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[1993] 2 C.F. 206

T-532-89

T-533-89

Sa Majesté la Reine (demanderesse)

c.

La Banque Nationale du Canada (défenderesse)

Répertorié : Canada c. Banque Nationale du Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge Rothstein—Toronto, 24 septembre et 12 novembre 1992; Ottawa, 19 février 1993.

Faillite La banque a reçu une cession de comptes clients en garantie de prêts consentis à des fabricants titulaires de licence au sens de la Loi sur la taxe d’accise La banque a recouvré ces comptes clients quand les débiteurs n’ont pu rembourser leurs dettes Le ministre réclame la taxe de vente fédérale en application de la Loi sur la taxe d’accise, art. 52(10) En cas de faillite, il faut se référer à l’art. 107 de la Loi sur la faillite Interprétation libérale de l’art. 107 Par l’art. 107(1)j), le législateur entend traiter les réclamations de la Couronne, fédérale ou provinciale, au même titre que les autres Une loi visant à établir un privilège doit le céder au plan de répartition de l’art. 107, sauf clause dérogatoire expresse Puisque la Loi sur la taxe d’accise ne comporte aucune disposition à cet effet, c’est l’art. 107 qui prévaut Les comptes clients représentent les « biens du failli », non de la banque, et c’est la Loi sur la faillite qui s’applique en l’espèce.

Douanes et accise Loi sur la taxe d’accise Le ministre s’appuie sur l’art. 52(10) pour réclamer la taxe de vente fédérale sur les opérations donnant lieu à la cession des comptes clients de fabricants faillis au créancier garanti (la banque) La Loi sur la taxe d’accise ne comporte aucune disposition dérogeant expressément à la Loi sur la faillite C’est le plan de répartition prévu à l’art. 107 de la Loi sur la faillite qui prévaut La banque n’est pas un « fabricant ou producteur » directement tenu à la taxe de vente en application de l’art. 27(1)a).

Actions portant sur la question de savoir si la taxe de vente fédérale peut être perçue sur les dettes actives (comptes clients) recouvrées par la banque en vertu d’une garantie qui comprenait une cession générale des comptes clients. La banque avait reçu une cession générale des comptes clients à titre de garantie de prêts consentis à des fabricants titulaires de licence au sens de la Loi sur la taxe d’accise. Les débiteurs n’ont pu rembourser leurs dettes. Dans la première affaire, les procédures de faillite ont été engagées avant que le ministre n’ait signifié à la banque la sommation de verser la taxe de vente fédérale en application du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, aux termes duquel le ministre, lorsqu’il sait qu’une personne a reçu d’un titulaire de licence la cession d’une dette active, peut, par lettre recommandée, exiger que cette personne verse au receveur général, à même les deniers qu’elle a reçus à compte de cette dette, après réception de cet avis, une somme équivalente au montant de toute taxe imposée par la Loi sur l’opération donnant lieu à la dette cédée. Dans la seconde affaire, la sommation du ministre a été signifiée avant le dépôt de la demande de mise en séquestre. La banque a recouvré les comptes clients en question. La Loi sur la faillite, article 107, prévoit l’ordre de priorité dans la distribution du produit de la vente des biens du failli. En particulier, l’alinéa 107(1)j) prévoit que les réclamations de la Couronne, fédérale ou provinciale, sont traitées au même titre que les autres, nonobstant tout privilège statutaire à l’effet contraire.

Il échet d’examiner si la Loi sur la taxe d’accise, paragraphe 52(10), l’emporte sur le plan de répartition prévu à l’article 107 de la Loi sur la faillite; si la réclamation fondée par le ministre sur le paragraphe 52(10) visait les dettes actives cédées à la banque et non les biens du failli, auquel cas la Loi sur la faillite n’aurait pas application; si la banque était un « fabricant ou producteur » au sens de la définition de ces termes et, de ce fait, directement tenue de verser la taxe de vente au ministre en application de l’alinéa 27(1)a) de la Loi sur la taxe d’accise.

Jugement : dans la première affaire, la demanderesse est déboutée de son action; dans la seconde, elle en est déboutée à l’égard des comptes clients recouvrés à compter de la date de la demande de mise en séquestre.

Les quatre conclusions suivantes se dégagent des arrêts de la Cour suprême du Canada examinés : (1) s’il y a faillite, il faut se référer à l’article 107 de la Loi sur la faillite; (2) il faut interpréter libéralement l’article 107; (3) par l’alinéa 107(1)j), le législateur fédéral a voulu traiter sur un pied d’égalité les réclamations de la Couronne, qu’elle soit fédérale ou provinciale; et (4) toute loi provinciale ou fédérale qui vise à créer un privilège ou une garantie pour une créance de l’État ou à créer une fiducie en faveur de celui-ci est primée par le plan de répartition de l’article 107 de la Loi sur la faillite à moins que, s’il s’agit d’une autre loi fédérale, elle ne comporte une clause dérogatoire expresse. Aucune disposition de la Loi sur la taxe d’accise ne prévoit que lorsqu’il s’agit de la taxe de vente fédérale, il faut ignorer le plan de répartition de la Loi sur la faillite ou y passer outre.

Pour l’application du paragraphe 107(1) de la Loi sur la faillite, les comptes clients représentent les biens du failli et non de la banque. Le concept de « biens faillis » au sens de la Loi sur la faillite embrasse les biens constitués en sûreté en faveur d’un créancier garanti, peu importe la forme que revêt cette sûreté. Que le titre de propriété soit conservé par le failli ou ait été transféré au créancier garanti ne présente aucune importance tant que le failli ou son syndic conserve en equity le droit de racheter le bien en question. Les débiteurs en l’espèce auraient eu, sous le régime de l’article 62 de la Loi sur les sûretés mobilières, le droit de racheter la sûreté qu’ils avaient donnée à la banque. Le droit de racheter les comptes clients s’accorde avec la définition de « biens » dans la Loi sur la faillite. C’est l’alinéa 107(1)j) de la Loi sur la faillite et non le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise qui régit les droits du ministre en cas de faillite.

La banque n’était pas directement tenue à la taxe à titre de « fabricant ou producteur ». Les définitions, de par leur nature même, doivent avoir une formulation générale, mais doivent être interprétées selon le contexte et les circonstances dans lesquels les mots définis sont employés. La Loi sur la taxe d’accise ne vise pas à doubler ou à tripler le nombre d’obligataires pour la même opération ou à faire des créanciers garantis les cautions du débiteur pour ce qui est de son obligation de verser la taxe de vente. Une banque ne devient pas un fabricant ou producteur tant qu’elle n’a pas réalisé sa sûreté. Si le cessionnaire était directement tenu à titre de fabricant ou producteur par application de l’alinéa 27(1)a) dans tous les cas, une interprétation aussi large rendrait le paragraphe 52(10) redondant. Une banque serait directement tenue à la taxe de vente à titre de fabricant ou producteur en application de l’alinéa 27(1)a) si elle délivrait les biens à l’acheteur ou si le droit de propriété sur ces biens était transféré à l’acheteur, c’est-à-dire si elle avait acquis le contrôle de l’entreprise de son client. Il n’en est rien quand la banque ne fait que percevoir les sommes qui lui reviennent en vertu de la garantie.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de l’impôt sur la vente en détail, S.R.Q. 1964, ch. 71, art. 30.

