Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[1993] 2 C.F. 327

T-21-93

John Frankie (requérant)

c.

Le commissaire aux services correctionnels (intimé)

Répertorié : Frankie c. Canada (Commissaire aux services correctionnels) (1re  inst.)

Section de première instance, juge Reed—Ottawa, 16 et 25 février 1993.

Libération conditionnelle Détenu réincarcéré, sa libération conditionnelle étant suspendue mais non encore révoquée à la date d’entrée en vigueur de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition Date de la libération d’office régie par l’art. 138(2) Déterminée en prenant comme point de départ la date à laquelle le détenu a été réincarcéré, c.-à-d. la date de la suspension de sa libération conditionnelle Le point d’arrivée est le moment où le détenu a purgé les deux tiers de la partie de la peine, initialement imposée, qui lui restait à subir.

Il s’agit d’une requête en vue d’obtenir un jugement déclarant que l’intimé doit, aux fins du calcul de la date de libération d’office du requérant, soustraire de la peine qui lui reste à purger la réduction de peine méritée à son actif au 1er novembre 1992. La libération conditionnelle du requérant ayant été suspendue, il a été remis en détention le 28 avril 1992. Au moment de l’octroi puis de la suspension de sa libération conditionnelle, il était assujetti à la Loi sur les pénitenciers ainsi qu’à la Loi sur la libération conditionnelle, lesquelles ont toutes deux été abrogées par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cette dernière Loi est entrée en vigueur par proclamation le 1er novembre 1992. La libération conditionnelle du requérant a été révoquée le 13 novembre 1992. Sa situation est régie par l’article 138 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Le paragraphe 138(1) dispose que dès révocation de sa libération conditionnelle, le délinquant est réincarcéré et « purge la peine qui restait à courir avant que sa libération ne soit révoquée ». Le paragraphe 138(2) prévoit que « le délinquant dont la libération conditionnelle … est révoquée n’a pas droit à la libération d’office avant d’avoir purgé les deux tiers de la partie de la peine qui lui restait à purger au moment de sa réincarcération. » Aux termes du paragraphe 224(1), « [i]l est donné suite, après l’entrée en vigueur, aux libérations conditionnelles et permissions de sortir accordées sous le régime de la loi antérieure comme si elles l’avaient été sous le régime de la partie II ». Dans l’arrêt Marcotte c. Sous-procureur général du Canada et autre, [1976] R.C.S. 108, la Cour suprême a conclu que « la partie de sa période originaire d’emprisonnement qui n’était pas encore expirée au moment de l’octroi de cette libération », selon la formule utilisée au paragraphe 16(1) de la Loi sur la libération conditionnelle, se calculait en excluant la réduction statutaire à l’actif du détenu au moment où la libération conditionnelle lui a été octroyée.

Jugement : jugement déclaratoire accordé dans un sens autre que celui recherché.

L’interprétation que la Cour suprême a donnée, dans l’arrêt Marcotte, au passage « la peine qui restait à courir avant que sa libération ne soit révoquée » n’est pas celle qu’il convient de retenir aux fins de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Les dispositions de la Loi sur les pénitenciers prévoyant expressément la perte de la réduction de peine statutaire en certaines circonstances, la Cour n’était pas disposée à conclure que cette perte pouvait également survenir dans d’autres circonstances, telle la révocation de la libération conditionnelle. Le nouveau régime prévoit que le délinquant obtient sa libération d’office à une date ferme, soit après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Quoiqu’elle ne soit pas susceptible d’être « méritée », la date de libération d’office peut être reportée, annulée ou révoquée. Dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, l’expression « libération d’office » s’entend de la mise en liberté sous surveillance avant l’expiration de la peine que purge le détenu. Les paragraphes 99(2), 127(6) et 128(1) prescrivent qu’en cas d’annulation soit de la libération conditionnelle soit de la libération d’office, le détenu sera remis en détention pour purger le reste de la peine d’emprisonnement que la Cour lui avait initialement imposée, sous réserve de la fixation d’une nouvelle date de libération d’office. Pour déterminer cette nouvelle date, on prendra comme point de départ celle à laquelle le détenu a été réincarcéré (c.-à-d. la date de suspension de sa libération conditionnelle ou d’office). La nouvelle date est celle où le détenu a purgé les deux tiers de la partie de la peine qui lui restait à subir.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la libération conditionnelle, L.R.C. (1985), ch. P-2, art. 25 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 34, art. 7).

Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.C. 1958, ch. 38.

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 99, 127, 128, 138, 213, 214, 224.

Loi sur les pénitenciers, L.R.C. (1985), ch. P-5, art. 25 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 34, art. 10).

Loi sur les pénitenciers, S.C. 1960-61, ch. 53, art. 24.

JURISPRUDENCE

DISTINCTION FAITE AVEC :

Marcotte c. Sous-procureur général du Canada et autres, [1976] R.C.S. 108; (1974), 51 D.L.R. (3d) 259; 19 C.C.C. (2d) 257; 3 N.R. 613.

REQUÊTE visant à obtenir un jugement déclaratoire portant que l’intimé doit, aux fins du calcul de la date de libération d’office du requérant, soustraire de la peine qui lui reste à purger la réduction de peine méritée à son actif au 1er novembre 1992. Un jugement déclaratoire est accordé, mais son contenu est autre que ce qui avait été demandé.

AVOCATS :

Elizabeth A. Thomas pour le requérant.

Arnold S. Fradkin pour l’intimé.

PROCUREURS :

Elizabeth A. Thomas, Kingston (Ontario), pour le requérant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Reed : La présente instance soulève la question de l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 138 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, dans le cas d’un détenu incarcéré dont la libération conditionnelle, suspendue à l’entrée en vigueur de cette Loi, n’a été révoquée qu’ultérieurement.

Le requérant a obtenu sa libération conditionnelle totale le 9 mai 1991. Cette libération ayant été suspendue, il a été remis en détention le 28 avril 1992. Au moment de l’octroi puis de la suspension de sa libération conditionnelle, il était assujetti à la Loi sur les pénitenciers, L.R.C. (1985), ch. P-5, ainsi qu’à la Loi sur la libération conditionnelle, L.R.C. (1985), ch. P-2. Ces deux lois ont été abrogées par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, articles 213 et 214. Cette dernière Loi est entrée en vigueur par proclamation le 1er novembre 1992. La libération conditionnelle du requérant a été révoquée le 13 novembre 1992.

Aux termes de l’article 25 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 34, art. 10] de la Loi sur les pénitenciers, version antérieure au 1er novembre 1992, le détenu bénéficiait de quinze jours de réduction de peine pour chaque mois de participation assidue au programme de l’établissement. Il en résultait qu’environ un tiers de la peine d’un détenu pouvait faire l’objet d’une réduction méritée. Aux termes de l’article 25 [mod., idem, art. 7] de la Loi sur la libération conditionnelle, L.R.C. (1985), ch. P-2, version au 1er novembre 1992, le détenu dont la libération conditionnelle était révoquée perdait toute réduction de peine méritée dont il bénéficiait à cette date. La Commission des libérations conditionnelles pouvait toutefois lui réattribuer tout ou partie des réductions ainsi perdues :

25.

(2) Sous réserve du paragraphe (3) et de l’article 26.1 de la Loi sur les pénitenciers, le détenu dont la libération conditionnelle a été révoquée doit, même s’il a été condamné ou a obtenu sa libération conditionnelle avant l’entrée en vigueur du présent paragraphe, purger la peine d’emprisonnement qui restait à courir au moment de l’octroi de sa libération conditionnelle, y compris toute réduction de peine légale ou méritée, dont sont soustraites :

a) la période de libération conditionnelle écoulée après le 14 octobre 1977;

b) la période de détention occasionnée par la suspension de sa libération conditionnelle;

c) les réductions de peine méritées après le 14 octobre 1977 pour la période de détention occasionnée par la suspension de sa libération conditionnelle;

d) les réductions de peine méritées qui étaient à son actif le 15 octobre 1977.

(3) Sous réserve des règlements et du paragraphe 25(7) et de l’article 26.1 de la Loi sur les pénitenciers, la Commission ou une commission provinciale des libérations conditionnelles peut réattribuer à l’actif d’un détenu tout ou partie des réductions de peine, légales et méritées, suivantes :

a) celles dont il bénéficiait au moment où la libération conditionnelle lui a été accordée;

b) en cas de révocation du régime de semi-liberté, celles qu’il a méritées pendant qu’il bénéficiait de ce régime. [Je souligne.]

Il va de soi que si la libération conditionnelle du requérant avait été révoquée avant le 1er novembre 1992, sa réduction de peine méritée aurait été automatiquement révoquée, à moins que la Commission ne la lui ait réattribuée en tout ou en partie.

