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T-1688-96

Christopher C. Hutton (requérant)

c.

Le chef d'état-major de la défense (intimé)

Répertorié: Huttonc. Canada (Chef d'état-major de la défense)(1re inst.)

Section de première instance, juge Rothstein"Ottawa, 20 mai et 31 juillet 1997.

Forces armées Contrôle judiciaire du rejet des griefs du requérant par le chef d'état-major de la défense (CEMD)Le comité de révision des carrières (raisons médicales) (CRC(RM)) recommandait la libération du requérant des Forces armées étant donné qu'il n'était pas en mesure de respecter les conditions physiques pour faire partie de l'infanterieLe requérant a déposé un griefSes supérieurs n'étaient pas d'accord quant à savoir si le requérant pouvait être transféré à un autre groupe professionnelUn deuxième CRC(RM) a été convoqué et a rendu sa décision, dans un délai de 24 heures, recommandant la libérationLe requérant n'en a pas été informéPar la suite, on lui a refusé une promotion; une demande présentée pour se joindre à la milice lui a été refusée à cause de la faible cote qui lui avait été attribuée au niveau de la possibilité qu'il soit libéré pour des raisons de santéLa demande n'est pas prématuréeLe recours au ministre prévu dans les Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) n'est pas une autre voie de recours appropriée étant donné que les ORFC empêchent le ministre de prendre des mesures relativement à la plainte parce qu'une autre plainte a été déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personneL'omission d'informer le requérant de la convocation du deuxième CRC(RM) et de lui donner la possibilité de présenter ses observations constitue un manquement aux principes de justice naturelleLe deuxième CRC(RM) n'a pas présenté de recommandation indépendante; il s'agit d'un plan concocté par les officiers opposés au maintien de l'emploi du requérant afin d'obliger le CEMD à conclure qu'il devait être libéréLe CEMD a fait explicitement référence à la décision du deuxième CRC(RM), et a statué qu'aucune erreur n'avait été commise dans le processusÉtant donné qu'il y a eu des manquements aux principes de justice naturelle, le CEMD s'est trompé sur la validité du processusLa Cour est incapable de dire que le CEMD ne s'est pas appuyé sur la décision du CRC(RM) pour prendre sa décision concernant la libération du requérantLe CEMD n'a pas examiné la question de la promotion dans le contexte d'un autre groupe professionnelLes décisions de libérer le requérant et de ne pas lui accorder de promotion sont liéesLa Cour ne peut spéculer quant à savoir quelles auraient été les conclusions du CEMD s'il n'avait pas tenu compte de la décision du deuxième CRC(RM).

Droit administratif Contrôle judiciaire Certiorari Rejet des griefs du requérant par le chef d'état-major de la défense (CEMD)La demande n'est pas prématuréeLe requérant a eu recours à la procédure interne de règlement des griefs prévue à l'art. 29 de la Loi sur la défense nationaleL'art. 19.26 des Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) autorise la présentation d'une plainte auprès du ministre si le requérant n'est pas satisfait du redressement qui lui est accordéHabituellement, le recours au ministre est une autre voie de recours appropriée, mais le requérant a également déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personneLes art. 19.26(16) et (17) des ORFC disposent que, tant et aussi longtemps qu'une plainte fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne n'est pas réglée, le ministre ne peut prendre aucune mesure relativement à cette plainteLa plainte adressée au ministre n'est donc pas une autre voie de recours appropriée étant donné que le ministre ne pouvait agirLa décision de l'intimé est invalideOn y fait explicitement référence à la décision du deuxième comité de révision des carrières (raisons médicales) (CRC(RM))Le CRC(RM) a manqué aux principes de justice naturelle étant donné que le requérant n'a ni été avisé de la tenue de l'audience ni eu la possibilité de présenter des observationsLe CRC(RM) n'a pas présenté de recommandation indépendante, mais constitue un plan concocté par les officiers qui s'opposaient au maintien de l'emploi du requérant afin d'obliger le CEMD à conclure qu'il devait être libéré des Forces arméesL'intimé prétend qu'aucune erreur n'a été commiseIl s'est manifestement trompé à ce sujetLa Cour est incapable de dire que l'intimé ne s'est pas appuyé sur la décision du CRC(RM) pour prendre sa décision concernant la libération du requérantLes décisions de libérer le requérant et de ne pas lui accorder de promotion sont liées.

Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire du refus de l'intimé d'accueillir les griefs du requérant. Le requérant était fantassin dans les Forces armées canadiennes. Quand le requérant a eu de la difficulté à respecter les exigences physiques de l'emploi, son cas a été transmis à un comité de révision des carrières (raisons médicales) (CRC(RM)), qui a recommandé que le requérant soit libéré des Forces canadiennes parce qu'il était incapable de respecter les exigences professionnelles normales de son poste. Le requérant a déposé un grief et, par la suite, il semble que différents officiers aient adopté des positions contradictoires quant à savoir si le requérant pouvait ou devait changer de groupe professionnel afin d'être affecté en logistique. Des instructions ont été données pour convoquer un deuxième CRC(RM), ce qui a été fait à moins de 24 heures de préavis, et celui-ci a rendu sa décision recommandant la libération le même jour. Le requérant n'a pas été informé de la convocation du deuxième CRC(RM) et n'a donc pas formulé d'observations. Par la suite, le requérant a été informé par le directeur, Administration des carrières des officiers (DACO), qu'il serait promu. Au cours d'une réunion subséquente entre le DACO et le personnel de la Direction des carrières militaires (officiers) (DCMO) et le Directeur juridique/Personnel, avocat militaire, il a été décidé que le requérant ne serait ni promu ni commissionné. Le requérant a déposé un grief contre cette décision, alléguant que le refus de lui accorder sa promotion était injuste parce que le DACO était l'autorité compétente pour lui accorder la promotion et la commission, et que l'annulation de l'ordre de promotion et de commission violait les principes d'équité et le privait de son droit de bénéficier de l'application régulière de la loi. Après sa libération, le requérant a été informé que la faible cote qui lui avait été attribuée au niveau de la possibilité qu'il soit libéré pour des raisons de santé l'empêchait de s'enrôler dans la milice. On l'a de plus avisé que la restriction serait maintenue étant donné qu'il ne pouvait respecter le principe de l'universalité du service, comme l'avait conclu le deuxième CRC(RM). Le requérant a donc déposé sa dernière demande de redressement de grief dans laquelle il faisait valoir que la cote qui lui avait été assignée était erronée, que le principe de l'universalité ne s'appliquait qu'au niveau de la Force régulière et non pas pour le service dans la milice, et que le deuxième CRC(RM) avait été convoqué sans les autorisations nécessaires et avait mal appliqué le principe de l'universalité du service. L'intimé a refusé les trois griefs.

