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[2000] 3 C.F. 185

A-426-99

Alissa Westergard-Thorpe, Annette Muttray, Jamie Doucette, Mark Brooks, Denis Porter, Deke Samchok et Craig Elton Jones (appelants)

c.

Le procureur général du Canada, Sa Majesté la Reine du chef du Canada (intimés)

Craig Elton Jones, Jonathan Oppenheim, Jamie Doucette, Deke Samchok, Denis Porter et Annette Muttray (appelants)

c.

Sa Majesté la Reine, le ministre de la Justice et le procureur général du Canada (intimés)

Répertorié : Singh c. Canada (Procureur général) (C.A.)

Cour d’appel, juges Strayer, Robertson et McDonald, J.C.A.—Vancouver, 22 novembre 1999; Ottawa, 14 janvier 2000.

Droit constitutionnel Principes fondamentauxAppel contre un jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale qui a rejeté une action en jugement déclarant inconstitutionnel l’art. 39 de la Loi sur la preuve au CanadaL’art. 39 prévoit que lorsque le greffier du Conseil privé atteste par écrit qu’un document renferme des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine, la divulgation du document est refusée et le tribunal ne peut ni l’examiner, ni tenir une audition à son sujetLa Constitution prime les lois ordinairesLa loi n’est pas présumée inconstitutionnelle du seul fait qu’elle modifie la common lawHistorique de l’art. 39 à la lumière de la common lawSauf preuve contraire, l’art. 39 est une mesure validement adoptée pour définir les privilèges de l’exécutif fédéral dans le maintien du principe bien établi du secret des délibérations du CabinetAbsence d’impératif constitutionnel contraire, indéniable et irrésistibleLa séparation des pouvoirs emporte le respect mutuel entre les trois pouvoirs du gouvernementL’attestation d’un fait qui a force obligatoire pour le juge en raison de la nature particulière du sujet est conforme aux paramètres du respect mutuel que chacun des pouvoirs doit aux deux autresLe maintien du secret des délibérations du Cabinet repose sur des raisons d’ordre public de nature quasi constitutionnelle en vertu desquelles l’exécutif doit être en mesure d’identifier les documents produits dans son processus de décision interne qui ne doivent pas être révélésExamen des composantes de la primauté du droitPas un motif pour écarter l’art. 39Pour ce qui concerne l’indépendance de la magistrature, l’art. 39 ne porte pas atteinte à l’inamovibilité, à la sécurité financière ou à l’indépendance administrative des jugesLes limitations constitutionnelles à la faculté de retirer des fonctions des tribunaux, prévues à l’art. 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 et à l’art. 11d) de la Charte, ne s’appliquent pas.

Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales L’art. 11d) de la Charte garantit le droit de l’accusé à la présomption d’innocence jusqu’à preuve du contraire conformément à la loi, aux termes d’un procès équitable et public instruit par un tribunal indépendant et impartialLa délivrance d’une attestation, en application de l’art. 39 de la Loi sur la preuve, certifiant qu’un document contient des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine ne fait pas partie intégrante de la conduite d’un procès au sens de l’art. 11d) de la CharteL’audience devant la Commission des plaintes du public contre la GRC, qui porte sur les allégations d’inconduite de membres de la GRC, n’est pas un procès sur la culpabilité de qui que ce soit.

Droit constitutionnel Partage des pouvoirs L’art. 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige que les juges des cours supérieures soient nommés par le gouverneur généralLa délivrance d’une attestation, en application de l’art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada, certifiant qu’un document renferme des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine, n’est pas une fonction traditionnelle et nécessaire d’une cour supérieure telle qu’elle était envisagée en 1867, et ne va pas à l’encontre de l’art. 96.

Preuve L’art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada prévoit que lorsque le greffier du Conseil privé atteste par écrit qu’un document renferme des renseignements confidentiels du Conseil privé, la divulgation du document est refusée et le tribunal ne peut ni l’examiner, ni tenir d’audition à son sujetSauf preuve contraire, il s’agit d’une mesure validement adoptée par le Parlement pour définir les privilèges de l’exécutifLes principes fondamentaux et non écrits de la Constitution (indépendance de la magistrature, primauté du droit, séparation des pouvoirs) ne constituent pas des impératifs constitutionnels contraires.

Juges et tribunaux L’art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada prévoit que lorsque le greffier du Conseil privé atteste par écrit qu’un document renferme des renseignements confidentiels du Conseil privé, la divulgation du document est refusée et le tribunal ne peut ni l’examiner, ni tenir d’audition à son sujetL’art. 39 ne porte pas atteinte à l’inamovibilité, à la sécurité financière ou à l’indépendance administrative des jugesIl ne constitue pas une pression indue sur le juge quant à l’issue d’un cas d’espèce, mais constitue un genre de clause privative.

Droit administratif Contrôle judiciaire Jugements déclaratoires L’art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada prévoit que lorsque le greffier du Conseil privé certifie par écrit qu’un document renferme des renseignements confidentiels du Conseil privé, la divulgation du document est refusée et le tribunal ne peut ni l’examiner, ni tenir d’audition à son sujetLes appelants soutiennent que l’art. 39 n’est pas applicable puisque le Parlement ne peut autoriser l’exécutif à soustraire ses actes à l’examen à la lumière de la ConstitutionIl s’agit d’une action pour jugement déclarant l’art. 39 invalide sur le plan constitutionnel, et non d’un recours à l’encontre de la décision du greffierCe recours doit être intenté par voie de demande de contrôle judiciaire.

Il s’agissait d’un appel formé contre une décision par laquelle la Section de première instance a rejeté une action en jugement déclaratoire portant inconstitutionnalité de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. Les appelants ont saisi la Commission des plaintes du public contre la GRC de plaintes contre diverses formes d’inconduite de la part de la GRC à l’égard de manifestants lors de la conférence de l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à Vancouver en 1997. La Commission a été constituée pour faire enquête sur toutes les questions se rapportant aux plaintes. Le président a conclu que la Commission avait compétence pour examiner si le premier ministre ou des membres de son bureau, du Bureau du Conseil Privé ou du gouvernement du Canada avaient donné des directives ou des ordres inappropriés à des agents de la GRC sur les mesures de sécurité à la conférence de l’APEC, et pour tirer des conclusions et formuler des recommandations à cet égard. Aucune défense d’obéissance aux ordres supérieurs n’a été soulevée. Il n’était pas contesté qu’il y avait eu des communications entre des responsables du bureau du premier ministre et des responsables de la GRC sur les mesures de sécurité. La Commission a demandé à ce que le gouvernement du Canada communique tous les dossiers gouvernementaux ayant un rapport avec l’audition des plaintes. Deux greffiers successifs du Conseil privé ont déposé, en application du paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada, l’attestation que les renseignements contenus dans certains documents demandés étaient des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada. L’article 39 prévoit que les documents en question ne doivent pas être divulgués et que la Cour ne peut pas les examiner pour décider si la décision du greffier est fondée ou si l’intérêt public justifie le refus de divulgation. Les appelants ont intenté une action pour jugement déclarant que l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada est inconstitutionnel et incompatible avec les « principes fondamentaux et structurels de la Constitution ». Le juge de la Section de première instance a conclu que l’article 39 relevait de la compétence du Parlement et que ces « principes fondamentaux et structurels de la Constitution », dans la mesure où ils pourraient permettre au juge de suppléer aux « lacunes » dans la Constitution écrite, n’avaient pas application. Il a rejeté l’argument subsidiaire suivant lequel, à supposer que l’article 39 soit valide, il ne pourrait s’appliquer validement de façon à permettre au pouvoir exécutif de dissimuler sa propre violation de la Constitution.

Les questions en litige étaient : 1) L’article 39 est-il inconstitutionnel en regard des principes fondamentaux et non écrits de la Constitution canadienne, savoir l’indépendance de la magistrature, la primauté du droit et la séparation des pouvoirs?; 2) Faut-il donner à l’article 39 une interprétation restrictive ou une interprétation telle qu’il ne s’applique pas dans les circonstances?

Arrêt : l’appel est rejeté.

1) i) L’argumentation des appelants était largement fondée sur le postulat que la souveraineté du Parlement n’était pas l’un des principes de la Constitution, ou à tout le moins a cessé de l’être en 1982, lorsque la Charte et l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 ont été adoptés. (L’article 52 édicte que la Constitution est la loi suprême du Canada.) La suprématie de la Constitution était reconnue même avant la Confédération en 1867. L’article 52 était nécessaire pour écarter toute incertitude quant à la suprématie permanente de la Constitution. Le régime que nous connaissions avant 1982 et que nous connaissons toujours après 1982 est celui de la souveraineté parlementaire dans les limites d’une constitution écrite, comme le démontre le fait que les tribunaux ont invalidé des lois pour incompatibilité avec le partage des compétences prévu aux articles 91 et 92 de l’acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867. Ces limites étaient d’ordre exclusivement quantitatif quant à l’exercice du pouvoir législatif avant 1982. L’adoption de la Charte en 1982 a ajouté une multitude de limitations qualitatives à l’exercice de ce pouvoir, mais la Constitution du Canada primait et prime toujours les lois ordinaires. Il faut, tout comme avant 1982, se référer aux prescriptions spécifiques de la Constitution pour juger si dans un cas d’espèce, le Parlement a excédé une limite constitutionnelle (expresse ou implicite) de son pouvoir.

Les appelants ont soutenu que l’article 39 était contraire à la common law et, de ce fait, implicitement inconstitutionnel. En cas d’assertion de confidentialité de renseignements du Cabinet, la jurisprudence contemporaine permet au juge d’examiner le document pour vérifier si la revendication était fondée et, dans l’affirmative, si l’intérêt public dans sa divulgation l’emporte sur l’intérêt public dans le maintien de la confidentialité. La loi ne saurait toutefois être tenue pour inconstitutionnelle du seul fait qu’elle modifie la common law. La raison d’être d’une loi de ce genre est de donner aux ministres et à leurs conseillers l’assurance absolue que les catégories de documents visées à l’article 39 ne seront même pas susceptibles d’examen par un juge pour vérification de leur confidentialité; elle ne laisse aucun doute sur le maintien de leur secret. La common law était encore plus restrictive en matière de divulgation jusqu’en 1968, quand, dans Conway v. Rimmer, la Chambre des lords a décidé que le juge pouvait examiner les documents dont un ministre revendiquait la confidentialité, bien que la majorité fût d’avis que les documents du Cabinet, comme tels, n’étaient pas susceptibles de divulgation. Vers la même époque, lorsque l’ancienne version de l’article 39 a été adoptée, elle a appliqué les principes dégagés dans Conway v. Rimmer à la plupart des documents, mais elle prévoyait la protection absolue, sans droit de vérification par le juge, pour les documents dont l’exécutif affirmait que leur divulgation porterait atteinte aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité ou aux relations fédérales-provinciales, ainsi que pour les renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine. En 1982, la protection absolue, sans vérification par le juge, a été limitée aux renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine, qui ont été définis pour la première fois, et une limitation dans le temps a été instituée pour cette protection. Sauf preuve contraire, l’article 39 est une mesure validement adoptée par le Parlement pour définir les privilèges de l’exécutif fédéral dans le maintien du principe, bien établi et bien accepté, du secret des délibérations du Cabinet. Faute d’impératif constitutionnel contraire, indéniable et irrésistible, ce texte de loi est valide et a plein effet.

ii) Les appelants ont soutenu que la doctrine de la séparation des pouvoirs interdit au Parlement d’investir l’exécutif de pouvoirs judiciaires. À leur avis, l’attestation délivrée par le greffier du Conseil privé en application de l’article 39 était un acte judiciaire, en ce qu’elle tranche la question de savoir si le tribunal peut examiner certains éléments de preuve. Ils ont cité à l’appui les énoncés faits par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi sur les juges, savoir que l’indépendance de la magistrature était une conséquence de la séparation des pouvoirs, une doctrine qui avait son origine dans le préambule de la Constitution, qui fait état d’« une constitution semblable dans son principe à celle du Royaume-Uni ». En premier lieu, il s’agissait seulement d’observations incidentes puisque la cause a été tranchée à la lumière de l’alinéa 11d) de la Charte. En second lieu, la mention au préambule d’une « constitution semblable dans son principe à celle du Royaume-Uni » était considérée en 1867 comme traduisant le principe de la responsabilité gouvernementale, savoir un régime dans lequel l’exécutif est comptable devant le législatif. Ce concept même était l’antithèse de la séparation des pouvoirs.

