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[1994] 3 .C.F 83

A-205-93

Henry Loewen (appelant) (défendeur)

c.

Sa Majesté La Reine (intimée) (demanderesse)

Répertorié : Canada c. Loewen (C.A.)

Cour d’appel, juges Pratte, Hugessen et McDonald J.C.A.— Vancouver, 22 mars; Ottawa, 14 avril 1994.

Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Revenu ou gain en capital — Appel formé contre la décision de la Section de première instance, portant que le gain réalisé lors du rachat d’une débenture donnant droit à un crédit d’impôt pour la recherche scientifique (CIRS) est un revenu découlant d’un risque de caractère commercial — L’appelant a acheté un CIRS pour 200 000 $ en juillet 1984 — Il a racheté la débenture pour 140 000 $ en janvier 1985 — Le seul but de l’opération était d’obtenir un crédit d’impôt — Puisque la débenture était rachetable par la compagnie ou par le détenteur, il était impossible que le rachat rapporte un profit au détenteur — Puisque aux termes de l’art. 127.3(6), on présume que le coût d’acquisition de la débenture est le coût réel moins 50 % du montant désigné (200 000 $), il y a eu gain fictif de 40 000 $, malgré une perte véritable de 60 000 $ — Appel accueilli — Gain en capital de 40 000 $ — Il y a risque de caractère commercial si l’opération est conduite de la même façon qu’une transaction effectuée par un commerçant ou un négociant ordinaire — Il doit être possible de réaliser un profit au sens commercial pour qualifier une opération de risque de caractère commercial — Le profit fictif créé par la Loi de l’impôt sur le revenu ne doit pas être considéré comme réel aux fins d’application du critère objectif du « commerçant ou négociant ordinaire » — Le profit fictif n’incite pas un commerçant à effectuer l’opération — La seule motivation en l’espèce était le crédit d’impôt — Cela ne peut servir à transformer l’opération en un risque de caractère commercial.

Il s’agit d’un appel formé contre la décision de la Section de première instance portant que le gain réalisé lors du rachat d’une débenture donnant droit à un crédit d’impôt pour la recherche scientifique (CIRS) était un revenu découlant d’un risque de caractère commercial, et non un gain en capital. Le litige est né d’un régime législatif éphémère qui visait à encourager l’investissement dans les compagnies effectuant de la recherche scientifique. L’appelant a acquis une débenture au coût de 200 000 $ en juillet 1984. La débenture était rachetable par le détenteur ou la compagnie émettrice au prix de 140 000 $, et elle a été rachetée en janvier 1985, à la demande de l’appelant. L’opération avait pour seul objet d’obtenir un crédit d’impôt. Puisque la débenture était rachetable par la compagnie ou par le détenteur, elle n’aurait jamais pu valoir plus de 140 000 $; aussi était-il impossible que le rachat rapporte un profit au détenteur. Aux termes du paragraphe 127.3(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le coût d’acquisition pour l’investisseur était présumé être réduit de 50 % du montant désigné conformément au paragraphe 194(4). Le vendeur a désigné la somme totale de 200 000 $ en application du paragraphe 194(4). Bien que l’appelant ait subi une perte réelle de 60 000 $ (le coût d’acquisition moins le prix de rachat), il a réalisé un gain fictif de 40 000 $ (le prix de rachat moins le coût d’acquisition présumé ou 100 000 $ [coût réel moins 50 %]). Dans sa déclaration de revenus de 1985, l’appelant a déclaré cette somme à titre de gain en capital. Le ministre a établi une nouvelle cotisation sur le fondement qu’il s’agissait d’un profit découlant d’un risque de caractère commercial, imposable comme revenu d’entreprise. La Cour de l’impôt a conclu que la somme de 40 000 $ était un gain en capital. Il ne pouvait s’agir d’une opération commerciale puisque celle-ci ne pouvait rapporter un profit. Le juge de première instance en est venu à la conclusion opposée parce que l’appelant a, aussi rapidement que possible et de la même manière que l’aurait fait un commerçant, vendu la débenture après que celle-ci lui eut permis d’obtenir un crédit d’impôt. L’appel soulève deux questions : (1) L’opération structurée de manière à ne pouvoir rapporter aucun profit commercial peut-elle constituer un risque de caractère commercial? (2) Le profit fictif, qui est engendré du fait qu’en vertu de la Loi, le coût d’acquisition pour l’acheteur est présumé être inférieur à son produit de disposition, doit-il être imposé à titre de revenu ou de gain en capital?

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Le juge Hugessen, J.C.A. (le juge McDonald, J.C.A., y souscrit) : L’achat et le rachat subséquent de la débenture donnant droit à un CIRS n’était pas un risque de caractère commercial et le gain présumé qui en a été tiré devrait être traité comme un gain en capital et non comme un revenu.

L’appelant n’a pas été imposé sur le fondement qu’il est commerçant ou qu’il exploite une entreprise, mais parce que les profits qu’a rapportés l’opération doivent être traités comme des profits d’entreprise puisque l’opération est « un risque de caractère commercial » au sens de l’article 248. La notion de risque de caractère commercial étend la portée des articles qui créent une obligation fiscale à des opérations qui, bien qu’elles ne soient pas effectuées par un commerçant, sont d’une nature identique aux opérations commerciales. Un commerçant peut, dans le cadre de son entreprise, effectuer des opérations qui, d’elles-mêmes, ne peuvent rapporter un profit, mais qui visent à profiter à l’entreprise en général.

