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[1993] 3 C.F. 320

T-2059-91

Société canadienne des postes (requérante)

c.

Ministre des Travaux publics et Michael Duquette (intimés)

Répertorié : Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics) (1re inst.)

Section de première instance, juge Rothstein—Toronto, 1er avril; Ottawa, 3 juin 1993.

Accès à l’information — Demande d’accès à des documents recueillis par Travaux publics (TPC), qui les utilise dans le cadre de sa prestation de services de gestion des biens et de services connexes à titre de mandataire de la Société canadienne des postes (SCP) — En l’absence de dispositions législatives dérogatoires, la communication viole l’entente prévoyant le mandat — L’art. 4 de la Loi sur l’accès à l’information confère à tout citoyen le droit à l’accès, sur demande, à tout document relevant d’une institution fédérale — La SCP n’est pas une institution fédérale, alors que TPC l’est — Sens de l’expression « relevant de » — Les définitions lexicographiques donnent à entendre que l’expression est susceptible de revêtir plusieurs sens, selon les circonstances — La Loi a pour objet de conférer l’accès au public sous réserve d’exceptions expresses limitées — La jurisprudence et l’esprit de la Loi n’indiquent pas que l’expression « documents relevant d’une institution fédérale » revêt un sens étroit — L’analogie entre la procédure de communication préalable et l’accès à l’information est non fondée — La façon dont les renseignements sont obtenus par l’institution fédérale n’est pas un facteur à prendre en considération pour déterminer s’ils sont susceptibles d’être communiqués — La Loi prévoit un code complet en matière de communication — La possession légale ou matérielle suffit pour entraîner l’application de la Loi.

Il s’agit d’une demande visant à ce qu’une première décision soit rendue sur la question de savoir si certains documents « rel[èvent] d’une institution fédérale » au sens du paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information . La Société canadienne des postes (SCP) n’étant pas une « institution fédérale », ses documents ne sont pas susceptibles d’être communiqués sous le régime de la Loi. Elle est dans la même situation que n’importe quel citoyen. À titre de ministère du gouvernement du Canada, Travaux publics Canada (TPC) est une institution fédérale. La SCP a retenu les services de TPC pour la gestion de ses biens et la prestation de services techniques et professionnels connexes. La relation entre la SCP et TPC est une relation de mandat, et l’entente prévoit que TPC, en sa qualité de mandataire, gardera confidentiels tous les renseignements concernant la SCP. En l’absence de dispositions législatives dérogatoires, TPC ne peut, de son propre gré, divulguer des renseignements concernant la SCP qui sont en sa possession sans manquer à l’entente prévoyant son mandat. Les documents demandés par un citoyen en vertu de l’article 4 de la Loi ont été recueillis par TPC, qui les utilise dans le cadre de la prestation de ses services à la SCP.

Le paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information confère aux citoyens canadiens et aux résidents permanents le droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale. La Loi a pour objet de soumettre tous les documents relevant du gouvernement au droit d’accès du public, sauf si ces documents entrent dans les exceptions expresses qui sont prévues dans la Loi ou que cette dernière prévoit expressément sa non-application à certains documents du gouvernement. Le terme « control » de la version anglaise n’est pas défini dans la Loi.

La requérante soutient qu’un document en la possession d’une institution fédérale du fait de la relation de mandant et mandataire n’est pas un document relevant de l’institution fédérale [« under the control »]. Elle fait valoir que 1) le sens ordinaire du mot anglais « control » comporte une idée de propriété et une certaine autorité ou direction quant à l’objet en question; 2) les documents concernant la SCP ne sont pas des documents du gouvernement et, par conséquent, aux fins de la Loi, ils ne relèvent pas d’une institution fédérale; 3) dans le contexte de la Loi, l’expression « relève de » [« control »] envisage plus qu’une simple possession; il s’agit du pouvoir d’utiliser le document et d’en décider conformément aux objets de l’institution fédérale; 4) même si l’expression « relève de » [« control »] équivaut à une possession, celle-ci doit être légale (celle qui permet à une partie d’agir à sa guise à l’égard du bien) et non seulement matérielle. TPC n’avait pas la possession légale des documents de la SCP.

Jugement : les documents demandés « rel[èvent] d’une institution fédérale » au sens du paragraphe 4(1) de la Loi.

(1) Si le mandant exerce généralement un certain pouvoir sous forme d’autorité ou de direction à l’égard du mandataire, la définition de « control » inclut également une notion de gestion, direction, surveillance, administration ou supervision. Le mandataire détiendrait un tel pouvoir à l’égard de ses registres et documents, dont ceux qu’il tient ou surveille [« control »] pour son mandant. Les définitions lexicographiques du terme anglais « control » ne permettent pas de conclure avec certitude que la SCP exerce un pouvoir [« control »] sur les documents en question dans le sens où le terme est utilisé dans la version anglaise de la Loi, et qu’il n’en est pas ainsi pour TPC. Par contre, les définitions de dictionnaire donnent à entendre que le terme anglais « control » est susceptible de revêtir plusieurs sens, selon les circonstances dans lesquelles il est utilisé. Les dictionnaires ne font que suggérer des définitions, car le sens véritable d’un mot dépend nécessairement du contexte dans lequel il s’insère dans une loi considérée dans son entier. Il ne convenait pas de s’appuyer exclusivement sur une définition du dictionnaire du mot anglais « control ».

(2) L’expression « documents de l’administration fédérale » n’est pas définie dans la Loi. Rien dans la Loi ne donne à entendre que le document en la possession de l’administration fédérale, autre que celui qui porte sur le gouvernement et ses activités, ne peut être considéré comme un document de l’administration fédérale aux fins de la Loi. En effet, le paragraphe 2(1) semble suggérer que l’expression « les documents de l’administration fédérale » désigne tous les renseignements contenus dans les documents relevant d’une institution fédérale. Si cette interprétation est juste, l’accent ne devrait pas être mis sur l’expression « document de l’administration fédérale », mais plutôt sur l’expression « relevant de » [« control »]. L’objet de la Loi ne permet pas d’affirmer que les documents d’un tiers qui sont en la possession d’une institution fédérale agissant à titre de mandataire du tiers ne sont pas visés par la Loi.

(3) La Loi ne contient aucune déclaration expresse ou conclusion que l’expression « relevant de » doit être atténuée par un test visant à établir la façon dont une institution fédérale entend utiliser les documents ou la mesure dans laquelle elle peut en disposer. On ne trouve pas davantage d’indication que l’expression « relevant de », telle qu’elle est utilisée dans la Loi, peut être modifiée par une entente privée entre une institution fédérale et un tiers. Les lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la Loi ne représentent que l’opinion du Conseil du Trésor et ne lient pas la Cour. Bien que les lignes directrices donnent à l’expression « relevant de » qui s’y trouve un sens qui appuie la position de la requérante, elles énoncent également qu’un document en la possession d’une institution fédérale est présumé relever de cette institution à moins de « preuve du contraire ». L’expression « preuve du contraire » doit être interprétée dans le contexte du libellé de la Loi et de la jurisprudence qui l’interprète. Il existe de fortes raisons, compte tenu de l’esprit de la Loi et de l’opinion exprimée dans l’arrêt Ottawa Football Club c. Canada (Ministre de la Condition physique et du Sport amateur) , de conclure que l’expression « relevant de » vise les documents qui sont en la possession d’une institution fédérale. L’expression « documents relevant d’une institution fédérale » n’est pas censée revêtir un sens étroit.

