Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-583-97

Le ministre des Pêches et des Océans (appelant)

c.

Nunavut Tunngavik Inc. (intimée)

et

Makivik Corporation (intervenante)

Répertorié: Nunavut Tunngavik Inc.c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (C.A.)

Cour d'appel, juge Deneault, J.C.A. (de droit), juges Létourneau et McDonald, J.C.A."Ottawa, 2 et 13 juillet 1998.

Peuples autochtones Terres Appel de la décision du juge des requêtes infirmant la décision du ministre des Pêches et des Océans fixant les quotas de pêche du flétan noir dans la région adjacente à la région du Nunavut (RN)Un accord sur les revendications territoriales a créé une relation entre les Inuit du Nunavut et le gouvernement du Canada au sujet de la gestion coordonnée des ressources fauniques tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la région géographique viséeL'art. 15.3.4 exige que le gouvernement sollicite l'avis du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (CGRFN) à l'égard de toute décision concernant la gestion des ressources fauniques dans les zones contiguës qui aurait une incidence sur la substance et la valeur des droits de récolte et des occasions de récolte dans les zones marines de la RNLe ministre a augmenté le total des prises admissibles (TPA), mais il a diminué la part qui revenait aux Inuit du NunavutL'appel est rejeté, mais la partie de l'ordonnance exigeant un nouvel examen conformément aux motifs du juge des requêtes a été supprimée1) Le juge des requêtes a commis une erreur en concluant que la décision du ministre enfreignait le pouvoir exclusif du CGRFN de fixer les récoltes totales autorisés dans la RN conformément à l'art. 5.6.16L'art. 5.6.16 ne s'applique qu'à l'intérieur de la RNLes conditions d'exploitation de la région visée sont régies par l'art. 152) Le juge des requêtes a également commis une erreur en concluant que le ministre avait négligé de tenir compte de l'avis du CGRFNLes restrictions procédurales imposées à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre à l'art. 15.3.4 sont respectées quand le ministre demande, en toute bonne foi, l'avis du CGRFNLe rôle du CGRFN est simplement consultatif, et le ministre n'est pas lié par ces avisLa preuve démontre clairement que le ministre a demandé et reçu l'avis du CGRFNL'art. 15.4.1 autorise plusieurs organismes à donner des conseils et à faire des recommandationsQuand ils se prévalent de ce droit, le gouvernement est obligé d'examiner leur avis, mais il n'est pas tenu de demander ces avis au sujet des décisions touchant certaines zones marines3) L'art. 15.3.7 oblige le ministre à accorder uneattention spécialeaux principes de la contiguïté et de la dépendance économiqueL'interprétation téléologique révèle que les parties avaient l'intention d'établir un principe d'équité, et non pas de priorité, dans la répartition des permis de pêche commercialeParattention spéciale, on entend une attention particulière et appropriée lorsque vient le temps de mettre en balance des intérêts concurrentiels, en vue de promouvoir une répartition équitable des permis de pêche commercialeL'application des principes devrait se refléter dans la répartition finale des permis et des quotas4) En l'absence de motifs expliquant la répartition des quotas, les circonstances indiquent que le ministre n'a pas accordé d'attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique ou qu'il a mal interprété ces principesLe ministre connaissait les demandes des Inuit du Nunavut en vue d'obtenir des quotas supplémentaires en se fondant sur les principes de la contiguïté et de la dépendance économiqueMalgré que le Canada ait augmenté de 20 % sa part du TPA, le ministre n'a attribué qu'une légère portion de cette majoration aux Inuit du Nunavut, ce qui a eu pour effet de réduire leur part du TPA global.

Pêches L'accord de 1993 sur les revendications territoriales créant une relation entre les Inuit du Nunavut et le gouvernement du Canada concerne la gestion coordonnée des ressources fauniques tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la région géographique visée par l'AccordL'Accord oblige le ministre à respecter des conditions tant procédurales que de fond qui ont un effet sur la manière dont le processus décisionnel, y compris le pouvoir discrétionnaire du ministre de fixer les quotas de pêche, doit être exercéLe pouvoir discrétionnaire conféré au ministre à l'art. 7 de la Loi sur les pêches n'est plus absolu lorsque l'exercice de ce pouvoir concerne les zones marines de la région du Nunavut (RN) ainsi que la gestion des ressources fauniques dans les zones adjacentes I et IIÀ l'intérieur de la RN, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut demeure le principal responsable de la gestion des ressources fauniquesDans les zones I et II, à l'extérieur de la RN, les responsabilités premières et globales concernant la gestion des ressources fauniques sont confiées au gouvernement, sous réserve de certaines conditions.

Il s'agit d'un appel d'une ordonnance du juge des requêtes qui a infirmé une décision du ministre des Pêches et des Océans établissant les quotas de pêche du flétan noir dans la région du Groenland et de l'île de Baffin, qui est adjacente à la région du Nunavut (RN). Le juge des requêtes a renvoyé l'affaire au ministre actuel pour que l'on procède à un nouvel examen des quotas en accord avec ses motifs. En 1993, les Inuit de la RN et le gouvernement du Canada ont ratifié un accord sur les revendications territoriales qui a créé une relation entre les deux parties au sujet de la gestion coordonnée des ressources fauniques tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la région géographique visée. Cette région comprend la mer territoriale de douze milles appartenant au Canada au large de la côte est de l'île de Baffin. L'article 15.3.4, qui se trouve à la partie 3 intitulée "Gestion et récolte des ressources fauniques au-delà des zones marines de la région du Nunavut" exige que le gouvernement sollicite l'avis du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (CGRFN) à l'égard de toute décision concernant la gestion des ressources fauniques dans les zones I et II qui aurait une incidence sur la substance et la valeur des droits de récolte et des occasions de récolte dans les zones marines de la région du Nunavut. L'article 15.4.1 qui figure dans la partie 4 intitulée "Gestion des zones marines" autorise le CGRFN à faire des recommandations à d'autres organismes gouvernementaux en ce qui concerne les zones marines, et oblige le gouvernement à tenir compte de ces avis et recommandations lorsqu'il prend des décisions touchant les zones marines. L'article 15.3.7 reconnaît l'importance des principes de la contiguïté aux ressources marines des collectivités de la RN et de la dépendance économique de ces collectivités à l'égard de ces ressources et oblige le gouvernement à accorder une attention spéciale à ces facteurs lorsqu'il attribue les permis de pêche commerciale dans les zones I et II. Cet article stipule que les principes doivent être appliqués d'une manière propre à favoriser une répartition équitable des permis entre les résidants de la région du Nunavut et les autres résidants du Canada, ainsi que d'une manière compatible avec les obligations intergouvernementales du gouvernement du Canada.

L'appel concerne la gestion des ressources fauniques dans la zone I seulement, au large de la mer territoriale de douze milles. Depuis 1982, le total des prises admissibles (TPA) du flétan noir est partagé également entre le Canada et le Groenland. Le 7 avril 1997, le ministre a annoncé l'intention du Canada d'augmenter unilatéralement sa part du TPA du flétan. Il a annoncé la répartition des 1 100 tonnes métriques additionnelles comme suit: l'allocation concurrentielle aux pêcheurs de poisson de fond canadiens a été augmentée de 600t; l'allocation de pêche côtière traditionnelle pour la région de Nunavut est demeurée la même, mais les quotas de pêche hauturière ont été augmentés de 100t; de plus, une allocation canadienne spéciale de 400t a été répartie entre les pêcheurs du Nunavik au Labrador et dans le nord du Québec. De plus, pour la première fois, les Inuit du Nunavut obtenaient un permis de pêche du poisson de fond pour exploiter leur allocation de flétan noir dans la zone I. Dans l'allocation de 1997, la part des Inuit du Nunavut a fléchi de 27,3 % à 24 %. Le CGRFN avait informé le ministre que la part des Inuit du Nunavut fixée à 27,3 % était un minimum absolu qui devait être majoré.

Les questions étaient les suivantes: 1) Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en statuant que la décision du ministre enfreignait le pouvoir exclusif du CGRFN de fixer les récoltes totales autorisées dans la RN, conformément à l'article 5.6.16; 2) Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en statuant que le ministre avait négligé de tenir compte de l'avis du CGRFN, comme l'exigent les articles 15.3.4 et 15.4.1 de l'Accord; 3) Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en statuant que le ministre avait négligé d'accorder une attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique, comme l'exige l'article 15.3.7 en rejetant sans motif la demande du CGRFN en vue d'obtenir des permis de pêche illimitée du poisson de fond qui sont accordés aux pêches du Sud; et 4) Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en statuant qu'il n'y avait pas eu une répartition équitable des permis de pêche du flétan noir entre les résidants de la RN et les autres résidants du Canada parce que le ministre n'avait pas accordé d'attention spéciale à la contiguïté et à la dépendance économique des collectivités vivant dans la RN.

Arrêt: l'appel et l'intervention doivent être rejetés, et l'ordonnance est modifiée en supprimant la directive adressée au ministre d'agir conformément aux motifs du juge des requêtes, qui sont erronés.