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 227(5) (mod. par L.C. 1988, ch. 55, art. 171).

Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, ch. B-3, art. 107.

Loi sur la taxe d’accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, art. 2(1)a), 27(1)a)(i) (mod. par S.C. 1986, ch. 9, art. 16), 52(10),(11).

Loi sur l’enregistrement des sûretés constituées par les personnes morales, L.R.O. 1980, ch. 94.

Loi sur les accidents du travail, L.R.Q. 1977, ch. A-3.

Loi sur les sûretés mobilières, L.R.O. 1980, ch. 375, art. 56(2), 62.

Social Service Tax Act, R.S.B.C. 1979, ch. 388.

The Workers’ Compensation Act, S.A. 1973, ch. 87 (maintenant S.A. 1981, ch. W-16), art. 78(4).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Banque fédérale de développement c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 1061; (1988), 14 Q.A.C. 140; 68 C.B.R. (N.S.) 209; 84 N.R. 308; Colombie-Britannique c. Henfrey Samson Belair Ltd., [1989] 2 R.C.S. 24; (1989), 59 D.L.R. (4th) 726; [1989] 5 W.W.R. 577; 38 B.C.L.R. (2d) 145; 75 C.B.R. (N.S.) 1; 97 N.R. 61; 2 T.C.T. 4263; [1989] 1 T.S.T. 2164; B.C.I.C. c. R. (1984), 52 C.B.R. (N.S.) 145; 8 C.E.R. 4; [1984] CTC 442; 84 DTC 6426 (C.F. 1re inst.); conf. par (1986), 60 C.B.R. (N.S.) 45; 11 C.E.R. 387; Can. S.T.R. 80-098; [1986] 2 C.T.C. 267; 86 DTC 6390 (C.A.F.); Re Broydon Printers Ltd. (1974), 4 O.R. (2d) 48; 47 D.L.R. (3d) 43; 19 C.B.R. (N.S.) 226 (C.S.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

XMCO Canada Ltd. (Re) (1991), 3 O.R. (3d) 148 (Div. gén.); R. du chef du Canada c. Banque Continentale du Canada (1985), 56 C.B.R. (N.S.) 97; 9 C.E.R. 205; [1985] 2 CTC 134; Can. S.T.R. 80-069; 85 CTC 5332 (C.F. 1re inst.); A.G. Canada v. Bank of British Columbia, [1987] 1 C.T.C. 153 (C.S.C.-B.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Sous-ministre du Revenu c. Rainville, [1980] 1 R.C.S. 35; (1979), 105 D.L.R. (3d) 270; 33 C.B.R. (N.S.) 301; 30 N.R. 24; Deloitte Haskins and Sells Ltd. c. Workers’ Compensation Board et autres, [1985] 1 R.C.S. 785; (1985), 63 A.R. 321; 19 D.L.R. (4th) 577; 38 Alta. L.R. (2d) 169; [1985] 4 W.W.R. 481; 55 C.B.R. (N.S.) 241; 60 N.R. 81; Re Black Forest Restaurant Ltd. (1981), 47 N.S.R. (2d) 454; 121 D.L.R. (3d) 435; 90 A.P.R. 454; 37 C.B.R. (N.S.) 176 (C.S.).

DÉCISIONS CITÉES :

North-West Line Elevators Association et al. v. Canadian Pacific Railway and Canadian National Railway et al., [1959] R.C.S. 239; (1959), 17 D.L.R. (2d) 241; 77 C.R.T.C. 241; R. v. Prowest Fabrications Ltd. and Balzer’s Mechanical (1978) Ltd. (1983), 31 Sask. R. 150; 50 C.B.R. (N.S.) 102 (Q.B.).

DOCTRINE

Canada. Débats de la Chambre des communes, vol. IV, 1re sess., 18e Lég., 1 Edw. VIII, 1936.

ACTIONS relatives à la taxe de vente fédérale sur les comptes clients de fabricants faillis, recouvrés par la banque en vertu d’une garantie qui comprenait la cession de dettes actives. Actions rejetées.

AVOCATS :

Peter A. Vita, c.r., pour la demanderesse.

William I. Innes et Clifford Rand pour la défenderesse.

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.

Stikeman, Elliott, Toronto, pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Rothstein : Il y a en l’espèce deux actions pour lesquelles la même argumentation a été présentée, les deux opposant Sa Majesté la Reine (le ministre du Revenu national—Douanes et Accise, appelé ci-après le ministre) et la Banque Nationale du Canada (appelée ci-après la banque). Dans les deux causes, le litige porte sur la question de savoir si le ministre peut invoquer le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise , S.R.C. 1970, ch. E-13, pour prétendre à la taxe de vente fédérale sur les dettes actives (comptes clients) recouvrées par la banque en vertu d’une garantie qui comprenait une cession générale des comptes clients.

Dans les deux causes, les preuves étaient administrées sous forme d’exposé conjoint des faits et de pièces produites d’un commun accord. Le résumé suivant des faits est tiré des paragraphes 2 et 3 des notes d’argumentation de la défenderesse et des mémoires soumis par les avocats.

Dans l’action no T-532-89, la banque avait prêté des fonds à IHEC Ltd. (« IHEC »), fabricant titulaire de licence au sens de la Loi sur la taxe d’accise, contre garantie comprenant une cession générale des comptes clients. Cette garantie était enregistrée sous le régime de la Loi sur l’enregistrement des sûretés constituées par les personnes morales, L.R.O. 1980, ch. 94, et de la Loi sur les sûretés mobilières, L.R.O. 1980, ch. 375. IHEC étant en défaut de paiement, la banque a désigné un administrateur séquestre de l’actif de la compagnie, le 12 novembre 1985 ou vers cette date. Le 15 novembre 1985 ou vers cette date, la Cour suprême de l’Ontario nomma un séquestre intérimaire d’IHEC en application des dispositions de la Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, ch. B-3. Le 28 novembre ou vers cette date, le ministre signifia à la banque une sommation de payer la taxe de vente fédérale en application du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise. Le 28 janvier 1986 ou vers cette date, une ordonnance de séquestre fut rendue contre IHEC en application des dispositions de la Loi sur la faillite, après quoi la banque recouvra les comptes clients d’IHEC. Dans cette action, le ministre revendique la somme de 79 998,60 $ au titre de la taxe de vente fédérale applicable aux opérations ayant engendré les comptes clients perçus par la banque, après la date où le ministre signifia son avis en application du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise.