(4) L’argument suivant lequel il ne devrait pas être ordonné à TPC de communiquer des documents dont elle n’a pas la possession légale est fondé sur l’analogie avec la communication préalable de documents. Cette analogie n’est pas fondée. La procédure de communication préalable est de type accusatoire, et le critère principal qui s’y applique est la pertinence. Les exceptions à la communication préalable sont régies par ce critère. Par contraste, l’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information repose sur l’intérêt du public dans la communication et non sur l’intérêt privé des parties en litige. Si, en vertu de la Loi, l’obligation de communiquer peut être plus large que dans le cas d’une communication préalable, les exceptions sont différentes et, à certains égards, plus considérables. La façon dont une institution fédérale a obtenu les documents n’est pas un facteur à considérer pour déterminer si le document est susceptible de communication en vertu de la Loi. Les conditions applicables à la communication et au caractère confidentiel des documents dans le cadre de la Loi constituent un code en elles-mêmes, qu’on ne peut régulièrement interpréter en se reportant aux considérations spécifiques au processus de communication préalable. Le fait qu’une institution fédérale ait en sa possession des documents, dans le sens légal ou matériel du terme, suffit pour que ces documents soient visés par la Loi.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 2, 3, 4 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144), 18, 19, 20, 68 (mod. par L.C. 1990, ch. 3, art. 32; 1992, ch. 1, art. 143), 69 (mod., idem, art. 144).

Loi sur la concurrence, S.R.C. 1970, ch. C-23 (mod. par L.C. 1986, ch. 26, art. 19), art. 97, 98 (édicté, idem, art. 47).

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 37, 38, 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144).

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21.

Loi sur le tribunal de la concurrence, L.C. 1986, ch. 26, art. 9(3).

Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I-6.

The Public Authorities Protection Act, R.S.O. 1970, ch. 374, art. 11 (mod. par S.O. 1976, ch. 19, art. 1).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385; (1992), 89 D.L.R. (4th) 218; 3 Admin. L.R. (2d) 242; 133 N.R. 345; Bande indienne de Montana c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1989] 1 C.F. 143; [1988] 5 W.W.R. 151; (1988), 59 Alta. L.R. (2d) 353; 18 F.T.R. 15 (1re inst.); Ottawa Football Club c. Canada (Ministre de la Condition physique et du Sport amateur), [1989] 2 C.F. 480; (1989), 23 C.P.R. (3d) 297; 24 F.T.R. 62 (1re inst.); American Airlines, Inc. c. Canada (Tribunal de la concurrence), [1989] 2 C.F. 88; (1988), 54 D.L.R. (4th) 741; 23 C.P.R. (3d) 178; 89 N.R. 241 (C.A.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

Pacific Press Ltd. v. Vancouver (City), [1989] B.C.J. No. 1107 (C.S.) (Q.L.) (inédit); conf. [1990] B.C.J. No. 1688 (C.A.) (Q.L.) (inédit); Berardinelli c. Ontario Housing Corpn. et autre, [1979] 1 R.C.S. 275; (1978), 90 D.L.R. (3d) 481; 8 C.P.C. 100; 23 N.R. 298.

DOCTRINE

Black’s Law Dictionary, 6th ed., St. Paul, Minn. : West Pub. Co., 1990, « control ».

Canada. Conseil du Trésor. Politiques et lignes directrices concernant l’information et la protection des renseignements personnels. Ottawa : Conseil du Trésor du Canada, 1992.

Conseil du Trésor du Canada. Lignes directrices provisoires : Loi sur l’accès à l’information et Loi sur la protection des renseignements personnels, Partie II. Canada : Ministre des Approvisionnements et services, 1983.

DEMANDE d’une première décision sur la question de savoir si certains documents, relatifs à des biens dont la Société canadienne des postes, qui n’est pas une institution fédérale, est propriétaire ou locataire, et recueillis par Travaux publics à titre de mandataire de la Société canadienne des postes, « rel[èvent] d’une institution fédérale » (Travaux publics) au sens du paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information . La question reçoit une réponse affirmative.

AVOCATS :

John B. Laskin et Mark R. Hemingway pour la requérante.

Paul J. Evraire et Nanette Rosen pour l’intimé le ministre des Travaux publics.

Timothy G. M. Hadwen pour l’intimé Michael Duquette.

PROCUREURS :

Tory Tory DesLauriers & Binnington, Toronto, pour la requérante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé le ministre des Travaux publics.

Cavalluzzo, Hayes & Shilton, Toronto, pour l’intimé Michael Duquette.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Rothstein : En l’espèce, la question est de savoir si les documents de nature commerciale qui concernent un tiers et qui sont sous la garde ou en la possession d’une institution fédérale agissant à titre de mandataire pour le tiers, sont des documents relevant de l’institution fédérale et doivent par conséquent être communiqués, conformément au paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144], qui porte que :

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens de la Loi sur l’immigration.

Des précisions sur les parties, leur qualité dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information et la nature du litige dont la Cour est saisie sont exposées aux paragraphes 1 à 5 de l’exposé conjoint des faits :

[traduction] 1. La Société canadienne des postes (« SCP ») est une société d’État constituée en vertu de la Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. (1985), ch. C-10. La SCP a pour mission, entre autres, de créer et d’exploiter un service postal au Canada.

2. La SCP n’étant pas énumérée à l’annexe I de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la « Loi »), elle n’est pas une « institution fédérale » au sens de la Loi. Elle est par conséquent un « tiers » au sens de l’art. 3 de la Loi.

3. Travaux publics Canada (« TPC ») est un ministère fédéral et une « institution fédérale » au sens de la Loi.

4. Citoyen canadien, M. Duquette a présenté une demande en vertu de l’art. 4(1) de la Loi en vue d’obtenir l’accès à certains documents.

5. La SCP estime que les documents auxquels M. Duquette a demandé accès relèvent d’elle [« are under its control »] et non de TPC, tel que cette expression est utilisée dans la Loi, et que, par conséquent, on ne peut invoquer la Loi pour en exiger la communication. M. Duquette estime que les documents relèvent de TPC et qu’en vertu de la Loi, il peut en demander la communication. La SCP, TPC et M. Duquette ont par conséquent consenti à demander à la Cour de rendre une première décision, en se fondant sur le présent exposé conjoint des faits, sur la question de savoir si les documents en cause relèvent de TPC au sens de la Loi.

La nature de la relation entre la Société canadienne des postes (« SCP ») et le ministre des Travaux publics du Canada (« TPC ») est énoncée aux paragraphes 15 à 18, 20 et 22 à 24 de l’exposé conjoint des faits :

[traduction] 15. Dès l’entrée en vigueur en 1981 de la Loi sur la Société canadienne des postes, la gestion et le contrôle des biens immobiliers dont Sa Majesté du chef du Canada était propriétaire ou locataire et dont le ministère des Postes était le seul ou le principal occupant ont été transférés à la SCP.

16. Les biens immobiliers de la SCP ou loués par cette dernière, dont ceux auxquels se rapportent les documents dont l’accès a été demandé, sont gérés et contrôlés par la SCP.

17. La SCP a retenu les services de TPC pour la gestion de ces biens et la prestation de services techniques et professionnels connexes.

18. La SCP et TPC ont conclu deux ententes régissant leurs relations :

(1) L’Entente détaillée sur la gestion des biens immobiliers et les services, conclue le 30 août 1984 (l’« entente de 1984 »), telle que modifiée à l’occasion;

(2) La Convention de gestion relative aux subventions en remplacement d’impôts, conclue le 14 juillet 1988 (l’« entente de 1988 »).

Les documents se rapportant aux biens de la SCP sont détenus par TPC conformément à l’une ou l’autre de ces ententes, ou aux deux.

20. Conformément à l’alinéa 1.0c) de l’entente de 1984, TPC est l’expert-conseil ou l’intermédiaire de services de la SCP relativement aux biens auxquels se rapportent les documents dont l’accès a été demandé.