L'intimé a présenté une requête interlocutoire pour faire rejeter la demande de contrôle judiciaire au motif qu'elle était prématurée. Le requérant a déposé ses plaintes en vertu de l'article 29 de la Loi sur la défense nationale qui dispose que l'auteur d'un grief peut demander réparation aux autorités supérieures. L'alinéa 19.26(9) des Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) dispose que, si la décision du chef d'état-major de la défense (CEMD) ne lui accorde pas le redressement qui, de l'avis du requérant, semble justifié, celui-ci peut présenter une plainte au ministre.

Les questions en litige sont les suivantes: (1) la demande de contrôle judiciaire est-elle prématurée parce qu'il existe une autre voie de recours appropriée qui n'a pas été exercée; et (2) la décision du CEMD est-elle invalide parce qu'elle s'appuie sur la décision du deuxième CRC(RM) qui, comme l'a reconnu l'intimé, viole les principes de justice naturelle.

Jugement: la demande doit être accueillie.

Le recours au ministre de la Défense nationale aurait constitué une autre voie de recours appropriée pour le requérant, s'il n'avait pas déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne concernant la décision du CEMD. Les alinéas 19.26(16) et (17) des ORFC disposent que, tant et aussi longtemps que la plainte du requérant fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne n'est pas réglée, le ministre ne peut prendre aucune mesure concernant une plainte qui lui a été présentée par le requérant. Malgré l'appréhension que le requérant puisse manipuler la procédure de façon à contourner le principe selon lequel, lorsqu'il existe un mécanisme interne de règlement très souple, comme le processus de règlement des griefs, le requérant ne peut s'adresser aux tribunaux civils pour obtenir réparation avant d'avoir épuisé les recours internes, si le ministre ne peut prendre aucune mesure concernant la plainte du requérant et que la Cour, saisie d'une demande de contrôle judiciaire, n'en est pas empêchée, alors le ministre de la Défense ne peut être considéré comme une autre voie de recours appropriée par rapport à la Cour fédérale.

La procédure de convocation du deuxième CRC(RM) n'est pas un cas de violation par inadvertance des principes de justice naturelle. Il s'agit manifestement d'une tentative de contourner les arguments présentés par certains officiers pour qu'on envisage la possibilité de changer le requérant de groupe professionnel afin qu'il soit affecté en logistique. Le deuxième CRC(RM) s'est appuyé sur le fait qu'en raison du principe de "l'universalité du service", découlant du paragraphe 33(1) de la Loi sur la défense nationale , la possibilité de changer le requérant de groupe professionnel ne pouvait être envisagée. C'est une question d'interprétation dont l'application n'est pas évidente. Dans le contexte, la hâte avec laquelle le deuxième CRC(RM) a été convoqué et la rapidité avec laquelle il a rendu sa décision soulèvent un certain nombre de questions. Outre le fait qu'on a omis d'informer le requérant de cette procédure et de lui donner la possibilité de présenter des observations, il y a lieu de se demander si le deuxième CRC(RM) a présenté une recommandation indépendante, ou s'il s'agit tout simplement d'un plan concocté par certains officiers, opposés au maintien de l'emploi du requérant, en vue d'empêcher le CEMD d'examiner la question des postes vacants en logistique et de l'obliger à conclure que le requérant devait être libéré en raison du principe de l'universalité du service.

Le CEMD a explicitement fait référence à la décision du deuxième CRC(RM). Si le CEMD ne s'est pas appuyé sur des renseignements obtenus en violation des principes de justice naturelle, il n'y a pas de possibilité que le résultat en soit modifié et la décision ne doit pas être annulée. La décision du CEMD est brève et, à cet égard, nébuleuse. Dans sa décision, le CEMD est d'accord "avec l'affirmation du DACO . . . dans sa note de service . . . ayant trait à la convocation du deuxième CRC(RM) et avec sa conclusion qu'aucune erreur n'a été commise dans ce processus". Étant donné qu'il y a eu des manquements aux principes de justice naturelle, le CEMD s'est trompé sur la validité du processus suivi par le deuxième CRC(RM). On ne peut dire que le CEMD ne s'est pas appuyé sur la décision du deuxième CRC(RM) pour prendre sa décision concernant la libération du requérant. Pour ce qui a trait à la promotion, la décision du CEMD indique que le requérant ne respectait pas les conditions médicales. La décision de ne pas accorder de promotion et de commission se fonde uniquement sur le poste qu'occupait le requérant dans l'infanterie, parce que la décision de le libérer était fondée en partie sur la conclusion du CEMD qu'il ne pouvait être changé de groupe professionnel. De toute évidence, le CEMD n'a pas examiné la question de la promotion dans le contexte d'un autre groupe professionnel. Les décisions de libérer le requérant et de ne pas lui accorder de promotion sont liées. La Cour ne peut spéculer quant à savoir quelles auraient été les conclusions du CEMD concernant la libération et la promotion s'il n'avait pas été induit en erreur et s'il avait complètement ignoré la décision du deuxième CRC(RM). La décision du CEMD est annulée et les questions de la libération et de la promotion sont renvoyées pour réexamen par le CEMD.

Étant donné que le fondement de la plainte déposée devant la Commission canadienne des droits de la personne a peut-être disparu, la Commission devra décider si la plainte du requérant est suffisamment fondée pour lui permettre de poursuivre l'instance et de rendre une décision sur cette plainte. L'une des façons dont la Commission pourrait régler cette question serait de rejeter la plainte sous réserve des droits du requérant de la présenter de nouveau au besoin. Cela permettrait au CEMD de réexaminer rapidement l'affaire, et ce n'est que si le requérant est d'avis, après qu'une nouvelle décision aura été rendue, que sa plainte relative aux droits de la personne était nécessaire et justifiée, qu'il pourra se prévaloir de cette solution.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 15.

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6.

Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, art. 29 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 43), 33 (mod., idem, art. 60), 34 (mod., idem).

Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (Révision de 1968), art. 19.26(9), (16),(17).

jurisprudence

décision appliquée:

Cardinal et autre. c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643; (1985), 24 D.L.R. (4th) 44; [1986] 1 W.W.R. 577; 69 B.C.L.R. 255; 16 Admin. L.R. 233; 23 C.C.C. (3d) 118; 49 C.R. (3d) 35; 63 N.R. 353.

distinction faite avec:

Anderson c. Canada (Forces armées), [1997] 1 C.F. 273; (1996), 141 D.L.R. (4th) 54; 205 N.R. 350 (C.A.); Assoc. canadienne de télévision par câble c. American College Sports Collective of Canada, Inc., [1991] 3 C.F. 626; (1991), 81 D.L.R. (4th) 376; 4 Admin. L.R. (2d) 61; 36 C.P.R. (3d) 455; 129 N.R. 296; 4 T.C.T. 6177 (C.A.).

décision examinée:

Mobil Oil Canada Ltd. c. Office CanadaTerre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202; (1994), 115 Nfld. & P.E.I.R. 334; 111 D.L.R. (4th) 1; 360 A.P.R. 334; 21 Admin. L.R. (2d) 248; 163 N.R. 27.

décisions citées:

Villeneuve c. Canada, [1997] F.C.J. no 634 (1re inst.) (QL); Pereira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 126 F.T.R. 308 (C.F. 1re inst.); Kulyk c. Toronto Board of Education (1996), 139 D.L.R. (4th) 114; 24 C.C.E.L. (2d) 63; 11 O.T.C. 161 (Div. gén. Ont.); Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345; (1996), 136 D.L.R. (4th) 129; 96 CLLC 230-034; 36 C.R.R. (2d) 189; 198 N.R. 1; [1996] R.R.A. 537.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision de l'intimé de rejeter les griefs du requérant concernant sa libération des Forces armées canadiennes, de lui refuser une promotion, et de lui attribuer une faible cote au niveau de la possibilité qu'il soit libéré pour des raisons de santé, ce qui l'a empêché d'être accepté dans la milice. Demande accueillie.

avocats:

Ronald D. Lunau et Tara Erskine pour le requérant.

