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Référence :

Felipa c. Canada (Citoyenneté et Immigration, 2010 CF 89, [2011] 1 R.C.F. 365

IMM-1086-09

IMM-1086-09

2010 CF 89

Luis Alberto Felipa (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Felipa c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge en chef Lutfy—Ottawa et Toronto, 23 et 24 septembre et par vidéoconférence, 28 octobre 2009; Ottawa, 26 janvier 2010.

Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — Requête interlocutoire contestant la compétence d’un juge suppléant de plus de 75 ans d’instruire et de trancher deux demandes connexes de contrôle judiciaire présentées en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale est une cour supérieure au sens de l’art. 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 — Lorsqu’on interprète les art. 96 à 100 de la Loi constitutionnelle de 1867 dans le contexte historique, tout indique qu’ils n’étaient pas censés s’appliquer à n’importe quelle cour créée par le législateur fédéral dans le cadre de l’exercice de la compétence que lui accorde l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 — Les mots « nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi » paraissant à l’article 101 visaient à accorder au législateur fédéral toute latitude de légiférer relativement à la création, au maintien et à l’organisation des cours fédérales — Ce pouvoir est limité par les mots « pour la meilleure administration des lois du Canada » et par les principes d’indépendance judiciaire, mais non par l’art. 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 — La présomption contre la redondance dans l’interprétation des lois étaye également l’opinion que les cours visées par l’art. 101 ne sont pas des « cours supérieures » au sens de l’art. 99 — La Cour de l’Échiquier a exercé un pouvoir de contrôle dès sa création — Les législateurs fédéraux savaient que la Cour de l’Échiquier était une cour supérieure, créée en vertu de l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 et qu’elle n’était pas visée par l’art. 99 de cette loi — Cette conclusion s’applique également à la Cour fédérale du Canada et à la Cour fédérale — L’art. 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales (qui vise les juges suppléants) ne porte pas atteinte à la doctrine de la séparation des pouvoirs — Requête rejetée.

Juges et tribunaux — Requête interlocutoire contestant la compétence d’un juge suppléant de plus de 75 ans d’instruire et de trancher deux demandes connexes de contrôle judiciaire présentées en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — Il s’agissait de savoir si l’art. 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales empêche une personne de plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant de la Cour fédérale — Un juge suppléant n’est pas un juge de la Cour fédérale au sens de l’art. 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales et il n’exerce pas la charge de juge de la Cour fédérale — Les juges suppléants sont exclus de la définition de « juge » dans la Loi sur les juges — Le pouvoir en vertu de l’art. 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales de demander à un juge d’une cour supérieure retraité d’agir comme juge suppléant n’est donc pas limité par l’âge de la retraite obligatoire mentionné à l’art. 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

Interprétation des lois — Requête interlocutoire contestant la compétence d’un juge suppléant de plus de 75 ans d’instruire et de trancher deux demandes connexes de contrôle judiciaire présentées en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — L’interprétation des art. 8 et 10 de la Loi sur les Cours fédérales étaye aussi la conclusion portant qu’un juge d’une cour supérieure retraité de plus de 75 ans peut agir comme juge suppléant — Les modifications apportées à la version française de l’art. 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne modifient pas le sens ou l’application de la loi — La version anglaise est demeurée en grande partie inchangée depuis son entrée en vigueur — Un examen de l’historique législatif de l’art. 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne démontre pas que la refonte de la version française de cette disposition visait à modifier l’état du droit tel qu’il a été formulé par le législateur il y a plus de 50 ans — Le même raisonnement s’appliquait aux différences qui figurent dans le libellé du paragraphe 10(1.1) de la Loi.

Il s’agissait d’une requête interlocutoire contestant la compétence d’un juge suppléant de plus de 75 ans d’instruire et de trancher deux demandes connexes de contrôle judiciaire présentées en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Les deux demandes connexes contestaient la décision rejetant la demande fondée sur des considérations humanitaires et la décision rejetant la demande d’examen des risques avant renvoi présentées par le demandeur.

Les deux questions principales en l’espèce étaient celles de savoir si la Cour fédérale est une cour supérieure au sens du paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 et si le paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales empêche une personne de plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant de la Cour fédérale.

Jugement : la requête doit être rejetée.

1) Bien que la Loi constitutionnelle de 1867 soit [traduction] « un arbre susceptible de croître et de se développer à l’intérieur de ses limites naturelles », elle est enracinée dans le passé et dans l’intention de son rédacteur. Lorsqu’on interprète les articles 96 à 100 de la Loi constitutionnelle de 1867 dans le contexte historique de 1867, tout indique qu’ils n’étaient pas censés s’appliquer à n’importe quelle cour créée par le législateur fédéral dans le cadre de l’exercice de la compétence que lui accorde l’article 101.

Les mots « nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi » paraissant à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 sont clairs et non équivoques et ne sont limités par aucun renvoi à d’autres articles de cette loi. Ces mots visaient à accorder au législateur fédéral toute latitude de légiférer relativement à la création, au maintien et à l’organisation des cours fédérales. Ce vaste pouvoir est limité par les mots « pour la meilleure administration des lois du Canada » et par les principes d’indépendance judiciaire, mais non par l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867.

La présomption contre la redondance dans l’interprétation des lois étaye également l’opinion que les cours visées par l’article 101 ne sont pas des « cours supérieures » au sens de l’article 99. Cet article, et aucune autre disposition législative, traite de la révocation et la retraite obligatoire des juges des cours supérieures provinciales. Les dispositions concernant la révocation et l’âge de la retraite des juges des cours fédérales ont été adoptées par le législateur fédéral dans des lois distinctes. Qui plus est, les débats et l’historique législatif entourant l’âge de la retraite des juges de la Cour de l’Échiquier et de la Cour fédérale du Canada en 1927 et en 1970, ainsi que les débats concernant l’introduction de la retraite obligatoire à l’âge de 75 ans pour les juges des cours supérieures provinciales en 1960, étayent davantage la conclusion selon laquelle l’article 99 ne s’applique pas aux cours fédérales créées en vertu de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

La Cour de l’Échiquier a toujours été une cour de première instance ayant un pouvoir de surveillance. Dès sa création, sa compétence cadrait avec sa qualification de cour supérieure et elle a exercé un pouvoir de contrôle. Le fait que les décisions étaient définitives constitue un autre indicateur important. Si la Cour outrepassait sa compétence, le seul recours dont disposait une partie était d’interjeter appel, l’une des caractéristiques d’une cour supérieure. Les législateurs fédéraux savaient que la Cour de l’Échiquier était une cour supérieure, créée en vertu de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 et qu’elle n’était pas visée par l’article 99. Selon eux, l’âge de la retraite obligatoire des juges des cours visées par l’article 101, et en particulier les juges de la Cour de l’Échiquier, pouvait être fixé et modifié ultérieurement sans égard à l’article 99 et sans qu’il soit nécessaire d’apporter un amendement constitutionnel. En 1970, lorsque le législateur fédéral a adopté la Loi sur la Cour fédérale dans laquelle il a désigné la Cour de l’Échiquier sous le nouveau nom de Cour fédérale du Canada, l’article 3 de cette loi disposait que la Cour fédérale du Canada demeurait une cour supérieure d’archives. Cette disposition avait pour effet de préserver le statut de cour supérieure de la Cour de l’Échiquier tout en lui attribuant le nouveau nom de Cour fédérale du Canada. Par conséquent, la conclusion selon laquelle la Cour de l’Échiquier n’était pas régie par l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique également à la Cour fédérale du Canada et à la Cour fédérale.

2) Le paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales n’interdit pas à une personne de plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant de la Cour fédérale. Cette conclusion était fondée sur l’historique législatif des juges suppléants à la Cour de l’Échiquier et à la Cour fédérale et sur les exigences en matière d’admissibilité en ce qui concerne les juges suppléants. Un juge suppléant n’est pas un juge de la Cour fédérale au sens du paragraphe 8(2) et il n’« exerce pas la charge » de juge de la Cour fédérale. Ils ne peuvent donc pas cesser d’occuper un poste qu’ils n’ont jamais occupé. La condition d’admissibilité pour pouvoir agir comme juge suppléant de la Cour fédérale est énoncée au paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales et elle vise deux catégories de juges suppléants : les juges actuels et les anciens juges. La deuxième catégorie était en cause en l’espèce. Les juges suppléants sont exclus de la définition de « juge » dans la Loi sur les juges. Le terme juge suppléant n’est défini dans aucune loi. Le paragraphe 10(1.1) ne définit pas un juge suppléant comme étant un juge de la Cour fédérale. La disposition prévoit également qu’un juge suppléant, pendant qu’il assume cette fonction, a tous les pouvoirs d’un juge de la Cour fédérale. Elle ne crée toutefois pas un autre poste de juge. Le juge suppléant n’occupe pas le poste de juge de la Cour fédérale au sens de l’article 5.1 ou de l’article 8 de la Loi sur les Cours fédérales. En bref, le pouvoir de demander à un juge d’une cour supérieure retraité d’agir comme juge suppléant n’est pas limité par l’âge de la retraite obligatoire mentionné au paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

L’interprétation des articles 8 et 10 de la Loi sur les Cours fédérales étaye aussi la conclusion portant qu’un juge d’une cour supérieure retraité de plus de 75 ans peut agir comme juge suppléant. Les modifications apportées à la version française du paragraphe 8(2) dans le cadre du processus de refonte des lois de 1985 ne peuvent pas être considérées comme modifiant le sens ou l’application de la loi. La version anglaise du paragraphe 8(2), qui reflète le paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867, est demeurée en grande partie inchangée depuis son entrée en vigueur. Un examen de l’historique législatif du paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne démontre pas que la refonte de 1985 de la version française de cette disposition visait à modifier l’état du droit tel qu’il a été formulé par le législateur il y a plus de 50 ans. Le même raisonnement s’appliquait aux différences qui figurent dans le libellé du paragraphe 10(1.1). Le Parlement n’avait donc pas l’intention de changer le sens de la loi lorsque les libellés des versions françaises du paragraphe 8(2) et 10(1.1) ont été modifiés.

Enfin, le paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales ne porte pas atteinte à la doctrine de la séparation des pouvoirs. Le juge en chef ne nomme pas un juge de la Cour fédérale; il demande plutôt à un juge, actuel ou ancien, d’agir comme juge de la Cour fédérale en vertu d’une autorisation générale de la part de la branche exécutive du gouvernement. Ce mécanisme est limité par l’exigence que seul un juge, actuel ou ancien, d’une cour supérieure, de comté ou de district du Canada peut agir à ce titre et par le fait que la demande ne peut être présentée qu’avec l’approbation du gouverneur en conseil.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Acte à l’effet de modifier l’Acte des cours Suprême et de l’Échiquier, et d’établir de meilleures dispositions pour l’instruction des réclamations contre la Couronne, S.C. 1887, ch. 16, art. 3, 4.

Acte concernant le Gouverneur Général, la liste civile et les salaires de certains fonctionnaires publics, S.C. 1868, ch. 33.

Acte concernant les Arbitres Officiels, S.C. 1879, ch. 8, art. 2.

Acte de Juridiction Maritime, 1877, S.C. 1877, ch. 21.

Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, S.C. 1875, ch. 11, art. 2, 5, 6, 58, 59.

Acte de l’Amirauté, 1891, S.C. 1891, ch. 29, art. 3, 14.

Acte des Brevets de 1872, S.C. 1872, ch. 26, art. 29.

Acte des douanes modifié, 1888, S.C. 1888, ch. 14, art. 2.

Acte des expropriations, S.C. 1889, ch. 13, art. 21.

Acte des Pétitions de Droit, 1876, S.C. 1876, ch. 27, art. 4.

Acte modifiant l’Acte concernant les droits d’auteur, S.C. 1890, ch. 12, art. 1.

Acte modifiant l’Acte des brevets, S.C. 1890, ch. 13, art. 1.

Acte modifiant l’Acte relatif aux marques de commerce et aux dessins de fabrique, S.C. 1890, ch. 14, art. 2, 3.

Acte pour établir de nouvelles dispositions au sujet de la Cour suprême et de la Cour de l’Échiquier du Canada, S.C. 1876, ch. 26, art. 18.

Charte canadienne des droits et libertés qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 15.

Colonial Courts of Admiralty Act, 1890, 53-54 Vict., ch. 27 (R.-U.).

Décret C.P. 2003-1779.

Loi antidumping, S.C. 1968-69, ch. 10, art. 30(2).

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict. ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 92(14), 96, 97, 98, 99, 100, 101, 129.

Loi de 1946 sur les juges, S.C. 1946, ch. 56, art. 2c) « cour supérieure ».

Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Loi de la cour de l’Échiquier, S.R.C. 1927, ch. 34, art. 5, 8, 9.

Loi de l’Impôt de Guerre sur le Revenu, 1917, S.C. 1917, ch. 28, art. 17, 18.

Loi de l’impôt sur les biens transmis par décès, S.C. 1958, ch. 29, art. 24.

Loi des juges, S.R.C. 1906, ch. 138, art. 4.

Loi d’interprétation, S.C. 1967-68, ch. 7, art. 28(36) « Cour supérieure », 35.

Loi modifiant la Loi sur la cour de l’Échiquier, S.C. 1920, ch. 26, art. 2.

Loi modifiant la Loi sur la cour de l’Échiquier, S.C. 1926-27, ch. 30, art. 1, 5, 8, 9.

Loi modifiant la Loi sur la cour de l’Échiquier (Juridiction exclusive), S.C. 1932-33, ch. 13, art. 1.

Loi modifiant la Loi sur les juges, la Loi sur la Cour fédérale et la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.C. 1987, ch. 21, art. 7.

Loi sur la Cour de l’Échiquier, S.R.C. 1952, ch. 98, art. 5, 8, 9.

Loi sur la Cour fédérale, S.C. 1970-71-72, ch. 1, art. 2 « juge », 3, 8, 10(1).

Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10, art. 8(2).

Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26, art. 3 (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 115(F)), 53.

Loi sur la radiodiffusion, S.C. 1967-68, ch. 25, art. 26(3).

Loi sur la révision et la codification des textes législatifs, L.R.C. (1985), ch. S-20, art. 1 (mod. par L.C. 2000, ch. 5, art. 60), 6e),f), 30 (édicté, idem, art. 71), 31(2) (édicté, idem).

Loi sur les Cour fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 5.1 (édicté, idem, art. 16), 5.2 (édicté, idem), 5.3 (édicté, idem), 7 (mod., idem, art. 17; 2006, ch. 11, art. 22 (A)), 8 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 18), 10 (mod., idem, art. 19), 15 (mod., idem, art. 23), 27 (mod., idem, art. 34), 57 (mod., idem, art. 54).

Loi sur les eaux internes du Nord, S.C. 1969-70, ch. 66, art. 21(3).

Loi sur les juges, L.R.C. (1985), ch. J-1, art. 2 « juge » (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 82(A)), 5.1 (mod., idem, art. 16).

Loi sur les Lois révisées du Canada (1985), L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 40, art. 4, 12, 13, 14, 15.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194), 73, 74.

Loi sur l’Office national de l’énergie, S.C. 1959, ch. 46, art. 19(1),(2),(3).

Projet de loi C-172, Loi concernant la Cour fédérale du Canada, 3e sess., 28e lég., 1970.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 400(3)o).

Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (mod. par DORS/2005-339, art. 1), règle 22 (mod. par DORS/2002-232, art. 11).

Supreme Court of Judicature Act, 1873, 36 & 37 Vict., ch. 66, art. 3, 4 (R.-U.).

