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[2011] 4 R.C.F. 440

IMM-4357-09

2010 CF 638

Wayne Anthony Hillary (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Hillary c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Russell—Toronto, 30 mars; Ottawa, 11 juin 2010.

Citoyenneté et Immigration — Pratique en matière d’immigration —Contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande du demandeur visant la réouverture de son appel au motif que ce dernier n’avait pas démontré que le premier tribunal (le tribunal) de la SAI n’a pas respecté un principe de justice naturelle — Le demandeur, un résident permanent adulte du Canada souffrant d’une maladie mentale, a fait l’objet de deux mesures d’expulsion — Lors de l’appel interjeté à l’encontre de la deuxième mesure d’expulsion, le demandeur a été représenté par un avocat, n’a pas demandé un représentant désigné — L’art. 167(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés indique qu’un tribunal ne doit désigner un représentant pour quelqu’un qui n’est pas mineur que si, selon lui, la personne en question n’est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure — En l’espèce, le tribunal savait que le demandeur souffrait d’une maladie mentale, mais rien n’indiquait que sa schizophrénie l’empêchait de comprendre la nature de la procédure — Le tribunal ne doit pas automatiquement mener une enquête pour savoir si le demandeur comprend la procédure simplement parce qu’il souffre d’une maladie mentale — Le tribunal peut mener une telle enquête s’il le juge nécessaire — En l’espèce, le tribunal n’a rien remarqué qui portait à croire que la désignation d’un représentant était nécessaire — Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale — Demande rejetée — Question certifiée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard de la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande du demandeur visant la réouverture de son appel. Le demandeur, un Jamaïcain, est arrivé au Canada à l’âge de 13 ans et a obtenu le statut de résident permanent. Cependant, il n’a jamais demandé la citoyenneté. Par la suite, il a appris qu’il était atteint du VIH et de schizophrénie. Le demandeur a fait l’objet de deux mesures d’expulsion en raison de ses nombreux antécédents criminels. Même si la première mesure d’expulsion a été annulée, le premier tribunal de la SAI (le tribunal) a rejeté l’appel interjeté à l’encontre de la deuxième mesure d’expulsion. La SAI a conclu que lorsqu’il constate qu’un demandeur ne peut manifestement pas comprendre la nature de la procédure, le commissaire doit procéder à un examen plus poussé et éventuellement lui nommer un représentant. La SAI a indiqué que le demandeur était représenté par un avocat et qu’aucune demande de représentant désigné n’avait été présentée. Comme le demandeur n’avait pas établi que le tribunal a manqué à un principe de justice naturelle, la SAI a rejeté sa demande visant la réouverture de l’appel.

Les questions litigieuses étaient celles de savoir si le tribunal ayant instruit la demande initiale du demandeur a commis une erreur en ne l’avisant pas de la possibilité de lui désigner un représentant et en ne se demandant pas s’il convenait d’en nommer un, et si la SAI a appliqué le mauvais critère pour déterminer s’il y a eu manquement à l’équité dans le cadre de la demande du demandeur visant la réouverture de son appel.

Jugement : la demande doit être rejetée.

L’article 72 et le paragraphe 167(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés s’appliquaient en l’espèce. Dans le cas du demandeur, qui n’était pas mineur, l’obligation du tribunal de nommer un représentant personnel ne s’impose que si le demandeur n’est pas, selon le tribunal, en mesure de comprendre la nature de la procédure. Aucune source n’étayait la position du demandeur portant que le tribunal aurait dû se renseigner pour savoir s’il avait besoin d’un représentant désigné parce que la preuve indiquait qu’il était schizophrène. La conclusion de la SAI selon laquelle la preuve en l’espèce laissait entendre que l’appelant aurait préféré avoir mieux présenté son cas et non que le tribunal aurait dû être alerté de la nécessité de lui désigner un représentant n’était ni déraisonnable ni incorrecte. Le paragraphe 167(2), interprété dans son contexte, indique qu’une section ne doit désigner un représentant pour quelqu’un qui n’est pas mineur que si, selon elle, la personne en question n’est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure. Par conséquent, ce qui est requis pour respecter l’équité procédurale dépendra des faits de chaque cas. En l’espèce, le tribunal savait que le demandeur était schizophrène, mais rien n’indiquait que sa schizophrénie l’empêchait de comprendre la nature de la procédure.

Les indications qui conviennent le mieux dans ce domaine figurent dans le Guide des procédures de la Section de l’immigration (le Guide) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Le chapitre 7 du Guide porte précisément sur les personnes qui ne sont pas en mesure de comprendre la nature de la procédure. Le chapitre 7 traite de la maladie mentale dans le contexte de la compréhension de la nature de la procédure et indique qu’une personne peut soufrir d’une maladie mentale ou avoir des capacités intellectuelles amoindries, mais être néanmoins capable de comprendre la nature de la procédure. Même si la jurisprudence dans ce domaine n’est pas entièrement établie, deux décisions aident à trancher les questions soulevées en l’espèce, soit Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) et Abdousafi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration). Ces décisions précisent que la décision du tribunal quant à la question de savoir si un demandeur a besoin d’un représentant désigné doit être prise en examinant si la personne comprend bien la procédure et les questions qu’il lui pose. Le Guide et la jurisprudence n’indiquent pas que le tribunal doit automatiquement mener une enquête pour savoir si le demandeur comprend la procédure simplement parce qu’il souffre de schizophrénie ou d’une autre maladie mentale. La jurisprudence et le Guide semblent plutôt indiquer que le tribunal peut mener une telle enquête s’il le juge nécessaire. En l’espèce, le tribunal n’a rien remarqué qui portait à croire que la désignation d’un représentant était nécessaire. De plus, ni les avocats ni les parties à l’audience ne se sont dits préoccupés par la capacité du demandeur à comprendre la nature de la procédure avant ou pendant l’audience. Par conséquent, il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

Les conclusions de la SAI concernant la question de savoir si un représentant désigné aurait fait une différence ainsi que son utilisation du mot « aurait » au lieu de « pourrait » devaient être examinées conjointement avec la conclusion de la SAI portant que rien dans les éléments associés à sa conduite n’auraient dû alerter le tribunal quant à la nécessité de commettre d’office un représentant. En ce qui a trait à cet aspect de la décision, la SAI a appliqué un critère trop rigoureux et aurait dû se demander si un représentant désigné « aurait pu » faire une différence. Néanmoins, la question de savoir si un représentant désigné aurait pu faire une différence, ou aurait fait une différence, était un motif subsidiaire pour rejeter la demande de réouverture. La SAI n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle à l’égard de la question de savoir si le tribunal a correctement examiné la question.