Yvonne Milosevic pour l'intimé.

procureurs:

Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour le requérant.

Le sous-procureur général du Canada, pour l'intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Rothstein: Le requérant demande le contrôle judiciaire d'une décision du 10 juin 1996 prise le général John Boyle, qui était alors chef d'état-major de la défense (CEMD), dans laquelle il a refusé la demande de redressement du requérant présentée par voie de grief. Cette demande fait suite à la libération du requérant des Forces canadiennes, au refus de lui accorder une promotion, et à la faible cote qui lui a été attribuée au niveau de la possibilité qu'il soit libéré pour des raisons de santé.

REQUÊTE INTERLOCUTOIRE

Au début de l'audience sur le fond de la demande de contrôle judiciaire, l'intimé a présenté une requête interlocutoire pour la faire rejeter au motif qu'elle était prématurée. Le requérant a déposé ses plaintes en vertu de l'article 29 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 43]1. Jusqu'ici, différents membres des Forces canadiennes ont été saisis de son grief aux termes de la procédure interne de règlement des griefs des Forces canadiennes. En vertu des dispositions réglementaires pertinentes, soit l'alinéa 19.26(9) des Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), si la décision du CEMD ne lui accorde pas le redressement qui, de l'avis du requérant, semble justifié, celui-ci peut présenter une plainte au ministre de la Défense nationale. L'alinéa 19.26(9) est rédigé dans les termes suivants:

Si un officier ou militaire du rang qui a présenté une plainte écrite au chef d'état-major de la défense est d'avis que la décision de ce dernier ne lui accorde pas le redressement qui, de l'avis du militaire, semble justifié, il peut présenter une plainte écrite au ministre.

L'intimé prétend qu'une plainte au ministre de la Défense nationale est une autre voie de recours appropriée pour le requérant et que la Cour ne devrait pas entendre la demande de contrôle judiciaire tant que ce recours n'a pas été exercé.

Dans l'arrêt Anderson c. Canada (Forces armées), [1997] 1 C.F. 273 (C.A.), le juge Stone, J.C.A., a examiné, dans le contexte des Forces canadiennes, la question d'une autre voie de recours appropriée à exercer au lieu de présenter une demande de contrôle judiciaire. Voir également la décision du juge McKeown dans Villeneuve c. Canada, [1997] F.C.J. no 634 (1re inst.) (QL).

À l'exception d'un fait qui distingue l'espèce de l'arrêt Anderson, il ne fait guère de doute, compte tenu des opinions du juge Stone, J.C.A. dans cette affaire, que le ministre de la Défense nationale est une voie de recours appropriée que le requérant aurait pu exercer dans cette affaire. L'arrêt Anderson indique que, lorsque cela est possible, il est préférable qu'une plainte soit réglée à l'intérieur des Forces canadiennes. Le processus de règlement des griefs prévu à l'article 29 de la Loi sur la défense nationale est considéré comme un mécanisme de règlement très souple. Lorsqu'un tel mécanisme existe déjà, ce n'est que lorsque le plaignant n'est pas satisfait du résultat final de ce processus qu'il peut s'adresser aux tribunaux civils pour obtenir réparation. Des considérations de coût et de rapidité favorisent également un règlement interne. Il convient aussi de souligner que, si le requérant a gain de cause dans sa demande de contrôle judiciaire, l'affaire doit être renvoyée pour réexamen. Les coûts peuvent être minimisés et un règlement peut intervenir plus rapidement si les recours internes sont épuisés en premier lieu2.

Toutefois, l'espèce peut être distinguée de l'arrêt Anderson du fait que, dans le cas qui nous occupe, le requérant a déjà déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) concernant la décision du CEMD. Après avoir entendu les arguments concernant la requête interlocutoire pendant une journée, la Cour a demandé aux parties de traiter des alinéas 19.26(16) et (17) des ORFC, qu'aucune d'elles n'avait soulevé jusque là. Les alinéas 19.26(16) et (17) sont rédigés dans les termes suivants:

(16) Une autorité de redressement qui a reçu une plainte d'un officier ou militaire du rang en vertu du présent article est tenue de suspendre toute mesure prise à l'égard de la plainte dès que le militaire prend un recours, présente une réclamation ou une plainte en vertu d'une loi fédérale, autre que la Loi sur la défense nationale, relativement à une question qui a donné naissance à la plainte du militaire en vertu du présent article.

(17) Une autorité de redressement qui a suspendu les mesures prises à l'égard d'une plainte visée par l'alinéa (16) doit reprendre toute mesure aux termes du présent article concernant cette plainte dès que l'autre recours, réclamation ou plainte a été résolu.

Du fait de ces dispositions, tant et aussi longtemps que la plainte du requérant fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 n'est pas réglée, le ministre de la Défense nationale ne peut prendre aucune mesure concernant une plainte qui lui a été présentée par le requérant. Par conséquent, l'avocate de l'intimé a reconnu que le ministre de la Défense nationale n'était pas une autre voie de recours appropriée dans les circonstances de l'espèce. Toutefois, c'est le requérant lui-même qui a déposé la plainte relative aux droits de la personne qui empêche le ministre de la Défense nationale de régler cette affaire. Le fait que le requérant puisse manipuler la procédure de façon à contourner le principe énoncé dans l'arrêt Anderson me pose quelques problèmes. Néanmoins, si le ministre de la Défense nationale ne peut prendre de mesures concernant la plainte du requérant et que la Cour, saisie d'une demande de contrôle judiciaire, n'en est pas empêchée, alors le ministre de la Défense nationale ne peut être considéré comme un autre voie de recours appropriée par rapport à la Cour fédérale. La demande interlocutoire visant à rejeter l'action au motif qu'elle est prématurée doit donc être rejetée.

Toutefois, cela ne signifie pas automatiquement que la Cour doit entendre la procédure de contrôle judiciaire. La plainte dont est saisie la Commission en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne pose des complications d'ordre procédural. Par exemple, si le requérant a gain de cause dans la présente procédure de contrôle judiciaire, la Cour annulera la décision du CEMD et renverra la question pour réexamen. Toutefois, les alinéas 19.26(16) et (17) empêchent le CEMD de réexaminer l'affaire tant que la Commission ne s'est pas prononcée sur la plainte relative aux droits de la personne. L'annulation de la décision du CEMD créera à tout le moins une certaine confusion devant la Commission étant donné que la procédure devant celle-ci doit se rapporter en partie, sinon en totalité, à la décision annulée du CEMD.