JURISPRUDENCE CITÉE

décision non suivie :

Addy c. La Reine, [1985] 2 C.F. 452 (1re inst.).

décisions examinées :

Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Edwards, Henrietta Muir v. Attorney-General for Canada, [1930] A.C. 124 (C.P.); Renvoi : Circ. Électorales provinciales (Sask.), [1991] 2 R.C.S. 158; Attorney-General for Ontario and Others v. Attorney-General for Canada and Others and Attorney-General for Quebec, (C.P.); Bande indienne Tsartlip c. Fondation du saumon du Pacifique, [1990] 1 C.F. 609 (1re inst.); Re MacDonald, [1930] 2 D.L.R. 177, [1930] 1 W.W.R. 242, 38 Man. L.R. 446 (C.A. Man.); Commonwealth of Puerto Rico c. Hernandez, [1975] 1 R.C.S. 228; R. c. Blais, 2003 CSC 44, [2003] 2 R.C.S. 236; International Minerals and Chemical Corpn. v. Potash Co. of America et al., [1965] R.C.S. 3; Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673; Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard; Renvoi relatif à l’indépendance et à l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard; R. c. Campbell; R. c. Ekmecic; R. c. Wickman; Manitoba Provincial Judges Assn. c. Manitoba (Ministre de la Justice), [1997] 3 R.C.S. 3.

décisions citées :

The Woron, [1927] A.C. 906 (C.P.); Nanaimo Community Hotel Ltd. v. Board of Referees appointed under The Excess Profits Tax Act (1944-45), 61 B.C.R. 354, [1945] 3 D.L.R. 225, [1945] 2 W.W.R. 145 (C.A.); James Richardson & Sons Limited v. Minister of National Revenue (1981), 6 Man. R. (2d) 132, 117 D.L.R. (3d) 557, [1981] 2 W.W.R. 357 (Q.B.); R. c. Reddick, [1996] A.C.A.C. no 9 (C.A.C.M.); Mayor and Aldermen of the City of London v. Cox (1867) 2 L.R. (H.L.) 239; Lees c. La Reine, [1974] 1 C.F. 605 (1re inst.); Three Rivers Boatman Limited c. Conseil Canadien des Relations Ouvrières et al., [1969] R.C.S. 607; Continental Oil Co. v. Commissioner of Patents, [1934] R.C.É. 244; Gamache, Herman E. v. D.R. Jones et al., [1967] 1 R.C.É. 308; The Queen v. Bank of Nova Scotia (1885), 11 R.C.S. 1; Hodge c. Béique et al. (1908), 33 Que. S.C. 90; Société Radio-Canada et autre c. Commission de police du Québec, [1979] 2 R.C.S. 618; Sarvanis c. Canada, 2002 CSC 28, [2002] 1 R.C.S. 921; Flota Cubana de Pesca (Flotte de pêche cubaine) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 2 C.F. 303 (C.A.); Beothuk Data Systems Ltd., Division Seawatch c. Dean, [1998] 1 C.F. 433 (C.A.); Goodswimmer c. Canada (Procureur général), [1995] 2 C.F. 389 (C.A.); Ligue des droits de la personne de B’nai Brith Canada c. Canada, 2009 CF 647, [2010] 3 R.C.F. 39; Charkaoui (Re), 2004 CAF 421, [2005] 2 R.C.F. 299; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391.

DOCTRINE CITÉE

Black’s Law Dictionary, 5e éd. St. Paul, Minn. : West Pub. Co., 1979, « court of record ».

Bushnell, Ian. The Federal Court of Canada: A History, 1875-1992. Toronto : University of Toronto Press, 1997.

Canada. Chambre des communes. Comité permanent de la justice et des questions juridiques. Procès-verbaux et témoignages, fascicule no 31 (26 mai 1970).

de Smith, S. A. Judicial Review of Administrative Action, 2e éd. Londres : Stevens & Sons Ltd., 1968.

Débats de la Chambre des communes, vol. III, 4e sess., 13e lég. (10 mai 1920), aux pages 2248 à 2250.

Débats de la Chambre des communes, vol. I, 1re sess., 16e lég. (10 mars 1927), aux pages 1076 et 1077 (L’hon. Lapointe).

Débats de la Chambre des communes, vol. V, 3e sess., 24e lég. (14 juin 1960), aux pages 5095 à 5148.

Débats de la Chambre des communes, vol. VII, 3e sess., 24e lég. (29 juillet 1960), aux pages 7499 à 7515.

Débats de la Chambre des communes, vol. V, 2e sess., 27e lég. (19 décembre 1967), à la page 5635.

Débats de la Chambre des communes, vol. V, 2e sess., 28e lég. (25 mars 1970), à la page 5474 (L’hon. John Turner).

Débats de la Chambre des communes, vol. IV, 2e sess., 33e lég. (27 mars 1987), à la page 4643.

Débats du Sénat, 3e sess., 24e lég. (21 juin 1960), aux pages 895 à 901.

Halsbury’s laws of England, 3e éd., vol. 9, Londres : Butterworths, 1954.

Jobin, Jean-François. L’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 et les organismes inférieurs d’appel. Cowansville, Québec : Yvon Blais, 1984.

Lewis, Clive. Judicial Remedies in Public Law, 4e éd. Londres : Sweet & Maxwell, 2009.

Stone, Arthur J. « Canada’s Admiralty Court in the Twentieth Century » (2002), 47 R.D. McGill 511, en ligne : <http://lawjournal.mcgill.ca/documents/47.3.Stone.pdf>.

Strauss, Marina. « Understaffed Federal Court forced to use retired judge », The Globe and Mail, 30 août 1982, à la p. A5.

Sullivan, R. Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. Markham, Ont. : LexisNexis Canada, 2008.

REQUÊTE contestant la compétence d’un juge suppléant de la Cour fédérale de plus de 75 ans d’instruire et de trancher deux demandes connexes de contrôle judiciaire présentées en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Requête rejetée.

ONT COMPARU

Rocco Galati pour le demandeur.

Gina M. Scarcella et Jamie R. D. Todd pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Galati, Rodrigues & Associates, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1] Le juge en chef Lutfy : La présente instance porte fondamentalement sur la question de savoir si une personne âgée de plus de 75 ans peut agir comme juge suppléant de la Cour fédérale.

[2] Cette question comporte deux questions principales :

a. La Cour fédérale est-elle une cour supérieure au sens du paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]]?

b. Le paragraphe 8(2) [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 18] de la Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)] empêche-t-il une personne de plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant de la Cour fédérale?

[3] Ces deux questions soulèvent des questions similaires d’interprétation législative. Toutefois, comme la première question vise une disposition constitutionnelle et que l’autre question vise une loi fédérale, il est préférable que chacune d’elles soit traitée séparément.

L’historique des procédures

[4] Le 16 août 2009, le demandeur a demandé l’ajournement de l’audience relative à la présente demande de contrôle judiciaire, qui était prévue pour le mardi 18 août 2009, pour le motif que le juge qui aurait présidé l’audience, un juge suppléant ayant plus de 75 ans, [traduction] « n’avait pas compétence et n’était plus juge d’une cour (supérieure), que ce soit au regard de l’article 96 ou de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 et n’avait pas compétence pour instruire une cause, que ce soit au regard de la Loi sur les Cours fédérales ou de la Loi sur les juges ».

[5] Le 18 août 2009, après avoir entendu les plaidoiries des deux parties, l’audience a été ajournée à une date devant être fixée par le bureau de l’administrateur judiciaire.

[6] Le 19 août 2009, l’audience a été reportée au mercredi 30 septembre 2009. Il a de plus été ordonné que toute requête préliminaire contestant la compétence d’un juge suppléant de plus de 75 ans d’instruire et de trancher la présente instance soit déposée au plus tard le 31 août 2009. Contrairement à la pratique habituelle de la Cour, on a relevé, comme fondement factuel de contestation, que le nom d’un juge suppléant de plus de 75 ans figurait sur le calendrier à titre de juge qui présiderait l’audience.

[7] Le demandeur a fait valoir sa contestation, les parties ont déposé leurs documents de requête respectifs et un avis de question constitutionnelle a été signifié et déposé en conformité avec l’article 57 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 54] de la Loi sur les Cours fédérales. L’audience concernant la requête du demandeur a été fixée aux 23 et 24 septembre 2009 et elle a été complétée par des prétentions supplémentaires, demandées par la Cour, le 28 octobre 2009.

[8] Le juge suppléant affecté à la présente instance a exercé comme juge de la Cour supérieure de la province de Québec jusqu’à son 75e anniversaire, après quoi il a quitté son poste.

[9] Lorsque le demandeur a déposé sa contestation, plusieurs autres juges agissaient parfois à l’occasion comme juge suppléant. Certains ont été nommés après avoir été juge de la Cour fédérale. Trois juges ont été nommés après avoir été juge de la Cour supérieure du Québec. Chaque juge suppléant avait plus de 75 ans, sauf un qui avait pris une retraite anticipée de la Cour fédérale.

[10] Le juge en chef de la Cour fédérale a demandé aux juges suppléants, qui avaient tous été juge d’une cour supérieure au Canada, d’agir comme juge de la Cour fédérale en conformité avec le paragraphe 10(1.1) [mod., idem, art. 19] de la Loi sur les Cours fédérales et avec le décret connexe C.P. 2003-1779, daté du 6 novembre 2003[1].

[11] Je vais maintenant me pencher sur la première des deux principales questions à examiner.

L’âge obligatoire de la retraite à 75 ans prévu au paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique‑t‑il aux juges suppléants de la Cour fédérale?

[12] Les dispositions relatives à la magistrature figurent aux articles 96 à 101 de la partie VII de la Loi constitutionnelle de 1867 intitulée « Judicature »[2]. Ces articles délimitent la compétence du législateur fédéral en ce qui a trait à l’appareil judiciaire du Canada. La compétence législative des législatures provinciales est énoncée au paragraphe 92(14) et à l’article 129. La compétence législative quant à la création, le maintien et l’organisation de cours de justice provinciales, supérieures ou autres, a été accordée aux législatures provinciales par le paragraphe 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867. L’article 129 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que tous les tribunaux existants des provinces continueront d’exister, mais qu’ils pourront néanmoins être révoqués par l’autorité législative compétente.

[13] Quatre des six dispositions relatives à la magistrature, c’est-à-dire les articles 96, 99, 100 et 101, sont particulièrement pertinentes en l’espèce.

[14] L’article 96 confère au gouverneur général le pouvoir de nommer les « juges des cours supérieures, de district et de comté dans chaque province » (non souligné dans l’original). Il est admis que cette disposition, ainsi que les articles 97 et 98, ne s’appliquent pas à la Cour fédérale ni à une autre cour établie en vertu de l’article 101.

[15] Le paragraphe 99(1) régit la révocation des juges des cours supérieures et le paragraphe 99(2) mentionne qu’un juge cessera d’occuper sa charge lorsqu’il aura atteint l’âge de 75 ans.

[16] Contrairement à l’article 96 qui fait mention des « juges des cours supérieures, de district et de comté dans chaque province », le libellé des paragraphes 99(1) et (2) ne fait mention, respectivement, que des « juges des cours supérieures » et d’« un juge d’une cour supérieure ». Chacun des articles 96 à 98 fait mention d’une ou de plusieurs cours provinciales existantes au moment de la Confédération.

[17] L’article 100 prévoit que les rémunérations des juges des « cours supérieures, de district et de comté […] et des cours de l’Amirauté » seront fixées et payées par le parlement du Canada. Son application n’est pas explicitement limitée par les mots « dans chaque province ».

[18] Pendant les premiers 30 ans d’existence des cours mentionnées à l’article 101, le salaire des juges de ces cours a été fixé dans des lois distinctes de celles fixant le salaire des juges des cours supérieures provinciales[3]. À partir de 1906, le législateur fédéral a fixé le salaire de tous les juges des cours supérieures en vertu de la « Loi concernant les juges des cours tant fédérales que provinciales », communément appelée la Loi des juges[4]. Selon moi, c’est un signe que le législateur fédéral exerçait son obligation de fixer les salaires des juges du « dominion » en vertu de l’article 101 et des juges « provinciaux » en vertu de l’article 100 et qu’il a éventuellement choisi de le faire dans le même texte législatif.

[19] La mention exceptionnelle des cours de l’Amirauté à l’article 100 démontre que, en 1867, les gouvernements coloniaux, et par la suite, le législateur fédéral, rémunéraient les juges des cours de Vice‑Amirauté constituées et dotées en personnel par le pouvoir impérial[5].

[20] Par conséquent, je ne souscris pas à l’affirmation du demandeur selon laquelle l’article 100 s’applique clairement aux cours visées par l’article 101. Le fait qu’il invoque les mots « Cours de l’Amirauté » est pratiquement une admission que, autrement, la Cour de l’Échiquier n’aurait pas relevé de l’article 100. Les cours de l’Amirauté de 1867 n’étaient ni des cours fédérales ni des cours provinciales et, quoi qu’il en soit, elles ont été abolies en 1891 par l’entrée en vigueur de l’article 17 de la Colonial Courts of Admiralty Act, 1890.

[21] Enfin, l’article 101, une disposition relative à la magistrature distincte des autres, accorde au Parlement du Canada, nonobstant toute disposition contraire figurant dans la Loi constitutionnelle de 1867, le pouvoir de créer une cour générale d’appel pour le Canada et d’établir des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada.

[22] Le cœur de l’argument du demandeur concernant les dispositions relatives à la magistrature est que l’absence des termes qualitatifs « dans chaque province » rend l’article 99 applicable à toutes les « cours supérieures », notamment à toutes les cours établies en vertu de l’article 101. Je ne souscris pas à cet argument.

[23] Il est maintenant clairement établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21.

[24] J’accepte la prétention du demandeur selon laquelle la Constitution est [traduction] « un arbre susceptible de croître et de se développer à l’intérieur de ses limites naturelles » et qu’elle devrait être interprétée en conséquence : Edwards, Henrietta Muir v. Attorney-General, for Canada, [1930] A.C. 124 (C.P.), à la page 136.

[25] La doctrine de l’arbre vivant possède « ses limites naturelles ». C’est ce que la Cour suprême du Canada a fait remarquer dans l’arrêt Renvoi : Circ. Électorales provinciales (Sask.), [1991] 2 R.C.S. 158, à la page 180 :

La doctrine qui compare la Constitution à un arbre nous oblige à écarter les interprétations étroites et formalistes […] Elle indique aussi que le passé joue un rôle critique mais non-exclusif dans la détermination du contenu des droits et libertés conférés par la Charte. L’arbre est enraciné dans les institutions passées et présentes, mais il doit pouvoir croître pour faire face à l’avenir.

[26] La question de savoir si la Cour fédérale est une cour supérieure au sens du paragraphe 99(2) n’est pas une décision qui doit être prise dans l’abstrait. La Constitution demeure souple et elle est susceptible de croître, mais elle est enracinée dans le passé et dans l’intention de son rédacteur. Je me penche maintenant sur l’historique des dispositions relatives à la magistrature.

[27] En 1867, les seules cours au Canada que l’on appelait cours supérieures étaient les cours supérieures provinciales. En raison des liens historiques avec les hautes cours d’Angleterre, chaque cour supérieure provinciale était considérée comme étant une cour d’instance supérieure à l’intérieur de sa compétence. Les articles 96 à 100, pour reprendre les mots utilisés dans le mémoire du défendeur, [traduction] « énoncent un certain nombre de règles précises concernant certaines cours

de première instance qui ont succédé aux cours centrales du roi d’Angleterre qui existaient à l’époque de la Confédération ».

