publique et connue du MDN[4]. La requérante a répondu à nouveau, par l’entremise de ses procureurs, le 7 février 1995, en donnant un compte rendu détaillé de la participation de l’intervenant en regard des dispositions que la requérante croyait en cause : l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 qui faisait partie des conditions générales du contrat; ainsi que l’OAFC 19-37 [Ordonnances administratives des Forces canadiennes], soit les dispositions régissant l’intervenant en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat[5]. L’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 se lit comme suit :

L’entrepreneur convient qu’il s’agit d’une condition du contrat qu’aucun ancien titulaire d’une charge publique au sein du Gouvernement du Canada, qui ne se conforme pas aux dispositions du Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique, n’est admis à tirer directement avantage du contrat[6].

L’intervenant a lui aussi expliqué son rôle dans l’élaboration de la proposition de la requérante à la lumière des allégations de conflit d’intérêts. Dans une lettre qu’il a adressée à la requérante le 3 février 1995, il a affirmé :

[traduction] Jamais, pendant mon service ou par la suite, je n’ai divulgué à LGS, ou à quelque autre entrepreneur que ce soit, des renseignements qui n’étaient pas connus d’un grand nombre de personnes, facilement accessibles ou qui n’avaient pas déjà été présentés publiquement[7].

Le 17 février 1995, le ministère de la Justice a communiqué la décision officielle du ministre de résoudre le marché dans les termes suivants :

[traduction] Le contenu de votre lettre a été examiné par le personnel affecté à la négociation des contrats et par des membres du ministère de la Défense nationale, qui en sont tous arrivés à la conclusion qu’elle ne démontrait pas que M. Daws avait respecté le code d’après-mandat applicable aux titulaires d’une charge publique et l’OAFC 19-37. En conséquence, la soumission de LGS contient une déclaration inexacte quant au respect par LGS des modalités du processus d’appel d’offres. Cette déclaration inexacte n’était peut-être pas intentionnelle, mais il demeure que la Couronne s’est fondée sur le contenu de la soumission de LGS pour passer un marché avec elle dans des circonstances qui auraient suffi à empêcher la passation d’un marché, n’eût été cette déclaration inexacte.

En conséquence, vous trouverez ci-joint une résolution du marché, et non une résiliation en vertu de ses stipulations[8].

II.         LA THÈSE DES PARTIES

La requérante et l’intervenant ont fait valoir devant moi une thèse essentiellement identique. Ils soutiennent tous les deux que le ministre a résolu le marché en vertu d’un pouvoir légal que lui confère la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services[9] et, par conséquent, que sa décision est susceptible de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale[10]. Le ministre aurait alors agi sans compétence, car la prise d’une décision en vertu de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 exige premièrement que l’autorité compétente conclue, légalement et à l’issue d’une procédure équitable, qu’il y a eu violation de l’OAFC 19-37 et, deuxièmement, qu’il soit statué que l’intervenant tirerait ou a tiré directement un avantage du contrat.

La requérante et l’intervenant soutiennent qu’il n’a été satisfait à aucune de ces exigences. Premièrement, ils estiment que la décision portant que l’intervenant ne s’est pas conformé à l’OAFC 19-37 ne tient pas compte des faits pertinents, qu’elle n’a pas été rendue par l’autorité compétente et que ni la requérante ni l’intervenant n’ont été traités équitablement du fait qu’ils n’ont pas été informés de la nature de la prétendue violation et qu’on ne leur a pas fourni une occasion valable d’y répondre. Deuxièmement, ils prétendent que le ministre n’a pas examiné la question de savoir si l’intervenant avait tiré directement un avantage du contrat. La requérante soutient en outre que, quoi qu’il en soit, aucun élément de preuve ne pouvait permettre au ministre de statuer que l’intervenant a tiré directement un avantage du contrat qui a effectivement été conclu.

L’intimé prétend que la décision de résoudre le marché n’est pas susceptible de contrôle sous le régime de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale car le ministre a agi en vertu du pouvoir inhérent de la Couronne de contracter. Si cette décision est assujettie au contrôle judiciaire, l’intimé affirme que, par application de la norme de contrôle d’une question de fait selon laquelle la décision doit avoir été prise de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve, l’auteur de la décision pouvait effectivement tirer les conclusions énoncées en ce qui a trait à l’OAFC 19-37 et à l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676, et qu’il était l’autorité compétente à cet égard. L’intimé ajoute que le ministre a fourni à la requérante plusieurs occasions de répondre à la prétendue violation et que les exigences de l’équité procédurale ont, de ce fait, été respectées. L’intimé nie avoir eu le devoir d’agir équitablement envers l’intervenant.

III.        LES QUESTIONS EN LITIGE

1. La décision du ministre de résoudre le marché est-elle assujettie au contrôle judiciaire?

2. Dans l’affirmative, une erreur justifiant l’exercice de ce contrôle a-t-elle été commise? En particulier : la décision rendue en vertu de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 a-t-elle été prononcée par l’autorité compétente? Le ministre avait-il en main, et a-t-il examiné, des éléments de preuve à partir desquels il pouvait conclure que l’intervenant ne s’était pas conformé à l’OAFC 19-37 et avait tiré « directement avantage du contrat »; enfin, le processus utilisé était-il équitable envers la requérante et, s’il y a lieu, envers l’intervenant?

IV.       ANALYSE

1.         La compétence de contrôler la décision

La Cour fédérale du Canada est investie de la compétence exclusive de contrôler en première instance la décision d’un office fédéral. L’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale prévoit cette procédure dans les termes suivants :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance …

L’expression « office fédéral » est définie à l’article 2 [mod., idem , art. 1] de la Loi sur la Cour fédérale :

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

La requérante a énuméré trois ensembles de dispositions législatives sur lesquelles reposent les actes du ministre : celles concernant les achats par le gouvernement, les marchés publics et les conflits d’intérêts. L’intimé n’a pas contesté que les décisions prises en vertu des dispositions concernant les conflits d’intérêts sont assujetties au contrôle judiciaire et il ressort clairement de l’analyse faite par Mme le juge Reed, dans l’affaire Peet c. Canada (Procureur général)[11], que les décisions rendues en vertu des dispositions concernant les conflits d’intérêts applicables aux anciens titulaires d’une charge publique sont susceptibles de contrôle judiciaire.

Le pouvoir général de contracter du gouvernement est confirmé par le paragraphe 41(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques[12] en vertu duquel le gouverneur en conseil peut, par règlement, régir les conditions de passation des marchés. Le Règlement sur les marchés de l’État[13] pris en application de cette Loi prévoit :

5. Avant la conclusion d’un marché, l’autorité contractante doit lancer un appel d’offres de la façon prévue à l’article 7.

7. L’autorité contractante lance l’appel d’offres pour tout marché :

a) soit en donnant un avis public à cet effet conformément aux pratiques commerciales généralement reconnues;

b) soit en s’adressant aux fournisseurs dont le nom figure sur la liste de fournisseurs.