Antérieurement au 15 octobre 1977, le paragraphe 16(1) (devenu le paragraphe 25(2) [L.R.C. (1985), ch. P-2]) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus [S.C. 1958, ch. 38] disposait :

16. (1) Lorsque la libération conditionnelle octroyée à un détenu a été révoquée, celui-ci doit être envoyé de nouveau au lieu d’incarcération où il a été originairement condamné à purger la sentence à l’égard de laquelle il s’est vu octroyer la libération conditionnelle, afin qu’il y purge la partie de sa période originaire d’emprisonnement qui n’était pas encore expirée au moment de l’octroi de cette libération. [Je souligne.][1]

Dans l’arrêt Marcotte c. Sous-procureur général du Canada et autre, [1976] 1 R.C.S. 108, la Cour suprême a conclu que « la partie de sa période originaire d’emprisonnement qui n’était pas encore expirée au moment de l’octroi de cette libération », au paragraphe 16(1), devait être calculée en excluant la réduction statutaire qui était à l’actif du détenu au moment où la libération conditionnelle lui a été octroyée. L’avocat du requérant soutient qu’une interprétation analogue devrait être conférée au paragraphe 127(5) et à l’article 138 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a remplacé le régime en vertu duquel le détenu obtenait une réduction méritée puis la perdait, par exemple, s’il commettait une infraction disciplinaire ou si sa libération conditionnelle était révoquée. Le nouveau régime prévoit que le délinquant obtient sa libération d’office à une date ferme, soit après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Le paragraphe 127(3) prescrit ce qui suit dans le cas de l’individu condamné pour une infraction commise après l’entrée en vigueur de la Loi :

127.

(3) La date de libération d’office d’un individu condamné … est celle où il a purgé les deux tiers de sa peine.

Quant au détenu condamné pour une infraction commise avant l’entrée en vigueur de la Loi, le paragraphe 127(2) dispose que la date de sa libération d’office est calculée en combinant :

127. (2)

a) la réduction de peine, légale ou méritée, dont il bénéficie à l’entrée en vigueur [1er novembre 1992];

b) la réduction maximale de peine à laquelle il aurait eu droit sur la partie de la peine qui lui restait à subir en vertu de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, dans leur version à cette entrée en vigueur.

Quoique la date de libération d’office ne soit pas susceptible d’être « méritée » comme c’était le cas sous le précédent régime, cette date peut être reportée si la Commission décide qu’il y va de l’intérêt public, ou la libération annulée ou révoquée en cas de violation des conditions qui y étaient rattachées.

Dans le cas d’un détenu qui bénéficiait d’une libération conditionnelle à l’entrée en vigueur de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, mais dont la libération a été subséquemment révoquée, le paragraphe 127(5) dispose :

127.

(5) … la date de libération d’office du délinquant qui bénéficiait, à l’entrée en vigueur du présent article, d’une libération conditionnelle ou d’une liberté surveillée—au sens de la Loi sur la libération conditionnelle—qui est révoquée ultérieurement est celle à laquelle il a purgé, après sa réincarcération … les deux tiers de la partie de la peine qui lui restait alors à subir. [Je souligne.]

Il n’est pas expressément question, dans la Loi, de l’individu qui faisait l’objet d’une suspension de sa libération conditionnelle à l’entrée en vigueur, bien que l’article 138 traite de façon générale de la situation des délinquants dont la libération conditionnelle ou d’office est révoquée en vertu de la Loi :

138. (1) Dès révocation ou cessation de sa libération conditionnelle ou d’office, le délinquant est réincarcéré et purge la peine qui restait à courir avant que sa libération ne soit révoquée ou qu’il n’y soit mis fin.

(2) … le délinquant dont la libération conditionnelle ou d’office est révoquée n’a pas droit à la libération d’office avant d’avoir purgé les deux tiers de la partie de la peine qui lui restait à purger au moment de sa réincarcération. [Je souligne.]

Le paragraphe 224(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition dispose :

224. (1) Il est donné suite, après l’entrée en vigueur, aux libérations conditionnelles et permissions de sortir accordées sous le régime de la loi antérieure comme si elles l’avaient été sous le régime de la partie II de la présente loi.