Par ailleurs, dans la demande de contrôle judiciaire, le requérant allègue des manquements aux principes de justice naturelle, qui sont des questions pouvant être soulevées à bon droit devant la présente Cour3. L'avocate de l'intimé n'a pas demandé la suspension de la procédure devant la présente Cour en attendant la décision de la Commission. Si une telle demande avait été présentée, je pense que la meilleure façon d'agir aurait été de suspendre la procédure étant donné qu'une décision favorable au requérant aurait vraisemblablement signifié que l'affaire devait être renvoyée au CEMD pour réexamen, ce que le CEMD, du fait des alinéas 19.26(16) et (17), est empêché de faire tant et aussi longtemps que la plainte relative aux droits de la personne n'est pas réglée. À l'audition de cette affaire, j'ai décidé d'entendre les questions concernant les principes de justice naturelle soulevées par le requérant et c'est ce que je m'apprête à faire.

LA DÉCISION DU CEMD ET LE PROCESSUS SUIVI POUR Y PARVENIR

La décision du CEMD est la suivante:

[traduction] M. C.C. Hutton

DEMANDE DE REDRESSEMENT DE GRIEF

Comme vous me l'avez demandé, j'ai examiné votre demande de redressement de grief en date du 24 février 1995, concernant votre libération des Forces canadiennes pour des raisons de santé.

Des observations vous ont été communiquées aux termes de l'Ordre administratif 19-32 des Forces canadiennes. Dans mon examen, j'ai pris en considération votre plainte initiale et les autres observations que vous avez formulées, de même que les observations de vos anciens supérieurs à différents niveaux de la chaîne de commandement, ainsi que celles des membres de la haute direction du Quartier général qui sont responsables de ces questions.

Malheureusement, en raison de votre état de santé, vous ne pouvez exercer sans restrictions votre emploi dans l'Infanterie et votre employabilité dans tout autre groupe professionnel est gravement compromise. Votre demande visant à faire modifier la cote "C" qui vous a été attribuée au niveau de la possibilité de libération pour raisons de santé ne peut être appuyée étant donné que le principe de l'universalité du service s'applique autant à la Force régulière qu'à la Force de réserve. De même, je suis d'accord avec l'affirmation du DACO qui explique dans sa note de service du 16 janvier 1996 ayant trait à la convocation du deuxième CRC(RM) et dans sa conclusion qu'aucune erreur n'a été commise dans ce processus.

Même si le directeur, Administration des carrières (DACO) vous a informé de son intention de vous accorder une promotion et une commission, et qu'il était au nombre des autorités pouvant approuver ces deux mesures, vous n'avez pas respecté les conditions médicales qui vous permettraient d'obtenir une promotion. Dans les circonstances, le DACO n'avait pas compétence pour vous accorder une commission et il a donc pris sa décision sans en avoir le pouvoir.

Néanmoins, j'ordonne que votre période de service obligatoire, se rapportant au financement de vos études, soit annulé dès votre libération pour des raisons de santé.

M'appuyant sur l'examen que j'ai effectué, je suis convaincu que vous avez été traité de façon juste et équitable. Je refuse donc tout autre redressement.

Bien que je ne puisse faire droit à votre demande, je tiens à vous remercier d'avoir servi dans les Forces canadiennes, et je vous souhaite bonne chance dans vos entreprises futures.

J.E.J. Boyle

Général

Les faits qui ont mené à la décision du CEMD sont les suivants: en février 1990, le requérant a demandé à s'inscrire au programme de formation des officiers des Forces canadiennes. Au cours d'un examen médical préalable à son enrôlement, on a diagnostiqué une tumeur cancéreuse à la poitrine. Il a subi une intervention chirurgicale en avril 1990. En octobre 1990, le requérant s'est enrôlé comme simple soldat dans les Forces canadiennes, à titre de fantassin, dans le Cameron Highlanders of Ottawa, régiment de la Force de réserve. Le requérant a subi une nouvelle intervention chirurgicale en décembre 1990. En 1991, il a été muté à la Force régulière, après en avoir fait la demande. En devenant membre de la Force régulière, le requérant a été accepté au Programme de formation des officiers de la Force régulière (PFOFR). Sous la rubrique profession, on avait indiqué "infanterie". Le requérant a eu de la difficulté à respecter les exigences physiques de cet emploi. En janvier 1994, le requérant a été classé de façon permanente dans la catégorie médico-professionnelle G2 03 (limite géographique G2 et limite professionnelle 03), ce qui était inférieur à la norme minimale de l'infanterie établie à G2 02. Le requérant a donc cessé sa formation dans l'infanterie et son cas a été transmis à un comité de révision des carrières (raisons médicales) (CRC(RM)). Dans une décision approuvée le 1er  septembre 1994, le CRC(RM) a recommandé que le requérant soit libéré des Forces canadiennes:

[traduction] . . . étant donné qu'il est incapable de respecter les exigences professionnelles normales (EPN) suivantes pour conserver son poste actuel: . . . et il n'est apte à occuper aucun autre poste de son rang. Il est apte à occuper 5 % des postes du rang immédiatement supérieur/CGPM. Les groupes professionnels militaires LOG [logistique], RENS [renseignement] et Aff P [affaires publiques] [les autres classifications professionnelles examinées pour le requérant] ne sont pas accessibles aux participants du PFOFR.

Un premier ordre de libération concernant le requérant a été donné le 8 septembre 1994, établissant la date de sa libération au 1er juin 1995, mais une prorogation a par la suite été accordée jusqu'au 22 janvier 1996.

Le requérant a entamé la procédure de redressement des griefs prévue dans les ORFC le 24 février 1995. Après le dépôt du grief, il semble que différents officiers des Forces canadiennes aient adopté des positions contradictoires quant à savoir si le requérant pouvait ou devait changer de groupe professionnel. Certains soutenaient fermement que la recommandation du CRC(RM) devait être maintenue, mais d'autres étaient d'avis que le requérant avait été traité injustement et que, contrairement à la conclusion du CRC(RM), la Marine avait besoin de jeunes officiers en logistique4.

Dans une note de service datée du 14 novembre 1995, le lieutenant-colonel P. Pellicano, directeur, Droits de la personne et lutte contre le harcèlement (DDPLCH), a écrit au colonel L. G. Pestell, directeur, Administration des carrières des officiers (DACO), l'informant qu'un autre élève-officier (Logan) s'était enrôlé en logistique et lui recommandant de maintenir l'emploi du requérant, en le mutant au service de logistique de la Marine. Le 15 novembre 1995, le colonel Pestell a informé le lieutenant-colonel Pellicano qu'il n'y avait pas de poste vacant en logistique, que le cas du requérant avait fait l'objet d'un examen complet et que la question devait être transmise au CEMD pour qu'une décision soit prise sans autre retard.

