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[2000] 4 C.F. 373

A-671-98

Brian A. Donovan (appelant)

c.

Sa Majesté la Reine et le Procureur général du Canada (intimés)

Répertorié : Donovan c. Canada (Procureur général) (C.A.)

Cour d’appel, juge en chef Richard, juges Linden et Robertson, J.C.A.—Fredericton, 10 mai; Ottawa, 6 juin 2000.

Impôt sur le revenu — Nouvelle cotisation — Annulation de la nouvelle cotisation — Appel d’une décision de la C.C.I. qui a rejeté l’appel interjeté des nouvelles cotisations établies mettant en cause des revenus qui ont été touchés, mais qui n’ont pas été déclarés — L’appelant soutient que les actes répréhensibles qui ont été commis à son égard constituent, de façon cumulative, des motifs suffisants pour justifier l’annulation des nouvelles cotisations — Pour que les nouvelles cotisations soient annulées, la conduite doit constituer une violation flagrante et inacceptable des droits de l’appelant; la mesure de redressement plus légère que constitue l’annulation de la preuve doit être inadéquate quant à la violation de la Charte; les éléments de preuve obtenus illégalement doivent être tellement essentiels aux nouvelles cotisations que celles-ci ne pouvaient pas être maintenues sans eux — Pris ensemble, les quatre actes répréhensibles n’étaient pas flagrants et inacceptables au point de justifier la mesure de réparation extrême que constitue l’annulation de ces nouvelles cotisations, compte tenu de l’importance minimale des éléments de preuve additionnels obtenus au moyen de ces violations — Il n’est pas injuste envers l’appelant de l’obliger à aller en procès, parce que la Couronne est vraisemblablement capable de prouver ses prétentions au moyen d’éléments de preuve obtenus légalement.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Recours — L’art. 24(2) de la Charte permet que des éléments de preuve soient écartés lorsqu’ils ont été obtenus d’une manière qui porte atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte si leur admission est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice — Dans cette affaire concernant une nouvelle cotisation relative à l’impôt sur le revenu, l’appelant soutient que l’effet cumulatif des actes répréhensibles commis à son égard constitue un motif suffisant pour exclure des éléments de preuve en application de l’art. 24(2) — 1) La production par le vérificateur de la déclaration de revenu de l’appelant sans son consentement ne constitue pas une violation grave de ses droits — 2) Le fait qu’il y ait eu, à l’insu de l’appelant, collaboration entre les vérificateurs et les enquêteurs en matière criminelle ne justifie pas l’exclusion des éléments de preuve en l’espèce — Le critère établi par la C.S.C. pour l’exclusion des éléments de preuve aux termes de l’art. 24(2) a été énoncé en contexte criminel — Les tribunaux ont exclu des éléments de preuve entachés d’un tel vice dans le cadre de poursuites criminelles — Cependant, le pouvoir discrétionnaire d’exclure des éléments de preuve doit être exercé avec plus de retenue dans les instances civiles — 3) Les mandats de perquisition décernés en vertu de l’art. 231.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu ont été déclarés inconstitutionnels par suite d’une décision rendue subséquemment par la C.S.C. — Même si la perquisition effectuée en vertu de ces mandats est sérieuse et abusive, elle n’a pas été effectuée de mauvaise foi — L’admission des éléments de preuve qui en résultent ne déconsidère pas l’administration de la justice — 4) Cependant, les perquisitions effectuées subséquemment en vertu des nouveaux mandats qui ont été décernés sur la foi de renseignements incomplets sont abusives et déconsidéreraient l’administration de la justice — La décision de la C.C.I. est modifiée de façon à exclure les nouveaux éléments de preuve qui ont été obtenus conformément au second mandat.

Il s’agit d’un appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt qui a rejeté les appels interjetés des cotisations établies pour les années d’imposition 1986, 1987 et 1988. L’appelant a soutenu que l’effet cumulatif des quatre principaux « actes répréhensibles » qui avaient été commis à son égard pour ce qui est des perquisitions et des saisies constitue un motif suffisant pour annuler les nouvelles cotisations mettant en cause des revenus que l’appelant a touchés, mais qu’il n’a pas déclarés; subsidiairement, il a soutenu que les éléments de preuve obtenus illégalement devraient être écartés en application du paragraphe 24(2) de la Charte. Le paragraphe 24(2) permet que des éléments de preuve soient écartés lorsqu’ils ont été obtenus d’une manière qui porte atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte si leur admission est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