Ainsi, la situation ayant donné lieu à la présente requête est régie par l’article 138 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Comme je l’ai indiqué précédemment, l’avocat du requérant soutient qu’il ressort clairement de l’arrêt Marcotte que lorsque la réduction de peine est accordée par la loi, cette réduction ne peut être retirée au détenu sans disposition expresse et que, de plus, la Cour suprême a interprété les mots « la partie de sa période originaire d’emprisonnement qui n’était pas encore expirée au moment de l’octroi de cette libération » comme excluant toute période créditée à titre de réduction méritée. (À l’époque en question, seule la réduction statutaire était en cause parce que la réduction méritée n’était pas susceptible d’être retirée, voir la Loi sur les pénitenciers, S.C. 1960-61, ch. 53, art. 24). On allègue que l’arrêt Marcotte mène à la conclusion que la période décrite dans le passage « la peine qui restait à courir avant que sa libération ne soit révoquée », au paragraphe 127(5) et à l’article 138 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, doit être calculée en excluant la réduction de peine méritée qui était à l’actif du détenu au moment de la révocation de sa libération conditionnelle. Si j’ai bien saisi l’argument de l’avocat, ce calcul s’applique, que le détenu se trouve dans la situation du requérant en l’espèce, savoir que sa libération conditionnelle a été suspendue avant mais révoquée après l’entrée en vigueur de la Loi, ou qu’il s’agisse d’un détenu dont la libération conditionnelle a été octroyée, suspendue et révoquée après l’entrée en vigueur de la Loi.

Je reconnais qu’à première vue, le texte du paragraphe 16(1) de l’ancienne Loi sur la libération conditionnelle de détenus est similaire à celui de l’article 138 de la nouvelle Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Toutefois, je ne suis pas prête à accepter que l’interprétation du passage en cause, dans le contexte de l’ancienne Loi sur la libération conditionnelle de détenus, soit celle qu’il convienne de retenir aux fins de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Il appert, à la lecture de l’arrêt Marcotte, que le raisonnement de la Cour suprême dans cette affaire reposait en grande partie sur le fait que les dispositions de la Loi sur les pénitenciers prévoyaient expressément la perte de la réduction de peine statutaire en cas d’infraction disciplinaire ou de culpabilité d’évasion ou de tentative d’évasion. En présence, donc, de dispositions prévoyant expressément les circonstances où il pouvait y avoir perte de la réduction statutaire, la Cour n’était pas disposée à conclure que cette perte pouvait également survenir dans d’autres circonstances, telle la révocation de la libération conditionnelle.

Quant à la perte de la réduction légale de peine sur révocation de la libération conditionnelle, le juge Dickson [tel était alors son titre] a écrit ceci dans l’arrêt Marcotte, à la page 112 :

Passons à l’art. 16 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, selon lequel lorsque la libération conditionnelle octroyée à un détenu a été révoquée, celui-ci doit purger la partie de sa période originaire d’emprisonnement qui n’était pas encore expirée au moment de l’octroi de sa libération. Si, comme je le conçois, la réduction statutaire est véritablement créditée au détenu dès sa réception à un pénitencier, alors, à moins qu’il n’y ait eu déchéance en tout ou en partie conformément aux par. (3) et (4) de l’art. 22 de la Loi sur les pénitenciers, on doit tenir compte de ce crédit en calculant la partie de la période originaire d’emprisonnement qui n’est pas expirée.

Et aux pages 114 et 115 :

L’historique de la législation appuie la conclusion ci-dessus. Si l’on examine la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1952, c. 206, art. 69, on verra qu’on y dispose qu’un détenu peut gagner une remise de peine n’excédant pas six jours pour chaque mois de bonne conduite et qu’en plus, lorsque le détenu a à son crédit une remise de peine de soixante-douze jours, il peut obtenir pour chaque mois subséquent durant lequel il continue à donner satisfaction par sa conduite et son application une remise de dix jours pour chaque mois qui suit. Le par. (4) de l’art. 69 prescrit ensuite :

(4) Tout détenu qui s’évade, tente de s’évader, effectue ou tente un bris de prison, s’échappe par bris de sa cellule, ou fait à sa cellule quelque dégradation dans le but de s’échapper, ou qu’il se livre à des voies de fait sur un fonctionnaire ou préposé du pénitencier, ou qui, étant porteur d’un permis prévu par la Loi sur la libération conditionnelle, est déchu de ce permis, perd toute la remise de peine par lui gagnée. (Les soulignés sont de moi.)

