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[1995] 3 C.F. 527

T-1492-95

Valley Towing Limited (demanderesse)

c.

Celtic Shipyards (1988) Ltd. et toutes les autres personnes ayant des réclamations à faire valoir contre la demanderesse, le navire Seacap XII ou le fonds constitué à l’issue de la présente instance (défendeurs)

Répertorié : Valley Towing Ltd. c. Celtic Shipyards (1988) Ltd. (1re inst.)

Section de première instance, protonotaire Hargrave—Vancouver, 24 et 31 juillet 1995.

Droit maritime — Pratique — Requête présentée en vertu de l’art. 576(1) de la Loi sur la marine marchande du Canada en vue de constituer un fonds consigné, d’obtenir le sursis des procédures judiciaires en instance et l’interdiction d’en engager de nouvelles — La barge remorquée par un remorqueur de la demanderesse a heurté et endommagé les installations de la défenderesse — L’art. 575 permet au propriétaire d’un navire, en l’absence de faute réelle de sa part, de limiter sa responsabilité selon la jauge du navire — Action en vue d’obtenir des dommages-intérêts de 300 000 $, fonds consigné de 42 130 $ — Les requêtes touchant l’art. 576 peuvent être présentées ex parte bien que l’actuelle Règle 1012(1) ne fasse pas mention d’une procédure ex parte — Compte tenu des faits, la faute du remorqueur est présumée — La reconnaissance de responsabilité n’a que peu de valeur — Pour éviter une injustice, la requête est accueillie, à condition que les actions existantes puissent procéder et que des actions puissent être intentées aux fins de l’obtention d’une garantie, ainsi que de la liquidation et du paiement des dépens.

Il s’agissait d’une requête présentée en vertu du paragraphe 576(1) de la Loi sur la marine marchande du Canada aux fins d’obtenir : la fixation d’un fonds consigné; dès la consignation au tribunal, le sursis des procédures en instance; l’interdiction d’engager de nouvelles procédures et l’approbation de la publication d’annonces invitant toutes les personnes ayant des réclamations à participer à la procédure en limitation de responsabilité.

Une barge remorquée par le remorqueur de la demanderesse, dans un canal bien connu de dimensions raisonnables, a heurté et endommagé notamment les installations de la société Celtic Shipyards. La demanderesse a reconnu sa responsabilité pour pouvoir demander un sursis. La société Celtic Shipyards et deux autres personnes ont intenté une action pour des dommages estimés à 300 000 $. Aucune garantie n’a été fournie. L’article 575 permet au propriétaire d’un navire, en l’absence de faute ou complicité réelle de sa part, de limiter sa responsabilité en dommages-intérêts relativement aux avaries ou pertes de biens en fonction de la jauge du navire. Le fonds consigné s’élèverait à 42 130 $. L’article 576 traite de l’établissement d’une limite à la responsabilité en vertu de l’article 575 dans une instance distincte en limitation de responsabilité plutôt que par voie de moyen de défense ou de demande reconventionnelle.

La demanderesse a présenté cette requête ex parte car il se peut qu’il existe des réclamants dont elle ne connaît pas encore l’identité. Contrairement à la disposition qu’il a remplacée, le paragraphe 1012(1) des Règles de la Cour fédérale ne fait pas mention de l’obtention d’un sursis ex parte, mais exige la signification à toutes les personnes ayant une réclamation dont l’identité est connue.

Les questions à trancher étaient les suivantes : (1) La demanderesse doit-elle attendre que toutes les personnes ayant des réclamations contre le fonds soient identifiées avant de demander un sursis par voie de requête? (2) Le sursis et l’ordonnance d’interdiction doivent-ils être assujettis à des conditions?

Jugement : la requête doit être accueillie à certaines conditions.

S’il n’était pas possible de connaître des requêtes touchant l’article 576 en partie ex parte, de nombreuses dispositions, notamment celle prévoyant un sursis pendant la procédure en limitation de responsabilité, n’auraient aucun sens. L’omission de la version actuelle de la Règle 1012 de permettre une procédure ex parte était sans conséquence.

Le sursis des instances à la suite de la constitution d’un fonds consigné au tribunal est de nature discrétionnaire et aucune restriction n’interdit d’exiger une garantie pour la valeur totale de la réclamation, même lorsqu’un fonds consigné a été établi. La procédure menant à la limitation de la responsabilité sous le régime de l’article 576 constitue un compromis à bien des égards. L’auteur du délit évite un grand nombre d’actions et les réclamants n’ont pas à prouver la responsabilité, bien qu’ils puissent se sentir contrariés à l’idée de ne pas pouvoir conduire leur propre action, à leur propre rythme et à leur façon et, notamment, de ne pas pouvoir obtenir une garantie ni découvrir, au moyen de l’enquête préalable, dans leur propre procédure, ce qui s’est passé.