Les pouvoirs pertinents du ministre de faire des achats sont énoncés au paragraphe 5(2) de la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services :

5. …

(2) Le ministre s’acquitte notamment des fonctions suivantes :

b) l’achat de matériel et la location de services en conformité avec les règlements pertinents sur les marchés de l’État.

Les pouvoirs du ministre de passer des marchés sont énoncés aux articles 16 à 18 de la même Loi :

16. Sous réserve des règlements que peuvent prendre le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, le ministre peut, pour le compte du gouvernement canadien, passer des marchés pour la réalisation de tout ce qui relève de sa compétence.

17. Le ministre peut, par arrêté, fixer les modalités générales applicables aux marchés qu’il peut conclure dans le cadre de la présente loi; ces modalités peuvent être incorporées par le biais d’une référence dans des catégories particulières de marchés.

18. Sous réserve de ses modalités expresses, un marché conclu par le ministre et prévoyant que des modalités générales, signalées par le même numéro ou de la même façon que dans un arrêté pris sous le régime de l’article 17, lui sont applicables ou en font partie, se lit et s’interprète comme si ces modalités y figuraient. [Non souligné dans le texte original.]

C’est en vertu de ces dispositions que le ministre[14] a prescrit par l’arrêté DSS-MAS 9676, les Conditions générales-Services, qui ont été incorporées par renvoi à la demande de propositions et au marché en cause.

Lors de l’audition, l’avocate de la requérante a porté à mon attention une décision récente de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux) (ci-après appelée l’affaire Cousineau)[15] qui est concluante, selon moi, quant à la question de la compétence. Dans cette affaire, l’intimé a fait valoir les mêmes prétentions que l’intimé dans la présente instance : (i) lorsque le ministre a lancé un appel d’offres aux fins de choisir les locaux qu’il voulait louer, il a agi en vertu du pouvoir inhérent de la Couronne de contracter; (ii) les décisions prises dans l’exercice d’un pouvoir général de gestion n’étaient pas soumises au contrôle judiciaire et donnaient plutôt ouverture aux recours contractuels; (iii) enfin, le régime législatif prévoyant le pouvoir général de contracter constituait simplement une codification du pouvoir inhérent et le ministre n’a refusé ou accepté une soumission en vertu d’aucune disposition législative précise.

En ce qui a trait à ces arguments, le juge Décary, J.C.A. a déclaré, au nom de la Cour d’appel [à la page 701] :

Je n’ai pas non plus à me lancer dans une exégèse constitutionnelle de la notion de « pouvoir inhérent de gestion de la Couronne », puisque le pouvoir du ministre de procéder à l’acquisition d’un immeuble par bail ne peut plus être qualifié de pouvoir inhérent à compter du moment où le gouverneur en conseil, autorisé par législation, a jugé opportun de le codifier en des termes qui ne portent pas à équivoque : « un ministre peut procéder à une acquisition ». Il se peut, et c’est ce que soutiennent les intimés, que cette habilitation par voie combinée de loi et de règlement n’ait pas été nécessaire, mais j’en suis à me demander strictement s’il y a « pouvoir prévu par une loi fédérale » au sens de la définition d’« office fédéral » et je ne puis que constater que si.

Les dispositions législatives en cause dans l’affaire Cousineau étaient l’alinéa 16(2)b) de la Loi sur les immeubles fédéraux[16] et le paragraphe 4(1) du Règlement concernant les immeubles fédéraux[17]. L’alinéa 16(2)b) de la Loi sur les immeubles fédéraux prévoit que « [l]e gouverneur en conseil peut … prendre des règlements pour … régir l’achat, la location ou autre forme d’acquisition d’immeubles au nom de Sa Majesté. » (Non souligné dans le texte original.) Le paragraphe 4(1) du Règlement concernant les immeubles fédéraux prévoit : « Un ministre peut procéder à une acquisition ou à une aliénation ou prendre une option d’acquisition ou d’aliénation » (non souligné dans le texte original). Ainsi, le pouvoir du ministre de lancer un appel d’offres pour la location de locaux découlait d’un règlement pris par le gouverneur en conseil. Pour reprendre les propos tenus par le juge Décary dans l’arrêt Cousineau, le pouvoir du ministre relativement à une offre « ne peut plus être qualifié de pouvoir inhérent à compter du moment où le gouverneur en conseil, autorisé par législation, a jugé opportun de le codifier en des termes qui ne portent pas à équivoque : “un ministre peut procéder à une acquisition”. »

Le régime législatif dont je suis saisi est légèrement différent. Le paragraphe 41(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour « régir les conditions de passation des marchés »; son libellé est donc semblable à celui de l’alinéa 16(2)b) de la Loi sur les immeubles fédéraux. Par contre, le pouvoir du ministre de passer des marchés ne découle pas d’un règlement pris par le gouverneur en conseil, mais bien d’une disposition législative distincte, soit l’article 16 de la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services. L’exercice de ce pouvoir par le ministre demeure toutefois assujetti aux règlements pris par le gouverneur en conseil.

Il me semble clair, par analogie avec l’affaire Cousineau, que les décisions concernant le processus d’appel d’offres et de dépôt de soumissions en vue de la passation d’un marché public, prises en vertu du régime législatif dont je suis saisi, sont assujetties au contrôle judiciaire. Je conclus que le pouvoir de contracter du ministre dans les circonstances ne peut plus être qualifié de pouvoir inhérent depuis que le législateur a jugé opportun de le codifier en des termes qui ne portent pas à équivoque.

Le même raisonnement s’applique-t-il toutefois aux décisions relatives aux obligations contractuelles lorsque le ministre n’agit pas en vue de passer un marché, mais plutôt en qualité de partie contractante? L’intimé a tenté d’établir une distinction avec l’affaire Cousineau, du fait que le pouvoir de résoudre un marché tire son origine de la common law, alors que celui de répondre à une soumission découle d’un régime réglementaire en regard duquel un tribunal saisi d’une demande de contrôle peut évaluer le processus décisionnel. J’ai d’abord trouvé l’argument de l’intimé concluant. Toutefois, après réflexion, j’ai conclu que le raisonnement énoncé dans l’arrêt Cousineau concernant l’assujettissement au contrôle judiciaire s’applique aussi bien aux actes accomplis par le ministre en sa qualité de partie contractante, à l’occasion de la résolution d’un marché, qu’à ses actes accomplis en vue de la passation d’un marché.

L’intimé a fait valoir que ni la requérante, ni l’intervenant, ne pouvaient citer une disposition législative ou réglementaire en vertu de laquelle le ministre a résolu le marché. Dans l’affaire Cousineau, cet argument avait été soulevé par la partie intimée, mais rejeté. Bien que le ministre n’ait alors agi en vertu d’aucune disposition précise en refusant la soumission de la requérante et en acceptant celle du mis en cause, les dispositions générales déjà citées concernant le dépôt de soumissions ont été jugées suffisantes pour fonder la compétence de la Cour aux fins de contrôler la décision rendue par la suite. M. le juge Décary a conclu [à la page 705] :

J’en arrive ainsi à la conclusion que ce serait aller à l’encontre de la lettre et de l’esprit de l’alinéa 18(1)a) que de dire qu’un ministre expressément habilité par un règlement pris en vertu de l’alinéa 16(2)b) de la Loi sur les immeubles fédéraux à procéder à la location d’un immeuble, n’exerce pas, lorsqu’il procède à un appel d’offres menant à la conclusion d’un bail, un pouvoir « prévu par une loi fédérale ».