L’attestation d’un fait qui a force obligatoire pour le juge en raison de la nature particulière du sujet est tout à fait conforme aux paramètres traditionnels du respect mutuel que chacun des pouvoirs doit aux deux autres. Il y a des raisons fondamentales d’ordre public de nature quasi constitutionnelle pour lesquelles l’exécutif (guidé par une loi du Parlement) doit être en mesure d’identifier les documents produits dans son processus de décision interne qui ne doivent pas être révélés pour protéger l’intégrité du système du secret des délibérations du Cabinet. S’il est quelque concept de séparation des pouvoirs auquel doive se conformer notre système de gouvernement, c’est cette forme de respect mutuel des trois pouvoirs qu’il doit appliquer, afin de refléter et de renforcer leurs rôles respectifs.

iii) Les appelants ont soutenu que non seulement le gouvernement devait s’exercer conformément à la loi, mais encore la loi ne devait jamais exclure le pouvoir judiciaire du processus décisionnel de l’exécutif. Les composantes du principe de la primauté du droit sont : la suprématie du droit sur les actes du gouvernement et des particuliers (« une seule loi pour tous »), la création et le maintien d’un ordre réel de droit positif qui préserve le principe de « l’ordre normatif », et le fait que « l’exercice de tout pouvoir public doit en bout de ligne tirer sa source d’une règle de droit ». En d’autres termes, « les rapports entre l’État et les individus doivent être régis par le droit ». Lorsque l’article 39 est appliqué pour préserver la protection des renseignements du Cabinet contre la divulgation, ce cas est clairement régi par la loi, savoir l’article 39, qui est un texte de loi adopté par le Parlement pour produire des effets dans son domaine reconnu de compétence législative. Primauté du droit ne signifie pas garantie de la suprématie de la common law. En fait, l’« ordre réel de droit positif » fait que les lois valides priment la common law. L’État est tenu de respecter la loi au même titre que les citoyens. Cela ne veut pas dire que la règle de droit doit produire les mêmes effets à l’égard de tout citoyen ou toute institution du pays. Le principe de la primauté du droit n’entraîne pas l’invalidité d’une loi qui a pour effet d’autoriser des représentants de l’État à indiquer que certains documents échappent à la divulgation, c’est-à-dire que la primauté du droit n’exclut pas une loi spéciale produisant un effet spécial au sujet d’une catégorie spéciale de documents, lesquels, pour des raisons fondées de longue date sur des principes constitutionnels comme la responsabilité gouvernementale, ont reçu un traitement différent de celui réservé aux documents privés dans un procès commercial. Le principe de la primauté du droit n’est donc pas un facteur sur lequel on pourrait se fonder pour écarter les dispositions de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada.

iv) En ce qui concerne l’indépendance de la magistrature, les appelants ont soutenu que toute limitation de la compétence des tribunaux, qui les empêche dans certains cas de contrôler des décisions du gouvernement, est une violation de l’indépendance, constitutionnellement garantie, de la magistrature. L’article 39 ne porte nullement atteinte à l’inamovibilité, à la sécurité financière ou à l’indépendance administrative des juges. Cet article est un texte de loi publique applicable dans diverses circonstances qui n’a pas été adopté en fonction d’une affaire particulière soumise au tribunal. L’invocation de l’article 39 n’exerce pas une pression inappropriée sur le juge quant à l’issue d’un cas d’espèce; il se voit tout simplement interdire par une loi fédérale de rendre certaines décisions. En fait, la disposition en question est tout bonnement une autre forme de clause privative. L’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’alinéa 11d) de la Charte constituent les limitations constitutionnelles essentielles de la pratique consistant à investir les autorités non judiciaires comme le greffier du Conseil privé de certaines fonctions soustraites au contrôle du pouvoir judiciaire. La délivrance des attestations dont s’agit ne peut être qualifiée de fonction traditionnelle et nécessaire d’une cour supérieure telle qu’elle était envisagée en 1867; pareille attestation ne va donc pas à l’encontre de l’article 96. Elle ne fait pas non plus partie intégrante de la conduite d’un procès au sens de l’alinéa 11d) de la Charte : l’audience devant la Commission n’est pas un procès sur la culpabilité de qui que ce soit et, l’eût-elle été, la Commission n’aurait pas été habilitée à la tenir en vertu de la Constitution.

2) Les appelants ont soutenu que l’article 39, eût-il été constitutionnellement valide, n’était pas applicable puisque le Parlement ne peut autoriser l’exécutif à soustraire ses actes à l’examen à la lumière de la Constitution en recourant à l’article 39. Cependant, la déclaration n’énonce aucune allégation d’inconduite de la part de l’exécutif. Même à supposer qu’on puisse considérer la Commission comme un forum où les agissements illégaux de l’exécutif peuvent entrer en ligne de compte dans la formulation de ses recommandations, l’enquête vise le comportement des agents de la GRC et non celui de l’exécutif. Toute conclusion qu’elle aurait pu tirer sur les agissements du bureau du premier ministre et d’autres membres de l’exécutif serait forcément accessoire aux conclusions concernant les agissements de la GRC et ne saurait permettre, sur le plan juridique, de conclure si ces personnes ont fait quelque chose d’illégal sur le plan constitutionnel. En conséquence, le refus, en application de l’article 39, de communiquer des documents renfermant des renseignements confidentiels ne peut exclure tout jugement définitif d’agissements inconstitutionnels, lequel appartient au tribunal qui serait saisi de l’action intentée en réparation de ces agissements, contre ceux qui en seraient coupables, c’est-à-dire par voie de contrôle judiciaire contre l’attestation du greffier du Conseil privé.

Faire droit aux arguments des appelants reviendrait à décider que l’article 39 est inapplicable chaque fois qu’il y a la moindre allégation que des renseignements du Cabinet pourraient révéler des décisions d’orientation générale ou d’application spécifique, dont on pourrait affirmer qu’elles portent atteinte aux droits de certains individus. Ceci aurait pour effet de réduire de façon draconienne la protection absolue des délibérations du Cabinet contre la divulgation, que l’article 39 garantit à l’heure actuelle. Il n’y a rien qui permette de juger que l’article 39 est inapplicable dans les circonstances.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982 ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 2b), 7, 11d).

Colonial Laws Validity Act, 1865, (R.-U.) 28-29 Vict., ch. 63, art 2.

Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III.

L’acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, appendice II, no 5], art. 91, 92.

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 96.

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 52.

Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10, art 41(2).

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, art. 45.35 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16), 45.42 (édicté, idem), 45.43 (édicté, idem), 45.44 (édicté, idem), 45.45(14) (édicté, idem), 45.46(3) (édicté, idem).

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, item 5).

Proceedings against the Crown Act (The), R.S.S. 1965, ch. 87, art. 5(7).

Statut de Westminster, 1931, (R.-U.), 22 Geo. V, ch. 4 [L.R.C. (1985), appendice II, no 27], art. 2, 7.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources, [1989] 2 R.C.S. 49; (1989), 61 D.L.R. (4th) 604; 97 N.R. 241; Commission des droits de la personne c. Procureur général du Canada et autre, [1982] 1 R.C.S. 215; (1982), 134 D.L.R. (3d) 17; 41 N.R. 318; Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641 (1990), 71 D.L.R. (4th) 253; 45 Admin. L.R. 1; 109 N.R. 357 (C.A.); Bacon v. Saskatchewan Crop Insurance Corp., [1999] 11 W.W.R. 51 (C.A. Sask.); Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721; (1985), 19 D.L.R. (4th) 1; [1985] 4 W.W.R. 385; 35 Man. R. (2d) 83; 59 N.R. 321.

DISTINCTION FAITE D’AVEC :

Valente c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 673; (1985), 52 O.R. (2d) 779; 24 D.L.R. (4th) 161; 23 C.C.C. (3d) 193; 49 C.R. (3d) 97; 19 C.R.R. 354; 37 M.V.R. 9; 64 N.R. 1; 14 O.A.C. 79; B.C. Power Corporation v. B.C. Electric Company, [1962] R.C.S. 642; (1962), 34 D.L.R. (2d) 196; 38 W.W.R. 701; Amax Potash Ltd. et al. c. Gouvernement de la Saskatchewan, [1977] 2 R.C.S. 576; (1976), 71 D.L.R. (3d) 1; [1976] 6 W.W.R. 61; 11 N.R. 222; Air Canada c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1986] 2 R.C.S. 539; (1986), 32 D.L.R. (4th) 1; [1987] 1 W.W.R. 304; 8 B.C.L.R. (2d) 273; 22 Admin. L.R. 153; 72 N.R. 135; inf. Air Canada v. British Columbia (1984), 10 D.L.R. (4th) 185; [1984] 3 W.W.R. 353; 51 B.C.L.R. 175 (C.S.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), [1997] 3 R.C.S. 3; (1997), 204 A.R. 1; 156 Nfld. & P.E.I.R. 1; 150 D.L.R. (4th) 577; [1997] 10 W.W.R. 417; 121 Man. R. (2d) 1; 49 Admin. L.R. (2d) 1; 118 C.C.C. (3d) 193; 11 C.P.C. (4th) 1; 217 N.R. 1; Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217; (1998), 161 D.L.R. (4th) 385; 55 C.R.R. (2d) 1; 228 N.R. 203; Carey c. Ontario, [1986] 2 R.C.S. 637; (1986), 58 O.R. (2d) 352; 35 D.L.R. (4th) 161; 22 Admin. L.R. 236; 30 C.C.C. (3d) 498; 14 C.T.C. (2d) 10; 72 N.R. 81; 20 O.A.C. 81; R. c. Mills, [1999] A.C.S. no 68 (QL); Conway v. Rimmer, [1968] A.C. 910 (H.L.); Duncan v. Cammell, Laird & Co. Ld., [1942] A.C. 624 (H.L.); New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée législative), [1993] 1 R.C.S. 319; (1993), 118 N.S.R. (2d) 181; 100 D.L.R. (4th) 212; 327 A.P.R. 181; 13 C.R.R. (2d) 1; 146 N.R. 161; MacKeigan c. Hickman, [1989] 2 R.C.S. 796; (1989), 94 N.S.R. (2d) 1; 61 D.L.R. (4th) 688; 41 Admin. L.R. 236; 50 C.C.C. (3d) 449; 72 C.R. (3d) 129; 100 N.R. 81; RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199; (1995), 127 D.L.R. (4th) 1; 100 C.C.C. (3d) 449; 62 C.P.R. (3d) 41.

