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[1993] 2 F.C. 473

A-1299-91

Dr. Dale Leckie, Dr. Arthur R. Sweet et Dr. Tomas Jerzykiewicz (requérants)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié : Leckie c. Canada (C.A.)

Cour d’appel, juges Heald, Décary et Robertson, J.C.A.—Ottawa, 1er et 8 avril 1993.

Fonction publique — Procédure de sélection — Principe du mérite — Les requérants occupent des postes axés sur les titulaires, c.-à-d. dont les niveaux changent au fur et à mesure que les titulaires respectent les critères applicables au niveau suivant — Bien qu’ils aient respecté les critères nécessaires à une promotion, les requérants n’ont pas été promus en raison d’un contingentement ministériel — Les contingentements numériques imposés à la promotion de ceux qui occupent des postes axés sur les titulaires ne violent pas le principe du mérite — Le principe du mérite ne s’applique qu’après que le Conseil du Trésor ait autorisé une promotion et fourni les fonds nécessaires — Le système de contingentement ne diminue pas le mérite respectif des intéressés, il restreint simplement les limites de leurs possibilités d’avancement — Le comité d’appel n’a pas compétence lorsqu’il n’y a pas nomination.

Il s’agit d’une demande d’annulation de la décision par laquelle le comité d’appel de la C.F.P. rejetait les appels interjetés contre les nominations, faites sans concours, de treize chercheurs scientifiques à des postes de niveau SE-RES-3 au sein du ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources (ÉMR). Les requérants étaient des chercheurs scientifiques de niveau SE-RES-2 à ÉMR. Les niveaux de classification de ce sous-groupe sont définis en fonction des réalisations et du rendement des titulaires des postes, et la promotion de ces derniers au niveau supérieur au leur se fonde sur leur rendement et leur habileté prouvée à travailler au niveau supérieur, tels que définis dans les critères applicables au niveau en question. Le Conseil du Trésor autorise un nombre précis de promotions. Les titulaires qui respectent le mieux les critères applicables au niveau supérieur sont promus, et les niveaux des postes qu’ils occupent sont alors modifiés en conséquence. En 1990, le nombre des titulaires RES-2 qui respectaient les critères d’avancement dépassait le contingentement ministériel. ÉMR a établi un processus de sélection et y a participé en vue de promotions possibles, dans l’éventualité de vacances au sein du contingentement de l’ensemble de la fonction publique. Il existe cinq niveaux d’appréciation. Ceux qui sont éliminés au niveau de leur division n’ont jamais la possibilité d’entrer en concurrence avec les membres d’autres divisions. Au niveau interministériel, un comité consultatif décide d’accepter ou non les avancements recommandés, et il en a accepté treize. Les requérants ont soutenu que leur avancement avait été refusé en raison du contingentement ministériel. Ils ont fait valoir que l’application de contingentements à l’égard des postes axés sur les titulaires violait le principe du mérite. Ils ont avancé subsidiairement que le processus de sélection à plusieurs étapes établi par ÉMR engendrait la possibilité réelle que des candidats plus méritants soient évincés au profit de candidats moins compétents. Ils ont soutenu que celui qui occupe un poste « axé sur le titulaire » a un droit acquis à une promotion au niveau supérieur dès qu’il respecte les critères applicables à ce niveau. La question est de savoir si les contingentements numériques imposés à la promotion de ceux qui occupent des postes axés sur les titulaires violent le principe du mérite.

Arrêt : la demande doit être rejetée.

Le principe du mérite signifie que lorsqu’il existe une possibilité d’avancement, la personne la plus méritante devrait être promue. Il s’applique après la décision du ministère compétent d’autoriser une promotion et de fournir les fonds nécessaires. L’application de contingentements par le Conseil du Trésor est une prérogative de la direction, dont l’exercice n’a rien à voir avec le principe du mérite, et qui peut toucher les postes axés sur le titulaire aussi bien que ceux qui sont axés sur les fonctions. Le système de contingentement ne diminue pas le mérite respectif des scientifiques jugés admissibles à l’avancement et promus; il restreint simplement les limites de leurs possibilités d’avancement.

L’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique accorde à toute personne dont les chances d’avancement sont amoindries par une nomination interne, le droit d’ »en appeler ». En l’absence d’une nomination, faite ou sur le point de l’être, le comité d’appel n’a aucune compétence. Selon l’argument des requérants, le comité d’appel entendrait les appels interjetés, non en vue de contester une promotion, mais dans le but de protéger les droits à l’avancement d’une personnne.