Bien qu’une conclusion favorable selon laquelle une opération visait à spéculer ou à effectuer un placement peut être déterminante quant à savoir s’il s’agissait d’une opération commerciale ou non, il n’en est rien de la conclusion défavorable équivalente portant que l’opération ne visait à faire ni l’un ni l’autre. L’achat et le rachat subséquent de la débenture par l’appelant ne relevait pas du placement.

L’intention de tirer un profit d’une opération n’est pas nécessaire pour conclure qu’une telle opération est un risque de caractère commercial. Si une personne dispose d’un article qu’elle a acheté tout comme le ferait ordinairement un marchand, elle s’engage dans une initiative d’un caractère commercial.

Les considérations d’ordre fiscal, et plus particulièrement l’avantage fiscal envisagé, ne peuvent permettre de trancher la question de savoir si une opération donnée est commerciale. L’opération dont le seul but est de réduire l’impôt par ailleurs payable n’est pas, pour cette seule raison, un risque de caractère commercial.

Pour qualifier une opération de risque de caractère commercial, il doit être possible de tirer d’une telle opération un profit au sens commercial. Le profit purement fictif ne peut servir à transformer une opération par ailleurs non rentable en un risque de caractère commercial. Aucun commerçant souhaitant demeurer en affaires effectuerait des opérations susceptibles de produire des profits fictifs uniquement. Le coût d’acquisition réduit artificiellement ne peut être utilisé pour attribuer à l’opération elle-même une capacité de produire un profit qu’en réalité elle ne possède pas. Si la Loi de l’impôt sur le revenu doit présumer qu’une opération produit un profit fictif, ce profit ne doit pas être considéré comme réel aux fins d’application du critère. La question doit être celle de savoir si ce profit purement fictif servirait à inciter un commerçant à effectuer l’opération. Il est clair qu’il n’en serait rien. La seule motivation réelle en l’espèce était le crédit d’impôt, qui ne peut servir à transformer l’opération en un risque de caractère commercial.

Le juge Pratte, J.C.A. (dissident) : Le gain de 40 000 $ était un revenu tiré d’un risque de caractère commercial. Le gain était une fiction créée par le paragraphe 127.3(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu. La présomption créée à ce paragraphe doit être appliquée à toutes les fins pertinentes relativement à la Loi de l’impôt sur le revenu, dont la qualification d’une opération à titre de placement ou de risque de caractère commercial. Pour déterminer la véritable nature de l’opération, il faut supposer que l’appelant a acquis la débenture au coût de 100 000 $ et ne pas tenir compte du fait qu’il a en réalité payé le double de ce montant. Comme l’appelant a acquis la débenture dans l’intention qu’elle soit rachetée pour 140 000 $ peu après, il s’ensuit qu’il est dans la même situation que s’il avait acheté au coût de 100 000 $ une peinture qu’il avait l’intention de vendre quelques jours plus tard pour 140 000 $. Son profit de 40 000 $ découle manifestement d’un risque de caractère commercial.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 127.3 (édicté par S.C. 1984, ch. 1, art. 73; mod., idem, ch. 45, art. 46), 194(4) (édicté par S.C. 1984, ch. 1, art. 95), 248 (mod. par S.C. 1979, ch. 5, art. 66).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Edwards (Inspector of Taxes) v. Bairstow, [1956] A.C. 14 (H.L.); M.N.R. v. J. A. Taylor, [1956] C.T.C. 189; (1956), 56 DTC 1125 (C. de l’É.); Moloney (M.) c. Canada, [1992] 2 C.T.C. 227; (1992), 92 DTC 6570; 145 N.R. 258 (C.A.F.); Bishop (Inspector of Taxes) v. Finsbury Securities, Ltd., [1966] 3 All E.R. 105 (H.L.); FA & AB Ltd v. Lupton (Inspector of Taxes), [1971] 3 All E.R. 948 (H.L.); Californian Copper Syndicate v. Harris (1904), 5 T.C. 159; Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.); Erichsen v. Last (1881), 8 Q.B.D. 414 (C.A.).

APPEL formé contre la décision de la Section de première instance ([1993] 1 C.T.C. 212 (C.F. 1re inst.); inf. [1990] 1 C.T.C. 2133; (1989), 90 DTC 1009 (C.C.I.)), suivant laquelle le gain réalisé lors du rachat d’une débenture donnant droit à un crédit d’impôt pour la recherche scientifique était un revenu découlant d’un risque de caractère commercial. Appel accueilli.

AVOCATS :

Craig C. Sturrock pour l’appelant.

O. Brent Paris pour l’intimée.

PROCUREURS :

Thorsteinssons, Vancouver, pour l’appelant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Pratte, J.C.A. (dissident) : Les faits qui ont donné naissance au présent appel de même que les dispositions législatives pertinentes sont énoncés dans les motifs de jugement de mon collègue le juge Hugessen.