DÉCISIONS CITÉES :

Dixon c. Canada (Gouverneur en conseil), [1997] 3 C.F. 169 (1997), 149 D.L.R. (4th) 269; 3 Admin. L.R. (3d) 306; 218 N.R. 139 (C.A.); Southam Inc. c. Canada (Procureur général), [1990] 3 C.F. 465 (1990), 73 D.L.R. (4th) 289; 1 C.R.R. (2d) 193; 114 N.R. 255 (C.A.); Loi de 1979 sur la location résidentielle, [1981] 1 R.C.S. 714; (1981), 123 D.L.R. (3d) 554; 37 N.R. 158; Canadian Assn. of Regulated Importers c. Canada (Procureur général), [1992] 2 C.F. 130 (1991), 87 D.L.R. (4th) 730; 135 N.R. 217 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur le système d’approvisionnement en sang au Canada), [1997] 3 R.C.S. 440; (1997), 151 D.L.R. (4th) 1; 48 Admin. L.R. (2d) 1; 216 N.R. 321.

DOCTRINE

Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada (édition en feuilles mobiles), Toronto : Carswell, 1992.

Montesquieu, Charles de Secondat (Baron). De l’esprit des lois, Paris : H. Bossange, 1827.

Moore, Christopher. 1867How the Fathers Made a Deal. Toronto : M&S, 1997.

APPEL contre un jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale qui a rejeté une action pour jugement déclarant inconstitutionnel l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada (Singh c. Canada (Procureur général), [1999] 4 C.F. 583 (1re inst.)). Appel rejeté.

ONT COMPARU :

Joseph J. Arvay, c.r., pour les appelants.

Ivan G. Whitehall, c.r., et Simon Fothergill pour les intimés.

Barbara L. Fisher pour l’intervenante la Commission des plaintes du public contre la GRC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arvay Finlay, Victoria, pour les appelants.

Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.

Blake, Cassels & Graydon, Vancouver, pour l’intervenante la Commission des plaintes du public contre la GRC.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Strayer, J.C.A. :

Introduction

[1]        Il y a en l’espèce appel formé contre la décision par laquelle le juge McKeown [[1999] 4 C.F. 583 (1re inst.)] a rejeté l’action des appelants en jugement déclaratoire portant inconstitutionnalité de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada[1].

Les faits de la cause

[2]        En novembre 1997, une conférence de l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (la conférence de l’APEC) a réuni à Vancouver les chefs de gouvernement des pays riverains du Pacifique. Les appelants participaient parmi d’autres à des manifestations lors des déplacements de divers chefs de gouvernement dans la ville de Vancouver. Subséquemment, quelque 52 plaignants, dont les appelants, ont saisi la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (la Commission) de plaintes contre diverses formes d’inconduite d’agents de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC).

[3]        Cette Commission a été créée par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada[2], dont l’article 45.35 définit sa compétence notamment comme suit :

45.35 (1) Tout membre du public qui a un sujet de plainte concernant la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci peut, qu’il en ait ou non subi un préjudice, déposer une plainte auprès soit :

a) de la Commission;

La Commission est habilitée à tenir des audiences et à convoquer les témoins[3]. Une fois la plainte entendue, elle doit adresser au ministre et au commissaire de la GRC un rapport provisoire « énonçant les conclusions et les recommandations qu’elle estime indiquées »[4]. Après que le commissaire de la GRC aura fait savoir par écrit la suite qu’il entend réserver à ce rapport, le président de la Commission présente au ministre (c’est-à-dire au solliciteur général), au commissaire et aux parties, son rapport final « énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées »[5].

[4]        La première formation d’enquête qu’elle avait chargée d’entendre les plaintes en question ayant démissionné, la présidente de la Commission a désigné M. E. N. Hughes, c.r., en qualité de membre de la Commission chargé d’entendre les mêmes plaintes, avec pour mission :

[traduction] […] d’enquêter sur toutes les questions touchant ces plaintes, d’entendre tous les témoignages y relatifs, de veiller à l’audition pleine et juste des mêmes plaintes et de soumettre, à l’issue de l’enquête, les conclusions sur les faits et les recommandations qui s’imposent, et en particulier, d’enquêter sur les questions suivantes et d’en rendre compte :

a)   savoir ce qui s’est passé à l’occasion et en marge des manifestations lors de la conférence de l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (« APEC ») à Vancouver (C.-B.), entre le 23 et le 27 novembre 1997, sur le campus de l’UBC ou dans le voisinage, et par la suite, aux sièges des détachements UBC et Richmond de la GRC;

b)   savoir si les agissements des membres de la GRC dans le contexte de ces incidents étaient appropriés aux circonstances.

c)   savoir si la conduite des membres de la GRC dans le contexte de ces incidents était conforme au respect des libertés fondamentales que garantit l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés[6].

Lors de l’audience du 5 mars 1999 de la Commission, M. Hughes a fait l’observation suivante, après avoir évoqué les détails ci-dessus de la mission dont il était investi :

[traduction] Le point focal de cette enquête est la conduite des agents de la Gendarmerie qui font l’objet d’une ou de plusieurs plaintes. Tels sont le but, la fonction et la raison d’être de cette enquête. Les conséquences pourront en être dévastatrices pour l’agent de la GRC dont la conduite est jugée irrégulière eu égard aux circonstances ou contraire au respect des libertés fondamentales que garantit l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés, vu les mesures disciplinaires internes que pareille conclusion pourrait déclencher[7].

Citant les déclarations de certains plaignants et de leurs avocats, il a fait remarquer ce qui suit :

[traduction] […] Je sens chez certains le désir dominant de poursuivre d’autres desseins, au point d’en arriver à perdre de vue ce que sont mes responsabilités fondamentales dans cette affaire[8].

Les plaignants lui ont cependant demandé de juger que la Commission a compétence pour examiner si le premier ministre ou des membres de son bureau, du Bureau du Conseil privé ou du gouvernement du Canada avaient donné des directives ou des ordres inappropriés à des agents de la GRC sur les mesures de sécurité à la conférence de l’APEC, pour tirer des conclusions en ce sens, et pour faire au commissaire de la GRC des recommandations au sujet de l’ingérence politique par ces autorités dans le travail de la GRC. Il a fait savoir en réponse qu’il était habilité à tirer les conclusions et recommandations de ce genre [traduction] « si les preuves et témoignages produits le justifient »[9]. Cette décision n’est pas en cause. L’avocat des intimés a bien confirmé à l’intention de la Cour que les agents de la GRC visés par les plaintes formulées sous le régime de l’article 45.35 de la Loi sur la GRC n’excipaient nullement de l’obéissance aux ordres supérieurs. Il est constant qu’il y a eu des communications entre des responsables du bureau du premier ministre et des responsables de la GRC sur les mesures de sécurité. Le procureur général du Canada tient cependant que ces communications ne constituaient ni des instructions ni une ingérence dans l’exercice par la GRC de ses fonctions de sécurité à la conférence de l’APEC. Bien entendu, certains ou l’ensemble des plaignants soutiennent qu’il y avait instructions et ingérence de la part des hommes politiques, qui ont poussé la GRC à porter atteinte aux droits que leur garantit la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. Les audiences se poursuivent encore.

[5]        Le 8 avril 1998, le conseiller juridique de la Commission a écrit à l’avocat représentant le gouvernement pour demander que celui-ci communique à la formation d’enquête tous les dossiers gouvernementaux ayant un rapport avec l’audition des plaintes. Par suite, deux greffiers successifs du Conseil privé ont déposé, en application du paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada[10], l’attestation que les renseignements contenus dans certains documents demandés sont des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Ce qui signifie, selon les dispositions de l’article 39, que les documents en question ne seront pas divulgués et que la Cour ne peut pas les examiner pour décider si la décision du greffier est fondée ou si l’intérêt général justifie le refus de divulgation. Voici ce que prévoit cet article 39 :

39. (1) Le tribunal, l’organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s’opposent à la divulgation d’un renseignement, tenus d’en refuser la divulgation, sans l’examiner ni tenir d’audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

(2) Pour l’application du paragraphe (1), un « renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada » s’entend notamment d’un renseignement contenu dans :

a) une note destinée à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;

b) un document de travail destiné à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l’examen du Conseil;

c) un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal de ses délibérations ou décisions;

d) un document employé en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;

e) un document d’information à l’usage des ministres sur des questions portées ou qu’il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l’objet des communications ou discussions visées à l’alinéa d);

f) un avant-projet de loi ou projet de règlement.

(3) Pour l’application du paragraphe (2), « Conseil » s’entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.

(4) Le paragraphe (1) ne s’applique pas :

a) à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l’existence remonte à plus de vingt ans;

b) à un document de travail visé à l’alinéa (2)b), dans les cas où les décisions auxquelles il se rapporte ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.

[6]        Il appert que le conseiller juridique de la Commission qui avait demandé ces documents à l’origine n’a rien fait de plus pour en obtenir communication. De leur côté cependant, les appelants ont intenté le 13 avril 1999 leur action en jugement déclarant que l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada va à l’encontre de l’alinéa 2b) et de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et n’est pas justifiable au regard de l’article premier de ce texte; et que le même article 39 est incompatible avec le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982 ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]] et avec les « principes fondamentaux et structurels de la Constitution » et excède les pouvoirs du Parlement. Par motifs de jugement en date du 25 juin 1999, le juge McKeown les a déboutés de leur action, concluant que l’article 39 relevait de la compétence du Parlement, que lui-même ne voyait aucune violation de la Charte, et que les soi-disant « principes fondamentaux et structurels de la Constitution », dans la mesure où ils pourraient permettre au juge de suppléer aux « lacunes » dans la Constitution écrite, n’avaient pas application en l’espèce. Il a également rejeté l’argument subsidiaire proposé par les demandeurs à l’audience, savoir qu’à supposer que l’article 39 ne soit pas en soi invalide, il ne pourrait s’appliquer validement de façon à permettre au pouvoir exécutif de dissimuler sa propre violation de la Constitution. Le juge McKeown a noté que les demandeurs n’avaient fait la preuve d’aucune violation de la Constitution tenant au fait que l’article 39 est un texte de loi invalide (si le chef de plainte des demandeurs était que le pouvoir exécutif s’appuyait sur un texte de loi invalide qui empêche la divulgation de documents). Il a également conclu qu’il n’y avait aucune preuve que l’exercice par le greffier du Conseil privé du pouvoir prévu à l’article 39 était arbitraire ou malveillant (si le chef de plainte des demandeurs était que la décision de délivrer l’attestation en la matière n’était pas fondée sur des motifs légitimes).