Il incombait au propriétaire du navire de démontrer qu’il n’existait aucune question sérieuse à trancher relativement à l’absence de faute ou de complicité de sa part; il ne suffisait pas de démontrer simplement que la demande de limitation de la responsabilité était bien fondée prima facie, ni qu’elle pouvait raisonnablement être plaidée. Bien que la preuve par affidavit soit faible, les circonstances laissent croire qu’il peut très bien s’agir d’une erreur de navigation pure et simple, sans faute ni complicité de la part du propriétaire du navire et, par conséquent, d’une affaire plus certaine qu’une cause où le bien-fondé de la demande de limitation de la responsabilité a été établi prima facie ou peut raisonnablement être plaidé.

Pour que l’action en limitation de responsabilité fonctionne équitablement, chaque partie doit y trouver son compte. Comme un remorqueur et sa remorque ont heurté des installations fixes, il existe une présomption de faute de la part du remorqueur, de sorte que le fardeau de la preuve est déplacé. La reconnaissance de responsabilité n’avait que peu de valeur pour les réclamants. Il serait injuste que la partie demanderesse puisse obtenir un sursis des instances intentées pour recouvrer un montant très élevé en constituant un petit fonds consigné, sans accorder quelque avantage que ce soit aux réclamants. Un sursis et une interdiction devraient donc être accordés à condition que les actions existantes puissent procéder et que des actions puissent être intentées aux fins de l’obtention d’une garantie, ainsi que de la liquidation et du paiement des dépens.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Conventions internationales de droit maritime. Convention internationale sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, Londres, 19 novembre 1976, article 13.

Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9, art. 575, 576, 579, 581.

Règlement sur la conversion des francs-or, DORS/78-73.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 336(1)g), 1012(1) (mod. par DORS/94-41, art. 10).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

The Merchant Prince, [1892] P. 179 (C.A.); The Wladyslaw Lokietek, [1978] 2 Lloyd’s Rep. 520 (Q.B.).

DÉCISIONS MENTIONNÉES :

Margrande Compania Naviera v. The Leecliffe Hall’s Owners, [1970] R.C.É. 870; Belcan, M.V. c. Le Beograd, [1985] A.C.F. no 314 (1re inst.) (QL); Fednav Ltd. c. Porto Seguro Companhia de Seguros Gerais, [1985] A.C.F. no 1106 (1re inst.) (QL); Saint John Tugboat Co. Ltd. v. Flipper Draggers Ltd., [1969] 1 R.C.É. 392; Nisshin Kisen Kaisha Ltd. c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1982] 1 C.F. 530 (1981), 122 D.L.R. (3d) 599; 36 N.R. 181 (C.A.); Le Rhône c. Le Peter A.B. Widener, [1993] 1 R.C.S. 497; (1993), 101 D.L.R. (4th) 188; [1993] 1 Lloyd’s Rep. 600; 148 N.R. 349; The Bowbelle, [1990] 1 Lloyd’s Rep. 532 (Q.B.); The Lisboa, [1980] 2 Lloyd’s Rep. 546.

REQUÊTE visant la constitution d’un fonds consigné, le sursis des procédures en instance et l’interdiction d’en engager de nouvelles, ainsi que l’approbation d’une annonce invitant toutes les personnes ayant des réclamations à participer à la procédure en limitation de responsabilité. Requête accueillie sous conditions.

AVOCATS :

John W. Bromley pour la demanderesse.

Douglas G. Schmitt pour les défendeurs.

Gregory J. Arbour pour 361536 B.C. Ltd.

PROCUREURS :

Connell, Lightbody, Vancouver, pour la demanderesse.

McEwen, Schmitt & Co., Vancouver, pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le protonotaire Hargrave : La demanderesse, qui est propriétaire du remorqueur Seacap XII, introduit la présente requête en vertu du paragraphe 576(1) de la Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9, dans le but d’enclencher différentes procédures à l’issue desquelles la demanderesse espère obtenir une déclaration portant qu’elle est autorisée à limiter sa responsabilité par application de l’article 575 de la Loi sur la marine marchande du Canada relativement aux dommages causés aux chantiers Celtic Shipyards, sur le bras nord du fleuve Fraser lorsque, le 11 mai 1995, la barge Seaspan 619, remorquée par le Seacap XII, a heurté et endommagé notamment les installations de la société Celtic Shipyards (1988) Ltd., la défenderesse désignée dans la présente action.

