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[1993] 1 C.F. 27

92-A-4861

Manjit Dhillon Singh (requérant)

c.

Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration (intimé)

Répertorié : Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.)

Cour d’appel, juge Mahoney, J.C.A.—Ottawa, 30 septembre 1992.

Citoyenneté et Immigration — Pratique en matière d’immigration — Demande d’autorisation d’interjeter appel contre la décision de la Section du statut de réfugié — Le requérant souhaite se fonder sur le dossier de la Section du statut de réfugié en vertu de l’art. 20(1) des Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration — Demande écrite de transmission du dossier signifiée par le greffe de la Cour au tribunal — Opposition de la Commission à la transmission de la demande par le greffe plutôt que par le requérant — Le tribunal est-il tenu de donner suite à la demande signifiée par le greffe pour le compte du requérant? — L’interprétation des Règles relève de la Cour et non pas de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié — Il ne peut être statué sur une demande d’autorisation sans le dossier du tribunal dont la transmission a été demandée, malgré un vice de forme dans la signification de la demande — Ordonnance enjoignant à la Commission, à l’intimé et au requérant de déposer un mémoire des points de fait et de droit à l’appui de leurs positions respectives.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1604 (édictée par DORS/92-43, art. 19).

Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration, DORS/89-26, art. 20 (mod. par DORS/91-698, art. 15), 21 (mod., idem).

ORDONNANCE INTERLOCUTOIRE conformément au paragraphe 21(3) des Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration rendue à l’occasion d’une demande d’autorisation d’interjeter appel contre une décision de la Section du statut de réfugié.

AVOCATS :

Narindar S. Kang pour le requérant.

Deirdre A. Rice pour l’intimé.

PROCUREURS :

Kang& Company, Vancouver, pour le requérant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Mahoney, J.C.A. : Il y a en l’espèce demande, déposée le 10 août 1992, d’autorisation d’appel contre une décision défavorable de la Section du statut de réfugié, laquelle décision avait été signifiée au requérant le 14 juillet 1992. Dans sa demande, le requérant faisait savoir qu’il souhaitait se fonder sur le dossier de la Section du statut de réfugié et en demandait la transmission sans délai à la Cour. Le requérant a déposé le 21 août son affidavit et ses conclusions écrites à l’appui de la demande; l’intimé a déposé ses motifs d’objection le 11 septembre, et le requérant, sa réplique le 21 septembre. Le 29 septembre, le dossier de la demande m’a été renvoyé pour décision. Le dossier de la Section du statut de réfugié n’y figure pas, et il est impossible de statuer sur l’affaire avant de décider si ce refus de communiquer était légitime en l’espèce.

Voici les dispositions applicables des Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration [DORS/89-26 (mod. par DORS/91-698, art. 15)] :

20. (1) La partie qui désire se fonder sur le dossier du tribunal dépose une demande écrite au greffe et la signifie au tribunal, enjoignant ce dernier de faire parvenir son dossier au greffe.

(2) La demande de la partie requérante peut être incorporée dans la demande d’autorisation.

21. (1) Le tribunal qui reçoit signification de la demande visée au paragraphe 20(1) remet, sans délai, son dossier au greffe.

(2) Si le tribunal ou une partie s’oppose à la demande, le tribunal ou la partie, selon le cas, en informe les parties et le greffe par écrit et indique les motifs de son objection.

(3) Un juge peut donner des directives aux parties et au tribunal quant à la façon de présenter des observations au sujet de l’opposition.

(4) Un juge peut, après avoir entendu un représentant du tribunal et les parties, ordonner que le dossier ou une partie de celui-ci soit transmis au greffe.

Comme indiqué plus haut, la demande de transmission du dossier était incorporée dans la demande d’autorisation du requérant, ainsi que l’autorise le paragraphe 20(2). Le greffe de la Cour a, le 3 septembre 1992, écrit au greffier de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à Vancouver comme suit :

[traduction] Dans sa demande d’autorisation, le requérant a demandé, en application de la Règle 20 des Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration, que le tribunal transmette son dossier à notre greffe.