Enfin, la question de savoir si la SAI a l’obligation de déterminer, conformément au paragraphe 167(2) de la Loi, si le demandeur est en mesure de comprendre la nature de la procédure d’appel lorsqu’il est prouvé que le demandeur souffre d’une maladie mentale a été certifiée.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 71, 72(1), 167(2).

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Zambrano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 481; Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 908; Abdousafi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1372.

décisions différenciées :

Duale c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 150; Vashee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1104.

décision examinée :

Black c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 703.

décisions citées :

Sibaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1079; Stumf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 148; Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 461, [2007] 1 R.C.F. 107; Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89; Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129.

DOCTRINE CITÉE

Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Directives no 8 : Directives sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR, 15 décembre 2006, en ligne : <http://www.irb-cisr.gc.ca/fra/brdcom/references/pol/guidir/documents/vulnerable_f.pdf>.

Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Guide des procédures de la Section de l’immigration, août 2005, en ligne : <http://www.irb.gc.ca/Fra/brdcom/references/legjur/idsi/guide/Documents/idguide_f.pdf>.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision (2009 CanLII 78651) par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande du demandeur visant la réouverture de son appel à l’encontre d’une mesure de renvoi de la CISR (2007 CanLII 79864). Demande rejetée.

ONT COMPARU

Aadil Mangalji pour le demandeur.

Kristina S. Dragaitis pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Long Mangalji LLP Immigration Law Group, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        Le juge Russell : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’égard de la décision du 7 août 2009 [Hillary c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CanLII 78651] (la décision) par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande du demandeur visant la réouverture de son appel.

LE CONTEXTE

[2]        Le demandeur est né en Jamaïque. Il est venu au Canada en 1981 à l’âge de 13 ans et a obtenu le statut de résident permanent. Il n’a jamais demandé la citoyenneté.

[3]        Le demandeur a su qu’il était atteint du VIH et de schizophrénie en 1989.

[4]        Le demandeur a de nombreux antécédents criminels qui remontent jusqu’en 1987. En raison de ses activités criminelles, le demandeur a fait l’objet d’une mesure d’expulsion en 1991. Cette mesure a été suspendue pendant cinq ans. La SAI a ensuite accueilli l’appel du demandeur et annulé la mesure d’expulsion en mars 1998.

[5]        Le demandeur a encore fait l’objet d’une mesure d’expulsion en avril 2007 à la suite d’une condamnation pour vol. Le premier tribunal de la SAI [Hillary c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CanLII 79864] (le tribunal) a rejeté l’appel qu’il a interjeté à l’encontre de cette décision. Le demandeur a ensuite demandé la réouverture de son dossier sur le fondement de l’article 71 de la Loi. La SAI a rejeté cette demande.

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[6]        La SAI a conclu que lorsqu’il constate qu’un demandeur ne peut manifestement pas comprendre la nature de la procédure, le commissaire doit procéder à un examen plus poussé et éventuellement lui nommer un représentant.

[7]        La SAI a indiqué que le demandeur était représenté par un avocat et qu’aucune demande de représentant désigné n’avait été présentée.

[8]        De plus [au paragraphe 6], puisque le demandeur avait antérieurement fait l’objet d’une mesure d’expulsion du Canada et qu’il avait interjeté appel de cette décision, il « est beaucoup plus au fait du processus qu’une personne qui se présente devant la SAI pour la première fois ».

[9]        La SAI a indiqué que le tribunal ayant instruit l’appel savait que le demandeur souffrait de schizophrénie et l’a mentionné à plusieurs reprises dans sa décision de rejeter l’appel. Rien dans la décision du tribunal n’indique que le demandeur ne comprenait pas la nature de la procédure. En effet, le demandeur a présenté des éléments de preuve à l’audience à l’appui de sa demande.

[10]      La SAI a porté une attention particulière au fait que plus de deux ans s’étaient écoulés entre le rejet de l’appel du demandeur et sa demande visant la réouverture de l’appel. De plus, la SAI a indiqué [au paragraphe 6] que le demandeur :

[...] n’a[vait] pas soutenu avoir présenté une demande de représentant désigné ou encore que des éléments associés à sa conduite ou à son attitude auraient dû alerter le tribunal quant à la nécessité de commettre d’office un représentant.

La SAI a plutôt conclu que selon le demandeur, la désignation d’un représentant aurait dû être envisagée puisque le tribunal savait qu’il souffrait de schizophrénie.

[11]      La SAI a souligné que les personnes souffrant de schizophrénie ne sont pas toutes incapables de comprendre la nature de la procédure et n’ont donc pas toutes besoin d’un représentant désigné. En l’espèce, le demandeur a mandaté un avocat et a témoigné pour son propre compte. De plus, l’avocat du demandeur n’a soulevé aucune préoccupation quant à la capacité du demandeur à mandater un avocat ou à comprendre la nature de la procédure. Rien dans la preuve dont disposait la SAI n’indiquait que le demandeur était incapable de raconter son histoire.

[12]      Le demandeur aurait aimé mieux présenter sa preuve au tribunal. La décision du tribunal [au paragraphe 30] était fondée en partie sur l’absence de preuve concernant « [des] installations, [des] médicaments et [des] programmes » disponibles en Jamaïque pour traiter les personnes atteintes du VIH et de schizophrénie. Le tribunal a tenu compte du fait que la mère et la sœur du demandeur n’ont pas assisté à l’audience ni fourni de lettres à l’appui, que la preuve psychologique dont dispose le tribunal est désuète et que le demandeur avait « presque entièrement nié son implication criminelle en lien avec les infractions qui figurent à son dossier » [la décision, au paragraphe 7]. La SAI [au paragraphe 7] a estimé que les conclusions du tribunal « soulignent davantage l’échec de la stratégie adoptée à l’appel ou une préparation insuffisante, éléments qui peuvent découler des décisions du conseil, qu’ils ne révèlent une incapacité à comprendre la nature de la procédure ».

[13]      La SAI a également conclu que le caractère inadéquat de la présentation du demandeur n’était pas attribuable à un manquement de la part du tribunal « à un principe de justice naturelle ». Selon la SAI [au paragraphe 9] :

[...] il ne convient pas de prendre connaissance des observations du commissaire au sujet des lacunes de la cause de l’appelant et de déduire qu’un représentant désigné aurait réussi à combler ces lacunes de manière à modifier l’issue de l’appel.

[14]      En effet, la SAI a conclu que la désignation d’un représentant n’aurait pas eu d’incidence sur les conclusions défavorables du tribunal en ce qui a trait au manque de remords et de réadaptation du demandeur. De plus, la SAI a conclu ce qui suit [au paragraphe 9] :

[...] rien ne permet de conclure qu’un représentant désigné aurait mandaté un conseil pour qu’il présente des éléments de preuve au sujet de la situation dans le pays pour ce qui est du traitement du VIH et de la schizophrénie ou fait en sorte que la mère ou la sœur de l’appelant témoignent.