Si la décision dont je suis saisi diffère de celle sur laquelle la Cour d’appel s’est prononcée dans l’affaire Cousineau, c’est uniquement parce qu’au lieu d’être rejetée dès le départ, la soumission qui a donné lieu à la passation du marché a été acceptée et que le marché a été résolu par la suite. En fait, le véritable motif de la résolution tient au fait que la proposition contenait une déclaration inexacte en ce qui a trait au respect des modalités du processus d’appel d’offres. L’avis formel de résolution du contrat envoyé par le ministre à la requérante établit clairement que la connaissance par le ministre de la participation de l’intervenant au moment où la proposition a été choisie [traduction] « aurait été suffisante pour empêcher la passation du marché »[18]. Si le ministre avait été au courant de la participation de l’intervenant avant l’acceptation de la soumission, il se serait fondé sur la même disposition, soit l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676, pour rejeter ou disqualifier la proposition de la requérante; la décision s’appuie sur le même régime légal dans les deux cas.

Si j’acceptais la distinction proposée par l’intimé, la compétence pour contrôler les décisions prises concernant le respect des modalités de l’appel d’offres serait fonction uniquement du moment auquel le ministre prend connaissance des renseignements. Pareil résultat serait, selon moi, incompatible avec la perception claire de l’esprit et de l’objet de la procédure de contrôle judiciaire décrite par le juge Décary dans l’arrêt Cousineau [à la page 702], selon laquelle le Parlement « a voulu que bien peu de chose, désormais, ne soit à l’abri du contrôle judiciaire » et qui témoigne de [à la page 703] « la tendance, affichée par le Parlement lui-même, à rendre l’Administration de plus en plus comptable de ses actes. » Il est en outre évident que la Cour d’appel [à la page 705] prône une conception libérale et englobante de la portée du contrôle judiciaire :

Entre une interprétation qui favorise l’accès au contrôle judiciaire et assoit la compétence de la Cour sur une base ferme et uniforme, et une interprétation qui restreint l’accès au contrôle judiciaire, segmente la compétence de la Cour en fonction de critères incertains et impraticables et amène inéluctablement une avalanche de débats liminaires, le choix s’impose de lui-même. Je ne puis supposer que le Parlement ait voulu jouer d’astuce avec les administrés.

En me fondant sur l’analyse qui précède, je conclus que la décision du ministre de résoudre le marché a été prise par un office fédéral et qu’elle est assujettie au contrôle judiciaire.

2.         Une erreur justifiant l’exercice du pouvoir de contrôle

Selon l’arrêt Cousineau, une conception libérale de la portée du contrôle judiciaire va de pair avec une norme de contrôle souvent élevée. Comme l’a affirmé l’intimé devant moi, l’opportunité d’un redressement de la nature d’un certiorari varie en fonction de la nature du régime réglementaire applicable. Le juge Décary a déclaré, dans l’arrêt Cousineau [aux pages 706 et 707] :

… la proposition du Ministre, que je ne retiens pas, a le mérite d’attirer l’attention sur le degré de difficulté auquel un soumissionnaire fera face s’il opte pour une demande de contrôle judiciaire, et qui variera selon les motifs et l’objet de son attaque.

Le contrôle judiciaire visant par définition la légalité des actes de l’Administration fédérale, et le processus de demande de soumissions n’étant assujetti à aucune exigence de forme ou de fond législative ou réglementaire, il ne sera pas facile, là où les documents de soumission n’imposent pas de restrictions sévères à l’exercice par le ministre de sa liberté de choix, de démontrer à quelle illégalité s’adonne le ministre lorsque, dans le cours normal des choses, il compare les offres reçues, détermine si une soumission est conforme ou non aux documents ou retient une soumission plutôt qu’une autre.

Cette affirmation vaut aussi relativement à la décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle. Il n’existe aucun régime législatif régissant les décisions rendues en vertu de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676. Le ministre doit tirer deux conclusions distinctes. La première porte qu’un ancien titulaire d’une charge publique ne s’est pas conformé aux dispositions pertinentes concernant les conflits d’intérêts, et la seconde, que cette même personne a tiré directement avantage du contrat.

a.         La décision a-t-elle été rendue par l’autorité compétente?

Il n’existe aucune procédure, ni aucune délégation de pouvoir relativement aux constats d’infraction à l’OAFC 19-37. Toutefois, la procédure suivante est prévue à l’annexe D de l’OAFC 19-37 :

15. L’autorité désignée peut mettre sur pied des comités consultatifs qui sont chargés de la conseiller sur l’application à des cas précis des mesures énoncées dans la présente annexe et d’aider les membres ou anciens membres des FC [Forces canadiennes] à comprendre comment ces mesures les touchent. Ces comités consultatifs doivent répondre sans délai aux demandes de conseils.

17. Le membre des FC qui est ou était titulaire d’une charge publique peut demander à l’autorité désignée que soit réexaminée toute décision concernant les méthodes qu’il a à appliquer en vertu de la présente annexe ou la réduction de la période de restriction. L’autorité désignée qui reçoit une telle demande peut charger un comité consultatif de lui soumettre des recommandations sur la question[19].

L’article 1 de l’annexe A définit l’expression « autorité désignée » comme le ministre associé de la Défense nationale. L’amiral Saker, le témoin de l’intimé lors du contre-interrogatoire au préalable, a déclaré qu’à l’époque en cause, il n’existait aucun ministre associé de la Défense nationale. L’amiral Saker a témoigné en outre qu’à ce moment, un Comité consultatif permanent a bel et bien discuté de la situation de l’intervenant, mais uniquement lors de sa réunion du 16 mars 1995, soit après les événements[20].

La requérante et l’intervenant soutiennent que l’amiral Saker, qui n’était pas autorisé à prendre une décision en vertu de l’OAFC 19-37, est en fait l’auteur de la décision. Ils affirment de plus que le ministre s’en est simplement remis à la décision de l’amiral Saker ou, subsidiairement, qu’il a retenu son avis comme preuve suffisante de la violation de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676. En me fondant sur le dossier, je conclus que l’amiral Saker, bien qu’engagé dans la décision concernant l’OAFC 19-37, n’est pas l’auteur ultime de la décision. Il croyait manifestement être l’auteur de la décision[21] et il a admis le rôle que lui a attribué la requérante lors du contre-interrogatoire au préalable :

[traduction] Q. Avant ou pendant … d’abord, c’est vous qui avez pris la décision. Est-ce exact? La décision que M. Daws contrevenait aux lignes directrices sur les conflits d’intérêts?