[7]        Les appelants interjettent appel de cette décision par ce motif que le juge de première instance aurait dû conclure que l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada est inconstitutionnel au regard des « principes fondamentaux non écrits de la Constitution canadienne », savoir l’indépendance de la magistrature, la primauté du droit et la séparation des pouvoirs. Ils soutiennent aussi subsidiairement que le juge de première instance aurait dû donner de l’article 39 une interprétation restrictive de façon à ne pas l’appliquer aux circonstances de la cause, ces circonstances étant que l’exécutif avait agi, disent-ils, de façon inconstitutionnelle en donnant à la police l’ordre de porter atteinte aux droits que la Charte garantit aux plaignants comparaissant devant la Commission, et que pareille conduite inconstitutionnelle serait révélée par les documents demandés et dont l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada empêche la divulgation. Ils soutiennent ainsi que l’article 39 n’est pas constitutionnellement applicable par le pouvoir exécutif pour prévenir la divulgation à la Commission des preuves de ses propres agissements inconstitutionnels.

[8]        Devant la Cour, les appelants ne soutenaient pas que l’article 39 allait à l’encontre de la Charte.

[9]        À l’ouverture de l’audience, ils ont demandé à produire des éléments de preuve nouveaux, lesquels consistent en grande partie en transcriptions de conversations entre agents de la GRC faisant état des avis, réels ou supposés, de responsables du bureau du premier ministre. Ces éléments de preuve, qui n’étaient devenus disponibles sous cette forme qu’à la fin de septembre 1999, consistaient surtout en propos rapportés par ouï-dire. La Cour a refusé de les admettre parce qu’ils n’avaient aucune valeur probante intrinsèque et qu’en tout cas, ils ne satisfaisaient à la condition d’admissibilité des preuves nouvelles, savoir qu’elles doivent être pratiquement déterminantes du litige. Dans cet appel, la Cour n’est pas appelée à découvrir la vérité« laquelle est encore fort disputée devant la Commission—pour ce qui est de savoir ce qu’ont fait les agents de la GRC à l’occasion de la Conférence de l’APEC et pourquoi ils l’ont fait.

Les points en litige

[10]      Voici les points litigieux :

1) L’article 39 de la Loi sur la preuve au canada est-il inconstitutionnel au regard des « principes fondamentaux et non écrits de la Constitution, savoir l’indépendance de la magistrature, la primauté du droit et la séparation des pouvoirs »?

2) Faut-il donner de l’article 39 une interprétation restrictive ou une interprétation telle qu’elle ne s’applique pas aux circonstances de la cause?

Analyse

[11]      Je dois souligner pour commencer que je partage dans l’ensemble les conclusions du juge de première instance et ne vois dans sa décision aucune erreur susceptible de réformation. Je tiens seulement à approfondir certains points. Je dois aussi noter que les appelants ont proposé un argument convaincant contre la politique incarnée dans le paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada, qui interdit au juge de remettre en question l’attestation faite par l’exécutif que tel ou tel document renferme des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Cette politique fait des documents confidentiels du Cabinet une catégorie de documents qui ne peuvent être divulgués que dans les circonstances prévues par cette Loi. Au surplus, elle interdit au juge de décider pour lui-même si des documents de ce genre sont en fait des renseignements confidentiels du Cabinet. Les appelants préconisent une politique telle qu’il n’y aurait pas une exemption systématique des documents de ce genre, et que le juge serait en mesure d’examiner s’ils relèvent d’une telle catégorie et, dans l’affirmative, si, tout bien pesé, il faut quand même les divulguer. Il n’appartient cependant pas à la Cour de se prononcer sur la sagesse de la politique incarnée dans la Loi sur la preuve au Canada du moment que celle-ci ne porte atteinte à aucun impératif constitutionnel.

A.        La validité de l’article 39 de la Loi sur la preuve au canada

[12]      L’argumentation des appelants est centrée sur les soi-disant « principes fondamentaux non écrits » de la Constitution, qu’ils dégagent en grande partie des conclusions de portée générale tirées par la Cour suprême dans deux renvois, savoir Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.)[11] et Renvoi relatif à la sécession du Québec[12]. Les observations faites par la Cour dans ces deux causes ont une portée générale. Au surplus, l’un et l’autre renvois portaient sur des questions qui ne sont pas expressément prévues dans la Constitution et qui ne font l’objet d’aucune jurisprudence établie. Je ne les interprète pas comme ayant mis fin à un autre principe constitutionnel, savoir celui de la suprématie du Parlement ou de la suprématie des assemblées législatives agissant dans leur domaine de compétence. J’examinerai en premier lieu l’affaire en instance au regard de ce principe constitutionnel, avant de passer aux principes invoqués par les appelants.

(i)         La souveraineté parlementaire

[13]      Dans Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources)[13], où la Cour suprême du Canada s’est refusée à ordonner à l’exécutif de produire les documents demandés par le vérificateur général, le juge en chef Dickson s’est prononcé en ces termes :

La règle fondamentale que les tribunaux doivent appliquer dans ce contexte est celle de la souveraineté du Parlement. Les ministres de la Couronne restent en fonction suivant le bon vouloir de la Chambre des communes et toute position qu’adopte la majorité est censée refléter la volonté souveraine du Parlement. Étant donné que le Parlement a indiqué, dans la Loi sur le vérificateur général, qu’il souhaitait que son propre préposé lui fasse rapport sur les refus d’accès à des renseignements nécessaires à l’exercice de ses fonctions pour le compte du Parlement, il ne serait pas opportun que cette Cour envisage, le cas échéant, d’accorder réparation pour de tels refus.

[14]      Il appert que l’argumentation des appelants est largement fondée sur le postulat que la souveraineté du Parlement n’est pas l’un des principes constitutionnels, ou à tout le moins a cessé de l’être vers 1982, année de l’adoption de la Charte et de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982 ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. En première instance, ils se sont explicitement appuyés sur cette conclusion tirée par la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec :

Le principe du constitutionnalisme ressemble beaucoup au principe de la primauté du droit, mais ils ne sont pas identiques. L’essence du constitutionnalisme au Canada est exprimée dans le par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 : « La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. » En d’autres mots, le principe du constitutionnalisme exige que les actes de gouvernement soient conformes à la Constitution. Le principe de la primauté du droit exige que les actes de gouvernement soient conformes au droit, dont la Constitution. Notre Cour a souligné plusieurs fois que, dans une large mesure, l’adoption de la Charte avait fait passer le système canadien de gouvernement de la suprématie parlementaire à la suprématie constitutionnelle. La Constitution lie tous les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, y compris l’exécutif (Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, à la p. 455). Ils ne sauraient en transgresser les dispositions : en effet, leur seul droit à l’autorité qu’ils exercent réside dans les pouvoirs que leur confère la Constitution. Cette autorité ne peut avoir d’autre source[14].

[15]      On ne sait pas trop quelle importance il faudrait attacher à l’observation ci-dessus, puisque la suprématie de la Constitution était reconnue bien avant 1982 et même avant la Confédération en 1867. Le Canada reconnaissait le Parlement britannique comme l’autorité compétente pour l’institution de notre Constitution jusqu’en 1982, année où l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 fut adopté. La doctrine juridique de l’Empire britannique posait que les lois impériales (c’est-à-dire les lois de Westminster) s’appliquant à une colonie primaient les lois coloniales. Ce principe a été codifié dans une loi écrite, Colonial Laws Validity Act, 1865[15], dont l’article 2 portait :

[traduction]

2. Toute loi, qui est ou sera incompatible avec les dispositions d’un Acte du Parlement s’appliquant à la colonie à laquelle cette loi peut se rapporter […] est subordonnée à cet Acte […] et sera, dans les limites de cette incompatibilité, absolument nulle et inopérante.

L’acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, appendice II, no 5]] était une loi impériale s’appliquant à la colonie du Canada, et sa suprématie était assurée tant que le Parlement de Westminster était l’autorité législative reconnue en matière constitutionnelle pour le Canada. Si les lois canadiennes ordinaires échappaient à l’application du Colonial Laws Validity Act, 1865 et, partant, à l’ascendance des lois britanniques par l’effet du Statute de Westminster, 1931[16], cette dernière loi maintenait la suprématie au Canada des Actes de l’Amérique du Nord britannique sur les lois locales. Ce n’est pas par hasard que la nouvelle disposition sur la suprématie a été insérée dans le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Le paragraphe 52(2) de ce texte définit la Constitution du Canada comme comprenant entre autres les textes législatifs figurant à l’annexe, dont est absent le Colonial Laws Validity Act, 1865. Pour écarter toute incertitude quant à la suprématie permanente de la Constitution, il était donc nécessaire d’y incorporer le paragraphe 52(1), lequel prévoit ce qui suit :

52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

[16]      Si avant 1982, la Constitution du Canada, qui était alors constituée des Actes de l’Amérique du Nord britannique et de certains autres textes, ne primait pas les lois fédérales et provinciales, il serait difficile de comprendre sur quel fondement nos tribunaux judiciaires, y compris la Cour suprême du Canada, avaient depuis la Confédération exercé leur compétence pour invalider telle ou telle loi canadienne pour incompatibilité avec la séparation des pouvoirs, prévue aux articles 91 et 92 de L’acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867. Le régime que nous connaissions avant 1982 et que nous connaissons toujours après 1982 est celui de la souveraineté parlementaire dans les limites d’une constitution écrite. Ces limites étaient d’ordre exclusivement quantitatif quant à l’exercice du pouvoir législatif avant 1982. Il est vrai que l’adoption de la Charte en 1982 a ajouté une multitude de limitations qualitatives à l’exercice de ce pouvoir, mais il est difficile de relever un changement quelconque dans le principe que la Constitution primait et prime toujours les lois ordinaires. Par suite, il faut, tout comme avant 1982, se référer aux prescriptions spécifiques de la Constitution pour juger si dans un cas d’espèce, le législatif a excédé une limite constitutionnelle (expresse ou implicite) de son pouvoir.