[15]      Comme le demandeur n’avait pas établi que le tribunal a manqué à un principe de justice naturelle, sa demande visant la réouverture de l’appel a été rejetée.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[16]      Les questions à l’égard de la présente demande peuvent être résumées comme suit :

1. Le tribunal ayant instruit la demande initiale du demandeur a‑t‑il commis une erreur en ne l’avisant pas de la possibilité de lui désigner un représentant et en ne se demandant pas s’il convenait d’en nommer un?

2. La SAI a-t-elle appliqué le mauvais critère pour déterminer s’il y a eu manquement à l’équité dans le cadre de la demande du demandeur visant la réouverture de son appel?

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[17]      Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

71. L’étranger qui n’a pas quitté le Canada à la suite de la mesure de renvoi peut demander la réouverture de l’appel sur preuve de manquement à un principe de justice naturelle.

[...]

167. [...]

Réouverture de l’appel

(2) Est commis d’office un représentant à l’intéressé qui n’a pas dix-huit ans ou n’est pas, selon la section, en mesure de comprendre la nature de la procédure.

Représentation

LA NORME DE CONTRÔLE

[18]      Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de procéder à une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière soumise au tribunal de révision est bien établie par la jurisprudence, ce dernier doit adopter cette norme. Si elle ne l’est pas, alors le tribunal de révision doit tenir compte des quatre facteurs se rapportant à l’analyse de la norme de contrôle.

[19]      Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, aux paragraphes 126 et 129. Par conséquent, il convient d’appliquer la norme de la décision correcte pour décider si le tribunal a commis une erreur en n’avisant pas le demandeur de la possibilité de lui désigner un représentant.

[20]      Il convient également d’appliquer la norme de la décision correcte pour décider si la SAI a appliqué le bon critère juridique en l’espèce. Suivant l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême, les questions de droit peuvent être assujetties à la norme de la raisonnabilité, si elles ne sont pas d’« “une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise [du décideur]” ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, aux paragraphes 55 et 60. Toutefois, dans la décision Zambrano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 481, la juge Dawson a exposé l’analyse suivante, laquelle est également applicable à l’espèce [au paragraphe 30] :

Vu l’absence d’une clause privative, le fait qu’un agent d’ERAR n’a pas véritablement la spécialisation requise pour juger de la pertinence du critère qu’il a appliqué, de même que l’importance de s’assurer que les agents d’ERAR appliquent le critère fixé par le législateur, je suis d’avis que la question de savoir si l’agente a appliqué ici le bon critère doit être revue selon la norme de la décision correcte.

À mon sens, il convient donc d’appliquer la norme de la décision correcte pour examiner si la SAI a appliqué le bon critère juridique.

LES ARGUMENTS

Le demandeur

Le représentant désigné

[21]      Le demandeur soutient que le paragraphe 167(2) de la Loi oblige la section à désigner un représentant au demandeur qui ne peut comprendre la nature de la procédure. Cette obligation s’impose « dès que la Commission [prend] connaissance des faits qui [révèlent] la nécessité de nommer un représentant commis d’office ». Voir la décision Duale c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 150 [au paragraphe 1]. Le défaut de respecter cette obligation constitue une erreur de compétence qui a pour effet de vicier l’ensemble de la décision. Voir, par exemple, les décisions Vashee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1104; Sibaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1079; Stumf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 148.

[22]      En l’espèce, le tribunal savait que le demandeur souffrait d’une maladie mentale. Toutefois, il n’a pas examiné le demandeur eu égard à sa condition ou à sa compréhension de la nature de la procédure. Comme il est décrit dans son affidavit, ce n’est qu’après l’audience qu’il s’est avéré que le demandeur ne comprenait pas entièrement la nature de la procédure.

Le mauvais critère juridique

[23]      Le critère pour déterminer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale a été établi par la juge Dawson dans la décision Duale, précitée. Dans cette décision [au paragraphe 20], la juge Dawson a accueilli la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle ne pouvait « conclure avec certitude que le défaut de nommer un représentant commis d’office n’avait pu influer d’une façon défavorable sur l’issue de la revendication ».

[24]      Par conséquent, il est important de savoir si le défaut de désigner un représentant aurait pu avoir une incidence sur l’issue définitive de la demande. Le demandeur souligne que le critère juridique pour examiner si un représentant aurait dû être désigné est peu rigoureux. En effet, cet examen devrait être effectué eu égard à la possibilité plutôt que la certitude. Le demandeur affirme que ce critère est peu rigoureux pour veiller à ce que les personnes les plus vulnérables (les enfants et les personnes qui souffrent d’une maladie mentale) soient traitées équitablement dans le système juridique.

[25]      La SAI a commis une erreur en appliquant un critère plus exigeant que celui établi par la juge Dawson dans la décision Duale : plutôt que d’examiner si un représentant désigné aurait pu changer l’issue, la SAI a examiné si la présence d’un représentant désigné aurait changé l’issue. La demande du demandeur visant la réouverture de son appel a été rejetée au motif [au paragraphe 9] qu’« il ne convient pas de prendre connaissance des observations du commissaire au sujet des lacunes de la cause de l’appelant et de déduire qu’un représentant désigné aurait réussi à combler ces lacunes de manière à modifier l’issue de l’appel » (non souligné dans l’original). De plus, la SAI a affirmé ce qui suit [au paragraphe 9] :

Dans la même veine, rien ne permet de conclure qu’un représentant désigné aurait mandaté un conseil pour qu’il présente des éléments de preuve au sujet de la situation dans le pays pour ce qui est du traitement du VIH et de la schizophrénie ou fait en sorte que la mère ou la sœur de l’appelant témoignent.

La SAI a commis une erreur en appliquant à cette question un critère juridique plus exigeant que celui qui est nécessaire, établi dans la décision Duale.

Le rôle d’un représentant désigné

[26]      En créant le rôle d’un représentant désigné, il ne fait aucun doute que le législateur avait l’intention de fournir un critère de protection plus rigoureux aux personnes considérées comme vulnérables par la Commission. Le demandeur affirme qu’une grande partie du rôle d’un représentant désigné est de mandater un avocat et de s’assurer qu’il exerce ses fonctions. Bien qu’elle ait conclu [au paragraphe 7] que le demandeur était en mesure de « raconter son histoire », la SAI a également estimé que l’avocat du demandeur n’était pas efficace. La SAI a commis une erreur en ne faisant pas le lien entre l’absence d’un représentant désigné et le fait que le client n’était pas bien représenté par son avocat. Le représentant désigné sert de protection contre les avocats négligents.