22. Conformément à l’article 3.2 de l’entente de 1984, la SCP a donné à TPC, qui agit à titre d’agent/expert-conseil, des directives sur le traitement des renseignements relatifs aux baux de la SCP, ses marchés et ses projets. Une copie des directives est jointe à l’annexe G.

23. Aux termes des directives, TPC ne peut [traduction] « divulguer à qui que ce soit des renseignements sur les baux de la SCP sans obtenir préalablement son consentement écrit.

24. Conformément aux directives, à titre d’expert-conseil/ agent de la SCP, TPC ne peut divulguer aucun renseignement, quel qu’il soit, concernant la SCP à quiconque n’appartient pas à TPC, ni en discuter. TPC doit considérer ces renseignements comme des renseignements d’affaires confidentiels de la SCP.

Les documents en question sont décrits au paragraphe 26 de l’exposé conjoint des faits :

[traduction] 26. Les documents en question en l’espèce se rapportent, comme il est indiqué au paragraphe 7 ci-dessus, au 280, Progress Avenue, qui est un bien de la SCP, et au 415 Milner Avenue, qui est loué par cette dernière. TPC recueille les documents pour les utiliser dans le cadre de la prestation de ses services de gestion immobilière et services connexes pour la SCP. Les documents comprennent des lettres échangées par TPC et des tiers (en général des entrepreneurs) relativement à des soumissions et à des travaux à exécuter, des notes de services et des lettres échangées par la SCP et TPC relativement à des décisions et à l’approbation de décisions concernant des travaux dont les biens ont fait l’objet, des documents internes de TPC et des notes de services portant sur les travaux exécutés par TPC et la SCP. On y retrouve des contrats, des plans, des cahiers de charge et des documents de soumissions. Tous les documents contiennent des renseignements sur les installations de la SCP qui ne sont pas accessibles au public et des renseignements qui ne sont généralement pas accessibles.

La requérante soutient que la relation entre la SCP et TPC tient du mandant et du mandataire, et qu’en vertu de cette relation, les documents relèvent de la SCP et non de TPC. Elle ajoute que les documents relevant d’elle, le paragraphe 4(1) ne s’applique pas et les documents ne peuvent, sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information, être communiqués.

Avant d’analyser les arguments de la requérante, je commenterai la qualité des parties et la relation contractuelle qui les unit. Dans le dossier qui m’est soumis, on mentionne le fait que M. Duquette est un représentant syndical du Syndicat des postiers du Canada et que la SCP est une société d’État et non une institution fédérale au sens de la Loi sur l’accès à l’information. Le paragraphe 4(1) de la Loi donne aux citoyens canadiens et aux résidents permanents l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale. La Loi ne prévoit aucune autre qualité. Si, en principe, on peut soutenir que le droit d’accès devrait être conditionnel, aucune condition n’est précisée à la Loi. Peut-être la SCP voit-elle M. Duquette dans le rôle de l’adversaire en raison de son lien avec le Syndicat des postiers du Canada. Il ne s’agit toutefois pas d’un élément à considérer pour déterminer si M. Duquette a droit d’accès aux documents en question en l’espèce. Pourvu qu’il soit citoyen canadien ou résident permanent, il peut invoquer le paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information.

Le fait que la SCP soit une société d’État n’est pas non plus un facteur dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information. L’article 3 de la Loi définit le terme « institution fédérale » :

3. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« institution fédérale » Tout ministère ou département d’État relevant du gouvernement du Canada, ou tout organisme, figurant à l’annexe I.

La SCP ne figure pas à l’annexe I de la Loi. En conséquence, ses documents ne sont pas susceptibles d’être communiqués sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information. En ce sens, dans la mesure où la Loi est concernée, la SCP est dans la même situation que n’importe quel citoyen ou société.

Le terme « tiers » est défini à l’article 3 de la Loi :

3. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« tiers » Dans le cas d’une demande de communication de document, personne, groupement ou organisation autres que l’auteur de la demande ou qu’une institution fédérale.

La SCP n’étant ni l’auteur de la demande ni une institution fédérale, elle est manifestement un tiers.

Puisqu’il est un ministère fédéral, TPC figure à l’annexe I de la Loi sur l’accès à l’information. À ce titre, il est une institution fédérale telle que cette expression est définie dans la Loi.

RELATION CONTRACTUELLE

L’Entente détaillée sur la gestion des biens immobiliers et les services conclue le 30 avril 1984 entre la SCP et TPC prévoit, à l’alinéa 1.0c), que les parties reconnaissent :

c) que les rapports actuels et futurs entre la S.C.P. et T.P.C. sont ceux qui existent entre le client ou mandant et l’intermédiaire de services ou l’expert-conseil quant à la prestation de services et la gestion des biens immobiliers dont la gestion et le contrôle incombent à la S.C.P. …

La SCP et TPC ont établi dans une entente expresse une relation de mandant et d’intermédiaire quant à la gestion des biens immobiliers de la SCP.

Les dispositions de cette entente qui régissent, entre la SCP et TPC, la tenue et la surveillance des documents, sont les paragraphes 5.2 et 5.3.

5.2 TPC doit tenir des livres et des registres comptables quant aux services assurés à la SCP en vertu de la présente entente et doit établir, à l’intention de la SCP, tous les états de compte que la SCP peut exiger de temps à autre.

5.3 La SCP peut, à un moment raisonnable et pourvu qu’un préavis a été donné à TPC, entrer dans les locaux de TPC pour vérifier les livres et registres de TPC afférents aux services exécutés en vertu de la présente entente, pour vérifier n’importe quel autre document ayant trait à l’exécution de ces services. TPC autorisera la SCP à tirer des copies ou des extraits de ces livres, de ces registres et de tout autre document et aidera la SCP sur demande.

En vertu du paragraphe 5.2, TPC doit tenir des comptes, des livres et des registres comptables quant aux services assurés à la SCP. En vertu du paragraphe 5.3, la SCP peut vérifier les livres et registres de TPC ou n’importe quel autre document afférent aux services assurés par TPC à la SCP. Le même paragraphe prévoit également que TPC autorise la SCP à tirer des copies ou des extraits de ces livres, registres et documents.

La Convention de gestion relative aux subventions en remplacement d’impôts conclue le 14 juillet 1988 prévoit, à l’égard des livres, comptes et registres ayant trait aux services assurés par TPC à la SCP en vertu de l’entente :

4.2 Le M.T.P. (Division des subventions aux municipalités) tient, à l’égard des services accomplis aux termes des présentes pour la S.C.P., des livres, comptes et registres distincts et fidèles.

4.3 Le M.T.P. convient que les livres, comptes et registres mentionnés au paragraphe 4.2 sont la propriété de la S.C.P., à qui ils doivent être remis lors de la résiliation de la présente entente.

Conformément à ces dispositions, les livres, comptes et registres ayant trait à la SCP doivent être tenus distinctement par TPC et remis à la SCP à la résiliation de l’entente. Ils sont la propriété de la SCP.

Le 28 avril 1989, E. C. Kriegler, vice-président, Biens immobiliers, Société canadienne des postes, a écrit à R. S. Lafleur, sous-ministre adjoint, Services de l’immobilier, Travaux publics Canada, pour lui faire part de ce qui suit :

[traduction] Nous avons appris que TPC envisage l’adoption d’une politique visant à rédiger une liste des baux de TPC et à la rendre accessible au public.

Frank McCarthy (SCP) aborde la question dans une lettre adressée à Avrum Miller (TPC).

La présente lettre vise à réitérer la position de la SCP, selon laquelle TPC ne doit divulguer à qui que ce soit des renseignements sur les baux de la SCP sans obtenir préalablement son consentement écrit.

Le 8 mai 1989, M. Lafleur a répondu à M. Kriegler :

[traduction] TPC agrée à votre souhait de ne pas inclure les baux de la SCP dans quelle que liste que ce soit qui serait diffusée.