Le premier « acte répréhensible » reproché est le fait que la déclaration de revenu de l’appelant ait été produite sans l’autorisation de celui-ci. L’appelant avait préalablement signé un formulaire de déclaration de revenu non rempli et avait autorisé son comptable à le remplir et à le produire pour lui. Le comptable a montré au vérificateur une ébauche de la déclaration de revenu. Une fois la vérification terminée, le vérificateur a apporté la déclaration de revenu à son bureau et l’a produite. Le deuxième acte répréhensible porte sur la collaboration entre le personnel chargé d’effectuer la vérification et les enquêteurs en matière criminelle au cours des étapes initiales de l’enquête. Le troisième acte répréhensible tient à ce que les mandats de perquisition qui ont été décernés en vertu de l’article 231.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu ont par la suite été déclarés inconstitutionnels, de sorte qu’ils étaient nuls. Le quatrième acte répréhensible porte sur le fait qu’au lieu de restituer les documents illégalement saisis aux avocats de l’appelant à l’époque, tel qu’il avait été convenu, les représentants de la Couronne les ont immédiatement saisis de nouveau aux termes de nouveaux mandats. Les nouveaux mandats ont été décernés sans que la Cour ait été informée du fait que l’appelant avait dans le passé intenté une action pour la restitution des documents, que Revenu Canada avait tenté en vain d’obtenir un autre mandat et que les représentants de la Couronne avaient accepté de restituer les documents.

Les questions en litige consistent à savoir : 1) si la conduite inconstitutionnelle de certains fonctionnaires dans l’exécution des saisies et perquisitions effectuées dans les locaux de l’appelant et dans ses dossiers doit donner lieu à l’annulation des nouvelles cotisations à la lumière de la décision rendue dans O’Neill Motors Ltd. c. R., [1996] 1 C.T.C. 2714 (C.C.I); conf. par [1998] 4 C.F. 180 (C.A.); 2) subsidiairement, si les éléments de preuve obtenus lors de ces perquisitions illégales devraient être rejetés en application du paragraphe 24(2) de la Charte.

Arrêt : l’appel est accueilli en partie.

La production de la déclaration de revenu de l’appelant sans son consentement ne constitue pas une violation grave de ses droits. Vu qu’on a permis au vérificateur d’emporter avec lui la déclaration de revenu, on pourrait prétendre que le comptable a accepté de la produire et, par conséquent, que l’appelant avait indirectement accepté de la produire.

Les représentants du gouvernement doivent prendre garde d’abuser de leur pouvoir d’enquêter à des fins civiles dans le but d’obtenir des renseignements qui seront utilisés dans des poursuites criminelles. Les cours se sont empressées d’écarter les éléments de preuve entachés d’un tel vice de toute poursuite criminelle fondée sur ces mêmes éléments de preuve. Il convient d’établir une distinction entre les saisies en matière criminelle ou quasi-criminelle et les saisies en matière administrative et de réglementation pour juger si le fait d’admettre les éléments de preuve déconsidérerait l’administration de la justice. L’utilisation, dans une poursuite criminelle, d’éléments de preuve entachés de vice constitue une question beaucoup plus grave que s’il s’agissait d’une instance civile, de sorte que le pouvoir discrétionnaire d’une cour devrait être exercé beaucoup plus libéralement dans une affaire criminelle, où la liberté de l’intéressé est en cause.

La perquisition inconstitutionnelle est sérieuse et abusive, mais elle n’a pas été faite de mauvaise foi, puisque les représentants du gouvernement n’étaient pas au courant que les mandats leur avaient été décernés en vertu d’une disposition législative inconstitutionnelle. Le fait d’admettre ces éléments de preuve ne déconsidérerait pas l’administration de la justice, à tout le moins dans une affaire civile comme celle-ci.

Cependant, la violation de l’entente relative à la restitution des documents et l’omission de communiquer des renseignements importants à la cour est indéfendable. La perquisition effectuée en vertu de ce mandat était clairement abusive et déconsidérerait l’administration de la justice.

Pour que les nouvelles cotisations soient annulées, la conduite doit constituer une violation flagrante et inacceptable des droits de l’appelant. Il doit également être établi que la mesure de redressement plus légère que constitue l’annulation de la preuve n’est pas adéquate quant à la violation de la Charte, et il faut qu’il soit clair que les éléments de preuve obtenus illégalement étaient tellement essentiels aux nouvelles cotisations que celles-ci ne pouvaient pas être maintenues sans eux. Ce type de mesure de redressement extrême est réservé aux cas de graves atteintes aux droits pour lesquels les autres réparations s’avèrent insuffisantes. Par conséquent, même si, pris ensemble, les quatre actes répréhensibles commis par les représentants de la Couronne étaient graves, ils n’étaient pas flagrants et inacceptables au point de justifier la mesure de réparation extrême que constitue l’annulation de ces nouvelles cotisations, compte tenu de l’importance minimale des éléments de preuve additionnels obtenus au moyen de ces violations. L’appelant a reconnu ne pas avoir déclaré certains revenus. La plupart des éléments de preuve nécessaires à l’instance avaient déjà été obtenus légalement. Il se peut que les éléments de preuve obtenus légalement suffisent à étayer les nouvelles cotisations. Il ne serait donc pas injuste envers l’appelant de l’obliger à aller en procès, parce que la Couronne est vraisemblablement capable de prouver entièrement ses prétentions au moyen d’éléments de preuve obtenus légalement.