[27]      Le représentant désigné doit notamment s’assurer que la preuve nécessaire est présentée au tribunal et que l’avocat est dûment mandaté. Il ressort clairement des motifs du tribunal que l’absence de preuve médicale sur les soins de santé en Jamaïque a porté préjudice à la demande du demandeur. La SAI n’a pas tenu compte du fait que le représentant désigné est chargé de mandater et de surveiller l’avocat ainsi que de présenter la preuve. Comme aucun représentant n’a été désigné, l’avocat en l’espèce n’a pas été dûment mandaté et la preuve nécessaire n’a pas été présentée à l’appui de la demande du demandeur. Ces lacunes ont gravement nui à la demande du demandeur.

[28]      Le demandeur a fait valoir au tribunal, comme motif d’ordre humanitaire, qu’il perdrait accès aux médicaments permettant de lui sauver la vie s’il retournait en Jamaïque. Son renvoi pourrait entraîner son décès à la longue. Le tribunal n’a toutefois pas accepté cet argument parce qu’il y avait très peu d’éléments de preuve, voire aucun, pour l’étayer.

[29]      La désignation d’un représentant aurait pu avoir une incidence importante sur les conclusions du tribunal. D’abord, comme il connaît bien le processus, le représentant désigné aurait compris qu’il devait soumettre de la documentation sur la Jamaïque et de la documentation médicale à jour. Ensuite, il aurait pu s’assurer que ces éléments de preuve avaient été présentés pour le compte du demandeur. En l’espèce, le défaut de présenter des éléments de preuve adéquats est directement attribuable à l’absence d’un représentant désigné. Ce défaut a alors eu une incidence sur l’issue de la demande du demandeur.

[30]      Le demandeur compare les faits de l’espèce à ceux de l’affaire Black c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 703, où la Cour a conclu ce qui suit [au paragraphe 59] :

Il y a des problèmes de soins, d’itinérance et d’incarcération, et de violations des droits de la personne dans lesquelles sont souvent impliquées les autorités jamaïcaines, qu’une représentante désignée comprenant la nature de son rôle aurait présentés à la SAI. Ces questions auraient bien pu mener la SAI à une conclusion différente. Le manquement à l’équité procédurale était très important au regard de l’issue en l’espèce.

La nécessité de désigner un représentant

[31]      En l’espèce, la SAI a conclu [au paragraphe 5] que « lorsqu’il constate que l’appelant ne peut manifestement pas comprendre la nature de la procédure, le commissaire doit alors procéder à un examen plus poussé et éventuellement lui commettre d’office un représentant ». Le demandeur prétend qu’en l’espèce, la Cour doit déterminer à quel moment le tribunal aurait dû se rendre compte que la désignation d’un représentant était nécessaire pour traiter des questions de santé mentale.

[32]      Le demandeur fait valoir que, suivant la décision Duale, ce critère peu rigoureux s’applique dès que la question de la santé mentale est soulevée dans l’instance. En effet, l’équité procédurale exige que le demandeur soit avisé de la possibilité de lui désigner un représentant, et le tribunal doit mener une enquête pour s’assurer que celui‑ci comprend la nature de la procédure. La question de la santé mentale est comparable à celle des enfants — dès que la commission sait que le demandeur a moins de 18 ans, un représentant doit lui être désigné. Voir, par exemple, les décisions Duale et Stumf, précitées.

[33]      Le demandeur reconnaît que les enfants sont assujettis à des exigences d’équité procédurale différentes de celles applicables aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Quoi qu’il en soit, il soutient que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est tenue d’aviser le demandeur de la possibilité de lui désigner un représentant lorsque sa maladie mentale est mise au jour. Ensuite, le tribunal doit mener une enquête pour s’assurer que le demandeur est en mesure de comprendre la nature de la procédure.

[34]      La SAI a essentiellement conclu que la quetion de savoir si la désignation d’un représentant est nécessaire dépend de celle de savoir si une demande est présentée par un demandeur ou si un incident quelconque a alerté le tribunal de cette exigence. Le demandeur prétend que ce critère est trop élevé. Les membres de la Commission ne connaissent pas les symptômes de la maladie mentale. De plus, les personnes qui souffrent d’une maladie mentale peuvent apprendre à « dissimuler » leurs symptômes afin qu’aucun incident de comportement ne se produise. Le tribunal est tenu de s’assurer que les règles de l’équité procédurale sont respectées et il ne peut compter sur l’avocat du demandeur à cet égard; la Commission doit plutôt s’acquitter de cette obligation en menant une enquête « dès qu’elle prend conscience de la question ».

[35]      Le défendeur prétend que le demandeur a renoncé à son droit à l’équité procédurale parce qu’il n’a pas demandé qu’un représentant lui soit désigné plus tôt; toutefois, le demandeur ne savait pas qu’un représentant pouvait lui être désigné avant de retenir les services d’un nouvel avocat deux ans après la demande. Il n’a jamais été avisé de cette possibilité. Par conséquent, on ne saurait affirmer qu’il a renoncé à ce droit.

Le défendeur

Les directives

[36]      Le défendeur prétend que les directives no 8 intitulées Directives no 8 : Directives sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR, décembre 2006, de la Commission de l’immigration et du Statut de réfugié du Canada (les directives no 8), indiquent que l’avocat de la personne considérée comme vulnérable est le mieux placé pour porter cette vulnérabilité à l’attention du tribunal, et il devrait le faire le plus rapidement possible. Les autres parties qui peuvent être au courant de la vulnérabilité, comme l’avocat du ministre, sont également encouragées à faire de même.

[37]      Les directives no 8 indiquent également que, avant qu’une personne vulnérable ne puisse bénéficier de protections lors d’une audience contradictoire, le ministre doit avoir la possibilité de présenter des observations pour s’assurer que sa preuve peut être présentée équitablement et entièrement.

L’absence de preuve

[38]      Aucune preuve d’expert n’a été présentée pour soutenir la revendication du demandeur portant que la désignation d’un représentant était nécessaire en l’espèce. Le défendeur affirme que, en l’absence de preuve démontrant l’incapacité, on ne peut présumer que toutes les personnes souffrant de schizophrénie sont incapables de comprendre la nature de la procédure ou de participer pleinement à l’audience.

La renonciation aux droits

[39]      Le demandeur devait soulever son objection à l’égard du défaut de désigner un représentant le plus tôt possible, d’autant plus qu’il était représenté par un avocat. Le défendeur soutient qu’il aurait été opportun de le faire [traduction] « au plus tard à l’audience de l’appel ». Le demandeur a toutefois soulevé cette question plus de deux ans après le rejet de l’appel. Par conséquent, il a renoncé à son droit d’invoquer un manquement à l’équité procédurale après avoir fait l’objet d’une décision défavorable. Voir, par exemple, la décision Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 461, [2007] 1 R.C.F. 107, aux paragraphes 212 à 214.

