Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[1993] 3 C.F. 540

T-1095-93

Don Puccini (requérant)

c.

Dan Fenety, directeur général, Services de l’administration corporative, Agriculture Canada (intimé)

Répertorié : Puccini c. Canada (Directeur général, Services de l’administration corporative, Agriculture Canada) (1re inst.)

Section de première instance, juge Gibson—Ottawa, 1 et 21 juin 1993.

Fonction publique — Plainte de harcèlement en milieu de travail contre le requérant — Affectation et transfert du requérant à un autre poste pendant l’enquête — En attendant l’issue du recours en contrôle judiciaire, le requérant conclut à ordonnance provisoire enjoignant à l’intimé de le réaffecter à son lieu de travail antérieur, de s’abstenir de toute autre mesure relative à la matière faisant l’objet de ce recours, et de lui communiquer certains documents y relatifs — Conséquences d’une plainte de harcèlement — Les circonstances nécessitent l’éloignement de la plaignante et de son supérieur — Le défaut de réaffecter maintenant le requérant à son lieu de travail antérieur ne causera pas un préjudice irréparable puisque le mal est déjà fait — Pour ce qui est de la balance des inconvénients, il faut tenir compte aussi des intérêts de la plaignante et de l’intérêt général — Une ordonnance provisoire produirait l’effet d’une douche froide sur les plaintes de harcèlement au sein de la fonction publique.

Contrôle judiciaire — Recours en equity — Injonctions — Affectation du supérieur hiérarchique à un autre poste durant l’enquête sur la plainte de harcèlement formulée par une subordonnée — Le requérant conclut à injonction contre le processus en attendant l’issue du recours en contrôle judiciaire — Il demande également sa réaffectation au lieu de travail antérieur et la communication de renseignements relatifs à la plainte — Les avocats des deux parties conviennent de l’applicabilité du critère défini dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd. — Le juge, dubitatif, prononce ses motifs à la lumière de ce critère — Question sérieuse à trancher parce qu’une plainte de harcèlement est une affaire sérieuse, le requérant soutenant que la procédure observée par l’intimé et la politique du Conseil du Trésor vont à l’encontre de l’obligation d’équité — Le défaut de réaffecter maintenant le requérant ne causera pas un préjudice irréparable puisque le mal est déjà fait — Pour ce qui est de la balance des inconvénients, il faut tenir compte aussi de l’intérêt général et des inconvénients dont pourrait souffrir la plaignante.

Compétence de la Cour fédérale — Section de première instance — Le directeur général intimé est un office fédéral au sens de l’art. 2 de la Loi sur la Cour fédérale — La question est visée par le recours en contrôle judiciaire même si elle consiste en un processus continu, non pas en telle ou telle décision ou ordonnance.

Le requérant, directeur de la Division de la gestion des mesures d’urgence, Agriculture Canada, a fait l’objet d’une plainte formelle de harcèlement en milieu de travail (abus de pouvoir). Comme la plaignante travaillait sous les ordres du requérant, le supérieur hiérarchique de ce dernier a appliqué la politique du Conseil du Trésor qui consistait à éloigner les deux parties, physiquement et hiérarchiquement, en affectant et transférant le requérant à un autre poste pour la durée de l’enquête.

Dans le cadre de son recours en contrôle judiciaire contre certaines parties de la politique sur le harcèlement en milieu de travail, le requérant se fonde sur l’article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale pour introduire une requête en ordonnance provisoire en attendant l’issue de ce recours, pour enjoindre à l’intimé : (1) de le réaffecter à son lieu normal de travail afin qu’il puisse remplir ses attributions normales; (2) de s’abstenir de toute autre mesure relative à la matière faisant l’objet du recours en contrôle judiciaire; (3) de communiquer au requérant les documents énumérés dans l’avis de requête introductif d’instance et relatifs à la matière faisant l’objet du recours en contrôle judiciaire.

Jugement : la requête doit être rejetée.

La Cour fédérale a compétence en la matière. L’intimé est un office fédéral au sens de l’article 2 de la Loi sur la Cour fédérale. Bien que la question visée par le recours en contrôle judiciaire consiste en un processus continu, au cours duquel diverses décisions ou ordonnances ont été déjà prises ou rendues, et non pas en telle ou telle décision ou ordonnance, on peut, à l’égard de la requête préliminaire, interpréter largement le paragraphe 18.1(2) de la Loi et la Règle 1602(2)f) comme embrassant la présente affaire.