[28] En effet, je suppose que les mots « cours supérieures », dans le langage juridique employé lors de la création du Canada, faisaient exclusivement référence aux cours supérieures provinciales, du moins jusqu’en 1946, année où le législateur fédéral a inclus la Cour suprême du Canada et la Cour de l’Échiquier dans la définition législative de cours supérieures[6]. Bien que je ne tranche pas la question sur ce point, la présomption que j’ai faite est fondée sur mon examen de la volumineuse documentation qui m’a été soumise.

[29] Lorsqu’on interprète les articles 96 à 100 dans le contexte historique de 1867, en gardant à l’esprit l’intention des rédacteurs, tout indique qu’ils n’étaient pas censés s’appliquer à n’importe quelle cour créée par le législateur fédéral dans le cadre de l’exercice de la compétence que lui accorde l’article 101.

[30] Cette interprétation est également étayée par : a) le mot « nonobstant » utilisé à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867; b) la présomption contre la redondance dans l’interprétation des lois; et c) les débats de la Chambre des communes introduisant en 1927 l’âge de la retraite obligatoire des juges des cours mentionnées à l’article 101 et en introduisant en 1960 l’âge de la retraite obligatoire des juges des cours supérieures provinciales. De plus, je vais examiner d) le statut et la compétence de la Cour de l’Échiquier.

a)  « nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi » : article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867

[31] Les mots « nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi » sont clairs et non équivoques et ne sont limités par aucun renvoi à d’autres articles de la Loi constitutionnelle de 1867. Par conséquent, lorsque le législateur fédéral crée des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada, il n’est limité par aucun article de la Loi constitutionnelle de 1867, notamment le paragraphe 92(14), les articles 96 à 100 et l’article 129. Les rédacteurs voulaient accorder au législateur fédéral le pouvoir de créer une cour générale d’appel et des tribunaux additionnels tant que la création des tribunaux additionnels avait pour but « la meilleure administration des lois du Canada ».

[32] Cette conclusion est compatible avec l’interprétation large de l’article 101 faite par le Comité judiciaire du Conseil privé dans Attorney-General for Ontario and Others v. Attorney-General for Canada and Others and Attorney-General for Quebec, [1947] A.C. 127, à la page 153. Le Conseil privé a conclu que le Parlement avait le pouvoir d’établir une cour d’appel de dernier recours pour le Canada nonobstant le paragraphe 92(14) et l’article 129 de la Loi constitutionnelle de 1867 :

[traduction] [...] l’article 101 confère un pouvoir législatif au Parlement du Dominion qui, selon son libellé, l’emporte sur tout pouvoir conféré par l’article 92 aux provinces ou préservé par l’article 129. Les mots « nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi » qui figurent à l’article 101 doivent être pris en compte. Ils confèrent au Dominion plein pouvoir de légiférer en matière de compétence d’appel, la seule limite est externe à cette Loi: elle est posée par le pouvoir souverain du Parlement impérial. [Non souligné dans l’original.]

[33] Les cours canadiennes ont également interprété l’article 101 de façon large[7].

[34] Les mots « nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi » visaient à accorder au législateur fédéral toute latitude de légiférer relativement à la création, le maintien et l’organisation des cours fédérales. Ce vaste pouvoir est limité par les mots « pour la meilleure administration des lois du Canada » et par les principes d’indépendance judiciaire, mais non par l’article 99.

b)  La présomption contre la redondance dans l’interprétation des lois

[35] La présomption contre la redondance dans l’interprétation des lois étaye également l’opinion que les cours visées par l’article 101 ne sont pas des « cours supérieures » au sens de l’article 99.

[36] L’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867, et aucune autre disposition législative, traite de la révocation et la retraite obligatoire des juges des cours supérieures provinciales. Une situation différente a été créée pour les juges visés par l’article 101. Les dispositions concernant la révocation et l’âge de la retraite des juges des cours fédérales ont été adoptées par le législateur fédéral dans des lois distinctes.

[37] Déjà en 1875, dans la loi qui a créé la Cour suprême du Canada et la Cour de l’Échiquier du Canada, le législateur fédéral a prévu que les juges des deux nouvelles cours « resteront en charge durant bonne conduite; mais le Gourverneur-Général pourra démettre tout juge de ses fonction, sur l’adresse du Sénat et de la Chambre des Communes »[8]. Ce libellé concernant la révocation des juges est pratiquement identique à ce qui était alors l’article 99, et de ce qui depuis 1960 constitue le paragraphe 99(1) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[38] Les modifications de 1887, qui prévoyaient la séparation de la Cour de l’Échiquier de la Cour suprême, conservaient la même disposition concernant la révocation des juges de la Cour de l’Échiquier[9]. Elle est toujours en vigueur aujourd’hui dans la Loi sur les Cours fédérales[10].

[39] Les lois provinciales en matière d’organisation judiciaire, contrairement à la Loi sur les Cours fédérales et les lois qui l’ont précédée, ne comportent aucune disposition qui reprend les exigences relatives à la bonne conduite ou à l’âge qui figurent respectivement aux paragraphes 99(1) et 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867. Les lois provinciales sont silencieuses sur ces questions concernant les juges qui sont membres des cours supérieures provinciales.

[40] La « réadoption » par le législateur fédéral en 1875 de l’essentiel de l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 est un signe avant‑coureur que les cours visées par l’article 101 n’étaient pas censées être visées par l’article 99.

[41] Les textes législatifs du législateur fédéral sont présumés ne pas être redondants en soi, ni par rapport à d’autres textes législatifs[11]. La répétition des dispositions régissant la révocation et après 1960 la retraite des juges de la Cour suprême, de la Cour de l’Échiquier et, maintenant de la Cour fédérale, serait inutile compte tenu du libellé explicite de l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[42] Ceux qui prétendent que les cours visées par l’article 101 sont visées par l’article 99 doivent expliquer, il me semble, cette redondance législative. Ils doivent également expliquer l’introduction par le législateur fédéral, sans amendement constitutionnel, de l’âge de la retraite obligatoire pour les juges des cours visées par l’article 101, une question que je vais maintenant examiner.

c)  Les débats parlementaires et l’historique législatif concernant l’âge de la retraite obligatoire des juges des cours visées par l’article 101 et des juges des cours supérieures provinciales

[43] Les débats et l’historique législatif entourant l’âge de la retraite des juges de la Cour de l’Échiquier et de la Cour fédérale du Canada en 1927 et en 1970, ainsi que les débats concernant l’introduction de la retraite obligatoire à l’âge de 75 ans pour les juges des cours supérieures provinciales en 1960, étayent davantage la conclusion selon laquelle l’article 99 ne s’applique pas aux cours fédérales créées en vertu de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[44] Dans les paragraphes qui suivent, je traiterai par ordre chronologique de ces débats historiques. Je commencerai par les débats qui portent sur l’âge de la retraite des juges de la Cour de l’Échiquier et je terminerai par la création de la Cour fédérale du Canada, laquelle a succédé à la Cour de l’Échiquier.

[45] En 1867, l’âge de la retraite obligatoire pour les juges des cours supérieures provinciales n’existait pas. Ceux-ci étaient nommés à vie sous réserve de la condition de bonne conduite prévue à l’article 99.

[46] En 1875, lors de la création de la Cour suprême du Canada et de la Cour de l’Échiquier, les juges de ces cours, visées par l’article 101, étaient nommés à vie en conformité avec les dispositions prévues dans les lois habilitantes de ces cours[12].

[47] En 1927, le Parlement a fixé unilatéralement à 75 ans l’âge de la retraite des juges des cours alors visées par l’article 101, c’est-à-dire la Cour suprême et la Cour de l’Échiquier[13]. Le changement s’est fait sans amendement constitutionnel; ceci laisse fortement croire que, selon les parlementaires de l’époque, l’article 99 ne s’appliquait pas aux juges des cours visées par l’article 101.

[48] Au cours du débat parlementaire qui a mené à l’adoption de l’âge de la retraite obligatoire à 75 ans, l’honorable Ernest Lapointe, alors ministre de la Justice, a reconnu que le Parlement pourrait imposer un âge de la retraite obligatoire, mais seulement pour les juges des cours visées par l’article 101. Un amendement constitutionnel serait exigé afin d’introduire un âge de la retraite obligatoire pour les juges des cours supérieures provinciales qui étaient nommés à vie :

Je crains de ne pouvoir réaliser les désirs de mon honorable ami à moins de modifier la loi de l’Amérique britannique du nord. Quant à la Cour suprême et à la Cour d’échiquier nous avons ce droit en vertu de l’article 101 […]

La Cour suprême du Canada et la Cour d’échiquier du Canada ont été instituées et organisées en vertu de l’article 101 de la loi de l’Amérique britannique du nord, d’après lequel, nonobstant toute disposition de cette loi, nonobstant l’article 99 et tout autre article, le Parlement a le droit, en instituant la Cour suprême, de décréter que les juges seront inamovibles, du moins jusqu’à un certain âge. Dans le temps, on n’avait pas mis cette disposition quant à l’âge, mais nous avons le droit de la mettre maintenant […] je ne crois pas que nous ayons le droit de l’appliquer à d’autres tribunaux que ceux d’origine fédérale […]

Nous n’avons pas le droit de limiter la durée des fonctions des juges de la Cour supérieure, mais la constitution ne contient rien de semblable relativement aux juges des cours de comté; ceux‑ci n’ont jamais été assimilés à des juges de la Cour supérieure ou de la Haute cour.

[…]

Rien dans la constitution ne nous défend de régler la durée des fonctions des juges de cours de comté, mais l’article 99 nous interdit de le faire pour les juges de la Cour supérieure ou de la Haute cour.

[…]

Le même obstacle n’existe pas au Canada, heureusement, quant aux tribunaux de constitution fédérale[14] […] [Non souligné dans l’original.]

Les déclarations de M. Lapointe confirment davantage l’opinion du législateur selon laquelle l’article 99 ne s’appliquait pas aux cours fédérales. Une opinion semblable est exprimée quelque 30 ans plus tard.

[49] En 1960, le gouvernement au pouvoir a déposé une ébauche d’une demande, adressée au parlement du Royaume-Uni, visant la modification de l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 en vue d’y fixer à 75 ans l’âge de la retraite obligatoire des juges des cours supérieures, des cours de comté et des cours de district[15]. Ce constat qu’un amendement constitutionnel était nécessaire, près d’un siècle après que la durée des fonctions de ces juges ait été fixée à vie et 30 ans après que le législateur fédéral, de son propre chef, ait abaissé l’âge de la retraite obligatoire des juges de la Cour suprême et de la Cour de l’Échiquier, est une autre démonstration que l’article 99 a été considéré comme s’il ne s’appliquait pas aux cours créées en vertu de l’article 101.

[50] Le gouvernement et l’opposition conviennent tous les deux que le législateur fédéral avait compétence pour limiter la durée des fonctions des juges des cours visées par l’article 101, des cours provinciales et des cours de district. L’une des principales inquiétudes soulevées dans les débats par l’opposition était que l’inclusion des cours de district et des cours de comté au paragraphe 99(2) enlèverait au législateur fédéral le pouvoir de légiférer quant à la durée des fonctions des juges de ces cours en l’absence d’un autre amendement constitutionnel. Une telle inquiétude a été soulevée au Sénat. En fin de compte, la mention des juges de comté et des cours de district a été retirée de l’adresse conjointe envisagée. Voilà pourquoi le paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 ne fait mention que des juges des cours supérieurs.

[51] Les débats de 1960, à l’instar de ceux de 1927, étayent également la conclusion que les cours visées par l’article 101, c’est-à-dire, à cette époque, la Cour de l’Échiquier et la Cour suprême du Canada, n’étaient pas censées être soumises aux dispositions relatives à la durée des fonctions figurant au paragraphe 99(1) ou (2)[16].

[52] En 1970, la nouvelle Loi sur la Cour fédérale prévoyait que les juges de la Cour fédérale du Canada cesseraient d’occuper leur charge lorsqu’ils auraient atteint l’âge moins élevé de 70 ans, cinq ans plus tôt que l’âge de la retraite édicté en 1927[17]. Là encore, le législateur fédéral n’aurait pas fait cela sans un amendement constitutionnel s’il croyait que le paragraphe 99(2) s’appliquait à cette cour « supérieure ».

[53] Alors qu’il discutait de la proposition d’abaissement de l’âge de la retraite des juges de la nouvelle Cour fédérale du Canada de 75 à 70 ans, le ministre de la Justice d’alors, le très honorable John Turner, a déclaré ce qui suit :

On peut modifier la loi sans changer la constitution, car nous ne traitons pas ici des juges nommés en vertu de l’article 96 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique[18].

[54] Cet historique législatif renforce l’opinion que le paragraphe 99(2) ne s’applique pas aux cours visées par l’article 101.

d)  Le statut et la compétence de la Cour de l’Échiquier : une cour de première instance ayant un pouvoir de surveillance

[55] Le demandeur a fait valoir lors de l’audition que la Cour de l’Échiquier a toujours été une cour d’archives d’instance inférieure et n’a jamais été une cour supérieure. Selon lui, cet historique législatif concernant la Cour de l’Échiquier, qui figure dans les débats de 1927 et de 1960, n’est pas pertinent car le législateur fédéral n’aurait pas jugé nécessaire de se demander si une cour d’instance inférieure, relevait de l’article 99. Je ne souscris pas à cette opinion.

[56] En 1875, le législateur fédéral a créé deux cours d’archives, c’est-à-dire la Cour suprême du Canada et la Cour de l’Échiquier[19]. Aujourd’hui, la loi désigne toujours la Cour suprême comme cour d’archives[20].

[57] Une cour d’archives est une cour [traduction] « qui est tenue de tenir un registre de ses instances, et qui peut imposer une amende ou une peine d’emprisonnement. Ce registre est authentique et ne peut pas faire l’objet de contestations bilatérales »[21]. Une cour d’archives peut être une cour supérieure ou une cour d’instance inférieure[22].

[58] Les deux parties conviennent qu’une cour supérieure est une cour qui a un pouvoir de surveillance sur les cours et les autres tribunaux d’instance inférieure.

[59] Une cour supérieure a également compétence absolue pour trancher toute question qui découle de sa compétence en première instance et ses décisions ne sont susceptibles que de révision en appel. Elle n’est subordonnée à aucune autre cour supérieure[23].

[60] Dans l’arrêt Re MacDonald, [1930] 2 D.L.R. 177, à la page 181, le juge Fullerton de la Cour d’appel du Manitoba a fait mention de la définition suivante d’une cour supérieure. Cette définition est tirée du 15 Corpus Juris Secundum, à la page 721 :

[traduction] Une cour supérieure est une cour dotée d’un pouvoir de surveillance sur certaines autres cours et une cour dotée d’une certaine compétence en première instance. Les cours d’instance inférieure sont les cours qui sont subordonnées aux autres cours ou qui possèdent une compétence très limitée.

[61] Les caractéristiques fondamentales d’une cour supérieure tel que mentionnées dans l’arrêt Re MacDonald ont été approuvées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Commonwealth of Puerto Rico c. Hernandez, [1975] 1 R.C.S. 228. Après avoir fait une analyse contextuelle du statut de la Cour fédérale, qui « demeure une cour supérieure d’archives », le juge Pigeon a déclaré ce qui suit [à la page 233] :

[…] il me paraît que la Cour fédérale est une «cour supérieure» au sens d’une cour ayant un pouvoir de surveillance. C’est là un sens souvent employé, comme le démontrent les nombreux précédents étudiés dans l’arrêt Re Macdonald, et il est significatif que pareille compétence soit conférée par la Loi. [Note en bas de page omise.]