À mon avis, la Section de première instance [[1993] 1 C.T.C. 212] a, à juste titre, conclu que le gain de 40 000 $ réalisé par l’appelant lors du rachat de la débenture de 140 000 $ émise par Dynaflex Industries Inc. était un revenu tiré d’un risque de caractère commercial et non un gain en capital.

Évidemment, ce gain de 40 000 $ n’était pas réel. En fait, l’appelant a subi une perte de 60 000 $ lors du rachat de la débenture puisqu’il l’avait acquise au coût de 200 000 $. Toutefois, en application du paragraphe 127.3(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (édicté par S.C. 1984, ch. 1, art. 73; mod., idem, ch. 45, art. 46)], il était présumé avoir acquis cette débenture au coût de 100 000 $. D’où le gain de 40 000 $.

L’appelant ne conteste pas qu’aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’acquisition et le rachat subséquent de la débenture de Dynaflex a entraîné un gain de 40 000 $. Il convient que la présomption prévue au paragraphe 127.3(6) doit être appliquée afin de déterminer si l’opération a entraîné un gain ou une perte. Toutefois, il suppose, pour soutenir que la somme de 40 000 $ n’était pas un profit résultant d’un risque de caractère commercial, que l’article 127.3 [édicté, idem] ne joue aucun rôle dans la qualification de l’opération comme un placement ou un risque de caractère commercial. À mon avis, sa supposition est erronée.

Comme la présomption créée au paragraphe 127.3(6) n’a pas été adoptée à des fins spécifiques ou limitées, elle doit être appliquée à toutes les fins pertinentes relativement à la Loi de l’impôt sur le revenu, dont la qualification d’une opération à titre de placement ou de risque de caractère commercial. Il s’ensuit que, pour déterminer la véritable nature de l’opération en question en l’espèce, il faut supposer que l’appelant a acquis la débenture de Dynaflex au coût de 100 000 $ et ne pas tenir compte du fait qu’il a en réalité payé le double de ce montant.

Comme il est reconnu que l’appelant a acquis la débenture dans l’intention qu’elle soit rachetée pour 140 000 $ peu après, il s’ensuit également qu’il est dans la même situation que s’il avait acheté au coût de 100 000 $ une peinture qu’il avait l’intention de vendre quelques jours plus tard pour 140 000 $. Son profit de 40 000 $ découle manifestement d’un risque de caractère commercial. Ce n’est qu’en renvoyant au fait qu’il a en réalité payé la débenture 200 000 $ (et ne pouvait pas, pour ce motif, espérer réaliser un profit sur le rachat) que l’appelant pourrait prétendre le contraire de façon convaincante. Or, comme je l’ai dit, on ne doit pas tenir compte de cet élément.

Je rejetterais l’appel avec dépens.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Hugessen, J.C.A. : Le présent appel soulève la question de savoir si l’opération structurée de manière à ne pouvoir rapporter aucun profit commercial peut néanmoins constituer un risque de caractère commercial. Plus particulièrement, il s’agit de savoir si le profit fictif, qui est engendré du fait qu’en vertu de la loi, le coût d’acquisition pour l’acheteur est présumé être inférieur à son produit de disposition, doit être imposé à titre de revenu ou de gain en capital.

L’affaire se présente ainsi. En juillet 1984, l’appelant a acquis auprès d’une compagnie appelée Dynaflex Industries Inc. une débenture donnant droit à un « crédit d’impôt pour la recherche scientifique » au coût de 200 000 $, payable en partie en argent et en partie par la remise d’un billet à ordre, dont le solde était payable au plus tard le 31 décembre 1984. Dynaflex, l’émettrice de la débenture, s’est engagée à « désigner » la somme totale de 200 000 $ en application du paragraphe 194(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1]. À la demande de l’appelant, la débenture, qui était rachetable par l’une ou l’autre partie au prix de 140 000 $, a effectivement été rachetée le 2 janvier 1985.

Du point de vue de l’appelant, l’opération avait pour seul objet de permettre à ce dernier de tirer profit d’un crédit d’impôt pour la recherche scientifique (CIRS) dans son année d’imposition 1984. L’opération, qualifiée dans le langage des conseillers en fiscalité de « vente-rachat », a atteint son but et l’appelant a obtenu à l’égard de son impôt fédéral de 1984 un crédit de 68 000 $. La réduction de l’impôt fédéral payable de l’appelant ayant également pour effet de réduire de 34 000 $ son impôt provincial payable, il a joui d’un avantage fiscal total de 102 000 $ grâce à l’opération.

Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’époque étaient les suivantes :

127.3 (1) Un contribuable peut déduire de l’impôt qu’il est par ailleurs tenu de payer en vertu de la présente Partie pour une année d’imposition, un montant ne dépassant pas le total de

a) son crédit d’impôt pour la recherche scientifique; et

b) la partie inutilisée de son crédit d’impôt pour la recherche scientifique pour l’année d’imposition suivant l’année.

