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[2000] 3 C.F. 418

T-1525-95

Michelin North America (Canada) Inc. (appelante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié : Michelin North America (Canada) Inc. c. Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge Blais—Toronto, 29 février; Ottawa, 28 mars 2000.

Douanes et accise Loi sur la taxe d’accise Remboursement conformément à l’art. 68.2 de la Loi sur la taxe d’acciseVente légalement valableRègle générale anti-évitement prévue à l’art. 274 de la LTA appliquéeLes circonstances dans lesquelles les opérations ont été faites n’établissent pas l’existence d’un objectif véritable autre que l’obtention d’un avantage fiscalL’opération ne visait aucun objectif commercial.

Il s’agit d’un appel d’une décision rendue en date du 22 mars 1995 par laquelle le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) a confirmé la décision du MRN de rejeter la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (la TVF) qu’a présentée l’appelante en application de l’article 68.2 de la Loi sur la taxe d’accise (la LTA) relativement à la vente de pneus importés par Michelin à Uniroyal en décembre 1990. Le TCCE a conclu que, même si l’opération constituait une vente légalement valable aux fins de l’article 68.2 de la LTA, elle remplissait les conditions nécessaires de la règle générale anti-évitement (la RGAÉ) prévue à l’article 274 de la LTA, et que c’est à bon droit que le MRN avait refusé le remboursement.

Les deux questions litigieuses sont de savoir si l’opération est une vente non valable légalement qui prive l’appelante du remboursement qu’elle a demandé et si la RGAÉ s’applique dans les circonstances de façon à priver l’appelante du remboursement qu’elle a demandé.

Jugement : l’appel est rejeté.

À l’aide des documents relatifs au contrat, l’appelante a démontré, comme il lui incombait de le faire, que la vente est légalement valable aux fins de l’article 68.2 de la LTA.

Cependant, la RGAÉ s’applique de façon à priver l’appelante du remboursement même si elle n’a pas été mentionnée dans la décision. L’article 68.2 a clairement un effet rétroactif. Il incombe à l’appelante d’établir qu’elle a droit à un remboursement conformément à l’article 68.2 de la LTA. Non seulement doit-elle remplir les conditions énoncées au paragraphe 68.2(1), mais elle doit également ne pas être visée par le paragraphe 68.2(2). N’eût été l’article 274, l’opération aurait permis à l’appelante de recevoir un remboursement complet de la TVF, payable au taux de 13,5 %, au lieu du remboursement prévu de 8,1 %. L’avantage fiscal (défini à l’article 274) aurait été de 800 521 20 $.

Les circonstances dans lesquelles l’opération a été faite n’établissent pas l’existence d’un objectif véritable autre que l’obtention d’un avantage fiscal, et l’appelante n’a produit aucune preuve qui contredit cette conclusion. L’appelante a même concédé que la série d’opérations impliquant Uniroyal a été conclue en vue d’obtenir cet avantage fiscal. L’opération ne vise pas d’autre objectif commercial et son véritable objectif consiste à éviter des conséquences fiscales habituelles.

Le MRN pouvait invoquer la RGAÉ à un stade ultérieur même s’il ne l’avait pas mentionnée dans son avis de décision de rejeter la demande de remboursement. L’obligation du contribuable est la même, que l’avis de cotisation soit erroné ou qu’il ne lui ait jamais été envoyé. Le paragraphe 274(7) n’imposait pas au MRN l’obligation d’informer le contribuable que la RGAÉ s’appliquait. Il n’imposait pas au MRN une obligation qui différait de l’obligation, qui lui incombe habituellement, d’informer le contribuable de la raison pour laquelle une demande de remboursement est rejetée.

Il est évident que l’opération, qui a été suivie quelques jours plus tard par une autre opération dans laquelle les marchandises qui ont été vendues le 28 décembre 1990 ont été revendues à Michelin le 2 janvier 1991, démontre que l’objectif que Michelin visait en effectuant les deux opérations consistait à obtenir un remboursement de 13,5 % de la TVF payée, alors qu’en vertu du Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l’inventaire, elle aurait eu droit à un remboursement de 8,1 %.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Code civil du Bas-Canada, art. 1472.

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 74(5) (mod. par S.C. 1986, ch. 6, art. 37).

Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 50(1) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 42, art. 4), 68.2 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 34; L.C. 1993, ch. 27, art. 2), 81.19 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52), 81.21 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52), 81.22 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52), 81.23 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52), 81.24 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52), 274 (édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12).

Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l’inventaire, DORS/91-52.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; (1984), 10 D.L.R. (4th) 1; [1984] CTC 294; 84 DTC 6305; 53 N.R. 241; OSFC Holdings Ltd. c. Canada (1999), 99 DTC 1044 (C.C.I.); RMM Canadian Enterprises Inc. c. Canada, [1998] 1 C.T.C. 2300; (1997), 97 DTC 302 (C.C.I.); Riendeau (L.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 64; (1991), 91 DTC 5416; 132 N.R. 157 (C.A.F.); conf. [1990] 1 C.T.C. 141; (1989), 90 DTC 6076; 31 F.T.R. 123 (C.F. 1re inst.); Haro Pacific Enterprises Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 493; (1990), 90 DTC 6583 (C.F. 1re inst.).

APPEL d’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (Société canadienne des pneus Michelin Ltée c. M.R.N., [1995] T.C.C.E. no 20 (QL)) confirmant la décision par laquelle le MRN a rejeté la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale qu’a présentée l’appelante conformément à l’article 68.2 de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) relativement à une vente de pneus importés par Michelin à Uniroyal. Appel rejeté.

ONT COMPARU :

Dalton J. Albrecht et Richard B. Thomas pour l’appelante.

Michael F. Ciavaglia et Susanne G. Pereira pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McMillan Binch, Toronto, pour l’appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge Blais : Il s’agit d’un appel, fondé sur l’article 81.24 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52] de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, modifiée (la LTA), que Michelin North America (Canada) Inc. (Michelin) a formé contre la décision, datée du 23 mars 1995 [[1995] T.C.C.E. no 20 (QL)], que le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) a rendue à l’égard du refus du ministre du Revenu national (le ministre) d’accorder un remboursement conformément à l’article 68.2 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 34; L.C. 1993, ch. 27, art. 2] de la LTA. (Les deux parties ont déclaré que la décision était datée du 23 mars 1995; en réalité, elle est datée du 22 mars 1995.)

[2]        L’article 81.24 de la LTA prévoit que toute partie à un appel entendu par le Tribunal en vertu de l’article 81.19 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52], 81.21 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52], 81.22 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52] ou 81.23 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52] peut, dans un délai de 120 jours suivant la date d’envoi de la décision du Tribunal, en appeler de cette décision à la Section de première instance de la Cour fédérale. L’appel a été formé devant le Tribunal conformément à l’article 81.19 de la LTA.

LES FAITS

[3]        Les deux parties ont convenu de déposer un exposé conjoint des faits.

LA DÉCISION DU TCCE

[4]        Le TCCE a conclu que l’opération du 28 décembre 1990 constituait une vente légalement valable aux fins de l’article 68.2 de la LTA.

[5]        Après avoir déterminé qu’il avait compétence pour juger de l’applicabilité de la règle générale anti-évitement (RGAÉ), le Tribunal a conclu que même si les pneus importés ont été vendus par Michelin à Uniroyal, toutes les conditions nécessaires de l’article 274 [édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12] de la LTA avaient été remplies. Ayant statué que la RGAÉ s’appliquait, le Tribunal a conclu que c’est à bon droit que le ministre avait refusé le remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF).

LA POSITION DE L’APPELANTE

[6]        L’appelante soutient que l’opération était légale et qu’elle avait droit à un remboursement de la TVF, soit la somme de 2 265 929 $, en vertu de l’article 68.2 de la LTA.

[7]        L’appelante a également fait valoir que la TVF avait été payée à l’égard des marchandises sur lesquelles la demande de remboursement était fondée, conformément au paragraphe 50(1) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 42, art. 4] de la LTA. Elle fait remarquer que les marchandises ont été vendues à Uniroyal sur le fondement d’une exemption de la TVF et que la demande de remboursement a été présentée dans le délai prescrit de deux ans.

[8]        L’appelante avance que la RGAÉ ne peut être invoquée par l’intimée étant donné que cette dernière n’en a pas tenu compte lorsqu’elle a rejeté la demande de remboursement.

[9]        De façon subsidiaire, l’appelante soutient que la RGAÉ ne s’applique pas aux circonstances de l’espèce et qu’il incombe à l’intimée d’établir que l’article 68.2, voire la LTA, ont été utilisés abusivement.

LA POSITION DE L’INTIMÉE

[10]      L’intimée soutient que, vu les circonstances, la vente du 28 décembre 1990 n’était pas légalement valable et qu’en conséquence, l’appelante n’avait pas le droit de présenter une demande de remboursement de la TVF au titre de l’article 68.2 de la LTA.