Les deux parties conviennent que le triple critère (question sérieuse, préjudice irréparable, balance des inconvénients de part et d’autre) défini dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores, [1987] 1 R.C.S. 110, est applicable à chacun des trois chefs de demande. Une plainte de harcèlement est une affaire sérieuse, puisque la plaignante risque d’être victime d’abus renouvelés et que l’auteur supposé du harcèlement souffrira en termes de réputation. L’allégation que la procédure observée par l’intimé et la politique qui en est le fondement vont à l’encontre de l’obligation d’équité, représente une question sérieuse à trancher. Cependant, le défaut de réaffecter le requérant maintenant à son lieu de travail et à ses attributions antérieurs ne se traduira pas par un préjudice irréparable que des dommages-intérêts ne sauraient compenser. Le mal, quel qu’il soit, a été fait.

En ce qui concerne la requête en ordonnance provisoire, la question de la balance des inconvénients ne doit pas être examinée en l’espèce qu’au regard des inconvénients dont pourraient souffrir éventuellement les parties elles-mêmes. Si on tient compte de l’inconvénient dont souffrirait la plaignante et de l’intérêt général, la balance ne favorise pas le requérant. Une ordonnance provisoire produirait l’effet d’une douche froide sur toutes les enquêtes de harcèlement en cours au sein de la fonction publique.

La demande du requérant de communication de certains documents n’étant pas une demande faite sous le régime de la Règle 1612, les pièces communiquées par l’avocat de l’intimé ne seront pas acceptées. Les pièces demandées par le requérant étant des documents expressément obtenus ou compilés au sujet de la plainte de harcèlement, elles tombent dans le champ d’application de l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et, si l’intimé compte s’en servir pour poursuivre l’enquête sur la plainte de harcèlement, il faut qu’elles soient communiquées à l’une et l’autre parties à la plainte. Si ces pièces sont utilisées sans avoir été communiquées aux intéressés, comme cela a été probablement le cas dans la procédure d’enquête, cette question reviendra certainement devant la Cour dans le cours de l’instance. La production des pièces demandées ne sera pas ordonnée parce qu’il n’est pas certain que le requérant subira un préjudice irréparable faute d’ordonnance ou que la balance des inconvénients la justifie, « inconvénients » s’entendant ici de l’inconvénient dont souffriraient ceux qui ont fourni les renseignements en question, peut-être sans avoir été avertis qu’ils pourraient être partagés avec d’autres. Si ces pièces ont été ou seront utilisées, elles doivent être partagées. Si elles n’ont pas été et ne seront pas utilisées sans avoir été partagées, il n’y aura aucun manquement à l’équité. Si elles ont été utilisées sans avoir été intégralement partagées, l’intimé aura à défendre l’équité de son enquête.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 1), 18.1 (édicté, idem, art. 5), 18.2 (édicté, idem).

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11.

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 8(2)a).

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 496(1), 1602(2)f) (édictée par DORS/92-43, art. 19), 1612 (édictée, idem).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; (1987), 38 D.L.R. (4th) 321; [1987] 3 W.W.R. 1; 46 Man. R. (2d) 241; 25 Admin. L.R. 20; 87 CLLC 14,015; 18 C.P.C. (2d) 273; 73 N.R. 341.

REQUÊTE en ordonnance provisoire, en attendant l’issue d’un recours en contrôle judiciaire relatif à une plainte de harcèlement en milieu de travail, principalement contre l’affectation et le transfert temporaires du requérant en application de la politique du Conseil du Trésor en matière de harcèlement en milieu de travail. Requête rejetée.

AVOCATS :

Eric R. Williams pour le requérant.

Alain Préfontaine pour l’intimé.

PROCUREURS :

Williams, McEnery & Davis, Ottawa, pour le requérant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Gibson :

LES CHEFS DE DEMANDE

Le requérant Don Puccini présente, en application de l’article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)], une requête en ordonnance provisoire en attendant le jugement de sa demande de contrôle judiciaire. À titre de mesures provisoires, il conclut à ordonnance enjoignant à l’intimé Dan Fenety : en premier lieu, de le réaffecter à son lieu normal de travail, Halldon House, 2255, avenue Carling, Ottawa, afin qu’il puisse remplir ses attributions normales; en deuxième lieu, de s’abstenir, sauf les mesures nécessaires pour donner effet à l’ordonnance provisoire, de toute autre mesure relative à la matière faisant l’objet du recours en contrôle judiciaire; et, en troisième lieu, de communiquer immédiatement au requérant les documents énumérés dans l’avis de requête introductif d’instance et relatifs à la matière faisant l’objet du recours en contrôle judiciaire.