LA REQUÊTE DE LA DEMANDERESSE

Dans sa requête, son projet d’ordonnance et l’appendice au projet d’ordonnance, la demanderesse sollicite plus particulièrement les redressements suivants :

1. la fixation du montant d’un fonds consigné, calculé en fonction de la jauge réputée du Seacap XII;

2. dès la consignation du fonds au tribunal, avec les intérêts, l’extinction des obligations des personnes dont la responsabilité est engagée relativement à l’accident;

3. dès la consignation du fonds au tribunal, le sursis des procédures en instance devant un tribunal quelconque, en vertu de l’alinéa 576(1)b) de la Loi sur la marine marchande du Canada (sauf aux fins de la liquidation et du paiement des dépens), et l’interdiction aux défendeurs, c’est-à-dire à toutes les personnes ayant des réclamations à faire valoir contre la demanderesse, le Seacap XII ou toute autre personne dont la responsabilité pourrait être engagée, d’intenter une action devant quelque tribunal que ce soit, par application de l’article 576 de la Loi sur la marine marchande du Canada; la publication d’annonces à l’intention des parties ayant des réclamations pour les inviter à faire valoir leurs moyens de défense dans la présente action en limitation de la responsabilité et l’expiration du délai pour le dépôt des réclamations le 15 septembre 1995;

4. en l’absence de défenses à l’action en limitation de la responsabilité, la distribution du fonds sur demande de toute partie intéressée après le 15 septembre 1995;

5. advenant le dépôt de défenses, des directives de la Cour relativement à la procédure en vue de l’instruction de la question de la limitation de la responsabilité;

6. enfin, la possibilité de demander la modification des modalités de l’ordonnance résultant de la présente requête jusqu’au 15 septembre 1995.

Les avocats ont consenti à certains de ces redressements.

Il me paraît utile d’énoncer ici certains des détails pertinents déjà divulgués relativement à l’accident, dispersés dans la preuve par affidavit, ainsi que les dispositions législatives et réglementaires régissant la procédure par laquelle la demanderesse entend obtenir la limitation de sa responsabilité.

LES FAITS

Le 11 mai 1995, le Seacap XII, un remorqueur dont la longueur au registre est de 45 pieds et la jauge brute de 51.51 tonneaux, appartenant à la demanderesse, la société Valley Towing Limited, remontait le bras nord du fleuve Fraser en remorquant le Seaspan 619, une barge de 134 pieds de long et de 513.74 tonneaux de jauge brute. La barge a heurté et endommagé les installations de la défenderesse, la société Celtic Shipyards (1988) Ltd. D’autres personnes, dont les sociétés Hodder Tugboat Co. Ltd., 361536 B.C. Ltd., Joe’s Salmon Lodge Enterprises Ltd. et M. Sam Matsumoto, qui ont reçu signification de la présente requête et des documents, ont également subi des dommages touchant leur équipement et leurs installations.

La demanderesse a reconnu sa responsabilité dans la déclaration au moyen de laquelle elle a introduit l’action, afin de pouvoir obtenir le sursis de toute instance intentée par les réclamants devant la présente Cour ou tout autre tribunal.

Les sociétés Celtic Shipyards, Hodder Tugboat et Joe’s Salmon Lodge ont intenté une action devant la présente Cour contre la société Valley Towing Limited, le Seacap XII et ses navires-jumeaux. L’avocat de ces trois réclamants déclare que, selon la meilleure estimation faite à ce jour, les dommages s’élèvent à 300 000 $. Aucune garantie n’a été fournie par la demanderesse à l’un ou l’autre des réclamants.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES LIMITANT LA RESPONSABILITÉ

L’article 575 de la Loi sur la marine marchande du Canada prévoit que le propriétaire d’un navire, en l’absence présumée de faute ou complicité réelle de sa part, peut limiter sa responsabilité en dommages-intérêts relativement aux avaries ou pertes de biens à une somme, exprimée en dollars canadiens, équivalant à 1 000 francs-or pour chaque tonneau de jauge du navire aux fins de la limitation de la responsabilité.

La « jauge » aux fins de la limitation de la responsabilité est définie par l’article 581 de la Loi sur la marine marchande du Canada comme s’entendant de la jauge au registre du navire, majorée de l’espace de la chambre des machines, mais réduite de l’espace occupé par les marins. Lorsque la jauge s’entend de la jauge au registre et de la jauge brute d’un navire, elle ne correspond pas à une mesure réelle du poids, mais plutôt à un volume.

Selon l’article 579 de la Loi sur la marine marchande du Canada, aux fins de la limitation de la responsabilité, la jauge minimale réputée d’un navire est de 300 tonneaux. En tenant pour acquis que la jauge appropriée aux fins de la limitation de la responsabilité n’est pas celle du remorqueur et du navire remorqué, mais plutôt celle du remorqueur seul, la jauge réputée du Seacap XII, aux fins de la limitation de la responsabilité, serait de 300 tonneaux : en ce qui a trait au fait que la jauge aux fins de la limitation de la responsabilité est celle du navire qui est l’auteur du délit et au rejet de la théorie de la flottille qui tient compte du tonnage global, voir Le Rhône c. Le Peter A.B. Widener, [1993] 1 R.C.S. 497, aux pages 540 et 541, et les motifs de Mme le juge McLachlin de la Cour suprême du Canada, aux page 542 et suivantes.