La fonction principale d’un comité d’appel étant de s’assurer que les personnes les mieux qualifiées ont été nommées, le requérant doit démontrer la possibilité réelle que les personnes les mieux qualifiées n’ont pas été nommées. Les requérants n’ont pas soutenu que les scientifiques choisis étaient moins compétents qu’eux. Le comité d’appel ne pouvait que conclure que les personnes les mieux qualifiées avaient été nommées et que, par conséquent, les nominations avaient été faites en conformité avec le principe du mérite.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 28.

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 7 (mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 2), 10 (mod., idem, art. 50 (ann. II, art. 3) (F)).

Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, art. 10, 21.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Shannon c. Canada (Procureur général), [1993] 1 C.F. 331 (C.A.); Charest c. Procureur général du Canada, [1973] C.F. 1217; (1973), 2 N.R. 288 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Brown c. La Commission de la Fonction publique, [1975] C.F. 345; (1975), 60 D.L.R. (3d) 311; 9 N.R. 493 (C.A.); Procureur général du Canada c. Greaves, [1982] 1 C.F. 806; (1982), 40 N.R. 429 (C.A.); Nanda c. Commission de la Fonction publique, [1972] C.F. 277; (1972), 34 D.L.R. (3d) 51 (C.A.).

DEMANDE visant l’annulation d’une décision par laquelle le comité d’appel de la Commission de la fonction publique rejetait les appels interjetés contre les nominations, faites sans concours, de chercheurs scientifiques à des postes axés sur les titulaires. Demande rejetée.

AVOCATS :

Steven H. Waller pour les requérants.

Dogan Akman pour l’intimée.

PROCUREURS :

Nelligan/Power, Ottawa, pour les requérants.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Décary, J.C.A. : Cette demande de contrôle judiciaire soulève une question nouvelle revêtant une certaine importance pour la fonction publique : les contingentements numériques imposés à la promotion de ceux qui occupent des postes axés sur les titulaires violent-ils le principe du mérite?

Les requérants étaient tous des chercheurs scientifiques de niveau SE-RES-2 à l’Institut de géologie sédimentaire et pétrolière (une division de la Commission géologique du Canada du ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources (ÉMR)) situé à Calgary (Alberta). Le régime de classification du sous-groupe des chercheurs scientifiques, contrairement aux régimes de la plupart des autres groupes professionnels de la fonction publique, est [traduction] « axé sur le titulaire », et non axé sur le poste; les quatre niveaux de classification du sous-groupe sont définis en fonction des réalisations et du rendement des titulaires des postes, et la promotion d’un titulaire au niveau supérieur au sien se fonde sur son rendement cumulatif et son habileté prouvée à travailler au niveau supérieur, tels que définis dans les critères applicables au niveau en question.

Conséquemment, le processus d’avancement des RES est à l’inverse du processus habituel de dotation en personnel, selon lequel il y a exposé des fonctions propres à un poste, établissement du niveau de classification, et déroulement du processus de sélection pour trouver la personne la plus apte à remplir les fonctions en cause. Dans le processus d’avancement des RES, le Conseil du Trésor autorise un nombre déterminé de promotions (ce qu’on appelle le système de contingentement), les titulaires qui respectent le mieux les critères applicables au niveau supérieur sont promus, et les niveaux des postes qu’ils occupent sont alors modifiés en conséquence. Le Conseil du Trésor applique généralement un contingentement à l’ensemble de la fonction publique, et un sous-contingentement ministériel à l’intention de chaque ministère qui emploie des chercheurs scientifiques.

Le processus d’avancement se déroule annuellement, dans les limites imposées par le système de contingentement. Chaque année, même s’il ne peut y avoir de promotions au niveau RES-3 sans dépasser le contingentement ministériel, celui-ci étant complet, des promotions peuvent néanmoins se faire en raison de vacances existant ailleurs dans le contingentement de l’ensemble de la fonction publique. C’était la situation qui existait à ÉMR et dans le système de promotions en 1990. Le nombre des titulaires de niveau RES-2 qui respectaient les critères d’avancement au niveau RES-3 dépassait le contingentement imposé à ÉMR par le Conseil du Trésor, de sorte que ÉMR a établi un processus de sélection et y a participé en vue de l’avancement possible, dans l’éventualité de vacances au sein du contingentement de l’ensemble de la fonction publique, de ses chercheurs scientifiques de niveau RES-2 les plus méritants.