L’examen des éléments matériels

[40]      Il était loisible à la SAI de conclure que la schizophrénie du demandeur n’était pas en soi un motif approprié pour lui désigner un représentant. En effet, rien n’indique que le demandeur ne comprenait pas la procédure. De plus, les personnes souffrant de schizophrénie ne sont pas toutes incapables de comprendre la procédure et d’y participer. Chaque cas est un cas d’espèce.

[41]      En l’espèce, le demandeur était représenté par un avocat et a témoigné pour son propre compte. Le demandeur ne s’est pas dit préoccupé par le fait qu’il ne pouvait dûment mandater son avocat ou participer pleinement à l’audience. Son avocat non plus. Comme l’a déterminé la SAI, le fait que le demandeur aurait aimé mieux présenter sa preuve ne signifie pas que son droit à l’équité procédurale n’a pas été respecté.

[42]      Le demandeur a affirmé que le tribunal aurait dû tenir compte du fait qu’il avait besoin d’un représentant désigné et subséquemment lui en nommer un. À l’appui de cette affirmation, il cite quelques décisions concernant des mineurs, comme les décisions Duale et Stumf, précitées. Toutefois, la loi exige qu’un représentant soit désigné dans le cas de mineurs. Ce n’est pas le cas pour ceux qui souffrent d’une maladie mentale. Selon la Loi et les directives no 8, lorsqu’on ne peut présumer que le demandeur est incapable de comprendre la nature de la procédure, l’avocat est le mieux placé pour porter la nécessité de lui désigner un représentant à l’attention du tribunal.

L’ANALYSE

Les questions relatives au paragraphe 167(2)

[43]      Les décisions Duale et Vashee citées par le demandeur concernent toutes deux des mineurs. À cet égard, le paragraphe 167(2) de la Loi indique qu’« est commis d’office un représentant à l’intéressé ».

[44]      Dans le cas du demandeur, qui n’était pas mineur (et qui prétend maintenant que comme il [traduction] « ne comprenait pas du tout ce qui se passait » à l’audience, il ne pouvait suivre la procédure, et qu’il « lui aurait été avantageux d’avoir un représentant désigné »), l’obligation du tribunal de nommer un représentant personnel ne s’impose que si le demandeur n’est pas, « selon [le tribunal], en mesure de comprendre la nature de la procédure ».

[45]      Le demandeur reconnaît que [traduction] « le tribunal n’est pas tenu de désigner un représentant chaque fois que la maladie mentale est invoquée ». Il affirme plutôt ce qui suit :

[traduction] L’équité procédurale exige que le tribunal informe les demandeurs souffrant de maladie mentale de sa capacité à leur désigner un représentant et à se renseigner le moindrement pour déterminer si un tel représentant est nécessaire pour assurer un procès équitable.

[46]      Le demandeur ne cite aucune source à l’appui de cette affirmation. En fait, il prétend que le tribunal est tenu de se renseigner pour savoir si la désignation d’un représentant est nécessaire — du moins en l’espèce, où le tribunal savait que le demandeur souffrait de schizophrénie. Il affirme que pour décider si une personne n’est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure en application du paragraphe 167(2), le tribunal ne doit pas simplement s’en remettre aux facteurs contextuels qui lui ont été présentés. Ces facteurs sont les suivants :

a. le demandeur a fait l’objet de procédures similaires par le passé et rien n’indiquait qu’il ne savait pas ce qu’on attendait de lui;

b. si le demandeur était confus à l’audience, il ne l’a dit à personne;

c. la conduite du demandeur à l’audience ne porte pas à croire que le tribunal aurait dû savoir qu’il avait besoin d’un représentant désigné;

d. le demandeur était représenté par un avocat à l’époque pertinente et rien ne porte à croire que l’avocat ne comprenait pas la nature de la procédure ni les éléments de preuve ou les arguments requis à l’appui de la thèse du demandeur;

e. le demandeur a attendu près de deux ans avant de présenter une demande visant la réouverture de son appel au motif qu’il était confus à l’époque et qu’il lui aurait été avantageux d’avoir un représentant personnel.

[47]      Dans son affidavit, le demandeur ne dit pas qu’il n’était pas en mesure de mandater dûment son avocat avant l’audience devant le tribunal. Il affirme que ses problèmes sont survenus à l’audience :

[traduction] Je ne comprenais pas du tout ce qui se passait à l’audience. J’avais l’impression que la procédure avançait extrêmement rapidement et que je ne pouvais pas la suivre. Mon avocat ne m’a pas conseillé adéquatement ni ne m’a informé précisément de ce à quoi je devais m’attendre. J’étais incapable de comprendre ce qui se passait et je n’avais pas d’autre choix que de lui faire confiance. Je ne sais pas ce qu’il a présenté en mon nom puisqu’il ne m’en a jamais informé.

[48]      À mon sens, le demandeur revient à dire que son avocat était incompétent plusieurs années après les faits. Je ne dispose d’aucune preuve à l’appui de cette affirmation hormis son affidavit. Qui plus est, le demandeur ne dit pas en quoi sa conduite à l’audience aurait dû alerter le tribunal qu’il était confus ou qu’il avait besoin d’un représentant désigné. Il est simplement d’avis que comme la preuve indiquait qu’il était schizophrène, le tribunal aurait dû se renseigner pour savoir s’il avait besoin d’un représentant désigné.

[49]      Le demandeur ne peut citer de sources qui étaieraient une obligation aussi absolue. Le paragraphe 167(2) indique que la question de savoir si une personne est en mesure de comprendre la nature de la procédure est tranchée par « la section ».

[50]      En l’espèce, la SAI [au paragraphe 5] a accepté la proposition que lorsqu’il ne fait aucun doute pour un commissaire que le demandeur ne peut comprendre la nature de la procédure, il « doit alors procéder à un examen plus poussé et éventuellement lui commettre d’office un représentant ». Toutefois, la SAI a affirmé [au paragraphe 6] que « rien dans les motifs du tribunal n’indique que l’appelant ne comprenait pas la nature de la procédure » :

L’appelant n’a pas soutenu avoir présenté une demande de représentant désigné ou encore que des éléments associés à sa conduite ou à son attitude auraient dû alerter le tribunal quant à la nécessité de commettre d’office un représentant. Essentiellement, selon l’appelant, parce qu’il était au courant de la schizophrénie de l’appelant, le tribunal aurait dû se pencher sur l’opportunité de lui commettre d’office un représentant.