Pour ce qui est de l’exclusion des éléments de preuve, pris cumulativement, les trois premiers actes répréhensibles sont insuffisants pour justifier la délivrance d’une ordonnance qui écarterait les éléments de preuve ainsi obtenus. Admettre ces éléments de preuve compte tenu de toutes les circonstances ne déconsidérerait pas l’administration de la justice. Quant au quatrième acte répréhensible, soit la perquisition illégale, celle-ci a fourni des renseignements nouveaux concernant quelque 50 000 $ de revenus additionnels non déclarés. Permettre l’admission de ces éléments de preuve obtenus de façon blâmable déconsidérerait l’administration de la justice. La décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt sera donc modifiée de façon à exclure les nouveaux éléments de preuve liés aux paiements d’une somme totale de 50 000 $, éléments qui ont été obtenus conformément au second mandat. L’annulation de ces éléments de preuve aura pour effet d’empêcher le ministre d’établir que le contribuable a reçu les 50 000 $ et doit entraîner une nouvelle cotisation modifiée qui tienne compte de ce fait.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 8, 24(2).

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 163(2) (mod. par L.C. 1988, ch. 55, art. 142), 231.3 (édicté par S.C. 1986, ch. 6, art. 121).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265; (1987), 38 D.L.R. (4th) 508; [1987] 3 W.W.R. 699; 13 B.C.L.R. (2d) 1; 33 C.C.C. (3d) 1; 56 C.R. (3d) 193; 28 C.R.R. 122; 74 N.R. 276; R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627; (1990), 68 D.L.R. (4th) 568; 55 C.C.C. (3d) 530; 76 C.R. (3d) 283; 47 C.R.R. 151; [1990] 2 C.T.C. 103; 90 DTC 6243; 106 N.R. 385; 39 O.A.C. 385; Baron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416; (1993), 99 D.L.R. (4th) 350; 78 C.C.C. (3d) 510; 18 C.R. (4th) 374; 13 C.R.R. (2d) 65; 1 C.T.C. 111; 93 DTC 5018; 146 N.R. 270.

DISTINCTION FAITES D’AVEC :

Canada c. O’Neill Motors Ltd., [1998] 4 C.F. 180 (1998), 162 D.L.R. (4th) 248; 98 DTC 6424; 228 N.R. 349 (C.A.); O’Neill Motors Ltd. c. R., [1996] 1 C.T.C. 2714; (1995), 96 DTC 1486 (C.C.I.).

DÉCISIONS CITÉES :

R. v. Norway Insulation Inc. (1995), 28 O.R. (3d) 432; [1995] 2 C.T.C. 451; 29 C.R.R. (3d) 163; 95 DTC 5328 (Div. gén.); R. v. Warawa (A.J.) (1997), 208 A.R. 81; [1998] 4 W.W.R. 597; 56 Alta. L.R. (3d) 67; 98 DTC 6471 (B.R.); R. v. Saplys (1999), 132 C.C.C. (3d) 515 (Div. gén. Ont.).

APPEL d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt qui a rejeté les appels interjetés des cotisations établies pour les années d’imposition 1986, 1987 et 1988 au motif que l’effet cumulatif des actes répréhensibles commis à l’égard de l’appelant constituait un motif suffisant pour annuler les nouvelles cotisations mettant en cause des revenus qui ont été touchés, mais qui n’ont pas été déclarés, ou pour exclure des éléments de preuve en application du paragraphe 24(2) de la Charte (Donovan c. R., [1999] 1 C.T.C. 2140; (1998), 98 DTC 2140 (C.C.I.)). Appel accueilli en partie.

ONT COMPARU :

David R. Oley pour l’appelant.

John W. Smithers pour les intimés.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mockler, Peters, Oley, Rouse & Williams, Fredericton, pour l’appelant.

Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Linden, J.C.A. : La principale question en litige soulevée dans le présent appel est de décider si la conduite inconstitutionnelle de certains fonctionnaires dans l’exécution de diverses perquisitions effectuées dans les locaux de l’appelant et si les dossiers de l’appelant saisis lors de ces perquisitions devraient amener la Cour à annuler les nouvelles cotisations en cause en se fondant sur la décision rendue dans O’Neill Motors Ltd. c. R., [1996] 1 C.T.C. 2714 (C.C.I.); confirmée par sub nom. Canada c. O’Neill Motors Ltd., [1998] 4 C.F. 180 (C.A.). Il y a une question secondaire quant à savoir si, advenant le cas où il n’y aurait pas de motifs suffisants pour faire annuler les nouvelles cotisations, les éléments de preuve obtenus lors de ces perquisitions illégales devraient être rejetés en application du paragraphe 24(2) de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]].