[11]      De façon subsidiaire, dans le cas où la vente était légalement valable, elle était assujettie à l’application de la RGAÉ, comme le prévoit l’article 274 de la LTA. L’intimée fait valoir que la RGAÉ s’applique de façon à priver l’appelante du remboursement complet de la TVF qu’elle avait demandé.

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[12]      J’estime, sur la base du mémoire de la conférence préparatoire à l’instruction, que la présente affaires soulève deux questions litigieuses :

1.         L’opération du 28 décembre 1990 était-elle une vente non valable légalement qui privait l’appelante du remboursement qu’elle avait demandé au titre de l’article 68.2 de la Loi sur la taxe d’accise?

2.         La règle générale anti-évitement (RGAÉ) prévue à l’article 274 de la Loi sur la taxe d’accise s’applique-t-elle dans les circonstances de façon à priver l’appelante du remboursement qu’elle a demandé au titre de l’article 68.2 de la Loi sur la taxe d’accise?

L’ANALYSE

[13]      En ce qui concerne la première question litigieuse, qui porte sur la légalité de la vente, le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, qui doit établir que la vente était légale.

[14]      La clause 10 du contrat que Uniroyal et Michelin ont conclu prévoit que l’entente est conforme au droit québécois. Voici ce que le Code civil du Bas-Canada prévoit, à l’article 1472 :

1472. La vente est un contrat par lequel une personne donne une chose à une autre, moyennant un prix en argent que la dernière s’oblige de payer.

[15]      En l’espèce, les pneus ont été vendus, les états financiers des deux sociétés faisant état de la vente. En outre, un contrat d’entreposage, en vertu duquel Uniroyal versait à Michelin 30 000 $ par semaine, a été conclu. Uniroyal a également souscrit à des assurances pour la période pertinente. Les deux parties ont adopté des résolutions autorisant les ventes. L’entente ne contenait pas de condition en vue du rachat des pneus.

[16]      Mme le juge Wilson a expliqué dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, à la page 540 :

Je suis aussi d’avis que le critère de l’objet commercial et celui du trompe-l’œil sont deux critères distincts. Une opération peut être valide sans être un trompe-l’œil de quelque façon (comme en l’espèce), mais elle peut n’avoir d’autre objet commercial qu’un objet fiscal. La question est donc de savoir si le Ministre a le droit de ne pas en tenir compte pour ce seul motif. Dans l’affirmative, c’est une énorme brèche dans l’opinion incidente de lord Tomlin : [traduction] « Tout homme a le droit, s’il le peut, de diriger ses affaires de façon que son assujettissement aux impôts prescrits par les lois soit moindre qu’il ne le serait autrement », Inland Revenue Commissioners v. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1, à la p. 19. En réalité, il me semble que le critère de l’objet commercial constitue un rejet total du principe énoncé par lord Tomlin.

L’appelante serait manifestement tenue de payer l’impôt sur le revenu de l’entreprise d’aromatisants si le critère de l’objet commercial faisait partie de notre droit puisqu’il est tout à fait reconnu que, pour le groupe Finlayson, l’économie d’impôt était le seul motif de l’opération. La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Ministre du Revenu national c. Leon, [1977] 1 C.F. 249 a qualifié de trompe-l’œil une opération qui n’avait pas d’autre objet commercial que l’objet fiscal et, à mon avis, elle a eu tort de le faire. Je ne considère pas que cet arrêt-là introduit dans notre droit le critère de l’objet commercial en tant que critère distinct de celui du trompe-l'œil; s’il faut le considérer dans ce sens, je ne crois pas qu’il faille le suivre. Je crois que le principe exprimé par lord Tomlin est beaucoup trop ancré dans notre droit pour que les tribunaux puissent l’écarter en l’absence de disposition législative expresse. On ne nous a signalé aucun texte ayant cette portée, en l’espèce.

[17]      J’ai soigneusement examiné les documents qui ont été déposés relativement au contrat du 28 décembre 1990; à mon avis, c’est à bon droit que le TCCE a conclu que l’opération du 28 décembre 1990 constitue une vente légalement valable pour les fins de l’article 68.2 de la LTA.

[18]      En ce qui concerne l’applicabilité de la RGAÉ, je suis d’avis que le premier argument que l’appelante a soulevé, selon lequel la RGAÉ ne s’applique pas vu qu’elle n’a même pas été mentionnée dans la décision, n’est pas fondé. L’article 68.2, qui a été modifié en 1993, est un effet rétroactif, comme il le prévoit clairement.