[51]      La SAI a ensuite examiné les facteurs contextuels et a conclu [au paragraphe 7] que « la preuve laisse entendre que l’appelant aurait préféré avoir mieux présenté son cas » et non que le tribunal aurait dû être alerté de la nécessité de lui désigner un représentant. Je ne saurais affirmer que cette conclusion était déraisonnable ou incorrecte. Le demandeur affirme que le paragraphe 167(2) n’indique pas clairement ce qui est exigé au nom de l’équité procédurale lorsqu’une « section » a affaire à une personne souffrant d’une maladie mentale. Selon lui, dès que le tribunal a su qu’il souffrait de schizophrénie, il devait :

a. aviser le demandeur de la possibilité de lui désigner un représentant;

b. questionner le demandeur pour savoir s’il comprenait la nature de la procédure.

Le demandeur affirme qu’un niveau d’équité procédurale aussi élevé est requis lorsque des personnes vulnérables sont concernées et que le tribunal était tenu de s’assurer qu’il comprenait la nature de la procédure. Il indique que le tribunal ne devait pas simplement s’en remettre aux facteurs contextuels susmentionnés.

[52]      Le demandeur demande à la Cour de considérer le paragraphe 167(2) comme une obligation pour une « section » de procéder à une enquête pour savoir si la personne souffrant d’une maladie mentale connue comprend la procédure, même dans une situation où cette personne est représentée par un avocat et ne démontre aucun signe à l’audience qu’elle n’est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure.

[53]      Je suis d’avis que le paragraphe 167(2), interprété dans son contexte, indique qu’une section ne doit désigner un représentant pour quelqu’un qui n’est pas mineur que si, selon elle, la personne en question n’est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure. À mon sens, ce qui est ensuite requis pour respecter l’équité procédurale dépendra des faits de chaque cas. En l’espèce, le tribunal savait que le demandeur était schizophrène, mais rien n’indiquait que sa schizophrénie l’empêchait de comprendre la nature de la procédure. En fait, le demandeur a souvent comparu devant les tribunaux et rien n’indique que sa schizophrénie l’a empêché de comprendre ce qui se passait. Il doit bien y exister des situations où une section est tenue d’aviser le demandeur et de mener une enquête formelle pour savoir s’il comprend la procédure, mais je ne crois pas qu’un tel processus était nécessaire en l’espèce.

Les directives

[54]      Selon les directives no 8, les personnes vulnérables sont les suivantes [à l’article 2.1] :

2.1

[...] la personne dont la capacité de présenter son cas devant la CISR est grandement diminuée. Elle peut, entre autres, être atteinte d’une maladie mentale; être mineure ou âgée; avoir été victime de torture; avoir survécu à un génocide et à des crimes contre l’humanité; il peut aussi s’agir d’une femme qui a été victime de persécution en raison de son sexe.

Cette définition semble reconnaître que les personnes atteintes d’une maladie mentale peuvent être des personnes vulnérables, mais que ce n’est pas forcément le cas. La personne souffrant d’une maladie mentale n’est pas automatiquement incapable de présenter sa preuve.

[55]      Les objectifs des directives no 8 sont notamment les suivants :

3.1

Reconnaître que certaines personnes se heurtent à des difficultés particulières lorsqu’elles se présentent à l’audition de leur cas ou à un autre processus de la CISR parce que leur capacité de présenter leur cas est grandement diminuée.

3.2

Veiller à ce que les personnes qui s’avèrent ainsi vulnérables soient identifiées et à ce que leur situation soit prise en compte sur le plan procédural.

3.3

Dans la mesure du possible, éviter que les personnes vulnérables ne soient traumatisées ou ne subissent un nouveau traumatisme en raison du processus d’audience ou d’autres processus de la CISR.

3.4

Assurer la sensibilisation continue des commissaires et des autres participants en salle d’audience [...] [Non souligné dans l’original.]

[56]      Les directives no 8 [à l’article 4.2] proposent des façons de surmonter les difficultés rencontrées par les personnes vulnérables et prévoient que la Section « dispose d’un large pouvoir discrétionnaire qui lui permet d’adapter les procédures aux besoins particuliers d’une personne vulnérable. Le cas échéant et dans la mesure où le permet la loi, la Section peut prendre en compte la vulnérabilité d’une personne par différents moyens ».

[57]      Bien que les directives no 8 peuvent généralement s’appliquer à l’espèce, je suis d’avis que les indications qui conviennent le mieux dans ce domaine figurent dans le Guide des procédures de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (le Guide). Le chapitre 7 du Guide porte précisément sur les personnes qui ne sont pas en mesure de comprendre la nature de la procédure.

[58]      L’article 7.3.1 du Guide prévoit les mesures qui devraient être prises avant l’audience :

Les alinéas 3o) et 8(1)m) des Règles prévoit que le ministre doit informer la Section de l’immigration, s’il estime que la personne devant faire l’objet d’une enquête ou d’un contrôle des motifs de détention a moins de 18 ans ou n’est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure. [Souligné dans l’original.]

Cette obligation est également imposée à l’avocat. En fait, selon les directives no 8 [à l’article 7.3], précitées, « [l]e conseil de la personne pouvant être identifiée comme étant vulnérable est le mieux placé pour porter sa vulnérabilité à l’attention de la CISR, et il devrait le faire le plus rapidement possible. » Les directives no 8 indiquent que cette obligation s’étend également à d’autres personnes : « Les personnes associées à cette personne ou qui connaissent des faits indiquant qu’elle pourrait être vulnérable (conseil du ministre ou toute autre personne) sont encouragées à en faire autant. »

[59]      Le chapitre 7 énonce également les personnes qui devraient être représentées par un représentant désigné. Il prévoit que [à l’article 7.5] « [l]e commissaire doit désigner un représentant à toute personne qui n’est pas, selon lui, en mesure de comprendre la nature de la procédure. » De plus, « [e]n l’absence de toute indication contraire, il est raisonnable de présumer que la personne en cause est en mesure de comprendre la nature de la procédure » (non souligné dans l’original).

[60]      Conformément au Guide, le commissaire fonde généralement son opinion sur : a) des rapports médicaux concernant l’état mental ou la capacité intellectuelle de la personne en cause; ou b) les difficultés constatées lors de rencontres et d’échanges avec la personne en cause avant l’audience.