Dans l’action no T-533-89, la banque avait accordé à Thrush Incorporated (« Thrush »), fabricant titulaire de licence au sens de la Loi sur la taxe d’accise, un prêt contre garantie comprenant une cession générale des comptes clients. Cette garantie était enregistrée sous le régime de la Loi sur les sûretés mobilières de l’Ontario. Thrush étant en défaut de paiement, la banque a nommé un administrateur séquestre de ses biens le 18 octobre 1985 ou vers cette date. Le 1er novembre 1985 ou vers cette date, le ministre signifia à la banque une sommation de verser la taxe de vente fédérale en application du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise. Le 22 novembre 1985, la Cour suprême de l’Ontario, saisie d’une demande à cet effet de la banque, a nommé un administrateur séquestre des biens de Thrush. Le 25 novembre 1985 ou vers cette date, une ordonnance de séquestre fut rendue contre Thrush en application des dispositions de la Loi sur la faillite, après quoi la banque perçut les comptes clients de Thrush. Dans cette action, le ministre revendique la somme de 54 877,33 $ au titre de la taxe de vente fédérale applicable aux opérations ayant engendré les comptes clients perçus par la banque après la date où le ministre signifia son avis en application du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise.

Les textes de loi applicables au premier chef en l’espèce sont, tels qu’ils étaient en vigueur à l’époque, l’alinéa 2(1)a), le sous-alinéa 27(1)a)(i) [mod. par S.C. 1986, ch. 9, art. 16] et les paragraphes 52(10) et (11) de la Loi sur la taxe d’accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, modifiée, ainsi que l’article 107 de la Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, ch. B-3.

LA LOI SUR LA TAXE D’ACCISE

2. (1) Dans la présente loi

« fabricant ou producteur » comprend

a) le cessionnaire, le syndic de faillite, le liquidateur, l’exécuteur testamentaire ou le curateur de tout fabricant ou producteur et, d’une manière générale, quiconque continue les affaires d’un fabricant ou producteur ou dispose de ses valeurs actives en qualité fiduciaire, y compris une banque exerçant des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les banques ainsi qu’un fiduciaire pour des porteurs d’obligations,

27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada,

(i) payable, dans tout cas autre que celui mentionné au sous-alinéa (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant à l’époque où les marchandises sont livrées à l’acheteur ou à l’époque où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l’autre,

52.

(10) Lorsque le Ministre sait qu’une personne a reçu d’un titulaire de licence la cession d’une dette active ou de tout titre négociable de propriété à pareille dette, il peut, par lettre recommandée, exiger que cette personne verse au receveur général, à même les deniers qu’elle a reçus à compte de cette dette, après réception de cet avis, une somme équivalente au montant de toute taxe imposée par la présente loi sur l’opération donnant lieu à la dette cédée.

(11) La personne qui reçoit cette sommation doit verser au receveur général la somme mentionnée dans la sommation, et, à défaut de paiement, elle est passible des peines prévues dans la présente loi pour omission ou négligence concernant le paiement des taxes imposées par les Parties III à V.

LA LOI SUR LA FAILLITE

107. (1) Sous réserve des droits des créanciers garantis, les montants réalisés provenant des biens d’un failli doivent être distribués d’après l’ordre de paiement suivant :

a) dans le cas d’un failli décédé, les frais de funérailles et dépenses testamentaires raisonnables, faits par le représentant légal personnel du failli décédé;

b) les frais d’administration, dans l’ordre suivant :

(i) débours et honoraires du syndic,

(ii) frais légaux;

c) prélèvement payable en vertu de l’article 118;

d) gages, salaires, commissions ou rémunération de tout commis, préposé, voyageur de commerce, journalier ou ouvrier, pour services rendus au cours des trois mois qui ont précédé la faillite jusqu’à concurrence de cinq cents dollars dans chaque cas; et, s’il s’agit d’un voyageur de commerce, les sommes que ce dernier a régulièrement déboursées dans et concernant l’entreprise du failli, jusqu’à concurrence d’un montant additionnel de trois cents dollars dans chaque cas, pendant la même période; et, pour les fins du présent alinéa, les commissions payables sur expédition, livraison ou paiement de marchandises, sont censées gagnées à cet égard durant la période des trois mois, si les marchandises ont été expédiées, livrées ou payées pendant cette période;

e) les taxes municipales établies ou perçues à l’encontre du failli dans les deux années précédant sa faillite et qui ne constituent pas un droit ou charge privilégié sur les biens immobiliers du failli, mais ne dépassant pas la valeur de l’intérêt du failli dans les biens à l’égard desquels ont été imposées les taxes telles qu’elles ont été déclarées par le syndic;

f) le propriétaire quant aux arriérés de loyer durant une période de trois mois précédant la faillite, et pour loyer perçu par anticipation pour une période n’excédant pas trois mois après la faillite, s’il y a droit en vertu du bail, mais le montant total ainsi payable ne doit pas dépasser la somme réalisée à même les biens sur les lieux sous bail, mais tout paiement fait pour loyer perçu par anticipation doit être porté au compte du montant payable par le syndic pour loyer d’occupation;

g) les honoraires et droits mentionnés au paragraphe 50(2), mais jusqu’à concurrence seulement de la réalisation des biens exigibles en vertu de cet article;

h) toutes dettes contractées par le failli sous l’autorité d’une loi sur les accidents du travail, d’une loi sur l’assurance-chômage, d’une disposition quelconque de la Loi de l’impôt sur le revenu ou de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu créant une obligation de rembourser à Sa Majesté des sommes qui ont été déduites ou retenues, pari passu;

i) les réclamations résultant de blessures subies par des employés du failli, que les dispositions de quelque loi sur les accidents du travail ne visent pas, mais seulement jusqu’à concurrence des montants d’argent reçus des personnes ou compagnies garantissant le failli contre les dommages-intérêts résultant de ces blessures;

j) les réclamations, non précédemment mentionnées au présent article, de la Couronne du chef du Canada ou d’une province du Canada, pari passu, nonobstant tout privilège statutaire à l’effet contraire.

(2) Sauf la retenue des sommes qui peuvent être nécessaires pour les frais d’administration ou autrement, le paiement prévu au paragraphe (1) doit être fait dès qu’il se trouve des disponibilités à cette fin.

(3) Tout créancier dont le présent article restreint les droits prend rang comme créancier non garanti, quant à tout solde de réclamation qui lui est dû.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

L’avocat du ministre avance deux arguments, l’argument principal étant fondé sur les paragraphes 52(10) et (11) et l’argument subsidiaire, sur l’alinéa 2(1)a) et le paragraphe 27(1) de la Loi sur la taxe d’accise.

L’argument principal peut se résumer comme suit : le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise prévoit expressément que le créancier qui accepte à titre de garantie une cession de dette active est tenu de verser au ministre la taxe de vente afférente au recouvrement de cette dette. Qu’il y ait eu une faillite n’a aucune importance puisque le créancier est garanti et que la revendication du ministre vise l’argent recouvré par la réalisation de la sûreté.

L’argument subsidiaire est que la banque est bien un « fabricant ou producteur » au sens de l’alinéa 2(1)a) de la Loi sur la taxe d’accise et qu’à ce titre, elle est soumise à l’application du paragraphe 27(1) de la même Loi qui fait aux producteurs et fabricants l’obligation de verser une taxe sur le prix de vente de toutes marchandises.

L’avocat de la banque réplique qu’il faut interpréter le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise comme n’autorisant le ministre à percevoir la taxe de vente que sur les ventes réalisées après qu’il a signifié l’avis prévu à ce paragraphe, c’est-à-dire sur les ventes réalisées par la banque après qu’elle aura pris en charge l’entreprise de sa cliente.