Le calcul du fonds consigné même a été beaucoup simplifié par le Règlement sur la conversion des francs-or (responsabilité maritime) de 1978 [DORS/78-73]. En vertu de ce règlement, il n’est plus nécessaire de déterminer le prix de l’or d’un titrage de 900/1 000, comme auparavant, car il définit plutôt le franc-or en termes de droits de tirage spéciaux, en dollars canadiens, selon le Fonds monétaire international. Le taux de change s’élève à 15,075 francs-or pour chaque droit de tirage spécial (DTS).

Il est peut-être utile d’exposer l’une des méthodes de calcul du fonds consigné figurant dans l’un des affidavits de la demanderesse, le calcul pertinent en l’espèce visant un fonds consigné pour des dommages aux biens lorsque la jauge est de 300 tonneaux :

[traduction] En supposant que la jauge du navire « Seacap XII » s’élève à 300 tonneaux conformément à l’article 579 de la Loi sur la marine marchande du Canada , L.R.C. (1985), ch. S-9, et en me reportant au Règlement sur la conversion des francs-or pris en application de la Loi sur la marine marchande du Canada et promulgué le 24 janvier 1978, je calcule la somme globale équivalant à 1 000 francs-or pour chaque tonneau de la jauge du navire de la façon suivante :

(a) 1 DTS = 15,075 francs-or

(b) 1 DTS = 2,11372 dollars CAN

PAR CONSÉQUENT :

15,075 francs-or = 2,11372 dollars CAN

1 000 francs-or = 1 000 x 2,11372 dollars CAN

                                             15,075

1 000 francs-or

pour chacun

des 300 tonneaux = 1 000 x 300 x 2,11372 dollars CAN

                            = 42 064,08 dollars CAN

Le calcul fourni par la demanderesse, qui pose comme prémisse que le DTS a une valeur de 2,11372 $, est exact en date du 21 juillet 1995. La valeur du DTS fluctue. Le 27 juillet 1995, le DTS valait 2,1170 $. Toutefois, sa fluctuation sur une courte période est habituellement sans conséquence et le montant du fonds aux fins de la consignation au tribunal s’élève à 42 130 $.

L’article 576 de la Loi sur la marine marchande du Canada traite, notamment, de l’établissement d’une limite à la responsabilité en vertu de l’article 575 de la Loi sur la marine marchande du Canada dans une instance distincte en limitation de la responsabilité, telle la présente instance, plutôt que par voie de moyen de défense ou de demande reconventionnelle. Cette disposition traite également du sursis des autres instances, de l’établissement de priorités et du paiement du fonds consigné. Voici le texte de cet article :

576. (1) Lorsqu’il est allégué qu’une responsabilité a été encourue par le propriétaire d’un navire relativement à la mort ou à des blessures corporelles, ou à la perte ou l’avarie de biens ou à la violation de tout droit à l’égard desquels sa responsabilité est limitée par l’article 575, et que plusieurs réclamations sont faites ou appréhendées relativement à cette responsabilité, la Cour d’Amirauté peut :

a) à la requête de ce propriétaire, fixer le montant de la responsabilité et répartir ce montant proportionnellement entre les différents réclamants;

b) arrêter toutes procédures pendantes devant un autre tribunal relativement à la même affaire;

c) procéder de la façon et sous réserve des règlements que le tribunal juge convenables, pour rendre les personnes intéressées parties aux procédures, pour exclure tous réclamants qui ne se présentent pas dans un certain délai, pour exiger des garanties du propriétaire et quant au paiement des frais.

(2) Un juge de la Cour d’Amirauté, en faisant une répartition sous le régime du paragraphe (1) , lorsque des réclamations sont présentées visant la mort ou des blessures corporelles, la perte ou l’avarie de biens, ou la violation de quelque droit, doit répartir proportionnellement , parmi les divers réclamants, le montant auquel a été fixée la responsabilité, ainsi qu’il suit :

a) vingt et un trente et unièmes du montant doivent être affectés au paiement des réclamations relatives à la mort et aux blessures corporelles;

b) dix trente et unièmes du montant doivent être affectés au paiement des réclamations relatives à la perte ou l’avarie de biens ou à la violation d’un droit quelconque, et à la satisfaction du reste des réclamations relatives à la mort ou aux blessures corporelles qui demeurent impayées après la répartition du montant y affecté aux termes de l’alinéa a).

(3) En répartissant selon le présent article le montant auquel a été fixée la responsabilité du propriétaire d’un navire, la Cour d’Amirauté peut, compte tenu de toute réclamation qui peut subséquemment être établie devant un tribunal étranger relativement à cette responsabilité, remettre à plus tard la répartition de la partie du montant qu’elle estime appropriée.

(4) Aucun privilège ni autre droit à l’égard d’un navire ou d’un bien quelconque ne peut modifier les proportions selon lesquelles tout montant est réparti par la Cour d’Amirauté sous le régime du présent article entre les divers réclamants.