Nous recevons occasionnellement des députés des demandes de renseignements concernant les baux, et nous ne divulguerons aucun renseignement sur les baux de la SCP sans obtenir préalablement votre autorisation écrite.

Le 18 septembre 1989, une note de service a été diffusée au sein de TPC sur la question suivante :

Société canadienne des postes

Confidentialité des renseignements

À la page 2 de la note, il est écrit :

En clair, Travaux publics Canada ne divulguera aucun renseignement, quel qu’il soit, concernant la SCP à quiconque n’appartient pas à TPC, ni n’en discutera avec lui. En d’autres mots, nous, en tant qu’agents de la Société canadienne des postes, devrons considérer ces renseignements comme des renseignements d’affaires confidentiels de la SCP, et nous conformer à la marche à suivre visant les renseignements ayant la cote « protégé ». Il s’agit d’un arrangement qui ne concerne que TPC et son client, et qui n’impose pas que les employés ayant accès à des renseignements sur la SCP aient reçu une autorisation de sécurité.

Ces lettre et note de service font ressortir le mandat qui existe entre la SCP et TPC et l’entente intervenue entre la TPC et la SCP, selon laquelle, en sa qualité de mandataire, TPC considérera tous les renseignements concernant la SCP comme confidentiels et ne divulguera aucun renseignement à quiconque n’appartient pas à TPC.

Je suis tout à fait convaincu que la relation entre la SCP et TPC est une relation de mandat, et que l’entente prévoit que TPC gardera confidentiels les renseignements concernant la SCP. En l’absence de dispositions législatives dérogatoires, TPC ne peut, de son propre gré, divulguer des renseignements concernant la SCP qui sont en sa possession. S’il le faisait, il manquerait à l’entente prévoyant son mandat.

Reste tout de même à savoir si une telle entente, ou la relation de mandant et de mandataire comme telle, écarte l’application de la Loi sur l’accès à l’information à l’égard des renseignements qui concernent la SCP et qui sont en la possession de TPC.

L’objet de la Loi sur l’accès à l’information est de soumettre tous les documents relevant du gouvernement au droit d’accès du public, sous réserve des exceptions qui y sont prévues. Outre les dispositions d’exception (articles 13 à 26), les articles 68 [mod. par L.C. 1990, ch. 3, art. 32] et 69 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144] prévoient expressément la non-application de la Loi à certains documents du gouvernement, tels les documents confidentiels du Conseil privé de la Reine. Seules ces exceptions et ces dispositions prévoyant la non-application de la Loi restreignent l’application de cette dernière aux documents relevant d’une institution fédérale.

En ce qui concerne la présente affaire, la Loi ne prévoit pas sa non-application aux documents qui sont en la possession d’une institution fédérale agissant à titre de mandataire pour un tiers. Le rôle que joue l’institution fédérale dans l’acquisition et l’emmagasinage des documents n’est pas une considération expresse lorsqu’il s’agit de déterminer si le document est soumis à la communication en vertu de la Loi.

LES ARGUMENTS DE LA REQUÉRANTE

La requérante soutient qu’un document en la possession d’une institution fédérale du fait de la relation mandant (tiers) et mandataire (institution fédérale) n’est pas un document relevant de l’institution fédérale [« under the control »]. Le terme « control » de la version anglaise n’étant pas défini dans la Loi sur l’accès à l’information, la requérante a eu recours à différents moyens d’interprétation permettant de répondre à la question de savoir si l’expression « documents relevant d’une institution fédérale » [« record under the control of a government institution »] utilisée au paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information vise les documents en possession de l’institution fédérale qui agit à titre de mandataire d’un tiers.

La requérante fait valoir essentiellement quatre arguments :

(1) La définition lexicographique du mot anglais « control » comporte une idée de propriété et une certaine autorité ou direction quant à l’objet en question. Nous soutenons que c’est la SCP, et non TPC, qui détient cette autorité.

(2) La Loi sur l’accès à l’information a pour objet de conférer le droit d’accès à des documents du gouvernement. Les documents concernant la SCP n’en sont pas et, par conséquent, aux fins de la Loi, ils ne devraient pas être considérés comme des documents relevant d’une institution fédérale.

(3) Dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information, l’expression « relève de » [« control »] envisage plus qu’une simple possession. Nous soutenons que les documents de la SCP ne sont qu’en la possession de TPC, et ne relèvent pas de ce dernier.

(4) Même si l’expression « relève de » [« control »] équivaut à une possession, celle-ci doit être légale et non seulement matérielle. Nous soutenons que TPC n’a pas la possession légale des documents de la SCP.

(1)       Définition lexicographique de « control »

La requérante soutient d’une part que le sens ordinaire du mot anglais « control » comporte une idée de propriété et une certaine autorité ou direction quant à l’objet en question. Elle cite différentes définitions à l’appui de son interprétation, dont celle du Black’s Law Dictionary, 6e éd. 1990, qui définit « control » à la page 329 :

« Control » [traduction] n. Pouvoir ou qualité de gérer, diriger, surveiller, limiter, régir, administrer ou superviser. La capacité d’exercer une influence contraignante ou dirigeante sur un objet.

« Control » [traduction] v. Le fait d’exercer une influence contraignante ou dirigeante. Régir, limiter, dominer; réprimer; empêcher d’agir; maîtriser; neutraliser; gouverner.

Outre ces définitions, j’ai étudié les autres que la requérante a citées. Je conviens avec elle que, dans le mandat, le mandant exerce généralement un certain pouvoir sous forme d’autorité ou de direction à l’égard du mandataire et, en l’occurrence, à l’égard de la SCP et de TPC, une direction quant au caractère confidentiel ou à la communication des documents. Toutefois, la définition de « control » inclut également une notion de gestion, direction, surveillance, administration ou supervision. Le mandataire détiendrait un tel pouvoir, du moins dans une certaine mesure, à l’égard de ses registres et documents, dont ceux qu’il tient ou surveille [« control »] pour son mandant. L’article 5.3 de l’Entente sur la gestion des biens immobiliers, conclue en 1984 entre TPC et la SCP, prévoit que cette dernière peut vérifier les livres et registres de TPC afférents à l’entente. À tout moment raisonnable et sous réserve d’un préavis, la SCP est autorisée à tirer des copies ou des extraits de ces registres. Ceci implique que TPC exerce un pouvoir quotidien de gestion et d’administration sur les documents.

Les définitions lexicographiques du terme anglais « control » ne me permettent pas de conclure avec certitude qu’en l’espèce, la SCP exerce un pouvoir [« control »] sur les documents en question, dans le sens où le terme est utilisé dans la version anglaise de la Loi sur l’accès à l’information, et qu’il n’en est pas ainsi pour TPC. Par contre, les définitions de dictionnaire donnent à entendre que le terme anglais « control » est susceptible de revêtir plusieurs sens, selon les circonstances dans lesquelles il est utilisé. On pourrait affirmer que, dans un sens, la SCP exerce un pouvoir [« control »] sur les documents, alors que, dans un autre sens, c’est TPC qui exerce ce pouvoir. En se fondant sur la seule définition du mot anglais « control », on pourrait conclure que, comme TPC exerce, au sens lexicographique large du terme, un certain pouvoir sur les documents, ces derniers relèvent de lui [« under its control »] et sont par conséquent soumis à la communication en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Toutefois, comme le juge L’Heureux-Dubé l’a dit (elle était dissidente quant au résultat) dans l’arrêt Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, à la page 409 :

… [ces] dictionnaires ne font que suggérer des définitions, car le sens véritable d’un mot dépend nécessairement du contexte dans lequel il s’insère dans une loi considérée dans son entier.