La banque soutient qu’en vertu de la garantie, elle était la propriétaire en titre des comptes clients en question, sur lesquels elle avait un droit absolu. Permettre au ministre de faire valoir ses prétentions sur les sommes perçues par la banque sur les ventes réalisées par sa cliente reviendrait à confisquer les biens de la banque sans compensation aucune. La Loi sur la taxe d’accise n’aurait un tel effet que si le législateur en avait exprimé la volonté, explicitement et sans l’ombre d’un doute raisonnable. Selon la banque, on ne peut déduire de la Loi sur la taxe d’accise aucune volonté explicite de ce genre.

L’avocat de la banque soutient encore que l’obligation de verser la taxe de vente incombe au fabricant ou producteur, non pas au client de celui-ci. Le fabricant ou producteur ne fait pas fonction de fiduciaire ou mandataire du ministre pour percevoir la taxe de vente auprès d’autres. Cette taxe n’est pas une fraction discrète ou identifiée d’un compte client. L’obligation de verser la taxe de vente est une simple dette que doit le fabricant ou producteur au ministre. En conséquence, la banque n’est tenue par aucun texte de loi de verser la taxe de vente sur les sommes qu’elle recouvre en vertu d’une cession générale des comptes clients.

À titre subsidiaire, l’avocat de la banque soutient que puisqu’il y a eu une faillite dans l’une et l’autre des causes en instance, c’est le plan de répartition prévu à l’article 107 de la Loi sur la faillite qui s’applique, et que les droits prévus par les autres textes de loi comme le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise sont primés par la Loi sur la faillite. Ce qui, en l’espèce, aurait pour effet de laisser la totalité des comptes clients recouvrés entre les mains de la banque, vu le rang que l’alinéa 107(1)j) de la Loi sur la faillite prévoit pour la prétention du ministre à la taxe de vente.

ANALYSE

À mon avis, la résolution du conflit entre la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la faillite décidera du point litigieux en l’espèce.

Ce conflit entre le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise et l’article 107 de la Loi sur la faillite a été examiné dans deux décisions citées lors du procès. Dans R. du chef du Canada c. Banque Continentale du Canada (1985), 56 C.B.R. (N.S.) 97 (C.F. 1re inst.), le client de la banque a fait une cession en faillite. La banque avait reçu une cession de comptes clients. Le ministre lui signifia une sommation en application du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise. La banque reçut subséquemment, en vertu de la cession de comptes clients, le produit des ventes de son client. Le juge Cullen fait cette observation à la page 101 :

En l’espèce, il est clair qu’à la date de la cession en faillite, soit le 24 novembre 1982, les comptes clients étaient la propriété de la défenderesse et non celle du failli, de sorte que la cession en faillite n’a pas touché les comptes clients en cause.

Il conclut que les dispositions de la Loi sur la faillite ne faisaient pas échec aux prétentions que le ministre fondait sur la Loi sur la taxe d’accise. Il a été ordonné à la banque, qui a reçu des fonds conformément aux stipulations de la garantie lui donnant droit aux comptes clients du failli, de verser au ministre la taxe de vente afférente à ces comptes clients, conformément au paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise.

Dans A.G. Canada v. Bank of British Columbia, [1987] 1 C.T.C. 153, le juge Davies de la Cour suprême de la Colombie-Britannique était appelé à prononcer sur le même conflit entre la Loi sur la faillite et la Loi sur la taxe d’accise. Il a conclu aux pages 154 à 156 :

[traduction] Il échet d’interpréter les deux textes, la Loi sur la faillite et la Loi sur la taxe d’accise, et d’examiner comment il faut les appliquer en l’espèce.

Je conclus qu’il faut appliquer la Loi sur la faillite aux fonds versés par le syndic à la banque, puisque la volonté du législateur devait être de prévoir que cette loi régit les affaires d’Oxford une fois qu’elle est en faillite.

Une fois établis les droits des créanciers garantis, on se réfère aux priorités établies aux alinéas a) à j) [de l’article 107 de la Loi sur la faillite]. Par le paragraphe 7 de l’exposé conjoint des faits, les parties conviennent que la banque a reçu en qualité de créancier garanti des fonds du syndic. Ces fonds étaient versés en vertu d’une cession de créances et comprenaient des comptes clients d’Oxford, lesquels étaient assujettis à la taxe de vente.

Je conclus que les conditions prévues au paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise étaient réunies et qu’en conséquence, Sa Majesté a droit à la taxe qu’elle revendique.

Ainsi donc, le juge Davies conclut qu’en cas de conflit entre le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise et le paragraphe 107(1) de la Loi sur la faillite, les dispositions de la première l’emportaient et qu’en conséquence, le ministre avait droit à la taxe de vente sur l’argent perçu par la banque en vertu d’une cession de comptes clients.

Il appert de ces deux décisions que les prétentions fondées par le ministre sur le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise étaient assimilées aux prétentions contre un créancier garanti, à l’égard du produit reçu par celui-ci conformément à la garantie.

Face à ces deux décisions, l’avocat de la banque attire mon attention sur un autre courant de jurisprudence qui, dit-il, m’engagerait à tirer la conclusion contraire.

L’arrêt Sous-ministre du Revenu c. Rainville, [1980] 1 R.C.S. 35, statue sur les prétentions fondées par la Couronne sur la Loi de l’impôt sur la vente en détail du Québec, S.R.Q. 1964, ch. 71, dont l’article 30 prévoit que toute somme due à la Couronne sous son régime constitue « une dette privilégiée prenant rang immédiatement après les frais de justice ». Il a été jugé que la loi provinciale ayant pour effet d’accorder au gouvernement du Québec un privilège sur le produit de la vente de biens immeubles allait à l’encontre du plan de répartition de la Loi sur la faillite et était donc inopérante. Le juge Pigeon a conclu que, puisqu’il y avait faillite, la solution du litige était subordonnée à l’interprétation de l’alinéa 107(1)j) de la Loi sur la faillite, au sujet duquel il a fait cette observation aux pages 44 et 45 :

Il est manifeste que [cette disposition] vise à mettre sur un pied d’égalité toutes les créances de Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province sauf dans les cas autrement prévus … Le texte de l’al. j) se termine par les mots suivants : « nonobstant tout privilège statutaire à l’effet contraire ». Le but de cette partie de la disposition est évident. Le législateur fédéral a entendu mettre sur pied d’égalité toutes les dettes dues à un gouvernement...

Comme nous sommes en présence d’un texte fédéral destiné à trancher sur le droit provincial à travers tout le pays, il ne s’agit pas d’un cas où l’interprétation peut se faire en s’arrêtant au sens particulier d’une expression déterminée. Mais, même en prenant le texte au pied de la lettre je n’y vois pas de difficulté insurmontable. Il y a évidemment contradiction entre la réserve des droits du « créancier garanti » par privilège et le « nonobstant tout privilège ». Mais n’est-il pas assez clair que la réserve est la règle générale et le « nonobstant », une exception qui doit prévaloir pour ce qui en fait l’objet? De plus, le par. 3 démontre que l’art. 107 porte atteinte aux droits de certains créanciers garantis en décrétant que celui dont il « restreint les droits » prend rang comme « créancier non garanti ».