Un permis octroyé selon la Loi sur les libérations conditionnelles équivalait à une libération conditionnelle, 1958 (Can.), c. 38, art. 24. L’importance du texte législatif antérieur réside, à mon avis, dans le fait que dans ce texte législatif il y avait une disposition expresse relative à la perte de remise de peine dans le cas de déchéance du permis octroyé en vertu de la Loi sur les libérations conditionnelles mais lorsque la loi a été modifiée et que les présents art. 22 à 25 de la Loi sur les pénitenciers ont été adoptés, la disposition n’a pas été reproduite dans la nouvelle loi. Par conséquent, je pense qu’il est juste de conclure que le Parlement n’a pas voulu inclure aucune mesure de déchéance dans les art. 22 à 25 de la nouvelle loi et que rien dans ces articles ne peut toucher le sens clair et ordinaire des mots employés au par. (1) de l’art. 16 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus (dont le par. (1) de l’art. 9 de la Loi sur les libérations conditionnelles était antérieurement l’équivalent).

Dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, je note que l’expression « libération d’office » s’entend de la « [m]ise en liberté sous surveillance … avant l’expiration de la peine que purge le détenu » [soulignements ajoutés] (paragraphe 99(1)).

Le paragraphe 99(2) prescrit :

99.

(2) Pour l’application de la présente partie, la mention de l’expiration légale de la peine que purge un délinquant s’entend du jour d’expiration de la peine compte non tenu de la libération d’office à laquelle il pourrait avoir droit, ni des réductions de peine à son actif lors de l’entrée en vigueur du présent article.

Le paragraphe 127(6) prévoit que :

127.

(6) Le délinquant ayant droit à la libération d’office peut la refuser et rester en détention jusqu’à l’expiration de sa peine. [Je souligne.]

Le paragraphe 128(1) prescrit :

128. (1) Le délinquant qui bénéficie d’une libération conditionnellecontinue, tant qu’il a le droit d’être en liberté, de purger sa peine d’emprisonnement jusqu’à l’expiration légale de celle-ci. [Je souligne.]

À la lecture de ces dispositions et d’autres articles de la Loi, visant, par exemple, l’octroi de la libération conditionnelle ou l’annulation de la libération d’office, il me semble donc clair que ce qui est prévu, en cas d’annulation soit de la libération conditionnelle soit de la libération d’office, c’est que le détenu sera remis en détention pour purger le reste de la peine d’emprisonnement que la Cour lui avait initialement imposée, sous réserve de la fixation d’une nouvelle date de libération d’office. Pour déterminer cette nouvelle date, on prendra comme point de départ celle à laquelle le détenu a été réincarcéré (c.-à-d. la date de suspension de sa libération conditionnelle ou d’office). La nouvelle date est celle où le détenu a purgé les deux tiers de la partie de la peine qui lui restait à subir.

L’interprétation de l’article 138 que préconise l’avocat du requérant ne concorde pas avec l’économie générale de la Loi. Ainsi, les deux tiers de sa peine ayant été purgés et la première date fixée pour sa libération d’office étant arrivée, le détenu ne pourrait jamais être remis en détention pour cause d’annulation de sa libération conditionnelle ou d’office parce que « la peine qui restait à courir » devrait être calculée de manière à lui garantir une mise en liberté à la date fixée conformément au paragraphe 127(3). Or, cela serait illogique compte tenu de l’économie générale de la Loi.

Aussi, je ne suis pas convaincue que le requérant ait droit, advenant la révocation de sa libération conditionnelle, à une date de libération d’office calculée en prenant en compte la réduction de peine méritée accumulée antérieurement à cette révocation et qu’il doive alors, soustraction faite de la réduction, purger les deux tiers de la période qui reste à courir. À mon avis, la date de sa libération d’office est assujettie au paragraphe 138(2) et est déterminée en calculant les deux tiers de la période qui reste, c’est-à-dire en prenant comme point de départ la date de son incarcération et de la suspension de sa libération conditionnelle (28 avril 1992) jusqu’à l’expiration de la peine initialement imposée par la Cour. Le détenu doit purger les deux tiers de cette période avant de pouvoir être à nouveau mis en liberté en application des dispositions relatives à la libération d’office.



[1] L’art. 16(1), tel que cité, est tiré de S.C. 1958, ch. 38. Il a été modifié par S.C. 1968-69, ch. 38, art. 102, qui est devenu l’art. 20(1) dans S.R.C. 1970, ch. P-2, et il est resté en vigueur jusqu’au 15 octobre 1977 au moment de l’entrée en vigueur de S.C. 1976-77, ch. 53, art. 31.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.