Bien que la question de la répartition des quotas de pêche de 1997 soit probablement théorique à l'heure actuelle, l'appel a soulevé d'importantes questions d'interprétation de l'Accord pour les allocations futures de quotas et la répartition des permis de pêche. L'Accord oblige le ministre à respecter des conditions tant procédurales que de fond qui ont un effet sur la manière dont le processus décisionnel, y compris le pouvoir discrétionnaire du ministre de fixer les quotas de pêche, doit être exercé. Le pouvoir discrétionnaire qui est conféré au ministre à l'article 7 de la Loi sur les pêches n'est plus absolu lorsque l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire concerne les ressources fauniques et les zones marines de la RN ainsi que la gestion des ressources fauniques des zones I et II. À l'intérieur de la RN, le CGRFN est le principal responsable de la gestion des ressources fauniques et il a la responsabilité première d'établir, de modifier et de supprimer les récoltes totales autorisées ou les quantités récoltées. Dans les zones I et II, qui sont situées à l'extérieur de la RN, les responsabilités premières et globales concernant la gestion des ressources fauniques sont confiées au gouvernement, mais celles-ci sont assujetties à certaines conditions et exigences, qui reconnaissent la nécessité de faire participer les Inuit à certains aspects de la gestion des zones marines de l'Arctique (voir les articles 15.1.1g), 15.3.1, 15.3.4, 15.3.7 et 15.4.1 de l'Accord).

1) Le juge des requêtes a commis une erreur quand il a appliqué à la décision du ministre les conditions de l'article 5.6.16 parce que le régime établi dans cet article, qui accorde au CGRFN le pouvoir exclusif de fixer les récoltes autorisées dans la RN, ne s'applique pas à la zone I. Les conditions d'exploitation de la zone I sont régies par l'article 15 qui établit un régime différent et prévoit la participation des Inuit du Nunavut. Le juge des requêtes a ignoré la définition qui est donnée de la zone I dans l'Accord et, par conséquent, il a appliqué, relativement aux décisions de gestion des ressources fauniques dans la zone I, les conditions procédurales plus rigoureuses qui s'appliquent dans la RN exclusivement.

2) Le juge des requêtes a commis une erreur en concluant que le ministre n'avait pas examiné les avis du CGRFN. Il a statué que la portée et l'étendue du mot "consider" (tenir compte, considérer, prendre en considération ou prendre en compte) comportent bien davantage pour le ministre que le fait de recevoir et examiner les avis et recommandations dont lui fait part le CGRFN et qu'il faut tenir compte en priorité de la position des Inuit du Nunavut pour ce qui a trait à la gestion des ressources fauniques. Parce que le flétan noir est un poisson migratoire, l'allocation des quotas de pêche et des permis de pêche du flétan noir dans les zones I et II pourraient porter atteinte à la substance et à la valeur des droits de récolte des Inuit du Nunavut dans les zones marines de la RN. C'est pourquoi le gouvernement avait l'obligation de demander l'avis du CGRFN. Il est implicite à l'article 15.3.4 que le gouvernement doit examiner les avis qu'il est tenu de demander et il n'est pas nécessaire d'avoir recours à l'article 15.4.1 pour conclure à une telle obligation. Par conséquent, l'article 15.3.4 impose des restrictions procédurales à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre et celui-ci y satisfait quand il demande, en toute bonne foi, des avis au CGRFN et qu'il les examine. Le rôle du CGRFN pour ce qui a trait aux décisions de gestion dans les zones I et II est simplement consultatif et le ministre n'est pas lié par ces avis. En outre, le ministre n'est pas tenu d'indiquer au CGRFN les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas suivre ses avis. Les conditions procédurales sont moins rigoureuses lorsque le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire à l'extérieur de la RN où bon nombre d'autres intérêts, notamment des obligations internationales, ont des répercussions sur la gestion de ces zones.

Il y a une preuve manifeste que le gouvernement a demandé l'avis du CGRFN conformément à l'article 15.3.4 et qu'il a reçu par écrit les opinions du CGRFN. Le CGRFN a écrit au ministre en décembre 1996 et une conférence téléphonique a également été tenue avec les représentants du Conseil pour discuter de leurs recommandations et cette conférence téléphonique a été suivie par une réunion avec le ministre.

La première partie de l'article 15.4.1 donne une certaine latitude en ce sens que les organismes qui y sont énumérés peuvent conjointement ou individuellement conseiller d'autres organismes du gouvernement ou formuler des recommandations. Cependant, le gouvernement n'est pas tenu de demander des conseils à l'un ou l'autre des organismes mentionnés à l'article 15.4.1 au sujet des décisions qui ont des répercussions sur les zones marines définies à l'article 1.1.1. Dans la mesure où l'article 15.4.1 peut être applicable aux faits particuliers de l'espèce parce que le flétan noir est un poisson migratoire et que la pêche dans la zone I peut porter atteinte aux zones marines situées dans la RN, le fait demeure que seul le CGRFN a fait des recommandations ou a donné des avis au gouvernement. Ces avis ont été examinés par le gouvernement qui les a rejetés pour la plupart.

3) Le juge des requêtes a donné une interprétation erronée de l'article 15.3.7, qui n'est pas compatible avec l'intention des parties à l'Accord et qui va à l'encontre du texte de la disposition. Il a donné aux mots "attention spéciale" utilisés à l'article 15.3.7 un sens qui revient à dire qu'il faut tenir compte en priorité  des collectivités de la RN, avant toute autre partie rivale, au sujet de l'octroi des permis de pêche dans les zones I et II et que les allocations qui sont effectuées doivent clairement refléter ce principe. Une interprétation téléologique de l'article 15.3.7 fait clairement ressortir que les parties à l'Accord avaient l'intention d'établir un principe d'équité, et non pas de priorité, dans la répartition des permis de pêche commerciale dans les zones I et II. En outre, le partage équitable des intérêts entre les résidants de la RN et les autres résidants du Canada doit être compatible avec les obligations intergouvernementales du Canada. Une condition qui touche la répartition des permis est incompatible avec le principe de la priorité d'accès. L'"attention spéciale" qu'il convient d'accorder aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique dans le contexte équitable de l'article 15.3.7 signifie qu'il faut porter une attention particulière et appropriée à ces principes lorsque vient le temps de mettre en balance les intérêts concurrentiels qui sont en jeu en vue de promouvoir une répartition équitable des permis de pêche commerciale dans ces zones. En l'absence de circonstances exceptionnelles, l'application de ces principes devrait se refléter dans la répartition finale des permis et des quotas par le ministre, cette répartition faisant ressortir une proportion qui, compte tenu de toutes les autres restrictions imposées au ministre, y compris celles prévues à l'article 15.3.7, est équitable dans les circonstances.

4) En l'absence d'explications ou de motifs qui permettraient de déterminer si la décision était légale, les circonstances entourant l'exercice de son pouvoir discrétionnaire mènent à une inférence raisonnable que le ministre soit n'a pas accordé d'attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique comme il était tenu de le faire aux termes de l'Accord, soit qu'il a mal interprété ces principes quand il a attribué les permis de pêche commerciale dans la zone I. Par suite de la décision du ministre, la part du TPA allouée aux Inuit du Nunavut a été réduite, mais la part de la pêche en concurrence est passée de 27 à 32 %. Les pêcheurs de cette catégorie de détenteurs de permis ne satisfont pas à la définition de contiguïté puisqu'ils viennent principalement de Terre-Neuve et, par conséquent, qu'ils ne vivent pas à une distance géographique raisonnable de la zone I. Le ministre connaissait les demandes des Inuit du Nunavut en vue d'obtenir des quotas supplémentaires en se fondant sur les principes de la contiguïté et de la dépendance économique, tout comme il savait que les Inuit du Nunavut estimaient que leur part réelle du TPA était un minimum absolu. Pourtant, malgré que le Canada ait augmenté de 20 % sa part du TPA, ce qui représente 10 % du TPA global, il ne leur a attribué qu'une légère portion de cette majoration, ce qui a eu pour effet de réduire leur part du TPA global.

Quant à la demande présentée par l'intervenante pour que la Cour annule cette partie du jugement déclarant que l'application de l'article 15.3.7 de l'Accord doit signifier que les collectivités de la RN ont priorité pour obtenir des permis dans les zones I et II sur toute autre personne, le rejet du principe de la "prise en compte prioritaire" qui a été adopté à tort par le juge des requêtes fait en sorte que cette demande est théorique. Quant à la prétention de l'intervenante selon laquelle le juge aurait dû donner des instructions au ministre dans son ordonnance pour que les Inuit du Nunavut aient également le droit de profiter des principes de la contiguïté et de la dépendance économique, l'article 15.3.7 ne s'applique pas aux Inuit du Nunavut. En outre, les définitions des zones I et II à l'article 1.1.1 de l'Accord font référence aux eaux "qui ne font partie . . . ni d'une autre région visée par un règlement sur des revendications territoriales". Des discussions sont en cours entre les Inuit du Nunavik et le gouvernement en vue de la signature éventuelle d'un Accord sur les revendications territoriales. Il n'appartient pas à la Cour de décider si les Inuit du Nunavik devraient profiter de ces principes dans le contexte de leur accord sur les revendications territoriales. Cela signifie que ces principes peuvent faire l'objet de négociations dans d'autres accords sur les revendications territoriales.

lois et règlements

Accord entre les Inuit de la région du Nunavut et Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Ottawa: publié avec l'autorisation conjointe de la Tungavik et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 1993, art. 1.1.1, 2.2.3, 5.2.33, 5.3.18, 5.6.16, 12.6.14, 15.1.1, 15.3.1, 15.3.4, 15.3.7, 15.4.1.

Convention sur la Future Coopération Multilatérale dans les Pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, le 24 octobre 1978, [1979] R.T. Can. nE 11.

Décret sur les coordonnées géographiques pour la mer territoriale (région 7), DORS/85-872.

Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, L.C. 1993, ch. 29, art. 6(1).

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, nE 44], art. 35 (mod. par TR/84-102, art. 2).

Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, art. 7(1).

jurisprudence

décision appliquée:

Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646; (1997), 147 D.L.R. (4th) 93; 212 N.R. 63 (C.A.).

distinction faite avec:

R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; (1990), 70 D.L.R. (4th) 385; [1990] 4 W.W.R. 410; 46 B.C.L.R. (2d) 1; 56 C.C.C. (3d) 263; [1990] 3 C.N.L.R. 160; 111 N.R. 241.

décision examinée:

Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548; (1997), 155 D.L.R. (4th) 572; 221 N.R. 372 (C.A.).

décisions citées:

Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12; (1997), 142 D.L.R. (4th) 193; 43 Admin. L.R. (2d) 1; 31 C.C.L.T. (2d) 236; 206 N.R. 363; Gulf Trollers Assn. c. Canada (ministre des Pêches et des Océans), [1987] 2 C.F. 93; (1986), 32 D.L.R. (4th) 737; [1987] 2 W.W.R. 727; 72 N.R. 31 (C.A.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1987] 1 R.C.S. viii; MacKinnon c. Canada (Pêches et Océans), [1987] 1 C.F. 490; (1986), 26 C.R.R. 233; 6 F.T.R. 203 (1re inst.); Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102; (1993), 19 Admin. L.R. (2d) 91; 11 C.E.L.R. (N.S.) 1; 64 F.T.R. 127 (1re inst.); Barron c. Ministre du Revenu national, [1997] 2 C.T.C. 198; (1997), 97 DTC 5121; 209 N.R. 392 (C.A.F.); Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1992] 3 C.F. 42; 53 F.T.R. 300 (1re inst.); Assoc. canadienne des importateurs réglementés c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 247; (1994), 17 Admin. L.R. (2d) 121; 164 N.R. 342 (C.A.); Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; (1982), 137 D.L.R. (3d) 558; 44 N.R. 354; Canada (Procureur général) c. Purcell, [1996] 1 C.F. 644; (1995), 40 Admin. L.R. (2d) 40; 96 CLLC 210-010; 192 N.R. 148 (C.A.); Shah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.); Cantwell c. Canada (Ministre de l'Environnement) (1991), 6 C.E.L.R. (N.S.) 16; 41 F.T.R. 18 (C.F. 1re inst.); R v Civil Service Appeal Board, ex p Cunningham, [1941] 4 All ER 310 (C.A.).

doctrine

Chambers 20th Century Thesaurus: a Comprehensive Word-Finding Dictionary. Edinburgh: Chambers, 1986, "hear", "listen".

Collins COBUILD English Language Dictionary, London: Collins, 1987, "hear", "listen".

Oxford English Dictionary. Oxford: Clarendon Press, 1970, "hear", "listen".

Petit Robert 1: Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Montréal: Les Dictionnaires Robert-Canada S.C.C., 1989, "écouter", "entendre".

Random House Dictionary of the English Language, 2nd ed. New York: Random House, 1987, "hear", "listen".

West's Legal Thesaurus / Dictionary, Special deluxe ed. St. Paul, Minn.: West Pub. Co. 1986, "hear", "listen".

APPEL d'une ordonnance du juge des requêtes infirmant une décision du ministre des Pêches et des Océans fixant les quotas de pêche du flétan noir au Groenland et dans la région de l'île de Baffin (Nunavut Tunngavik Inc. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1997), 149 D.L.R. (4th) 519; [1997] 4 C.N.L.R. 193; 134 F.T.R. 246 (C.F. 1re inst.)). Appel et intervention rejetés, mais l'ordonnance est modifiée pour supprimer la directive du ministre d'agir conformément aux motifs du juge des requêtes.

ont comparu:

Brian R. Evernden, pour l'appelant.

Dougald E. Brown et William Hinz, pour l'intimée.

Peter W. Hutchins et David Kalmakoff, pour l'intervenante.

avocats inscrits au dossier:

Le sous-procureur général du Canada, pour l'appelant.

Nelligan, Power, Ottawa, pour l'intimée.

Hutchins, Soroka & Dionne, Montréal, pour l'intervenante.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

La Cour: Il s'agit d'un appel d'une décision du juge Campbell [(1997), 149 D.L.R. (4th) 519] qui a infirmé une décision datée du 7 avril 1997 du ministre des Pêches et des Océans (le ministre) établissant les quotas de pêche du flétan noir dans la région du Groenland et de l'île de Baffin. Le juge Campbell a renvoyé l'affaire au ministre actuel pour que l'on procède à un nouvel examen des quotas en accord avec ses motifs. L'ambiguïté et l'imprécision de ces motifs ont donné lieu à des interprétations contradictoires.

L'appel soulève la question des répercussions d'un accord sur les revendications territoriales, intitulé Accord entre les Inuit de la région du Nunavut et Sa Majesté la Reine du chef du Canada (l'Accord), conclu entre le gouvernement du Canada et les Inuit de la région du Nunavut (RN) sur l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré de fixer les quotas de pêche dans les régions du Groenland et de l'île de Baffin qui sont adjacentes à la RN. Cette question exige l'interprétation des articles 15.3.4, 15.3.7 et 15.4.1 de l'Accord qui ont trait à la gestion des zones marines et à la récolte des ressources fauniques au-delà des zones marines de la RN, aussi bien qu'à la gestion des zones marines de la RN lorsque sont prises des décisions qui visent cette région.

Plus précisément, l'appel porte sur la définition et la portée de l'obligation qui est faite au gouvernement en vertu de l'Accord de consulter le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (CGRFN) pour ce qui a trait aux décisions de la gestion des ressources fauniques dans les zones I et II qui pourraient porter atteinte aux droits de récolte dans les zones marines de la RN. En outre, il faut examiner ce que signifie l'obligation qui est faite au gouvernement de porter une attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique des collectivités dans la RN relativement aux ressources fauniques quand il octroie des permis de pêche commerciale dans les zones I et II. Le présent appel concerne la gestion des ressources fauniques dans la zone I seulement, c'est-à-dire dans les eaux qui se trouvent au nord du 61o de latitude et qui sont assujetties à la compétence du Canada au large de la limite de la mer territoriale, mesurée suivant des lignes tracées conformément au Décret sur les coordonnées géographiques pour la mer territoriale (région 7), DORS/85-872, et qui ne font partie ni de la région du Nunavut, ni d'une autre région visée par un règlement sur des revendications territoriales. Autrement dit, la zone I réfère à la zone de pêche de 200 milles au nord du 61o de latitude et au-delà de la limite de 12 milles de la mer territoriale de la RN.

Les faits et la procédure

En 1993, les Inuit de la RN et le gouvernement du Canada ont ratifié un accord sur des revendications territoriales au sens de l'article 35 [mod. par TR/84-102, art. 2] de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11, (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. Cet accord a créé une relation entre les Inuit du Nunavut et le gouvernement du Canada au sujet de la gestion coordonnée des ressources fauniques tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la région géographique visée. Cette région (formée d'une part de la "zone A", qui comprend la partie des îles de l'Arctique et du continent de l'Est de l'Arctique ainsi que les zones marines adjacentes et, d'autre part, de la "zone B", qui comprend les îles Belcher, les îles associées et les zones marines adjacentes situées dans la baie d'Hudson) comprend également la mer territoriale de 12 milles appartenant au Canada au large de la côte est de l'île de Baffin.

L'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO) a été établie au moyen d'une convention multilatérale [Convention sur la Future Coopération Multilatérale dans les Pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, le 24 octobre 1978, [1979] R.T. Can. no 11] et, pour les fins de la gestion des pêches, cette organisation a divisé en un certain nombre de sous-zones les eaux de l'océan Atlantique qui s'étendent entre la côte est du Canada et la côte ouest du Groenland. Seule la sous-zone 0 (soit la zone administrée par le Canada dans le détroit de Davis entre l'île de Baffin et une ligne équidistante entre les zones de 200 milles du Canada et du Groenland) et la sous-zone 1 (soit la zone longeant la côte ouest du Groenland qui est administrée par ce pays) sont en cause dans la présente instance. La sous-zone 0 qui est adjacente à la RN est répartie en deux divisions: la division 0A située dans la moitié septentrionale de la région, et la division 0B qui est située dans la moitié méridionale des eaux.

Le flétan noir, ou flétan du Groenland, est un poisson de fond migratoire que l'on retrouve dans les zones 0 et 1 et, à quelques exceptions près, toutes les espèces de ce poisson proviennent du même stock. Depuis 1982, le total des prises admissibles (TPA) de ce poisson dans les divisions 0B et 1B-F était établi d'après les conseils du Conseil scientifique de l'OPANO et partagé également entre le Canada et le Groenland à l'issue de discussions entre ces deux pays. À compter de 1993, le TPA a été fixé à 11 000 tonnes métriques (t) en déclin par rapport aux années antérieures alors qu'il était fixé à 25 000t. On craignait en effet une pêche excessive du stock.