Suivait la reproduction intégrale de l’article 21. Cette lettre a été reçue par le tribunal le 9 septembre.

Le 17 septembre, M. Netley, sous-greffier adjoint, a répondu à l’administrateur de district de la Cour, en joignant à sa réponse une copie de la lettre du 3 septembre :

[traduction] Nous vous informons que le tribunal n’a pas transmis le dossier de l’affaire, étant donné que nos services n’ont reçu ni une demande d’autorisation ni une demande de transmission du dossier, ainsi que le prescrivent les Règles 20(1) et (2).

Je présume que cette lettre constitue une opposition à la demande de transmission du dossier, bien que rien n’indique que les parties en aient été informées. La lettre envoyée par le greffe de la Cour au tribunal constituait une demande écrite signifiée à ce dernier afin qu’il transmette son dossier. Le fait que la demande ait été signifiée par le greffe de la Cour et non par le requérant ne change rien à ce simple fait. Rien dans le paragraphe 20(1) n’exige que l’intégralité de la demande d’autorisation soit signifiée au tribunal; tout ce qui doit être signifié à celui-ci, c’est la demande de transmission de son dossier. L’observation de la Règle 1604 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663 (édictée par DORS/92-43, art. 19)], au cas où l’autorisation serait accordée et exercée, est bien entendu une autre affaire.

La question qui se pose est donc simplement de savoir si le tribunal est tenu de donner suite à une demande signifiée par le greffe de la Cour après demande faite à cet effet par le requérant dans sa demande d’autorisation, et si cette demande de transmission doit être signifiée par le requérant lui-même et non par le greffe. C’est certainement à la Cour qu’il appartient de donner, sous réserve d’appel, une interprétation définitive des Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration, et non pas à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à supposer qu’elle ait examiné la question, ou à ses fonctionnaires si elle ne l’a pas fait.

On pourrait conjecturer que le tribunal avait l’intérêt public à cœur lorsqu’il refusait de transmettre le dossier à la demande de la Cour. Il est superflu de répéter que dans chaque cas de revendication du statut de réfugié, la sécurité de la personne du demandeur est en jeu. Il s’ensuit qu’aucun juge ne statuerait sciemment sur une demande d’autorisation sans le dossier du tribunal dont la transmission a été demandée, malgré un vice de forme dans la signification de la demande au tribunal concerné.

ORDONNANCE

Conformément au paragraphe 21(3), la cour ordonne :

1. Que d’ici au 23 octobre 1992, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié fera déposer un mémoire des points de fait et de droit à l’appui de son refus de transmettre le dossier de l’affaire au greffe de cette Cour, et en fera signifier copie aux avocats du requérant et de l’intimé.

2. Que d’ici au 6 novembre 1992, l’intimé déposera et signifiera au requérant et au tribunal, un mémoire des points de fait et de droit à l’appui de sa position pour ce qui est du refus du tribunal de transmettre son dossier de l’affaire.

3. Que d’ici au 20 novembre 1992, le requérant déposera et signifiera au tribunal et à l’intimé, un mémoire des points de fait et de droit à l’appui de sa demande de transmission du dossier.

4. Qu’à moins de décision contraire du juge saisi de la demande, il sera statué sur l’affaire sans la comparution des avocats.

5. Que le tribunal remboursera au requérant ses dépens subis dans l’observation de la présente ordonnance, dépens à taxer entre procureur et client.

6. Que l’exécution de la présente ordonnance prendra fin si d’ici au 23 octobre 1992, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié :

a) transmet le dossier de l’affaire au greffe; et

b) informe le greffe par écrit qu’elle donnera suite à la demande de transmission de dossier signifiée par le greffe tout comme si la demande a été signifiée par un requérant en autorisation.

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