R.   Oui, c’est moi[22].

Sans égard à ce que croyait l’amiral Saker, la note de synthèse préparée par celui-ci à l’intention du ministre de la Défense nationale (le ministre du MDN) révèle que la conclusion concernant l’infraction a été traitée de la façon suivante :

[traduction] Après examen du marché et des restrictions concernant le post-mandat applicables au colonel Daws retiré depuis peu, il a été décidé de recommander la résiliation du marché pour non-respect des stipulations qui renvoient au code[23]. [Non souligné dans le texte original.]

L’aide-mémoire préparé par l’amiral Saker à l’intention du Comité consultatif du MDN, qui s’est réuni à la suite de la décision, réfute également l’argument de la requérante et de l’intervenant à cet égard :

[traduction] 4. Sur réception de la lettre de protestation adressée le 1er février à TPSGC [Travaux publics], le MDN a immédiatement réagi et des recommandations ont été faites à l’appui de l’émission, le 2 février 1995, d’un ordre d’arrêt des travaux jusqu’à ce que la validité des allégations puisse être évaluée … Après avoir longuement examiné les faits et en avoir discuté, le MDN a informé TPSGC par lettre qu’il avait conclu qu’une infraction en matière de conflit d’intérêts avait été commise.

6. À partir de l’évaluation mentionnée plus haut, TPSGC, avec l’accord du MDN, a adressé une lettre à LGS, le 17 février 1995, pour résoudre le marché en raison du non-respect des stipulations concernant les conflits d’intérêts[24]. [Non souligné dans le texte original.]

À partir des éléments ci-dessus, je conclus que c’est le ministre de la Défense nationale, sur recommandation de l’amiral Saker, qui a pris la décision portant que l’intervenant ne s’était pas conformé à l’OAFC 19-37 et au nom de qui cette conclusion a été transmise au ministre responsable en bout de ligne en vertu de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676. En l’absence de toute délégation de pouvoir expresse dans l’OAFC 19-37, le ministre du MDN était, sans l’ombre d’un doute, l’autorité compétente pour prendre cette décision en vertu de l’OAFC 19-37. Toutefois, la décision portant que l’OAFC 19-37 avait été violée ne constitue qu’un élément de la décision en cause. Si je m’en remets au dossier qui m’a été soumis, la décision de résoudre le marché n’a été prise ni par l’amiral Saker, ni par le ministre du MDN. Les deux sont intervenus et il est possible, dans le cas du ministre du MDN, et certain, dans celui de l’amiral Saker, qu’ils ont conseillé le ministre comme ils étaient raisonnablement autorisés à le faire. Il ne fait aucun doute que les fonctionnaires du MDN ont joué un rôle important dans la décision de résoudre le marché, notamment en rédigeant la lettre accompagnant la résolution formelle du marché signée par le ministre[25]. Toutefois, la décision de résoudre formellement le marché et la résolution même sont imputables à Travaux publics, au nom du ministre :

[traduction] Le motif justifiant la production d’un ordre d’arrêt des travaux et la réponse fournie par votre avocate le 7 février 1995 ont été examinés en profondeur et évalués; il en ressort qu’il n’a pas été démontré que M. Daws s’est conformé au Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat, et que LGS Group Inc. n’a pas respecté l’article 28 des Conditions générales faisant partie à la fois de l’appel d’offres et du marché.

Il s’ensuit que votre proposition comporte une déclaration inexacte en ce qui a trait au respect des conditions du processus d’appel d’offres et, en conséquence, le ministre des Approvisionnements et Services résout par les présentes le marché relatif à la totalité des fournitures/services qui y sont décrits[26].

b.         Le ministre disposait-il d’éléments de preuve sur lesquels fonder sa conclusion?

En vertu du pouvoir que lui confère le paragraphe 11(2) [mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 81] de la Loi sur la gestion des finances publiques, le Conseil du Trésor a publié le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat (le Code)[27]. En vertu du paragraphe 4(2) du Code, les membres des Forces armées canadiennes sont assujettis aux « principes établies à la partie I » du Code, ainsi qu’aux autres mesures impératives déterminées par le chef des Forces armées canadiennes. L’une de ces mesures est l’OAFC 19-37 édictée sous le régime du paragraphe 18(2) de la Loi sur la défense nationale[28]. Les paragraphes 10 et 11 de l’annexe D de l’OAFC 19-37 énoncent les restrictions applicables aux anciens membres des Forces armées canadiennes qui détenaient le grade de colonel ou un grade supérieur. C’est au paragraphe 11 qu’il a été statué que l’intervenant avait contrevenu :

11. Il est interdit à tous les membres ou les anciens membres des FC dans un délai d’un an après la fin de leur mandat :

c. de donner des conseils, touchant les programmes ou les politiques des FC ou du ministère pour lequel ils travaillaient ou avec lequel ils entretenaient d’importants rapports directs durant l’année précédant la fin de leur mandat, à une personne qui pourrait se servir de ces conseils à des fins commerciales[29].

Dans une lettre adressée à l’intervenant environ un mois avant sa retraite, le MDN a expressément porté cette disposition à son attention :

[traduction] Bien que le libellé de cet alinéa [11 c.] laisse croire que cette restriction ne s’applique que pendant un an, ce n’est plus le cas. À la suite d’une modification à son interprétation, elle s’applique pour une période illimitée. En conséquence, vous ne pouvez donner des conseils touchant les programmes ou les politiques du gouvernement, sauf s’ils sont fondés sur des renseignements accessibles au public en général. En d’autres termes, vous ne pouvez divulguer aucun renseignement « d’initié » à un tiers, avant que ce renseignement devienne accessible au public en général[30].

Comme l’a soutenu la requérante devant moi, c’est l’interprétation qui a été fournie à l’intervenant qui doit régir l’examen de la question de savoir s’il y a eu contravention ou non.

Le dossier indique que le MDN était au courant du fait que l’intervenant travaillait pour la requérante, en raison d’une lettre écrite par l’intervenant en octobre 1994[31]. Le dossier ne précise pas si le MDN savait que l’intervenant travaillait à la demande de propositions, mais l’intervenant croyait que le MDN était au courant[32]. Il ressort clairement du dossier que l’amiral Saker était l’officier du MDN qui a fait enquête sur les allégations selon lesquelles l’intervenant ne s’était pas conformé à l’OAFC 19-37. L’amiral Saker était responsable de la note de synthèse adressée au ministre de la Défense nationale[33] et de l’aide-mémoire envoyé au Comité consultatif du MDN en ce qui a trait aux allégations de conflit d’intérêts[34].