Bien que le TPA soit demeuré à 11 000t pour l'année 1997, le 7 avril 1997, le ministre a annoncé l'intention du Canada d'augmenter unilatéralement sa part du TPA de 50 % à 60 %. Cela signifiait que le Canada récolterait 6 600t au lieu des 5 500t auquel il avait normalement droit. Il a annoncé la répartition des 1 100t additionnelles comme suit. L'allocation concurrentielle aux pêcheurs de poisson de fond canadiens serait augmentée de 600t. L'allocation de pêche côtière traditionnelle pour la région du Nunavut est demeurée à 1 000t, mais les quotas de pêche hauturière sont passés de 500t à 600t. En outre, les Inuit du Nunavut obtenaient pour la première fois un permis de pêche du poisson de fond pour exploiter leur allocation de flétan noir dans la zone I. De plus, une allocation canadienne spéciale de 400t était répartie entre les pêcheurs du Nunavik au Labrador et dans le nord du Québec. Le tableau suivant illustre les différences dans l'allocation des quotas entre 1996 et 1997:

PARTAGE DE LA SOUS-ZONE 0 POUR LA PÊCHE

    DU FLÉTAN DU GROENLAND EN 1997

     1997     1996

TPA    11 000t     11 000t

Quota canadien    6 600t    5 500t

National " mobile    840t    600t

" fixe     1 260t    900t

" spécial    400t*    0

Nunavut " pêche côtière    1 000t    1 000t

" pêche hauturière    600t    500t

Bateaux étrangers affrétés    2 500t    2 500t

Pêche exploratoire dans la zone 0A    300t**    300t**

* Devant être partagées également entre LIDC, Torngat, Seaku Fisheries et Nunavik Arctic Foods qui devront pêcher avec des bateaux canadiens.

** Non comprises dans le quota canadien de 6 600t.

ALLOCATIONS POUR LES BATEAUX ÉTRANGERS

    AFFRÉTÉS EN 1997

    Seafreez    1 900t

    Clearwater    230t

    Seaku Fisheries Inc.    70t

    Nunavik Arctic Foods    70t

    LIDC    70t

    Torngat    160t

    TOTAL    2 500t

L'allocation de pêche pour les bateaux étrangers affrétés est une allocation octroyée à six compagnies précises, dont deux sont originaires de la Nouvelle-Écosse (Seafreez à Canso, Clearwater à Bedford) alors que les quatre autres (Seaku, Nunavik, Labrador Inuit Development Corporation et Torngat) sont établies dans le nord du Québec et le Labrador et appartiennent partiellement ou majoritairement aux Inuit de ces régions.

La part du TPA accordée aux Inuit du Nunavut est passée de 8 % en 1992 à 27,3 % en 1996. Cette part est demeurée inchangée à 1 000t en 1994 dans la RN alors que la part canadienne du TPA a fléchi de 12 500t à 5 500t pendant que, simultanément, la part disponible dans la zone 1 attribuée à d'autres a été considérablement réduite. Dans l'allocation de 1997, la part des Inuit du Nunavut a fléchi de 27,3 % à 24 %.

Le ministre a reçu des recommandations contradictoires sur ce que devait être le TPA pour 1997 dans les sous-zones 0B et 1B-F. Alors que le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH) recommandait que le TPA soit établi à un niveau inférieur à 11 000t, le CGRFN proposait qu'il soit maintenu au niveau actuel de 11 000t. Le CGRFN informait également le ministre que la part des Inuit du Nunavut fixée à 27,3 % était un minimum absolu qui devait être majoré et que la part du Canada du TPA ne devait pas être augmentée de 50 % à 70 % à moins que le Groenland n'accepte une part inférieure à ses 50 % habituels.

Il y a manifestement beaucoup d'autres faits importants dans le présent appel. Toutefois, il sera plus pratique d'en discuter sous les motifs d'appel particuliers soulevés par l'appelant. Cela évitera les répétitions inutiles et fastidieuses.

La décision du ministre de fixer les quotas a été contestée par l'intimée le 6 mai 1997 par voie d'avis de requête introductif d'instance. La décision du juge Campbell a été rendue le 14 juillet 1997 et un appel a été déposé contre cette décision le même jour.

Les principes applicables au contrôle judiciaire du pouvoir discrétionnaire du ministre

En vertu du paragraphe 7(1) de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, le ministre possède le pouvoir discrétionnaire absolu d'octroyer des baux et des permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêcheries, ou d'en permettre l'octroi. Ce pouvoir discrétionnaire s'explique par le fait que les ressources halieutiques du Canada sont un bien commun qui appartient à tous les Canadiens et que les permis sont un outil permettant au ministre de gérer les pêches en respectant l'obligation de gérer, conserver et développer les pêches dans l'intérêt public (voir Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, aux pages 25 et 26).

L'exercice d'un tel pouvoir discrétionnaire est influencé par de nombreuses préoccupations politiques fluctuantes qui vont parfois au-delà de la question nécessaire de la conservation et de la protection du poisson pour inclure des considérations ou des préocuppations culturelles, politiques, scientifiques, techniques et socio-économiques (voir Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), précité, à la page 30; Gulf Trollers Assn. c. Canada (ministre des Pêches et Océans), [1987] 2 C.F. 93 (C.A.), autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée le 24 mars 1987, [1987] 1 R.C.S. viii; MacKinnon c. Canada (Pêches et Océans), [1987] 1 C.F. 490 (1re inst.), à la page 496; Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102 (1re inst.), à la page 131). Sont également pertinentes à l'exercice d'un tel pouvoir discrétionnaire toutes les politiques internationales que le Canada défend ou auxquelles il adhère, de même que toute obligation législative qui est faite au gouvernement et qui peut avoir un effet direct sur la question des pêches et entraver soit l'exercice même du pouvoir discrétionnaire du ministre ou la manière dont ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé.

À notre avis, l'Accord entre le gouvernement et les Inuit du Nunavut fait partie de ce genre d'obligations. L'Accord a été mis en œuvre législativement par l'adoption de la Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, L.C. 1993, ch. 29, et le paragraphe 6(1) de la Loi, en cas d'incompatibilité entre l'Accord et toute règle de droit fédérale, donne la primauté à l'Accord dans la mesure de cette incompatibilité (voir également au même effet l'article 2.2.3 de l'Accord).

Comme on l'a mentionné précédemment, l'Accord met en place un régime assurant la coordination de la gestion et de la récolte des ressources fauniques à l'intérieur et autour de la RN. Bien que la décision finale au sujet de cette affaire incombe au ministre, il est clair que l'Accord oblige le ministre à respecter des conditions tant procédurales que de fond qui ont un effet sur la manière dont le processus décisionnel, y compris le pouvoir discrétionnaire du ministre de fixer les quotas de pêche, doit être exercé. À notre avis, le pouvoir discrétionnaire qui est conféré au ministre à l'article 7 de la Loi sur les pêches n'est plus absolu lorsque l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire concerne les ressources fauniques et les zones marines de la RN ainsi que la gestion des ressources fauniques des zones I et II.

En vertu de l'Accord, le niveau des restrictions imposées au ministre varie selon la région visée par la décision du ministre. À l'intérieur de la RN, le CGRFN est le principal responsable de la gestion des ressources fauniques et il a la responsabilité première d'établir, de modifier et de supprimer les récoltes totales autorisées ou les quantités récoltées (voir les articles 5.6.16 et 5.2.33 de l'Accord). Dans les zones I et II qui sont situées à l'extérieur de la RN, les responsabilités premières et globales concernant la gestion des ressources fauniques sont confiées au gouvernement, mais celles-ci sont assujetties à certaines conditions et exigences, qui seront discutées plus tard, qui reconnaissent la nécessité de faire participer les Inuit à certains aspects de la gestion des zones marines de l'Arctique (voir les articles 15.1.1g), 15.3.1, 15.3.4, 15.3.7 et 15.4.1 de l'Accord).

Cela dit, et après avoir examiné le contexte dans lequel l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre doit être analysé, il est bon de répéter que la fonction de la Cour dans une procédure de contrôle judiciaire n'est pas de prêter des intentions au ministre dans son appréciation des besoins et de l'intérêt du public quand il a fixé les quotas de pêche et, ensuite en agissant à sa place, de substituer ses propres vues à celles du ministre. Le Parlement et le gouverneur en conseil avaient l'intention de donner au ministre, dans l'exercice de ses fonctions et de son obligation d'établir et de mettre en œuvre des quotas de pêche dans l'intérêt du public, "la plus grande marge de manœuvre possible" (voir Carpenter Fishing Corp. c. Canada , [1998] 2 C.F. 548 (C.A.); Barron c. Ministre du Revenu national, [1997] 2 C.T.C. 198 (C.A.F.)). "[Il] n'incombe pas à la Cour de devenir une académie des sciences se prononçant sur des prévisions scientifiques contradictoires, ou d'agir en quelque sorte à titre de Haute assemblée pesant les préoccupations manifestées par le public et déterminant quelles préoccupations devraient être respectées" (voir Vancouver Island Peace Society c. Canada , [1992] 3 C.F. 42 (1re inst.), à la page 51, le juge Strayer).

Autrement dit, dans une procédure de contrôle judiciaire, la Cour se préoccupe de la légalité de la décision ministérielle résultant de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, et non pas de l'opportunité, de la sagesse ou de la justesse de cette décision (voir Assoc. canadienne des importeurs réglementés c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 247 (C.A.), à la page 260). En l'espèce, cela signifie que le tribunal de révision doit examiner la manière dont le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire pour déterminer s'il a agi de mauvaise foi ou en se fondant sur des facteurs dénués de pertinence, s'il n'a pas tenu compte de facteurs pertinents ou s'il a ignoré des dispositions pertinentes qui peuvent avoir eu un effet ou avoir entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire par ailleurs absolu (voir Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8; Canada (Procureur général) c. Purcell, [1996] 1 C.F. 644 (C.A.), à la page 653; Shah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.), à la page 240).

