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[1993] 3 C.F. 664

T-532-89

T-533-89

Sa Majesté la Reine (demanderesse)

c.

La Banque Nationale du Canada (défenderesse)

Répertorié : Canada c. Banque Nationale du Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge RothsteinOttawa, 11 et 25 juin 1993.

Douanes et accise — Loi sur la taxe d’accise — La taxe d’accise n’est pas exigible sur les comptes clients perçus par le cessionnaire de dettes actives entre la date de la réception de l’avis du ministre réclamant les taxes dues et la date de la faillite — Le ministre est ramené sur un pied d’égalité avec les créanciers ordinaires — Assujettissement à la procédure de faillite.

Faillite — Réclamation de la taxe de vente fédérale due sur les comptes clients perçus par le cessionnaire de dettes actives entre la date de l’avis du ministre réclamant les taxes dues sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise et la date de la faillite — Les créanciers en vertu d’un jugement qui n’ont pas été payés avant la faillite du débiteur sont assujettis à la Loi sur la faillite — Aux termes de l’art. 70(1) de la Loi sur la faillite, toute ordonnance de séquestre rendue et toute cession faite en conformité avec la Loi ont priorité sur toutes saisies, sauf celles qui ont été complètement réglées par paiement au créancier ou à son mandataire — La Loi sur la taxe d’accise ne porte pas à croire qu’il existe une relation de mandat ou de mandat implicite entre le cessionnaire de dettes actives et le ministre aux fins de la perception de la taxe d’accise — Le ministre est ramené sur un pied d’égalité avec les créanciers ordinaires — Assujettissement à la procédure de faillite.

Pratique — Intérêt — Avant jugement — Le ministre réclame l’intérêt avant jugement sur le principal des taxes d’accise dues — L’art. 52(10) et (11) de la Loi sur la taxe d’accise ne mentionne pas l’intérêt — Il n’est pas opportun de rendre un jugement en équité pour accorder de l’intérêt dans le cas de taxes imposées par une loi — L’art. 36 de la Loi sur la Cour fédérale règle la question de l’intérêt avant jugement accordé par jugement rendu après le 1er février 1992 — Les lois provinciales pertinentes s’appliquent — Rien dans les autres lois fédérales ne prévoit que l’art. 36 ne s’applique pas aux faits générateurs régis par la Loi sur la taxe d’accise — S’il existait une dette fiscale, l’intérêt serait accordé selon la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, calculé du 1er février 1992 jusqu’à la date à laquelle le jugement a été rendu.

Des motifs de jugement avaient déjà été rendus, lesquels rejetaient la prétention du ministre à la taxe de vente fédérale sur les comptes clients perçus par la banque (cessionnaire des dettes actives) après que la requête en ordonnance de séquestre (date d’effet de la faillite du contribuable) a été déposée le 13 novembre 1985. Mais les avocats ont été invités à présenter d’autres observations sur la question de savoir si les comptes clients perçus après que le ministre a donné un avis de payer en vertu du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, mais avant que la requête en ordonnance séquestre soit déposée, étaient assujettis à la taxe. En vertu du paragraphe 52(10), les sommes reçues par le cessionnaire de dettes actives sont saisies après la réception de l’avis du ministre. Bien que l’exposé conjoint des faits indique que l’avis du ministre a été signifié le 1er novembre, des documents supplémentaires indiquent qu’il n’a été reçu par la banque que le 4 novembre. En outre, selon l’exposé conjoint des faits, aucun compte client n’a été perçu avant le 13 novembre. Cependant, les documents déposés par la suite démontrent que des comptes clients ont été perçus avant cette date.

Le ministre réclame l’intérêt avant jugement sur le principal qui lui est dû, prétendant que la somme due en vertu de la Loi sur la taxe d’accise devrait être traitée comme n’importe quelle autre dette pour ce qui est de la question de l’intérêt avant jugement.

Jugement : en ce qui a trait à la taxe d’accise sur les comptes clients perçus par la banque avant la date de la faillite, la demande doit être rejetée.

Puisqu’il ne s’agit pas ici d’un cas où les parties ont expressément convenu d’être liées par les faits sur lesquels elles se sont entendues, indépendamment de leur exactitude, ni d’un cas où une partie a agi à son détriment à la suite de l’entente quant aux faits, la Cour pouvait s’appuyer sur les faits les plus exacts. L’avis du ministre devrait prendre effet pour les comptes clients reçus par la banque à partir du 5 novembre, le jour suivant la réception véritable de l’avis, puisqu’il n’y a aucune preuve quant à l’heure précise de la signification de l’avis du ministre.