La présente instance, intentée en vertu de l’article 576 de la Loi sur la marine marchande du Canada, est une procédure interlocutoire, (Margrande Compania Naviera v. The Leecliffe Hall’s Owners, [1970] R.C.É. 870, à la page 874) sur laquelle le juge en chef adjoint m’a autorisé à statuer, en vertu de l’alinéa 336(1)g) des Règles [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663]. Le jugement limitant la responsabilité, qui est définitif, peut être accordé par un juge à une partie demanderesse, soit par défaut de déposer une défense, soit à la suite d’une instruction sur la question de la limitation de la responsabilité : voir la décision The Leecliffe Hall, précitée, à la page 930 et suivantes, pour des remarques supplémentaires sur la procédure à suivre.

À ce jour, les sociétés Celtic Shipyards (1988) Ltd., Hodder Tugboat Co. Ltd. et Joe’s Salmon Lodge Enterprises Ltd. ont déposé une défense à l’action en limitation de responsabilité. Par conséquent, à moins que les parties défenderesses consentent à un jugement limitant la responsabilité, une instruction sera tenue et l’affaire ne sera pas résolue par un jugement par défaut.

Si la demanderesse a gain de cause quant à la limitation de sa responsabilité, le fonds consigné sera alors réparti entre les réclamants, sur requête présentée à un juge, conformément à l’article 576 de la Loi sur la marine marchande du Canada. Subsidiairement, si la demanderesse n’obtient pas la limitation de sa responsabilité en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, les réclamants devront uniquement établir le montant de leurs dommages et dépens, étant donné que la demanderesse a déjà reconnu sa responsabilité.

LES QUESTIONS EN LITIGE DANS LA REQUÊTE

Examinons maintenant la présente requête. La demanderesse sollicite la constitution d’un fonds consigné et, en s’appuyant sur ce fonds et la reconnaissance de responsabilité énoncée dans la déclaration au moyen de laquelle elle a intenté l’action, un sursis et une ordonnance d’interdiction, de façon à interrompre les instances en responsabilité et à faire approuver la publication d’une annonce enjoignant à tous les réclamants de comparaître dans la présente instance en limitation de la responsabilité.

Me Bromley, l’avocat de la demanderesse, et Me Schmitt, l’avocat des parties défenderesses qui ont déposé une défense, soit la société Celtic Shipyards, Hodder Tugboat et Joe’s Salmon Lodge, se sont entendus à certains égards sur le libellé de l’ordonnance. Les questions qui demeurent irrésolues sont celles des conditions auxquelles un sursis et une ordonnance d’interdiction pourraient être accordés, ainsi que plusieurs questions préliminaires.

La nature de l’instance et la preuve par affidavit

Me Arbour, l’avocat de la société 361536 B.C. Ltd., qui est propriétaire des battures et qui a un intérêt sur un dock qui a été endommagé, adhère aux prétentions de Me Schmitt quant au sursis et à l’ordonnance d’interdiction, mais il fait valoir deux arguments additionnels.

L’avocat de la société à dénomination numérique de la Colombie-Britannique soutient que l’instance n’est pas une procédure interlocutoire; j’ai toutefois déjà réglé cette question en me reportant à l’affaire The Leecliffe Hall. Il prétend aussi que la demanderesse aurait dû fournir une meilleure preuve par affidavit pour établir de façon plus concluante ses prétentions quant à la limitation de sa responsabilité. Il s’agit d’un argument valable auquel je reviendrai plus tard.

La procédure ex parte

L’avocat des trois parties défenderesses qui ont déposé une défense soutient que la demanderesse doit attendre que toutes les personnes ayant des réclamations contre le fonds aient été identifiées grâce à la publication d’un avis et au processus de dépôt des réclamations avant de demander un sursis par voie de requête. Il fait valoir cet argument parce que la version actuelle de la Règle 1012 ne mentionne pas qu’un sursis d’instance peut être obtenu ex parte.

La demanderesse a présenté sa demande en partie ex parte car il se peut qu’il existe des réclamants dont elle ne connaît pas encore l’identité. Cette procédure était clairement prévue par le paragraphe 1012(1) des Règles avant la modification apportée en 1994 :

Règle 1012. (1) Une demande faite en vertu de l’article 648 de la Loi sur la marine marchande du Canada aux fins d’obtenir une suspension des procédures, des instructions sur la façon de procéder, des règlements relatifs aux conditions dans lesquelles des personnes ayant un intérêt en jeu peuvent être constituées parties aux procédures, ou relatifs à l’exclusion des réclamants qui ne font pas de demande dans un certain délai, ou relatifs à la garantie pouvant être exigée du propriétaire, peut être faite ex parte.

Il n’existe aujourd’hui aucune disposition semblable. La version actuelle de la Règle 1012 [mod. par DORS/94-41, art. 10] comporte les deux premiers paragraphes suivants :

Règle 1012. (1) Le requérant doit signifier aux réclamants dont il connaît l’identité toute demande présentée en vertu du paragraphe 576(1) de la Loi sur la marine marchande du Canada.