(2) Pour l’application de la présente loi,

a) « crédit d’impôt pour la recherche scientifique » auquel a droit un contribuable pour une année d’imposition représente le total de toutes les sommes égales à,

(i) lorsque le contribuable est une corporation, 50 %, ou

(ii) lorsque le contribuable est un particulier autre qu’une fiducie, 34 %

d’un montant désigné par une corporation, en vertu du paragraphe 194(4), à l’égard

(iii) d’une action acquise par le contribuable durant l’année et dont il est le premier détenteur enregistré, exception faite d’un courtier ou d’un négociant en valeurs,

(iv) d’une obligation, d’un effet, d’un billet, d’un mortgage, d’une hypothèque ou de toute autre semblable obligation (appelé au présent article et dans la Partie VIII « créance ») acquis par le contribuable durant l’année et dont il est le premier détenteur enregistré, exception faite d’un courtier ou d’un négociant en valeurs, ou

(v) d’un droit acquis par le contribuable durant l’année et où il est le premier détenteur, exception faite d’un courtier ou d’un négociant en valeurs, à avoir acquis ce droit,

moins tout montant qui doit être déduit en vertu du paragraphe (5) dans le calcul du crédit d’impôt pour la recherche scientifique du contribuable pour l’année; et

(6) Pour l’application de la présente loi, lorsqu’à une date quelconque dans une année d’imposition un contribuable a acquis une action, une créance ou un droit dont il est le premier détenteur ou détenteur enregistré, selon le cas, exception faite d’un courtier ou d’un négociant en valeurs, et à l’égard duquel une corporation a, à une date quelconque, désigné un montant en vertu du paragraphe 194(4), dans le calcul du coût d’acquisition de l’action, de la créance ou du droit, les règles suivantes s’appliquent :

a) il est réputé avoir acquis l’action, la créance ou le droit à un prix pour lui égal à l’excédent

(i) du coût pour lui tel que déterminé par ailleurs

sur

(ii) 50 % du montant désigné à l’égard de l’action, de la créance ou du droit; et

b) lorsque le montant déterminé en vertu du sous-alinéa a)(ii) dépasse le montant déterminé en vertu du sous-alinéa a)(i), l’excédent est

(i) lorsque l’action, la créance ou le droit, selon le cas, est pour lui un bien en immobilisations, réputé être un gain en capital du contribuable pour l’année provenant de la disposition de ce bien, et

(ii) dans tout autre cas, inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année,

et le coût pour lui de l’action, de la créance ou du droit, selon le cas, est réputé égal à zéro.

194. …

(4) Toute corporation canadienne imposable peut, sur production à une date quelconque d’une formule prescrite auprès du Ministre, au plus tard le dernier jour du mois suivant le mois où elle a émis une action ou une créance ou accordé un droit en vertu d’un contrat de financement pour la recherche scientifique (autre qu’une action, une créance émise ou un droit accordé avant octobre 1983 ou une action à l’égard de laquelle la corporation a, avant ou au plus tard à ce jour, désigné un montant en vertu du paragraphe 192(4)) désigner, aux fins de la présente Partie et de la Partie I, un montant à l’égard de cette action, de cette créance ou de ce droit, ne dépassant pas le montant de l’excédent éventuel

a) de la valeur de la contrepartie pour laquelle l’action ou la créance a été émise, ou le droit accordé, selon le cas,

sur

b) dans le cas d’une action, le montant de toute aide (à l’exclusion d’un montant inclus dans le calcul du crédit d’impôt pour la recherche scientifique d’un contribuable relativement à cette action) fournie, ou devant être fournie, par un gouvernement, une municipalité ou tout autre corps public en ce qui concerne l’action ou l’acquisition de celle-ci.

En peu de mots, le régime législatif (qui fut éphémère) avait pour objet d’encourager l’investissement dans les compagnies effectuant de la recherche scientifique. Pour ce faire, on accordait un crédit d’impôt fédéral équivalant à 34 % de toute somme investie dans une telle compagnie et « désignée » par cette dernière. Puisque la plus grande partie de l’impôt provincial sur le revenu est calculé en fonction (environ 50 %) de l’impôt fédéral, une réduction de ce dernier entraînait une réduction correspondante de l’impôt provincial, ce qui procurait à l’investisseur un avantage fiscal total d’environ 50 % de la somme investie. Pour compenser une partie du « coût fiscal » subi par le fisc du fait du régime, le coût d’acquisition pour l’investisseur était présumé être réduit de 50 % du montant désigné, ou d’environ la somme égale au crédit d’impôt qu’il avait reçu.

Comme je l’ai indiqué précédemment, l’appelant n’a demandé le rachat de la débenture qu’en janvier 1985, rachat qui a été effectué au prix convenu de 140 000 $. Comme l’appelant avait versé 200 000 $ pour la débenture, il a subi lors du rachat une perte réelle de 60 000 $. En outre, puisque la débenture était rachetable par la compagnie ou par le détenteur, il est inconcevable qu’elle ait pu un jour valoir plus de 140 000 $; aussi était-il impossible que le rachat rapporte un profit au détenteur.