Malgré la lettre du colonel Pestell au lieutenant-colonel Pellicano, l'affaire n'a pas été transmise au CEMD. Le 16 novembre 1995, le lieutenant-commander J. D. Lemieux, officier de la DACO sous l'autorité du colonel Pestell, a donné instruction de convoquer un deuxième CRC(RM):

[traduction] 1. Un examen préalable à la transmission de ce dossier au CEMD révèle que certains renseignements ayant trait à cette demande ne sont peut-être pas à jour, ce qui pourrait influer sur la décision. Plus précisément, il semblerait que l'élof Hutton ne respecte pas le principe de "l'universalité du service" qui est maintenant appliqué pendant les délibérations du CRC(RM).

2. Par conséquent, pour faciliter la prise d'une décision valable concernant la carrière de l'élof Hutton, il est demandé qu'un nouveau CRC(RM) soit convoqué. Les résultats de ce CRC(RM) serviront de fondement aux recommandations faites à l'autorité qui prendra la décision finale.

Le deuxième CRC(RM) a été convoqué le 16 novembre 1995. La décision que ce comité a rendue le même jour indique ce qui suit:

[traduction] RENSEIGNEMENTS PROTÉGÉS B

COMITÉ DE RÉVISION DES

    CARRIÈRES (RAISONS MÉDICALES)"MR

1. Renseignements généraux

a. B42  220  889élofHutton    23 U

(NM)  (RANG)  (NOM ET INITIALES)    (GR PROF)

b. 3027    Op Ren

(CIU-SUFFIXE-ILTE)    (UNITÉ ACTUELLE)

2. Raison de la demande/recommandation:

a. La cote médicale suivante a été assignée à l'élof Hutton: G2, aucune limite géographique; et 03: pas de travail physique pendant plus de deux (2) heures sans pause. Le cas de l'élof Hutton a été examiné par le CRC(RM) qui a été convoqué le 1er septembre 1994. La décision de ce comité était de libérer l'élof Hutton en date du 1er juin 1995. La date de sa libération a été reportée jusqu'au 18 décembre 1995, par suite de prolongations accordées à l'élof Hutton afin de régler en partie les problèmes d'effectif de la cellule Op Ren.

b. L'élof Hutton a contesté par voie de grief la décision du CRC(RM) de le libérer des FC. Par suite de ce grief, le DACO 4 a exprimé ses préoccupations concernant l'application du principe de l'universalité du service. Le présent CRC(RM) a été convoqué uniquement pour aider l'autorité responsable de la décision à se prononcer sur les mesures qui doivent être prises concernant la carrière de l'élof Hutton.

c. L'élof Hutton est inapte à occuper tous les postes de son groupe et de son rang actuels.

d. Le paragraphe 33(1) de la LDN dispose que tous les membres des FC sont soumis à l'obligation de service légitime. La limite "pas de travail physique pendant plus de deux (2) heures sans pause" restreint considérablement la capacité du membre à remplir toutes ses fonctions d'ordre militaire.

e. Les FC ont établi une EPN pour l'ensemble des officiers, les obligeant à se soumettre à des exigences physiques allant de normales à extrêmement difficiles, selon leurs fonctions. Les FC ont une EPN pour les officiers d'infanterie, c'est-à-dire que ceux-ci doivent être en mesure de s'acquitter de tâches physiques lourdes pendant des périodes prolongées.

f. Il n'est pas possible d'envisager de changer le membre de groupe professionnel étant donné que les restrictions applicables à sa capacité de travail contreviennent à l'universalité du service. Ce critère essentiel n'a pas été examiné de façon appropriée au cours des délibérations du premier comité. [Non souligné dans l'original.]

COMITÉ DE RÉVISION DES CARRIÈRES

    (RAISONS MÉDICALES)

DÉCISION

1. Les circonstances concernant le membre susmentionné des Forces canadiennes ont été examinées par les membres du comité de révision des carrières dont le nom figure ci-après. Le comité recommande ce qui suit:

D'après ces renseignements, le comité n'a d'autre choix que de recommander la libération. Étant donné que les résultats de cette révision mènent encore une fois à une recommandation de libération, nous recommandons le maintien des conclusions du CRC(RM) qui a été convoqué le 1er septembre 1994.

Le requérant n'a pas été informé de la convocation du deuxième CRC(RM) et n'a donc pas formulé d'observations. Il a été mis au courant par la suite.

Après la décision du deuxième CRC(RM), les questions concernant la promotion du requérant et sa classification concernant ses possibilités de libération se sont posées. Il a déposé d'autres griefs au sujet de chacune de ces questions.

Le premier grief supplémentaire concernait la promotion et la commission promises au requérant. Le 14 décembre 1995, le colonel Pestell (DACO) l'avait informé personnellement au cours d'une réunion qu'il serait promu d'élève-officier à sous-lieutenant. Par la suite, le personnel de la Direction des carrières militaires (officiers) (DCMO) s'est opposé à l'opinion du colonel Pestell. Une réunion a eu lieu le 18 janvier 1996 entre le DACO, des représentants de la DCMO et le DJ/Per [Directeur juridique/Personnel], avocat militaire. À l'issue de cette réunion, il a été décidé que le requérant ne serait ni promu ni commissionné. En apprenant cette décision, le requérant a indiqué son intention de déposer un grief le 22 janvier 1996.

Le 21 février 1996, le requérant a reçu une lettre du lieutenant-colonel Moffatt, DACO 3, qui faisait référence à l'ordre donné par le colonel Pestell d'accorder une promotion au requérant et à la réunion du 18 janvier 1996:

[traduction] Le capitaine Pachett était d'avis que vous respectiez les critères applicables aux promotions et a transmis ces renseignements au colonel Pestell, DACO, qui, s'appuyant sur ses conseils, a ordonné que vous soyez promu au grade de slt.

Par la suite, le DACO 2 et le DACO 7 ont contesté cette décision. Une réunion a été convoquée à laquelle ont assisté toutes les personnes susmentionnées, et au cours de laquelle l'interprétation donnée par DJ Per a mené à la conclusion que vous ne deviez pas être promu.

Comme vous le savez, ces renseignements ont été transmis à l'OEM Op Ren. Nous poursuivons nos recherches pour retrouver le dossier dans lequel les décisions précitées ont été discutées. Si nous le retrouvons, les documents pertinents vous seront transmis.

Dans sa demande de règlement de grief déposée le 26 février 1996, le requérant allègue que le refus de lui accorder sa promotion est injuste parce que le DACO était l'autorité compétente pour lui accorder la promotion et la commission, et que l'annulation de l'ordre de promotion et de commission viole les principes d'équité et le prive de son droit de bénéficier de l'application régulière de la loi.