J’estime qu’en l’espèce, il ne convient pas de s’appuyer exclusivement sur une définition du dictionnaire du mot anglais « control ». J’étudierai donc les arguments de la requérante dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information.

(2)       Objet de la Loi

La requérante soutient d’autre part que la Loi sur l’accès à l’information a pour objet de conférer un droit d’accès aux documents relevant d’une institution fédérale. Le paragraphe 2(1) de la Loi porte que :

2. (1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

La requérante soutient que les documents de l’administration fédérale sont ceux qui portent sur [traduction] « le gouvernement et ses activités ». Les documents de la SCP qui sont en la possession de TPC ne sont pas de cette nature.

Je conviens avec la requérante que la loi a pour objet de donner accès aux documents de l’administration fédérale. Cette expression n’est toutefois pas définie dans la Loi. Sans aucun doute, les documents de l’administration fédérale sont des documents portant sur [traduction] « le gouvernement et ses activités », mais rien dans la Loi ne donne à entendre que tout autre document en possession de l’administration fédérale ne peut être considéré comme un document de l’administration fédérale aux fins de la Loi. En effet, le paragraphe 2(1) semble suggérer que l’expression « les documents de l’administration fédérale » désigne tous les renseignements contenus dans les documents relevant d’une institution fédérale. Si cette interprétation est juste, l’accent n’est pas mis sur l’expression « document de l’administration fédérale », mais plutôt sur l’expression « relevant de » [« control »], qui est de la plus haute importance.

Conformément à l’économie de la Loi, aucun document relevant d’une institution fédérale n’est exempté de plein droit de l’application de la Loi. Au contraire, ces documents sont d’abord tous visés, pour ensuite être exemptés si une exception s’y applique.

Ainsi, la Loi reconnaît clairement que les documents relevant d’une institution fédérale peuvent être fournis par un tiers ou y être afférents. Le paragraphe 20(2) de la Loi prescrit que :

20.

(2) Le paragraphe (1) n’autorise pas le responsable d’une institution fédérale à refuser la communication de la partie d’un document qui donne les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou pour son compte, sauf si les essais constituent une prestation de services fournis à titre onéreux mais non destinés à une institution fédérale.

Le paragraphe 20(2) présuppose que les documents qui donnent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement sont des documents relevant d’une institution fédérale même si les essais ont été effectués et les documents recueillis dans le cadre d’une prestation de services fournis à titre onéreux à un tiers. Ces documents seraient susceptibles de communication, sous réserve des exceptions prévues au paragraphe 20(2). Ils sont donc initialement visés avant qu’on envisage de les exempter de la communication en vertu du paragraphe 20(2).

La requérante a invoqué l’arrêt Berardinelli c. Ontario Housing Corpn. et autre, [1979] 1 R.C.S. 275, une affaire relative à des blessures et mettant en cause une société constituée en vertu de la Loi à laquelle s’appliquait The Public Authorities Protection Act [R.S.O. 1970, ch. 374] de l’Ontario. L’article 11 [mod. par S.O. 1976, ch. 19, art. 1] de cette Loi prévoyait un délai de prescription de six mois pour intenter une action contre une autorité pour manquement à un devoir public. Dans l’affaire Berardinelli, on a soutenu que le délai de prescription de six mois ne s’appliquait qu’aux aspects publics des activités de la société et non à ses aspects privés. Aux pages 283 et 284, le juge Estey a dit :

Il s’ensuit donc que l’expression « un devoir … conféré par la loi ou … autre devoir … public » à l’art. 11 vise, dans le contexte du par. 6(2) de The Housing Development Act, les aspects des pouvoirs et devoirs légaux qui ont une connotation ou un aspect public et ne comprend pas les responsabilités de planification, de construction et d’administration (pour reprendre le par. 6(2)) qui ont une connotation d’administration ou de gestion privée ou qui sont par leur nature même accessoires. Interpréter l’article autrement rendrait la prescription de l’art. 11 applicable à tous les aspects des pouvoirs énoncés au par. 6(2), y compris les activités courantes, si insignifiantes soient-elles d’un point de vue administratif, et, comme je l’ai déjà dit, créerait deux situations distinctes en matière de responsabilité du propriétaire pour deux logements apparemment semblables.

La requérante soutient, par analogie, qu’il faudrait interpréter la Loi sur l’accès à l’information de façon à exclure les documents privés ou ceux qui ne sont pas des documents de l’administration fédérale, mais qui sont en possession d’une institution fédérale. Aussi séduisante qu’elle soit, je ne crois pas que l’analogie suggérée par la requérante puisse s’appliquer en l’espèce compte tenu du libellé de la Loi sur l’accès à l’information. La Loi s’applique nonobstant tout autre loi fédérale. De par son économie, elle inclut tous les documents et permet ensuite certaines exceptions. En l’espèce, il ne s’agit pas d’un cas où, comme dans l’affaire Berardinelli, une interprétation causerait un préjudice non souhaité. Dans le cadre de la Loi sur l’accès à l’information, certaines exceptions précises peuvent justifier le caractère confidentiel des documents. Les articles d’exceptions offrent donc une réparation à un tiers comme la SCP.

L’objet de la Loi, qui consiste à permettre la communication des documents sous réserve d’exceptions limitées et précises, autorise donc, grâce aux exceptions, la non-divulgation de certains documents d’un tiers en la possession d’une institution fédérale. En revanche, son objet ne permet pas d’affirmer que les documents d’un tiers qui sont en la possession d’une institution fédérale agissant à titre de mandataire du tiers ne sont pas visés par la Loi.

(3)            L’expression « relevant de » [« control »] dans le contexte de la Loi désigne plus que la simple possession

La requérante soutient en outre que, dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information, l’expression « relevant de » [« control »] désigne plus que la possession. À l’appui de cet argument, elle soutient qu’il s’agit du pouvoir d’utiliser le document et d’en décider conformément aux objets de l’institution fédérale. La requérante avance par ailleurs que les documents en l’espèce n’étant pas fournis à TPC par la SCP, cette dernière pourrait être incapable d’invoquer l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) de la Loi. La requérante invoque également les Lignes directrices provisoires : Loi sur l’accès à l’information et Loi sur la protection des renseignements personnels, Partie II du Conseil du Trésor, qui prévoient à la page 10 :

Relever de : Un document relève d’une institution fédérale si cette institution est autorisée à accorder ou à refuser l’accès à ce document, à décider de son utilisation et, sous réserve de l’approbation de l’archiviste fédéral, à en disposer. Pour ce qui est de la possession physique, on présume qu’un document conservé dans une institution, à l’administration centrale, dans les bureaux régionaux, auxiliaires ou autres, au Canada ou à l’étranger, relève de cette institution à moins de preuve du contraire. On dit également qu’un document relève d’une institution s’il est conservé ailleurs mais au nom de celle-ci.

Pour conclure sur cet aspect de la question, la requérante soutient qu’outre le mot « control », la version anglaise de la Loi sur la protection des renseignements personnels [L.R.C. (1985), ch. P-21] renvoie aux renseignements « held by a government institution » ou « under the custody and control »* des institutions fédérales. Les lois provinciales relatives à l’accès aux renseignements reprennent des distinctions semblables dans leur libellé. La requérante prétend que le verbe « relève de » [« control »] commande donc plus que la simple possession ou garde.