LES FAITS DE LA CAUSE

Le requérant est directeur de la Division de la gestion des mesures d’urgence, au ministère de l’Agriculture du gouvernement du Canada (le Ministère). À ce titre il est classé au premier niveau du groupe de la direction dans la fonction publique. L’intimé Fenety est son supérieur hiérarchique à la Direction des services de l’administration corporative du ministère. La Division de la gestion des mesures d’urgence (DGMU) est une unité de neuf ou dix personnes au sein de la Direction des services de l’administration corporative, et est installée à l’adresse indiquée ci-dessus, qui se trouve à quelque distance du siège du Ministère, à l’édifice Sir John Carling.

Par lettre en date du 4 janvier 1993, Marlene O’Neil, employée permanente de la fonction publique travaillant à la DGMU sous les ordres d’une autre personne qui relevait directement du requérant, a saisi l’intimé d’une plainte formelle de harcèlement en milieu de travail, harcèlement qu’aurait commis le requérant à son égard sous forme d’abus de pouvoir. Dans sa lettre, Mme O’Neil demandait, entre autres, une enquête sur sa plainte, son maintien à la DGMU pendant l’enquête, la cessation immédiate du harcèlement, et l’interdiction faite au requérant de communiquer verbalement avec elle, que ce fût au travail ou chez elle.

Le Ministère avait institué une politique en matière de harcèlement en milieu de travail, le 29 novembre 1989. Depuis cette date, le Secrétariat du Conseil du Trésor, agissant au nom de ce dernier dans l’exercice de ses responsabilités en matière de gestion du personnel de la fonction publique du Canada, a mis en place une politique sur le harcèlement en milieu de travail, apparemment datée du 1er septembre 1991. C’est manifestement pour donner effet à cette dernière que le Ministère a publié par la suite un nouveau projet de politique sur le harcèlement en milieu de travail, mais aucune preuve n’a été administrée pour établir que pendant la période en cause, ce projet de politique ait été formellement adopté. Il est convenu de part et d’autre à l’audience que c’est la politique en date du 1er septembre 1991 du Conseil du Trésor qui régissait la suite réservée par le Ministère à la plainte de Mme O’Neil. Voici le préambule de ce texte :

Objectif de la politique

Créer un milieu de travail qui, tout en stimulant la productivité, soit propice à la dignité et à l’estime de chacun et chacune des employés et leur permettre de poursuivre leurs objectifs personnels.

Énoncé de la politique

Chaque employé de la fonction publique du Canada est traité équitablement au travail dans un milieu exempt de harcèlement. Le harcèlement de tout employé par un autre employé constitue une infraction à la discipline qui fera objet de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

Application

La présente politique s’applique à tous les ministères et autres éléments de la fonction publique énumérés à la partie I de l’annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Le Ministère figure indirectement à la partie I de cette annexe [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35].

La procédure à suivre prévoit qu’à la réception de la plainte, la personne désignée pour entreprendre l’enquête (et il est constant qu’il s’agit en l’espèce de l’intimé) doit :

—   aviser sans retard la personne contre laquelle une plainte a été logée de la plainte portée contre elle;

—   informer toutes les parties impliquées de leurs droits et responsabilités;

—   interroger les parties au litige ainsi que les témoins;

—   recueillir les éléments de preuve;

—   rédiger un rapport;

—   informer par écrit les parties de la décision rendue et des motifs qui la justifient dans un délai raisonnable.

Par lettre en date du 11 janvier 1993, l’intimé informe le requérant que celui-ci fait l’objet d’une plainte de harcèlement portée par Mme O’Neil, qu’une compagnie ou un individu du secteur privé, versé dans les enquêtes en matière de harcèlement, sera engagé pour s’occuper de certaines étapes de la procédure, et que le requérant aura tout loisir de répondre aux accusations portées contre lui. Par la même occasion, celui-ci est informé qu’il est affecté et transféré au siège du Ministère, et que cette affectation et ce transfert [traduction] « ne doivent pas être interprétées comme anticipant sur l’issue de l’enquête ». La lettre l’informe encore qu’une autre personne a été chargée d’assurer l’intérim pendant son absence de la DGMU, et lui recommande de ne pas communiquer avec Mme O’Neil pendant l’enquête.

Par ce transfert, l’intimé s’est de toute évidence conformé aux paragraphes suivants de la politique, intitulés « Droits et responsabilités » et « Les gestionnaires » :

S’il est déterminé par l’employeur qu’il y va de l’intérêt de toutes les parties, la personne contre laquelle une plainte a été logée et la victime présumée qui entretiennent un rapport hiérarchique de surveillant à subalterne, devraient être séparées l’une de l’autre physiquement et hiérarchiquement, pour la durée de l’enquête.

Quand elles n’entretiennent pas un rapport de surveillant à subalterne, elles devraient être séparées l’une de l’autre physiquement, pour la durée de l’enquête.