Je crois bon de souligner ici que l’amiral Saker et, par déduction, le ministre, n’avaient pas en leur possession d’importants éléments de preuve qui m’ont été soumis dans le cadre de l’examen de la question de savoir s’il y avait eu contravention. Par exemple, les factures préparées par l’intervenant à l’intention de la requérante m’ont été remises, alors qu’elles ne l’ont pas été à l’amiral Saker, ainsi qu’une réponse détaillée aux interrogations de l’intimé concernant le rôle précis de l’intervenant par rapport à chaque section de la proposition présentée par la requérante en réponse à l’appel de propositions[35]. L’amiral Saker a rendu le témoignage suivant en ce qui a trait à la preuve dont il disposait :

Q.  Colonel Saker (sic), je comprends d’après ce que vous nous avez dit ce matin, que la seule information que vous avez obtenue quant à la participation de M. Daws [l’intervenant] à la réponse à la demande de propositions est celle qui vous a été transmise par la requérante dans sa réponse, après la plainte, et par M. Daws dans sa lettre?

R.   C’est exact[36].

L’amiral Saker a également déclaré dans son témoignage que la demande de propositions et la proposition par laquelle la requérante lui a répondu ont été examinées[37]. Je tiendrai pour acquis que les renseignements versés au dossier quant à l’objet et à la fonction du Bureau chargé de la technologie CALS dirigé par l’intervenant au cours de ses dernières années au sein des Forces armées canadiennes ont aussi été pris en compte. Je ne tiendrai compte d’aucune autre preuve, étant donné qu’il est bien établi que le tribunal saisi d’une demande de contrôle judiciaire doit contrôler la décision uniquement à partir du dossier dont disposait l’auteur de la décision et, en l’espèce, ce dossier se limite à celui qui a été soumis à l’amiral Saker. Le rôle de la Cour ne consiste pas à déterminer s’il y a bel et bien eu infraction à l’OAFC 19-37 et à l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676, mais plutôt si la conclusion du ministre portant qu’une telle infraction a été commise est erronée d’après les documents dont lui et les personnes qui l’ont conseillé disposaient.

La nature véritable du rôle de l’intervenant dans la préparation de la demande de propositions a fait l’objet devant moi d’un débat entre les avocats des parties. Les avocats de la requérante et de l’intervenant ont soutenu que le dossier établissait que l’intervenant avait été embauché par la requérante pour ses aptitudes en gestion, consolidées par une expérience professionnelle de 32 ans en qualité d’ingénieur et de gestionnaire. Par ailleurs, selon eux, le dossier indiquait qu’il avait fourni des services de révision ou de « polissage de texte ». En effet, les avocates ont affirmé que le rôle de l’intervenant consistait à polir le texte de façon que la proposition de la requérante soit cohérente et exacte quant à l’utilisation de la terminologie spécialisée de la technologie CALS et des systèmes CAPERRS, et qu’elle soit compréhensible pour le MDN. L’intervenant a expliqué le concept du « polissage de texte » comme suit :

[traduction] Il s’agit d’essayer d’harmoniser les termes utilisés avec les termes acceptables selon moi dans le milieu de la technologie CALS.[38]

L’intervenant a également déclaré que sa participation a touché principalement les articles 6 à 9 de la demande de propositions, respectivement intitulés [traduction] « Organisation du projet », « Contraintes du soumissionnaire », « Personnel du projet » et « Compréhension de l’exigence », et qu’il était uniquement l’une des 16 à 20 personnes environ qui ont préparé la demande de propositions[39]. La requérante et l’intervenant ont soutenu que l’alinéa 11 c. de l’OAFC 19-37 exigeait que l’intervenant communique, d’une façon ou d’une autre, des renseignements confidentiels ou d’initié sur la technologie CALS ou sur le projet CCDE, situation improbable, voire impossible, étant donné que le rôle de l’intervenant en qualité de chef du bureau responsable de la technologie CALS consistait à promouvoir la stratégie CALS du MDN et en faire la publicité; en conséquence, il ne devait pas connaître et ne connaissait pas de renseignements confidentiels ou d’initié.

L’intimé soutient qu’en versant à l’intervenant la somme d’environ 38 000 $ sur une période de trois mois au cours de la préparation de la réponse de la requérante à la demande de propositions, la requérante s’attendait manifestement à une prestation qui allait au-delà de la révision ou du « polissage de texte ». L’intimé a fait valoir que du point de vue de l’auteur de la décision, il existait manifestement un conflit, non pas quant à la possibilité de divulgation de renseignements d’initié sur la technologie CALS comme telle, mais plutôt de renseignements « d’initié » quant aux attentes et à l’attitude bien ancrée des personnes qui étudieraient la proposition de la requérante parce que l’intervenant dirigeait le bureau même qui a recommandé qu’une demande de propositions soit faite et préparé la « description des travaux » qui est à la base de la demande de propositions. Bien que l’intervenant ait affirmé ne pas se rappeler avoir travaillé à la « description des travaux », qui a été rédigée par deux membres de son personnel, ni recommandé qu’une demande de propositions soit faite, il a admis qu’en sa qualité de chef du bureau responsable de la technologie CALS, [traduction] « cela serait éventuellement parvenu jusqu’à moi »[40].

L’information concernant les attentes et l’attitude bien ancrée, que seuls l’intervenant et un nombre très restreint d’autres personnes connaissaient, a été considérée par l’amiral Saker comme visée par l’alinéa 11 c. de l’OAFC 19-37. Par conséquent, on a soutenu non pas que l’intervenant était en mesure d’ajouter à la proposition de la requérante des renseignements précis sur la technologie CALS, mais plutôt qu’il était en mesure de tailler la proposition sur mesure pour qu’elle réponde aux préoccupations et aux intérêts particuliers du MDN dont il avait connaissance en raison de ses anciennes fonctions de chef du bureau responsable de la technologie CALS. L’amiral Saker l’a expliqué à plusieurs reprises :

[traduction] Q. Et je déduis de ce document et de ce que vous avez dit ce matin que vous n’avez de fait repéré aucun élément qui a été considéré comme des renseignements d’initié qui auraient été utilisés dans le processus de réponse à la demande de propositions?

R.   C’est exact. Comme je pense l’avoir dit, je ne m’attendais pas à en découvrir. C’est-à-dire que, selon moi, l’impact de sa participation est qu’il s’agit d’une bonne proposition, conforme[41]. [Non souligné dans le texte original.]

Une note de service apparemment préparée par l’amiral Saker reflète cette conclusion :

[traduction] 4. Étant donné que M. Daws connaissait intimement l’attitude du MDN face à la méthodologie CALS, on considère qu’il lui serait impossible de se dissocier de sa connaissance de la philosophie du MDN qui sous-tendait sa participation au programme et de ses méthodologies. En raison du rôle de premier plan qu’il a joué dans le programme du MDN avant sa libération des Forces armées, non seulement connaissait-il les préoccupations et les intérêts du MDN face à ce programme, mais encore les dirigeait-il. Il est difficile, voire impossible, de croire qu’il ait pu donner un conseil qui ne soit pas influencé par sa connaissance du contexte et par ses contributions importantes à l’établissement des philosophies et priorités du MDN dans ce programme. C’est pour des raisons comme celles-ci que l’alinéa 11 c. édicte une interdiction d’un an[42].