(2) Le requérant peut s’adresser à la Cour ex parte pour obtenir une ordonnance relative à la signification aux réclamants possibles lorsque leur nombre est élevé ou que le requérant ne connaît pas leur identité, et la Cour peut rendre l’ordonnance qu’elle estime juste.

S’il n’était pas possible de connaître des requêtes touchant l’article 576 de la Loi sur la marine marchande du Canada en partie ex parte, de nombreuses dispositions, notamment celle prévoyant un sursis pendant la procédure en limitation de responsabilité, n’auraient aucun sens.

Soulignons en passant que la procédure applicable actuellement à une action en limitation de la responsabilité en Angleterre ne précise pas expressément qu’elle peut se dérouler en partie ex parte. Toutefois, c’est l’effet produit par la procédure anglaise qui exige qu’une partie défenderesse soit désignée, mais laisse à la demanderesse le loisir d’en nommer d’autres. Il en va de même de l’actuel paragraphe 1012(1) qui exige uniquement que la partie demanderesse dans une instance en limitation de responsabilité signifie les documents aux réclamants dont elle connaît l’identité.

J’ai conclu que l’omission de la version actuelle de la Règle 1012 de permettre une procédure ex parte est sans conséquence.

Le sursis des autres instances

La question qu’il reste à trancher est celle du sursis des instances et de l’interdiction aux réclamants d’intenter des actions devant une autre cour. Étant donné que le Canada n’a pas signé la Convention internationale sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes de 1976 (la « Convention de Londres de 1976 »), le sursis des instances à la suite de la constitution d’un fonds consigné au tribunal est de nature discrétionnaire. En outre, la question de la sûreté fournie, en sus du fonds consigné, pour garantir le plein montant de la réclamation, demeure irrésolue.

Bien qu’un sursis soit un redressement de nature discrétionnaire, les tribunaux canadiens l’accordent lorsque la procédure en limitation de la responsabilité n’est pas prématurée (par exemple, voir la décision Belcan, M.V. c. Le Beograd, [1985] A.C.F. no 314 (1re inst.) (QL), et les motifs dans une action complémentaire, soit la décision Fednav Ltd. c. Porto Seguro Companhia de Seguros Gerais, [1985] A.C.F. no 1106 (1re inst.) (QL) et lorsque les autres questions de procédure sont traitées convenablement (par exemple, voir The Leecliffe Hall, décision précitée, et Saint John Tugboat Co. Ltd. v. Flipper Draggers Ltd., [1969] 1 R.C.É. 392). Le propriétaire d’un navire qui veut obtenir une déclaration de limitation de sa responsabilité et le sursis des autres actions doit reconnaître sa responsabilité à toutes fins, renonçant ainsi à la possibilité de contester la question de la responsabilité soulevée dans les réclamations des personnes qui ont subi un préjudice : voir, par exemple, l’affaire Nisshin Kisen Kaisha Ltd. c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1982] 1 C.F. 530(C.A.) (ci-après appelé le Japan Erica), une instance en limitation de la responsabilité découlant d’un abordage survenu en 1979 entre le Japan Erica et le pont Second Narrows dans le port de Vancouver.

La procédure menant à la limitation de la responsabilité, en vertu de l’article 576 de la Loi sur la marine marchande du Canada, constitue un compromis à bien des égards. Le prétendu auteur du délit reconnaît sa responsabilité afin d’éviter un grand nombre d’actions et d’obtenir la consolidation des réclamations dans le cadre de l’action en limitation de la responsabilité. Les réclamants, pour leur part, n’ont pas à prouver la responsabilité, bien qu’elle ne soit pas toujours véritablement en litige. Il arrive toutefois que les réclamants se sentent contrariés à l’idée de ne pas pouvoir conduire leur propre action, à leur propre rythme et à leur façon et, notamment, de ne pas pouvoir obtenir une garantie ni découvrir, au moyen de l’enquête préalable, dans leur propre procédure, ce qui s’est passé et quelles sont leurs chances de faire échouer la demande de limitation de la responsabilité de l’auteur du délit. Je le répète, ce type de procédure constitue souvent un compromis : voir, par exemple, l’affaire Japan Erica, précitée, à la page 533, dans laquelle la disposition concernant le sursis permettait aux parties d’intenter des actions, mais non de les poursuivre.

La question de la garantie, qui se pose en l’espèce, n’a pas été soumise à la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Japan Erica, car une partie importante des réclamations, d’une valeur d’environ 20 millions de dollars, avait été garantie plus tôt au moment où les propriétaires du Japan Erica avaient déposé 20 millions pour éviter que le Japan Erica soit immobilisé par une saisie.