Toujours sous la rubrique des « Droits et responsabilités », la politique prévoit que la « victime présumée », en l’occurrence Mme O’Neil, et la personne visée par la plainte, en l’occurrence le requérant, ont l’une et l’autre le droit « pendant toute la durée de la procédure, d’être tenu[e]s au courant, sous réserve de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels ».

Il appert que l’enquête visée à la politique et mentionnée dans la lettre du 11 janvier 1993 de l’intimé, a été menée par une certaine Ann Carmichael, seule ou avec le concours d’une autre personne; le dossier n’est pas clair à ce sujet. Il appert aussi que le rapport d’enquête a été soumis à l’intimé vers la fin de mars. Une version du rapport fut communiquée au requérant le 31 mars 1993, et une autre version le 23 avril 1993. D’après la pagination initiale du rapport, celui-ci couvre quatre-vingt-une (81) pages. Le document communiqué le 23 avril 1993 au requérant couvre quatre-vingt-six (86) pages, y compris un bref mémorandum en date du 23 avril 1993, une page de couverture et un « État des allégations » de trois pages, lequel est manifestement une annexe du rapport et dont les pages n’étaient pas numérotées dans la version initiale. Une table des matières qui est en page 2 ou 3, selon la pagination adoptée, indique que le rapport comprend un avant-propos, les informations relatives à onze « principaux témoins » à l’exclusion de la plaignante et du requérant, un sommaire de deux pages des conclusions d’ensemble, un sommaire plus étendu des points litigieux, analyses et conclusions, un rapport détaillé sur les constatations, analyses et conclusions, et enfin la brève annexe susmentionnée. Le requérant argue que ce rapport va bien au-delà d’un simple compte rendu des informations communiquées par les personnes interrogées, et aussi que la version du rapport déposé, telle qu’elle a été communiquée au requérant le 23 avril 1993, a été fortement expurgée, vraisemblablement en application de la Loi sur la protection des renseignements personnels [L.R.C. (1985), ch. P-21].

Il appert que les étapes restantes de la procédure, telles que les envisage l’intimé, consistent à donner à la plaignante et au requérant la possibilité de lui soumettre leurs conclusions, verbalement ou par écrit, après quoi il examinera le rapport à la lumière de ces conclusions et décidera de la suite à réserver à la plainte.

L’avis de requête introductif d’instance, déposé par le requérant, conclut à ce qui suit :

[traduction] 1. Ordonnance portant annulation de parties de la politique d’Agriculture Canada sur le harcèlement en milieu de travail, en particulier des articles relatifs à la procédure d’instruction des plaintes et aux droits de la personne qui est l’objet d’une plainte.

2. Plus spécifiquement, le requérant demande l’annulation :

a) des dispositions qui prévoient l’action disciplinaire immédiate par le transfert de l’« accusé » hors du lieu de travail;

b) des dispositions qui prévoient la désignation d’un « enquêteur » de l’extérieur, qui donne ses avis, conclusions et constatations, au lieu de se limiter à une enquête sur les faits;

c) de toute disposition qui habilite un gestionnaire ou surveillant à rendre la décision finale en se servant, par quelque méthode inconnue, du « rapport de l’enquêteur » et en entreprenant peut-être quelque enquête supplémentaire inconnue, pour arriver à un verdict de culpabilité ou d’innocence;

d) de toute disposition qui habilite un gestionnaire ou surveillant à rendre pareille décision, laquelle, étant donné la nature du processus, devrait émaner d’une personne ou d’un tribunal neutre, et non pas d’un « gestionnaire » ou « surveillant », qui souffre souvent de parti pris ou de manque de formation sur les questions de crédibilité et d’interprétation des politiques.

3. Ordonnance portant annulation de toute disposition qui ne donne pas au plaignant ou à l’« accusé » le droit de se faire entendre par un tribunal ou une personne neutre, avec droit de citer des témoins, de contre-interroger les témoins de la partie adverse et de plaider avec ou sans le ministère d’avocat.

4. Ordonnance portant annulation de toute disposition qui a pour effet d’empêcher l’« accusé » de connaître la portée et la nature exacte des faits relevés contre lui, et d’y défendre comme il convient.

5. Ordonnance portant annulation du rapport d’enquête d’Ann Carmichael et radiation de ce rapport des dossiers d’Agriculture Canada, du dossier personnel de Don Puccini, et de tout dossier soumis à l’application de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

6. Ordonnance portant que la plainte de Marlene O’Neil contre Don Puccini sera entendue par un tribunal ou une personne neutre, et que Puccini aura le droit de comparaître, assisté ou non d’avocat, pour contre-interroger tout témoin qui dépose au sujet de la plainte et de citer tout témoin à décharge, que O’Neil pourra contre-interroger.