[61]      Le Guide prévoit [à l’article 7.5] qu’« [i]l revient au commissaire de déterminer si la personne en cause est en mesure de comprendre la nature de la procédure dont elle doit faire l’objet. » Plusieurs facteurs à considérer sont énumérés à l’article 7.5.1 :

   7.5.1 Détermination de l’incapacité à comprendre la nature de la procédure

Pour décider si la personne en cause est en mesure de comprendre la nature de la procédure, le commissaire peut se fonder sur les facteurs suivants :

  -    les aveux de la personne en cause sur son incapacité de comprendre ce qui se passe;

  -    le témoignage ou le rapport d’un expert sur la santé mentale ou les facultés intellectuelles de la personne en cause;

  -    le comportement observé à l’audience (notamment les réponses de la personne en cause aux questions qui lui sont posées);

  -    les observations des parties.

[62]      Le Guide prévoit également une sorte de critère pour déterminer si une personne comprend la nature de la procédure. Le chapitre 7 [à l’article 7.5.1] indique qu’« il est suggéré au commissaire de lui expliquer en langage très simple le but et les conséquences possibles de l’audience et, ensuite, de lui demander de les expliquer dans ses propres mots. L’incapacité de la personne en cause de le faire démontrera habituellement son incapacité à comprendre la nature de la procédure et justifiera qu’un représentant lui soit désigné. »

[63]      Toutefois, il est important de souligner que le chapitre 7 traite de la maladie mentale dans le contexte de la compréhension de la nature de la procédure. Le Guide indique [à l’article 7.5.2] qu’« [u]ne personne peut souffrir d’une maladie mentale ou avoir des capacités intellectuelles amoindries, mais être néanmoins capable de comprendre la nature de la procédure. »

[64]      Bien que les rapports médicaux doivent être « suffisamment précis et détaillés pour indiquer » que la désignation d’un représentant peut être nécessaire, le commissaire doit également tenir compte d’autres facteurs, « notamment, [du] comportement de la personne en cause, avant de désigner un représentant ».

[65]      Le Guide [à l’article 7.5.3] indique également que « [l]e commissaire n’a qu’à se former une opinion que la personne est incapable de comprendre la nature de la procédure dont elle doit faire l’objet. »

La jurisprudence

[66]      La jurisprudence dans ce domaine de droit n’est pas entièrement établie. Toutefois, à mon avis, deux décisions peuvent m’aider à trancher les questions dont je suis saisi.

[67]      La décision Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 908, porte sur un couple vulnérable psychologiquement. Pour savoir si le couple aurait dû bénéficier d’un représentant désigné, le juge Lagacé a affirmé ce qui suit au paragraphe 19 :

Il ne faut toutefois pas confondre la vulnérabilité psychologique des demandeurs à celle de celui qui n’est pas en mesure devant la Commission de comprendre la nature de la procédure et des questions. Il revient à la Commission de déterminer si un demandeur requiert ou non un représentant désigné, selon la compréhension qu’il paraît avoir ou ne pas avoir de la procédure ou des questions. [Non souligné dans l’original.]

[68]      Le juge Lagacé a également souligné au paragraphe 25 de la décision Sharma que « l’intervenant qui accompagnait les demandeurs à titre de support moral, ainsi que le procureur, n’ont formulé aucune objection pouvant laisser croire que les demandeurs ne comprenaient ni les questions, ni la procédure ».

[69]      Le juge Lagacé a ensuite examiné la transcription des témoignages et a conclu que les demandeurs « paraissent avoir bien compris tant les questions que la nature de la procédure ». Par conséquent, il a conclu qu’il était loisible à la Commission de rejeter la demande des demandeurs visant la désignation d’un représentant et à lui de maintenir cette décision, « faute d’une preuve avant ou durant l’audition à l’effet que les demandeurs n’étaient pas en état de comprendre la nature de la procédure ou les questions ». Voir la décision Sharma, précitée, au paragraphe 26.

[70]      Dans la décision Abdousafi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1372, la Commission s’était dite concernée par la capacité du demandeur à comprendre la nature de la procédure. Cependant, après un nouvel examen fondé sur ses propres observations et ses expériences avec le demandeur, la Commission a conclu que ce dernier était en mesure de comprendre la nature de la procédure. La Cour a conclu au paragraphe 13 de la décision Abdousafi que « [l]a Loi n’exige pas que la SSR se fonde sur une évaluation médicale plutôt que sur sa propre évaluation pour juger de la capacité du demandeur. Le fardeau de fournir la preuve médicale du retard mental allégué du demandeur incombait à ce dernier. » Par conséquent, la Cour a conclu ce qui suit :

[...] le demandeur ne satisfait pas au critère établi dans la Loi, à savoir que le demandeur doit être dans l’impossibilité de comprendre la nature de la procédure pour justifier qu’on désigne un représentant pour l’audience.

[71]      De plus, la Cour a conclu au paragraphe 14 de la décision Abdousafi qu’aucun élément de preuve n’établissait « le fondement factuel requis pour appuyer l’allégation selon laquelle l’avocat du demandeur était au courant du retard mental de son client et a négligé de demander une évaluation médicale ».

La conclusion à l’égard de la première question

[72]      Je crois que le chapitre 7 du Guide et la jurisprudence susmentionnée peuvent tous deux s’appliquer aux faits de l’espèce afin de réduire le fardeau que le demandeur a tenté d’imposer au tribunal relativement à l’obligation de l’informer qu’on pouvait lui désigner un représentant.

[73]      Tant la décision Sharma que le Guide analysent l’obligation imposée au tribunal de déterminer si un demandeur a besoin d’un représentant désigné. Le tribunal doit prendre cette décision en examinant si la personne comprend bien la procédure et les questions qu’il lui pose. En l’espèce, la compréhension du demandeur n’était pas considérée comme un problème par le tribunal ni avant ni pendant l’audience. Ainsi, si le demandeur ou son avocat étaient préoccupés par la compréhension du demandeur de la nature de la procédure, il incombait à ce dernier de prouver ce manque de compréhension, comme il est indiqué dans la décision Abdousafi. Le tribunal ne semble pas avoir d’autre obligation que d’envisager la désignation d’un représentant s’il estime que cela est nécessaire.

[74]      En l’espèce, le demandeur n’a fait aucun aveu avant ou pendant l’audience quant à son incapacité à comprendre la procédure. Ce n’est qu’après le rejet de sa demande qu’il a exprimé son incapacité à comprendre ce qui se passait.

[75]      Le comportement du demandeur pendant l’audience n’a pas porté le tribunal à croire qu’il ne comprenait pas la nature de la procédure. De plus, durant l’instance, ni les parties ni les avocats n’ont indiqué que le demandeur n’était pas en mesure de comprendre ce qui se passait.

[76]      Bien que le tribunal savait que le demandeur souffrait de schizophrénie, rien n’indiquait qu’il ne comprenait pas la nature de la procédure. Ainsi, le Guide [à l’article 7.5] prévoit qu’« il est raisonnable de présumer que la personne en cause est en mesure de comprendre la nature de la procédure ». Les faits de l’espèce pourraient également être comparés à ceux de la décision Sharma où les demandeurs étaient vulnérables psychologiquement.