[19]      Voici le libellé de l’article 274 de la LTA :

274. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« attribut fiscal » S’agissant des attributs fiscaux d’une personne, taxe, taxe nette, crédit de taxe sur les intrants, remboursement ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente partie, ainsi que tout autre montant à prendre en compte dans le calcul de la taxe, de la taxe nette, du crédit de taxe sur les intrants, du remboursement ou de l’autre montant payable par cette personne ou du montant qui lui est remboursable.

« avantage fiscal » Réduction, évitement ou report de taxe ou d’un autre montant payable en application de la présente partie ou augmentation d’un remboursement visé par la présente partie.

« opération » Y sont assimilés les conventions, les mécanismes et les événements.

(2) En cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de sorte à supprimer un avantage fiscal qui, en l’absence du présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d’une série d’opérations dont celle-ci fait partie.

(3) L’opération d’évitement s’entend :

a) soit de l’opération dont, en l’absence du présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables—l’obtention d’un avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable;

b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, en l’absence du présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables—l’obtention d’un avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.

(4) Il est entendu que l’opération dont il est raisonnable de considérer qu’elle n’entraîne pas, directement ou indirectement, d’abus dans l’application des dispositions de la présente partie lue dans son ensemble—abstraction faite du présent article—n’est pas visée par le paragraphe (2).

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2), en vue de déterminer les attributs fiscaux d’une personne de façon raisonnable dans les circonstances de sorte à supprimer l’avantage fiscal qui, en l’absence du présent article, découlerait, directement ou indirectement, d’une opération d’évitement :

a) tout crédit de taxe sur les intrants et toute déduction dans le calcul de la taxe ou de la taxe nette payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

b) tout ou partie de ce crédit ou de cette déduction peut être attribuée à une personne;

c) la nature d’un paiement ou d’un autre montant peut être qualifiée autrement;

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l’application des autres dispositions de la présente partie peuvent ne pas être pris en compte.

(6) Dans les 180 jours suivant la mise à la poste d’un avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou cotisation supplémentaire qui tient compte du paragraphe (2) en ce qui concerne une opération, toute personne (à l’exclusion du destinataire d’un tel avis) a le droit de demander par écrit au ministre d’établir à son égard une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire en application du paragraphe (2) en ce qui concerne l’opération.

(7) Nonobstant les autres dispositions de la présente partie, les attributs fiscaux d’une personne, par suite de l’application du présent article, ne peuvent être déterminés que par avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire, en tenant compte du présent article.

(8) Sur réception d’une demande présentée par une personne conformément au paragraphe (6), le ministre doit, dès que possible, après avoir examiné la demande et par dérogation aux paragraphes 298(1) et (2), établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire, en se fondant sur la demande. Toutefois, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ne peut être établie en application du présent paragraphe que s’il est raisonnable de considérer qu’elle concerne l’opération visée au paragraphe (6).

[20]      En ce qui concerne le fardeau de la preuve, je suis d’avis qu’il incombe à l’appelante. L’appelante cherche à établir qu’elle a droit à un remboursement conformément à l’article 68.2 de la LTA. Non seulement doit-elle remplir les conditions énoncées au paragraphe 68.2(1), mais elle doit également ne pas être visée par le paragraphe 68.2(2).

[21]      N’eût été l’article 274, l’opération de décembre 1990 aurait permis à l’appelante de recevoir un remboursement complet de la TVF, payable au taux de 13,5 %, par opposition au taux prévu de 8,1 % qui s’applique à d’autres contribuables dans des circonstances similaires. Cet avantage fiscal aurait procuré à l’appelante la jolie somme de 800 521 20 $.

[22]      Comme le propose l’intimée, cette somme constitue un avantage fiscal au sens de l’article 274.

[23]      Il incombe à l’appelante d’établir l’existence d’une explication objectivement raisonnable selon laquelle l’objectif principal des opérations était autre que l’obtention de l’avantage fiscal. Dans OSFC Holdings Ltd. c. Canada, la Cour a dit :

Je dois répondre aux questions suivantes se rapportant à l’application de la DGAE :

1.   Sans l’application de l’article 245, est-ce que la constitution de la 1004568, la formation de la STIL II et la vente, par la Standard à l’appelante, de la participation de la Standard dans la STIL II ou l’une quelconque de ces opérations auraient donné lieu à un avantage fiscal?

2.   Si la réponse à la première question est affirmative, est-il raisonnable de considérer que la ou les opérations ont principalement été effectuées pour des objets véritables—l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable?