[2]        Il s’agit d’un appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt [Donovan c. R., [1999] 1 C.T.C. 2140] qui a rejeté les appels interjetés à la suite de cotisations faites aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] concernant les années d’imposition 1986, 1987 et 1988. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a accueilli un appel portant sur la cotisation établie pour l’année d’imposition 1988 en ce qui concerne l’imposition de pénalités; cette décision n’ayant pas été portée en appel, notre Court n’en est par conséquent pas saisie.

[3]        En l’occurrence, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a refusé d’appliquer tant le recours prévu dans l’affaire O’Neill Motors que celui prévu au paragraphe 24(2). Je partage l’avis du juge selon lequel, eu égard aux faits en cause, le recours qui consisterait à annuler les nouvelles cotisations n’est pas fondé et la plupart des éléments de preuve ne devraient pas être écartés, mais je ne suis pas d’accord sur la question de l’exclusion de certains éléments de preuve obtenus lors de la deuxième perquisition effectuée le 17 juillet 1990.

[4]        Il n’y a pas lieu de donner en détail tous les faits de la présente affaire; ils sont bien décrits dans les motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt. Je vais m’en tenir aux éléments contestés qui sont pertinents quant à la présente instance, tel qu’ils ont été présentés dans leurs grandes lignes par les avocats, c’est-à-dire les circonstances entourant les perquisitions et les saisies reprochées. L’avocat de l’appelant a soutenu avec vigueur que quatre « actes répréhensibles » principaux avaient été commis contre l’appelant pour ce qui est des perquisitions et des saisies et qu’on devrait juger que, cumulativement, ils constituent des motifs suffisants pour annuler les nouvelles cotisations établies pour les années 1986, 1987 et 1988. Ces nouvelles cotisations mettaient en cause des revenus que le contribuable a admis avoir touchés, mais qu’il n’a pas déclarés. Subsidiairement, il est soutenu que les éléments de preuve obtenus illégalement devraient être écartés.

[5]        Le premier « acte répréhensible » reproché est le fait que M. Gordon MacDonald, de la Direction de la vérification comptable, ait produit la déclaration de revenu de l’appelant pour 1988 sans l’autorisation de celui-ci. M. MacDonald soupçonnait l’appelant d’avoir reçu certains chèques de la Miramichi Pulp and Paper et de ne pas les avoir déclarés. Le 25 septembre 1989, lors d’une vérification comptable effectuée au bureau de l’appelant et au cabinet de M. Allen, son comptable, celui-ci a montré à M. MacDonald une ébauche de la déclaration de revenu de l’appelant pour l’année 1988. L’appelant avait préalablement signé un formulaire de déclaration de revenu non rempli et il avait autorisé son comptable, M. Allen, à le remplir et à le produire pour lui. M. Allen avait rempli le formulaire et l’a remis à M. MacDonald au cours de la vérification comptable. Une fois la vérification terminée, M. MacDonald a apporté la déclaration de revenu au bureau de Revenu Canada à Saint John et l’a produite sans avoir préalablement obtenu l’autorisation expresse de l’appelant à cet effet. M. MacDonald, tel qu’il est exigé, n’avait reçu de l’appelant que l’autorisation écrite de discuter de la déclaration de revenu avec M. Allen. L’avocat a soutenu que le fait pour M. MacDonald d’avoir produit l’ébauche de déclaration de revenu de l’appelant constituait une question grave qui devrait influer sur la décision d’annuler les nouvelles cotisations.

[6]        À mon avis, toutefois, on ne peut juger que cette série d’événements constitue une violation grave des droits de l’appelant. Après tout, c’est lui qui a signé le document en blanc et qui a confié à son comptable, M. Allen, le soin de le préparer et de le produire. Il s’agit là d’une dangereuse façon de gérer ses affaires. Compte tenu que M. Allen a montré la déclaration de revenu à M. MacDonald et qu’il lui a permis de l’emporter, on pourrait prétendre que ce dernier avait le consentement du comptable de la produire et, par conséquent, qu’il avait indirectement le consentement de l’appelant. Il n’est pas clair qu’il se soit agi là d’une abominable machination. Ce n’est que par après qu’on en a fait toute une histoire. Rien ne prouve que des efforts aient été faits pour récupérer la déclaration de revenu de 1988 produite de façon irrégulière. Je n’estime pas qu’il s’agissait là d’une question grave; c’était seulement imprudent. Quoiqu’il en soit, l’appelant a obtenu réparation dans une certaine mesure pour la conduite critiquable qui a pu entourer la production de sa déclaration de revenu pour l’année 1988. Étant donné les circonstances inhabituelles dans lesquelles la déclaration de revenu a été produite, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a considéré opportun d’annuler les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) [mod. par L.C. 1988, ch. 55, art. 142] de la Loi relativement à la déclaration de revenu. Cette partie de la décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas été portée en appel et continue par conséquent de s’appliquer.