La demande du ministre quant à la taxe sur les comptes clients perçus entre la date de l’avis et la date de la faillite est rejetée pour les mêmes motifs que la demande quant aux comptes clients perçus par la banque à partir de la date d’effet de la faillite a été rejetée. En vertu du paragraphe 70(1) de la Loi sur la faillite, toute ordonnance de séquestre rendue et toute cession faite en conformité avec la loi ont priorité sur toutes saisies, sauf celles qui ont été complètement réglées par paiement au créancier ou à son mandataire. Les créanciers en vertu d’un jugement qui n’ont pas été payés avant la faillite du débiteur sont assujettis à la Loi sur la faillite. Ces créanciers sont ramenés sur un pied d’égalité avec les créanciers ordinaires. Rien dans la Loi sur la taxe d’accise ne porte à croire qu’il existe une relation de mandat, implicite ou autre, entre le cessionnaire de dettes actives et le ministre aux fins de la perception de la taxe d’accise. La demande du ministre se situe au même rang que la demande d’un créancier en vertu d’un jugement, si bien qu’elle était assujettie à la procédure de faillite.

Il n’est nullement question d’intérêt aux paragraphes 52(10) et (11). Il n’existe pas d’equity en matière d’impôt. En vertu d’une loi fiscale, la Couronne a droit seulement aux prélèvements imposés par la loi. Il ne serait pas opportun de rendre un jugement en equity pour accorder de l’intérêt dans le cas de taxes imposées par une loi. Par conséquent, pour la période antérieure au 1er février 1992, date à laquelle l’article 36 de la Loi sur la Cour fédérale est entré en vigueur, le cessionnaire de dettes actives ne serait pas tenu de payer de l’intérêt sur la taxe d’accise payable en vertu des paragraphes 52(10) et (11). L’article 36 prévoit expressément que les règles de droit en matière d’intérêt avant jugement dans une province s’appliquent à toute instance devant la Cour fédérale dont le fait générateur est survenu dans cette province. De l’intérêt peut être accordé dans le cas de tout jugement rendu après le 1er février 1992, mais aucun intérêt ne peut être accordé à l’égard d’une période antérieure au 1er février 1992. L’article 128 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario prévoit que la personne qui a droit à une ordonnance de paiement d’une somme d’argent a le droit de demander les intérêts sur cette somme, calculés au taux d’intérêt antérieur au jugement depuis la date à laquelle la cause d’action a pris naissance jusqu’à la date de l’ordonnance. Les intérêts prévus dans la loi ontarienne s’appliqueraient à une somme exigible en vertu de la Loi sur la taxe d’accise à l’égard de la période allant du 1er février 1992 jusqu’à la date à laquelle le jugement a été rendu (s’il avait existé une dette fiscale) puisque l’applicabilité de l’article 128 aux actions devant cette Cour dépend de l’article 36. Les lois fiscales sont généralement des codes complets. Cependant, le paragraphe 36(1) s’applique à l’égard de tout fait générateur, sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale. Rien dans les autres lois fédérales ne prévoit que l’article 36 ne s’applique pas aux faits générateurs régis par la Loi sur la taxe d’accise.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 36 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 9), 96.

Loi sur la faillite, L.R.C. (1985), ch. B-3, art. 70(1).

Loi sur la taxe d’accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, art. 52(10),(11).

Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43, art. 128(1).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1104.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Rath c. La Reine, [1983] 1 C.F. 42; [1982] CTC 207; (1982), 82 DTC 6175; 42 N.R. 303 (C.A.); Canadian Credit Men’s Trust Association Ltd. v. Beaver Trucking Ltd., [1959] R.C.S. 311; (1959), 17 D.L.R. (2d) 161; 38 C.B.R. 1; Ontario Development Corp. v. Trustee of the Estate of I.C. Suatac Construction Ltd. (1976), 12 O.R. (2d) 465; 69 D.L.R. (3d) 353; 22 C.B.R. (N.-É.) 42 (C.A.).