[62] Dans l’arrêt Puerto Rico, le juge Pigeon a reconnu que la Cour fédérale et la Cour de l’Échiquier avaient toutes les deux été créées par la loi. Il a souligné que le statut de cour supérieure attribué à une cour ne modifie pas nécessairement la compétence de celle-ci. Il fait une distinction, dans son raisonnement, entre les « cours supérieures » provinciales de compétence inhérente et les cours supérieures créées par une loi fédérale comme la Cour de l’Échiquier ou la Cour fédérale. Il ne conclut pas que la Cour de l’Échiquier n’était pas une cour supérieure, il conclut qu’elle n’était pas une cour supérieure « au sens que possède cette expression lorsqu’elle est appliquée aux cours supérieures des provinces, c’est-à-dire à des cours qui ont compétence dans toutes les matières qui ne sont pas exclues de leur juridiction »[24].

[63] La compétence de la Cour de l’Échiquier, dès sa création, cadre avec sa qualification de cour supérieure.

[64] En 1875, l’article 58 de la loi qui a créé la Cour de l’Échiquier lui accordait une juridiction concurrente en première instance au sujet de « toute matière qui pourrait, en Angleterre, faire le sujet d’une poursuite ou action devant la Cour de l’Échiquier en sa juridiction du revenu, contre la couronne »[25]. En 1875, en Angleterre, la Cour de l’Échiquier était une haute cour[26].

[65] Selon l’article 59, la Cour de l’Échiquier avait juridiction concurrente « dans toutes les autres poursuites d’une nature civile d’après la loi commune ou l’équité, dans lesquelles la couronne, dans l’intérêt de la Puissance du Canada, sera demanderesse ou requérante »[27]. Cette compétence n’était pas limitée par la géographie ou par les montants en litige et elle ne pouvait faire l’objet d’un appel qu’à la Cour suprême du Canada.

[66] De 1887 à 1890, la compétence de la Cour de l’Échiquier a été élargie par des modifications apportées à un certain nombre de lois fédérales, notamment la Loi sur les brevets[28], la Loi sur le droit d’auteur[29], la Loi sur les marques de commerce et dessins de fabrique[30], la Loi sur les pétitions de droit[31], la Loi sur l’expropriation[32] et la Loi sur les douanes[33].

[67] En 1890, le Parlement du Royaume-Uni a adopté une loi permettant au Canada de créer sa propre cour coloniale d’Amirauté qui aura juridiction équivalent à :

[traduction]

2. […]

(2) […] la juridiction d’amirauté actuellement possédée par la Haute Cour de Justice en Angleterre […] de la même manière et dans la même mesure que par cette Haute Cour[34] […]

[68] La loi du Parlement du Royaume-Uni prévoyait également que la législature canadienne pourrait :

[traduction]

3. […]

(a) déclarer toute cour de juridiction civile illimitée, qu’il s’agisse d’une cour de première instance ou d’une cour d’appel, dans cette possession, cour coloniale d’Amirauté […]

(b) conférer à toute cour de juridiction inférieure dans cette possession une juridiction partielle ou limitée en matière d’amirauté[35] […]

[69] Peu de temps après, en vertu de la loi du Parlement du Royaume-Uni, le Parlement canadien a adopté l’Acte de l’Amirauté, 1891 et, à l’article 3, il a déclaré comme suit que la Cour de l’Échiquier serait une cour coloniale d’Amirauté :

3. […] la cour de l’Échiquier du Canada est et sera, dans les limites du Canada, une cour coloniale d’Amirauté, et, comme cour d’Amirauté, aura et exercera en Canada toute la juridiction, les pouvoirs et l’autorité conférés par le dit acte [The Colonial Courts of Admiralty Act] et le présent acte[36]. [Non souligné dans l’original.]

[70] La création de la Cour de l’Échiquier à titre de cour coloniale d’Amirauté qui exerce tous les pouvoirs de la Haute Cour d’Angleterre en matière d’amirauté soutient davantage la thèse que la Cour de l’Échiquier était une cour supérieure investie d’une compétence en matière civile et non une « cour de juridiction inférieure » comme il est mentionné à l’alinéa 3b) de la loi du Parlement du Royaume‑Uni. De plus, l’Acte de l’Amirauté prévoyait la nomination de juges « locaux » et « subrogés » dont les décisions et les ordonnances étaient susceptibles de révision en appel par les juges de la Cour de l’Échiquier[37].

[71] Bien que la Cour de l’Échiquier fût principalement une cour de première instance, elle disposait, à l’occasion, d’un pouvoir de surveillance sur les offices et les tribunaux fédéraux. Ce pouvoir était exceptionnel car, en règle générale, le pouvoir de surveillance sur les offices fédéraux était exercé par les cours supérieures provinciale[38].

[72] Toutefois, dès ses débuts, la Cour de l’Échiquier a exercé un pouvoir de contrôle. Dès 1890, la Cour de l’Échiquier avait le pouvoir de délivrer un bref de scire facias dans des affaires portant sur des questions de brevet[39]. La Cour de l’Échiquier avait également compétence pour statuer sur les demandes visant l’obtention d’un mandamus[40].

[73] En 1933, la Cour de l’Échiquier s’est vu conférer compétence exclusive en matière de brefs de prérogative touchant les militaires en poste à l’étranger[41].

[74] En 1959, le Parlement a conféré à la Cour de l’Échiquier compétence exclusive pour entendre et décider toute requête en vue d’un bref de prérogative concernant toute décision ou ordonnance de l’Office national de l’énergie[42] :

19. (1) Sauf ce que prévoit la présente loi, chaque décision ou ordonnance de l’Office est définitive et péremptoire.

(2) La Cour de l’Échiquier du Canada a une exclusive juridiction de première instance pour entendre et décider toute requête en vue d’un bref de certiorari, de prohibition ou de mandamus ou en vue d’un injonction concernant toute décision ou ordonnance de l’Office ou toutes procédures devant celui-ci.

(3) Une décision ou ordonnance de l’Office n’est soumise à aucune revision ni n’est susceptible d’être empêchée, abolie ou écartée par certiorari, prohibition, mandamus ou injonction ou quelque autre pièce légale ou procédure devant la Cour de l’Échiquier pour le motif

a) que l’Office a décidé erronément une question de droit ou de fait; ou

b) que l’Office n’était pas compétent pour accueillir les procédures au cours desquelles la décision ou ordonnance a été établie ou pour rendre la décision ou l’ordonnance.

[75] Des lois subséquentes ont conféré à la Cour de l’Échiquier une compétence exclusive, mais limitée, de surveillance sur les autres offices ou tribunaux fédéraux[43].

[76] Dès ses débuts, la Cour de l’Échiquier a également exercé une compétence limitée en appel[44].

[77] Le fait que les décisions de la Cour de l’Échiquier du Canada étaient définitives constitue un autre indicateur important. Si la Cour outrepassait sa compétence, le seul recours dont disposait une partie était d’interjeter appel. Il s’agit de l’une des caractéristiques d’une cour supérieure[45].

[78] En 1907, au moins deux décisions des cours d’instance supérieure ont conclu que la Cour de l’Échiquier n’était pas soumise au pouvoir de surveillance des cours supérieures provinciales et que, à tout le moins implicitement, elle n’était pas un tribunal d’instance inférieure[46].

[79] La Cour de l’Échiquier avait également compétence pour punir l’outrage commis hors sa présence, un pouvoir réservé aux cours supérieures[47].

[80] La conclusion que la Cour de l’Échiquier était, en fait, une cour supérieure, est appuyée par l’inclusion en 1946 de celle-ci dans la définition de « cour supérieure » dans la Loi sur les juges et plus tard dans la Loi d’interprétation[48]. Bien que ce facteur ne soit pas concluant, il indique que le législateur fédéral voulait créer une cour supérieure dans le domaine de compétence fédérale lorsqu’il a créé la Cour de l’Échiquier.

[81] Le demandeur a soumis un argument final dans l’éventualité où il ne me persuaderait pas que la Cour fédérale du Canada, créée en 1971, est une cour supérieure au sens du paragraphe 99(2).

[82] Son argument est fondé sur la Loi de 1982 sur le Canada[49], la loi britannique qui a réédicté les dispositions constitutionnelles antérieures du Canada, notamment le paragraphe 99(2). Cette loi a été adoptée environ 11 ans après la création de la Cour fédérale du Canada à titre de cour supérieure d’archives visée par l’article 101.

[83] Si je comprends bien l’argument du demandeur, les législateurs, en 1982, savaient que la Cour fédérale était une cour supérieure. De plus, selon lui, les mots « cour supérieure » qui figurent au paragraphe 99(2) englobaient toutes les cours supérieures canadiennes. Comme les législateurs ont réédicté le paragraphe 99(2), intégralement, sans exclure la Cour fédérale de son application, ils devaient vouloir que la Cour soit visée par le terme « cour supérieure » figurant au paragraphe 99(2). Le demandeur invoque le principe de l’arbre vivant ainsi que les nombreuses décisions d’ordre constitutionnel étayant cette règle d’interprétation des lois.

[84] Le demandeur n’a soumis aucun historique législatif, canadien ou britannique, à l’appui de sa thèse.

[85] L’interprétation qu’il fait de la Loi de 1982 sur le Canada va tout simplement au-delà des « limites naturelles » de l’interprétation la plus libérale qui soit de la doctrine de l’arbre vivant et elle doit être rejetée. Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Blais, 2003 CSC 44, [2003] 2 R.C.S. 236, au paragraphe 40, « notre Cour n’a pas pour autant carte blanche pour inventer de nouvelles obligations sans rapport avec l’objectif original de la disposition en litige. L’analyse doit être ancrée dans le contexte historique de la disposition. »

[86] J’ai tiré les conclusions suivantes à partir de l’analyse qui précède.

[87] La Cour de l’Échiquier, tout au long de son histoire a toujours été une cour supérieure d’archives. Je fonde cette conclusion sur son évolution historique, sa compétence et sur la jurisprudence. Elle avait les caractéristiques essentielles d’une cour supérieure, mais elle était distincte des cours supérieures provinciales. En 1965, dans une remarque incidente, la Cour suprême du Canada a exprimé la même opinion : [traduction] « La Cour de l’Échiquier est une cour supérieure d’archives »[50]. L’affirmation du demandeur selon laquelle la Cour de l’Échiquier était une cour d’archives d’instance inférieure est erronée.

[88] L’argument du demandeur selon lequel les événements historiques sur le plan législatif de 1927, 1960 et 1970 n’ont aucune pertinence doit également être rejeté. Les législateurs fédéraux savaient que la Cour de l’Échiquier était une cour supérieure, créée en vertu de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 et qu’elle n’était pas visée par l’article 99. Selon eux, l’âge de la retraite obligatoire des juges des cours visées par l’article 101, et en particulier les juges de la Cour de l’Échiquier, pouvait être fixée et modifiée ultérieurement sans égard à l’article 99 et sans qu’il soit nécessaire d’apporter un amendement constitutionnel. Cet historique législatif ne peut pas être ignoré, comme le voudrait le demandeur, pour le motif que la Cour de l’Échiquier était une cour d’instance inférieure. Là encore, le point de vue du demandeur est erroné.

[89] En effet, l’historique législatif est convaincant. Je conclus que les législateurs fédéraux avaient raison d’affirmer que l’article 99 ne s’appliquait pas aux cours créées en vertu de l’article 101 et que, pour les besoins de la présente affaire, il ne s’appliquait pas à la Cour de l’Échiquier. Leurs déclarations et leurs textes de loi fondés sur l’hypothèse que les cours visées par l’article 101 n’étaient pas visées par l’article 99, étaient justifiées.

[90] En 1970, le législateur fédéral a adopté une loi dans laquelle il a désigné la Cour de l’Échiquier sous le nouveau nom de Cour fédérale du Canada. L’article 3 de la loi mentionnait que la Cour fédérale « demeur[ait] une cour supérieure d’archives »[51]. Selon moi, cette disposition avait pour effet de préserver le statut de cour supérieure de la Cour de l’Échiquier tout en lui attribuant le nouveau nom de Cour fédérale du Canada. En 2003, un libellé semblable a été utilisé afin de désigner la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada sous le nom de Cour fédérale.

[91] Par conséquent, ma conclusion selon laquelle la Cour de l’Échiquier n’était pas régie par l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique également à la Cour fédérale du Canada et à la Cour fédérale. Je réponds comme suit à la première des deux principales questions soulevées dans le cadre de la présente requête : la Cour fédérale n’est pas une cour supérieure au sens du paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[92] Ma conclusion, évidemment, ne s’accorde pas avec celle tirée par le juge suppléant Campbell Grant dans Addy c. La Reine, [1985] 2 C.F. 452 (1re inst.) [Addy], où il a conclu [à la page 462] que la durée des fonctions des juges de la Cour fédérale du Canada était protégée par l’article 99 :

Le paragraphe 99(1), qui prévoit la durée des fonctions des juges des cours supérieures, est, lui, général. Il s’applique à l’ensemble des juges des cours supérieures, que le juge ait été nommé juge d’une cour supérieure d’une province ou d’une cour supérieure créée en vertu de l’article 101.

Il a également conclu que l’âge de la retraite obligatoire de 70 ans pour les juges de la Cour fédérale du Canada contrevenait à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. La présente cause ne se prêtait pas à l’examen de cette question relative à la Charte.

[93] L’analyse qui figure dans la décision Addy n’explique pas comment le législateur aurait pu prévoir, en 1927, sans amendement constitutionnel, des limites d’âge obligatoires en ce qui concerne la Cour suprême et la Cour de l’Échiquier si l’article 99 s’appliquait à ces cours ou à leurs juges.

[94] De plus, la décision Addy ne renferme aucun renseignement selon lequel le juge suppléant Grant avait été mis au courant de l’existence des débats législatifs qui avaient eu lieu en 1927, 1960 et 1970 à propos de l’article 99. Celui-ci n’explique pas sa conclusion selon laquelle l’article 99 s’appliquait aux cours visées par l’article 101 dans le contexte de l’opinion contraire exprimée par les divers gouvernements et les diverses législatures qui se sont succédé depuis plus de cinq décennies. Il n’appert pas non plus qu’il ait abordé la question de la redondance entre l’article 9 de la Loi de la Cour de l’Échiquier, l’article 8 de la Loi sur la Cour fédérale et l’article 99, lesquels comportaient un libellé semblable en ce qui concerne les juges de ces cours.

[95] De plus, le juge suppléant Grant a prononcé ses motifs avant le prononcé de l’arrêt Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673 dans lequel le juge Le Dain a fait une distinction entre les juges des cours supérieures, les juges des cours de comté et les juges des cours fédérales sur le plan de l’indépendance judiciaire et de l’inamovibilité [à la page 695] :

Il existe bien entendu diverses façons de prévoir les conditions essentielles de l’inamovibilité par une disposition constitutionnelle ou législative. Comme je l’ai indiqué, les juges de cour supérieure au Canada jouissent de ce qui est généralement considéré comme le plus haut degré d’inamovibilité qu’offre la garantie constitutionnelle de l’art. 99 de la Loi constitutionnelle de 1867: ils occupent leur charge à titre inamovible jusqu’à l’âge de soixante-quinze ans à moins d’être révoqués par le gouverneur général sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes. En vertu des lois qui les régissent respectivement, les juges de cette Cour, ceux de la Cour fédérale du Canada et ceux de la Cour canadienne de l’impôt occupent également leur charge à titre inamovible jusqu’à un âge précis de mise à la retraite, à moins seulement d’être révoqués sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes. [Non souligné dans l’original.]