[17]      Sauf preuve du contraire, le Parlement du Canada, en adoptant l’article 39, légiférait dans une matière qui relève intrinsèquement de la compétence fédérale, à savoir dans quelle mesure les immunités traditionnelles de l’État fédéral en matière contentieuse doivent être modifiées et dans quelle mesure la divulgation de documents confidentiels est justiciable des tribunaux. Ainsi que l’a fait remarquer le juge en chef Dickson dans la cause Vérificateur général[17] :

Dans le domaine de la Charte, l’article premier « constitue le mécanisme purement canadien par l’intermédiaire duquel les tribunaux ont à décider de la justiciabilité de questions litigieuses particulières dont ils sont saisis » (le juge Wilson, dans Operation Dismantle, précité, à la p. 491). Ainsi, en dernier ressort, c’est aux tribunaux qu’il incombe, constitutionnellement, de tracer les limites de cette justiciabilité, sous réserve de l’art. 33. À l’opposé, dans le domaine résiduel où s’applique, en droit constitutionnel canadien, le principe de la souveraineté parlementaire, la délimitation de cette frontière relève du Parlement et des législatures, non des tribunaux. Il est de la prérogative d’un Parlement souverain de faire connaître son intention quant au rôle que joueront les tribunaux dans l’interprétation, l’application et l’exécution de ses lois. Même si les tribunaux doivent décider du sens à donner aux dispositions législatives, ils le font au nom de la recherche de l’intention ou de la volonté souveraine du Parlement, que les méthodes d’interprétation utilisées à cette fin tiennent compte de l’objet de la disposition, du contexte où elle se trouve ou encore des principes qui la sous-tendent. Donc si les tribunaux interprètent une disposition particulière comme ayant l’effet d’écarter les recours judiciaires à l’égard des droits conférés par cette loi, ils donnent, en principe, effet à l’opinion que se fait le Parlement de la justiciabilité de ces droits. Ces droits ne sont pas justiciables des tribunaux, non pas en raison d’une appréciation que porte indépendamment le tribunal sur l’opportunité de son intervention, mais plutôt parce que le Parlement est censé avoir exprimé son intention de ne pas rendre ces droits justiciables.

Ce point de vue se concilie d’ailleurs fort bien avec les cas où les tribunaux donnent effet aux clauses dites « privatives » faisant expressément échec au contrôle judiciaire. D’un point de vue constitutionnel, il n’est pas approprié que le tribunal intervienne, dès lors que le Parlement le lui interdit. [Non souligné dans l’original.]

Plus spécifiquement, dans Commission des droits de la personne c. Procureur général du Canada et autre, la Cour suprême du Canada a confirmé la validité de l’ancienne incarnation de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, savoir le paragraphe 41(2) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10], qui prévoyait en fait une catégorie plus étendue d’immunité absolue, embrassant non seulement les renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine, mais aussi les documents dont l’exécutif attestait que leur divulgation pourrait porter atteinte aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité, ou aux relations fédérales-provinciales. Une fois un document certifié comme présentant un de ces risques, il ne pouvait être divulgué et le juge n’avait pas le pouvoir de l’examiner. La Cour a jugé que même en cas de demande de communication par une commission nommée par une province, cette disposition ne représentait pas une ingérence dans des domaines de compétence provinciale. Et que le privilège de la Couronne fédérale relève du droit public fédéral, domaine dans lequel le Parlement peut légiférer. La possibilité qu’il puisse y avoir abus dans l’administration d’un texte de ce genre n’amoindrit nullement le pouvoir législatif du Parlement[18]. Voici ce que la Cour a conclu au sujet de ce risque [à la page 228] :

Dès que l’on reconnaît au Parlement et aux législatures provinciales le pouvoir de légiférer en cette matière dans leurs domaines respectifs et on ne saurait le nier, ce risque existe. Cependant le risque que l’Exécutif applique à mauvais escient ou même de façon arbitraire une législation validement adoptée par le Parlement n’a pas pour effet de faire perdre à celui-ci son pouvoir de légiférer. Il ne faut pas confondre la loi adoptée par le Parlement et l’acte de l’Exécutif posé en application de cette loi.

Par ailleurs, dès que l’on reconnaît au Parlement et aux législatures provinciales le pouvoir de légiférer, force est de reconnaître qu’ils peuvent rendre le privilège absolu. Dire en effet que le Parlement et les législatures ne peuvent rendre le privilège absolu équivaudrait, à mon sens, à nier la suprématie parlementaire et à nier au Parlement et aux législatures leur pouvoir souverain de légiférer dans leurs champs respectifs de compétence. [Non souligné dans l’original.]

[18]      Notre Cour a confirmé la validité d’une ancienne version de l’article 39 et rejeté sa contestation fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits [L.R.C. (1985), appendice III]. Le juge Iacobucci (à l’époque juge en chef de la Cour fédérale), a fait observer que cette disposition :

[…] vise principalement à protéger la solidarité du Cabinet et la liberté pour lui de s’exprimer spontanément et constitue l’une des exceptions au droit de présenter sa cause qui ont été reconnues.

Il en a conclu qu’elle ne représentait pas une limitation inconstitutionnelle du droit à « l’audition équitable »[19].

[19]      Il semble donc bien établi que, sauf restriction constitutionnelle indéniable, pareille disposition de la loi relève bien du pouvoir législatif du Parlement et de l’exercice de sa suprématie.

[20]      Les appelants soutiennent cependant que pareille disposition de la loi est contraire à la common law et, de ce fait, implicitement inconstitutionnelle. Il est vrai que cette disposition ne va pas dans le même sens que la common law en vigueur en la matière : en cas d’assertion de confidentialité de renseignements du Cabinet, la jurisprudence contemporaine a permis au juge d’examiner le document pour s’assurer si la revendication est fondée et, dans l’affirmative, si l’intérêt général que représente sa divulgation l’emporte sur l’intérêt général que représente le maintien de la confidentialité. (Il faut souligner qu’elle ne garantit pas la divulgation du document, mais en laisse la décision au juge.) Mais même dans Carey c. Ontario, où la Cour suprême a conclu que telle est la règle de droit applicable, faute de loi écrite à ce sujet, le juge La Forest, prononçant le jugement de la Cour, a tempéré comme suit sa conclusion contre la prétention à l’immunité absolue :

[…] je suis d’accord que gouverner est à ce point difficile que les personnes chargées de la direction du pays ne devraient pas être placées dans une situation où elles pourraient faire l’objet d’un harcèlement qui rendrait impossible le gouvernement par le Cabinet. Je conteste toutefois le caractère absolu de la protection qu’on accorde aux délibérations du Cabinet ou à l’élaboration de politiques, sans égard au sujet en cause, sans se demander si elles sont d’actualité ou si elles ne présentent plus aucun intérêt pour le public, ou sans tenir compte de l’importance que leur divulgation peut avoir dans un procès. Ces questions ont été abordées dans des affaires subséquentes[20].

Il évoquait ainsi la possibilité que la législation puisse limiter la protection absolue à certains genres de documents ou pour un certain temps seulement (comme le fait l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada), mais reconnaissait autre part qu’il appartient au législateur de définir l’étendue de cette protection si c’est ce qu’il entend faire[21]. Plus récemment, la Cour suprême a confirmé par son arrêt R. c. Mills[22], que la loi écrite ne saurait être tenue pour inconstitutionnelle du seul fait qu’elle ne s’accorde pas avec la common law.

[21]      La raison d’être d’une loi de ce genre est évidente. Il n’est pas nécessaire d’ajouter à la documentation sur l’importance que revêt le secret des délibérations du Cabinet dans notre système de gouvernement. Le texte de loi en question représente bien entendu pour les ministres et leurs conseillers, l’assurance absolue que les catégories de documents visées à l’article 39 ne seront même pas susceptibles d’examen par un juge pour vérification de leur confidentialité; il ne laisse aucun doute sur le maintien de leur secret.

[22]      Ce serait en tout cas simplifier à l’extrême que de voir dans ce texte de loi un atteinte draconienne aux droits reconnus en common law. En fait, la common law, jusqu’à la réforme par la Chambre des lords en 1968[23], était encore plus restrictive en matière de divulgation : dans Duncan v. Cammell, Laird & Co. Ltd.[24], la Chambre des lords a jugé que l’affidavit d’un ministre attestant que la divulgation de documents porterait atteinte à l’intérêt général, ferait foi de son contenu, sans vérification aucune des documents eux-mêmes. Bien que la Chambre des lords se soit apparemment ravisée en 1968 dans Conway v. Rimmer en décidant que le juge pourrait examiner les documents dont un ministre revendiquait la confidentialité, la majorité était d’avis que les documents du Cabinet, comme tels, n’étaient pas susceptibles de divulgation[25]. Aucune limite n’était fixée, par exemple, pour la période à l’expiration de laquelle l’exécutif ne pourrait plus revendiquer la confidentialité. C’est à la même époque à peu près que l’ancienne version de l’article 39 a été adoptée. Tout en appliquant les principes dégagés dans Conway v. Rimmer à la plupart des documents, il prévoyait la protection absolue sans droit de vérification par le juge, pour les documents dont l’exécutif affirmait que leur divulgation porterait atteinte aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité ou aux relations fédérales-provinciales, ainsi que pour les renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine. En 1982, cette disposition a été modifiée de façon à limiter la protection absolue, sans vérification par le juge, aux renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine. Le déni du droit de regard du juge judiciaire a été cependant tempéré pour la première fois par l’adoption d’une définition légale de « renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada », et pour la première fois aussi, une limitation dans le temps a été instituée pour cette protection. La règle générale est que ces renseignements confidentiels sont protégés pour une période de 20 ans seulement. Les documents de travail qui ont abouti à une décision publique n’ont plus besoin d’être tenus secrets. Il en est de même d’un grand nombre de documents de travail qui n’ont pas débouché sur une décision rendue publique, à l’expiration d’une période de quatre ans. Par suite, un ministre ou le greffier du Conseil privé est astreint à une limitation précise quant aux documents pour lesquels il peut revendiquer la confidentialité à titre de renseignements secrets du Conseil privé de la Reine et quant à la durée du maintien de cette confidentialité sans vérification de la part de la Cour.

[23]      Sauf preuve du contraire donc, le texte de loi en cause est une mesure validement adoptée par le Parlement pour définir les privilèges de l’exécutif fédéral dans le maintien du principe, bien établi et bien accepté, du secret des délibérations du Cabinet. Faute d’impératif constitutionnel contraire, indéniable et irrésistible, ce texte de loi est valide et a plein effet.

[24]      J’en viens maintenant aux soi-disant « principes fondamentaux non écrits » de la Constitution qu’invoquent les appelants pour conclure à l’invalidation du texte de loi en cause, savoir la séparation des pouvoirs, la primauté du droit et l’indépendance du pouvoir judiciaire.

(ii)        La séparation des pouvoirs

[25]      Les appelants soutiennent que la doctrine de la séparation des pouvoirs interdit au Parlement d’investir l’exécutif de pouvoirs judiciaires. À leur avis, l’attestation délivrée par le greffier du Conseil privé en application de l’article 39 est un acte judiciaire, en ce qu’elle tranche la question de savoir si le juge judiciaire peut examiner certains éléments de preuve.

[26]      Ils citent à l’appui les conclusions de la Cour suprême du Canada dans Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.) (le renvoi sur les juges)[26]. Il est vrai que dans cette cause, le juge en chef Lamer, prononçant le jugement de la majorité, a noté que l’indépendance de la magistrature

[…] est une conséquence de la séparation des pouvoirs, comme les présents pourvois concernent les rapports constitutionnels que doivent entretenir les trois pouvoirs de l’État relativement à la rémunération des juges[27] […]

Il a noté que la doctrine de la séparation des pouvoirs avait son origine dans le préambule de la Constitution, qui fait état d’« une constitution semblable dans son principe à celle du Royaume-Uni ».