Dans l’arrêt Bande indienne de Montana c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1989] 1 C.F. 143 (1re inst.), on avait demandé la communication des états financiers vérifiés de certaines bandes indiennes, fournis au gouvernement fédéral conformément à la Loi sur les Indiens [S.R.C. 1970, ch. I-6]. Les bandes ont soutenu que, puisque les états financiers avaient été obtenus par le gouvernement dans le contexte d’une relation fiduciaire avec les bandes, ils ne relevaient pas du gouvernement. Le juge en chef adjoint Jerome a repris ces arguments et énoncé sa conclusion, aux pages 150 à 152 :

Lors de sa plaidoirie, le procureur de la bande développa cette position pour prétendre que puisque les informations sont régies par la relation fiduciaire, elles ne sont pas vraiment « des documents des institutions fédérales » [« under the control » of a government institution]. Les documents peuvent être en la possession d’un ministère, mais ils ne sont pas des documents d’une institution, à moins qu’il soit possible au gouvernement d’exercer un contrôle sur ceux-ci. On prétend qu’un tel contrôle n’est pas possible vu l’objet limité de leur production et la nature fiduciaire de la relation entre les parties.

D’autres requérants sont plus catégoriques. Ils plaident que les états financiers ne peuvent aucunement être tenus pour de « l’information gouvernementale » puisqu’ils contiennent les revenus et le capital propres à la bande. Ils affirment que l’expression « documents des institutions fédérales », comporte une idée de propriété. Il s’ensuit que le gouvernement ne peut donner accès qu’aux documents dont il peut légalement s’occuper à sa seule discrétion. En l’espèce, on allègue que l’information, tout comme les fonds qui sont décrits, appartient à la bande et non au gouvernement. On ne peut donc pas les qualifier de « documents des institutions fédérales ».

L’intimé répond que tout dossier en la possession d’une institution fédérale constitue des « documents d’une institution fédérale » selon le sens du paragraphe 4(1) parce que l’institution peut le produire. Une interprétation étroite de l’expression, prétend-on, serait contraire à l’esprit et à l’intention de la Loi, qui est de favoriser la divulgation et l’accès à l’information. Que le Parlement envisageait une définition large de l’expression ressort du soin qu’il a mis à exempter de la divulgation les dossiers des institutions fédérales dans lesquels un fort intérêt particulier prêche contre la communication. Selon les termes des arguments écrits de l’intimé :

[traduction] L’exception des renseignements de tiers, telle que prévue à l’article 20, aborde le problème de l’information fournie au gouvernement dans le cadre d’une relation de fiduciaire, trouve un équilibre entre les avantages de divulguer et de protéger les renseignements personnels au sens large et prévoit le critère précis à appliquer dans le mécanisme décisionnel.

On allègue de plus que comme le Ministère exigeait la production des dossiers en cause et que la bande les fournissait pour se conformer aux diverses dispositions réglementaires et légales de « l’institution », lesdits dossiers devraient être tenus pour des « documents des institutions fédérales ».

Je suis d’accord avec l’intimée sur cette question. Alors que l’on peut comprendre que la bande trouve répugnant que leurs dossiers personnels fassent l’objet d’une demande d’accès à l’information, le fait demeure qu’étant donné les exigences de communication, une copie de leurs états financiers constitue des documents des institutions fédérales. Limiter la définition de l’expression afin de les exclure conduirait à un dangereux précédent quant à l’interprétation de cette Loi relativement nouvelle. Heureusement, comme le fait remarquer l’intimé, le Parlement a tenu compte des préoccupations des requérantes en édictant des dispositions d’exceptions dans la Loi.

La requérante soutient que l’affaire Bande indienne de Montana se distingue de l’espèce puisque, dans cette affaire, les états financiers des bandes étaient en la possession ou relevaient d’une institution fédérale conformément à une exigence de la Loi sur les Indiens alors qu’en l’espèce, aucune disposition législative ne régit la relation entre la SCP et TPC.

Le juge en chef adjoint paraît avoir restreint son analyse pour conclure que les documents dans cette affaire relevaient du gouvernement en raison de l’obligation, prévue dans la Loi, de rendre compte. Toutefois, il a également remarqué que « [l]imiter la définition de l’expression afin de les exclure conduirait à un dangereux précédent ». Bien qu’il s’agisse là d’une remarque incidente, elle suggère qu’il souscrit à une définition plus large plutôt que plus étroite de l’expression « relever de » dans la Loi sur l’accès à l’information.

Dans l’arrêt Ottawa Football Club c. Canada (Ministre de la Condition physique et du Sport amateur), [1989] 2 C.F. 480 (1re inst.), la Ligue canadienne de football a présenté au gouvernement du Canada un mémoire contenant des renseignements sur la LCF et des mesures envisagées susceptibles d’exiger l’adoption d’une loi, l’affectation de crédits, ou les deux. Le document a été soumis volontairement, mais à titre confidentiel. Dans sa décision, le juge Strayer a dit, aux pages 485 et 486 :

La LCF soutient que parce que le document visé en l’espèce portait la mention « confidentiel » et que sa nature confidentielle avait été soulignée au gouvernement au moment de sa remise, laquelle avait été volontaire et non obligatoire, le document n’est pas un « document de l’administration fédérale » au sens de l’objet déclaré de la Loi au paragraphe 2(1), pas plus qu’il ne s’agit d’un document de « l’administration fédérale » au sens du paragraphe 2(1) ni des « institutions fédérales » au sens du paragraphe 4(1) de la version française.

La signification évidente du libellé de la Loi ne laisse pas entendre que les « renseignements », « les documents de l’administration fédérale » et les « documents » du gouvernement doivent être soumis à un test visant à établir comment le gouvernement les a obtenus et à quelles conditions. Or, c’est cette sorte de limite que la LCF me demande de créer. Je ne vois aucune raison de le faire. Il ressort clairement des paragraphes 2(1) et 4(1) précités que la Loi donne accès, sous réserve de plusieurs exceptions, aux documents de l’administration fédérale et aux renseignements qu’ils peuvent contenir, nonobstant la façon dont l’administration en a eu possession. C’est sûrement aussi l’interprétation la plus conforme à l’objet de la Loi. D’autre part, l’interprétation proposée par la LCF ne semble pas conforme à l’alinéa 20(1)b) sur lequel elle s’appuie aussi : cet alinéa laisse évidemment présumer que des « renseignements … fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle » sont visés prima facie par la définition du mot « documents » par ailleurs susceptibles de communication n’était-ce la protection possible prévue par l’alinéa en cause. En d’autres mots, cette exception confirme la règle que les documents confidentiels fournis au gouvernement par un tiers peuvent former la totalité ou une partie des « documents des institutions fédérales ». On notera que le mot « fournis » à l’alinéa 20(1)b) n’est qualifié par aucune expression telle « de force ».

L’opinion du juge Strayer laisse présumer que l’expression « relevant de » [« control »] inclut la possession. Il rejette l’argument selon lequel les documents relèvent ou non du gouvernement selon un test visant à établir comment le gouvernement les a obtenus. En effet, il conclut que l’exception à la communication prévue au paragraphe 20(1) de la Loi confirme la règle selon laquelle tous les documents fournis au gouvernement ou en sa possession sont des documents relevant du gouvernement.

Je ne peux non plus voir dans la Loi sur l’accès à l’information aucune déclaration expresse ou conclusion que l’expression « relevant de » de la Loi doit être atténuée par un test visant à établir la façon dont une institution fédérale entend utiliser les documents ou la mesure dans laquelle elle peut en disposer. On ne trouve pas davantage d’indication que l’expression « relevant de », telle qu’elle est utilisée dans la Loi, peut être modifiée par une entente privée entre une institution fédérale et un tiers. La Loi a pour objet de soumettre à son application tous les documents en la possession du gouvernement, à l’exception des documents expressément exemptés.

Il se peut, comme le prétend la requérante, que la SCP ne soit pas en mesure de se prévaloir de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) de la Loi parce qu’elle n’a pas fourni le document en question à TPC. Il m’apparaît que la requérante soutient qu’en raison de l’impossibilité possible de recourir à une disposition d’exception prévue dans la Loi, cette dernière devrait être interprétée de façon à exclure complètement les documents en question en l’espèce de l’application de la Loi. Je ne suis pas saisi en l’espèce de la question de l’application des dispositions d’exception données. Il suffit de dire que le fait qu’une exception puisse ou ne puisse être invoquée ne tranche pas la question de l’application de la Loi.