[96] La conclusion du juge suppléant Grant semble avoir été tirée en fonction d’une préoccupation relative à l’indépendance judiciaire des juges des cours visées par l’article 101. Peu importe ce qui l’a justifiée en 1985, cette préoccupation a été, selon les mots employés par le défendeur dans son mémoire :

[traduction] […] en grande partie atténuée par l’élargissement considérable de la portée de la protection constitutionnelle à toutes les cours dans Juges des cours provinciales (no 1) et dans des décisions ultérieures comme Ell c. Alberta.

[…]

Du point de vue des protections constitutionnelles en matière d’indépendance judiciaire, il n’est plus nécessaire de préconiser une interprétation qui étendrait la portée des articles 96 à 100 au-delà de ses limites naturelles. [Renvois omis.]

Je souscris aux affirmations du défendeur.

[97] En 1985, la jurisprudence sur l’indépendance de la magistrature et l’élargissement ultérieur de ces garanties aux cours autres que les cours visées par l’article 96 en étaient à leurs premiers balbutiements. Compte tenu de l’évolution du droit concernant les garanties d’indépendance judiciaire[52], il n’est plus nécessaire de considérer les articles 96 à 100 comme étant la seule source de garantie d’indépendance des cours qui ne seraient autrement pas visées par les articles 96 et 100 de la Loi constitutionnelle de 1867. Les cours ont conclu que le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 protège l’indépendance judiciaire de l’ensemble des cours, qu’il s’agisse des cours supérieures ou des cours d’instance inférieure[53].

[98] En bref, je suis d’avis, avec égards, que le juge suppléant Grant a commis une erreur en concluant que l’application de l’article 99 s’étendait à la Cour fédérale du Canada. Sa conclusion est tout simplement incompatible avec l’historique législatif convaincant, notamment avec l’introduction de limites d’âge obligatoires sans qu’il y ait amendement constitutionnel.

[99] Je vais maintenant examiner la deuxième question principale soulevée dans la présente requête.

Le paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales interdit-il à une personne de plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant de la Cour fédérale?

[100] Le paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours Fédérales est ainsi libellé :

8. (1) […]

(2) La limite d’âge pour l’exercice de la charge de juge de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale est de soixante-quinze ans.

Limite d’âge

[101] Le demandeur prétend que le paragraphe 8(2) s’applique aux juges suppléants. Selon lui, un juge suppléant est un juge de la Cour fédérale au sens du paragraphe 8(2) et ne peut plus agir comme juge suppléant après avoir atteint l’âge de 75 ans. Je ne souscris pas à cette affirmation : une personne qui agit comme juge suppléant n’« exerce pas la charge » de juge de la Cour fédérale.

[102] En effet, même si la décision dans l’affaire Addy était bien fondée et le paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 était applicable à la Cour fédérale, selon moi, il n’empêcherait pas un juge en chef de demander à un ancien juge, de plus de 75 ans, d’agir comme juge suppléant. En clair, les juges suppléants n’occupent pas le poste de juge de la Cour fédérale et, par conséquent, ils ne peuvent pas cesser d’occuper un poste qu’ils n’ont jamais occupé.

[103] Cette conclusion est fondée sur : a) l’historique législatif des juges suppléants à la Cour de l’Échiquier et à la Cour fédérale, b) les exigences en matière d’admissibilité en ce qui concerne les juges suppléants, c) l’interprétation des articles 8 et 10 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 19] de la Loi sur les Cours fédérales.

[104] Le pouvoir de nommer un juge dans une charge temporaire remonte aussi loin que 1887 alors que la Cour de l’Échiquier était composée d’un seul juge. Le législateur fédéral avait prévu la nomination d’une autre personne, pour une période temporaire, lorsque le seul juge de la Cour de l’Échiquier était incapable d’exercer sa charge parce qu’il était malade, était absent du Canada ou était visé par une affaire dont la Cour était saisie[54].

[105] En 1920, la charge de juge puîné a été ajoutée à la composition de la Cour de l’Échiquier. C’est la première fois que le terme « juge suppléant » a été utilisé pour décrire la personne nommée pour remplacer un juge de la Cour de l’Échiquier malade, absent ou incapable d’agir ou, nommée par le président de la Cour, pour toute autre raison jugée suffisante[55].

[106] L’exigence en matière d’admissibilité à laquelle il fallait satisfaire pour être nommé juge de la Cour de l’Échiquier ou juge suppléant de la Cour de l’Échiquier était la même. La personne devait être juge d’une cour supérieure ou d’une cour de comté dans une province au Canada ou avocat inscrit au barreau d’une province depuis au moins dix ans.

[107] En 1968, les membres du barreau ne pouvaient plus agir comme juge suppléant. Pour être nommée juge suppléant de la Cour de l’Échiquier, une personne devait être juge d’une cour supérieure ou d’une cour de comté au Canada ou avoir exercé la charge de juge d’une cour supérieure ou d’une cour de comté au Canada.

[108] Dans les débats parlementaires, dès 1920, puis en 1967, on envisageait la [traduction] « congestion des causes » comme justification du recours à des juges suppléants[56].

[109] La version actuelle du paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales est essentiellement la même que la version de la disposition adoptée lorsque la Cour fédérale a été créée en 1970. Au cours de l’examen de chaque article par le comité parlementaire concernant le projet de loi C-172 [Loi concernant la Cour fédérale du Canada], les mots suivants ont été ajoutés au paragraphe : « ainsi affectés […] sont investis des pouvoirs des juges de la Cour fédérale ».

[110] Aujourd’hui, aucune des cours supérieures provinciales au Canada n’est dotée d’un pouvoir conféré par la loi de demander à des personnes d’agir comme juge suppléant de la manière envisagée au paragraphe 10(1.1).

[111] La condition d’admissibilité pour pouvoir agir comme juge suppléant de la Cour fédérale est énoncée au paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales qui est reproduit ci-dessous pour plus de commodité :

10. (1) […]

(1.1) Sous réserve du paragraphe (3), le gouverneur en conseil peut autoriser le juge en chef de la Cour fédérale à demander l’affectation à ce tribunal de juges choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district. Les juges ainsi affectés ont qualité de juges suppléants et sont investis des pouvoirs des juges de la Cour fédérale.

Limite d’âge

[112] Le pouvoir exécutif ne joue aucun rôle dans la décision du juge en chef de demander qu’une personne admissible et en particulier agisse comme juge suppléant. L’approbation du gouverneur en conseil est accordée au moyen d’une ordonnance d’application générale autorisant le juge en chef à demander l’aide de juges suppléants, dont le nombre peut atteindre 15. Le décret C.P. 2003-1779 du 6 novembre 2003 mentionne que le gouverneur en conseil « autorise le juge en chef de la Cour fédérale à demander l’affectation à ce tribunal de juges suppléants choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district »[57].

[113] La rémunération des juges suppléants est fixée en conformité avec le paragraphe 10(4) de la Loi sur les Cours fédérales. Les honoraires s’élèvent généralement à 400 $ par jour.

[114] Le recours à des juges suppléants à la Cour de l’Échiquier, bien qu’il ait été autorisé en 1920, n’a eu lieu pour la première fois qu’en 1942 et a été sporadique jusqu’à la création de la Cour fédérale en 1971[58].

[115] Les juges suppléants participent au travail de la Cour fédérale depuis plus de trois décennies. Bon nombre de ces juges suppléants ont occupé leur poste après avoir atteint l’âge de la retraite obligatoire[59]. Selon Quicklaw, quelques 20 personnes, agissant comme juge suppléant après avoir atteint l’âge de 75 ans, ont instruit plus de 1 500 décisions publiées de la Cour fédérale du Canada avant le 31 décembre 1999[60]. Aucune personne n’a agi comme juge suppléant au cours des quatre années suivantes. Depuis 2004, environ sept personnes, agissant comme juge suppléant alors qu’elles avaient plus de 75 ans, ont instruit environ 450 causes à la Cour fédérale et la plupart de celles‑ci ont été instruites entre 2005 et 2009. Cette anecdote historique est instructive mais elle ne permet pas de trancher la question de droit en litige dans la présente instance.

[116] Les juges suppléants donnent au juge en chef de la Cour fédérale la possibilité d’ajouter des ressources judiciaires lorsque les circonstances l’exigent. Par conséquent, le recours récent à des juges suppléants a aidé la Cour à réduire son arriéré car ses juges à temps plein, dans une proportion d’environ 20 p. 100, étaient occupés à instruire les longs litiges relatifs aux certificats ministériels qui ont eu lieu après le 11 septembre 2001.

[117] Le demandeur se fie à l’interprétation des lois pour étayer son point de vue selon lequel les juges suppléants sont des juges de la Cour fédérale et sont donc soumis aux dispositions relatives à la retraite obligatoire qui figurent au paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

[118] Durant l’audition de la présente requête, le demandeur a affirmé qu’un juge d’une cour supérieure qui prend sa retraite alors qu’il a moins de 75 ans continue néanmoins d’occuper son poste jusqu’à l’âge de la retraite obligatoire. Selon lui, ce juge retraité continue d’être membre de la cour supérieure dont il a pris sa retraite. Il a fait ces déclarations à la suite de l’interprétation qu’il a faite des paragraphes 10(1.1) et (2).

[119] Si je comprends bien son argument, le demandeur prétend que le pouvoir discrétionnaire du juge en chef de la Cour fédérale prévu au paragraphe 10(1.1) de demander à des « juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure » d’agir comme juge suppléant est limité par les mots suivants qui figurent au paragraphe 10(2) : « La demande visée aux paragraphes (1) et (1.1) nécessite le consentement du juge en chef du tribunal dont l’intéressé est membre ».

[120] Le demandeur tire deux conclusions à partir de son hypothèse.

[121] Premièrement, selon le demandeur, le juge qui choisit de prendre une retraite anticipée continue d’être membre de la cour dont il a pris sa retraite.

[122] Ce point de vue, à mon humble avis, n’est pas fondé. Le juge qui choisit de prendre sa retraite d’une cour, en vertu des dispositions de la Loi sur les juges ou en vertu de toute autre raison, créée un poste vacant à la cour en question et il est remplacé en temps opportun par le gouverneur en conseil de manière conforme au complément judiciaire de la Cour. En clair, un juge d’une cour supérieure qui quitte son poste ou qui prend sa retraite n’exerce plus sa charge.

[123] Deuxièmement, il prétend que comme les juges des cours supérieures cessent d’occuper leur poste à l’âge de 75 ans et qu’ils ne sont par conséquent plus membres d’une cour supérieure, le libellé du paragraphe 10(2) interdit que l’on demande aux juges qui ont plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant.

[124] Ce deuxième argument ne résiste également pas à l’analyse. Le demandeur ne tient pas compte du libellé clair du paragraphe 10(1.1) qui permet au juge en chef, sous réserve du paragraphe (3), de demander l’aide d’un « juge[], actuel[] ou ancien[], d’une cour supérieure ». Les personnes qui ont plus de 75 ans et qui ont occupé le poste de juge d’une cour supérieure ne sont pas exclues par le libellé du paragraphe 10(1.1).

[125] Je rejette donc l’interprétation faite par le demandeur du paragraphe 10(1.1) et je conclus qu’il vise deux catégories de juges suppléants : les juges actuels et les anciens juges. Cette conclusion est énoncée dans les prétentions écrites du défendeur :

[traduction] Le premier groupe comprend les juges des cours supérieures, des cours de district ou des cours de comté au Canada […] L’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique clairement aux cours supérieures provinciales. Par conséquent, les juges suppléants proposés qui sont des membres actifs d’une cour supérieure provinciale auront nécessairement moins de 75 ans.

Le deuxième groupe comprend « les juges [...] anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district ». Le législateur fédéral est présumé avoir voulu dire quelque chose de différent en utilisant le mot « anciens ». S’il ne voulait qu’inclure le groupe des juges des cours supérieurs en fonction, ce mot additionnel n’aurait pas été inscrit. Le sens ordinaire de l’article est que les juges suppléants peuvent également être choisis parmi les anciens membres retraités des cours supérieures provinciales. Ceux qui ont exercé la charge, mais qui sont retraités, n’auront pas nécessairement moins de 75 ans. [Renvois omis.]

[126] C’est la deuxième catégorie de juge suppléant, les juges « anciens » d’une cour supérieure au Canada (notamment la Cour fédérale) et, en particulier, les juges de cette catégorie qui ont plus de 75 ans qui nous intéressent en l’espèce.

[127] Les observations du défendeur sur la distinction entre le statut de juge suppléant et celui du juge de la Cour fédérale sont énoncées succinctement et je souscris à celles‑ci :

[traduction] Il ressort non seulement de l’historique de l’article 10, mais également du libellé du régime qui régit actuellement leur nomination, que le statut des juges suppléants est distinct de celui des juges de la cour. Les juges suppléants n’exercent pas la charge, mais ils agissent comme juge de la cour, ils ont les pouvoirs d’un juge de la cour pendant leur affectation. Ils ne sont pas compris dans la composition de la cour. Ils ne sont plutôt que des juges suppléants pour la durée de leur assignation. Ceci ressort de leur exclusion de la définition de « juge » dans la Loi sur les juges.

Si le législateur fédéral avait voulu que les juges suppléants aient le même statut que les « juges » de la Cour fédérale, la Loi sur les Cours fédérales et la Loi sur les juges auraient pu être rédigées de manière à les inclure explicitement comme juges de la cour et de les désigner ainsi au paragraphe 10(1.1). Le fait que le législateur fédéral ait choisi un libellé différent indique clairement que ce n’est pas le cas et que le paragraphe 8(2) ne s’applique pas aux juges suppléants.

Il n’est pas nécessaire et il n’est donc pas exigé que les juges suppléants résident dans la région de la capitale nationale, contrairement aux juges de la cour, qui eux, sont tenus de résider dans la région de la capitale nationale. Ce qui précède est compatible avec l’objet de l’article 10 parce que cela favorise l’administration efficace de la cour que des juges suppléants puissent être appelés rapidement dans les régions où la cour siège. Le salaire payable aux juges suppléants est prévu à l’article 10 lui‑même et il n’est pas régi par la Loi sur les juges comme c’est le cas pour l’ensemble des juges nommés par le gouvernement fédéral. Toutefois, le salaire est fixé au taux prévu dans la Loi sur les juges sous réserve des ajustements appropriés et nécessaires. [Renvoi omis.]

[128] Dans l’argument du demandeur, l’inclusion du paragraphe 10(1.1) dans la partie de la Loi sur les Cours fédérales intitulée « Les juges » mène à la conclusion que les juges suppléants sont des juges de la Cour fédérale. Je ne souscris pas à cette conclusion.

[129] Le terme « juge suppléant » n’est défini dans aucune loi. Les définitions de « juge » dans l’ancienne Loi sur la Cour fédérale et dans la Loi sur les juges ne comprennent pas le terme « juge suppléant ». La Loi sur les juges définit « juge » comme comprenant « les juges en chef, juges en chef associés, juges en chef adjoints, juges surnuméraires, juges principaux et juges junior »[61]. Dans les deux lois, la définition de « juge » est inclusive.