3.   Si la réponse à la première question est affirmative et que la réponse à la deuxième question est négative, est-ce que la ou les opérations ont entraîné, directement ou indirectement, un abus dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble?

4.   S’il est répondu affirmativement à la première question, négativement à la deuxième question et affirmativement à la troisième, lequel des redressements prévus au paragraphe 245(5) est approprié[1]?

[24]      Les circonstances dans lesquelles les opérations ont été faites n’établissent pas l’existence d’un objectif véritable autre que l’obtention d’un avantage fiscal, et l’appelante n’a produit aucune preuve qui contredit cette conclusion.

[25]      En fait, l’appelante a concédé que la série a été conclue d’opérations impliquant Uniroyal en vue d’obtenir un remboursement de la TVF au taux de 13,5 % au lieu de 8,1 %.

[traduction] Pour obtenir un remboursement au taux de 13,5 % de la TVF que Michelin a payée au regard de l’importation des produits en cause au lieu d’un remboursement au taux de 8,1 %, Michelin a proposé de vendre à Uniroyal Goodrich, qui a accepté d’acheter, tout l’inventaire de la fin de l’exercice 1990 (l’année financière de Michelin a pris fin le 31 décembre) des produits importés, sur la base que ceux-ci sont exempts d’impôt[2].

[26]      Je suis également d’accord avec l’avocat de l’intimée que l’opération ne vise pas d’autre objectif commercial, et que son véritable objectif consiste à éviter des conséquences fiscales habituelles. À mon avis, cela constitue une application abusive de la LTA dans son ensemble :

Une opération qui est par ailleurs dépourvue de tout objectif commercial, et dont le but réel est de dépouiller le surplus de l’entreprise et d’éviter les conséquences ordinaires de pareille répartition, constitue un abus de la Loi dans son ensemble[3].

[27]      À mon sens, l’appelante a omis d’établir que l’opération du 28 décembre 1990 ne constituait pas une opération d’évitement à laquelle l’article 274 de la LTA doit s’appliquer.

[28]      L’appelante a souligné le fait que le ministre ne pouvait invoquer la RGAÉ à ce stade de l’instance devant le TCCE vu que l’avis de décision ne mentionnait pas que la demande de remboursement de l’appelante avait été rejetée sur le fondement de la RGAÉ.

[29]      Dans Riendeau (L.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 64 (C.A.F.) (Riendeau), il a été conclu à l’instruction qu’en droit, en l’absence d’une quelconque erreur considérable et fondamentale de la part du ministre, ce dernier pouvait confirmer la nouvelle cotisation qu’il avait établie, même si elle était, à l’origine, fondée sur un alinéa abrogé de la Loi de l’impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 74(5) (mod. par S.C. 1986, ch. 6, art. 37)]. La Cour d’appel, rejetant l’appel que le contribuable avait formé, a conclu que l’obligation d’un contribuable de payer la taxe était exactement la même, qu’un avis de cotisation fût erroné ou qu’un tel avis ne lui eût jamais été envoyé. En outre, la question de savoir en vertu de quel article de la Loi de l’impôt sur le revenu la cotisation a été établie importe peu. Ce qui importe, c’est que la taxe doit être payée. Le TCCE a souligné que la Cour était d’avis que le processus mental du ministre pour établir une cotisation ne saurait modifier l’assujettissement au paiement de l’impôt prescrit par la Loi de l’impôt sur le revenu même, et que le ministre pouvait corriger une erreur :

Selon nous, le processus mental du ministre pour établir une cotisation ne saurait modifier l’assujettissement d’un contribuable au paiement de l’impôt prescrit par la Loi même. Le ministre peut corriger une erreur. Le juge de première instance était fondé à rejeter l’argument de la partie appelante et à statuer que le ministre avait le droit de ratifier les nouvelles cotisations en question[4].

[30]      Le TCCE a conclu que le ministre n’était pas empêché d’invoquer la RGAÉ à ce stade de l’instance simplement parce que la détermination ou décision ne mentionnait pas que la RGAÉ constituait le fondement de la décision qui avait rejeté la demande.