[7]        Le deuxième acte répréhensible soulevé par l’avocat de l’appelant porte sur ce qu’il a appelé l’« entremêlement » du personnel chargé d’effectuer la vérification ainsi que de l’Unité des enquêtes spéciales (UES), notamment lors d’une vérification qui s’est déroulée les 21 et 22 novembre 1989. À ces dates, M. MacDonald, accompagné par un certain Terry LeBlanc, un membre de l’UES, a rencontré l’appelant et M. Allen. M. MacDonald n’a prévenu ni l’appelant ni M. Allen que M. LeBlanc était membre de l’UES, une unité chargée des enquêtes criminelles. S’ils avaient su que l’UES était mêlée à l’affaire, l’appelant et M. Allen auraient alors, paraît-il, consulté un avocat pour connaître leurs droits. L’avocat de la Couronne dit qu’aucun renseignement nouveau d’importance n’a été obtenu lors de ces vérifications comptables et qu’il n’y avait vraiment pas d’enquête de nature « criminelle » en cours à l’époque. Il a donné à entendre que la réunion était simplement l’occasion de « zieuter » l’appelant, de voir sa réaction à l’allégation selon laquelle il aurait omis de déclarer certains revenus. Toutefois, il semble que l’UES aurait effectué d’autres travaux sans que l’appelant en ait été informé. Le dossier a été transféré à l’UES en décembre 1989. Il y a eu diverses communications entre l’appelant et le gouvernement sans que l’appelant sache que l’UES menait une enquête le concernant.

[8]        Cet « entremêlement », aux dires de l’avocat de la Couronne, a de quoi inquiéter. Les représentants du gouvernement doivent prendre garde d’abuser de leur pouvoir d’enquêter à des fins civiles dans le but d’obtenir des renseignements qui seront utilisés dans des poursuites criminelles. Dans les cas où cela s’est produit, les cours se sont empressées d’écarter les éléments de preuve entachés d’un tel vice de toute poursuite criminelle fondée sur ces mêmes éléments de preuve. (Voir R. v. Norway Insulation Inc. (1995), 28 O.R. (3d) 432 (Div. gén.); R. v. Warawa (A.J.) (1997), 208 A.R. 81 (B.R.); R. v. Saplys (1999), 132 C.C.C. (3d) 515 (Div. gén. Ont.).)

[9]        Le sens du paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés a été examiné longuement par la Cour suprême du Canada dans le cadre de poursuites criminelles. Dans R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, la Cour suprême du Canada a énoncé clairement le critère bien connu qui permet d’écarter des éléments de preuve. Les deux questions à se poser lorsqu’on envisage d’écarter des éléments de preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte sont les suivantes : 1) la fouille était-elle abusive; et 2) dans l’affirmative, eu égard à toutes les circonstances, l’utilisation de l’élément de preuve est-elle susceptible de déconsidérer l’administration de la justice (l’arrêt Collins, précité, aux pages 276 et 277)? La Cour suprême a statué qu’ « [u]ne fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même n’a rien d’abusif et si la fouille n’a pas été effectuée d’une manière abusive » (l’arrêt Collins, à la page 278). Pour ce qui est du deuxième volet du critère, la Cour suprême a expliqué (aux pages 283 et 284) :

Le paragraphe 24(2) enjoint au juge qui détermine si l’utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, de tenir compte de « toutes les circonstances ». […] Les facteurs les plus souvent retenus par les tribunaux sont les suivants :

—   quel genre d’éléments de preuve a été obtenu?

—   quel droit conféré par la Charte a été violé?

—   la violation de la Charte était-elle grave ou s’agissait-il d’une simple irrégularité?

—   la violation était-elle intentionnelle, volontaire ou flagrante, ou a-t-elle été commise par inadvertance ou de bonne foi?

—   la violation a-t-elle eu lieu dans une situation d’urgence ou de nécessité?

—   aurait-on pu avoir recours à d’autres méthodes d’enquête?

—   les éléments de preuve auraient-ils été obtenus en tout état de cause?

—   s’agit-il d’une infraction grave?

—   les éléments de preuve recueillis sont-ils essentiels pour fonder l’accusation?

—   existe-t-il d’autres recours?