Je me penche maintenant sur les Lignes directrices provisoires du Conseil du Trésor. Je remarque premièrement qu’elles ont été remplacées par une version révisée intitulée Les Politiques et lignes directrices. L’extrait des Lignes directrices provisoires cité par la requérante figure maintenant à la page 15 des lignes directrices, dans un libellé légèrement différent :

L’expression « qui relève d’une institution fédérale » signifie que l’institution en cause est autorisée à accorder ou à refuser l’accès au document, à décider de son utilisation et à s’en défaire, sous réserve de l’approbation de l’archiviste fédéral. Un document qu’une institution a en sa possession, que ce soit à l’administration centrale, dans un bureau régional, auxiliaire ou autre, au Canada ou à l’extérieur du pays, est présumé relever de cette institution à moins de preuve du contraire. On considère également qu’un document relève d’une institution s’il est conservé ailleurs au nom de celle-ci. On considère également que les archives détenues par les Archives nationales relèvent de cette institution. Les documents des ministres, de nature personnelle ou politique, portant sur l’électorat ou d’autres sujets, ainsi que les dossiers ministériels qui n’ont pas trait à l’administration ou au fonctionnement de l’institution dont le ministre est responsable ne sont pas réputés relever de celle-ci aux fins de l’application de la Loi sur l’accès à l’information .

La légère modification du texte des Lignes directrices provisoires n’entraîne à mon avis aucun changement essentiel au sens du passage cité. Je reconnais que les lignes directrices peuvent faciliter l’interprétation de la Loi sur l’accès à l’information. Je constate également qu’elles ne représentent que l’opinion du Conseil du Trésor ou de ses agents et qu’elles ne lient ni les institutions fédérales, ni les auteurs d’une demande de communication, ni la Cour.

La requérante soutient que l’expression « relève de » définie dans les lignes directrices désigne le pouvoir d’accorder ou de refuser l’accès à un document, de décider de son utilisation et de s’en défaire. Elle prétend que puisqu’en l’espèce TPC ne détient pas un tel pouvoir, les documents de la SCP en question ne relèvent pas de TPC. Je conviens qu’à cet égard, les lignes directrices donnent à l’expression « relevant de » de la Loi sur l’accès à l’information un sens qui appuie la position de la requérante.

Toutefois, les lignes directrices énoncent ensuite qu’un document en la possession d’une institution fédérale est présumé relever de cette institution à moins de « preuve du contraire ». Évidemment, l’expression « preuve du contraire » doit être interprétée dans le contexte du libellé de la Loi sur l’accès à l’information et de la jurisprudence qui l’interprète, dont les arrêts Bande indienne de Montana et Ottawa Football Club. Ainsi, l’expression « preuve du contraire » ne pourrait par exemple être fondée sur la façon dont l’institution fédérale a obtenu le document ou ne pourrait prendre la forme d’une renonciation par contrat à l’application de la Loi sur l’accès à l’information.

Si, à d’autres fins, les lignes directrices peuvent être utiles, j’estime qu’elles ne nous aident nullement à déterminer ce qui constitue un document « relevant d’une institution fédérale » lorsque le document en la possession de cette dernière est celui d’un tiers. À cet égard, j’estime les arrêts Bande indienne de Montana et Ottawa Football Club plus spécifiques et instructifs.

Je porte maintenant mon attention sur l’argument que la version anglaise de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les lois provinciales relatives à l’accès utilisent les expression « held », « custody or control » et « possession » outre le terme « control ». La requérante soutient qu’on doit en déduire que le mot « control », tel qu’il est utilisé dans la version anglaise de la Loi sur l’accès à l’information, doit être interprété plus étroitement et ne comprend pas les notions de « custody », « possession », ou « held ».

Dans American Airlines Inc. c. Canada (Tribunal de la concurrence), [1989] 2 C.F. 88 (C.A.), on a soutenu que le droit de présenter des observations conformément au paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence [S.C. 1986, ch. 26] n’incluait pas le droit de présenter des éléments de preuve. On a invoqué le fait que les articles 97 et 98 [édictés par S.C. 1986, ch. 26, art. 47] de la Loi sur la concurrence [S.R.C. 1970, ch. C-23 (mod. par S.C. 1986, ch. 26, art. 19)], une loi en semblable matière, mentionnaient à la fois la présentation d’observations et d’éléments de preuve. On a soutenu que, parce que le législateur avait jugé nécessaire de mentionner le droit de présenter des éléments de preuve en plus du droit de présenter des observations aux articles 97 et 98 de la Loi sur la concurrence, le droit de présenter des observations devait être interprété de façon restrictive et devait exclure le droit de présenter des éléments de preuve. Aux pages 100 et 101, le juge en chef Iacobucci (maintenant juge à la Cour suprême) a dit :

Il se peut, bien que je m’abstienne de toute conclusion formelle à ce sujet, que le Parlement ait, pour plus de précaution, ajouté la « soumission d’éléments de preuve » aux articles 97 et 98 afin que lesdits offices et organismes n’interprètent pas restrictivement le droit du directeur de présenter des observations. Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il appartient à la cour, dans chaque cas, de déterminer le sens d’une disposition donnée en examinant le texte de cette disposition de même que le contexte dans lequel elle s’insère. Ainsi, le fait que le Parlement ait choisi d’utiliser, dans une autre disposition d’une loi connexe, une formulation qui paraît avoir une signification particulière, ne doit pas suffire à écarter les raisons par ailleurs convaincantes de croire que la disposition en litige en l’espèce devrait recevoir la même interprétation. Le moyen tiré des articles 97 et 98 n’est après tout qu’une règle d’interprétation dont l’application peut être réfutée »et elle l’a été dans la présente affaire »par des arguments qui emportent la conviction.

En l’espèce, aucune explication n’a été fournie sur la raison pour laquelle des expressions telles « held by » ou « in the custody or control » ont été utilisées dans la version anglaise de la Loi sur la protection des renseignements personnels à la place du seul mot « control ». Il se peut que ces expressions aient été utilisées dans la Loi sur la protection des renseignements personnels à des fins précises ou peut-être par extrême prudence.

Ma tâche consiste à vérifier le sens de l’expression « documents relevant d’une institution fédérale » en examinant à la fois le libellé et le contexte de la Loi sur l’accès à l’information. Je suis convaincu qu’il existe de fortes raisons, compte tenu de l’esprit de la Loi et de l’opinion du juge Strayer dans l’arrêt Ottawa Football Club, de conclure que l’expression vise les documents en la possession d’une institution fédérale. Je ne peux donc souscrire à l’argument de la requérante voulant que l’expression « documents relevant d’une institution fédérale » soit censée revêtir un sens étroit.

La requérante invoque également les décisions de la Cour suprême et de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Pacific Press Ltd. v. Vancouver (City). La décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique [[1989] B.C.J. no 1107 (Q.L.)], inédite, no A890925 du greffe de Vancouver, a été rendue le 13 juin 1989 par le juge Campbell. Celle de la Cour d’appel [[1990] B.C.J. no 1688 (Q.L.)], également inédite, a été rendue le 13 juillet 1990 par le juge Hutcheon, J.C.A. no CA011003 du greffe de Vancouver.