Toutefois, dans le monde irréel de l’impôt sur le revenu, les choses sont rarement ce qu’elles semblent être et sont fréquemment présumées être tout à fait différentes de ce qu’elles sont. Aux termes du paragraphe 127.3(6), précité, l’appelant était présumé avoir acquis la débenture au coût de 100 000 $ seulement, soit son coût réel (200 000 $), moins 50 % du montant désigné, ou, puisque le produit total de la débenture avait été désigné, moins 100 000 $. Cela étant, le prix de rachat de 140 000 $ reçu par l’appelant en 1985 était, aux fins fiscales, supérieur de 40 000 $ à son coût d’acquisition. C’est cette différence fictive qui est à l’origine du présent litige.

Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 1985, l’appelant a déclaré cette somme à titre de gain en capital. Le ministre a établi une nouvelle cotisation sur le fondement qu’il s’agissait d’un profit découlant d’un risque de caractère commercial, imposable comme revenu d’entreprise. L’appelant a, avec succès, interjeté appel à la Cour canadienne de l’impôt [[1990] 1 C.T.C. 2133], qui a ordonné au ministre d’établir une nouvelle cotisation sur le fondement que le gain de 40 000 $ était un gain en capital. Le nœud des motifs du juge de la Cour de l’impôt ressort du passage suivant [aux pages 2138 et 2139] :

Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, je suis d’avis que cette transaction ne possède pas les caractéristiques d’une entreprise commerciale. À mon avis, la preuve révèle clairement que l’appelant ne s’occupait pas ordinairement du commerce des valeurs mobilières. En outre, l’appelant n’a pas fait le commerce de la débenture visée. Il l’a simplement achetée de son émetteur pour ses valeurs inhérentes en matière sur le revenu [sic] et s’est prévalu de la clause de rachat à l’égard de l’émetteur qui n’entraînait virtuellement aucun risque pour lui. Il n’a pas traité la débenture de la même manière qu’une personne qui s’occupe ordinairement d’acheter et de vendre des débentures et d’autres titres. L’acquisition de la débenture n’avait pas pour but d’en tirer un revenu au sens où l’entendrait [sic] normalement des personnes qui s’occupent d’acheter et de vendre des débentures car en raison de la structure de la présente opération, c’était impossible depuis le début. En fait, la seule manière dont le détenteur de la débenture pouvait recouvrer une partie du prix d’achat initial de la débenture était de demander son rachat pour un montant inférieur au prix d’achat initial. Je conviens avec l’avocat de l’appelant qu’aucun bénéfice dans un sens commercial n’a été tiré de l’acquisition et de la vente de la débenture. En fait, si l’on ne tient pas compte des avantages d’un crédit d’impôt, le rachat de la débenture a entraîné une perte selon les principes commerciaux ordinaires parce que le coût d’acquisition de la débenture pour l’appelant (200 000 $) dépassait le produit de ses dispositions (140 000 $) lors du rachat de 60 000 $.

Bref, en termes généraux, l’appelant n’a pas traité le titre comme un courtier ordinaire à l’égard d’un titre de cette nature pour tirer un profit de sa vente.

La Couronne a interjeté appel de cette décision à la Section de première instance, qui l’a accueilli et a rétabli la cotisation. Le juge de première instance s’est exprimé ainsi [à la page 218] :

Toutefois, il a disposé de la débenture donnant droit à un CIRS de la même manière qu’une personne faisant le commerce de valeurs semblables le ferait habituellement puisqu’il n’a pas conservé la débenture pour en tirer un revenu en intérêts. En fait, dès que la débenture a été payée intégralement, il en a demandé le rachat. Un négociant en telles débentures les réaliserait également rapidement de manière à libérer l’argent investi.

L’acquéreur n’a jamais eu l’intention de détenir la débenture donnant droit à un CIRS plus longtemps qu’il n’était nécessaire pour obtenir un crédit d’impôt. C’est le rachat immédiat qui l’a incité à acquérir la débenture, et le placement à long terme n’a jamais été envisagé. En outre, une petite partie seulement de l’argent versé par Loewen a été conservée par Dynaflex. Le paiement final de 152 000 $ a été détenu en fiducie par le procureur de Loewen pour garantir l’argent du rachat. Ainsi, le paiement final, qui représentait la grande partie du prix d’achat, n’a jamais été entre les mains de Dynaflex et n’aurait pu être investi dans le cadre de ses activités.

Pour déterminer laquelle de ces deux conceptions doit prévaloir, il me semble important de tenir compte de certaines notions.

D’une part, il est évident que l’appelant n’a pas été imposé sur le fondement qu’il est commerçant ou qu’il exploite une entreprise, dans un sens général, mais parce que les profits qu’a rapportés l’opération doivent être traités comme des profits d’entreprise puisque l’opération en soi est « un risque de caractère commercial » au sens de l’article 248 [mod. par S.C. 1979, ch. 5, art. 66] de la Loi. Les profits tirés d’un commerce ou d’une entreprise sont évidemment imposables en eux-mêmes sans qu’il soit nécessaire de recourir à une définition élargie; la notion de risque de caractère commercial étend la portée des articles qui créent une obligation fiscale à des opérations qui, bien qu’elles ne soient pas effectuées par un commerçant, sont d’une nature identiques aux opérations commerciales. Comme l’a indiqué lord Radcliffe dans l’arrêt Edwards (Inspector of Taxes) v. Bairstow[2] :

[traduction] La véritable question dans de telles affaires est de savoir si les opérations constituent un risque de cette nature, et non si, d’elles-mêmes ou en conjonction avec d’autres opérations, elles font de l’auteur des opérations une personne qui exerce un commerce.