7. Ordonnance portant qu’avant l’audience susmentionnée, toutes dépositions recueillies chez les témoins et tous documents ou autres pièces, notés, sur lesquels s’appuie la plaignante, seront communiqués à Puccini.

8. Conformément aux ordonnances susmentionnées, ordonnance à Dan Fenety de s’abstenir de rendre une décision et de prendre de nouvelles mesures au sujet de la plainte de Marlene O’Neil.

9. Ordonnance prescrivant les mesures provisoires visées à l’avis de requête ci-joint.

10. Les dépens entre procureur et client, afférents à la présente requête.

11. Tout autre mesure provisoire que la Cour jugera nécessaire d’ordonner.

La requête en mesures provisoires a été débattue à l’audience du 1er juin 1993. Le lendemain, l’intimé a rencontré un certain nombre d’employés de la DGMU. Peu de temps après, l’avocat du requérant a communiqué avec le greffe de la Cour pour demander, en application de la Règle 496(1) des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, la réouverture de l’audience pour produire la preuve par affidavit de ce qui s’est dit au cours de cette rencontre et du rapport que présente cette dernière avec l’affaire, en particulier avec le préjudice causé au requérant par la procédure à cette date. La Règle 496(1) prévoit ce qui suit :

Règle 496. (1) La Cour pourra, soit sur une requête de l’une des parties, ou de sa propre initiative, s’il y va de l’intérêt de la justice, rouvrir une instruction ou autre audition après sa clôture, et avant que les motifs du jugement n’aient été donnés ou que le jugement lui-même n’ait été prononcé, aux fins et aux conditions qui semblent justes.

Au moment où l’avocat du requérant communiqua avec le greffe, l’audition de la requête avait pris fin, mais les motifs de l’ordonnance qui y donnait suite n’avaient pas encore été déposés, et l’ordonnance elle-même n’avait pas encore été prononcée. Sa demande était donc conforme à la Règle et, après consultations entre le greffe et les avocats des deux parties, j’ai accepté de rouvrir l’audience, ce que j’ai fait dans l’après-midi du 17 juin 1993.

À la reprise, le requérant a présenté une requête en autorisation de déposer trois affidavits, deux émanant de personnes qui étaient présentes à la réunion du 2 juin 1993 et qui déposent sur ce qui s’y est dit, et une émanant du requérant lui-même [traduction] « au sujet du fond de l’affaire et des preuves, débattus à la première audition, le 1er juin 1993, de [la] requête ». Le requérant y demande aussi que la Cour prenne en considération les affidavits visés. Le greffe a également reçu le 16 janvier 1993 trois affidavits produits par l’intimé et émanant de personnes, y compris l’intimé lui-même, qui étaient présentes à la réunion du 2 juin 1993. À la clôture de la reprise, j’ai ordonné que tous les six affidavits soient déposés au greffe à compter de la date où celui-ci les a reçus. Ils présentent certainement tous un rapport avec les questions litigieuses dont je suis saisi. Comme les parties me l’ont demandé, je les ai pris en considération pour prononcer sur la requête principale soumise à ma décision et pour formuler les présents motifs. Ces affidavits n’ont guère eu d’influence sur la décision.

ANALYSE

Je dois examiner brièvement deux questions préalables qui concernent toutes deux la compétence de la Cour en cette matière.

Je conclus que l’intimé Dan Fenety a la qualité d’un office fédéral au sens de la définition contenue dans l’article 2 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 1], dans la fonction qu’il exerce à l’égard de la plainte de harcèlement contre le requérant. Voici le texte de cette définition :

2. (1) …

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 .

Selon cette définition, un office fédéral peut être une personne. Je conclus aussi qu’en l’espèce, l’intimé est une personne « exerçant ou censé[e] exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale », cette loi étant en l’occurrence la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, et qu’il échappe à l’exception prévue à la fin de la définition. Sa Majesté la Reine, représentée par le ministre de l’Agriculture, a été mise hors de cause par ordonnance rendue à l’audition de ce recours puisque, à mon avis, Sa Majesté, telle qu’elle est représentée et du moins dans l’affaire en instance, ne tombe pas dans le champ d’application de la définition d’« office fédéral » et ne peut donc être intimée dans le cadre de ce recours en contrôle judiciaire.

Cela dit, et vu les chefs de demande contenus dans la requête introductive d’instance mais sous réserve de ce qui suit au sujet de l’article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale, je conclus que la Cour a compétence pour connaître de cette requête en application de l’article 18.1, et que la requête en mesures provisoires dont je suis saisi tombe dans le champ d’application de l’article 18.2.