MOTIFS DE JUGEMENT ajoutés à ceux qui ont été publiés dans [1993] 2 C.F. 206 (1re inst.), par lesquels il est conclu que la demanderesse n’avait pas droit à la taxe de vente sur les comptes clients perçus par le cessionnaire de dettes actives après la réception de l’avis réclamant les taxes dues, mais avant la date d’effet de la faillite.

AVOCATS :

Peter A. Vita pour la demanderesse.

William I. Innes pour la défenderesse.

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.

Stikeman, Elliott, Toronto, pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs supplémentaires du jugement rendus par

Le juge Rothstein :

Comptes clients perçus par la banque avant le 13 novembre 1985

Dans mes motifs de jugement [[1993] 2 C.F. 206] rendus le 19 février 1993, j’ai affirmé ce qui suit, à la page 228 :

Dans le cas de Thrush, l’avis du ministre fut signifié le 1er novembre 1985, la requête en ordonnance de séquestre déposée le 13 novembre 1985, et l’ordonnance de séquestre rendue le 25 novembre 1985. Il n’a pas été catégoriquement déterminé au cours du procès si la faillite de Thrush affectait tous les comptes clients perçus par la banque ou si le ministre avait droit à la taxe de vente sur les comptes clients perçus entre le 1er et le 12 novembre 1985. À l’égard des comptes clients perçus le 13 novembre 1985 et après cette date, les prétentions du ministre sont rejetées avec dépens. À l’égard des comptes clients perçus par la banque entre le 1er et le 12 novembre 1985, les avocats de part et d’autre pourront présenter d’autres conclusions si l’un ou l’autre l’estime nécessaire.

Conformément à mes instructions, dans le passage précité, selon lesquelles ils pouvaient présenter d’autres conclusions concernant les comptes clients de Thrush perçus par la banque entre le 1er et le 12 novembre 1985, les avocats ont communiqué entre eux et des documents supplémentaires ont été présentés relativement à ces comptes clients. L’avocat du ministre a demandé que ces documents soient mis en preuve. Bien que l’avocat de la banque ne se soit pas opposé à leur mise en preuve, il a soutenu qu’il ne fallait pas leur donner beaucoup de poids. J’ai permis que ces documents fassent partie du dossier en l’espèce et ils seront cotés comme pièce.

Les documents consistent en des lettres échangées entre les avocats, des lettres de Coopers & Lybrand Limited et en divers documents comptables et notes concernant les comptes clients de Thrush. Il y a eu, avec les avocats, au moins trois discussions au sujet de ces documents, par voie de conférences téléphoniques, la dernière ayant eu lieu le 11 juin 1993.

D’après les documents, la banque aurait reçu l’avis du ministre, prévu au paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, le 4 novembre 1985. Il faut noter que l’exposé conjoint des faits renferme l’affirmation suivante :

[traduction] 6. Le 1er novembre 1985, ou vers cette date, Mercantile s’est fait signifier une sommation par le ministre du Revenu national, conformément au paragraphe 52(10) de la Loi.

L’exposé conjoint des faits prévoit également ce qui suit :

[traduction] 11. La taxe de vente fédérale, imposée en vertu de la Loi, sur les opérations ayant donné lieu aux dettes actives perçues par l’acheteur pour Mercantile et la défenderesse sur les périodes précisées ci-dessous s’établit comme suit :

a) entre le 13 et le 30 novembre 1985 : 36 239,61 $;

b) entre le 30 novembre et le 31 décembre 1985 : 8 494,25 $;

c) entre le 31 décembre 1985 et le 31 janvier 1986 : 9 404,58 $; et

d) entre le 31 janvier et le 28 février 1986 : 738,89 $.

L’avocat de la banque a soutenu que je devais m’appuyer sur l’exposé conjoint des faits, selon lequel aucun compte client n’a été perçu avant le 13 novembre 1985. Cependant, les documents déposés par la suite indiquent que des comptes clients ont été reçus par la banque avant le 13 novembre 1985. Selon l’avocat du ministre, il faut se référer aux faits exacts.

Il ne s’agit pas ici d’un cas où les parties, pour diverses raisons, ont expressément convenu d’être liées par les faits sur lesquels elles se sont entendues, indépendamment de leur exactitude. À ma connaissance, il ne s’agit pas non plus d’un cas où une partie a agi à son détriment à la suite de l’entente quant aux faits.