Analyse de la décision

Dans sa décision, le juge des requêtes a répondu à quatre questions qui lui ont été posées par l'intimée et il a justifié sommairement ses conclusions qu'il a, plus loin dans la décision, complétées par des motifs supplémentaires [à la page 535] sous le titre général "La légalité de la décision". Nous nous proposons de réexaminer ses conclusions sur chacune des questions en examinant également les motifs supplémentaires fournis à l'appui de ces conclusions.

La décision du ministre enfreint-elle le pouvoir exclusif qu'a le CGRFN de fixer les récoltes totales autorisées dans la RN, conformément à l'article 5.6.16 de l'Accord?

Le communiqué du ministre annonçant sa décision renfermait la déclaration suivante:

J'ai le plaisir d'annoncer que les pêcheurs canadiens pourront récolter une plus grande quantité de flétan noir cette année.

Le ministre indiquait par là que la part canadienne du TPA serait augmentée. Le reste du communiqué donnait les détails de cette augmentation et la répartition entre les pêcheurs. Il est surprenant de constater que le juge des requêtes a conclu de cette observation d'ouverture qu'"[i]l subsiste donc un doute au sujet de savoir si le ministre entendait que les pêcheurs du Sud aient accès au flétan noir de la RN" (à la page 534).

Non seulement n'y avait-il aucune preuve pour appuyer cette conclusion du juge des requêtes, mais la preuve est à l'effet contraire. Les récoltes totales autorisées dans la RN sont demeurées les mêmes en 1997, soit à 1 000t. La partie visée par l'augmentation du TPA devait être pêchée dans la zone I qui, comme l'indique l'article 1.1.1 de l'Accord, est à l'extérieur de la RN. Par conséquent, le juge des requêtes a commis une erreur quand il a appliqué à la décision du ministre les conditions de l'article 5.6.16 parce que le régime établi dans cet article, qui accorde au CGRFN le pouvoir exclusif de fixer les récoltes totales autorisées dans la RN, ne s'applique pas à la zone I. Les conditions d'exploitation de la zone I sont régies par le chapitre 15 qui, comme nous le verrons plus tard, établit un régime différent et prévoit la participation des Inuit du Nunavut. Le juge des requêtes a ignoré la définition qui est donnée de la zone I dans l'Accord et, par conséquent, il a appliqué, relativement aux décisions de gestion des ressources fauniques dans la zone I, les conditions procédurales plus rigoureuses qui s'appliquent dans la RN uniquement.

En outre, le juge des requêtes a conclu à tort qu'il n'y avait pas eu de consultation antérieure d'importance avec le CGRFN au sujet de l'augmentation du TPA. Il exprime son opinion dans les termes suivants (à la page 534):

Et surtout, il n'y avait eu auparavant aucune consultation d'importance avec le CGRFN au sujet de l'opinion apparemment bien ancrée du ministre que la part canadienne du TPA devrait augmenter et, de ce fait, le CGRFN n'a pas eu vraiment l'occasion de formuler une position précise sur cette opinion. Étant donné que le CGRFN était principalement chargé de fixer les quotas au sein de la RN, le fait que le ministre n'ait pas tenu de consultations sur une proposition aussi importante constitue une infraction aux dispositions de l'Accord.

Ici encore, le juge des requêtes commet une erreur quand il conclut qu'il y a eu contravention à l'Accord. L'augmentation de la part du TPA se trouvait dans la zone I à l'égard de laquelle c'est le ministre, et non le CGRFN, qui a la responsabilité principale de fixer les quotas.

Qui plus est, le président du CGRFN a écrit au ministre le 4 décembre 1996 et a principalement fait valoir que le Canada ne devrait pas majorer sa part du TPA à moins que le Groenland n'accepte de réduire sa propre part (voir l'alinéa 49a) de l'affidavit du président de Nunavut Tunngavik Inc., vol. I, dossier d'appel, à la page 9; voir la lettre, vol. I, dossier d'appel, aux pages 69 et 71).

À la suite de la lettre du CGRFN, l'appelant a tenu, le 10 janvier 1997, une conférence téléphonique avec les représentants du CGRFN et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, pour leur demander leurs opinions sur les options concernant la gestion des stocks de flétan noir dans la sous-zone 0 pour 1997. Le CGRFN a réitéré son opposition à une majoration unilatérale de la part canadienne du TPA et a signalé qu'une telle augmentation serait contraire aux recommandations présentées par l'OPANO, de même qu'à celles du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (voir le vol. I, dossier d'appel, à la page 118).

Finalement, le président et le conseiller des pêcheries du CGRFN ont rencontré le ministre et ses conseillers le 19 février 1997 et cette majoration de la part du Canada du TPA a de nouveau été discutée. Le CGRFN a réaffirmé son opinion selon laquelle la majoration devait être d'abord négociée avec le Groenland (voir l'affidavit du président de l'intimée, vol. I, dossier d'appel, à la page 9, alinéa 50a)).

La conclusion de fait du juge des requêtes selon laquelle il n'y a pas eu de consultation d'importance entre le ministre et le CGRFN avant que le ministre ne prenne sa décision est arbitraire et contraire à la preuve.

Le ministre a-t-il négligé de tenir compte de l'avis du CGRFN au moment de rendre sa décision, comme l'exigent les articles 15.3.4 et 15.4.1 de l'Accord?

L'article 15.3.4 de l'Accord est au cœur du présent litige étant donné qu'il fixe certaines des conditions auxquelles doivent être prises les décisions concernant la gestion des ressources fauniques dans la zone I qui auront un effet sur les droits de récolte des Inuit du Nunavut dans la RN:

15.3.4 Le Gouvernement sollicite l'avis du CGRFN à l'égard de toute décision concernant la gestion des ressources fauniques dans les zones I et II et qui aurait une incidence sur la substance et la valeur des droits de récolte et des occasions de récolte, des Inuit dans les zones marines de la région du Nunavut. Le CGRFN fournit au Gouvernement des renseignements pertinents afin de l'assister dans la gestion des ressources fauniques au-delà des zones marines de la région du Nunavut.

Bien que l'article 15.3.4 se trouve dans la partie intitulée PARTIE 3: GESTION ET RÉCOLTE DES RESSOURCES FAUNIQUES AU-DELÀ DES ZONES MARINES DE LA RÉGION DU NUNAVUT, l'article 15.4.1 figure dans une autre partie intitulée PARTIE 4: GESTION DES ZONES MARINES. Cet article est rédigé dans les termes suivants:

15.4.1 La CNER, l'OEN, la CAN et le CGRFN peuvent, soit conjointement-en tant que Conseil du milieu marin du Nunavut -, soit individuellement, conseiller d'autres organismes gouvernementaux en ce qui concerne les zones marines et leur formuler des recommandations à cet égard. Le Gouvernement tient compte de ces avis et recommandations lorsqu'il prend des décisions touchant les zones marines.

Le juge des requêtes a conclu que le ministre n'avait pas tenu compte de l'avis du CGRFN au moment de rendre sa décision. Le moins que nous puissions dire, c'est que les motifs qui appuient cette conclusion sont loin d'être clairs.

Tout d'abord, il a statué que le ministre avait l'obligation en vertu de l'article 15.4.1 de tenir compte des conseils et des recommandations du CGRFN. Il a ensuite statué que la portée et l'étendue du mot "consider" (tenir compte, considérer, prendre en considération ou prendre en compte) doivent être examinées au cas par cas et, dans le contexte de cette affaire, cette obligation de prise en compte comporte bien davantage pour le ministre que le fait de recevoir et examiner les avis et les recommandations dont lui fait part le CGRFN (à la page 537). Après avoir également déclaré que l'intention de l'Accord exige "une participation raisonnable du CGRFN au processus décisionnel du gouvernement avant qu'une décision quelconque soit prise", il poursuit à la page 538 de la décision:

Au sujet de la prise en compte visée à l'article 15.4.1, il doit y avoir une prise en compte complète, attentive et consciencieuse de tout avis ou toute recommandation que formule le CGRFN à l'égard des décisions qui ont une incidence sur les zones marines et, dans ce contexte, il faut tenir compte desdits avis ou desdites recommandations. Cette dernière exigence signifie que, si le gouvernement n'accepte pas qu'une position donnée soit mise en œuvre, il faudrait à tout le moins, par respect, expliquer pourquoi au CGRFN.

En outre, le juge des requêtes a statué que, pour ce qui a trait à la gestion des ressources fauniques, il faut "tenir compte en priorité" de la position des Inuit du Nunavut et, par conséquent, "[l]a consultation et la prise en compte doivent donc signifier davantage que le simple fait d'entendre. Il faut aussi écouter".

La lecture des motifs du juge des requêtes donne nettement l'impression qu'il voulait dire, sans jamais le dire ouvertement, que le ministre doit ou devrait suivre les recommandations du CGRFN. Entendre et écouter peuvent tous les deux avoir le sens "d'accorder son attention à quelqu'un". Ces termes sont souvent utilisés comme synonymes. Toutefois, lorsque ces deux mots sont opposés l'un à l'autre comme l'a fait le juge des requêtes, le verbe "écouter" peut recevoir un sens élargi et par conséquent signifier "obéir" (voir Oxford English Dictionary . Oxford: Clarendon Press, 1970, aux pages 156 et 338; Chambers 20th Century Thesaurus: a Comprehensive Word-Finding Dictionary. Edinburgh: Chambers, 1986, à la page 378; Random House Dictionary of the English Language, 2nd ed. New York: Random House, 1987, aux pages 882 et 1121; Collins COBUILD English Language Dictionary. London: Collins, 1987, aux pages 672 et 849; West's Legal Thesaurus / Dictionary Special deluxe ed. St. Paul, Minn.: West Pub. Co., 1986, à la page 462; Petit Robert 1: Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Montréal: Les Dictionnaires Robert-Canada S.C.C., 1989, aux pages 602 et 653).