[77]      Le Guide et la jurisprudence n’indiquent pas que le tribunal doit automatiquement mener une enquête pour savoir si le demandeur comprend la procédure simplement parce qu’il souffre de schizophrénie ou d’une autre maladie mentale. La jurisprudence et le Guide semblent plutôt indiquer que le tribunal peut mener une telle enquête s’il le juge nécessaire en fonction des rapports médicaux concernant l’état mental de la personne ou des difficultés constatées lors de rencontres et d’échanges avant ou pendant l’audience.

[78]      En l’espèce, le tribunal n’a rien remarqué qui portait à croire que la désignation d’un représentant était nécessaire. De plus, ni les avocats ni les parties à l’audience (y compris le demandeur) ne se sont dits préoccupés par la capacité du demandeur à comprendre la nature de la procédure avant ou pendant l’audience. Par conséquent, je ne crois pas qu’il y ait eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce. De plus, la législation et les directives dans ce domaine n’indiquent pas que le tribunal est tenu d’informer le demandeur de la possibilité de lui désigner un représentant, à moins que le commissaire le juge nécessaire.

Le bon critère

[79]      À mon avis, les conclusions de la SAI concernant la question de savoir si un représentant désigné aurait fait une différence ainsi que son utilisation du mot « aurait » au lieu de « pourrait » doivent être examinées conjointement avec la conclusion de la SAI [au paragraphe 6] portant que rien dans les « éléments associés à sa conduite ou à son attitude [n’]aura[it] dû alerter le tribunal quant à la nécessité de commettre d’office un représentant ». Je n’interprète pas la jurisprudence de la Cour comme signifiant que, même si rien n’aurait dû alerter la SAI quant à la nécessité de désigner un représentant, il y a tout de même manquement à l’équité procédurale dans la mesure où un représentant désigné « aurait pu influer sur l’issue du litige ».

[80]      Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que, en ce qui a trait à cet aspect de la décision, la SAI a appliqué un critère trop rigoureux et aurait dû se demander si un représentant désigné « aurait pu » faire une différence. Voir les décisions Duale, aux paragraphes 20 et 21, et Vashee, au paragraphe 12. Toutefois, la question de savoir si le tribunal s’est conformé au paragraphe 167(2) en l’espèce et s’il a correctement examiné cette question n’est toujours pas résolue. Comme je suis d’avis qu’il n’y a eu aucune erreur susceptible de contrôle à cet égard, la décision doit être maintenue. La question de savoir si un représentant désigné aurait pu faire une différence, ou aurait fait une différence, était un motif subsidiaire pour rejeter la demande de réouverture.

La certification

[81]      Le demandeur a proposé que la question suivante soit certifiée :

Lorsqu’il est prouvé que le demandeur souffre d’une maladie mentale, la SAI a‑t‑elle l’obligation de déterminer, conformément au par. 167(2), si le demandeur est en mesure de comprendre la nature de la procédure d’appel? Dans l’affirmative, quelles sont les mesures formelles que la Commission devrait prendre dans l’instance pour s’acquitter de son obligation?

Les observations des parties

Le demandeur

[82]      Le demandeur prétend que cette question satisfait au critère applicable en matière de certification, puisqu’il s’agit d’une question grave de portée générale qui serait déterminante quant à l’issue de l’appel. Voir l’arrêt Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, au paragraphe 11.

[83]      La question est de portée générale parce qu’elle s’applique à toutes les personnes souffrant d’une maladie mentale qui comparaissent devant le tribunal. Les personnes atteintes d’une maladie mentale sont vulnérables, et il est impératif que les garanties procédurales dont elles bénéficient soient claires et bien définies pour veiller à ce qu’elles puissent participer efficacement à l’audience.

[84]      Bien que le paragraphe 167(2) de la Loi confère aux décideurs le pouvoir discrétionnaire de déterminer si la désignation d’un représentant est nécessaire, ce pouvoir doit néanmoins être exercé de manière à assurer l’équité procédurale. Selon le demandeur, [traduction] « les règles et les restrictions quant à l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne sont pas inhérentes à la loi, et la jurisprudence sert à définir leur portée ».

[85]      Répondre à la question posée par le demandeur permettrait de déterminer si le tribunal a l’obligation d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 167(2) et de se faire une opinion quant à savoir si une personne est capable de comprendre la nature de la procédure. Cela permettrait également de préciser les obligations d’équité procédurale qui doivent être respectées dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

[86]      Enfin, le demandeur affirme que cette question est déterminante quant à l’issue de son appel, puisque son argument est fondé sur le défaut du tribunal de respecter l’obligation que lui impose la loi de déterminer s’il était capable de comprendre la nature de la procédure. Il est important d’examiner cette affirmation, puisque les parties en l’espèce ne s’entendent pas sur la question de l’existence d’une telle obligation et, le cas échéant, des effets qu’elle entraîne.

Le défendeur

[87]      Selon le défendeur, [traduction] « il ne convient pas de certifier une question en l’espèce puisque les faits ne suffisent pas à justifier une telle certification ».

Les conclusions sur la certification

[88]      Je suis d’accord avec le demandeur pour dire qu’il convient de certifier la question en cause. Bien que le paragraphe 167(2) confère au tribunal le pouvoir discrétionnaire de déterminer si le demandeur peut comprendre la nature de la procédure, il est important que ce pouvoir soit exercé d’une manière équitable sur le plan de la procédure.

[89]      La question en cause est certainement une question grave de portée générale. Voir les arrêts Zazai, précité, et Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129. Cette question est également déterminante quant à l’issue de l’appel. En effet, pour déterminer si le tribunal a adopté les principes d’équité procédurale en s’acquittant de l’obligation que lui impose le paragraphe 167(2) de la Loi, il faut d’abord déterminer quelle est l’obligation précise (le cas échéant) que le tribunal a envers les personnes souffrant d’une maladie mentale suivant cette disposition de la Loi.

[90]      De plus, la question à certifier découle de la question fondamentale en litige, laquelle est examinée dans les motifs. En fonction de ces facteurs, elle satisfait au critère en matière de certification établi dans l’arrêt Varela, précité.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1. La demande est rejetée.

2. La question suivante est certifiée :

Lorsqu’il est prouvé que le demandeur souffre d’une maladie mentale, la SAI a‑t‑elle l’obligation de déterminer, conformément au paragraphe 167(2), si le demandeur est en mesure de comprendre la nature de la procédure d’appel? Dans l’affirmative, quelles sont les mesures formelles que la Commission devrait prendre dans l’instance pour s’acquitter de son obligation?

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