Je suis convaincu que l’opinion à laquelle est parvenu l’amiral Saker et qui fonde son avis quant à la violation de l’alinéa 11 c. par l’intervenant était raisonnablement possible, compte tenu des documents dont disposaient l’amiral Saker et, par son entremise, l’auteur de la décision. L’alinéa 11 c. interdit de donner des conseils, touchant les programmes ou les politiques des Forces canadiennes, à une personne qui pourrait se servir de ces conseils à des fins commerciales. Je suis convaincu que des conseils concernant les attentes et l’attitude bien ancrée des personnes qui allaient examiner la proposition de la requérante, les mots-clés et les expressions à mettre en évidence ou à éviter, constituent des conseils touchant (terme très large) les programmes ou les politiques des Forces canadiennes, à des fins commerciales. Il peut aussi s’agir de polissage de texte mais, le cas échéant, d’une nature distincte, axée sur la politique, bien différente de celle de la révision telle qu’on la conçoit habituellement.

Je suis prêt à reconnaître qu’il est possible d’inférer fortement de la rémunération importante versée à l’intervenant pour ses services et de son rôle de premier plan au bureau responsable de la technologie CALS avant qu’il quitte le MDN que la requérante n’aurait pas eu recours à ses services pour qu’il lui fournisse des renseignements ou des conseils qu’elle aurait pu trouver dans un dépliant émanant du gouvernement, dans une bibliothèque publique ou en consultant un réviseur professionnel. De plus, les réponses qu’ont fournies la requérante et l’intervenant au ministre qui leur demandait de clarifier le rôle de l’intervenant niaient, sans plus, que l’intervenant ait transmis des renseignements confidentiels sur la technologie CALS, sans toucher l’aspect des renseignements concernant les attentes et l’attitude bien ancrée des personnes-clés du MDN. Par exemple, dans une lettre adressée par l’intervenant à la requérante, au sujet de la possibilité d’un conflit d’intérêts (dont une copie a été remise au MDN), l’intervenant déclare :

[traduction] À titre de tâche secondaire, je devais, avec les deux employés permanents qui m’étaient assignés, mettre en place la technologie CALS dans tout le MDN. À cette fin, j’étais la figure de proue qui témoignait de l’effort fait pour utiliser la technologie CALS auprès de la direction interne et de la communauté internationale en la matière. Mon « expertise » spécifique en matière de technologie CALS est largement surpassée par les industries du secteur privé, dont beaucoup se sont jointes ou associées à LGS pour entreprendre le projet CCDE. En qualité de directeur principal au MDN, j’étais responsable, non pas de la technologie, mais de la stratégie d’implantation de la technologie CALS. Malgré cela, lorsqu’on nous a demandé de rédiger une stratégie CALS pour l’OTAN, mon personnel a donné un contrat à Computer Sciences Canada, en raison de la vaste expérience de cette société dans le domaine de l’utilisation internationale de la technologie CALS[43]. [Non souligné dans le texte original.]

Les réponses de la requérante ont, de la même façon, insisté sur le fait que l’intervenant ne possédait pas de renseignements « confidentiels » concernant la technologie CALS :

[traduction] De plus, M. Daws n’avait pas participé à la préparation de la description des travaux du projet CCDE, ou de la demande de propositions, pendant qu’il était au service du MDN et ne pouvait donc transmettre aucun renseignement concernant la demande de propositions à LGS pendant le processus de dépôt des soumissions.

La requérante décrit ainsi le rôle joué par l’intervenant dans la préparation de la réponse à la demande de propositions :

[traduction] M. Daws a aidé LGS à préparer une réponse à la demande de propositions uniquement par son apport en qualité d’expert relativement à la méthodologie CALS, et il a continué d’aider LGS dans l’élaboration d’une stratégie commerciale visant à accroître sa participation dans le marché de la technologie CALS[44].

Aucune de ces explications ne concerne la possibilité que l’intervenant aide la requérante grâce aux connaissances spécialisées qu’il a acquises en participant à ce que l’intervenant décrit comme [traduction] « la stratégie d’implantation de la technologie CALS ». Ni la requérante ni l’intervenant n’ont fourni de renseignements ou de détails sur les mécanismes mis en place pour assurer que l’intervenant ne soit pas placé dans une situation où il contreviendrait à l’OAFC 19-37 pendant la durée de son contrat avec la requérante.

Compte tenu de la preuve soumise à l’auteur de la décision, je conclus qu’il lui était raisonnablement possible de statuer que l’intervenant ne s’était pas conformé à l’alinéa 11 c. de l’OAFC 19-37.

Comme je l’ai déjà mentionné, l’interdiction édictée à l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 exige à la fois une conclusion portant que l’intervenant a commis une infraction et une conclusion selon laquelle l’intervenant a tiré « directement avantage du contrat ». La requérante et l’intervenant ont soutenu devant moi que l’utilisation du terme « contrat », par opposition à « appel d’offres », enlève toute pertinence aux questions touchant l’avantage tiré du travail accompli par l’intervenant dans le cadre de la proposition faite par la requérante en réponse à la demande de propositions. Aucun élément de preuve contenu dans le dossier n’établit que l’intervenant a travaillé pour la requérante pendant la brève période qui s’est écoulée entre la passation du marché et l’ordre d’arrêt des travaux. L’intimé a fait valoir que l’utilisation du terme « contrat » dans l’arrêté DSS-MAS 9676 doit recevoir une interprétation libérale qui inclut « l’appel d’offres en vue de la passation du contrat ».

Je ne suis pas persuadé que l’interprétation littérale de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 proposée par la requérante et l’intervenant convienne. Par souci de commodité, je reproduis à nouveau l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 :

L’entrepreneur convient qu’il s’agit d’une condition du contrat qu’aucun ancien titulaire d’une charge publique au sein du Gouvernement du Canada, qui ne se conforme pas aux dispositions du Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique, n’est admis à tirer directement avantage du contrat[45]. [Non souligné dans le texte original.]

Si le terme « contrat » était interprété comme excluant le processus d’appel d’offres, un élément substantiel de l’objet du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat ne pourrait être atteint. L’article 2 définit, en partie, l’objet du Code comme suit :

2. Le présent code a pour objet d’accroître la confiance du public dans l’intégrité des titulaires de charge publique et dans le processus de prise de décisions du gouvernement

c) en établissant à l’intention des titulaires de charge publique des règles de conduite claires au sujet des conflits d’intérêts et de l’après-mandat;

d) en réduisant au minimum les possibilités de conflit entre les intérêts personnels des titulaires de charge publique et leurs fonctions officielles, et en prévoyant les moyens de régler de tels conflits, le cas échéant, dans l’intérêt public.

Le Code contient ensuite des dispositions énonçant les principes auxquels les titulaires de charge publique doivent se conformer :

3. Le titulaire d’une charge publique doit se conformer aux principes suivants :

(10) À l’expiration de son mandat, il a le devoir de ne pas tirer un avantage indu de la charge publique qu’il a occupée[46].