Le dernier grief du requérant concerne la cote qui lui a été attribuée au niveau de la possibilité qu'il soit libéré pour des raisons de santé. Ce classement a pour but d'établir si, en cas de libération du requérant, celui-ci peut effectuer d'autres périodes de service dans les Forces canadiennes soit dans la Force régulière, soit dans la Force de réserve. Selon le témoignage du capitaine Burton William Matthews, officier de la Direction des carrières militaires au Quartier général de la Défense nationale à Ottawa:

[traduction] Quand un membre des FC est libéré, pour quelque raison que ce soit, la possibilité qu'il puisse servir de nouveau dans les Forces en cas d'urgence doit être évaluée en fonction des facteurs suivants:

cote "A": employable sans restriction dans toute catégorie d'emploi militaire;

cote "B": employable avec restrictions dans toute catégorie d'emploi militaire;

cote "C": non employable.

Après sa libération le 22 janvier 1996, le requérant s'est informé de la possibilité de s'enrôler dans une milice. On l'a informé que la cote "C" relative à la possibilité de libération pour des raisons de santé l'empêchait de s'enrôler dans la milice. Il s'est renseigné plus avant pour savoir si cette exigence pouvait être contournée et la Direction du recrutement, de l'enseignement et de l'instruction (DREI) l'a informé le 3 mars 1996 que la restriction serait maintenue étant donné qu'il ne pouvait respecter le principe de l'universalité du service, comme l'avait conclu le deuxième CRC(RM).

Cette décision a amené le requérant à déposer sa dernière demande de redressement de grief le 13 mars 1996, dans laquelle il faisait valoir que la cote qui lui avait été assignée était erronée, que le principe de l'universalité ne s'appliquait qu'au niveau de la Force régulière et non pas pour le service dans la milice, et que le deuxième CRC(RM) avait été convoqué sans les autorisations nécessaires et avait mal appliqué le principe de l'universalité du service. Il a demandé que sa cote soit augmentée à "A" ou "B", à être autorisé à s'enrôler dans la milice, et à ce que tous les documents de la DREI ayant trait à la décision de ce deuxième CRC(RM) soient retirés de son dossier.

Les griefs ont été entendus par le CEMD qui les a refusés tous les trois dans sa décision du 10 juin 1996.

LA QUESTION DE LA COTE "C"

À l'audience, l'avocate du CEMD a informé la Cour que le CEMD ne souhaitait pas défendre sa décision concernant cette cote "C". Le CEMD s'est engagé à faire passer la cote du requérant, relativement à sa possibilité de libération pour des raisons de santé, de "C" à "B" dès que possible, en-dehors du processus du règlement des griefs5 . Au vu de la position du CEMD, cette partie de la décision du 10 juin 1996 de ne pas augmenter la cote du requérant de "C" à "B" est infirmée. La question n'est pas renvoyée pour réexamen en raison de l'engagement volontaire du CEMD à augmenter ce classement de "C" à "B".

LES QUESTIONS DE LIBÉRATION ET DE PROMOTION

J'examine maintenant ces parties de la décision du CEMD refusant au requérant le redressement recherché concernant sa libération et le refus de lui accorder une promotion. Au cours de l'audition de la demande de contrôle judiciaire, l'intimé a reconnu que le deuxième CRC(RM) convoqué le 16 novembre 1995 avait contrevenu aux principes de justice naturelle. La question est donc de savoir si la décision du CEMD est à son tour invalide parce qu'elle s'appuie sur la décision viciée du deuxième CRC(RM). Bien que les lacunes de la décision du deuxième CRC(RM) aient été reconnues, les circonstances qui entourent la convocation de ce comité, la rapidité des délibérations et le processus suivi sont énoncés pour replacer les choses dans leur contexte.

Dans sa note de service du 15 novembre 1995 adressée au lieutenant-colonel Pellicano, le colonel Pestell se disait frustré du temps et des ressources qui avaient été consacrés au grief du requérant. Il indiquait que la question devrait être transmise sans délai au CEMD. Je ne vois rien à redire là-dessus. Toutefois, pour une raison quelconque, le lieutenant-commander Lemieux a ensuite donné ordre de convoquer un deuxième CRC(RM) afin d'aider à prendre une décision valable sur la carrière du requérant, dont les résultats devaient constituer le fondement de la recommandation au CEMD.

Cette procédure plutôt élaborée, c'est-à-dire la convocation du comité, qui a fait intervenir six officiers supérieurs des Forces canadiennes, dont un officier ayant le grade de brigadier-général, semble avoir eu lieu à moins de 24 heures de préavis et avoir donné lieu à une décision qui a été approuvée par le brigadier-général le même jour. Par comparaison, le premier CRC(RM) a entamé sa procédure en avril 1994, a conclu ses délibérations et a fait sa recommandation en septembre 1994, c'est-à-dire qu'il lui a fallu plus de quatre mois.

La procédure de convocation du deuxième CRC(RM) n'est pas un cas de violation par inadvertance des principes de justice naturelle. Il s'agissait manifestement d'une tentative de contourner les arguments présentés par le lieutenant-colonel Pellicano et d'autres pour qu'on envisage la possibilité de changer le requérant de groupe professionnel afin qu'il soit affecté en logistique. Le deuxième CRC(RM) s'est appuyé sur le fait qu'en raison du principe de "l'universalité du service", découlant du paragraphe 33(1) de la Loi sur la défense nationale6 , la possibilité de changer le requérant de groupe professionnel ne pouvait être envisagée. C'est une question d'interprétation dont l'application n'est pas évidente. Dans le contexte, la hâte avec laquelle le deuxième CRC(RM) a été convoqué et la rapidité avec laquelle il a rendu sa décision soulèvent un certain nombre de questions. Outre le fait qu'on a omis d'informer le requérant de cette procédure et de lui donner la possibilité de présenter des observations, je me demande si le deuxième CRC(RM) a présenté une recommandation indépendante. Il me semble plutôt qu'il s'agit là d'un plan concocté par certains officiers, opposés au maintien de l'emploi du requérant et au changement de groupe professionnel, en vue d'empêcher le CEMD d'examiner la question des postes vacants en logistique, qui n'est pas sans soulever elle-même quelques doutes, ce qui aurait pu amener le CEMD à accorder le redressement recherché par le requérant dans son grief, et à l'obliger à conclure que le requérant devait être libéré en raison du principe de l'universalité du service.

Je reviens à la décision du CEMD. Il ne fait pas de doute que le CEMD a examiné la décision du deuxième CRC(RM). Il y fait explicitement référence. Toutefois, l'intimé fait valoir que pour déterminer la validité des conclusions du CEMD, chaque composante de sa décision doit être analysée séparément au regard de l'importance qu'il a accordée chaque fois à la décision du deuxième CRC(RM). Selon la position de l'intimé, bien que les parties de la décision qui traitent de la validité du processus du deuxième CRC(RM) et du classement concernant la possibilité d'être libéré pour des raisons de santé puissent être entachées d'erreur, le CEMD ne s'est pas appuyé sur la recommandation du deuxième CRC(RM) pour décider de refuser au requérant tout autre redressement concernant sa libération et sa promotion.