[27]      Il y a lieu de souligner en premier lieu que l’observation ci-dessus, partagée par cinq autres juges dans le renvoi sur les juges, n’était qu’une observation incidente puisque la cause a été tranchée au regard de l’alinéa 11d) de la Charte.

[28]      En second lieu, il est difficile de voir dans la soi-disant doctrine de la séparation des pouvoirs une norme et non une description (générale). Si de fait elle avait son origine dans le préambule, il est difficile de la réconcilier avec les principes de la Constitution du Royaume-Uni où, par exemple, le lord chancelier est tout à la fois le chef de la hiérarchie judiciaire, un membre du Cabinet et le président de la chambre haute du Parlement, et où (tout comme au Canada), l’exécutif est soumis au contrôle du législatif et où les membres de l’exécutif doivent être, par convention, aussi membres de l’organe législatif du gouvernement[28]. On pense généralement que l’illusion que le Royaume-Uni observait une stricte séparation des pouvoirs était créée par les observations erronées faites au XVIIIe siècle par Montesquieu dans son ouvrage De l’Esprit des Lois. Ces observations, tout erronées qu’elles furent, ont exercé une influence considérable sur la formulation de la Constitution des États-Unis, qui met en place une véritable séparation des pouvoirs. En fait, la mention au préambule d’une « constitution semblable dans son principe à celle du Royaume-Uni » avait son origine dans la Résolution 4 des Résolutions de Québec de 1864, et était considérée à l’époque comme traduisant le principe de la responsabilité gouvernementale, savoir un régime dans lequel l’exécutif est comptable devant le législatif[29]. Ce concept même était l’antithèse de la séparation des pouvoirs. Il y a un grand nombre d’exemples de chevauchement de fonctions entre les trois pouvoirs, le plus visible étant le pouvoir légal de la Cour suprême de Canada de donner des avis consultatifs, fonction que ne sauraient tolérer les régimes véritables de séparation des pouvoirs comme aux États-Unis. Dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour a confirmé à l’unanimité son droit d’exercer cette fonction en ces termes :

Qui plus est, la Constitution canadienne n’impose pas une séparation stricte des pouvoirs. Le Parlement et les législatures provinciales peuvent à bon droit confier aux tribunaux d’autres fonctions juridiques, et conférer certaines fonctions judiciaires à des organismes qui ne sont pas des tribunaux. L’exception à cette règle touche uniquement les cours visées à l’art. 96. Par conséquent, même si le fait de donner des avis consultatifs est très clairement une fonction accomplie en dehors du cadre des procédures contentieuses, et que l’exécutif obtient habituellement de tels avis des juristes de l’État, rien dans la Constitution n’empêche notre Cour de se voir attribuer le pouvoir d’exercer un tel rôle consultatif[30].[Non souligné dans l’original.]

Il n’est pas étonnant que la Cour soit parvenue à cette conclusion, engagée comme elle l’était dans un cas célèbre d’exercice de sa fonction consultative auprès de l’exécutif, répondant à plusieurs questions hypothétiques posées par le gouverneur en conseil en l’absence de tout « litige » réel au sens juridique du terme (lequel litige est aux États-Unis le critère de l’exercice du pouvoir judiciaire).

[29]      En l’espèce, on voit mal comment le refus d’une organe de l’exécutif, le Bureau du Conseil privé, de donner à un autre organe de l’exécutif[31], la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, l’un et l’autre régis par des lois adoptées par le Parlement fédéral, accès à certains renseignements du Cabinet, peut constituer une violation du principe de la séparation des pouvoirs, à même supposer que ce principe soit en vigueur. Les appelants soutiennent cependant que le fait pour le Parlement de dénier à notre Cour le droit d’examiner les documents parce que le greffier du Conseil privé les a déclarés protégés par l’effet de l’article 39, constitue une attribution illicite de pouvoirs judiciaires au greffier du Conseil privé. On ne voit pas très bien comment pareille décision de la part de ce dernier est nécessairement de nature judiciaire. Il s’agit de l’attestation d’un fait, qui a force obligatoire pour le juge en raison de la nature particulière du sujet, tout comme le serait par exemple l’attestation faite par le ministre des Affaires étrangères quant au gouvernement que le Canada reconnaît comme le gouvernement de la Chine. Cette fonction est tout à fait conforme aux paramètres du respect mutuel que chacun des pouvoirs doit aux deux autres. Par exemple, dans New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée législative)[32], la Cour suprême a jugé que l’exercice des privilèges inhérents d’une législature provinciale n’est pas justiciable sous le régime de la Charte. Dans MacKeigan c. Hickman[33], il a été jugé que les autres pouvoirs ne pouvaient contraindre un juge à témoigner sur les motifs qui présidaient aux conclusions tirées dans un jugement ni sur la façon dont il y était parvenu. Il n’est donc pas particulièrement étonnant que les tribunaux, du moins quand interdiction leur en est faite par une loi fédérale, doivent s’abstenir d’exiger les témoignages sur les raisons qui poussent l’exécutif à prendre certaines décisions d’orientation générale, ni sur la manière dont il y parvient ni sur la nature de ces décisions. De même qu’il y a des raisons d’ordre public de nature quasi constitutionnelle qui veulent que le législateur soit maître de ses procédures et que le juge n’ait pas à révéler le processus par lequel il est parvenu à une décision en particulier, de même l’exécutif (guidé par une loi du Parlement) doit être en mesure d’identifier les documents produits dans son processus de décision interne et qui ne doivent pas être révélés, pour protéger l’intégrité du système du secret des délibérations du Cabinet.

[30]      S’il est quelque concept de séparation des pouvoirs auquel doive se conformer notre système de gouvernement, c’est cette forme de respect mutuel des trois pouvoirs qu’il doit appliquer, afin de distinguer et de renforcer leurs rôles respectifs.

[31]      Ainsi que l’a fait observer Mme le juge McLachlin dans New Brunswick Broadcasting :

Notre gouvernement démocratique comporte plusieurs branches : la Couronne représentée par le gouverneur général et ses homologues provinciaux, l’organisme législatif, l’exécutif et les tribunaux. Pour assurer le fonctionnement de l’ensemble du gouvernement, il est essentiel que toutes ces composantes jouent le rôle qui leur est propre. Il est également essentiel qu’aucune de ces branches n’outrepasse ses limites et que chacune respecte de façon appropriée le domaine légitime de compétence de l’autre[34].

(iii)       La primauté du droit

[32]      Les appelants ont confondu dans une certaine mesure ce principe fondamental avec celui de l’indépendance de la magistrature. Ce qu’ils soutiennent réellement, c’est que non seulement le gouvernement doit s’exercer conformément à la loi, mais encore la loi ne doit jamais exclure le pouvoir judiciaire du processus décisionnel de l’exécutif. Pour prévenir toute confusion, il vaut mieux séparer les deux concepts en vue d’une analyse claire.

[33]      Ceux qui prônent ou défendent quelque chose en particulier tendent à voir dans le principe de la primauté du droit tout ce qui conforte leur vue de ce que doit être la loi. Tout récemment, dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême du Canada a réitéré la conception de la primauté du droit, qu’elle avait exprimée dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba[35]. En bref, elle a confirmé que les trois composantes du principe de la primauté du droit sont : la suprématie du droit sur les actes du gouvernement et des particuliers (« une seule loi pour tous »), la création et le maintien d’un ordre réel de droit positif qui préserve le principe de « l’ordre normatif », et le fait que « l’exercice de tout pouvoir public doit en bout de ligne tirer sa source d’une règle de droit ». En d’autres termes, dit-elle, « les rapports entre l’État et les individus doivent être régis par le droit ».

[34]      Ainsi que l’a conclu le distingué juge de première instance, il s’agit justement en l’espèce d’un cas où l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada s’applique pour préserver la protection des renseignements du Cabinet contre la divulgation. Ce cas est clairement régi par la loi, savoir l’article 39, qui est un texte de loi adopté par le Parlement pour produire des effets dans son domaine reconnu de compétence législative. Primauté du droit ne signifie pas garantie de la suprématie de la common law (laquelle a, dans ce domaine, subi une mutation ces dernières décennies). En fait, l’« ordre réel de droit positif » dans notre système fait que les lois valides priment la common law. Que l’État soit tenu de respecter la loi au même titre que les citoyens, n’est pas contesté en l’espèce. Cela ne veut pas dire pour autant que la règle de droit doit produire les mêmes effets à l’égard de tout citoyen ou institution du pays : les individus et les organismes publics dont la situation est différente requièrent un traitement différent, et l’art et la science de l’élaboration des règles de droit, pour le législateur comme pour le juge, consistent à formuler des règles appropriées aux différents individus et organismes publics qu’elles régissent. Bien entendu, cette fonction doit s’exercer dans les limites définies par l’article 15 de la Charte, lequel n’est pas en jeu en l’espèce.

[35]      À ce sujet, c’est à juste titre que le juge McKeown a cité le récent arrêt Bacon v. Saskatchewan Crop Insurance Corp.[36] de la Cour d’appel de la Saskatchewan. Dans cette dernière affaire, l’organisme gouvernemental chargé de l’administration d’un programme d’assurance-récoltes en avait modifié les dispositions. Bien qu’à son avis, les modifications effectuées ne dérogent pas au contrat conclu à l’origine avec les agriculteurs, elles ont été contestées en justice. Par suite, la législature de la Saskatchewan a adopté une loi pour modifier les dispositions du programme tout en prévoyant qu’aucune action ou procédure ne serait recevable contre la Couronne ou l’un quelconque de ses préposés par suite de la modification par voie législative des contrats primitifs avec les agriculteurs. La nouvelle loi interdisait également aux tribunaux de considérer l’argument qu’un préavis était nécessaire avant la modification des contrats. En contestant cette loi en justice, les représentants des agriculteurs participant au programme primitif soutenaient qu’elle était invalide pour atteinte au principe de la primauté du droit. Ils s’appuyaient surtout sur les conclusions tirées dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec[37] où la Cour suprême du Canada évoquait la règle posée par le principe de la primauté du droit et portant suprématie du droit sur tous les actes du gouvernement et des particuliers, c’est-à-dire le principe d’« une seule loi pour tous ». Ils en concluaient que l’État n’avait pas plus le droit de se soustraire à ses obligations contractuelles qu’un sujet de droit privé. Citant la jurisprudence de la Cour suprême et du Comité judiciaire du Conseil privé portant confirmation des lois qui affectaient des droits contractuels, le juge Wakeling, prononçant le jugement de la Cour d’appel, a conclu en ces termes :

[traduction] L’observation faite par la Cour suprême (paragraphe 78) qu’il n’y a pas conflit entre le principe de la primauté du droit et la constitution est une énonciation irrésistible. Elle a fait cette observation en 1998, sachant qu’à plusieurs reprises par le passé, le Parlement avait adopté et consacré des lois limitant ou supprimant des droits contractuels et des droits de propriété, qui autrement auraient pu s’exercer. Puisque la Cour suprême ne trouve pas que ce contexte historique représente un conflit avec le principe de la primauté du droit, cela signifie nécessairement qu’à son sens, la loi écrite constitue une importante source du droit qui nous régit et que la seule limitation de ce pouvoir de légiférer se trouve dans la Constitution.