À mon sens, lorsque les parties se sont entendues sur les faits consignés dans l’exposé conjoint des faits, elles les considéraient comme exacts. Il apparaît maintenant que certaines dates mentionnées dans l’exposé conjoint des faits étaient inexactes. Apparemment, l’avis du ministre aurait été signifié le 4 novembre 1985 et non le 1er novembre 1985; en outre, des comptes clients ont été perçus avant le 13 novembre 1985. Je présume qu’au moment de la signature de l’exposé conjoint des faits, et d’après la manière dont les avocats envisageaient, à cette époque, les questions en litige, la différence de quelques jours n’avait pas été jugée importante.

Compte tenu des circonstances en l’espèce, j’estime devoir m’appuyer sur les faits les plus exacts, d’après la preuve.

Bien que les documents indiquent que l’avis du ministre a été signifié le 4 novembre 1985, il n’y a aucune preuve quant à l’heure précise de cette signification. En vertu du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, les sommes reçues par le cessionnaire de dettes actives sont saisies après la réception de l’avis du ministre. J’estime que l’avis devrait prendre effet pour les comptes clients reçus par la banque après le 4 novembre, c’est-à-dire à partir du 5 novembre 1985.

Les avocats s’entendent sur le fait que le montant total des comptes clients reçus par la banque pendant cette période, du 5 au 12 novembre 1985, la dernière date avant la date d’effet de la faillite de Thrush, s’élevait à 38 769,35 $. Les documents confirment ce chiffre. Par conséquent, je conclus que le montant des comptes clients touchés par l’avis du ministre entre le 5 et le 12 novembre 1985 était de 38 769,35 $.

Cependant, la banque n’a pas payé au ministre de taxe sur cette somme, au taux applicable à l’époque, avant la date d’effet de la faillite, soit le 13 novembre 1985. À la date d’effet de la faillite, le ministre continuait d’être le créancier du failli, Thrush. Pour les motifs qui m’ont conduit à rejeter la demande du ministre quant aux comptes clients perçus par la banque à partir du 13 novembre 1985, j’estime qu’il y a lieu de ne pas faire droit à la demande du ministre contre la banque pour les comptes clients perçus entre le 5 et le 12 novembre 1985. Le paragraphe 70(1) de la Loi sur la faillite [L.R.C. (1985), ch. B-3] dispose :

70. (1) Toute ordonnance de séquestre rendue et toute cession faite en conformité avec la présente loi ont priorité sur toutes saisies, saisies-arrêts, certificats ayant l’effet de jugements, jugements, certificats de jugements, jugements ayant l’effet d’hypothèques, exécutions ou autres procédures contre les biens d’un failli, sauf ceux qui ont été complètement réglés par paiement au créancier ou à son mandataire, et sauf les droits d’un créancier garanti.

Dans l’arrêt Canadian Credit Men’s Trust Association Ltd. v. Beaver Trucking Ltd., [1959] R.C.S. 311, la Cour suprême du Canada a jugé, à la page 319, sous la plume du juge Judson, s’exprimant pour la majorité, que les créanciers en vertu d’un jugement qui n’avaient pas été payés avant la faillite du débiteur étaient assujettis à la Loi sur la faillite [S.R.C. 1952, ch. 14]. Dans l’arrêt Ontario Development Corp. v. Trustee of the Estate of I.C. Suatac Construction Ltd. (1976), 12 O.R. (2d) 465 (C.A.), à la page 476, le juge Howland, de la Cour d’appel de l’Ontario, après avoir cité l’arrêt Beaver, précité, a conclu que de tels créanciers en vertu d’un jugement étaient ramenés sur un pied d’égalité avec les créanciers ordinaires.

Rien dans la Loi sur la taxe d’accise ne me pousse à croire qu’un cessionnaire de dettes actives est le mandataire du ministre aux fins de percevoir la taxe d’accise ou qu’un mandat implicite lie le ministre et un cessionnaire des dettes actives en ce qui a trait à la taxe d’accise. À mon sens, la demande du ministre à l’égard de la taxe d’accise impayée à la date d’effet de la faillite se situe au même rang que la demande d’un créancier en vertu d’un jugement, si bien qu’elle est assujettie à la procédure de faillite.

Compte tenu des circonstances, la demande du ministre échoue en ce qui a trait aux comptes clients perçus par la banque entre le 5 et le 12 novembre 1985. Malgré ma conclusion sur cette question, j’ai examiné les faits de façon assez détaillée puisqu’on m’a informé que l’affaire était portée en appel.