[31]      L’avocat de l’appelante a soutenu qu’au paragraphe 274(7), le législateur a prévu que le ministre avait l’obligation d’informer le contribuable, au moment d’établir la cotisation ou la nouvelle cotisation, que la RGAÉ s’appliquait. Le TCCE a dit qu’il n’était pas convaincu que le paragraphe 274(7) imposait au ministre une obligation qui différait de l’obligation, qui lui incombe habituellement, d’informer le contribuable de la raison pour laquelle une demande de remboursement était rejetée. Il a fait remarquer que le paragraphe 274(7) mentionnait simplement que la RGAÉ ne devait être appliquée que dans le cadre de l’établissement d’une cotisation, nouvelle cotisation, détermination ou nouvelle détermination, et qu’à son avis, cette obligation ne différait pas de l’obligation de déterminer les impôts à payer par l’entremise de tels moyens, en vertu d’autres articles de la Loi. Le TCCE a ensuite souligné, encore une fois, que le ministre ne pouvait, à l’époque de l’avis de détermination, savoir que la RGAÉ pouvait s’appliquer, et qu’en outre, les paragraphes 274(7) et 68.2(2) de la Loi sur la taxe d’accise ne prévoyaient pas qu’une telle obligation aurait pu lui incomber, au moment où il émettait un avis de décision.

[32]      En conséquence, le TCCE a conclu qu’il avait effectivement compétence pour examiner l’applicabilité de la RGAÉ. Il a ensuite conclu que la RGAÉ s’appliquait de façon à priver l’appelante du remboursement prévu à l’article 68.2.

[33]      À mon avis, cette analyse est raisonnable, et je suis convaincu que la RGAÉ s’applique. Je ne vois aucune raison d’intervenir.

[34]      Dans Haro Pacific Enterprises Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 493 (C.F. 1re inst.), à la page 496, le juge Reed a clairement établi qu’en analysant une opération, la Cour ne peut considérer qu’une autre opération n’est pas pertinente cinq jours plus tard dans le cas où cette dernière opération fait ressortir la véritable considération qui sous-tend la première opération :

J’admets que des propriétés appartenant à la demanderesse ont été transférées à la société de personnes, ce qui a fait naître la possibilité d’une option fondée sur le paragraphe 97(2). Cependant, la contrepartie obtenue lors de ce transfert se composait, comme l’a dit l’avocat de la défenderesse, d’une participation dans la société de personnes ainsi que d’une somme de 950 000 $ payée en espèces quelques jours après le transfert. Toute autre description des faits serait extrêmement artificielle. En conséquence, l’alinéa 85(1)b) s’applique. Le montant que la contribuable a reçu lors du transfert de la propriété à la société de personnes était supérieur à la somme convenue entre la demanderesse et la société en question dans leur option fondée sur le paragraphe 97(2). En conséquence, le ministre a eu raison de traiter comme il l’a fait le produit que la demanderesse a reçu de la vente de la propriété.

Pour les motifs exprimés ci-dessus, la demande de la demanderesse est rejetée; la défenderesse a droit à ses dépens en l’espèce.

CONCLUSION

[35]      En l’espèce, je suis convaincu que l’opération que Michelin et Uniroyal ont effectuée le 28 décembre 1990 constitue une vente en vertu de l’article 68.2 de la Loi. Néanmoins, il est évident que cette opération, qui a été suivie quelques jours plus tard par une autre opération dans laquelle les marchandises qui ont été vendues le 28 décembre 1990 ont été revendues à Michelin le 2 janvier 1991, démontre que l’objectif que Michelin visait en effectuant les deux opérations consistait à obtenir le remboursement complet de 13,5 % de la TVF payée, bien qu’en vertu du Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l’inventaire [DORS/91-52], elle n’aurait eu droit qu’à un remboursement de 8,1 % de la TVF payée.

[36]      L’avocat de l’appelante a clairement établi que sa cliente avait payé 13,5 % de TVF au regard de son inventaire, et que la décision du ministre aura pour effet, par l’entremise du Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l’inventaire, de lui donner droit à un remboursement de seulement 8,1 % de la TVF payée. Ainsi, en vertu de la décision, l’appelante aura payé 800 521, 20 $ de taxes en trop, mais, pour les motifs qui précèdent, notre Cour ne peut intervenir.

[37]      Pour ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens.



[1] (1999), 99 DTC 1044 (C.C.I.), à la p. 1054; cahier de jurisprudence de l’intimée, onglet no 11.

[2] Exposé conjoint des faits, à la p. 5, par. 11, dossier de l’instruction, vol. 1, onglet no 3.

[3] RMM Canadian Enterprises Inc. c. Canada, [1998] 1 C.T.C. 2300 (C.C.I.), aux p. 2325 et 2326; cahier de jurisprudence de l’intimée, onglet no 14.

[4] Riendeau, supra, à la page 65.

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