S'il veut dire que le ministre est lié par les avis qui lui sont donnés par le CGRFN, alors il a manifestement tort. L'article 15.3.4 de l'Accord a pour but d'assurer que les Inuit du Nunavut seront consultés pour ce qui concerne les décisions de gestion des ressources fauniques dans les zones I et II qui pourraient porter atteinte à la substance et à la valeur de leurs droits de récolte dans les zones marines de la RN. Parce que le flétan noir est un poisson migratoire, l'allocation des quotas de pêche et des permis de pêche du flétan noir dans les zones I et II fait partie de ce genre de décisions. C'est pourquoi le gouvernement a l'obligation de demander l'avis du CGRFN. Bien que cela ne soit pas expressément mentionné à l'article 15.3.4, il est à notre avis implicite dans cet article que le gouvernement doit examiner les avis qu'il est tenu de demander et il n'est pas nécessaire d'avoir recours à l'article 15.4.1 pour conclure à une telle obligation. Autrement, l'obligation imposée au gouvernement de demander les avis du CGRFN n'a absolument aucun sens. Par conséquent, l'article 15.3.4 impose des restrictions procédurales à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre et celui-ci y satisfait quand il demande, en toute bonne foi, des avis au CGRFN et qu'il les examine. Le rôle du CGRFN pour ce qui a trait aux décisions de gestion dans les zones I et II est simplement consultatif et le ministre n'est pas lié par ces avis. C'est le processus qui a été retenu par les parties à l'Accord concernant les zones I et II afin d'assurer la participation des Inuit du Nunavut au processus décisionnel concernant les récoltes de ressources fauniques à l'extérieur de la RN.

En outre, le ministre n'est pas tenu en vertu du chapitre 15 de l'Accord d'indiquer au CGRFN les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas suivre ses avis. Cela ressort clairement des dispositions des articles 5.3.18 et 12.6.14 qui imposent au ministre l'obligation de fournir des motifs au CGRFN quand il rejette la décision de celui-ci concernant la gestion des ressources fauniques à l'intérieur de la RN, de même qu'à la Commission d'examen des répercussions du Nunavut pour chacune des décisions prises dans la mesure où celles-ci s'appliquent à la RN. L'Accord établit clairement une différence entre les décisions de gestion prises par le gouvernement à l'intérieur de la RN et les décisions à l'extérieur de la RN qui peuvent porter atteinte aux ressources fauniques à l'intérieur de la RN. Les conditions procédurales sont moins rigoureuses lorsque le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire à l'extérieur de la RN. Cela se comprend étant donné que les zones contiguës I et II ne font pas partie de la RN et que bon nombre d'autres intérêts, notamment des obligations internationales, ont des répercussions sur la gestion de ces zones. Si les parties avaient eu l'intention d'obliger le ministre à fournir des motifs quand il décide, dans le contexte de l'article 15.3.4, de ne pas suivre les avis du CGRFN, elles lui auraient imposé une telle obligation comme elles l'ont fait aux articles 5.3.18 et 12.6.14.

En l'espèce, il y a donc une preuve manifeste que le gouvernement a demandé l'avis du CGRFN conformément à l'article 15.3.4 et qu'il a reçu par écrit, le 4 décembre 1996, les opinions du CGRFN. Comme il a été mentionné précédemment, il a également tenu une conférence téléphonique le 10 janvier 1997 avec les représentants du Conseil de gestion pour discuter de leurs recommandations et cette conférence téléphonique a été suivie le 19 janvier 1997 par une réunion avec le ministre (voir les renvois précités).

L'avocat de l'appelant prétend que l'article 15.4.1 ne s'applique pas au présent litige parce qu'il a trait aux décisions touchant les zones marines et que ces zones, telles qu'elles sont définies à l'article 1.1.1 de l'Accord, sont situées dans la RN et non dans la zone I. En outre, étant donné que l'expression "gestion du milieu marin" n'est pas définie, il prétend que cette disposition de l'Accord s'applique de façon plus générale à des considérations écologiques et environnementales de plus grande envergure et non à des décisions de gestion précises comme l'établissement du TPA et l'allocation des permis de pêche. À l'appui de son opinion, il se réfère au titre de la partie GESTION DU MILIEU MARIN et à la nature des organismes qui peuvent donner des avis, c'est-à-dire la Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions (CNER), l'Office des eaux du Nunavut (OEN), la Commission d'aménagement du Nunavut (CAN) et le CGRFN.

Il n'est pas nécessaire que nous nous prononcions sur la portée de l'application de l'article 15.4.1 et sur la question de savoir si cet article traite essentiellement de préoccupations environnementales comme le soutient l'appelant. Le fait est que la première partie de l'article 15.4.1 donne une certaine latitude dans ce sens que les organismes qui y sont énumérés peuvent conjointement ou individuellement conseiller d'autres organismes du gouvernement ou formuler des recommandations à cet égard. Quand ils le font, le gouvernement a l'obligation d'examiner ces avis et recommandations. Cependant, le gouvernement n'est pas tenu, comme à l'article 15.3.4, concernant les décisions de gestion des ressources fauniques, de demander des conseils à l'un ou l'autre des organismes mentionnés à l'article 15.4.1 au sujet des décisions qui ont des répercussions sur les zones marines définies à l'article 1.1.1, c'est-à-dire cette partie des eaux intérieures ou de la mer territoriale du Canada, recouverte de glace ou non, située dans la RN, à l'exclusion des eaux internes.

Quoi qu'il en soit, dans la mesure où l'article 15.4.1 peut être applicable aux faits particuliers de l'espèce parce que le flétan noir est un poisson migratoire et que la pêche dans la zone I peut porter atteinte aux zones marines situées dans la RN, le fait demeure que seul le CGRFN a fait des recommandations ou a donné des avis au gouvernement. Ces avis ont été examinés par le gouvernement qui les a rejetés pour la plupart.

En conclusion, le juge des requêtes s'est mépris sur la portée des obligations du gouvernement énoncées aux articles 15.3.4 et 15.4.1 de l'Accord dans la mesure où ce dernier peut être applicable. Par suite de cette méprise, il a mal interprété la preuve dont il était saisi. Sa conclusion selon laquelle le ministre n'a pas examiné les avis du CGRFN est donc erronée.

Le ministre a-t-il négligé d'accorder une attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique, comme l'exige l'article 15.3.7 de l'Accord?

À l'article 15.3.7 de l'Accord, le gouvernement reconnaît l'importance des principes de la contiguïté aux ressources marines des collectivités de la RN et de la dépendance économique de ces collectivités à l'égard de ces ressources, de même que de l'obligation qui lui est faite d'accorder une attention spéciale à ces facteurs lorsqu'il attribue les permis de pêche commerciale dans les zones I et II. Il convient de reproduire ici cet article pour mieux comprendre la décision du juge des requêtes, de même que les prétentions que les parties ont fait valoir devant nous:

15.3.7 Le Gouvernement reconnaît l'importance du principe de la contiguïté aux ressources marines des collectivités de la région du Nunavut et du principe de la dépendance économique de ces collectivités à l'égard de ces ressources; il accorde une attention spéciale à ces facteurs lorsqu'il attribue les permis de pêche commerciale dans les zones I et II. On entend par contiguïté le fait qu'une collectivité est contiguë à la zone en question ou qu'elle se trouve à une distance géographique raisonnable de celle-ci. Ces principes sont appliquées d'une manière propre à favoriser une répartition équitable des permis entre les résidants de la région de Nunavut et les autres résidants du Canada, ainsi que d'une manière compatible avec les obligations intergouvernementales du gouvernement du Canada.

Le juge des requêtes a conclu que le ministre n'avait pas accordé d'attention spéciale à ces deux principes quand il a octroyé les permis de pêche commerciale dans la zone I, ce qui ressort selon lui du rejet sans motifs que le ministre a opposé à la demande du CGRFN en vue d'obtenir des permis de pêche illimitée du poisson de fond qui sont accordés aux pêcheurs du Sud. À son avis, le souci premier du ministre était les intérêts économiques des pêcheurs autres que ceux des Inuit du Nunavut. Il a donné aux mots "attention spéciale" un sens qui, à notre avis, équivaut à rien de moins que de rédiger de nouveau l'article 15.3.7 de l'Accord. Aux pages 538 et 539 de sa décision, il dit ceci:

Lorsque l'on applique cette disposition, les mots "attention spéciale" doivent vouloir dire qu'il faut tenir compte en priorité , avant toute autre partie rivale, des collectivités de la RN au sujet de l'octroi des permis dans les zones I et II, et les allocations qui sont effectuées doivent clairement refléter ce principe.

Si l'on donne un tel sens aux mots "attention spéciale", il n'est pas surprenant que les Inuit du Nunavik, dans le Nord du Québec, aient demandé et obtenu l'autorisation d'intervenir dans le présent appel. Ils prétendent qu'il faudrait aussi tenir compte en priorité de leur cas dans les zones I et II, plus précisément dans la zone II qui se trouve dans une zone de pêche hauturière du Nunavik. Par conséquent, ils demandent à la présente Cour d'infirmer cette partie de la décision du juge des requêtes qui tient compte en priorité des Inuit du Nunavut par rapport à toute autre partie rivale, y compris les Inuit du Nunavik.