L'intimé s'appuie sur l'arrêt Assoc. canadienne de télévision par câble c. American College Sports Collective of Canada, Inc., [1991] 3 C.F. 626 (C.A.), dans lequel le juge MacGuigan, J.C.A., a statué que la Commission du droit d'auteur n'avait pas refusé d'appliquer un principe de justice naturelle, malgré le fait qu'un membre avait obtenu des renseignements extérieurs (en fait, il avait rencontré en privé des représentants du CRTC à cette fin) et avait fait usage de certains de ces renseignements dans ses motifs dissidents. Le juge MacGuigan, J.C.A., fait observer à la page 639 que le commissaire avait "commis une grave erreur de jugement en cherchant à obtenir ces renseignements en dehors du cadre des audiences, et cette erreur aurait certainement pu entraîner la nullité de la décision prise par la Commission à cause d'un manquement à l'équité". Toutefois, il s'est ensuite demandé si la conduite d'un seul commissaire entachait de nullité toute la décision de la Commission. Il indique ceci aux pages 651-652:

. . . je pense que [l'arrêt Canadien Pacifique Limitée c. British Columbia Forest Products, Ltd., [1981] 2 C.F. 745] appuie la thèse selon laquelle une partie requérante doit établir que la Commission "s'est fiée au moins dans une certaine mesure à l'information" en question (à la page 757). En l'occurrence, rien ne permet de tirer cette conclusion, bien au contraire.

Une dernière précision mérite peut-être d'être donnée: l'existence d'une ou même de plusieurs erreurs de droit sans conséquence, qui pourraient ne rien changer au résultat, n'oblige pas la Cour à annuler une décision aux termes de l'alinéa 28(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale. Dans l'arrêt Schaaf c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 2 C.F. 334, à la page 342, le juge Hugessen de la Cour d'appel, après avoir cité le paragraphe 28(1), a fait le commentaire suivant:

À mon avis, il s'agit là de rien d'autre qu'une disposition attributive de compétence. Elle confère à la Cour le pouvoir d'annuler les décisions entachées de l'un des vices mentionnés, sans pour autant lui imposer l'obligation de le faire dans chaque cas.

. . .

Selon moi, la Commission n'a commis aucune erreur de droit en contrevenant à la règle audi alteram partem en l'espèce, mais dans l'hypothèse où les actes de M. Latraverse pourraient, pour une raison ou pour une autre, être imputés à la Commission dans son ensemble, je pense qu'une erreur attribuable à la Commission serait sans conséquence, constituerait un simple manquement à la procédure, et ne devrait pas justifier l'annulation de la décision. Dans toutes les causes citées, il fallait qu'il y ait une réelle possibilité que le résultat soit modifié.

À partir de cet extrait, l'intimé affirme qu'en cas de "simple manquement" à un principe de justice naturelle par un membre du tribunal, la décision complète n'est pas viciée à moins qu'il soit démontré qu'il y ait "une réelle possibilité que le résultat soit modifié" à cause de ce manquement. Par conséquent, l'intimé est d'avis qu'en examinant la question de savoir si la décision du CEMD devrait être annulée en raison d'un simple manquement à un principe de justice naturelle, la présente Cour doit se demander s'il y a une réelle possibilité que le CEMD se soit appuyé sur la recommandation du deuxième CRC(RM) pour décider des questions de libération et de promotion concernant le requérant, et par conséquent qu'il ait traité injustement le requérant.

Dans l'arrêt Mobil Oil Canada Ltd. c. Office CanadaTerre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, à la page 228, le juge Iacobucci a statué que les tribunaux ne devraient ignorer un manquement aux principes de justice naturelle que dans des cas exceptionnels, c'est-à-dire quand la décision est inévitable. Toutefois, j'interprète l'argument de l'intimé comme signifiant que le principe général énoncé dans Mobil Oil, selon lequel on ne peut ignorer un principe de justice naturelle, ne s'applique pas nécessairement lorsqu'on ne s'appuie pas sur les renseignements qui ont été obtenus en violation des principes de justice naturelle. L'intimé fait valoir que, si le CEMD ne s'est pas appuyé sur des renseignements obtenus en violation des principes de justice naturelle, il n'y a pas de possibilité que le résultat en soit modifié et que c'est donc l'arrêt Assoc. canadienne de télévision par câble qui s'applique.

Si l'on suppose qu'il s'agit là d'une interprétation correcte du droit en vigueur, dans quelle mesure le CEMD s'est-il appuyé sur la décision du deuxième CRC(RM) pour trancher les griefs du requérant concernant sa libération et sa promotion? La décision du CEMD est brève et, à cet égard, nébuleuse. Par ailleurs, le dossier est extrêmement compliqué. L'avocate du CEMD a présenté des observations indiquant que la Cour était en droit d'examiner le dossier lorsque la décision n'est pas claire afin de refaire le cheminement suivi par le CEMD pour en arriver à sa décision et déterminer sur quels renseignements il s'est appuyé. Toutefois, un tel exercice donnerait au CEMD l'avantage de s'être exprimé de façon nébuleuse, et obligerait la Cour à faire des spéculations sur ce que le CEMD avait à l'esprit quand il a formulé ses conclusions. Alors que la Cour dans l'arrêt Assoc. canadienne de télévision par câble a été en mesure de déterminer clairement que la majorité des membres de la Commission avaient pris leur décision sans s'appuyer sur les renseignements qui avaient été examinés par le commissaire dissident et que ces renseignements viciés n'avaient été mentionnés que très brièvement par le membre dissident, en l'espèce, le CEMD, qui a été le seul décideur, a fait explicitement référence à la décision du deuxième CRC(RM).

Dans sa décision, le CEMD est d'accord [traduction] "avec l'affirmation du DACO . . . dans sa note de service du 16 janvier 1996 ayant trait à la convocation du deuxième CRC(RM) et dans sa conclusion qu'aucune erreur n'a été commise dans ce processus". Étant donné qu'il y a eu des manquements aux principes de justice naturelle, le CEMD s'est trompé sur la validité du processus suivi par le deuxième CRC(RM). Certainement, la raison de la convocation du deuxième CRC(RM) était, selon les mots du lieutenant-commander Lemieux, [traduction ] "pour faciliter la prise d'une décision valable concernant la carrière de l'élof Hutton", et la décision du deuxième CRC(RM) indique ceci: [traduction ] "le comité n'a d'autre choix que de recommander la libération". Les raisons indiquées par le deuxième CRC(RM) ont trait à un changement de groupe professionnel, et le comité a conclu qu'il n'y avait pas de possibilité que ce changement se produise à cause du principe de l'universalité du service. Je ne peux donc dire que le CEMD ne s'est pas appuyé sur la décision du deuxième CRC(RM) pour prendre sa décision concernant la libération du requérant.