En résumé, le processus de sélection établi par ÉMR était le suivant. Il comprend cinq niveaux d’appréciation : les niveaux de la division, de la direction, du secteur, du ministère, et, enfin, le niveau interministériel. Il s’agit d’un processus d’élimination, et non d’un processus selon lequel tous les candidats se mesurent les uns aux autres. Ceux qui, comme les trois requérants, sont éliminés dans leur propre division, n’ont jamais la possibilité d’entrer en concurrence avec les membres d’autres divisions. Au der- nier niveau, le Comité consultatif interministériel du groupe de la recherche scientifique (CCI)[1]

étudie les recommandations d’avancement soumises par les divers ministères, et il prend la décision finale de les accepter ou non. Treize recommandations ont été acceptées, donnant lieu à treize promotions qui, dans les faits, équivalent à des nominations. Les mots « promotions, avancement » et « nominations » auront le même sens dans ces motifs.

Les trois requérants ont interjeté appel, en vertu de l’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique[2] (la Loi), contre les nominations, faites sans concours, des treize chercheurs scientifiques aux postes de niveau SE-RES-3 au sein d’ÉMR. Leur motif d’appel était que leur [traduction] « avancement a été refusé en raison du contingentement ministériel ». Les requérants avaient tout d’abord obtenu, comme l’exige l’article 21, une décision de la Commission de la fonction publique (la Commission) portant que leurs chances d’avancement avaient été amoindries par les nominations de leurs treize collègues. Les motifs de la décision de la Commission sont libellés comme suit :

[traduction] Les nominations en question constituent une chance raisonnable d’avancement pour les requérants. Ils sont titulaires de postes de niveau SE-RES-02, et ils seraient admissibles à participer à un concours, s’il en était tenu un, à l’égard des nominations en cause. Par conséquent, ils sont considérés comme étant des concurrents logiques dans les circonstances. La question de savoir s’ils répondent aux critères établis, ou s’ils sont plus ou moins compétents que ceux dont la nomination est envisagée, est une question d’interprétation qui relève d’un Comité d’appel.

Les appels des requérants ont été rejetés par la présidente du Comité d’appel, I. V. Gendron, le 17 décembre 1991. Le 24 décembre 1991, les requérants ont déposé un avis introductif d’instance en vertu de l’article 28 de la Loi sur la Cour fédérale[3].

Comme principal moyen, les requérants ont invoqué devant le Comité d’appel que les contingentements applicables aux postes axés sur le titulaire sont contraires per se au principe du mérite établi à l’article 10 de la Loi[4]. Devant nous, par voie d’exposé supplémentaire des faits et du droit, ils ont avancé, subsidiairement, que le processus de sélection à plusieurs étapes établi par ÉMR engendrait la possibilité réelle que des candidats plus méritants soient évincés au profit de candidats moins compétents, ce qui viole le principe du mérite.

L’avocat des requérants soutient qu’étant donné ce qui serait le caractère particulier ou unique de la situation de ceux qui occupent des postes axés sur le titulaire, la Cour devrait avoir une approche nouvelle à l’égard du principe du mérite prévu à l’article 10, et des pouvoirs d’un comité d’appel en vertu de l’article 21. L’intérêt du public dans le maintien et l’accroissement de l’excellence des scientifiques qui œuvrent dans la fonction publique exige, affirme-t-il, que l’on n’impose aucun contingentement arbitraire susceptible de freiner leur recherche personnelle d’un niveau sans cesse accru d’excellence, et de les en dissuader. Essentiellement, les requérants font valoir que celui qui occupe un poste « axé sur le titulaire » a un droit acquis à une promotion au niveau supérieur dès qu’il respecte les critères applicables à ce niveau, que le ministère compétent ait ou non décidé de rendre cet avancement possible en fournissant les fonds nécessaires. L’avocat des requérants a même laissé entendre que le ministère responsable avait l’obligation de trouver les fonds nécessaires lorsque le titulaire, mesuré à sa propre aune, était considéré comme respectant les critères applicables. L’avocat a reconnu à l’audience que les appels n’étaient pas réellement dirigés contre la nomination de ceux qui avaient été choisis, mais qu’ils procédaient de l’argument « moi aussi », c’est-à-dire que chacun des requérants aurait aussi dû être choisi parce que chacun d’eux satisfaisait aux critères établis. En d’autres termes, de l’avis de l’avocat, tous les scientifiques qui répondent aux critères applicables au niveau 3 auraient dû être promus, en dépit des contingentements établis par le Conseil du Trésor.