[10]      Dans l’arrêt Collins, la Cour suprême a traité de la question d’écarter des éléments de preuve en matière criminelle. L’affaire qui nous occupe soulève la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire de la Cour d’écarter des éléments de preuve en application du paragraphe 24(2) devrait être exercé aussi libéralement dans les affaires civiles que dans les affaires criminelles. Le raisonnement de Mme le juge Wilson dans R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627 nous est utile relativement à cette question. Examinant le caractère raisonnable d’une saisie exécutée en application d’un article de la Loi de l’impôt sur le revenu, le juge Wilson a conclu qu’il est conforme à l’interprétation souple et fondée sur l’objectif visé de l’article 8 de la Charte de « faire une distinction entre, d’une part, les saisies en matière criminelle ou quasi criminelle auxquelles s’appliquent dans toute leur rigueur les critères énoncés dans l’arrêt Hunter et, d’autre part, les saisies en matière administrative et de réglementation, auxquelles peuvent s’appliquer des normes moins strictes selon le texte législatif examiné » (l’arrêt McKinlay, précité, à la page 647). Une telle distinction semble également indiquée pour juger si le fait d’admettre les éléments de preuve déconsidérerait l’administration de la justice.

[11]      En l’occurrence, ce qui est demandé avec insistance c’est que la « coopération » entre la direction de la vérification et l’UES, dans les premières phases de l’enquête, mène à l’annulation des nouvelles cotisations ou à l’exclusion des éléments de preuve dans une poursuite civile de la même façon qu’elle le ferait dans une poursuite criminelle. Je mets dans la catégorie des instances civiles les affaires où il est question d’une pénalité civile à payer relativement à une infraction à une loi fiscale. À mon avis, l’utilisation, dans une poursuite criminelle, d’éléments de preuve entachés de vice constitue une question beaucoup plus grave que s’il s’agissait d’une instance civile de sorte que le pouvoir discrétionnaire d’une cour devrait être exercé beaucoup plus libéralement dans une affaire criminelle, où la liberté de l’intéressé est en cause. Toutefois, un tel pouvoir discrétionnaire pourrait être utilisé avec plus de retenue dans les affaires civiles, où la liberté n’est pas menacée et où l’obligation de payer des impôts constitue le seul enjeu.

[12]      Un troisième acte répréhensible, dont l’existence a été clairement établie, tient à ce que des mandats de perquisition inconstitutionnels ont été décernés le 10 juillet 1990 en vertu de l’article 231.3 [édicté par S.C. 1986, ch. 6, art. 121] de la Loi de l’impôt sur le revenu autorisant la perquisition du domicile de l’appelant, de son entreprise et du cabinet de son comptable et la saisie de certains documents; ces mandats ont été exécutés le 17 juillet 1990. Une action mettant en doute la validité constitutionnelle de ces mandats a été intentée par l’appelant en 1991 et est restée en suspens jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada fasse connaître sa décision, le 21 janvier 1993, dans l’affaire Baron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416. Il a été décidé, dans Baron, que l’article 231.3 était inconstitutionnel, ce qui fait que les mandats de perquisition utilisés dans la présente affaire étaient indiscutablement nuls. Des négociations ont suivi en vue de la restitution des documents saisis.

[13]      Ce troisième acte répréhensible était grave. Une perquisition inconstitutionnelle est quelque chose de sérieux. En l’occurrence, étant donné l’arrêt de la Cour suprême dans Baron, cette perquisition n’était pas autorisée par la loi en raison de l’inconstitutionnalité de l’article et était, par conséquent, abusive. La question qui reste à trancher relativement à la perquisition est de savoir si le fait d’admettre en preuve les éléments de preuve obtenus au moyen de la perquisition aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice. Je suis d’accord avec les propos du juge de la Cour canadienne de l’impôt énoncés dans son analyse des facteurs ainsi qu’avec sa conclusion que les éléments de preuve en cause n’avaient pas été obtenus en mobilisant l’intéressé contre lui-même. La perquisition n’a pas été faite de mauvaise foi : les représentants du gouvernement n’étaient simplement pas au courant que les mandats qu’ils avaient obtenus et exécutés leur avaient été décernés en vertu d’une disposition législative inconstitutionnelle. Il est difficile de s’imaginer, s’il s’agissait là de tout ce qui s’est passé dans la présente affaire, que le fait d’admettre ces éléments de preuve déconsidérerait l’administration de la justice, à tout le moins dans une affaire civile comme celle-ci.

[14]      Le quatrième acte répréhensible est, à mon sens, le plus grave, et exige une réparation quelconque. Suite à l’arrêt de la Cour suprême dans Baron, les représentants de la Couronne ont accepté de restituer les documents saisis illégalement au cabinet de Mockler, Allen & Dixon, les avocats de l’appelant à l’époque. Au lieu de procéder à la restitution de la façon prévue, les représentants ont élaboré un stratagème par lequel ils ne restitueraient pas vraiment les documents, mais les remettraient provisoirement pour immédiatement les saisir de nouveau aux termes d’un nouveau mandat conforme à la loi. Le 26 janvier 1993, les représentants ont apporté les documents non pas au bureau de l’avocat, tel qu’il avait été convenu, mais au garage où l’appelant exploitait anciennement son entreprise ainsi qu’au cabinet du comptable. En même temps, le 26 janvier 1993, ils demandaient à la Cour de décerner de nouveaux mandats sans bien informer celle-ci du fait que l’appelant avait dans le passé intenté une action pour la restitution des documents, que Revenu Canada avait tenté en vain d’obtenir un autre mandat le 18 mai 1991, et que les représentants avaient accepté de restituer les documents au cabinet d’avocats. Les nouveaux mandats ont été décernés sur la foi des renseignements incomplets et les documents qui devaient être restitués ont été saisis de nouveau.