[130] L’utilisation du mot « comprenant » dans une définition ou dans une énumération peut avoir plus d’un objet. Il peut être utilisé dans le but d’ajouter [traduction] « des détails qui ne seraient d’ordinaire pas compris dans le terme général » de sorte que l’on précise que des éléments qui ne sont peut-être pas manifestement compris dans la définition sont compris dans celle-ci[62]. C’est peut-être pour cette raison que la définition de « juge » fait mention de charges autres que celle de juge puîné.

[131] Contrairement à ce que prétend le demandeur, les articles concernant « les juges » étayent l’opinion qu’un « juge suppléant » n’est pas un juge pour les besoins de la Loi sur les juges ni un juge au sens de la Loi sur les Cours fédérales.

[132] L’article 5.1 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 16] de la Loi sur les Cours fédérales définit « la composition » de la Cour fédérale.

[133] L’effectif des juges de la Cour fédérale est composé du juge en chef et de 32 autres juges. Il existe également un nombre égal de charges additionnelles pour les juges surnuméraires. De plus, chaque juge de la Cour d’appel fédérale est d’office juge de la Cour.

[134] L’article 5.1 ne fait aucune mention de juges suppléants dans la composition de la Cour. La loi définit l’effectif des juges de la Cour, c’est-à-dire 33 juges, y compris le juge en chef. Ce dernier n’a pas le pouvoir d’augmenter le nombre de juges qui occupent le poste. C’est le législateur fédéral qui a ce pouvoir.

[135] Le paragraphe 10(1.1) ne définit pas un juge suppléant comme étant un juge de la Cour fédérale. Il autorise un juge suppléant, sur demande du juge en chef, à agir comme juge de la Cour fédérale. La disposition prévoit également qu’un juge suppléant, pendant qu’il assume cette fonction, a tous les pouvoirs d’un juge de la Cour fédérale. Elle ne crée pas un autre poste de juge. Un juge suppléant agit comme juge de la Cour fédérale. Le juge suppléant n’occupe pas le poste de juge de la Cour fédérale au sens de l’article 5.1 ou de l’article 8.

[136] Enfin, le demandeur a soulevé la question du pouvoir d’affectation conféré au juge en chef au paragraphe 15(2) [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 23] de la Loi sur les Cours fédérales[63]. Il a prétendu que si les juges suppléants ne sont pas des juges, alors le paragraphe 15(2) ne s’applique pas à eux.

[137] Contrairement aux juges à temps plein et aux juges surnuméraires de la Cour fédérale, les juges suppléants n’occupent pas le poste et ne sont pas soumis au pouvoir d’établissement du calendrier du juge en chef. Le juge suppléant décide s’il accepte l’affectation qui lui est offerte par le juge en chef. Le juge en chef demande au juge suppléant s’il accepte l’affectation qui lui est offerte et il peut refuser cette offre. Il s’agit d’un processus consensuel contrairement au processus qui s’applique aux juges qui occupent le poste.

[138] Lorsqu’un juge suppléant accepte l’affectation qui lui est offerte, le paragraphe 15(2) prévoit que, comme dans les autres cas, « les dispositions à prendre pour les audiences […] sont du ressort du juge en chef ». L’article 15 n’étaye pas le point de vue du demandeur.

[139] Si je me fie au bon sens et à l’interprétation contextuelle des articles 5.1, 8 et 10 de la Loi sur les Cours fédérales, je conclus que les juges suppléants n’occupent pas le « poste » de juge de la Cour fédérale. Ils ne sont pas nommés par le gouverneur en conseil par lettres patentes revêtues du grand sceau comme le prévoit l’article 5.2. Ils ne sont pas soumis aux exigences en matière de résidence auxquelles les juges de la Cour fédérale sont soumis en vertu de l’article 7 [mod., idem, art. 17; 2006, ch. 11, art. 22(A)]. Leur traitement est régi par le paragraphe 10(4) et non pas par la Loi sur les juges, sauf s’il en est fait mention dans ce paragraphe. Ils sont affectés temporairement par le juge en chef.

[140] En bref, le pouvoir de demander à un juge d’une cour supérieure retraité d’agir comme juge suppléant n’est pas limité par l’âge de la retraite obligatoire mentionné au paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales ou par le libellé du paragraphe 10(1.1). Le juge en chef de la Cour fédérale peut demander à une personne de plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant.

[141] Selon l’honorable Mark MacGuigan, qui a d’abord été parlementaire, puis juge à la section d’appel de la Cour fédérale du Canada, une personne de plus de 75 ans peut agir comme juge suppléant :

M. MacGuigan : […]

Le fait de permettre aux meilleurs juges de siéger au-delà de l’âge normal de la retraite a bien réussi aux États-Unis. Certains juges octogénaires là-bas ont rendu d’excellents services. C’est une décision que pourra prendre le juge en chef au besoin. S’il n’y a pas nécessité évidemment, cela ne vaudra pas la peine. Parce qu’un homme ne veut plus siéger tous les jours et qu’il veut prendre sa retraite il n’y a pas de raison, si ses facultés sont encore intactes et si les administrateurs du tribunal sont satisfaits de ses services, pour qu’on ne le rappelle pas à l’occasion[64].

[142] La décision Addy est la seule comportant un passage important concernant l’âge des juges suppléants de la Cour fédérale qui a été portée à l’attention de la Cour. Le juge suppléant Grant, dans ses remarques incidentes, a affirmé qu’un juge suppléant n’était visé par aucun âge de la retraite obligatoire :

La Loi ne fixe aucune limite d’âge pour un juge suppléant. On rapporte cette situation comme un cas de discrimination à l’endroit des juges de toutes les juridictions. Cependant celui qui est appelé à agir comme juge suppléant n’a pas le droit d’agir comme juge tant qu’il n’a pas été invité à le faire par le juge en chef de la Cour fédérale. Il peut accepter cette invitation ou la décliner. S’il accepte, il préside à l’instruction d’une affaire, puis il cesse d’être juge suppléant lorsque sa tâche à cet égard est terminée. Il n’occupe donc pas une charge d’une durée définie et sa participation aux procès tenus en Cour fédérale ne peut être comparée à celle des juges de la Cour fédérale, ni n’est pertinente en l’espèce[65].

[143] Le régime prévu par l’article 10 est cohérent en soi et il est clair. Le juge en chef peut demander l’aide provisoire des juges actuels, sous réserve de l’approbation de leur juge en chef, ou l’aide des anciens juges d’une cour supérieure. Les « anciens » juges comprennent ceux qui ont atteint l’âge obligatoire de la retraite, c’est‑à‑dire 75 ans. Cette affirmation s’accorde avec les commentaires formulés par l’honorable Mark MacGuigan et le juge suppléant Campbell Grant et avec la pratique suivie par la Cour fédérale du Canada depuis plus de 30 ans.

[144] En tirant cette conclusion, j’ai pris en compte deux questions qui n’ont pas été analysées en profondeur par la Cour ou les parties lors de l’audition de la requête.

[145] Les parties n’ont formulé aucune observation concernant les articles 5, 8 et 9 de la Loi de la cour de l’Échiquier, tel que ces dispositions étaient libellées dans les Statuts révisés du Canada en 1927 [S.R.C. 1927, ch. 34] et en 1952 [S.R.C. 1952, ch. 98].

[146] C’est en 1927 que l’âge de la retraite obligatoire de 75 ans a été mentionné pour la première fois à l’article 9 de la Loi de la cour de l’Échiquier. Pour les motifs susmentionnés, un juge suppléant, à cette époque, comme aujourd’hui, n’occupait pas le poste de juge puîné de la Cour. Par conséquent, l’article 9 de la Loi de la cour de l’Échiquier, comme le paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales, ne vise pas les juges suppléants.

[147] De plus, l’âge de la retraite inséré dans l’article 9 était une limite et non pas une qualité requise. Cette limite ne pouvait pas être l’une des « qualités requises susmentionnées » dont parlent les articles 5 et 8. Je conclus que l’article 9 n’interdit pas à une personne de plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant de la Cour de l’Échiquier[66].

[148] Quoi qu’il en soit, l’article 8 a été abrogé et remplacé en 1968. L’article 8 modifié était libellé de la même façon que le paragraphe 10(1) de la Loi sur la Cour fédérale et le paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales pour décrire les exigences en matière d’admissibilité relatives aux juges suppléants.

[149] Aujourd’hui, ces exigences figurent au paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales qui ne fait aucun renvoi à l’article 5.3 [édicté par L.C. 2002, ch. 8, art. 16], lequel porte sur les personnes qui peuvent devenir juge de la Cour fédérale, ou au paragraphe 8(2), lequel concerne la fin de l’occupation du poste.

[150] Une deuxième question qu’aucune des parties n’a soulevée est celle de savoir si les versions anglaises et françaises des paragraphes 8(2) et 10(1.1) peuvent avoir des sens différents suite aux modifications qui leur ont été apportées.

[151] Les modifications à la version française du paragraphe 8(2), si elles créent un sens différent du sens ordinaire de la version anglaise, ont été apportées dans le cadre du processus de refonte des lois de 1985[67] et elles ne peuvent pas être considérées comme modifiant le sens ou l’application de la loi[68]. En cas d’incompatibilité entre une loi refondue et la loi originale, la loi originale l’emporte sur les dispositions incompatibles[69].

[152] Par conséquent, la version française actuelle du paragraphe 8(2) dans lequel figurent les mots « la limite d’âge pour l’exercice de la charge de juge » doit être interprétée conformément à l’ancienne version française de cette disposition, laquelle traduit l’intention du législateur. La version française du paragraphe 8(2) d’avant la refonte de 1985 comprenait les mots « [u]n juge de la Cour cesse d’occuper son poste », reflétant exactement la version anglaise actuelle, laquelle n’a presque pas changé depuis plus de 70 ans.

[153] Cette interprétation s’accorde avec l’intention du législateur qui se dégage de l’article 7 de la Loi modifiant la Loi sur les juges, la Loi sur la Cour fédérale et la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.C. 1987, ch. 21 qui utilisait le libellé du paragraphe 8(2) d’avant 1985[70]. Ce libellé est en grande partie semblable à celui de la version française du paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[154] En résumé, la version anglaise du paragraphe 8(2), qui reflète le paragraphe 99(2), est demeurée en grande partie inchangée depuis son entrée en vigueur en 1927. Avant la refonte de 1985, aucun changement important n’avait été apporté à la version française, laquelle reflétait également le paragraphe 99(2). Rien dans mon examen de l’historique législatif du paragraphe 8(2) ne m’a convaincu que la révision, dans le cadre de la refonte de 1985, de la version française du paragraphe 8(2) par une Commission de révision des lois composée de trois personnes visait à modifier l’état du droit tel que formulé par le législateur il y a plus de 50 ans[71].

[155] En effet, le fait que la version anglaise n’ait pas changé pendant aussi longtemps, et qu’elle ressemble à celle du paragraphe 99(2), m’amène, quoi qu’il en soit, à conclure que la version anglaise de la disposition exprimait plus clairement l’intention du Parlement.

[156] J’appliquerais le même raisonnement et les mêmes principes d’interprétation des lois aux différences qui figurent dans le libellé du paragraphe 10(1.1).

[157] La version anglaise du paragraphe 10(1.1) est demeurée en grande partie inchangée depuis 1970[72]. La mention de « has held office » a toujours figuré et elle reprend le libellé du paragraphe 99(2).

[158] De 1968 à 1985, le libellé de la version française comprenait les mots suivants : « toute personne qui a occupé [un] poste de juge ». En 1985, la phrase a été abrégée et ne comprenait que les mots suivants : « juges, actuels ou anciens ». Selon moi, ces mots traduisent la même idée, mais d’une manière plus concise. Selon moi, aucun changement important n’a été apporté au sens de la version française de 1970 du paragraphe 10(1) dans la version de 1985 de cette même disposition.

[159] En conclusion, compte tenu des versions anglaises essentiellement inchangées au fil du temps des paragraphes 8(2) et 10(1.1), du libellé du paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867, et du pouvoir limité de la Commission de révision des lois, je conclus que le Parlement n’avait pas l’intention de changer le sens de la loi lorsque les libellés des versions françaises du paragraphe 8(2) et 10(1.1) ont été modifiés.

[160] Je réponds donc de la façon suivante à la deuxième des deux principales questions soulevées dans le cadre de la présente requête : le paragraphe 8(2) de la Loi sur les Cours fédérales n’empêche pas une personne de plus de 75 ans d’agir comme juge suppléant de la Cour fédérale. Cette conclusion est conforme aux principes de l’interprétation des lois, à l’historique législatif limité et à la remarque incidente formulée par le juge suppléant Grant dans la décision Addy. Il n’existe aucune contradiction entre les paragraphes 8(2) et 10(1.1).

[161] Le législateur fédéral a modifié l’article 8 de la Loi sur la Cour fédérale en 1987 en réponse aux questions soulevées dans la décision Addy relativement à la Charte. Les membres du Parlement étaient censés être au courant de l’opinion exprimée dans la décision du juge suppléant Campbell Grant selon laquelle aucune limite d’âge n’avait été fixée relativement aux juges suppléants. Malgré cela, le législateur n’a pas jugé bon d’imposer une limite d’âge relativement aux juges suppléants.

[162] Le demandeur a également soulevé des questions de constitutionnalisme, de fédéralisme et de primauté du droit, qu’il a limitées, dans sa plaidoirie, à une question de séparation des pouvoirs. Dans sa plaidoirie relative au principe de la séparation des pouvoirs, le demandeur n’a pas mis en doute l’indépendance, sur le plan institutionnel ou individuel, des juges suppléants[73].

[163] En bref, il a affirmé que la nomination par le juge en chef d’un juge suppléant de plus de 75 ans porte atteinte à l’exigence constitutionnelle que les juges ne soient nommés que par la branche exécutive du gouvernement et est donc contraire à la doctrine de la séparation des pouvoirs.

[164] Toutefois, il a prétendu que ce problème ne se pose pas lorsque le juge n’a pas encore atteint l’âge de 75 ans car, selon le demandeur, un juge qui n’a pas 75 ans ne cesse pas d’occuper le poste de juge même s’il a démissionné ou pris sa retraite.

[165] Comme je l’ai déjà mentionné, je rejette l’affirmation du demandeur selon laquelle un juge d’une cour supérieure ne cesse pas d’occuper son poste, quelles que soient les circonstances, avant l’âge de 75 ans, sauf s’il est révoqué en conformité avec le paragraphe 99(1) de la Loi constitutionnelle de 1867. En clair, les juges qui prennent leur retraite ou qui démissionnent cessent d’exercer leur charge.

[166] J’estime également que le paragraphe 10(1.1) ne porte pas atteinte à la doctrine de la séparation des pouvoirs. Le juge en chef ne « nomme » pas un juge de la Cour fédérale. À titre de juge administratif, dont l’intérêt premier est la bonne administration de la justice et de la Cour, le juge en chef demande à un juge, actuel ou ancien, d’agir comme juge de la Cour fédérale en vertu d’une autorisation générale de la part de la branche exécutive du gouvernement. Ces juristes, de grande expérience, peuvent choisir d’aider la Cour ou peuvent refuser l’offre.

[167] De plus, le mécanisme qui permet au juge en chef de la Cour fédérale de demander à des personnes d’agir comme juge suppléant est limité par deux exigences. Premièrement, le paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales limite le choix des personnes admissibles à un juge, actuel ou ancien, d’une cour supérieure, de comté ou de district. Deuxièmement, la demande ne peut être faite qu’avec l’approbation du gouverneur en conseil qui figure dans l’autorisation générale inscrite dans le décret C.P. 2003-1779.

[168] Je rejette donc l’affirmation du demandeur selon laquelle le paragraphe 10(1.1) porte atteinte à la doctrine de la séparation des pouvoirs.