En l’espèce, cet élément revêt une grande importance car un commerçant peut, dans le cadre de son entreprise, effectuer des opérations qui, d’elles-mêmes, ne peuvent rapporter un profit, mais qui visent à profiter à l’entreprise en général. Un exemple simple serait l’achat, par un marchand, de biens qu’il distribue comme prime aux acheteurs de ses marchandises ordinaires. Il s’agit sans aucun doute là d’une opération commerciale, mais on peut difficilement concevoir comment l’achat d’un bien en vue de le donner ensuite pourrait constituer un risque de caractère commercial s’il était effectué par une personne non commerçante.

D’autre part, la jurisprudence établit à l’occasion une distinction entre les opérations qui doivent être traitées comme un « placement » et celles qui doivent être considérées comme une « spéculation ». Certes, il s’agit là d’une façon utile de cerner la question de savoir s’il s’agit d’un revenu ou d’un gain en capital, mais ce n’est pas un critère infaillible puisque les notions de placement et de spéculation ne sont pas uniques dans l’univers des opérations par lesquelles on achète des biens pour s’en défaire subséquemment. En particulier, les biens peuvent également être achetés ou vendus à des fins de consommation ou d’utilisation. Donc, bien qu’une conclusion favorable selon laquelle une opération visait à spéculer ou à effectuer un placement peut être déterminante quant à savoir s’il s’agissait d’une opération commerciale ou non, il n’en est rien de la conclusion défavorable équivalente portant que l’opération ne visait à faire ni l’un ni l’autre.

Manifestement, dans l’affaire qui nous occupe, l’achat et le rachat subséquent de la débenture par l’appelant ne relevait pas du placement. L’appelant l’admet :

[traduction] En achetant la débenture, l’appelant souhaitait obtenir un crédit d’impôt pour la recherche scientifique de 102 000 $. Son seul lien avec Dynaflex s’est résumé à l’achat de la débenture. Il n’avait d’autre intérêt dans l’exploitation de Dynaflex que de recevoir le crédit d’impôt. Il ne connaissait pas la nature de l’entreprise de Dynaflex, ni n’a déterminé si elle pouvait effectivement exploiter son entreprise. Il ne s’est pas renseigné sur sa solvabilité, ni ne connaissait la nature des biens dont Dynaflex était propriétaire, ou de ceux auxquels se rapporterait la charge flottante prévue dans la débenture. L’appelant n’a jamais eu l’intention de vendre la débenture à une autre personne. Dès qu’il l’a achetée, il avait l’intention de la racheter. [Exposé des faits et du droit de l’appelant, à la page 6.]

Cela, toutefois, laisse ouverte la question de savoir s’il y a eu risque de caractère commercial.

Par ailleurs, il est établi en droit que l’intention de tirer un profit d’une opération n’est pas nécessaire pour conclure qu’une telle opération est un risque de caractère commercial. Dans l’arrêt de principe M.N.R. v. J. A. Taylor[3], le président Thorson, après avoir soigneusement passé en revue la jurisprudence, a indiqué ceci [aux pages 211 et 212] :

[traduction] Une transaction peut être une initiative de caractère commercial même si la personne qui l’a conclue n’avait nullement l’intention de revendre l’objet de la transaction avec profit. L’intention de vendre à profit le bien acheté n’est pas en soi un critère pour déterminer si le profit est imposable car l’intention de faire un profit peut être tout aussi bien le but d’une transaction d’investissement que d’une transaction commerciale. L’intention peut être un élément important lorsqu’il s’agit de déterminer si la transaction a été une initiative de caractère commercial, mais elle n’est pas une condition préalable essentielle, et la transaction peut être de caractère commercial même en l’absence de toute intention. Les motifs à l’origine de la transaction peuvent être d’une nature commerciale telle qu’ils lui donnent l’aspect d’une initiative d’un caractère commercial même en l’absence de toute intention de réaliser un profit sur la vente de l’article acheté.

Dans la même affaire, le président Thorson a posé quelques directives précises permettant de déterminer les cas où il y a un risque de caractère commercial. La première, et à mon avis, la plus importante, a été exposée ainsi [à la page 214] :

[traduction] Mais il existe quelques normes spécifiques. Une de celles-ci veut que si l’opération est de la même nature et conduite de la même façon qu’une transaction effectuée par un commerçant ou un négociant ordinaire de biens du même genre que l’objet de l’opération, elle peut à juste titre être qualifiée d’initiative d’un caractère commercial … On pourrait dire tout simplement qu’une personne qui dispose d’un article qu’elle a acheté tout comme le ferait un marchand s’engage dans une initiative d’un caractère commercial.