[15]      Cette dernière conduite est non seulement répréhensible, mais aussi illégale. Les mandats ont été annulés à juste titre, sur requêtes, le 29 novembre 1993. La conduite des représentants du gouvernement en cette occasion, notamment la violation de l’entente avec le cabinet d’avocats et l’omission de communiquer des renseignements importants à la Cour qui a décerné les mandats, est indéfendable. Pour reprendre l’analyse faite dans l’arrêt Collins, la perquisition effectuée en vertu de ce mandat était, à mon avis, clairement abusive et déconsidérerait l’administration de la justice. Une réparation quelconque devrait être accordée pour montrer que ce type de conduite ne peut être toléré.

LA RÉPARATION

[16]      Bien que les faits de l’arrêt O’Neill Motors ressemblent à ceux de la présente affaire, ils diffèrent sur des points importants. Dans les deux cas, la première saisie a été effectuée en vertu de l’article 231.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu jugé inconstitutionnel. Dans les deux cas, les représentants du gouvernement ont obtenu un second mandat sans avoir fourni tous les renseignements à la Cour et ils ont saisi de nouveau les documents. La similitude s’arrête là.

[17]      La première différence importante entre l’arrêt O’Neill Motors et l’affaire qui nous occupe se rapporte à la première perquisition effectuée sous l’autorité du mandat obtenu en vertu de l’article 231.3. Les éléments de preuve obtenus grâce à la première perquisition ont été écartés dans l’arrêt O’Neill Motors. Mais la décision d’écarter ces éléments de preuve était fondée sur la conclusion du juge de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle la conduite des fonctionnaires du ministère du Revenu national constituait une infraction « flagrante et inacceptable ». Nous n’avons pas trouvé de conduite semblable relativement à la première perquisition dans la présente affaire, ce qui fait que les éléments de preuve ainsi obtenus ne devraient pas être jugés inadmissibles.

[18]      Le deuxième trait particulier important qui distingue l’arrêt O’Neill Motors de la présente affaire est le fait que dans cet arrêt, l’exclusion des éléments de preuve entachés de vice aurait équivalu à l’annulation des cotisations parce qu’il ne restait rien sur quoi fonder l’instance. Cela tient au fait que les nouvelles cotisations dans O’Neill Motors ont été émises au-delà du délai imparti normalement pour l’émission de nouvelles cotisations, ce qui a eu pour effet de faire passer à la Couronne le fardeau de prouver la fraude ou la négligence de la part du contribuable pour pouvoir émettre les nouvelles cotisations. Dans la présente affaire, les nouvelles cotisations ont été émises en temps opportun et les éléments de preuve entachés de vice ne sont pas nécessaires à l’élimination d’un empêchement procédural quelconque. De plus, une bonne partie des documents et des renseignements obtenus grâce aux diverses activités contestées dans la présente instance avaient déjà été recueillie légalement. Depuis le début, l’appelant a reconnu ne pas avoir déclaré certains revenus. Par conséquent, alors que dans l’arrêt O’Neill Motors, il aurait été « des plus improbables » que le ministre réussisse à s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait et où il aurait été répréhensible d’« obliger le contribuable à se donner le mal de procéder devant la Cour canadienne de l’impôt pour voir si le ministère serait capable de s’acquitter du fardeau » (l’arrêt O’Neill Motors, C.A.F. précité, à la page 187), dans la présente affaire, la plupart des éléments de preuve nécessaires à l’instance avaient déjà été obtenus légalement. Contrairement à l’arrêt O’Neill Motors, il n’est pas clair dans l’affaire qui nous occupe que, sans les éléments de preuve entachés de vice, les nouvelles cotisations ne seraient pas maintenues à l’instruction.