L'avocat de l'intimée a fait valoir à l'audience que les termes "tenir compte en priorité" utilisés par le juge des requêtes signifient une "priorité d'accès" aux quotas et licences et donc que les Inuit du Nunavut, compte tenu des principes de la contiguïté et de la dépendance économique, devraient obtenir 80 % des quotas. Pour en arriver à cette conclusion, l'avocat de l'intimée s'est appuyé sur un document de travail sur la contiguïté qui a circulé à l'intérieur du ministère des Pêches et des Océans et qui, fondamentalement, définit la contiguïté comme [traduction ] "le principe selon lequel les collectivités qui résident à proximité de la ressource ou qui ont traditionnellement pêché dans ces eaux, devraient avoir une priorité d'accès" (voir vol. I, dossier d'appel, à la page 81).

Il s'est également appuyé sur le passage suivant de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, à la page 1116:

La nature constitutionnelle du droit des Musqueams de pêcher à des fins de subsistance fait en sorte que, dans l'établissement des priorités suite à la mise en œuvre des mesures de conservation valides, il faut accorder la priorité absolue à la pêche par les Indiens à des fins de subsistance. Si l'objectif visé se rapportait à la conservation des ressources, le plan de conservation serait examiné en vue de déterminer les priorités. Bien que la répartition détaillée de ressources maritimes soit une tâche devant être confiée aux experts dans le domaine, on doit satisfaire d'abord aux besoins alimentaires des Indiens en procédant à cette répartition.

Nous ne croyons pas que cette décision soit d'une quelconque utilité à l'intimée et qu'elle appuie sa prétention à une priorité d'accès que l'avocat a fixée quantitativement à 80 % des quotas de pêche. On peut clairement distinguer l'arrêt Sparrow des faits de l'espèce. Dans l'arrêt Sparrow, la priorité d'accès avait trait à un droit ancestral de pêcher pour se nourrir, et non pas de faire de la pêche commerciale comme c'est le cas en l'espèce. Ce qu'on entendait par priorité d'accès dans ce contexte ressort de l'explication suivante qui se trouve également à la page 1116:

L'importance d'accorder la priorité absolue au droit ancestral de pêcher pour se nourrir peut s'expliquer ainsi. Si, au cours d'une année donnée, il s'avérait nécessaire pour les besoins de la conservation de réduire le nombre de prises de poisson et que ce nombre soit égal à celui requis par les Indiens pour leur alimentation, alors il résulterait de la nature constitutionnelle de leur droit de pêche que c'est aux Indiens que reviendrait la totalité des poissons pouvant être pris suite aux mesures de conservation. Si, d'une manière plus réaliste, il restait encore du poisson après que les besoins alimentaires des Indiens eurent été satisfaits, ce serait alors les pêcheurs sportifs et les pêcheurs commerciaux qui feraient les frais de ces mesures de conservation.

En outre, la priorité d'accès avait droit à un droit ancestral qui n'était pas éteint. En l'espèce, l'Accord est le résultat d'une entente négociée concernant des revendications territoriales par laquelle les Inuit du Nuvavut ont reçu des droits et des avantages définis en échange de leur renonciation à toute revendication, tout droit, titre et intérêt fondés sur l'existence d'un titre ancestral (voir le préambule de l'Accord). Par conséquent, nous devons examiner les conditions de l'Accord pour déterminer les droits et avantages qui ont été obtenus en échange de la renonciation.

Une interprétation téléologique de l'article 15.3.7 fait clairement ressortir que les parties à l'Accord avaient l'intention d'établir un principe d'équité, et non pas de priorité, dans la répartition des permis de pêche commerciale dans les zones I et II. En outre, le partage équitable des intérêts entre les résidants de la RN et les autres résidants du Canada doit être compatible avec les obligations intergouvernementales du Canada. Dans le contexte du présent appel, personne n'a essayé d'attribuer un sens à l'expression "obligations intergouvernementales" et il n'est pas nécessaire de le faire pour régler l'appel. Toutefois, il est clair qu'une condition qui touche la répartition des permis est incompatible avec le principe de la priorité d'accès, surtout une priorité d'accès aussi importante que celle que réclame l'intimée.

Les principes de la contiguïté et de la dépendance économique auxquels le ministre doit accorder une attention spéciale quand il procède à l'allocation des permis de pêche commerciale dans les zones I et II ne sont pas définis comme tels dans l'Accord. Toutefois, le terme "contiguïté" est défini à l'article 15.3.7 lui-même comme signifiant le fait qu'une collectivité est contiguë à la zone en question ou qu'elle se trouve à une distance géographique raisonnable de celle-ci. Si les parties avaient eu l'intention de faire en sorte que le principe de la contiguïté signifie la "priorité d'accès" aux résidants de la RN ou, comme l'a statué le juge des requêtes, une prise en compte prioritaire des collectivités de la RN pour l'attribution des permis dans les zones I et II par rapport à toute autre partie rivale, l'article 15.3.7 aurait été rédigé très différemment.

Tout d'abord, la disposition aurait été rédigée en termes de priorité d'accès. Deuxièmement, elle aurait clairement accordé cette priorité aux collectivités de la RN et ne l'aurait pas étendue, comme elle le fait, à tous ceux qui se trouvent à une distance géographique raisonnable de la zone en question. Troisièmement, elle n'aurait pas adopté un principe de répartition équitable des permis entre les résidants de la RN et les autres résidants du Canada. Finalement, comme il a déjà été mentionné, elle n'aurait pas assujetti le principe de la répartition équitable à l'obligation de respecter les obligations intergouvernementales du Canada. Cette disposition aurait donc été rédigée dans un style très différent et aurait eu un contenu aussi différent.

L'article 15.3.7 impose au gouvernement l'obligation d'accorder une attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique. Cette obligation a pour but de garantir aux Inuit du Nunavuk que, dans l'attribution des permis de pêche commerciale, leur dépendance commerciale aux ressources fauniques, compte tenu de leur proximité à ces ressources, sera prise en compte par l'autorité qui accorde les permis. L'attention spéciale qu'il convient d'accorder à ces principes dans le contexte équitable de l'article 15.3.7 signifie qu'il faut porter une attention particulière et appropriée à ces principes lorsque vient le temps de mettre en balance les intérêts concurrentiels féroces qui sont en jeu en vue de promouvoir une répartition équitable des permis de pêche commerciale dans ces zones, c'est-à-dire une répartition qui soit reflète clairement une application appropriée de ces principes ou qui mène un observateur raisonnable à conclure que les principes ne peuvent avoir été ignorés compte tenu de l'équité du résultat final, sans oublier tous les autres facteurs que le ministre doit examiner dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. En termes de résultat, cela signifie qu'à l'exception de circonstances exceptionnelles ou inhabituelles, l'application de ces principes devrait se refléter dans la répartition finale des permis et des quotas par le ministre, cette répartition faisant ressortir une proportion qui, compte tenu de toutes les autres restrictions imposées au ministre, y compris celles prévues à l'article 15.3.7, est équitable dans les circonstances.

À notre avis, le juge des requêtes a donné une interprétation erronée de l'article 15.3.7, qui n'est pas compatible avec l'intention des parties à l'Accord et qui va à l'encontre du texte de la disposition au détriment des autres collectivités inuit qui vivent à une distance géographique raisonnable des zones en question et qui, elles aussi, dépendent économiquement des ressources fauniques. Toutefois, nous croyons que sa conclusion est juste comme nous en ferons la démonstration à partir d'un examen de la quatrième question qu'il a été appelé à examiner.

Le ministre a-t-il appliqué les principes de la contiguïté et de la dépendance économique d'une manière propre à favoriser une répartition équitable des permis de pêche au flétan noir entre les résidants de la RN et les autres résidants du Canada?

Le juge des requêtes a conclu qu'il n'y avait pas eu une répartition équitable des permis entre les résidants de la RN et les autres résidants du Canada parce que le ministre n'avait pas accordé d'attention spéciale à la contiguïté et à la dépendance économique des collectivités vivant dans la RN. Sa conclusion peut être sérieusement mise en doute à la lumière de l'interprétation erronée qu'il a donnée de l'expression "attention spéciale". Toutefois, l'intimée prétend qu'il n'y a pas eu de répartition équitable des permis de pêche du flétan noir parce que le ministre n'a pas du tout suivi les directives de l'article 15.3.7.

Comme nous l'avons déjà dit, il n'appartient pas à la Cour de "reconsidérer" le fond de la décision du ministre. Mais la plainte de l'intimée porte sur la légalité de la décision ministérielle. L'article 15.3.7 impose des conditions de fond à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre dans la répartition des permis de pêche commerciale dans les zones I et II. Comme le ministre n'a pas expliqué comment ou pourquoi, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, il est parvenu à la répartition des quotas qu'il a faite, il est difficile de savoir non seulement s'il a appliqué les principes de la contiguïté et de la dépendance économique, mais aussi de savoir s'il a correctement interprété ces principes et s'il les a correctement appliqués. Comme le disait le juge Strayer, J.C.A. dans Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) , [1997] 2 C.F. 646 (C.A.), à la page 673, la décision peut être infirmée, annulée "non pas parce qu'elle n'est pas motivée, mais parce que sans motifs il n'est pas possible de surmonter l'obstacle que constitue la conclusion d'absurdité ou d'erreur dérivée du résultat ou des circonstances entourant la décision".