Il ressort de cette conclusion du juge Pigeon, qui n’est pas limitée aux créances des gouvernements provinciaux mais s’applique également à celles de l’État fédéral, qu’en cas de faillite, c’est le paragraphe 107(1) qui doit servir à définir la priorité relative des créanciers. Dans son interprétation, l’alinéa 107(1)j) l’emporte même sur tout texte de loi fédéral qui attache une garantie à une créance de l’État fédéral.

Dans Deloitte Haskins and Sells Ltd. c. Workers’ Compensation Board et autres, [1985] 1 R.C.S. 785, il y avait conflit entre une revendication faite par la Commission des accidents du travail de l’Alberta en application du paragraphe 78(4) de la loi The Workers’ Compensation Act, S.A. 1973, ch. 87 (devenue depuis S.A. 1981, ch. W-16) de cette province et le paragraphe 107(1) de la Loi sur la faillite, supra. L’alinéa 78(4)a) de la Loi albertaine prévoit que la somme due à la Commission des accidents du travail [traduction] « grève les biens ou le produit des biens de l’employeur ». L’alinéa 107(1)h) de la Loi sur la faillite définit le rang des dettes contractées sous le régime d’une loi sur les accidents du travail, prévoyant ainsi l’obligation de remettre à Sa Majesté les sommes qui ont été déduites ou retenues à la source. Dans les motifs prononcés au nom de la majorité, Madame le juge Wilson note en page 803 une concession faite par l’avocat de la Commission des accidents du travail et qui présente un intérêt pour l’affaire en instance :

L’avocat de l’appelante soutient que l’arrêt Re Bourgault [Rainville] de cette Cour appuie directement son point de vue. L’avocat de la Commission distingue l’arrêt Re Bourgault de l’espèce parce qu’il porte sur une réclamation présentée en vertu de l’al. j) du par. 107(1) et non de l’al. h) et parce que l’al. j) se termine par l’expression « nonobstant tout privilège statutaire à l’effet contraire ». Cela, selon lui, indique clairement que la loi provinciale cède le pas au plan de distribution prévu au par. 107(1) pour autant que les réclamations faites en vertu de l’al. j) sont visées. L’alinéa h) ne comporte pas cette réserve importante.

En l’espèce, c’est l’alinéa 107(1)j) qui est en jeu avec cette « réserve importante » qu’est sa clause dérogatoire.

Dans Deloitte Haskins and Sells, supra, Madame le juge Wilson conclut qu’en cas de faillite, c’est l’article 107 qui entre en jeu pour déterminer l’ordre de priorité et le paragraphe 78(4) de la loi The Workers’ Compensation Act de l’Alberta ne s’applique pas.

Aux pages 803 et 804 des motifs de son jugement, elle cite avec approbation un passage de la décision du juge en chef Cowan de la Division de première instance dans Re Black Forest Restaurant Ltd. (1981), 47 N.S.R. (2d) 454 (C.S.), aux pages 469 à 471, que je trouve utile pour notre propos :

[traduction] La réclamation de la Worker’s Compensation Board (la Commission) est expressément mentionnée à l’al. 107(1)h) et n’est pas exclue de la portée de cet alinéa par les premiers mots du par. 107(1) qui protègent les droits des créanciers garantis. La Commission a droit à la priorité prévue à l’al. 107(1)h), mais elle n’a pas droit à la sûreté ou priorité que l’art. 125 de la Worker’s Compensation Act prétend créer et qui serait valide et applicable s’il n’y avait pas eu faillite de l’employeur.

Il en résulte, à mon avis, que tant qu’il n’y a pas eu de faillite, il faut donner toute leur portée aux dispositions comme celles que comporte le Labour Standards Code de la province et la Worker’s Compensation Act de la province, qui créent des privilèges et des charges sur la propriété, qui prennent rang avant les droits préexistants comme les droits créés en vertu d’hypothèques ou de cessions de dettes actives grevant la propriété assujettie aux privilèges et charges prévus dans la loi. Toutefois, lorsqu’il y a faillite, les dispositions de l’art. 107 de la Loi sur la faillite s’appliquent et le plan de distribution des biens du failli remis au syndic doit être suivi. Les privilèges et charges prévus dans la loi cessent de s’appliquer dans la mesure où ils sont visés par les dispositions de l’art. 107. Les droits des créanciers garantis dont la sûreté ne découle pas de ces lois, sont protégés et peuvent être exercés contre les biens grevés de sûretés. Les créanciers au profit desquels la loi crée des privilèges et charges n’ont plus droit de faire valoir ces privilèges et charges, sauf dans la mesure permise par l’art. 107, et leurs réclamations se règlent selon la priorité énoncée à l’art. 107.

Il ressort de ces deux passages que les privilèges ou garanties créés par la loi en faveur d’un gouvernement provincial en vue de donner à ses prétentions priorité sur les créances des autres peuvent être valides et opérants dans les cas autres que la faillite, mais qu’ils sont primés par l’article 107 de la Loi sur la faillite en cas de faillite. Or les arrêts Deloitte et Black Forest, supra, portaient sur des lois provinciales portant privilège et garantie pour les créances du gouvernement provincial, et les observations de Madame le juge Wilson s’attachaient à la question constitutionnelle posée dans l’affaire.

Cependant, lorsqu’il y a conflit entre deux lois fédérales dans le contexte d’une faillite, il est nécessaire d’examiner si l’article 107 est toujours applicable. C’est une question d’interprétation des lois. Le législateur fédéral peut passer outre au plan de répartition de l’article 107, ce que le législateur provincial ne peut pas faire. La question qui se pose est de savoir si dans un cas donné, comme en l’espèce, c’est bien ce qu’il a entendu faire.

Puisqu’il est question d’interprétation des lois, il y a lieu de noter que l’article 107 de la Loi sur la faillite a fait l’objet d’une interprétation libérale dans Banque fédérale de développement c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 1061, où le juge Lamer (tel était son titre) s’est prononcé en ces termes, aux pages 1071 et 1072 :

De toute manière, j’estime que les décisions rendues dans Re Bourgault et Deloitte tranchent le pourvoi de façon déterminante. Le principe qui se dégage de ces arrêts est le suivant : en cas de faillite, c’est la Loi sur la faillite qui doit recevoir application. S’il y a faillite, l’ordre de collocation est établi selon les priorités prévues à l’art. 107 de la Loi, et toute créance mentionnée à cette disposition doit donc être colloquée selon le rang prescrit.

Dès la survenance de la faillite, la Loi sur la faillite reçoit application; la seule mention d’un créancier à l’art. 107 de la Loi suffit pour que celui-ci soit colloqué à titre de créancier privilégié et au rang prévu à cette disposition.

Dans cette affaire encore, il y avait conflit entre la garantie créée par une loi québécoise et l’article 107 de la Loi sur la faillite. Cependant, la conclusion du juge Lamer embrasse toutes les lois, provinciales comme fédérales. Elle indique que dès qu’il y a faillite, la collocation est définie par l’article 107. Certes, le législateur fédéral a le pouvoir de déroger à l’article 107 de la Loi sur la faillite. Mais dans les cas où il ne le fait pas, celui-ci doit régir la collocation et l’ordre de priorité des créanciers, y compris l’État fédéral.