Ce serait aller à l’encontre de l’objet qui consiste à accroître la confiance du public dans l’intégrité des titulaires de charge publique et à empêcher les anciens titulaires d’une charge publique de tirer un avantage indu de la charge publique qu’ils ont occupée si on interprétait l’article 28 de façon à soustraire à tout examen les actes des anciens titulaires de charge publique et entrepreneurs qui bénéficient mutuellement de renseignements « d’initié » ou « confidentiels », simplement parce qu’ils tirent cet avantage dans le cadre du processus d’obtention du marché plutôt que dans l’exécution du marché. De plus, il ressort clairement du dossier que la demande de propositions, le processus d’appel d’offres ou de dépôt des soumissions et les éléments du marché constituent un ensemble d’éléments homogène. À la fois la demande de propositions et le marché éventuellement conclu avec la requérante incorporent par renvoi l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676. Le libellé de la demande de propositions et du marché qui en a résulté est significatif. La demande de propositions se lit en partie comme suit :

[traduction] 3.0 CONDITIONS DE L’APPEL D’OFFRES ET DU MARCHÉ EN RÉSULTANT :

En vertu de la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services, L.R.C. (1985), ch. S-25, les modalités et clauses désignées par leur titre, numéro et date, sont incorporées aux présentes par renvoi et font partie de l’appel d’offres, de la soumission et de tout marché en résultant, comme si elles y figuraient, sous réserve des modalités expressément stipulées par les présentes.

Conditions générales

DSS-MAS 9676 (06/94) Conditions générales-Services[47]

Le contrat conclu entre le ministre, représentant Sa Majesté la Reine, et la requérante contient la disposition suivante, qui est pratiquement identique :

3.0 MODALITÉS DU MARCHÉ

En vertu de la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services, L.R.C. (1985), ch. S-25, les modalités et clauses désignées par leur titre, numéro et date, sont incorporées aux présentes par renvoi et font partie du marché, comme si elles y figuraient, sous réserve des modalités expressément stipulées par les présentes.

Conditions générales

DSS-MAS 9676 (06/94) Conditions générales-Services[48]

La seule différence entre les deux dispositions reflète les éléments de l’ensemble homogène auxquels elles se rapportent. Si le mot « contrat » dans l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 ne reçoit pas une interprétation large pour englober le processus d’appel d’offres, lorsqu’on l’applique à la demande de propositions, l’article 28 en question n’a aucun effet. Comment se peut-il qu’une condition d’une proposition ou d’une soumission soit que « l’entrepreneur » convienne qu’aucun ancien titulaire de charge publique qui ne se conforme pas au Code ne tire « directement avantage du contrat »?

Je conclus que le terme « contrat » figurant à l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 doit recevoir une interprétation large à la mesure de l’objet et des principes du Code régissant la conduite des titulaires de charge en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat. Si on applique cette interprétation, il ne fait aucun doute, à la lumière des faits dont disposait l’auteur de la décision, que l’intervenant a tiré directement avantage du contrat.

Je dois maintenant trancher la question de savoir si le ministre s’est demandé si, oui ou non, les deux exigences posées par l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 avaient été remplies. La requérante et l’intervenant soutiennent que le dossier ne contient aucun élément de preuve selon lequel le ministre aurait examiné séparément l’avantage tiré par l’intervenant, et qu’il indique que la conclusion touchant le non- respect de l’OAFC 19-37 était l’unique motif pris en compte aux fins de la résolution du marché.

Comme je l’ai indiqué plus haut, je conclus que l’intervenant a nécessairement tiré « directement avantage » du processus d’appel d’offres en recevant une rémunération substantielle pour aider la requérante à préparer sa réponse à la demande de propositions. Bien que le dossier n’indique pas que cette conclusion ait été consignée ou tirée dans le cadre d’un processus formel, aucun élément du régime législatif n’exige que ce soit le cas. Je reviens aux propos tenus par le juge Décary, dans l’arrêt Cousineau [aux pages 706 et 707], en ce qui a trait aux exigences sévères auxquelles la requérante et l’intervenant doivent satisfaire pour contester une décision de cette nature :

Le contrôle judiciaire visant par définition la légalité des actes de l’Administration fédérale, et le processus de demande de soumissions n’étant assujetti à aucune exigence de forme ou de fond législative ou réglementaire, il ne sera pas facile, là où les documents de soumission n’imposent pas de restrictions sévères à l’exercice par le ministre de sa liberté de choix, de démontrer à quelle illégalité s’adonne le ministre …[49]

Selon moi, il est possible d’affirmer, sans risquer vraiment de se contredire, que la décision prise en vertu de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676 n’est « assujetti[e] à aucune exigence de forme ou de fond législative ou réglementaire ». En conséquence, il est difficile pour la requérante et l’intervenant de démontrer que le ministre a commis une erreur qui justifierait l’exercice du contrôle judiciaire. Le ministre n’est pas tenu de fournir des motifs à l’appui de sa décision en vertu de l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676, ni d’agir dans le cadre d’un processus décisionnel formel. Bien que je connaisse l’argument de la requérante et de l’intervenant selon lequel le MDN a été engagé de façon significative dans le processus décisionnel, ce rôle n’était pas exclusif et était raisonnable, compte tenu du rôle critique du MDN en ce qui a trait au non-respect de l’OAFC 19-37 par l’intervenant. Le dossier qui m’a été soumis ne m’amène pas à conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de résoudre le marché a été prise sans égard à la question de savoir si l’intervenant a tiré « directement avantage du contrat » ou en tenant si peu compte de cette question que le ministre a commis une erreur qui justifierait l’exercice du contrôle judiciaire.

c.         L’équité procédurale devait-elle être respectée et l’a-t-elle été?

Dans Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne)[50], le juge Sopinka a fait, au nom de la majorité, les remarques suivantes relativement au devoir d’agir équitablement aux pages 899 et 900 :

Conformément aux principes posés dans l’arrêt Nicholson, précité, [Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311] cependant, je compléterais les dispositions législatives en exigeant que la Commission observe les règles de l’équité procédurale. À cet égard, je fais miens les propos, reproduits ci-dessous, que tient le maître des rôles lord Denning dans l’arrêt Selvarajan v. Race Relations Board, [1976] 1 All E.R. 12 (C.A.). La Race Relations Board exerçait des fonctions analogues à celles de la Commission canadienne des droits de la personne. En décidant qu’il s’agissait d’un organisme d’enquête ayant l’obligation d’agir équitablement, lord Denning dit, à la p. 19 :

[traduction] Ces dernières années nous avons examiné la procédure de nombreux organismes chargés de faire enquête et de se faire une opinion [ … ] Dans tous ces cas, on a jugé que l’organisme chargé d’enquêter a le devoir d’agir équitablement; mais les exigences de l’équité dépendent de la nature de l’enquête et de ses conséquences pour les personnes en cause. La règle fondamentale est que, dès qu’on peut infliger des peines ou sanctions à une personne ou qu’on peut la poursuivre ou la priver de recours, de redressement ou lui faire subir de toute autre manière un préjudice en raison de l’enquête et du rapport, il faut l’informer de la nature de la plainte et lui permettre d’y répondre. [Non souligné dans le texte original.]