Dans cette affaire, la ville de Vancouver s’est acquittée de certaines fonctions pour le compte de la province de la Colombie-Britannique. On a demandé à la ville de Vancouver l’accès aux documents concernant les dossiers qu’elle avait recueillis pour la province en vertu d’un règlement municipal qui prévoyait l’accès aux renseignements [traduction] « que la ville possédait ». Le règlement no 5591 de Vancouver, intitulé Freedom of Information and Privacy By-Law, portait que [à la page 3 de [1989] B.C.J. no 1107] :

[traduction] 2. (1) Sauf disposition contraire, chacun a droit d’obtenir, vérifier et examiner tous les documents en la possession de la ville.

(3) En cas de conflit entre le présent règlement et une loi fédérale ou provinciale, celles-ci l’emportent.

La province a soutenu avec succès que les documents lui appartenaient et que le règlement de Vancouver ne s’y appliquait pas. Par analogie, la requérante en l’espèce soutient que les documents de la SCP n’appartiennent pas à TPC et n’en relèvent pas.

Toutefois, l’affaire Pacific Press a été tranchée sur le fondement que l’arrêté municipal prévoyant l’accès à l’information ne pouvait valoir que dans le cadre de l’étendue et de l’objet que lui fixe la province. Le juge Campbell de la Cour suprême a dit aux pages 9 à 11 [1989] B.C.J. no 1107 :

[traduction] Je souscris aux observations des intimés selon lesquelles la propriété est en l’espèce la question primordiale. La ville est une création provinciale et ne peut prendre des règlements que dans le cadre des pouvoirs qui lui sont délégués par la province : Rogers, The Law of Canadian Municipal Corporations (2d ed.), art. 63.11. Il ne conviendrait pas que la ville, compte tenu de sa position législative inférieure, légifère, en l’absence d’un pouvoir implicite ou explicite, de façon à régir l’accès à des documents relevant de la compétence provinciale …

Certes, les vérifications sont exécutées par les employés municipaux et les documents afférents à ces vérifications sont emmagasinés dans un immeuble appartenant à la ville, mais le fait même que la vérification soit imposée par une loi provinciale, et que le médecin du service de santé qui y procède doive rendre compte à la commission provinciale, démontre que l’application de la Loi et des règlements pris en vertu de cette dernière demeure une question de compétence provinciale … Le simple recours aux employés municipaux pour exécuter une tâche au nom de la province ou d’un organisme provincial ne peut être présumé élargir implicitement la compétence législative de la municipalité.

La décision a été maintenue par la Cour d’appel. Le juge Hutcheon, J.C.A. a dit à la page 5 de [1990] B.C.J. no 1688 :

[traduction] Avec égards, j’estime que le juge des référés a conclu avec raison que les documents en question ne sont pas des dossiers ou des documents de la ville. La compétence prévue implicitement à l’article 168 [de la Charte de Vancouver] de prendre un règlement portant sur « tout dossier ou document de la ville » ne s’étend pas aux documents qui appartiennent à la Commission et qui sont recueillis pour son compte.

À mon avis, les décisions rendues dans l’affaire Pacific Press signifient que, puisque la loi provinciale autorisait la ville à communiquer des documents « de la ville », cette dernière n’est pas compétente pour prendre un règlement qui prévoit la communication de documents de la province et non de la ville.

Aucune question juridictionnelle semblable n’est soulevée en l’espèce. Il n’existe aucune limite juridictionnelle imposée au gouvernement du Canada qui l’empêcherait d’ordonner la communication de documents d’un tiers. J’estime donc que l’affaire Pacific Press ne s’applique pas à la présente affaire.

(4)       Possession légale

La requérante soutient que, dans le contexte de la communication de documents en litige, lorsqu’on parle de possession, on n’entend pas la possession matérielle. On vise plutôt la possession légale, qui permet à une partie d’agir à sa guise à l’égard du bien. La requérante soutient que, bien que TPC ait en l’espèce la possession matérielle des documents de la SCP, il n’en a pas la possession légale. Par conséquent, par analogie, comme la communication des documents de la SCP en question en l’espèce ne serait pas ordonnée dans une action contre TPC, la Loi sur l’accès à l’information ne devrait pas non plus viser de tels documents.

Pour accepter cet argument de la requérante, il faut nécessairement accepter l’analogie entre la communication préalable de documents dans un litige et l’accès à des documents en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Je ne suis pas convaincu du bien-fondé de l’analogie. La communication préalable a pour but de connaître les renseignements qui sont de la connaissance et en la possession de l’adversaire. Tous les renseignements pertinents sont présentables, sous réserve de certaines exceptions, tels les documents en la possession matérielle et non légale d’un mandataire lorsque l’action est intentée contre ce dernier et non contre le mandant.

La procédure de communication préalable est de type accusatoire, et le critère principal qui s’y applique est la pertinence. Les exceptions à la communication préalable sont régies par ce critère. Par contraste, l’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information ne s’inscrit pas dans le cadre d’une procédure de type accusatoire, et la pertinence n’est pas un facteur pertinent. La Loi sur l’accès à l’information repose sur l’intérêt du public dans la communication et non sur l’intérêt privé des parties en litige. Plusieurs exceptions justifiant le caractère confidentiel des documents en vertu de la Loi sur l’accès à l’information ne s’offriraient pas dans le contexte de la procédure de communication préalable.

En vertu de la Loi sur l’accès à l’information, le caractère confidentiel des documents peut se justifier si, par exemple, la communication entraînerait la divulgation de secrets industriels appartenant au gouvernement (alinéa 18a)), de renseignements personnels (paragraphe 19(1)), de secrets industriels ou de renseignements financiers de tiers (paragraphe 20(1)), ou d’avis du gouvernement élaborés pour un ministre (alinéa 21(1)a)). Dans le processus ordinaire de la communication préalable, ce ne sont pas là des motifs justifiant la non-communication. Les renseignements qui peuvent constituer un secret industriel, les renseignements financiers de tiers et les avis d’un employé d’une compagnie à un autre devraient être communiqués s’ils étaient pertinents quant au litige. La différence tient en ce que, si en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, l’obligation de communiquer peut être plus large que dans le cas d’une communication préalable, les exceptions sont différentes et, à certains égards, plus considérables[1].

À mon avis, on doit inévitablement revenir à l’examen de l’objet et du contexte de la Loi sur l’accès à l’information pour déterminer si les documents en la possession d’une institution fédérale qui agit à titre de mandataire pour un tiers doivent être communiqués. Dans l’arrêt Ottawa Football Club, le juge Strayer a conclu que la façon dont une institution fédérale a obtenu les documents n’est pas un facteur à considérer pour déterminer si le document est susceptible de communication en vertu de la Loi. J’adopterais cette position et conclurais que les conditions applicables à la communication et au caractère confidentiel des documents dans le cadre de la Loi sur l’accès à l’information constituent un code en elles-mêmes, qu’on ne peut régulièrement interpréter en se reportant aux considérations spécifiques au processus de communication préalable. J’estime que le fait qu’une institution fédérale ait en sa possession des documents, dans le sens légal ou matériel du terme, suffit pour que ces documents soient visés par la Loi sur l’accès à l’information.

CONCLUSION

Bien que je n’aie par renvoyé explicitement aux arguments de l’avocat de l’intimé dans les présents motifs, j’ai tenu compte de ses observations dans une large mesure.

La demande est rejetée avec dépens.



* Note de la traductrice : la version française de la Loi rend ces deux expressions par « relever de ».

[1] Les articles 37 à 39 de la Loi sur la preuve au Canada [L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1 art. 144)] prévoient la non-communication dans le processus de la communication préalable lorsque le gouvernement est en cause, compte tenu de raisons d'intérêt public. Toutefois, la requérante fait une analogie entre la Loi sur l'accès à l'information et le processus ordinaire de communication préalable. Dans l'analyse de l'analogie suggérée, les raisons d'intérêt public justifiant la non-communication en vertu des articles 37 à 39 de la Loi sur la preuve au Canada ne seraient pas pertinentes.

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