Dans Colombie-Britannique c. Henfrey Samson Belair Ltd., [1989] 2 R.C.S. 24, il s’agissait de savoir si une fiducie établie par la Social Service Tax Act, R.S.B.C. 1979, ch. 388, de la Colombie-Britannique était soustraite à l’application du plan de répartition de l’article 107 de la Loi sur la faillite. Mme le juge McLachlin a résumé la question litigieuse comme suit, à la page 30 :

On peut formuler ainsi la question en litige : l’al. 47a) de la Loi sur la faillite soustrait, du patrimoine attribué aux créanciers, les biens détenus en fiducie par le failli et accorde la priorité absolue aux bénéficiaires de la fiducie. Le paragraphe 107(1) détermine le rang des différents créanciers pour les fins de la répartition; l’al. 107(1)j) place les créances de la Couronne au dernier rang. L’article 18 de la Social Service Tax Act établit une fiducie à laquelle il manque un des attributs essentiels de la fiducie, savoir un bien sujet à la fiducie qui puisse être identifié ou retracé. La question qui se pose est de savoir si la fiducie établie par la loi provinciale est une fiducie au sens de l’al. 47a) de la Loi sur la faillite ou une simple réclamation de la Couronne au sens de l’al. 107(1)j).

Et voici sa conclusion à la page 34 :

En résumé, j’estime que l’application de l’al. 47a) devrait se limiter aux fiducies établies en vertu des principes généraux du droit, alors que l’al. 107(1)j) devrait s’appliquer aux seules créances pour taxes qui ne découlent pas du droit général, mais qui sont garanties « par un privilège propre à Sa Majesté » par voie législative. À mon avis, le texte des dispositions en cause, la jurisprudence de cette Cour et les considérations de principe auxquelles j’ai fait allusion appuient cette conclusion.

Ainsi, l’arrêt Henfrey Samson Belair réitère la conclusion de la Cour suprême du Canada (encore qu’elle ne concerne que les fiducies) qu’il faut donner une interprétation libérale à l’article 107, et une interprétation restrictive aux exceptions.

Je me suis fondé sur les quatre arrêts susmentionnés de la Cour suprême du Canada pour tirer les conclusions suivantes :

a) s’il y a faillite, il faut se référer à l’article 107 de la Loi sur la faillite;

b) il faut interpréter libéralement l’article 107;

c) par l’alinéa 107(1)j), le législateur fédéral a entendu traiter sur un pied d’égalité les réclamations de la Couronne, qu’elle soit fédérale ou provinciale;

d) toute loi provinciale ou fédérale qui vise à créer un privilège ou une garantie pour une créance de l’État ou à créer une fiducie en faveur de celui-ci est primée par le plan de répartition de l’article 107 de la Loi sur la faillite à moins que, s’il s’agit d’une autre loi fédérale, celle-ci ne comporte une clause dérogatoire expresse.

J’ai pris en considération l’affaire XMCO Canada Ltd. (Re) (1991), 3 O.R. (3d) 148 (Div. gén.), où il a été jugé que les retenues opérées sur les salaires des employés constituaient une forme spéciale de fiducie créée par la loi, soustraite à l’application du plan de répartition du paragraphe 107(1) [maintenant 136(1)] de la Loi sur la faillite [L.R.C. (1985), ch. B-3]. Dans cette affaire, la disposition applicable de la Loi de l’impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (mod. par L.C. 1988, ch. 55, art. 171(1)] est son paragraphe 227(5), qui s’ouvre sur les mots : « Nonobstant les dispositions de la Loi sur la faillite ». Le juge Killeen a tiré la conclusion suivante, à la page 154 :

[traduction] Au contraire, la clause dérogatoire qui ouvre le paragraphe 227(5)—« Nonobstant les dispositions de la Loi sur la faillite »—est parfaitement claire en ce qu’elle porte dérogation à toutes les dispositions de cette Loi. Il s’ensuit qu’aucune disposition de la Loi sur la faillite ne peut faire obstacle à l’effet et à l’applicabilité du paragraphe 227(5).

En l’espèce, le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise ne comporte aucune clause dérogatoire. Au contraire, c’est à l’alinéa 107(1)j) de la Loi sur la faillite qu’on en trouve une. Je ne trouve dans la Loi sur la taxe d’accise aucune disposition qui prévoie que lorsqu’il s’agit de la taxe de vente fédérale, il faut ignorer le plan de répartition de la Loi sur la faillite, et moins encore qu’il faut y passer outre.

L’avocat du ministre soutient que le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise soustrait la question litigieuse à l’application de la Loi sur la faillite, le différend ne concernant que le ministre et la banque. L’argument avancé à cet effet est que les prétentions fondées par le ministre sur le paragraphe 52(10) visent les comptes clients cédés à la banque, et non les biens du failli. Je juge cet argument non fondé.

Dans Banque fédérale de développement, supra, le juge Lamer a expressément examiné la question de savoir quels biens étaient les « biens du failli » au sens de la Loi sur la faillite . Le bien en cause était un immeuble sis au Québec et faisait l’objet d’un acte de fiducie établi en faveur d’un créancier. Par suite du défaut de paiement du débiteur, le fiduciaire agissant pour le compte du créancier a pris possession de l’immeuble. Le débiteur fit par la suite une cession en faillite. Avant que l’immeuble ne pût être vendu, la Commission de la santé et de la sécurité du travail a fait enregistrer un privilège en vertu de la Loi sur les accidents du travail [L.R.Q. 1977, ch. A-3] du Québec, lequel privilège était destiné à donner à la Commission priorité par rapport au créancier garanti. Dans cette affaire, la Commission soutenait que le paragraphe 107(1) de la Loi sur la faillite n’avait pas application puisque l’immeuble en question n’était pas un bien du failli. Le juge Lamer a rejeté cet argument comme suit, aux pages 1067 et 1068 :

L’immeuble, grevé en faveur de l’appelante et saisi par le fiduciaire, fait partie des « biens du failli » dont parle l’art. 107 de la Loi sur la faillite. Selon l’art. 2 de la Loi, le mot « biens » inclut les immeubles situés au Canada ou ailleurs. D’autre part, l’expression « biens du failli » est définie à l’art. 47 de la Loi sur la faillite :

47. Les biens d’un failli, constituant le patrimoine attribué à ses créanciers, ne comprennent pas les biens suivants :

a) les biens détenus par le failli en fiducie pour toute autre personne,

b) les biens qui, à l’encontre du failli, sont exempts d’exécution ou de saisie sous le régime de lois de la province dans laquelle sont situés ces biens et où réside le failli,

mais ils comprennent :

c) tous les biens, où qu’ils soient situés, qui appartiennent au failli à la date de la faillite, ou qu’il peut acquérir ou qui peuvent lui être dévolus avant sa libération, et

d) les pouvoirs sur des biens ou à leur égard, qui auraient pu être exercés par le failli pour son propre bénéfice.