Je ne peux concevoir que les juges de la Cour suprême, tout en donnant une analyse de notre régime fédéral, entreprennent du même coup de changer ce régime. Cela d’autant plus qu’il n’est pas question de changement subtil ou marginal, mais de changement qui restreindrait la suprématie du Parlement en le soumettant au contrôle des juges de cour supérieure chargés de s’assurer qu’il ne porte pas atteinte au principe de la primauté du droit et, dans l’affirmative, de juger s’il y a eu action arbitraire de sa part. Si la Cour suprême du Canada entendait souscrire à pareille doctrine, je pense qu’elle l’aurait dit très clairement dans une cause où elle était saisie de cette question. D’autant plus que non seulement elle avait conscience du grand nombre de causes dans lesquelles les divers ressorts reconnaissaient la suprématie du Parlement, mais encore devait avoir conscience de ses propres jugements passés qui ont appliqué ce principe, par exemple A.F.P.C. c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 424 (S.C.C.), Renvoi : Régime d’assistance publique du Canada, [1991] 2 R.C.S. 525 (C.S.C.), Esquimalt & Nanaimo Railway v. British Columbia (Attorney General) (1949), [1950] A.C. 87 (P.C. Colombie-Britannique). Au surplus, il m’est impossible de concevoir qu’en posant la fondation de leur décision dans la cause Sécession en invoquant le développement historique et juridique du fédéralisme dans ce pays, les juges de la Cour suprême se soient occupés aussi à changer cette fondation. Cela eût-il été le cas, ce changement n’aurait pas été effectué de façon si subtile qu’on puisse se demander s’il a vraiment eu lieu.

Je partage entièrement ces observations.

[36]      Je conviens donc avec le juge de première instance que le principe de la primauté du droit ne saurait être interprété de façon à invalider une loi qui a pour effet d’autoriser les représentants de l’État à indiquer que certains documents échappent à la divulgation, c’est-à-dire que la primauté du droit n’exclut pas une loi spéciale produisant un effet spécial au sujet d’une catégorie spéciale de documents, lesquels, pour des raisons fondées de longue date sur des principes constitutionnels comme la responsabilité gouvernementale, ont reçu un traitement différent de celui réservé aux documents privés dans un procès commercial.

[37]      Je conclus en conséquence que le principe de la primauté du droit n’est pas un facteur sur lequel on pourrait se fonder pour écarter les dispositions de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada.

(iv)       L’indépendance de la magistrature

[38]      Les appelants invoquent ce principe parfois en conjugaison avec les principes de la séparation des pouvoirs et de la primauté du droit. À ce que je vois, leur argument est que le Parlement n’a pas le pouvoir pour adopter l’article 39 parce qu’il interdit soit à la Commission soit à notre Cour d’examiner les documents visés par l’attestation du greffier du Conseil privé. Cet argument est essentiellement que toute limitation de la compétence des autorités juridictionnelles, qui les empêche dans certains cas de contrôler des décisions du gouvernement, est une violation de l’indépendance, constitutionnellement garantie, de la magistrature.

[39]      Le juge de première instance a conclu, judicieusement à mon avis, que cette disposition n’est pas une atteinte à l’indépendance de la magistrature, telle qu’elle est définie par les règles dégagées dans Valente c. La Reine et autres[38] et qui sont maintenant bien établies. L’article 39 ne porte nullement atteinte à l’inamovibilité, à la sécurité financière ou à l’indépendance administrative des juges, telles qu’elles étaient en jeu dans cette dernière cause. Cet article est un texte de loi publique adopté par le Parlement pour s’appliquer à une variété de circonstances, et non pour produire ses effets dans un cas d’espèce. Bien qu’on puisse présumer qu’il est généralement invoqué à l’appui de la position de l’État dans un procès, on peut parfaitement concevoir qu’il puisse être invoqué contre les intérêts de l’exécutif, par exemple dans le cas où le greffier du Conseil privé est obligé de garder confidentiels les documents d’un gouvernement précédent par une attestation afin d’en empêcher la production dans un cas où le gouvernement de l’heure pourrait tirer profit de leur divulgation. Ou bien, comme l’a fait observer le juge La Forest dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général)[39], l’invocation de l’article 39 pour protéger le secret des renseignements du Cabinet pourrait compromettre l’aptitude du gouvernement engagé dans un procès, à justifier, au regard de l’article premier de la Charte, son choix de telle ou telle mesure législative. Rien de tout cela ne saurait être interprété comme équivalant à exercer une pression inappropriée sur le juge quant à l’issue d’un cas d’espèce; il se voit tout simplement interdire par une loi fédérale de rendre certaines décisions.

[40]      En fait, la disposition en question est tout bonnement une autre forme de disposition privative, que connaît notre système de justice depuis longtemps. Il est de droit constant que les dispositions privatives instituées par voie législative peuvent interdire au juge judiciaire de revenir sur les conclusions sur les faits du juge administratif, si celui-ci les a tirées dans les limites de sa compétence. Ainsi que l’a souligné le juge en chef Dickson dans la cause Vérificateur général[40], au sujet de l’exclusion par le législateur des recours judiciaires pour forcer le respect du droit à l’information du vérificateur général, les droits de ce genre sont devenus non justiciables.

Ce point de vue se concilie d’ailleurs fort bien avec les cas où les tribunaux donnent effet aux clauses dites « privatives » faisant expressément échec au contrôle judiciaire. D’un point de vue constitutionnel, il n’est pas approprié que le tribunal intervienne, dès lors que le Parlement le lui interdit.

[41]      Le juge judiciaire se voit simplement interdire par l’article 39 d’examiner les documents et, partant, la portée du secret des délibérations du Cabinet. Il s’agit là d’une disposition privative acceptable à moins que, depuis l’arrêt Vérificateur général, nous n’ayons adopté une doctrine constitutionnelle fondée sur les « principes fondamentaux, non écrits de la Constitution canadienne » ou sur ses « principes structurels », pour poser qu’une décision judiciaire peut toujours, au nom de l’indépendance de la magistrature, se substituer à une décision gouvernementale.

[42]      À mon avis, les limitations constitutionnelles essentielles de la pratique consistant à investir les autorités non judiciaires comme le greffier du Conseil privé de certaines fonctions soustraites au contrôle du pouvoir judiciaire, se trouvent dans l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’alinéa 11d) de la Charte. La délivrance des attestations dont s’agit ne peut être, à mon avis, qualifiée de fonction traditionnelle et nécessaire d’une cour supérieure telle qu’elle était envisagée en 1867; pareille attestation ne va donc pas à l’encontre de l’article 96[41]. Elle ne saurait être considérée non plus comme partie intégrante de la conduite d’un procès au sens de l’alinéa 11d) de la Charte : l’audience devant la Commission, qui est à l’origine des procédures en instance, n’est pas un procès sur la culpabilité de qui que ce soit et, l’eût-elle été, la Commission n’aurait pas été, constitutionnellement parlant, habilitée à la tenir[42].

[43]      Cela ne veut pas dire que le juge n’a aucun rôle à jouer à propos des attestations délivrées en application de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. Il a été jugé que la Cour peut se saisir d’un recours en contrôle judiciaire contre la délivrance d’une attestation, bien qu’elle ne soit pas habilitée à contrôler la véracité de cette attestation si celle-ci est délivrée en bonne et due forme[43]. En procédant à ce contrôle judiciaire, le juge serait dans la même position qu’une cour contrôlant la décision d’un office fédéral dont les ordonnances sont protégées par une disposition privative.

[44]      La question des effets que pourrait avoir une attestation délivrée en application de l’article 39 sur un organe judiciaire ne se poserait qu’en Cour fédérale, lorsqu’elle est aux prises avec une attestation de ce genre. Comme noté, supra, la Commission n’est pas un organe judiciaire bien qu’on puisse dire qu’elle exerce certaines fonctions quasi judiciaires. Elle est essentiellement une agence de l’exécutif[44] et tire ses seuls pouvoirs d’une loi adoptée par le Parlement même qui a adopté la Loi sur la preuve au Canada.

B.        L’applicabilité de l’article 39 en l’espèce

[45]      À titre subsidiaire, les appelants soutiennent que l’article 39, eût-il été constitutionnellement valide, n’est quand même pas applicable en l’espèce puisque « le Parlement ne peut autoriser l’exécutif à soustraire ses agissements à l’examen à la lumière de la Constitution en recourant à l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada »[45]. Ils concluent donc à une interprétation restrictive de cet article de façon à ne pas l’appliquer aux circonstances de la cause.

[46]      À titre d’observation de portée générale, cet argument est bien convaincant et doit être examiné sérieusement.

[47]      Les appelants s’appuient en grande partie, par voie d’analogie, sur trois décisions de la Cour suprême. Dans B.C. Power Corporation v. B.C. Electric Company[46], où il y avait contestation de la constitutionnalité d’une loi provinciale par laquelle la Colombie-Britannique entendait prendre en charge le réseau privé de production et de distribution de l’électricité dans la province, les demandeurs, qui étaient les propriétaires du bien exproprié, concluaient à ordonnance interlocutoire portant désignation d’un séquestre en attendant l’issue de leur action. Les autorités provinciales ont invoqué l’immunité dont jouissait à l’époque la Couronne du chef de la Colombie-Britannique à l’égard des actions relatives aux biens domaniaux. La Cour suprême du Canada a jugé que la Couronne provinciale ne pouvait invoquer l’immunité fondée sur un droit de propriété, lequel dépendait de la validité de la loi attaquée sur le plan constitutionnel. Et que si pareille immunité pouvait jouer, la province pourrait réaliser son dessein de conserver le bien dans le cas même où la loi en question serait jugée invalide. Dans Amax Potash Ltd. et al. c. Gouvernement de la Saskatchewan[47], un règlement de taxation de certains minéraux fut contesté en justice. Une disposition de longue date de la loi dite The Proceedings against the Crown Act[48] excluait entre autres toute action en restitution de taxes payées en application d’une loi ou d’un règlement jugé invalide après coup. La Cour suprême a invalidé cette disposition. Ainsi que l’a fait observer le juge Dixon [tel était alors son titre] au nom de la Cour, « [u]n État ne peut conserver par des mesures inconstitutionnelles ce qu’il ne peut prendre par de telles mesures »[49]. La Cour s’y appuyait surtout sur son ancien arrêt B.C. Power. L’arrêt Air Canada c. Colombie-Britannique (Procureur général)[50] portait aussi sur une action en restitution de la taxe payée sous le régime d’une loi invalide. En Colombie-Britannique, les actions contre la Couronne devaient se faire par voie de « petition of right ». Après modification vers la fin des années 1970, la loi applicable prévoyait que les actions relatives aux faits antérieurs au 1er août 1974 devaient s’engager par voie de « petition of right ». Pareille procédure était bien entendu subordonnée à l’autorisation de se pourvoir en justice contre la Couronne, accordée par le lieutenant-gouverneur sur recommandation du procureur général ou du gouvernement provincial. La taxe avait été versée avant et après le 1er août 1974, conformément à la loi en question. Défenderesse dans une action en restitution de la taxe payée après cette date, la province avait reconnu que la taxe était invalide[51]. Lorsque l’appelante Air Canada a voulu se faire restituer la taxe payée avant le 1er août 1974, elle s’est vu refuser l’autorisation d’agir en justice. La Cour suprême a ordonné au procureur général de la Colombie-Britannique d’engager le lieutenant-gouverneur à accorder l’autorisation pour l’action relative à la taxe payée avant 1974. Citant les précédents comme Amax et B.C. Power, elle a jugé qu’« une loi ne peut permettre de conserver une somme d’argent obtenue en vertu d’une loi inconstitutionnelle »[52], et qu’il ne saurait être question de parvenir au même résultat au moyen du refus par le gouvernement d’accorder l’autorisation d’intenter une action en recouvrement de cet argent.