Ce qui nous ramène aux opinions opposées, citées ci-dessus, qu’ont exprimées la Cour de l’impôt et la Section de première instance dans la présente affaire. Si je comprends bien, le juge de la Cour de l’impôt était d’avis qu’il ne pouvait s’agir en l’espèce d’une opération commerciale puisque, à l’exception de ses conséquences fiscales, celle-ci ne pouvait rapporter un profit. Pour sa part, le juge de première instance en est venu à la conclusion opposée parce que l’appelant a, aussi rapidement que possible et de la même manière que l’aurait fait un commerçant, vendu la débenture après que celle-ci lui eut permis d’obtenir un crédit d’impôt.

Pour résoudre le conflit, il est à mon avis nécessaire de se demander en premier lieu si les considérations d’ordre fiscal, et plus particulièrement l’avantage fiscal envisagé, peuvent à bon droit permettre de trancher la question de savoir si une opération donnée est commerciale. À mon avis, ce n’est pas le cas. Bien que le dégrèvement d’impôt soit manifestement un facteur important dans l’exploitation de toute entreprise moderne, je ne crois pas que l’on puisse à bon droit soutenir que l’opération dont le seul but est de réduire l’impôt par ailleurs payable par un contribuable est, pour cette seule raison, un risque de caractère commercial. Dans l’affaire récente Moloney (M.) c. Canada[4], notre Cour a dû examiner le revers de la médaille revenu/gains en capital, soit la question de savoir si un contribuable pouvait déduire au titre de dépenses d’entreprise les coûts engagés dans un stratagème ayant pour seul objet d’obtenir des remboursements d’impôt. En rejetant l’appel du contribuable, nous avons dit [aux pages 227 et 228] :

Il est un principe élémentaire du droit que les contribuables peuvent structurer leurs affaires de manière à être assujettis au minimum d’impôt (voir Duke of Westminster’s, [1936] A.C. 1); toutefois, il est tout aussi évident à notre avis que, pour les contribuables, la réduction de leurs propres impôts ne peut en soi constituer une entreprise aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, ch. 63) (la « Loi »). En d’autres termes, pour qu’une activité soit reconnue comme une « entreprise » dont les dépenses sont déductibles en vertu de l’alinéa 18(1)a), non seulement le contribuable doit-il s’y adonner avec une expectative raisonnable de profit, mais aussi faut-il s’attendre à ce que le profit en question découle de l’activité elle-même et non pas exclusivement des dispositions de la loi fiscale. [Non souligné dans l’original.]

Cette conclusion est conforme à la jurisprudence. Dans l’arrêt Bishop (Inspector of Taxes) v. Finsbury Securities, Ltd.[5], la Chambre des lords a dû examiner une opération de dépouillement interne, dont le succès dépendait de la possibilité pour le contribuable de traiter comme une perte d’entreprise la vente d’actions dont la valeur avait été réduite sous leur coût d’acquisition pour le contribuable du fait que ce dernier avait entre-temps obtenu de la compagnie, par voie de dividendes, l’important surplus accumulé de cette dernière. Bien que la question ne soit pas identique à celle dont nous sommes saisis, le passage suivant des propos de lord Morris nous renseigne à ce sujet (à la page 112) :

[traduction] L’examen des opérations contestées me convainc qu’elles ne sont d’aucune façon caractéristiques des opérations portant sur des actions et qu’elles n’en possèdent pas les caractéristiques ordinaires. Les diverses actions qui ont été acquises ne doivent pas être considérées comme si elles étaient devenues une part du stock de la société. Elles n’ont pas été acquises dans le but d’en faire le commerce. Il ne s’agissait nullement d’actifs courants. Aux fins de la combine élaborée, les actions devaient être conservées. Les arguments présentés devant vos Seigneuries dépendaient principalement de l’argument du ministère public selon lequel les actions avaient été acquises pour une période de cinq ans à titre de partie du capital de la société duquel un revenu serait tiré et, par ailleurs, de l’argument de la société selon lequel elles avaient été acquises à titre de partie de leur stock.

À mon avis, aucun argument n’est fondé. Pour les motifs que j’ai déjà exposés, et compte tenu de son contexte, l’opération en l’espèce ne constituait en rien, au sens de la définition de l’article 526, « un risque ou une affaire de caractère commercial ». Il s’agissait d’un stratagème tout à fait artificiel et étranger au commerce visant à obtenir un avantage fiscal. [Non souligné dans l’original.]

Dans l’arrêt FA & AB Ltd v. Lupton (Inspector of Taxes)[6], où il était question d’une opération très semblable, le même juge a dit (à la page 952) :

[traduction] Compte tenu de ce que l’on peut puiser de l’examen d’autres affaires, la question sera de savoir si l’opération donnée peut et devrait être considérée comme une opération commerciale effectuée dans le cadre du commerce d’un négociant en titres.

Cette analyse peut ou non entraîner ou nécessiter l’examen de la rentabilité d’une opération ou de ses conséquences sur le plan fiscal. Une opération commerciale peut rapporter un profit alors qu’une autre peut entraîner une perte. Si chacune d’elles, jugée impartialement, est sans doute une opération commerciale, sa nature n’est pas modifiée du fait que, du point de vue financier, elle entraîne un résultat favorable ou défavorable. Elle ne l’est pas non plus en fonction de la manière dont les lois fiscales déterminent la position fiscale qui découle de la position financière. [Non souligné dans l’original.]