Bien que je sois disposé à adapter à des situations nouvelles les principes formulés jusqu’à maintenant à l’égard du principe du mérite, je ne puis les modifier, dans la mesure où ils ont été établis conformément aux réalités légales et factuelles de l’emploi dans la fonction publique. Le principe du mérite tient son existence des lois, ainsi que les comités d’appel. Ils n’existent pas dans le néant. Pour que l’argument des requérants soit retenu, le principe du mérite aurait à s’appliquer plus tôt qu’il ne le fait, et l’appel interjeté auprès d’un comité d’appel devrait viser une question dont un tel comité ne peut tout simplement pas être saisi.

Le « principe du mérite » ne signifie pas que le fonctionnaire méritant acquiert de ce fait le droit d’être promu. Il signifie plutôt que lorsqu’il existe une possibilité d’avancement, la personne la plus méritante devrait être promue. Le principe s’applique après, et non avant, la décision du ministère compétent d’autoriser une promotion et de fournir les fonds nécessaires. Tant que le Conseil du Trésor (le ministère responsable, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques[5], des grandes orientations applicables à l’administration publique, de la gestion du personnel de l’administration publique fédérale, de la gestion et de l’administration des fonds publics) n’a pas autorisé les fonds nécessaires aux promotions, celles-ci ne peuvent se faire, donc il ne peut y avoir application du principe du mérite ni appel auprès d’un comité d’appel[6]. L’application de contingentements par le Conseil du Trésor est une prérogative de la direction, dont l’exercice n’a rien à voir avec le principe du mérite, et qui peut toucher les postes axés sur le titulaire aussi bien que ceux qui sont axés sur les fonctions. Pour reprendre les paroles de l’avocat de l’intimée, le système de contingentement, comme on l’appelle, ne diminue pas le mérite respectif des scientifiques jugés admissibles à l’avancement et promus; il restreint simplement les limites de leurs possibilités d’avancement, c’est-à-dire la vitesse avec laquelle ils peuvent assurer la progression de leur carrière d’un niveau à l’échelon suivant à un moment donné.

D’autre part, les pouvoirs et les fonctions des comités d’appel établis conformément à l’article 21 de la Loi ont été limités sans équivoque par des décisions de cette Cour, dont l’arrêt récent Shannon c. Canada (Procureur général)[7] , dans lequel le juge Stone, J.C.A., au nom de la Cour, a répété que le droit d’appel prévu par cet article vise la contestation d’une nomination qui a été faite ou qui est sur le point de l’être. En l’absence d’une telle nomination, le comité d’appel n’a tout simplement aucune compétence. Selon l’argument « moi aussi » avancé pour le compte des requérants, le comité d’appel entendrait l’appel, interjeté non en vue de contester une promotion, mais dans le but unique de protéger les droits à l’avancement d’une personne. Cela irait tout à fait à l’encontre du libellé de l’article 21 et de la jurisprudence de cette Cour, en particulier l’arrêt Charest c. Procureur général du Canada[8], cité dans la décision Shannon, précitée, dans lequel le juge Pratte, J.C.A., au nom de la Cour, a dit à la page 1221 :

Lorsqu’un candidat malheureux exerce ce droit, il n’attaque pas la décision qui l’a déclaré non qualifié, il appelle, comme le dit l’article 21, de la nomination qui a été faite ou qui est sur le point d’être faite en conséquence du concours. Si l’article 21 prévoit un droit d’appel, ce n’est donc pas pour protéger les droits de l’appelant, c’est pour empêcher qu’une nomination soit faite au mépris du principe de la sélection au mérite.

Si l’on poussait le concept de l’[traduction] « unicité » ou de la « particularité » jusqu’à sa conclusion logique, il en résulterait inévitablement que le principe du mérite ne s’applique pas à ceux qui occupent des postes axés sur le titulaire, et qu’un comité d’appel n’aurait pas compétence pour entendre les appels interjetés par ces titulaires contre les promotions accordées à leurs collègues. Ce n’est sûrement pas là la conclusion que les requérants demandent à cette Cour de tirer.

J’en arrive au moyen subsidiaire des requérants. L’opinion de la Commission selon laquelle les chances d’avancement des requérants avaient été amoindries peut uniquement se fonder sur la prémisse selon laquelle ceux qui occupent des postes axés sur le titulaire et qui cherchent de l’avancement sont réputés, pour l’application de l’article 21, faire concurrence à leurs collègues. Ils sont, pour reprendre les paroles de la Commission, les [traduction] « candidats logiques » qui peuvent contester les nominations qui ont été faites, chercher à faire annuler les promotions accordées à leurs collègues et à faire mettre sur pied un nouveau processus de sélection.