Il résulte clairement de ces deux définitions qu’en l’espèce l’immeuble est un bien du failli au sens où l’entend la Loi sur la faillite. En effet, même si le fiduciaire prend possession de l’immeuble avant la faillite, le débiteur failli demeure propriétaire de son bien. Le fiduciaire qui a saisi l’immeuble grevé ne peut prétendre détenir un droit de propriété sur ce bien; il ne possède que les droits d’un créancier gagiste ou hypothécaire.

L’avocat du ministre soutient que le raisonnement tenu par le juge Lamer dans Banque fédérale de développement, supra, s’attache uniquement aux garanties connues au Québec où le propriétaire conserve le titre de propriété, la garantie n’étant qu’une charge grevant ce titre. Cependant, pour justifier une interprétation libérale des mots « biens du failli », le juge Lamer a aussi cité avec approbation la décision Re Broydon Printers Ltd. (1974), 4 O.R. (2d) 48 (C.S.). Il a fait cette observation aux pages 1068 et 1069 de l’arrêt Banque fédérale de développement, supra :

Dans une autre affaire, Re Broydon Printers Ltd. (1975), 19 C.B.R. (N.S.) 226 (C.S. Ont.), le syndic a avisé le créancier garanti de son intention d’examiner les biens détenus par celui-ci. L’article 57 de la Loi sur la faillite permet au syndic de procéder à l’inspection des « biens du failli » détenus à titre de gage, nantissement ou autre garantie, afin de vérifier si ces biens représentent un intérêt réalisable pour la masse des créanciers. Le créancier garanti a refusé au syndic la permission d’examiner lesdits biens. La Cour a ainsi défini la portée de l’expression « biens d’un failli […] détenus à titre [… d’une] autre garantie » (aux pp. 228 et 229) :

[traduction] … je ne pense pas que l’art. 57 soit censé s’appliquer uniquement aux biens constituant un gage ou un nantissement. Je crois plutôt que cet article est de portée suffisamment large pour comprendre les biens du failli qui se trouvent à la date de la faillite en la possession d’un créancier garanti. S’il n’en était pas ainsi, le syndic se verrait dans l’impossibilité de protéger les droits des créanciers sur ces biens.

Dans Re Broydon Printers, supra, la garantie en question était un contrat de vente conditionnelle. Dans les contrats de ce genre, le vendeur conserve le titre de propriété jusqu’à règlement intégral du prix de vente, bien que normalement l’acheteur ait la possession du bien. Cependant, au cas même où le vendeur serait rentré en possession du bien, l’acheteur a droit de rachat en equity. Le juge Houlden a conclu en l’espèce que le droit de rachat en equity des biens dont le vendeur conditionnel est rentré en possession tombe dans le champ d’application de la définition de « biens » de la Loi sur la faillite (à la page 51) :

[traduction] « Biens » est défini à l’art. 2 de la Loi sur la faillite comme s’entendant de ce qui suit :

… sommes d’argent, marchandises, droits incorporels, terres, et biens de toute nature, réels ou personnels, meubles ou immeubles, en droit et en equity, qu’ils soient situés au Canada ou ailleurs, ainsi que les obligations, servitudes et toute espèce de droits, d’intérêts ou de profits, présents ou futurs, actuels ou éventuels, dans des biens, ou en provenant ou s’y rattachant.

Il me semble que l’arrêt Banque fédérale de développement, supra, pose pour principe que le concept de « biens du failli » au sens de la Loi sur la faillite embrasse les biens constitués en sûreté en faveur d’un créancier garanti, peu importe la forme que revêt cette sûreté. Que le titre de propriété soit conservé par le failli ou ait été transféré au créancier garanti ne présente aucune importance tant que le failli ou son syndic conserve en equity le droit de racheter le bien en question. En ce qui concerne les garanties enregistrées sous le régime de la Loi sur les sûretés mobilières, L.R.O. 1980, ch. 375, applicable aux cessions de comptes clients qui nous intéressent en l’espèce, le paragraphe 56(2) de cette Loi prévoit ce qui suit :

56.

(2) Lorsque le débiteur d’un contrat de sûreté est en défaut, le créancier garanti, outre les droits qu’il peut faire valoir par ailleurs, dispose des droits et recours stipulés dans le contrat de sûreté, sous réserve des restrictions prévues au paragraphe (5), et de ceux prévus par la présente partie. S’il a possession du bien grevé, il dispose des droits et recours prévus à l’article 19.

L’article 62 porte :

62. Avant que le créancier garanti ait vendu ou échangé le bien grevé ou qu’il se soit engagé à l’aliéner conformément à l’article 59, ou avant que son choix d’accepter le bien grevé en paiement de la créance garantie devienne irrévocable conformément au paragraphe 61(2), le débiteur, un propriétaire du bien grevé ou un autre créancier garanti peuvent, sauf convention contraire par écrit, après que le débiteur est en défaut, libérer le bien grevé par offres réelles de paiement des créances garanties et consignation d’une somme égale aux frais normaux de récupération, de garde, de réparation, de transformation, de préparation en vue de l’aliénation et, dans la mesure prévue au contrat de sûreté, aux honoraires et frais normaux d’avocat.

Comme dans l’affaire Re Broydon Printers, supra, il appert en l’espèce que IHEC et Thrush auraient eu le droit de racheter la sûreté qu’elles avaient donnée à la banque. Ce droit aurait découlé de l’article 62 de la Loi sur les sûretés mobilières. À la lumière du raisonnement tenu par le juge Houlden dans Re Broydon Printers, supra, et approuvé par le juge Lamer dans Banque fédérale de développement, supra, j’estime que le droit de racheter les comptes clients s’accorde avec la définition de « biens » de la Loi sur la faillite . Puisqu’il en est ainsi, c’est le raisonnement tenu par le juge Lamer dans Banque fédérale de développement qui s’applique en l’espèce et les comptes clients représentent des « biens du failli » au sens du paragraphe 107(1) de la Loi sur la faillite.

À mon avis, cette interprétation aboutit à un résultat logique et permet d’atteindre l’objectif du paragraphe 107(1) qui est de prévoir un plan de distribution entre les créanciers du failli. Cet objectif est en quelque sorte obscurci dans les cas où il ne ressort pas à l’évidence que le syndic a un droit sur la sûreté ou sur le produit de la vente de cette sûreté, comme c’est le cas en l’espèce. Je pense cependant que la situation serait plus claire s’il y avait un reliquat.

N’étaient les prétentions du ministre, la banque se paierait sur la sûreté jusqu’à concurrence de sa créance. Tout reliquat (à supposer qu’il n’y ait pas d’autres créanciers garantis prenant rang après la banque) serait remis au syndic pour distribution entre les créanciers conformément à la Loi sur la faillite et à l’article 60 de la Loi sur les sûretés mobilières, lequel prévoit ce qui suit :

60. Dans le cas où le contrat de sûreté garantit une créance en argent et que le créancier garanti a traité le bien grevé conformément à l’article 57 ou l’a aliéné conformément à l’article 59 ou d’une autre façon, il rend compte de l’excédent du produit à quiconque, à l’exclusion du débiteur, il sait être propriétaire du bien grevé. S’il n’en connaît aucun, il rend compte de l’excédent au débiteur.