Intérêt avant jugement

Le ministre réclame l’intérêt avant jugement sur le principal qui lui est dû. Malgré la manière dont j’ai tranché la demande du ministre relativement à la dette fiscale elle-même, son avocat m’a demandé d’aborder cette question. Comme je l’ai mentionné, on m’a informé que l’affaire était portée en appel. J’aborderai la question de l’intérêt avant jugement, ne serait-ce que pour délimiter un peu la question.

L’avocat du ministre prétend que la somme due en vertu de la Loi sur la taxe d’accise est une dette exigible et qu’elle devrait être traitée comme n’importe quelle autre dette pour ce qui est de la question de l’intérêt avant jugement.

Il n’est nullement question d’intérêt aux paragraphes 52(10) et (11) de la Loi sur la taxe d’accise. En plus des taxes payables, les seuls autres montants prévus en vertu du paragraphe 52(11) sont les pénalités. Or, aucune pénalité n’a été demandée en l’espèce. Le paragraphe 52(11) dispose :

52.

(11) La personne qui reçoit cette sommation doit verser au receveur général la somme mentionnée dans la sommation, et, à défaut de paiement, elle est passible des peines prévues dans la présente loi pour omission ou négligence concernant le paiement des taxes imposées par les Parties III à V.

Il n’est nullement fait mention d’intérêt dans la sommation du ministre, en l’espèce. Même si le paragraphe 52(11) de la Loi sur la taxe d’accise prévoyait de l’intérêt, la sommation du ministre en l’espèce, de par ce qui y est mentionné, ne vise pas à rendre la banque responsable pour l’intérêt.

Les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise qui exigent le paiement de l’intérêt sur les sommes payables par des tiers ont été introduites pour la première fois par S.C. 1986, ch. 9, paragraphe 40(1) lequel, en vertu du paragraphe 40(2), est entré en vigueur le 1er mai 1986. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux sommes réclamées d’un cessionnaire de dettes actives en application des paragraphes 52(10) ou (11) de la Loi sur la taxe d’accise.

Il est clair que le législateur aurait pu édicter une disposition en vertu de laquelle les sommes exigibles en vertu des paragraphes 52(10) ou (11) porteraient de l’intérêt mais il a apparemment choisi de ne pas le faire.

Dans l’arrêt Rath c. La Reine, [1983] 1 C.F. 42 (C.A.), le juge en chef Thurlow a affirmé ce qui suit, à la page 49 :

Il n’existe pas d’équité en matière d’impôt. En vertu d’une loi fiscale, la Couronne a droit seulement aux prélèvements imposés par la loi. À mon avis, il s’agit, en l’espèce, tout simplement d’un cas où le Ministère a, en pleine connaissance des faits, effectué des cotisations erronées et des remboursements injustifiés. Puisqu’il n’existait aucune disposition légale imposant l’obligation de payer un intérêt pour l’usage des sommes remboursées jusqu’à la rectification des erreurs au moyen de nouvelles cotisations, j’estime que le contribuable n’était pas tenu de payer un tel intérêt ni ne devait être cotisé à l’égard de cet intérêt.

Dans la mesure où la règle de droit énoncée dans l’arrêt Rath s’applique toujours, je suis tenu de la suivre. À ma connaissance, aucun texte de loi, ni aucune jurisprudence n’a eu d’incidence sur l’applicabilité des principes de l’arrêt Rath en ce qui a trait aux demandes du ministre en vertu des paragraphes 52(10) et (11) de la Loi sur la taxe d’accise jusqu’au 1er février 1992. Pour les motifs énoncés dans l’arrêt Rath, il ne serait pas opportun de rendre un jugement en equity pour accorder de l’intérêt dans le cas de taxes imposées par une loi. Par conséquent, pour la période antérieure au 1er février 1992, le cessionnaire de dettes actives ne serait pas tenu de payer de l’intérêt sur la taxe d’accise payable en vertu des paragraphes 52(10) et (11) de la Loi sur la taxe d’accise.

Cependant, l’article 36 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par 1990, ch. 8, art. 9)], promulguée le 1er février 1992, a expressément réglé la question de l’intérêt avant jugement. Le paragraphe 36(1) dispose :

36. (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale, et sous réserve du paragraphe (2), les règles de droit en matière d’intérêt avant jugement qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent à toute instance devant la Cour et dont le fait générateur est survenu dans cette province.

Le paragraphe (6) dispose :

36.