Afin de parvenir, en vertu de l’article 21, à établir qu’il y avait violation du principe du mérite, les requérants devaient convaincre le comité d’appel que le mode de sélection choisi était « tel[-] qu’on puisse douter qu’il permette de juger du mérite des candidats »[9], c’est-à-dire qu’il permette de juger si l’on avait trouvé « les personnes les mieux qualifiées »[10]. La fonction principale d’un comité d’appel étant de s’assurer que les personnes les mieux qualifiées ont été nommées, il va sans dire que l’appelant, avant même de tenter de contester le mode de sélection choisi, devrait au moins alléguer (et finalement prouver) qu’il existe la possibilité réelle ou la vraisemblance que les personnes les mieux qualifiées n’ont pas été nommées.

Comme on l’a noté plus tôt, le principal moyen que les requérants ont invoqué devant le comité d’appel portait sur l’application de contingentements. Ils n’ont pas soutenu devant le comité que les scientifiques choisis étaient moins compétents qu’eux. De fait, leur propre représentant, comme l’a remarqué le comité, [traduction] « a refusé de qualifier les appelants comme étant plus compétents que les scientifiques choisis », et, conséquemment, il n’a pas soumis d’éléments de preuve tendant à prouver que les personnes les mieux qualifiées n’avaient pas été choisies.

Dans de telles circonstances, le comité d’appel ne pouvait que tirer la conclusion de fait que les personnes les mieux qualifiées avaient été nommées et que, par conséquent, les nominations avaient été faites en conformité avec le principe du mérite. Cette conclusion de fait, qui se fonde sur des faits que les requérants ont reconnus devant le comité d’appel, ne peut maintenant être mise en doute devant cette Cour.

En tout état de cause, le comité d’appel a ensuite conclu [traduction] « qu’il n’était pas démontré que dans ce processus de sélection particulier, les restrictions imposées ou les lignes directrices suivies avaient eu pour conséquence l’élimination, à une étape initiale, d’un candidat compétent, qu’il s’agisse d’un appelant ou de qui que ce soit d’autre, qui était mieux qualifié que les personnes nommées ». Tout en jugeant [traduction] « quelque peu étrange que les appelants aient été considérés qualifiés à diverses étapes du processus de sélection pour être ensuite éliminés, compte tenu particulièrement des commentaires dans l’appréciation de leur rendement », le comité d’appel a néanmoins été [traduction] « enclin à accepter les explications du ministère voulant que l’on insiste sur différentes qualités à diverses étapes du processus, pour en arriver à l’examen final des dossiers par le C.C.I., ce comité ayant une meilleure vue d’ensemble du milieu scientifique ».

Ici encore, le moyen des requérants fondé sur l’[traduction] « unicité » ou la « particularité » semble avoir joué contre eux. En concluant en somme qu’il faudrait peut-être faire preuve de plus de souplesse en tentant de comparer des choses incomparables, la présidente du comité d’appel, Mme Gendron, a tiré la conclusion qui s’offrait raisonnablement à elle, compte tenu du dossier.

Cette demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

Le juge Heald, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.



[1] Le CCI comprend les représentants de la haute direction des principaux ministères qui emploient des chercheurs scientifiques, aussi bien que les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor et de la Commission de la fonction publique.

[2] L’art. 21, L.R.C. (1985), ch. P-33 est libellé comme suit :

21. (1) Tout candidat non reçu à un concours interne ou, s’il n’y a pas eu concours, toute personne dont les chances d’avancement sont, selon la Commission, amoindries par une nomination interne, déjà effective ou en instance, peut, dans le délai imparti par la Commission, en appeler devant un comité chargé par celle-ci de faire une enquête, au cours de laquelle l’appelant et l’administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l’occasion de se faire entendre.

(2) Après notification de la décision du comité, la Commission, en fonction de cette dernière :

a) confirme ou révoque la nomination;

b) procède ou non à la nomination.

[3] L.R.C. (1985), ch. F-7.

[4] L’art. 10 de la Loi est libellé comme suit :

10. Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d’une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l’administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

[5] L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 7 [mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 2], 10 [mod., idem, art. 50 (ann. II, art. 3) (F)].

[6] Voir l’arrêt Brown c. La Commission de la Fonction publique, [1975] C.F. 345 (C.A.).

[7] [1993] 1 C.F. 331 (C.A.).

[8] [1973] C.F. 1217 (C.A.).

[9] Charest, précité, note 8, à la p. 1221, le juge Pratte, J.C.A.

[10] Procureur général du Canada c. Greaves, [1982] 1 C.F. 806 (C.A.), à la p. 810, le juge Pratte, J.C.A.; Nanda c. Commission de la Fonction publique, [1972] C.F. 277, (C.A.), à la p. 297, le juge en chef Jackett.

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