La seconde question est plus technique. Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit ce qui suit :

18.1

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

Ce paragraphe vise la décision ou l’ordonnance attaquée par le recours en contrôle judiciaire, et cette spécificité se retrouve dans la Règle 1602(2)f) des Règles de la Cour fédérale [édictée par DORS/92-43, art. 19], aux termes de laquelle l’avis de requête en contrôle judiciaire doit indiquer « la date et les particularités de la décision, de l’ordonnance ou de toute autre question à l’égard de laquelle le contrôle judiciaire est demandé ». Les « particularités » de la « question » visée par le recours en contrôle judiciaire en l’espèce sont indiquées dans l’avis de requête, mais cette « question » consiste en un processus continu et non pas en telle ou telle décision ou ordonnance, c’est pourquoi il est impossible de relever des dates précises, autres que la date du dépôt de la plainte de harcèlement et de divers incidents de procédure subséquents. Sous réserve de décision contraire en un état ultérieur de la cause, je suis disposé, à l’égard de cette requête préliminaire, à interpréter largement le libellé du paragraphe 18.1(2) et de la Règle 1602(1)f) comme embrassant la situation d’ensemble en l’espèce, où diverses décisions ou ordonnances ont été déjà prises ou rendues par l’intimé dans le cours de l’enquête sur le harcèlement, lesquelles ont eu un effet notable sur la situation du requérant et de la plaignante.

J’en viens maintenant à la question principale en instance.

Dans leurs conclusions, les avocats de part et d’autre estiment que le triple critère défini dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, est applicable à chacun des trois chefs de demande du requérant. Il est clair que le critère défini par Metropolitan Stores est applicable au deuxième chef de demande, injonction contre la poursuite de l’instruction de la plainte en attendant le contrôle judiciaire. On voit cependant mal comment il s’applique au premier chef de demande, ordonnance de réaffecter le requérant à son lieu de travail initial, et au troisième chef, communication de certains documents. Malgré mes appréhensions à ce sujet, j’ai formulé mes motifs d’ordonnance sous l’optique du critère de l’arrêt Metropolitan Stores, comme les avocats en présence l’ont fait dans leurs plaidoiries.

Les trois volets de ce critère sont les suivants : en premier lieu, le requérant doit établir, ne serait-ce que par commencement de preuve, qu’il y a une question sérieuse à trancher; en deuxième lieu, qu’il subira un préjudice irréparable que ne sauraient indemniser des dommages-intérêts; le troisième volet étant la balance des inconvénients de part et d’autre compte tenu de l’intérêt général. Ces trois éléments du critère forment un tout. Toutes les trois conditions doivent être réunies pour que la réparation demandée soit accordée.

a)         Question sérieuse à trancher

La politique du Conseil du Trésor définit le harcèlement en ces termes :

On entend par harcèlement tout comportement malséant et blessant d’un employé de la fonction publique envers un autre employé de la fonction publique dont l’importunité était connue de l’auteur ou n’aurait pas dû lui échapper. Tout propos, action ou exhibition répréhensible qui humilie, rabaisse ou embarrasse un employé, que ce soit une fois ou continuellement, est une manifestation de harcèlement.

Aux termes de cette politique, la harcèlement s’entend aussi de l’abus de pouvoir, comme suit :

Le harcèlement comprend aussi l’abus de pouvoir qui signifie l’exercice malséant de l’autorité ou du pouvoir inhérent à un poste dans le dessein de compromettre l’emploi d’un employé, de nuire à son rendement au travail, de mettre son moyen de subsistance en danger ou de s’ingérer de toute autre façon dans sa carrière. Il comprend des actes tels que l’intimidation, la menace, le chantage et la coercition. [Soulignements ajoutés.]

Cette politique ne laisse aucun doute que le harcèlement en milieu de travail est inacceptable et ne doit pas être traité à la légère. L’objectif et l’énoncé en sont reproduits supra.

Une plainte de harcèlement est une affaire sérieuse. Elle expose le plaignant ou la plaignante à un grave préjudice. Le dépôt de la plainte se saura inévitablement au lieu de travail, dont l’atmosphère deviendra inévitablement difficile. Des partis se formeront. Les relations seront tendues. Il en est ainsi de la plainte d’abus de pouvoir comme de la plainte de harcèlement sexuel. Dans chaque cas d’abus de pouvoir, il y a par définition un déséquilibre des forces. Le plaignant ou la plaignante risque d’être victime d’abus renouvelés, aussi subtils soient-ils, en raison de ce déséquilibre. De son côté, l’auteur supposé du harcèlement souffrira aussi en termes de prestige, de réputation, et peut-être aussi d’autorité et de respect. Il est donc important que des mesures soient prises pour atténuer les effets négatifs et de régler la plainte dans les plus brefs délais. Mais il est tout aussi, sinon plus, important que la plainte soit instruite de façon équitable, pour le plaignant comme pour l’auteur supposé du harcèlement.