Ces commentaires me ramènent aux questions posées au début de mes motifs. À mon avis, et bien que, comme il a été indiqué, l’intention de réaliser un profit ne soit pas essentielle pour qualifier une opération de risque de caractère commercial, il doit être possible de tirer d’une telle opération un profit au sens commercial. Le commerce implique nécessairement à tout le moins une possibilité de profit. Peut-être n’est-il guère surprenant qu’aucune jurisprudence ne porte directement sur la question puisqu’il est inhabituel, c’est le moins que l’on puisse dire, de trouver une opération qui, non rentable, engendre une obligation fiscale parce qu’elle constitue un risque de caractère commercial. Qu’elle ait cette incidence en l’espèce est dû uniquement à la réduction que présume le paragraphe 127.3(6) relativement au coût d’acquisition d’un titre donnant droit à un CIRS.

Dans toutes les affaires publiées que j’ai lues et qui portaient sur les risques de caractère commercial, le contribuable avait effectivement réalisé un profit grâce à l’opération et c’est ce profit qui avait suscité l’intérêt du fisc. L’arrêt qui se rapproche le plus de l’espèce est l’arrêt Moloney, précité, où il n’y a pas eu de profit, mais où une dépense apparemment engagée en relation avec un mécanisme d’évitement fiscal a été refusée.

Dans toutes les autres affaires portant sur le sujet, toutefois, la Cour, en décidant si une opération est un risque de caractère commercial, a clairement tenu pour établi qu’une telle opération doit pouvoir rapporter un profit. Ainsi, par exemple, dans l’arrêt de principe fréquemment cité Californian Copper Syndicate v. Harris[7], on a exposé le critère dans ces termes : [traduction] « s’agit-il d’un gain qui a été réalisé au cours d’une affaire à but lucratif ? »[8] De même, dans l’arrêt plus ancien Grainger& Son v. Gough[9], lord Davey a dit (aux pages 345 et 346) :

[traduction] Dans son sens le plus général, le commerce est l’entreprise de vendre, dans le but de réaliser un profit, des marchandises que le commerçant a fabriquées ou lui-même achetées. [Non souligné dans l’original.]

Dans l’arrêt encore plus ancien Erichsen v. Last[10], le lord juge Cotton a dit (à la page 420) :

[traduction] … à mon avis, lorsqu’une personne fait et s’engage à faire ordinairement une chose susceptible de rapporter un profit, en vue de réaliser un profit, elle exploite un commerce ou une entreprise. [Non souligné dans l’original.]

À mon sens, le profit doit en outre être commercial. Ou en d’autres termes, le profit purement fictif ne peut servir à transformer une opération par ailleurs non rentable en un risque de caractère commercial. Le critère étant de savoir si l’opération est de la même nature et exploitée de la même façon que celle qu’effectuerait ordinairement un commerçant, il me semble évident qu’aucun commerçant souhaitant demeurer en affaires effectuerait des opérations susceptibles de produire des profits fictifs uniquement.

Aussi, bien que le coût d’acquisition de la débenture pour l’appelant soit présumé, à des fins fiscales, être réduit à 100 000 $, il s’agit là d’une fiction : son coût réel demeure 200 000 $, et le coût réduit artificiellement ne peut être utilisé pour attribuer à l’opération elle-même une capacité de produire un profit qu’en réalité elle ne possède pas.

En matière de risque de caractère commercial, le critère est objectif et il est fondé sur la norme du « commerçant ou négociant ordinaire ». Si la Loi de l’impôt sur le revenu doit présumer qu’une opération produit un profit fictif, ce profit ne doit pas être considéré comme réel aux fins d’application du critère. Dans le contexte de la présente affaire, cela signifie que la question doit être celle de savoir si ce profit purement fictif servirait à inciter un commerçant à effectuer l’opération. À mon avis, il est clair qu’il n’en serait rien. La seule motivation réelle en l’espèce était le crédit d’impôt. Or, comme nous l’avons vu, cela ne peut servir à transformer l’opération en un risque de caractère commercial.

Je conclus par conséquent, comme l’a fait le juge de la Cour de l’impôt, que l’achat par l’appelant et le rachat subséquent de la débenture donnant droit à un CIRS n’était pas un risque de caractère commercial et que le gain présumé qu’il en a tiré devrait être traité comme un gain en capital et non comme un revenu.

J’accueillerais l’appel, j’annulerais la décision de la Section de première instance et je rétablirais le jugement de la Cour de l’impôt avec frais dans toutes les cours.

Le juge McDonald, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.



[1] S.C. 1970-71-72, ch. 63, édicté par S.C. 1984, ch. 1, art. 95.

[2] [1956] A.C. 14 (H.L.), à la p. 38.

[3] [1956] C.T.C. 189 (C. de l’É.).

[4] [1992] 2 C.T.C. 227 (C.A.F.).

[5] [1966] 3 All E.R. 105 (H.L.).

[6] [1971] 3 All E.R. 948 (H.L.).

[7] (1904), 5 T.C. 159, à la p. 166.

[8] C’est moi qui souligne.

[9] [1896] A.C. 325 (H.L.).

[10] (1881), 8 Q.B.D. 414 (C.A.).

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