(6) Le présent article s’applique aux sommes accordées par jugement rendu à compter de la date de son entrée en vigueur. Aucun intérêt ne peut être accordé à l’égard d’une période antérieure à cette date.

Comme je comprends le paragraphe (6), l’intérêt avant jugement peut être accordé dans le cas de tout jugement rendu après le 1er février 1992, mais aucun intérêt ne peut être accordé à l’égard d’une période antérieure au 1er février 1992.

La loi pertinente en matière d’intérêt avant jugement dans la province d’Ontario, c’est-à-dire la province dans laquelle le fait générateur est survenu en l’espèce, est la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43. Le paragraphe 128(1) de cette Loi dispose :

128. (1) La personne qui a droit à une ordonnance de paiement d’une somme d’argent a le droit de demander que l’ordonnance lui accorde des intérêts sur cette somme, calculés au taux d’intérêt antérieur au jugement, depuis la date à laquelle la cause d’action a pris naissance jusqu’à la date de l’ordonnance.

Si je lis l’article 36 de la Loi sur la Cour fédérale en parallèle avec le paragraphe 128(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, je conclus que les intérêts prévus dans la loi ontarienne s’appliqueraient à une somme exigible en vertu de la Loi sur la taxe d’accise à l’égard de la période allant du 1er février 1992, jusqu’à la date à laquelle le présent jugement a été rendu. Bien qu’en vertu du paragraphe 128(1) de la Loi ontarienne, les intérêts doivent être calculés à partir de la date à laquelle la cause d’action a pris naissance, l’applicabilité de cette disposition aux actions devant cette Cour dépend entièrement de l’article 36 de la Loi sur la Cour fédérale et doit être assujettie au paragraphe 36(6) à cet égard.

J’ai quelques doutes au sujet de l’application de l’article 36 de la Loi sur la Cour fédérale à une dette née sous le régime d’une loi fiscale. Les lois fiscales sont généralement des codes complets. Dans ces lois, le législateur a le droit d’imposer des taxes, des pénalités, des intérêts ou d’autres frais comme bon lui semble. Il semble plutôt étrange que l’obligation de payer de l’intérêt avant jugement sur des taxes exigibles puisse découler d’une disposition générale en matière d’intérêt avant jugement, prévue dans la Loi sur la Cour fédérale, et non de la loi fiscale pertinente elle-même. Cependant, le paragraphe 36(1) de la Loi sur la Cour fédérale semble s’appliquer à l’égard de tout fait générateur, « [s]auf disposition contraire de toute autre loi fédérale ». Or, rien dans les autres lois fédérales ne prévoit que l’article 36 de la Loi sur la Cour fédérale ne s’applique pas aux faits générateurs régis par la Loi sur la taxe d’accise.

Si j’avais conclu à une dette fiscale, j’aurais accordé de l’intérêt sur cette dette, calculé du 1er février 1992 jusqu’à la date à laquelle le présent jugement a été rendu, au taux et selon les modalités prescrits par la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario.

Amendement des plaidoiries

Selon l’avocat du ministre, je devrais autoriser un amendement aux plaidoiries pour permettre que soit porté à 86 138,02 $ le montant demandé dans l’action contre Thrush. Apparemment, les renseignements qui auraient permis de demander le bon montant étaient disponibles bien avant l’instruction de la demande. Cependant, ces renseignements auraient échappé à la demanderesse. L’avocat du ministre a demandé l’amendement du fait qu’il serait pertinent si la Cour d’appel fédérale infirmait ma décision.

L’amendement demandé vise uniquement à permettre au ministre, s’il a gain de cause en appel, de recouvrer le montant exact de la taxe de vente exigible. Cependant, le jugement de première instance a déjà été rendu. Nous sommes rendus à l’étape des procédures devant la Section de première instance où le fait d’autoriser l’amendement ne servirait aucune fin utile à ce niveau. Il me semble que la question de l’amendement devrait pouvoir être débattue dans le cadre de l’appel. À ce moment-là, la Cour d’appel fédérale pourra rendre le jugement qu’elle estime opportun sur toute demande en vue d’amender les plaidoiries, conformément à sa compétence, prévue dans la Règle 1104 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663].

CONCLUSION

En ce qui a trait à la taxe d’accise sur les comptes clients perçus par la banque avant le 13 novembre 1985, la demande du ministre est rejetée avec dépens.

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