Le requérant soutient que la procédure observée par l’intimé et la politique qui en est le fondement vont à l’encontre de l’obligation d’équité; il a avancé de sérieuses allégations à l’appui et conclu à des mesures de réparation étendues et radicales en conséquence. Conformément à la jurisprudence en la matière, il ne m’appartient pas de prononcer sur ces arguments; la décision appartient au juge saisi du recours en contrôle judiciaire. Aux fins cependant de cette requête en mesures provisoires, je conclus que le requérant a relevé, au regard de ses trois chefs de demande, une question sérieuse à trancher pour ce qui est la fois de la politique du Conseil du Trésor et de la procédure observée jusqu’à cette date par l’intimé.

b)         Préjudice irréparable

Le requérant soutient que les mesures prises par l’intimé au sujet de la plainte causeront un préjudice irréparable à sa réputation, à son bien-être et à sa carrière. En particulier, la documentation déposée à son nom est centrée sur ce que signifient pour lui son transfert hors de son lieu de travail normal, l’attribution de nouvelles fonctions, l’attribution d’une bonne partie de ses propres fonctions à un intérimaire, et le processus d’enquête lui-même. La conclusion implicite qui semble se dégager de ses allégations et des arguments présentés à l’audience est que les mesures de ce genre causent inévitablement un plus grave préjudice au gestionnaire qui fait l’objet de la plainte qu’au subordonné qui a déposé cette plainte. Bien que cette situation puisse être avérée dans des cas d’espèce, elle n’est pas la règle générale et, en l’espèce, il n’a pas été prouvé qu’elle soit avérée eu égard aux faits de la cause.

L’intimé était tenu, une fois la plainte déposée, d’éloigner l’une des parties « s’il est déterminé par l’employeur qu’il y va de l’intérêt de toutes les parties ». Il y avait au sein de la même direction générale du Ministère, un poste important où le requérant pouvait être transféré. Il est manifeste qu’il aurait été difficile de laisser les deux parties en présence dans un petit service éloigné de tous les autres éléments de la direction. Le requérant ne semble pas contester le pouvoir qu’a l’intimé de le transférer, à la condition que ce pouvoir s’exerce conformément à la loi.

La question critique qui se pose au regard de ce volet du critère, tel qu’il concerne le premier chef de demande, soit la réaffectation du requérant à son lieu de travail et ses attributions antérieurs, est de savoir si le défaut de l’y renvoyer maintenant se traduira par un préjudice irréparable que des dommages-intérêts ne sauraient indemniser. Dans l’interprétation du critère à cet égard, je dois conclure que la réponse est « non ». Tout préjudice qui a pu résulter à ce jour du transfert et de la nouvelle affectation ne pourrait être maintenant réparé par le retour du requérant. Le mal, quel qu’il soit, a été fait. Je conclus, à la lumière des documents versés au dossier et des arguments présentés à l’audience, que tout nouveau préjudice qui pourra résulter de la continuation des arrangements actuels ou d’autres arrangements équivalents ne sera que marginal d’ici au jugement définitif de l’affaire.

c)         Balance des inconvénients

Ayant conclu qu’il n’y a pas préjudice irréparable au regard du premier chef de demande du requérant, je n’examinerai pas ce chef à la lumière de ce volet du critère, car il faut satisfaire à tous les éléments de ce dernier pour justifier une mesure de réparation quelle qu’elle soit. De même, je n’ai pas appliqué le premier élément du critère au deuxième chef de demande; je vais donc le faire parce qu’à mon avis, cet élément du critère est particulièrement applicable à ce chef de demande, savoir ordonnance à l’intimé de ne plus prendre aucune mesure au sujet de la matière faisant l’objet du recours en contrôle judiciaire.