Pour ce qui a trait à la promotion, la décision du CEMD indique que le requérant ne respectait pas les conditions médicales. Selon la déposition du capitaine Matthews, l'admissibilité à une promotion au grade de sous-lieutenant dépend de l'aptitude de l'élève-officier sur le plan médical, c'est-à-dire qu'il soit apte et qu'il respecte les normes médicales applicables à sa classification professionnelle minimale (CPM). La CPM pour l'infanterie est G202, et G303 pour la logistique. Il est évident que la décision de ne pas accorder de promotion et de commission se fonde uniquement sur le poste qu'occupait le requérant dans l'infanterie, parce que la décision de le libérer était fondée en partie sur la conclusion du CEMD qu'il ne pouvait être changé de groupe professionnel. De toute évidence, le CEMD n'a pas examiné la question de la promotion dans le contexte d'un autre groupe professionnel. Je ne suis pas convaincu que les décisions de le libérer et ne pas lui accorder de promotion n'ont aucun lien entre elles.

La Cour ne peut spéculer à l'heure actuelle quant à savoir quelles auraient été les conclusions du CEMD concernant la libération et la promotion s'il n'avait pas été induit en erreur et s'il avait complètement ignoré la décision du deuxième CRC(RM). Ce genre de spéculation s'éloigne considérablement du principe énoncé par le juge Le Dain dans l'arrêt Cardinal et autre c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, à la page 661.

Il faut considérer le droit à une audition équitable comme un droit distinct et absolu qui trouve sa justification essentielle dans le sens de la justice en matière de procédure à laquelle toute personne touchée par une décision administrative a droit. Il n'appartient pas aux tribunaux de refuser ce droit et ce sens de la justice en fonction d'hypothèses sur ce qu'aurait pu être le résultat de l'audition.

Dans l'arrêt Assoc. canadienne de télévision par câble, l'exercice auquel on s'est livré pour déterminer quel aurait pu être le résultat si on ne s'était pas appuyé sur les renseignements obtenus en violation des principes de justice naturelle n'était pas spéculatif. Le juge MacGuigan, J.C.A. avait devant lui la décision majoritaire de la Commission, qui ne faisait aucune mention des renseignements viciés et qui ne reposait nullement sur ces renseignements. La décision que j'ai devant moi n'est pas aussi claire. Peut-être que si le CEMD avait été plus précis quant aux renseignements exacts sur lesquels il s'est fié pour prendre ses décisions relatives à la libération et à la promotion, l'argument de l'intimé aurait pu avoir plus de poids. Cependant, dans les circonstances de l'espèce, je ne peux l'accepter.

CONCLUSION

Je suis d'avis d'accueillir la demande de contrôle judiciaire. La décision du CEMD est annulée. Les questions de la libération et de la promotion sont renvoyées pour réexamen par le CEMD qui occupe à l'heure actuelle ce poste.

Je reviens aux difficultés de procédure qui se posent en l'espèce. Il y a à l'heure actuelle une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne. Le CEMD ne peut réexaminer la question en raison de l'application de l'alinéa 19.26(16) des ORFC. Cette décision pourra entraîner la disparition de la plainte relative aux droits de la personne. Il appartiendra à la Commission de décider si la plainte du requérant est suffisamment fondée pour lui permettre de poursuivre l'instance et de rendre une décision sur cette plainte. L'une des façons dont la Commission pourrait régler cette situation serait de rejeter la plainte sous réserve des droits du requérant de la présenter de nouveau au besoin. Cela permettrait au CEMD de réexaminer rapidement l'affaire, et ce n'est que si le requérant est d'avis, après qu'une nouvelle décision aura été rendue, que sa plainte relative aux droits de la personne était nécessaire et justifiée, qu'il pourra se prévaloir de cette solution. Ce sont là des décisions que le requérant et la Commission devront prendre eux-mêmes.

Finalement, les arguments relatifs à la Charte soulevés dans le contrôle judiciaire n'ont pas été repris par le requérant pour les motifs expliqués dans la note 2. Au vu du règlement de la question concernant les principes de justice naturelle en faveur du requérant, il n'est pas nécessaire de traiter de ces arguments.

1 L'art. 29 de la Loi sur la défense nationale dispose comme suit:

29. Sauf dans le cas d'une affaire pouvant régulièrement faire l'objet d'un appel ou d'une demande en révision aux termes de la partie IX, ou d'une demande ou d'un appel aux termes de la partie IX.1, l'officier ou le militaire du rang qui s'estime lésé d'une manière ou d'une autre peut, de droit, en demander réparation auprès des autorités supérieures désignées par règlement du gouverneur en conseil, selon les modalités qui y sont fixées.

2 Bien que le requérant n'ait pas respecté le délai pour présenter une plainte au ministre de la Défense nationale, l'avocate de l'intimé a assuré la Cour que la prolongation nécessaire serait accordée si la Cour lui donne raison sur le caractère prématuré de la demande.

3 La demande de contrôle judiciaire renferme également des allégations selon lesquelles les art. 33 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 60] et 34 [mod., idem] de la Loi sur la défense nationale enfreignent la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] et que l'exercice du pouvoir discrétionnaire par le CEMD en l'espèce contrevient à l'art. 15 de la Charte qui protège le requérant contre la discrimination du fait d'une déficience physique, qui figure parmi les motifs énumérés. Dans la mesure où ces arguments relatifs à la Charte sont fondés en l'espèce, il est clair qu'ils sont semblables, sinon identiques, à des plaintes déposées devant la Commission en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les parties n'étaient pas disposées à débattre de la question de savoir si la Cour devrait se pencher sur une contestation de l'art. 15 de la Charte pendant qu'une plainte portant sur la même question est devant la Commission. Cette question a fait l'objet de quelques décisions récentes (voir Pereira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 126 F.T.R. 308, une décision du 24 février 1997 du juge Cullen de la présente Cour; Kulyk v. Toronto Board of Education (1996), 139 D.L.R. (4th) 114, une décision de la Division générale de la Cour de l'Ontario, et Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345). Dans les circonstances, la Cour n'était pas disposée à entendre les arguments fondés sur la Charte avant de régler cette question. Au vu de la décision concernant les questions de justice naturelle, il n'a pas été nécessaire d'examiner les arguments relatifs à la Charte.

4 De façon générale, les opinions favorables au requérant ont été exprimées par le contre-admiral Summers, le lieutenant-colonel Pellicano, le lieutenant-colonel LaPierre; et les opinions défavorables par le major général Armstrong, le colonel Pestell et le lieutenant-commander Lemieux. Des doutes concernant le principe de l'universalité du service ont été exprimés par le lieutenant-colonel Rivard et le colonel Holt.

5 Malgré la plainte fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne, les art. 19.26(16) et (17) n'empêchent pas le CEMD de modifier le classement du requérant relatif à la possibilité de libération pour des raisons de santé en dehors de la procédure de règlement des griefs, comme il s'est engagé à le faire.

6 L'art. 33(1) de la Loi sur la défense nationale dispose comme suit:

33. (1) La force régulière, ses unités et autres éléments, ainsi que tous ses officiers et militaires du rang, sont en permanence soumis à l'obligation de service légitime.

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