Questions diverses

[169] Le demandeur prétend également que le gouverneur en conseil était tenu, en vertu de l’article 53 de la Loi sur la Cour suprême, de demander des éclaircissements quant à la question soulevée dans le cadre de la présente requête dès que le législateur fédéral a donné suite à la décision Addy en modifiant, en 1987, le paragraphe 8(2) de la Loi sur la Cour fédérale.

[170] J’adopte le point de vue adopté par le défendeur selon lequel l’utilisation du mot « peut » à l’article 53 confère au gouverneur en conseil un pouvoir discrétionnaire. Je conclus que rien, dans les circonstances de l’espèce, n’oblige le gouverneur en conseil à soumettre une question à la Cour suprême du Canada.

[171] Le demandeur prétend que les articles 72 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194] à 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[74] empêchent un juge suppléant d’instruire sa demande si les juges suppléants ne sont pas des « juges » de la Cour fédérale.

[172] Cette affirmation est mal fondée. Le paragraphe 10(1.1) confère à un juge suppléant tous les pouvoirs d’un juge de la Cour fédérale. Le pouvoir de trancher les questions énumérées aux articles 72 à 74 de la LIPR est l’un des pouvoirs d’un juge de la Cour fédérale. Il serait absurde sur le plan législatif d’interpréter autrement le paragraphe 10(1.1).

Certification

[173] Dans la présente requête interlocutoire, le demandeur a contesté la compétence d’un juge suppléant de plus de 75 ans de présider l’audience relative à deux demandes connexes de contrôle judiciaire présentées en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le demandeur conteste la décision rejetant la demande fondée sur des considérations humanitaires et la décision rejetant la demande d’examen des risques avant renvoi qu’il a présentées.

[174] La Cour et les deux parties ont convenu dès le début de l’audience que le présent jugement interlocutoire devrait être susceptible de révision en appel. La question de procédure dont je suis saisi consiste à savoir si un appel interjeté en vertu de l’article 27 [mod., idem,

art. 34] de la Loi sur les Cours fédérales devrait être de plein droit ou soumis au processus de certification prévu à l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[175] Selon moi, la certification d’une question grave n’est pas nécessaire. La question dont je suis saisi est un « acte judiciaire distinct et divisible » relatif aux demandes de contrôle judiciaire : Charkaoui (Re), 2004 CAF 421, [2005] 2 R.C.F. 299, au paragraphe 48; et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391, aux paragraphes 60 et suivants. L’une ou l’autre partie peut, en vertu de l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, interjeter appel à l’encontre du présent jugement interlocutoire, et ce, sans soumettre une question à certifier.

[176] Toutefois, comme je l’ai mentionné au cours de l’audience, si j’ai tort sur ce point et que l’alinéa 74d) de la LIPR s’applique au présent jugement, je suis disposé à certifier une question grave selon la formulation proposée par les parties :

a) Le paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique‑t‑il aux juges suppléants de la Cour fédérale?

b) Les juges suppléants qui agissent en vertu du paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales sont‑ils soumis à la disposition relative à la limite d’âge prévue au paragraphe 8(2)?

Les dépens

[177] Le défendeur n’a demandé aucuns dépens dans le cadre de la présente requête interlocutoire. Comme il n’a pas eu gain de cause, le demandeur n’aurait normalement pas droit aux dépens.

[178] Le demandeur consentait à ce que la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente soit instruite par un juge à temps plein ou un juge surnuméraire de la Cour. Toutefois, la question de la compétence qu’il a soulevée a également été invoquée par un nombre important de demandeurs dans d’autres affaires d’immigration lorsque la Cour a annoncé que le demandeur contestait la compétence du juge suppléant. Par conséquent, il était dans l’intérêt de l’administration de la justice que la question de l’âge des juges suppléants soit clarifiée par jugement.

[179] Pour le motif qui précède, malgré le résultat de la requête, j’ai décidé d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré par l’alinéa 400(3)o) des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)] et d’adjuger au demandeur des dépens de 6 000 $. Si j’ai conclu à tort que les Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 [mod. par DORS/2005-339, art. 1], ne s’appliquent pas à la présente requête, que j’ai déjà qualifiée d’« acte judiciaire distinct et divisible », j’adjugerais des dépens au même montant, en vertu de la règle 22 [mod. par DORS/2002-232, art. 11], pour les mêmes « raisons spéciales ».

[180] Comme je viens tout juste de le mentionner, la présente requête relative à la compétence était une instance d’intérêt public. Je tiens à remercier les avocats des deux parties pour leur collaboration qui a permis le traitement efficace de la présente requête. Le procureur général du Canada a déposé deux volumes instructifs portant sur l’historique législatif de la Cour fédérale et des cours qui l’ont précédée. Je remercie les personnes qui ont rassemblé ces documents dans un court délai.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1. La requête du demandeur est rejetée;

2. Si j’ai conclu à tort que la présente requête est un « acte judiciaire distinct et divisible » qui n’est pas visé par l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la question suivante, à deux volets, est certifiée :

a) Le paragraphe 99(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique‑t‑il aux juges suppléants de la Cour fédérale?

b) Les juges suppléants qui agissent en vertu du paragraphe 10(1.1) de la Loi sur les Cours fédérales sont‑ils soumis à la disposition relative à la limite d’âge prévue au paragraphe 8(2)?

3. Le défendeur paiera au demandeur des dépens de

6 000 $, quelle que soit l’issue de la cause.

4. Une copie de la présente ordonnance et des motifs de la présente ordonnance sera déposée dans le dossier IMM-1087-09.

ANNEXE 1

Image

C.P. 2003-1779

6 novembre 2003

PRIVY COUNCIL • CONSEIL PRIVÉ

Attendu que par le décret C.P. 1973-6/1953 du 10 juillet 1973, le gouverneur en conseil a autorisé le Juge en chef de la Cour fédérale du Canada à demander l’affectation à la Cour fédérale du Canada d’un maximum de vingt juges suppléants choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district;

Attendu que la Loi sur le service administratif des tribunaux judiciaires, laquelle est entrée en vigueur le 2 juillet 2003, a modifié la Loi sur la Cour fédérale en maintenant la section d’appel et la section de première instance comme deux cours indépendantes dénommées « Cour d’appel fédérale » et « Cour fédérale » et en remplaçant les dispositions de cette loi qui ont trait à l’affection de juges suppléants,

À ces causes, sur recommandation du ministre de la Justice, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil :

a) abroge le décret C.P. 1973-6/1953 du 10 juillet 1973;

b) en vertu des paragraphes 10(1) et (3) de la Loi sur les Cours fédérales,

(i) autorise le juge en chef de la Cour d’appel fédérale à demander l’affectation à ce tribunal de juges suppléants choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district,

(ii) limite à cinq le nombre de ces juges suppléants;

c) en vertu des paragraphes 10(1.1) et (3) de la Loi sur les Cours fédérales,

(i) autorise le juge en chef de la Cour fédérale à demander l’affectation à ce tribunal de juges suppléants choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district,

(ii) limite à quinze le nombre de ces juges suppléants.

CERTIFIED TO BE A TRUE COPY-COPIE

CERTIFIÉE conforme

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CLERK OF THE PRIVY COUNCIL-LE GREFFIER

DU CONSEIL PRIVÉ

ANNEXE 2

Extraits pertinents de la Loi constitutionnelle de 1867 :

(1.1) Sous réserve du paragraphe (3), le gouverneur en conseil peut autoriser le juge en chef de la Cour fédérale à demander l’affectation à ce tribunal de juges choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district. Les juges ainsi affectés ont qualité de juges suppléants et sont investis des pouvoirs des juges de la Cour fédérale.

92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

[…]

14. L’administration de la justice dans la province, y compris la création, le maintien et l’organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle, y compris la procédure en matières civiles dans ces tribunaux;

 […]

VII. Judicature

Sujets soumis au contrôle de la législation provinciale

96. Le gouverneur-général nommera les juges des cours supérieures, de district et de comté dans chaque province, sauf ceux des cours de vérification dans la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

Nomination des juges

97. Jusqu’à ce que les lois relatives à la propriété et aux droits civils dans Ontario, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, et à la procédure dans les cours de ces provinces, soient rendues uniformes, les juges des cours de ces provinces qui seront nommés par le gouverneur-général devront être choisis parmi les membres des barreaux respectifs de ces provinces.

Choix des juges dans Ontario, etc.

98. Les juges des cours de Québec seront choisis parmi les membres du barreau de cette province.

Choix des juges dans Québec

99. (1) Sous réserve du paragraphe (2) du présent article, les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes.

Durée des fonctions des juges

(2) Un juge d’une cour supérieure, nommé avant ou après l’entrée en vigueur du présent article, cessera d’occuper sa charge lorsqu’il aura atteint l’âge de soixante-quinze ans, ou à l’entrée en vigueur du présent article si, à cette époque, il a déjà atteint ledit âge.

Cessation des fonctions à l’âge de 75 ans

100. Les salaires, allocations et pensions des juges des cours supérieures, de district et de comté (sauf les cours de vérification dans la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick) et des cours de l’Amirauté, lorsque les juges de ces dernières sont alors salariés, seront fixés et payés par le parlement du Canada.

Salaires, etc., des juges

101. Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi, lorsque l’occasion le requerra, adopter des mesures à l’effet de créer, maintenir et organiser une cour générale d’appel pour le Canada, et établir des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada.

[…]

Cour générale d’appel, etc.

129. Sauf toute disposition contraire prescrite par la présente loi, — toutes les lois en force en Canada, dans la Nouvelle-Écosse ou le Nouveau-Brunswick, lors de l’union, — tous les tribunaux de juridiction civile et criminelle, — toutes les commissions, pouvoirs et autorités ayant force légale, — et tous les officiers judiciaires, administratifs et ministériels, en existence dans ces provinces à l’époque de l’union, continueront d’exister dans les provinces d’Ontario, de Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick respectivement, comme si l’union n’avait pas eu lieu; mais ils pourront, néanmoins (sauf les cas prévus par des lois du parlement de la Grande-Bretagne ou du parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande), être révoqués, abolis ou modifiés par le parlement du Canada, ou par la législature de la province respective, conformément à l’autorité du parlement ou de cette législature en vertu de la présente loi.

Les lois, tribunaux et fonctionnaires actuels continueront d’exister, etc.

ANNEXE 3

Dispositions applicables de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 :

5.1 (1) La Cour fédérale se compose du juge en chef, appelé juge en chef de la Cour fédérale, qui en est le président, et de trente-deux autres juges.

Composition de la Cour fédérale

(2) La charge de juge de la Cour fédérale comporte un poste de juge surnuméraire, qui peut être occupé, conformément à la Loi sur les juges, par un juge de ce tribunal.

Juges surnuméraires

(3) La charge de juge en chef de la Cour fédérale comporte également un poste de simple juge que son titulaire peut décider, conformément à la Loi sur les juges, d’occuper.

Postes supplémentaires

(4) Les juges de la Cour d’appel fédérale sont d’office juges de la Cour fédérale et ont la même compétence et les mêmes pouvoirs que les juges de la Cour fédérale.

Juges d’office

5.2 La nomination des juges de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale se fait par lettres patentes du gouverneur en conseil revêtues du grand sceau.

Nomination des juges

5.3 Les juges de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale sont choisis parmi :

a) les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district;

b) les avocats inscrits pendant ou depuis au moins dix ans au barreau d’une province;

c) les personnes ayant été membres du barreau d’une province et ayant exercé à temps plein des fonctions de nature judiciaire à l’égard d’un poste occupé en vertu d’une loi fédérale ou provinciale après avoir été inscrites au barreau, et ce pour une durée totale d’au moins dix ans.

[…]

Conditions de nomination

8. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les juges de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale occupent leur poste à titre inamovible, sous réserve de révocation par le gouverneur général sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes.

Durée du mandat

(2) La limite d’âge pour l’exercice de la charge de juge de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale est de soixante-quinze ans.

Limite d’âge

(3) Les juges en fonctions le 1er mars 1987 peuvent prendre leur retraite à l’âge de soixante-dix ans.

[…]

10. (1) […]

Disposition transitoire

(1.1) Sous réserve du paragraphe (3), le gouverneur en conseil peut autoriser le juge en chef de la Cour fédérale à demander l’affectation à ce tribunal de juges choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure, de comté ou de district. Les juges ainsi affectés ont qualité de juges suppléants et sont investis des pouvoirs des juges de la Cour fédérale.

Juges suppléants — Cour fédérale

(2) La demande visée aux paragraphes (1) et (1.1) nécessite le consentement du juge en chef du tribunal dont l’intéressé est membre ou du procureur général de sa province.

Consentement

(3) L’autorisation donnée par le gouverneur en conseil en application des paragraphes (1) et (1.1) peut être générale ou particulière et limiter le nombre de juges suppléants.

Portée de l’autorisation du gouverneur en conseil

(4) Les juges suppléants reçoivent le traitement fixé par la Loi sur les juges pour les juges du tribunal auquel ils sont affectés, autres que le juge en chef, diminué des montants qui leur sont par ailleurs payables aux termes de cette loi pendant leur suppléance. Ils ont également droit aux indemnités de déplacement prévues par cette même loi.

[…]

Traitement

15. (1) Sous réserve des règles, tout juge de la Cour fédérale peut exercer ses fonctions en tout temps et partout au Canada pour les travaux de ce tribunal; il constitue alors la Cour fédérale.

Séances de la Cour fédérale

(2) Sous réserve des règles, les dispositions à prendre pour les audiences ou, à quelque autre titre, les travaux de la Cour fédérale, de même que pour l’affectation des juges en conséquence, sont du ressort du juge en chef de celle-ci.

Dispositions du ressort du juge en chef de la Cour fédérale

(3) Sur l’ordre de la Cour fédérale, l’instruction de toute affaire devant elle peut se dérouler en plus d’un lieu.

Lieu des audiences



[1] C.P. 2003-1779. Pour le libellé du décret, voir l’annexe 1.

[2] Pour les libellés des dispositions relatives à la magistrature et les libellés des art. 92(14) et 129, voir l’annexe 2.

[3] Acte concernant le Gouverneur Général, la liste civile et les salaires de certains fonctionnaires publics, S.C. 1868, ch. 33, cédule; et Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, S.C. 1875, ch. 11, art. 6.

[4] Loi des juges, S.R.C. 1906, ch. 138, visait l’ensemble des juges, des cours tant fédérales que provinciales. L’article 4 traite du salaire des juges de la Cour de l’Échiquier.

[5] Colonial Courts of Admiralty Act, 1890, 53-54 Vict., ch. 27 (R.-U.). Le législateur fédéral payait également les salaires des juges de la Cour maritime de l’Ontario qui a été établie en 1877 en vertu de l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867. Voir L’Acte de Juridiction Maritime, 1877, S.C. 1877, ch. 21 (sanction royale octroyée le 28 avril 1877). Pour plus de renseignements concernant les débuts des affaires d’amirauté au Canada, voir : Arthur J. Stone, « Canada’s Admiralty Court in the Twentieth Century » (2002), 47 R.D. McGill 511, p. 522 (Canada’s Admiralty Court). Voir également : The Woron, [1927] A.C. 906, p. 909 à 913 (C.P.), le juge Merrivale.

[6] La Loi de 1946 sur les juges, S.C. 1946, ch. 56, art. 2c) est le premier exemple où la Cour de l’Échiquier est comprise dans la définition législative d’une cour supérieure. La définition législative a éventuellement était insérée dans la Loi d’interprétation, S.C. 1967-68, ch. 7, art. 35.