[19]      Il a clairement été établi dans O’Neill Motors que l’annulation des cotisations, bien s’il s’agisse là d’une mesure de redressement possible dans certaines circonstances, ne doit pas être accordée automatiquement. La conduite doit constituer « une violation flagrante et inacceptable des droits de l’appelant » (voir l’arrêt Collins, précité). De plus, au moins en matière civile, l’arrêt O’Neill Motors donne à entendre qu’une plus ample réparation ne serait appropriée que dans les cas où restreindre la réparation à l’exclusion des éléments de preuve « aurait pour effet […] d’annuler les droits mêmes que la Charte garantit » (l’arrêt O’Neill Motors, C.C.I. précité, à la page 2728). Autrement dit, avant qu’une nouvelle cotisation puisse être annulée, on doit avoir établi que la mesure de redressement plus légère que constitue l’annulation de la preuve n’est pas adéquate quant à la violation de la Charte. En outre, pour qu’il soit « convenable et juste » d’annuler une nouvelle cotisation, il faut qu’il soit clair que les éléments de preuve obtenus illégalement étaient tellement « essentiels » aux nouvelles cotisations que celles-ci ne pouvaient pas être maintenues sans eux (la décision O’Neill Motors, C.C.I., précitée, aux pages 2728 et 2729). Bref, ce type de « mesure de redressement extrême », ainsi que je l’ai écrit dans l’arrêt O’Neill Motors, est réservé « aux cas de graves atteintes aux droits pour lesquels les autres réparations s’avèrent insuffisantes » (l’arrêt O’Neill Motors, C.A.F., précité, à la page 190).

[20]      Par conséquent, même si les quatre actes répréhensibles commis par les représentants de la Couronne dans la présente affaire étaient graves, pris ensemble, je suis d’avis qu’ils n’étaient pas « flagrants et inacceptables » au point de justifier la mesure de réparation extrême que constitue l’annulation de ces nouvelles cotisations compte tenu de l’importance minimale des éléments de preuve additionnels obtenus au moyen de ces violations. En l’occurrence, il se peut que les éléments de preuve obtenus légalement suffisent à étayer les nouvelles cotisations. Dans la présente affaire, il ne serait donc pas injuste envers l’appelant de l’obliger à aller en procès, parce que la Couronne est vraisemblablement capable de prouver entièrement ses prétentions au moyen d’éléments de preuve obtenus légalement.

[21]      Pour ce qui est de la réparation que constituerait l’exclusion des éléments de preuve, je suis d’avis que, pris cumulativement, les trois premiers « actes répréhensibles » sont insuffisants pour justifier la délivrance d’une ordonnance qui écarterait les éléments de preuve ainsi obtenus. Comme l’a décidé le juge de la Cour canadienne de l’impôt, admettre ces éléments de preuve compte tenu de toutes les circonstances ne déconsidérerait pas l’administration de la justice. Je ne peux être en désaccord avec sa conclusion selon laquelle il n’y a « aucun facteur nous empêchant d’utiliser la preuve afin d’assurer un procès équitable au civil. Par conséquent, les éléments de preuve recueillis lors de la perquisition et de la saisie conformément au paragraphe 231.3(1) de la Loi, qui a été jugé inconstitutionnel parce qu’il violait l’article 8 de la Charte, sont admissibles » (Donovan, précité, à la page 2159).

[22]      Quant au quatrième acte répréhensible, les événements blâmables qui se sont déroulés le 26 janvier 1993 ne devraient pas rester sans recours. Cette perquisition illégale a fourni des renseignements nouveaux concernant quelque 50 000 $ de revenus additionnels non déclarés, à savoir des chèques aux montants respectifs de 28 000 $ et 22 000 $. Permettre l’admission de ces éléments de preuve obtenus de façon blâmable déconsidérerait, à mon avis, l’administration de la justice. La décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt sera donc modifiée de façon à exclure les nouveaux éléments de preuve liés aux paiements d’une somme totale de 50 000 $ et obtenus le 26 janvier 1993 conformément au second mandat. L’annulation de ces éléments de preuve, cela a été convenu, aura pour effet d’empêcher le ministre d’établir que le contribuable a reçu les 50 000 $ et doit entraîner une nouvelle cotisation modifiée qui tienne compte de ce fait.

[23]      Les deux avocats ont consenti par écrit (voir la lettre en date du 10 mai 2000 déposée devant notre Cour) à ce que certains ajustements portant essentiellement sur des montants déductibles soient effectués relativement aux nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1987 et 1988. Il semblerait que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ait oublié de traiter ces points. Le jugement de la Cour canadienne de l’impôt est modifié pour qu’il soit tenu compte de ce consentement et de cet oubli.

[24]      Je suis d’avis d’accueillir le présent appel en partie. Le jugement de la Cour canadienne de l’impôt en date du 15 octobre 1998 est modifié de la façon suivante : 1) les appels interjetés en raison des nouvelles cotisations sont accueillis dans la mesure où le revenu de l’appelant se trouve réduit par les deux paiements d’une somme totale de 50 000 $; et 2) les appels interjetés en raison des nouvelles cotisations sont accueillis dans la mesure où ils représentent les ajustements agréés par les parties. Étant donné que le succès est partagé, les dépens ne sont pas adjugés.

Le juge en chef Richard : Je souscris aux présents motifs.

Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.



[1] S.C. 1970-71-72, ch. 63.

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