Dans son effort pour justifier la décision du ministre, l'avocat de l'appelant a attiré notre attention dans le dossier d'appel à une série de questions et réponses préparées par le Ministère pour aider le ministre à répondre à d'éventuelles questions, mais il n'y a pas de preuve que l'information contenue dans un tel document ait jamais été publiée ou que le ministre, en arrivant à sa décision, ait tenu compte de certains des éléments mentionnés dans ce document standard souvent préparé pour les conférences de presse (voir vol. I, dossier d'appel, aux pages 148 à 151). Par conséquent, ce document n'est d'aucune utilité. Nous devons examiner le dossier dont était saisi le ministre au moment de la décision, et non pas examiner le bien-fondé de ce dossier, mais plutôt nous assurer que le ministre s'est posé les questions qu'il était tenu de se poser en vertu de la loi et qu'il s'est conformé à toutes les restrictions légales imposées à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire (voir Cantwell c. Canada (Ministre de l'Environnement) (1991), 6 C.E.L.R. (N.S.) 16 (C.F. 1re inst.), à la page 32).

Tout d'abord, les Inuit du Nunavut qui, dans leur lettre du 4 décembre 1996 adressée au ministre, demandaient déjà des quotas supplémentaires sur la part canadienne de 5 500t du TPA en s'appuyant sur les principes énoncés à l'article 15.3.7 de l'Accord, ont obtenu seulement 100t sur la majoration de 1 100t de la part du TPA. Cela signifie que les Inuit du Nunavut n'ont obtenu que 9 % de la majoration unilatéralement effectuée par le Canada sur sa part du TPA. Au même moment, les Inuit du Labrador, qui ne vivent pas dans une région contiguë à la zone I, et les Inuit du Nunavik ont reçu 36 % de cette augmentation (400t). Finalement, les pêcheurs terre-neuviens qui ne vivent pas non plus dans une région adjacente à la zone I ont obtenu 55 % (600t) des quotas (voir la note de service du sous-ministre au ministre signalant que la sous-zone 0 dans laquelle se trouve la zone I n'est pas contiguë à Terre-Neuve ni au Labrador, vol. I, dossier d'appel, à la page 103). Concernant les augmentations individuelles, les pourcentages sont les suivants:

Nunavut: 7 %

Inuit du Nunavik et du Labrador: 108 %

Terre-Neuve: 40 %

(voir également le Plan de gestion du poisson de fond de l'Atlantique de 1996, vol. I, dossier d'appel, à la page 86).

Deuxièmement, par suite de la décision du ministre, la part des Inuit du Nunavut du TPA a été réduite de 27 % à 24 %.

Troisièmement, bien que la part du TPA des Inuit du Nunavut ait été réduite, la part de pêche en concurrence est passée de 27 % à 32 %. Les pêcheurs de cette catégorie de détenteurs de permis ne satisfont pas à la définition de contiguïté puisqu'ils viennent principalement de Terre-Neuve et, par conséquent, qu'ils ne vivent pas à une distance géographique raisonnable de la zone I.

Quatrièmement, le ministre connaissait les demandes des Inuit du Nunavut en vue d'obtenir des quotas supplémentaires en se fondant sur les principes de la contiguïté et de la dépendance économique, tout comme il savait que les Inuit du Nunavut estimaient que leur part réelle du TPA était un minimum absolu (voir la lettre du CGRFN du 4 décembre 1996 adressée au ministre, vol. I, dossier d'appel, aux pages 70 et 71). Pourtant, malgré que le Canada ait augmenté de 20 % sa part du TPA, ce qui représente 10 % du TPA global, il ne leur a attribué qu'une légère portion de cette majoration, ce qui a eu pour effet de réduire leur part du TPA global.

Cinquièmement, le ministre a été informé par son sous-ministre que l'augmentation de 100t accordée aux Inuit du Nunavut qui sont les résidants les plus adjacents à la ressource, sur la majoration de 1 100t, prêtait flanc à la critique surtout en comparaison de l'accès accru (400t) accordé aux Inuit du Labrador et du Nord du Québec (voir la note de service adressée au ministre le 18 mars 1997, vol. I, dossier d'appel, à la page 141).

Finalement, dans une note de service adressée au ministre en date du 4 mars 1997, le sous-ministre recommandait qu'on attribue aux Inuit du Nunavut 300t sur la majoration de 1 100t du quota canadien (voir vol. I, dossier d'appel, aux pages 133 et 134). Comme nous le savons maintenant, seul le tiers de ce chiffre a été attribué aux Inuit du Nunavut.

Il ne fait aucun doute que la répartition des quotas de pêche est une tâche difficile qui incombe au ministre et qui exige une pondération d'intérêts concurrentiels. Comme notre collègue le juge Décary, J.C.A. le disait dans l'arrêt Carpenter Fishing Corp. (précité), à la page 565 de sa décision:

Les quotas comportent immanquablement une part d'arbitraire ou d'injustice. Certains pêcheurs peuvent gagner, d'autres peuvent perdre, certains peuvent gagner ou perdre plus que d'autres, et la plupart sinon tous se retrouveront avec moins de prises qu'avant.

Toutefois, en l'espèce, il était question non pas d'une réduction mais plutôt d'une majoration des quotas de pêche dont la répartition était assujettie à certaines dispositions précises de l'Accord imposant certaines limites à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. Le ministre peut avoir eu de bonnes et valables raisons d'en venir à la conclusion qu'il a prise. Nous ne le savons pas et nous ne pouvons pas spéculer à ce sujet. Mais en l'absence d'explications ou de motifs justifiant cette conclusion qui permettraient de déterminer non pas si la décision était juste ou erronée, mais si elle était légale (voir R v Civil Service Appeal Board, ex p Cunningham, [1991] 4 All ER 310 (C.A.), à la page 319), nous n'avons que le curieux résultat et les circonstances entourant l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire qui, à notre avis, mène à une inférence raisonnable que le ministre soit n'a pas accordé d'attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique comme il était tenu de le faire aux termes de l'Accord, soit qu'il a mal interprété ces principes quand il a attribué les permis de pêche commerciale dans la zone I.

Les demandes de l'intervenante

L'intervenante, Makivik Corporation, représente les Inuit du Nord du Québec (les Inuit du Nunavik). Les Inuit du Nunavik sont un peuple maritime qui résident dans 15 collectivités du Nord du Québec, le long de la côte de la baie d'Hudson, du détroit d'Hudson, de la baie d'Ungava et de la péninsule du Québec et du Labrador. Ils vivent essentiellement au nord du 55e parallèle. Ils sont voisins des Inuit du Nunavut et partagent avec eux les ressources des zones marines.

Fondamentalement, l'intervenante appuie la décision du juge des requêtes, mais elle demande à la présente Cour d'annuler cette partie du jugement dans laquelle le juge des requêtes déclare que l'application de l'article 15.3.7 de l'Accord doit signifier que les collectivités de la RN ont priorité pour obtenir des permis dans les zones I et II sur toute autre personne, y compris sur les Inuit du Nunavik.

Compte tenu du fait que nous avons rejeté le principe de "la prise en compte prioritaire" qui a été adopté à tort par le juge des requêtes dans son interprétation de l'article 15.3.7, cette demande de l'intervenante est théorique.

L'avocat de l'intervenante a fait valoir à l'audience que les Inuit du Nunavik ont également le droit de profiter des principes de la contiguïté et de la dépendance économique et que le juge aurait dû donner des instructions à cet effet dans son ordonnance adressée au ministre pour qu'il réexamine l'affaire. La réponse à cette prétention est double.

Premièrement, l'article 15.3.7 qui énonce ces principes ne s'applique pas aux Inuit du Nunavik. Deuxièmement, les définitions des zones I et II à l'article 1.1.1 de l'Accord font référence aux eaux "qui ne font partie ni de la région du Nunavut, ni d'une autre région visée par un règlement sur des revendications territoriales". Cela signifie que ces principes peuvent faire l'objet de négociations dans d'autres règlements sur des revendications territoriales.

En fait, l'avocat de l'intervenante nous a informé que des discussions sont en cours entre les Inuit du Nunavik et le gouvernement en vue de la signature éventuelle d'un accord sur les revendications territoriales relatives aux zones marines avec les Inuit du Nord du Québec. Il ne nous appartient pas de décider si les Inuit du Nunavik devraient pouvoir profiter de ces principes dans le contexte de leur accord sur les revendications territoriales. Il est préférable de laisser cette question être débattue là où elle l'est actuellement. Nous ne voulons pas décider à l'avance du résultat en nous aventurant imprudemment dans des eaux qui nous sont inconnues.

Pour ces raisons, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens. La question de la répartition des quotas de pêche de 1997 est probablement théorique à l'heure actuelle, mais l'appel a soulevé d'importantes questions d'interprétation de l'Accord pour les allocations futures de quotas et la répartition des permis de pêche. Bien que nous rejetions l'appel, nous sommes d'avis de modifier l'ordonnance de façon à en supprimer pour le ministre l'obligation d'agir conformément aux motifs du juge des requêtes étant donné que nous avons jugé ces motifs erronés. Par conséquent, l'ordonnance du juge des requêtes devrait être modifiée pour se lire comme suit:

J'infirme la décision du ministre datée du 7 avril 1997 comme étant contraire à la loi, et je renvoie l'affaire au ministre actuel pour qu'il soit procédé à un nouvel examen.

L'intervention est rejetée sans dépens.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.