Le ministre eût-il le droit d’invoquer le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise pour recouvrer une créance en cas de faillite, il est clair que ce droit s’exercerait, à l’égard du reliquat, aux dépens des autres créanciers. C’est justement ce genre de « resquille » que vise à prévenir le plan de répartition du paragraphe 107(1) de la Loi sur la faillite. Il va de soi que ce paragraphe doit s’appliquer, qu’il y ait un reliquat ou non.

Il en résulte qu’à mon avis, c’est l’alinéa 107(1)j) de la Loi sur la faillite et non le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, qui régit les prétentions du ministre en cas de faillite. Si ma conclusion à ce sujet est différente des décisions Banque Continentale et Bank of British Columbia, supra, il ne faut pas oublier qu’il y a eu par la suite les deux arrêts Banque fédérale de développement et Henfrey Samson Belair, supra, de la Cour suprême.

L’argument subsidiaire proposé par l’avocat du ministre—savoir que la banque devait la taxe de vente au ministre par application directe de l’alinéa 27(1)a) de la Loi sur la taxe d’accise parce qu’elle était un « fabricant ou producteur » au sens de l’alinéa 2(1)a) de la même Loi—n’est pas convaincant. À mon avis, les définitions, de par leur nature même, doivent avoir une formulation générale. Elles doivent toujours être interprétées, dans leur application, selon le contexte et les circonstances dans lesquels le mot est employé; voir par exemple North-West Line Elevators Association et al. v. Canadian Pacific Railway and Canadian National Railway et al., [1959] R.C.S. 239, aux pages 244 et 245.

Envisagée hors de contexte, la définition de « fabricant ou producteur » s’appliquerait à la banque dès qu’elle accepte une cession de comptes clients et elle serait du coup tenue de verser la taxe de vente en application de l’alinéa 27(1)a) de la Loi sur la taxe d’accise. Il ressort cependant à l’évidence que la Loi sur la taxe d’accise ne vise à doubler ou à tripler le nombre d’obligataires pour la même opération ou à faire des créanciers garantis les cautions du débiteur pour ce qui est de son obligation de verser la taxe de vente au ministre. C’est ainsi que dans B.C.I.C. c. R. (1984), 52 C.B.R. (N.S.) 145 (C.F. 1re inst.), confirmée par (1986), 60 C.B.R. (N.S.) 45 (C.A.F.), il a été jugé que la banque ne devient pas un fabricant ou producteur tant qu’elle n’a pas réalisé sa sûreté.

Sous le régime du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, le ministre peut se tourner vers le cessionnaire de comptes clients (appelés dettes actives dans la version française de cette loi) pour se faire payer l’équivalent de la taxe de vente sur les comptes clients perçus par celui-ci. La définition de fabricant ou producteur à l’alinéa 2(1)a) et l’obligation de verser la taxe de vente en application de l’alinéa 27(1)a) doivent être interprétées de manière compatible avec le paragraphe 52(10), faute de quoi le cessionnaire assumerait l’obligation de verser au ministre, au titre de la taxe de vente, un montant supérieur à la taxe applicable au montant qu’il perçoit. En effet, si le cessionnaire était directement tenu à titre de fabricant ou producteur par application de l’alinéa 27(1)a) dans tous les cas, une interprétation aussi large rendrait le paragraphe 52(10) redondant.

La taxe de vente que la banque serait tenue de verser au ministre, en raison d’une obligation directe qu’elle tiendrait à titre de fabricant ou producteur de l’alinéa 27(1)a) peut être la taxe de vente qui est engendrée lorsque la banque elle-même délivre les biens à l’acheteur ou lorsque le droit de propriété sur ces biens est transféré à cet acheteur. Cela signifierait que la banque a acquis le contrôle de l’entreprise de son client. Il n’en est rien quand la banque ne fait que percevoir les sommes qui lui reviennent en vertu de la garantie.

Je dois faire remarquer que dans les cas autres que la faillite, je ne vois pas pourquoi le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise ne devrait pas avoir l’effet que lui prête l’avocat du ministre. L’avocat de la banque soutient que cela reviendrait à confisquer des biens de cette dernière. Il a été jugé cependant que le paragraphe 52(10) est suffisamment clair pour atteindre effectivement son but dans Banque Continentale et Bank of British Columbia, supra, et dans R. v. Prowest Fabrications Ltd. and Balzer’s Mechanical (1978) Ltd. (1983), 31 Sask. R. 150 (Q.B.).

Les notes d’argumentation produites par l’avocat de la banque renferment un extrait des Débats de la Chambre des communes du 2 juin 1936, à la page 3408. Il s’agit de la transcription du débat qui avait visiblement lieu à l’époque où le paragraphe 52(10) fut adopté pour la première fois. On y trouve cette intervention du ministre J. T. Ilsley :

L’hon. M. ILSLEY : Changement d’ordre administratif. Cet article a pour objet d’obliger une personne qui reçoit la cession de dettes actives ou de papiers de commerce, y compris la taxe de vente, à verser la somme de cette taxe au fisc. Dans le passé, la loi ne conférait pas l’autorité de percevoir l’impôt dans ces cas. Lorsque le contribuable se trouvait dans un état financier précaire et à la veille de faire faillite, la personne détenant la garantie subsidiaire encaissait pour son propre compte les sommes que représentait la taxe, et cette taxe devenait pour le fisc un compte non réalisable.

M. FACTOR : Cet article s’applique-t-il aux banques?

L’hon. M. ILSLEY : Oui.

J’estime que les termes du paragraphe 52(10) sont clairs, non ambigus, et qu’ils permettent effectivement d’atteindre l’objectif visé, sauf le cas de faillite.

Dans le cas d’IHEC, il appert que la procédure de faillite a été engagée avant que le ministre ne signifiât l’avis prévu au paragraphe 52(10). En ce qui concerne cette action, les prétentions du ministre sont rejetées avec dépens.

Dans le cas de Thrush, l’avis du ministre fut signifié le 1er novembre 1985, la requête en ordonnance de séquestre déposée le 13 novembre 1985, et l’ordonnance de séquestre rendue le 25 novembre 1985. Il n’a pas été catégoriquement déterminé au cours du procès si la faillite de Thrush affectait tous les comptes clients perçus par la banque ou si le ministre avait droit à la taxe de vente sur les comptes clients perçus entre le 1er et le 12 novembre 1985. À l’égard des comptes clients perçus le 13 novembre 1985 et après cette date, les prétentions du ministre sont rejetées avec dépens. À l’égard des comptes clients perçus par la banque entre le 1er et le 12 novembre 1985, les avocats de part et d’autre pourront présenter d’autres conclusions si l’un ou l’autre l’estime nécessaire. La Cour prendra les mesures nécessaires pour une conférence téléphonique à la demande de l’avocat de l’une ou l’autre partie.

L’avocat de la défenderesse ayant eu substantiellement gain de cause, la Cour lui ordonne de préparer le dispositif du jugement donnant effet aux présents motifs, de le communiquer à l’avocat de la demanderesse en vue de son consentement quant au fond et à la forme, et de le soumettre à la Cour dans les vingt et un (21) jours qui suivent la date des présents motifs.

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