Dans l’affaire The Wladyslaw Lokietek, [1978] 2 Lloyd’s Rep. 520 (Q.B.), qui a été tranchée avant que la Grande-Bretagne adopte la Convention de Londres de 1976 et que les sursis deviennent pratiquement obligatoires, la Cour d’amirauté de la Division du Banc de la Reine a refusé de surseoir à une action en Angleterre pendant une action en limitation de la responsabilité intentée en Pologne; l’un des arguments défavorables au sursis portait qu’en Angleterre, le réclamant pouvait obtenir des garanties pour la totalité de la réclamation, ce qui le protégerait utilement dans l’éventualité où le propriétaire du navire ne réussirait pas à faire limiter sa responsabilité par le tribunal polonais. De plus, M. le juge Brandon a statué que, dans le cadre d’une demande de limitation de la responsabilité, le propriétaire du navire devait démontrer qu’il n’existait aucune question sérieuse à trancher relativement à l’absence de faute ou de complicité de sa part; il ne suffisait pas de démontrer simplement que la demande de limitation de la responsabilité était bien fondée prima facie, ni qu’elle pouvait raisonnablement être plaidée : voir l’affaire The Wladyslaw Lokietek, précitée, à la page 531.

Je traiterai d’abord de cette dernière question, soit de celle du fardeau du propriétaire du navire. J’estime que la preuve par affidavit est faible. Toutefois, la procédure d’action en limitation de la responsabilité est très utile en ce qu’elle oblige le propriétaire d’un navire auteur du délit à prendre la situation en mains et à assujettir toutes les parties à ce qu’on pourrait appeler un échéancier accéléré. En l’espèce, je suis disposé à prendre acte des événements qui sont survenus, l’abordage par une barge dont les dimensions n’étaient pas supérieures à celles des barges moyennes du même type, remorquée par un remorqueur assez puissant, dans un canal bien connu de dimensions raisonnables, après un chantier naval établi de longue date : il peut très bien s’agir d’une erreur de navigation pure et simple, sans faute ni complicité de la part du propriétaire du navire et, par conséquent, d’une affaire plus certaine qu’une cause où le bien-fondé de la demande de limitation de la responsabilité a été établi prima facie ou peut raisonnablement être plaidé.

J’aborde maintenant la question de la garantie, principale préoccupation des réclamants qui sont représentés par un avocat dans la présente requête.

Pour que l’action en limitation de responsabilité fonctionne convenablement, chaque partie doit y trouver son compte : la partie qui demande la limitation de responsabilité ne doit pas pouvoir se contenter de déposer un fonds consigné au tribunal, d’affirmer, comme en l’espèce, que l’accident n’est pas imputable à la faute ou à la complicité réelle de la demanderesse propriétaire du navire et de déclarer, sur la foi de renseignements qu’elle tient pour véridiques, que l’accident est dû à un acte ou à une omission d’une personne à bord du Seacap XII, empêchant ainsi les réclamants qui ont subi un préjudice de procéder de quelque façon que ce soit. La demanderesse peut faire valoir qu’elle a reconnu sa responsabilité et que cette reconnaissance constitue une contrepartie au sursis des instances. Cela peut parfois être le cas; toutefois, en l’espèce, un remorqueur se déplaçant en remorquant un navire a heurté les installations d’un chantier naval, un dock, des navires au mouillage et de l’équipement, de sorte qu’il existe non seulement une présomption en faveur des réclamants, mais également une présomption de faute de la part du Seacap XII, et que le fardeau de la preuve s’en trouve déplacé. Dans l’arrêt The Merchant Prince, [1892] P. 179 (C.A.), à la page 187, lord Esher a souligné que ces faits constituent un acte de négligence dont la preuve a été faite contre vous et ne peut habituellement être réfutée qu’en démontrant le caractère inévitable de l’accident. En conséquence, la reconnaissance de responsabilité n’a, en l’espèce, que peu de valeur pratique pour les réclamants.

Il est intéressant d’examiner la Convention de Londres de 1976 telle qu’elle s’applique aujourd’hui aux actions en limitation de la responsabilité en Angleterre. En contrepartie de fonds consignés beaucoup plus imposants, le droit de limiter la responsabilité est devenu presque absolu. Ainsi, l’obtention d’un sursis jusqu’à l’issue d’une demande de limitation de la responsabilité constitue un droit, en ce sens que la Convention de Londres de 1976 prévoit que toute personne ayant une réclamation contre le fonds est empêchée d’exercer ses droits contre les autres biens de la partie qui demande la limitation de sa responsabilité et, de plus, que tous les navires saisis et les garanties fournies doivent être remis, sous réserve de plusieurs dispositions procédurales sans grandes conséquences (voir l’article 13 ainsi que l’affaire The Bowbelle, [1990] 1 Lloyd’s Rep. 532 (Q.B.)). Par contre, sous le régime britannique antérieur à la Convention de Londres de 1976 et sous le régime canadien actuel, le sursis est discrétionnaire et aucune restriction n’interdit d’exiger une garantie pour la valeur totale de la réclamation, même lorsqu’un fonds consigné a été établi.