[7] Bande indienne Tsartlip c. Fondation du saumon du Pacifique, [1990] 1 C.F. 609 (1re inst.), à la page 620, où le juge Muldoon a affirmé ce qui suit : « Dans la mesure où le Parlement en manifeste la volonté, les pouvoirs détenus par notre Cour ont la même plénitude que ceux qui sont considérés comme conférés aux cours supérieures provinciales en vertu de leur compétence inhérente et de leur compétence de common law aux termes de la rubrique 14 de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867; en effet, la Cour fédérale détient sa compétence “nonobstant  contraire énoncée dans la présente loi”, selon les termes de l’article 101, ce qui signifie évidemment qu’elle la détient nonobstant toute disposition de l’article 91, 92, 96 ou de tout autre article ». Voir également Nanaimo Community Hotel Ltd. v. Board of Referees appointed under The Excess Profits Tax Act (1944-45), 61 B.C.R. 354 (C.A.), aux pages 381 à 391 (Nanaimo) et voir James Richardson & Sons Limited v. Minister of National Revenue (1981), 6 Man. R. (2d) 132 (B.R), par. 28; R. c. Reddick [1996] A.C.A.C. no 9 (C.A.C.M.), par. 12 à 14, le juge en chef Strayer.

[8] Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, précité, note 3, art. 5.

[9] Acte à l’effet de modifier l’Acte des cours Suprême et de l’Échiquier, et d’établir de meilleures dispositions pour l’instruction des réclamations contre la Couronne, S.C. 1887, ch. 16, art. 3, 4 (Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, 1887).

[10] Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 5.2 [édicté par L.C. 2002, ch. 8, art. 16], art. 8(1) [mod., idem, art. 18]. Pour le libellé des dispositions de la Loi sur les Cours fédérales pertinentes à la présente instance, voir l’annexe 3.

[11] Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham, Ont. : LexisNexis Canada, 2008), p. 210 à 213.

[12] Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, précité, note 3, art. 5.

[13] Loi modifiant la Loi sur la cour de l’Échiquier, S.C. 1926-27, ch. 30, art. 1.

[14] Débats de la Chambre des communes (10 mars 1927), p. 1076 et 1077 (le ministre Lapointe).

[15] Avant sa modification en 1960, l’art. 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait ce qui suit :

99. (1) […] les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes.

Durée des fonctions des juges

[16] Débats de la Chambre des communes (14 juin 1960), p. 5095 à 5148 et (29 juillet 1960), p. 7499 à 7515 et Débats du Sénat (21 juin 1960), p. 985 à 901.

[17] Loi sur la Cour fédérale, S.C. 1970-71-72, ch. 1, art. 8(2).

[18] Débats de la Chambre des communes (25 mars 1970), p. 5474 (le ministre Turner).

[19] Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, précité, note 3, art. 2.

[20] Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26, art. 3 [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 115(F)].

[21] « Court of record », Black’s Law Dictionary, 5e éd. (St. Paul : West Pub. Co., 1979), p. 319.

[22] Earl of Halsbury, Halsbury’s laws of England, 3e éd., vol. 9 (Londres : Butterworth, 1954), p. 346 à 349.

[23] Mayor and Aldermen of the City of London v. Cox (1867), 2 L.R. (H.L.) 239, p. 262 et Lees c. La Reine, [1974] 1 C.F. 605 (1re inst.), p. 608 (Lees).

[24] Commonwealth of Puerto Rico c. Hernandez, [1975] 1 R.C.S. 228, p. 232 (Puerto Rico).

[25] Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, précité, note 3, art. 58. Voir également Acte pour établir de nouvelles dispositions au sujet de la Cour Suprême et de la Cour de l’Échiquier du Canada, S.C. 1876, ch. 26, art. 18.

[26] Supreme Court of Judicature Act, 1873, 36-37 Vict., ch. 66, art. 3, 4 (R.-U.) et Nanaimo, précitée, note 7, par. 65 à 116.

[27] Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, précité, note 3, art. 59.

[28] Acte modifiant l’Acte des brevets, S.C. 1890, ch. 13, art. 1.

[29] Acte modifiant l’Acte concernant les droits d’auteur, S.C. 1890, ch. 12, art. 1.

[30] Acte modifiant l’Acte relatif aux marques de commerce et aux dessins de fabrique, S.C. 1890, ch. 14, art. 2, 3.

[31] Acte des Pétitions de Droit, 1876, S.C. 1876, ch. 27, art. 4.

[32] Acte des expropriations, S.C. 1889, ch. 13, art. 21.

[33] Acte des douanes modifié, 1888, S.C. 1888, ch. 14, art. 1.

[34] Colonial Courts of Admiralty Act, précité, note 5, et Stone, « Canada’s Admiralty Court », précité, note 5, p. 525 à 558.

[35] Ibid. Voir Ian Bushnell, The Federal Court of Canada: A History, 1875-1992 (Toronto : University of Toronto Press, 1997), p. 75, où l’auteur fait une distinction entre une compétence civile illimitée et une compétence illimitée de première instance (Federal Court of Canada).

[36] Acte de l’Amirauté, 1891, S.C. 1891, ch. 29.

[37] Ibid, art. 14 et Halsbury’s laws of England, précité, note 22, p. 402 à 407.

[38] Three Rivers Boatman Limited c. Conseil Canadien des Relations Ouvrières et al., [1969] R.C.S. 607, p. 618 et Puerto Rico, précité, note 24, p. 232.

[39] L’Acte modifiant l’Acte des brevets, S.C. 1890, ch. 13, art. 1 a accordé à la Cour de l’Échiquier la compétence de délivrer le bref de scire facias qui avait été accordée aux cours qui ont compétence en vertu de l’Acte des brevets par L’Acte des Brevets de 1872, S.C. 1872, ch. 26, art. 29. En ce qui concerne le scire facias à titre de bref de prérogative, voir, S. A. de Smith, Judicial Review of Administrative Action, 2e éd. (Londres : Stevens & Sons Ltd., 1968), p. 368, 369, Clive Lewis, Judicial Remedies in Public Law, 4e éd. (Londres : Sweet & Maxwell, 2009), p. 67, et Jean-François Jobin, L’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 et les organismes inférieurs d’appel (Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1984), p. 93 et note 332.

[40] Continental Oil Co. v. Commissioner of Patents, [1934] R.C.É. 244, et Gamache, Herman E. v. D.R. Jones et al., [1967] 1 R.C.É. 308.

[41] Loi modifiant la Loi de la cour de l’Échiquier (Juridiction exclusive), S.C. 1932-33, ch. 13, art. 1, qui a précédé l’art. 18(2) de la Loi sur les Cour fédérales actuelle, précitée, note 10.

[42] Loi sur l’Office national de l’énergie, S.C. 1959, ch. 46, art. 19(2).

[43] Loi antidumping, S.C. 1968-69, ch. 10, art. 30(2); Loi sur la radiodiffusion, S.C. 1967-68, ch. 25, art. 26(3); Loi sur les eaux

internes du Nord, S.C. 1969-70, ch. 66, art. 21(3).

[44] Voir, par exemple, Acte concernant les Arbitres Officiels, S.C. 1879 ch. 8, art. 2; Acte de l’Amirauté, 1891, précité note 36, art. 14; Loi de l’Impôt de Guerre sur le Revenu, 1917, S.C. 1917, ch. 28, art. 17, 18; Loi de l’impôt sur les biens transmis par décès, S.C. 1958, ch. 29 art. 24.

[45] Lees, précité, note 23, par. 5.

[46] The Queen v. Bank of Nova Scotia (1885), 11 R.C.S. 1, juge Taschereau, et Hodge v. Béique et al. (1908), 33 Que. S.C. 90 (Cour de révision), juge Dunlop, p. 94.

[47] Société Radio-Canada et autre c. Commission de police du Québec, [1979] 2. R.C.S. 618.

[48] Loi de 1946 sur les juges, précitée, note 6, art. 2c), et Loi d’interprétation, précitée, note 6, art. 28(36), 35.

[49] Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

[50] International Minerals and Chemical Corpn. v. Potash Co. of America et al., [1965] R.C.S. 3, p. 9.

[51] Loi sur la Cour fédérale, précitée, note 17.

[52] Voir, par exemple, Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard; Renvoi relatif à l’indépendance et à l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard; R. c. Campbell; R. c. Ekmecic; R. c. Wickman; Manitoba Provincial Judges Assn. c. Manitoba (Ministre de la Justice), [1997] 3 R.C.S. 3 (Renvoi relatif aux juges de l’Î.-P.-É).

[53] Dans le Renvoi relatif aux juges de l’Î.-P.-É, la Cour suprême a étendu les principes de l’indépendance de la magistrature aux cours provinciales et aux juges des cours auxquelles l’art. 96 ne s’applique pas. Des décisions ultérieures ont étendu l’exigence d’indépendance de la magistrature aux autres officiers de justice, notamment les juges de paix, les juges suppléants et les conseillers‑maîtres.

[54] Acte des cours Suprême et de l’Échiquier, 1887, précité, note 9, art. 3.5.

[55] Loi modifiant la Loi de la cour de l’Échiquier, S.C. 1920, ch. 26, art. 2.

[56] Débats de la Chambre des communes (10 mai 1920), p. 2248 à 2250, et (19 décembre 1967), p. 5635.

[57] Le décret actuel a remplacé C.P. 1973-6/1953 du 10 juillet 1973.

[58] Bushnell, The Federal Court of Canada, précité, note 35, p. 97, 130, 193, 194.

[59] Lettre du 17 juillet 2009 émanant de M. Raymond P. Guenette, Administrateur en chef, Service administratif des tribunaux judiciaires, à M. Michel LeBrun, qui figure dans le dossier de ces instances et l’article de Marina Strauss intitulé « Understaffed Federal Court force to use retired judges » (La Cour fédérale, à court de personnel, est obligée d’avoir recours à des juges à la retraite) The Globe and Mail (30 août 1982), p. A5, qui faisait état qu’[traduction] « [u]ne pénurie de juges à la Cour fédérale a amené celle‑ci a avoir de plus en plus recours à des juges à la retraite des cours suprêmes provinciales à titre de remplaçants […] certains d’entre eux sont âgés de 80 ans et la majorité ont plus de 75 ans ».

[60] Les juges suppléants et leurs décisions peuvent être relevés dans Quicklaw. Leurs dates de naissance ont été confirmées par le Commissariat à la magistrature fédérale Canada dans une lettre datée du 12 janvier 2010 qui a été déposée au présent dossier de la Cour. Deux juges suppléants, l’honorable Darrel Heald et l’honorable François Chevalier, ont instruit plus de 350 causes entre 1994 et 1999 alors qu’ils avaient atteint l’âge de la retraite obligatoire de 75 ans fixé pour les juges et qu’ils n’occupaient plus leur poste de juge dans leurs cours respectives, c’est‑à‑dire la Cour fédérale du Canada et la Cour supérieure du Québec. Le juge suppléant Heald a principalement agi à la Section de première instance et il a tenu sa dernière audience en juin 1998. Le juge suppléant Chevalier n’a agi qu’à la Section d’appel.

[61] Loi sur les juges, L.R.C. (1985), ch. J-1, art. 2 « juge » [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 82(A)].

[62] Sullivan on the Construction of Statutes, précité, note 11, p. 238, 239.

[63] Pour l’art. 15(2) de la Loi sur les Cours fédérales, voir annexe 3.

[64] Comité permanent de la justice et des questions juridiques, Procès-verbaux et témoignages, fascicule no 31 (26 mai 1970), p. 31:68.

[65] Addy c. La Reine, [1985] 2 C.F. 452 (1re inst.), p. 464.

[66] Mon opinion s’accorde avec le dossier historique qui révèle qu’environ la moitié des décisions rendues par des juges suppléants entre 1942 et 1968 ont été rendues par deux personnes qui avaient plus de 75 ans : les juges suppléants Hyndman et Sheppard.

[67] La version française de l’art. 8(2) a d’abord été modifiée par l’article 7 de la Loi modifiant la Loi sur les juges, la Loi sur la Cour fédérale et la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.C. 1987, ch. 21, qui a été promulguée le 30 juin 1987. Le libellé de cette modification comprenait les mots « cesse d’occuper son poste ». Le 17 décembre 1987, la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 a été promulguée et elle a modifié le libellé comprenant les mots « cesse d’occuper son poste » qui figuraient à l’art. 8(2) de S.R.C. (1970) (2e suppl.), ch. 10 et L.C. 1987, ch. 21. Toutefois, les modifications apportées par L.C. 1987, ch. 21, n’ont été insérées dans la Loi sur la Cour fédérale que par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 16, qui a modifié le libellé de la version française de l’art. 8(2) qui figurait dans L.C. 1987, ch. 21 de manière à ce qu’il corresponde au libellé de la version française de l’art. 8(2) de L.R.C (1985), ch. F-7. Les suppléments aux Lois révisées du Canada ont été établis en vertu des art. 12 à 15 de la Loi sur les Lois révisées du Canada (1985), L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 40.

[68] Loi sur la révision et la codification des textes législatifs, L.R.C. (1985), ch. S-20, [art. 1 (mod. par L.C. 2000, ch. 5, art. 60)] 6e), f), 30 [édicté, idem, art. 71] et 31(2) [édicté, idem]. Voir également art. 4 de la Loi sur les Lois révisées du Canada (1985). L’effet du processus de révision des lois a fait l’objet de commentaires de la part des juges dans les décisions suivantes : Sarvanis c. Canada, 2002 CSC 28, [2002] 1 R.C.S. 921, au par. 13; Flota Cubana de Pesca (Flotte de pêche cubaine) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 2 C.F. 303 (C.A.), au par. 41; Beothuk Data Systems Ltd., Division Seawatch c. Dean, [1998] 1 C.F. 433 (C.A.), aux par. 43 et 44; Goodswimmer c. Canada (Procureur général), [1995] 2 C.F. 389 (C.A.), au par. 15. Une décision sur ce point a récemment été rendue par le juge Barnes en 2009 : Ligue des droits de la personne de B’nai Brith Canada c. Canada, 2009 CF 647, [2010] 3 R.C.F. 39, au par. 40. Voir Sullivan on the Construction of Statutes, précité, note 11, aux p. 98 et 99.

[69] Loi sur la révision et la codification des textes législatifs, par. 31(2).

[70] Les modifications apportées à l’art. 8 de la Loi sur la Cour fédérale par L.C. 1987, ch. 21, étaient la réponse du législateur à la décision rendue dans Addy, précitée. Elles étaient réputées entrer en vigueur le 17 avril 1985. L’objet principal de ces modifications, selon M. François Guérin, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et du procureur général du Canada était de « fix[er] l’âge uniforme de la retraite de toute la magistrature nommée par le gouvernement fédéral » (Débats de la Chambre des communes, 27 mars 1987, p. 4643). Par conséquent, le législateur a particulièrement porté son attention sur le libellé de l’art. 8(2) et il est revenu à la version française d’avant la révision dans laquelle figuraient les mots « cesse d’occuper son poste ».

[71] Ces modifications sont entrées en vigueur grâce à la Loi sur les Lois révisées du Canada (1985), promulguée le 17 décembre 1987.

[72] Je n’ai relevé aucune différence importante entre les versions anglaise et française de la disposition telle qu’elle a été adoptée en 1968 et modifiée en 1970 dans la première Loi sur la Cour fédérale.

[73] Voir p. 299 à 301 de la transcription du 24 septembre 2009.

[74] Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR].

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