En exerçant son pouvoir administratif de résoudre le marché, l’intimé était tenu d’informer la requérante des faits qu’on lui reprochait et de lui fournir une occasion valable d’y répondre.

D’après le dossier, voici le processus qui a été suivi. La requérante a d’abord été convoquée à une réunion avec les représentants de Travaux publics pour discuter d’une plainte adressée au ministre, concernant la participation de l’intervenant à la préparation de la réponse de la requérante à la demande de propositions. À la suite de cette réunion, l’intimé a fourni une copie de la lettre de la plainte à la requérante en biffant uniquement l’identité du plaignant, et il a demandé à la requérante de fournir une explication détaillée de la nature de la participation de l’intervenant afin que le ministre étudie la plainte et détermine quelles mesures devraient être prises, le cas échéant, pour y répondre. Le texte de la plainte contenait des allégations selon lesquelles l’intervenant avait violé les lignes directrices en matière de conflits d’intérêts, du fait qu’il était en mesure de fournir [traduction] « des renseignements d’initié concernant les attentes du client [le MDN][51]. » Dans une communication orale ultérieure, Travaux publics a mentionné expressément que la stipulation qui posait un problème était l’article 28 de l’arrêté DSS-MAS 9676[52]La requérante a répondu à deux reprises à la demande de renseignements de Travaux publics. Le processus décrit établit que la requérante connaissait les faits qui lui étaient reprochés et qu’elle a eu pleinement l’occasion de faire valoir son point de vue dans un délai raisonnable, compte tenu des circonstances. Aucune allégation de partialité n’a été faite. Je conclus que le devoir d’agir équitablement envers la requérante a été respecté.

Je statue que l’intimé n’avait aucun devoir d’agir équitablement envers l’intervenant. La décision qui fait l’objet de la demande de contrôle touche la conduite de la requérante et, accessoirement seulement, celle de l’intervenant. L’intervenant aurait pu subir, ou a peut-être subi, un préjudice à sa réputation, mais il existe d’autres moyens, plus appropriés, de contester la conclusion selon laquelle l’OAFC 19-37 n’a pas été respectée. Parmi les recours convenables, la requérante peut demander une décision écrite et un réexamen de cette décision en vertu du paragraphe 17 de l’annexe D de l’OAFC 19-37, puis présenter une demande de contrôle judiciaire du réexamen de cette décision, comme l’a fait la partie requérante dans l’affaire Peet c. Canada (Procureur général)[53] Bien que Mme le juge Reed ait examiné le Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique, je ne vois aucune raison d’établir une distinction entre sa décision et les faits qui me sont soumis. . Dans l’éventualité où je ferais erreur en ce qui a trait à la question du devoir d’agir équitablement envers l’intervenant, je conclus que l’occasion fournie indirectement à l’intervenant d’expliquer son rôle et l’examen par l’intimé de la réponse de l’intervenant satisfont aux exigences minimales applicables[54].

V.        CONCLUSION

Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

Bien que la requérante ait demandé les dépens de la présente demande, elle s’est désistée de cette demande de redressement au moment de l’audition tenue devant moi, compte tenu de la Règle 1618 [édictée, idem] des Règles de la Cour fédérale[55], selon laquelle il n’y a pas de frais à l’occasion d’une demande de contrôle judiciaire, à moins que la Cour n’en ordonne autrement pour des raisons spéciales.



[1] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 2, par. 3.

[2] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 5.

[3] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 6.

[4] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 7.

[5] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 10.

[6] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 4.

[7] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 32.

[8] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 13.

[9] L.R.C. (1985), ch. S-25.

[10] L.R.C. (1985), ch. F-7 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5].

[11] [1994] 3 C.F. 128(1re inst.).

[12] L.R.C. (1985), ch. F-11 [mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 50].

[13] DORS/87-402, art. 5, 7 (mod. par DORS/91-651, art. 3).

[14] Toute mention du « ministre » inclut les prédécesseurs du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, car le ministre en cause a été à l’occasion touché par des réorganisations des responsabilités ministérielles.

[15] [1995] 2 C.F. 695(C.A.).

[16] L.C. 1991, ch. 50.

[17] DORS/92-502.

[18] Supra, note 8.

[19] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 36.

[20] Dossier de demande de l’intimé, tome 1.

[21] Voir le dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 15—Affidavit du contre-amiral Michael T. Saker :

[traduction] 10. Après avoir examiné les faits soumis par la requérante en réponse à la plainte, j’ai décidé que le colonel (à la retraite) Daws avait violé les dispositions concernant les conflits d’intérêts qui lui étaient applicables … Je suis arrivé à la conclusion que le colonel (à la retraite) Daws, bien qu’il ait agi conformément à son contrat avec la requérante, violait différentes dispositions de l’OAFC 19-37, ce qui a donné lieu à la décision de résoudre le marché passé avec la requérante.

[22] Dossier de demande de la requérante, vol. II, tome 6, à la p. 22.

[23] Dossier de demande de l’intimé, tome 1—D.

[24] Dossier de demande de l’intimé, tome 1—A.

[25] Comparez la lettre versée au dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 22, avec la lettre de résolution, supra, note 8.

[26] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 14.

[27] Supra, note 19.

[28] L.R.C. (1985), ch. N-5.

[29] Supra, note 19.

[30] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 30.

[31] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 25.

[32] Dossier de demande de la requérante, vol. II, tome 3.

[33] Supra, note 23.

[34] Supra, note 24.

[35] Voir le dossier de demande de la requérante, vol. II, tome 2 et celui de l’intimé, vol. I, tome 3.

[36] Supra, note 22, à la p. 49.

[37] Ibid., à la p. 40.

[38] Dossier de demande de la requérante, vol. II, tome 4, à la p. 99.

[39] Ibid., aux p. 102 à 108.

[40] Supra, note 32, aux p. 24 et suiv.

[41] Supra, note 22, aux p. 49 et 50.

[42] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 21.

[43] Supra, note 7.

[44] Supra, note 5.

[45] Supra, note 6.

[46] Supra, note 19.

[47] Dossier de demande de la requérante, vol. II, tome 8.

[48] Dossier de demande de la requérante, vol. I, tome 3.

[49] Supra, note 15.

[50] [1989] 2 R.C.S. 879.

[51] Supra, note 2.

[52] Supra, note 5 : la lettre rédigée par les procureurs de la requérante précise [traduction] « nous constatons qu’à l’occasion d’une communication orale avec Claude Gelinas, vice-président régional, Région de la capitale nationale, de LGS, vous avez mentionné que le non-respect éventuel du marché touche l’article 28—Conflit d’intérêts, incorporé au marché en vertu des Conditions générales 9676. »

[53] Supra, note 11.

[54] La lettre d’explication adressée par l’intervenant à la requérante a été transmise à l’intimé et incluse dans les documents déposés par l’intimé en vertu de la Règle 1612 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 (édictée par DORS/92-43, art. 19)], à titre de documents dont il s’est servi pour rendre sa décision—voir supra, note 19.

[55] C.R.C., ch. 663.

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