Sous le régime britannique antérieur à l’adoption en 1979 de la Convention de Londres de 1976, et sous le régime canadien actuel, les iniquités créées par un sursis, à la suite de l’offre ou de la constitution d’un fonds consigné par le propriétaire du navire auteur du délit, sont atténuées par le fait que le sursis est de nature discrétionnaire et peut être accordé sous réserve de certaines conditions (l’arrêt Japan Erica, précité). En outre, sous le régime britannique, le propriétaire du navire auteur du délit se soumet, en pratique et de façon volontaire la plupart du temps, à une enquête préalable au début de l’instance, de façon que les réclamants puissent savoir s’il y a lieu de contester le jugement limitant la responsabilité. Cette procédure est sensée, non seulement parce qu’elle évite une perte de temps pendant la période intermédiaire au cours de laquelle les réclamants doivent décider s’ils devraient déposer des défenses pour contester la limitation de la responsabilité, mais encore parce qu’elle offre une possibilité pratique d’éviter la tenue d’une instruction complète sur la question de la limitation de la responsabilité : bien que la Cour suprême du Canada ait donné un nouvel élan à la limitation de la responsabilité dans l’affaire Le Rhône c. Le Peter A.B. Widener, [1993] 1 R.C.S. 497, il serait bien optimiste, de la part d’une partie demanderesse dans une instance en limitation de la responsabilité, de croire qu’un réclamant la laissera obtenir une limitation de sa responsabilité par défaut, simplement parce qu’elle affirme y avoir droit dans son affidavit.

Bref, il serait injuste que la partie demanderesse puisse obtenir un sursis des instances intentées pour recouvrer un montant très élevé en constituant un petit fonds consigné, sans accorder quelque avantage que ce soit aux réclamants (et comme je l’ai souligné, la reconnaissance de responsabilité constitue en l’espèce un avantage illusoire). En conséquence, le sursis et l’interdiction d’intenter d’autres actions, que j’ai décidé de prononcer, seront assujettis à certaines conditions.

Pendant l’audience, j’ai suggéré à l’avocat que son client se soumette volontairement à une enquête préalable avant le 15 septembre 1995, de sorte que les réclamants puissent savoir s’ils devraient contester l’instance en limitation de la responsabilité ou, si des défenses sont déposées, s’ils devraient consentir au jugement limitant la responsabilité. Cette mesure me semble sensée, comme moyen d’économiser à la fois temps et argent, car non seulement elle permettrait d’éviter une instruction sur la question de la limitation de la responsabilité, mais elle constituerait un geste d’équité de la part de la demanderesse en contrepartie du répit qui lui serait accordé. Les réclamants étaient favorables à cette suggestion, la demanderesse ne l’était pas.

Si la demanderesse obtenait un sursis inconditionnel en l’espèce, en contrepartie de sa reconnaissance de responsabilité et de la constitution d’un fonds consigné relativement peu élevé, la situation pourrait bien se révéler injuste pour les réclamants qui ne pourraient ni pratiquer une saisie, ni obtenir une garantie. Comme l’a souligné lord Denning, M.R. lorsqu’une [traduction] « saisie est pratiquée de bonne foi—dans le but de garantir une demande juste—je suis d’avis que les tribunaux britanniques ne doivent pas l’entraver » : The Lisboa, [1980] 2 Lloyd’s Rep. 546, à la page 549.

La demanderesse, en réponse à la question de la fourniture d’une garantie pour le montant total des réclamations, a précisé que la société Valley Towing Limited était une société d’assez grande envergure, possédant de nombreux navires, et que, dans l’éventualité où les réclamants auraient droit, en fin de compte, au plein montant de leurs réclamations, il ne devrait pas y avoir de problème. C’est insuffisant, plus particulièrement dans une situation où les réclamants se trouvent dans l’obligation de contester l’instance en limitation de la responsabilité, alors qu’ils ignorent tout des raisons pour lesquelles la demanderesse estime y avoir droit. De plus, bien des événements touchant les éléments d’actif de la demanderesse pourraient survenir d’ici à l’issue de l’instruction sur la limitation de la responsabilité qui, même en l’absence d’appel, n’aura probablement pas lieu avant quelque temps après le début de l’année 1996.

L’article 5 de l’ordonnance doit donc porter que, dès la constitution d’un fonds consigné au tribunal de 42 130 $, majoré des intérêts, il sera sursis aux procédures en instance devant tout tribunal relativement à l’accident survenu le 11 mai 1995, en vertu de l’alinéa 576(1)b) de la Loi sur la marine marchande du Canada, et qu’il est de plus interdit aux défendeurs, qui comprennent toutes les personnes ayant des réclamations découlant de l’accident, d’intenter une action devant quelque tribunal que ce soit contre la société Valley Towing Limited, le Seacap XII et toute autre personne dont la responsabilité pourrait être engagée, mais limitée en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, à condition que les actions existantes puissent procéder et que des actions puissent être intentées, dans les deux cas, aux fins de l’obtention d’une garantie, ainsi que de la liquidation et du paiement des dépens.

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