[48]      Il y a lieu de noter que toutes les causes invoquées portaient sur la validité d’une loi (dans la cause Air Canada, la province a, antérieurement à la décision de la Cour suprême, reconnu que la taxe était invalide au moment en question) et l’impossibilité pour la Couronne de faire valoir, par voie législative ou par refus discrétionnaire d’autorisation, des droits qui dépendaient entièrement de la validité de cette loi.

[49]      Aussi indéniablement importants que soient ces précédents, je conviens avec le juge de première instance qu’ils ne sont pas déterminants en l’espèce. La Cour doit juger à la lumière des faits de la cause. Le juge de première instance a conclu, comme je l’ai fait, que l’article 39 est intrinsèquement valide; il ne s’agit donc pas d’un cas où l’État fait valoir un droit fondé sur une loi dont la validité est en cause. De fait, les appelants soutiennent en termes généraux que « le Parlement ne saurait autoriser l’exécutif à soustraire ses agissements à l’examen à la lumière de la Constitution » et que si l’application de l’article 39 devait avoir pareil effet en l’espèce, il ne faut pas l’appliquer. Cependant, dans la déclaration par laquelle ils ont intenté l’action à l’origine, il n’y a aucune allégation d’inconduite de la part de « l’exécutif ». Il y est plutôt question d’éléments de preuve produits devant la Commission sur des communications entre le bureau du premier ministre et la GRC. À même supposer qu’on puisse considérer la Commission comme un tribunal où les agissements illégaux de « l’exécutif » puissent entrer en ligne de compte dans la formulation de ses recommandations, il faut noter, comme l’a fait le juge de première instance[53], que « l’enquête vise le comportement des agents de la GRC et non celui de l’exécutif ». Essentiellement, l’article 45.35 de la Loi sur la GRC investit la Commission du pouvoir d’instruire les plaintes contre des agents de la GRC puis de faire des recommandations au commissaire de la GRC et au ministre. Toute conclusion qu’elle aurait pu tirer sur les agissements du bureau du premier ministre et d’autres membres de l’exécutif dans le contexte des agissements de la GRC serait forcément accessoire et ne saurait permettre, sur le plan juridique, de conclure si ces personnes ont fait quelque chose d’illégal sur le plan constitutionnel[54]. En conséquence, le refus, en application de l’article 39, de communiquer des documents renfermant des renseignements confidentiels du Conseil privé de Sa Majesté ne peut, dans les circonstances de la cause, exclure tout jugement définitif d’agissements inconstitutionnels. Ce jugement appartient à la juridiction qui serait saisie de l’action intentée en réparation de ces agissements, contre ceux qui en seraient coupables.

[50]      En fait, ce que les appelants cherchent à faire en l’espèce, c’est de faire d’une action en jugement déclaratif de l’invalidité constitutionnelle de l’article 39, une action en jugement déclaratif de la nullité radicale de la décision même du greffier du Conseil privé en l’espèce. Cet argument subsidiaire sur la non-applicabilité de l’article 39, au cas où il serait jugé que celui-ci est valide, n’était proposé nulle part dans la déclaration. La voie à suivre pour faire valoir cet argument serait un recours en contrôle judiciaire contre l’attestation du greffier du Conseil privé et, comme noté supra[55], il est possible d’agir en contrôle judiciaire contre une attestation de ce genre. Si les appelants ont une preuve quelconque de motifs irréguliers qui auraient présidé à la délivrance de l’attestation, c’est dans ce contexte qu’ils devraient la produire. S’ils contestent la compétence du greffier du Conseil privé pour appliquer, de façon inconstitutionnelle à leur avis, la procédure prévue à l’article 39 dans les circonstances de l’espèce, c’est aussi par voie de recours en contrôle judiciaire qu’il faut procéder, pourvu qu’ils aient des preuves à l’appui de l’assertion que l’attestation ait été délivrée à tort. Bien entendu, la juridiction saisie du recours en contrôle judiciaire se heurterait à un certain obstacle du fait qu’il lui serait interdit d’examiner les documents faisant l’objet de l’attestation visée au paragraphe 39(1). Il s’agit là d’une disposition privative inusitée, mais d’une disposition que, pour les raisons évoquées, supra, il est loisible au législateur de promulguer. Les tribunaux judiciaires ne sont pas versés en dispositions privatives, et celle qui nous intéresse en l’espèce et qui interdit à la Cour de tirer certaines conclusions sur les faits, n’est pas différente d’un grand nombre d’autres dispositions privatives. La Cour aurait à tirer des inférences d’autres éléments de preuve connexes. Bien que sur le plan des principes, il y ait des arguments convaincants en faveur de la possibilité pour les juges d’examiner les documents en question et de s’assurer eux-mêmes de leur nature, je ne pense pas qu’il s’agisse là d’un impératif constitutionnel.

[51]      Faire droit aux arguments des appelants reviendrait à décider que l’article 39 serait inapplicable chaque fois qu’il y a la moindre allégation que des renseignements du Cabinet pourraient révéler des décisions d’orientation générale ou d’application spécifique, dont on pourrait affirmer qu’elles portent atteinte aux droits de certains individus. Ce qui aurait pour effet de réduire de façon draconienne la protection absolue des délibérations du Cabinet contre la divulgation, que l’article 39 garantit à l’heure actuelle.

[52]      En conséquence, je conclus qu’il n’y a rien qui permette de juger que l’article 39 est inapplicable dans les circonstances de la cause.

Frais et dépens

[53]      Les appelants concluent aux dépens de l’appel quelle qu’en soit l’issue. En première instance, le juge leur a alloué les dépens malgré leur échec. N’empêche qu’ils ont fait appel, également en vain. Dans ces conditions, j’ai conclu qu’il n’y a pas lieu de leur allouer les dépens.

Décision

[54]      Par ces motifs, l’appel sera rejeté sans dépens.

Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris aux motifs ci-dessus.

Le juge McDonald, J.C.A. : Je souscris aux motifs ci-dessus.



[1]  L.R.C. (1985), ch. C-5 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, item 5].

[2]  L.R.C. (1985), ch. R-10 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16].

[3]  Ibid., art. 45.42 [édicté, idem], 45.43 [édicté, idem], 45.44 [édicté, idem].

[4]  Ibid., art 45.45(14) [édicté, idem].

[5]  Ibid., art. 45.46(3) [édicté, idem].

[6]  Dossier d'appel, vol. 2, à la p. 278.

[7]  Ibid., aux p. 278 et 279.

[8]  Ibid., à la p. 279.

[9]  Ibid., à la p. 282.

[10]  Supra, note 1.

[11]  [1997] 3 R.C.S. 3.

[12]  [1998] 2 R.C.S. 217.

[13]  [1989] 2 R.C.S. 49, aux p. 103 et 104.

[14]  Supra, note 12, à la p. 258. En fait, l'art. 52 ne fait pas partie de la Charte.

[15]  (R.-U.), 28-28 Vict., ch. 63.

[16]  22 Geo. V, ch. 4 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 27], art. 2, 7.

[17]  Supra, note 13, aux p. 91 et 92.

[18]  [1982] 1 R.C.S. 215, aux p. 223 à 228.

[19]  Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641 (C.A.), à la p. 665.

[20]  [1986] 2 R.C.S. 637, à la p. 659.

[21]  Ibid., aux p. 667 et 668.

[22]  [1999] A.C.S. no 68 (QL), au par. 60.

[23]  Voir Conway v. Rimmer, [1968] A.C. 910 (H.L.).

[24]  [1942] A.C. 624 (H.L.).

[25]  Supra, note 23, aux p. 952, 987 et 993.

[26]  Supra, note 11.

[27]  Ibid., à la p. 87.

[28]  Hogg, Constitutional Law of Canada (édition en feuilles mobiles), Toronto: Carswell, 1992, art. 7.3(a), 9.4(e).

[29]  Voir par ex. C. Moore, 1867How the Fathers Made a Deal. Toronto: M&S, 1997, aux p. 80 et 81; Hogg, op. cit., à l'art. 9.2.

[30]  Supra, note 12, à la p. 233.

[31]  Voir par ex. Dixon c. Canada (Gouverneur en conseil), [1997] 3 C.F. 169 (C.A.), au par. 13, p. 179 et 180.

[32]  [1993] 1 R.C.S. 319. Voir aussi Southam Inc. c. Canada (Procureur général), [1990] 3 C.F. 465 (C.A.), à la p. 487. Le juge en chef Iacobucci y exprime le doute que les tribunaux judiciaires puissent contrôler les travaux d'un comité parlementaire.

[33]  [1989] 2 R.C.S. 796.

[34]  Supra, note 32, à la p. 389.

[35]  [1985] 1 R.C.S. 721, aux p. 747 à 752.

[36]  [1999] 11 W.W.R. 51 (C.A. Sask.).

[37]  Supra, note 12, au par. 71, p. 257 et 258.

[38]  [1985] 2 R.C.S. 673.

[39]  [1995] 3 R.C.S. 199, à la p. 310.

[40]  Supra, note 13, la citation ci-dessus fait partie de la citation dont la référence figure à la note 17.

[41]  Voir Loi de 1979 sur la location résidentielle, [1981] 1 R.C.S. 714.

[42]  Voir par ex. Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d'enquête sur le système d'approvisionnement en sang au Canada), [1997] 3 R.C.S. 440, à la p. 460.

[43]  Voir par ex. Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., supra, note 19; Canadian Assn. of Regulated Importers c. Canada (Procureur général), [1992] 2 C.F. 130 (C.A.); cité avec approbation par le juge La Forest dans RJR-MacDonald, supra, note 39, à la p. 310.

[44]  Voir Dixon c. Canada (Gouverneur en conseil), supra, note 31, à la p. 180.

[45]  Mémoire des appelants, au par. 62.

[46]  [1962] R.C.S. 642.

[47]  [1977] 2 R.C.S. 576.

[48]  R.S.S. 1965, ch. 87, art. 5(7).

[49]  Supra, note 47, à la p. 592.

[50]  [1986] 2 R.C.S. 539.

[51]  Air Canada v. British Columbia (1984), 10 D.L.R. (4th) 185 (C.S. C.-B.).

[52]  Supra, note 50, à la p. 545.

[53]  [1999] 4 C.F. 583 (1re inst.), au par. 84, p. 622.

[54]  Voir note 42, supra.

[55]  Voir note 43, supra, et le texte cité.

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