La question de la balance des inconvénients ne doit pas être examinée en l’espèce qu’au regard des inconvénients dont pourraient souffrir éventuellement les parties elles-mêmes. Le requérant argue d’un inconvénient majeur puisque, à son avis, il y aura probablement manquement fondamental à l’obligation d’équité faute d’injonction. Dans le cas contraire, l’intimé ne souffrirait que d’un inconvénient mineur, pour autant que je puisse en juger. Cependant on ne saurait passer sous silence l’inconvénient dont souffrirait la plaignante, et je n’ai été saisi d’aucune preuve établissant qu’elle éprouve quelque appréhension au sujet de l’équité du processus de traitement de sa plainte ou craint que si ce processus se déroule normalement jusqu’à sa conclusion, le résultat n’en soit inique. Par contre, si une ordonnance provisoire est rendue, assurant le maintien de l’état actuel de tension et d’incertitude, il n’est pas difficile de conclure qu’elle souffrirait d’un surcroît d’inconvénient considérable. Il y a aussi l’intérêt général, qu’il faut prendre en considération. Je ne peux estimer le nombre de plaintes de harcèlement en cours d’enquête dans la fonction publique, sous le régime de la politique du Conseil du Trésor ou d’une version adaptée aux conditions particulières de tel ou tel ministère ou organisme gouvernemental. Je soupçonne qu’il y en a un grand nombre. Quel que soit ce nombre, je crains qu’une ordonnance provisoire en l’espèce ne produise l’effet d’une douche froide sur toutes les enquêtes, au grand dam de nombreux plaignants et plaignantes, puisque la requête en instance attaque la politique elle-même, non seulement l’application qu’en a faite l’intimé aux faits de la cause. Dans ce contexte, je conclus que la balance des inconvénients ne favorise pas le requérant.

Reste à examiner le troisième chef de demande, savoir la communication de certains documents au requérant. À cet égard, les questions de « préjudice irréparable » et de « balance des inconvénients » dépendent surtout de l’intimé.

L’avocat de l’intimé, voyant dans ce chef de demande une demande écrite de pièces sous le régime de la Règle 1612 [édictée par DORS/92-43, art. 19] des Règles de la Cour fédérale, a produit à l’audience et sous pli scellé, ce qu’il considérait comme toutes les pièces se rapportant à la requête, afin que la Cour puisse les examiner et décider elle-même selon qu’elle le juge juste. Je n’interprète pas de la même manière ce chef de demande du requérant. Il m’apparaît clairement qu’en l’absence d’une ordonnance portant suspension du processus d’enquête de l’intimé sur la plainte de harcèlement, le requérant considère la communication des pièces demandées comme essentielle pour que la reprise de ce processus comporte l’un des éléments du critère d’équité, savoir le droit de l’une des parties de connaître les détails des faits relevés contre elle. Ainsi donc, les pièces demandées ne sont pas seulement destinées à servir en cet état de la cause. Pour cette raison, je n’accepterai pas les pièces produites par l’avocat de l’intimé.

Mais la question ne s’arrête pas là. L’enquête présidée par l’intimé pourrait bien reprendre et même se terminer avant que le recours en contrôle judiciaire ne soit finalement décidé, puisque je ne me propose pas d’en ordonner la suspension. À première vue, les pièces dont le requérant demande communication sont des documents expressément obtenus et compilés au sujet de la plainte de harcèlement. S’il en est ainsi, elles tombent dans le champ d’application de l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, et, si l’intimé compte s’en servir pour poursuivre l’enquête sur la plainte de harcèlement, il faut qu’elles soient communiquées à l’une et l’autre parties à la plainte. La politique du Conseil du Trésor ne saurait être invoquée à titre de moyen de défense contre la pleine communication des renseignements dont quelqu’un, comme l’intimé, compte se servir pour décider la plainte. Il est vrai que cette politique prévoit que les parties ont le droit d’être tenues au courant pendant toute la durée de la procédure « sous réserve de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels », mais j’interprète cette réserve comme embrassant toutes les dispositions de ces deux lois, y compris le paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Si les pièces sont utilisées sans avoir été communiquées aux intéressés, comme cela a été probablement le cas dans la procédure d’enquête, cette question reviendra certainement devant la Cour dans le cours de l’instance.

Je ne me propose pas d’ordonner la production des pièces demandées parce que je ne suis pas certain que le requérant subira un préjudice irréparable si je ne l’ordonne pas, ou même que la balance des inconvénients le justifie, « inconvénients » s’entendant ici de l’inconvénient dont souffriraient ceux qui ont fourni les renseignements en cause, peut-être sans avoir été avertis qu’ils pourraient être partagés avec d’autres. Je laisse à l’intimé le soin de régler ce dilemme. Si ces pièces ont été ou seront utilisées, elles doivent être partagées sauf circonstances extraordinaires qui n’ont pas été débattues à l’audience. Si elles n’ont pas été et ne seront pas utilisées sans avoir été partagées, je ne prévois aucun manquement à l’équité. Si elles ont été utilisées sans avoir été intégralement divulguées, l’intimé aura à défendre l’équité de son enquête.

CONCLUSION

Par tous ces motifs, la Cour ne fait pas droit aux trois chefs de demande figurant dans la requête en mesures provisoires, laquelle est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.