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[1994] 1 C.F 15

T-344-93

Roy Lee (requérant)

c.

Le sous-commissaire du Service correctionnel du Canada, région du Pacifique (intimé)

T-345-93

Allan Mathieson (requérant)

c.

Le sous-commissaire du Service correctionnel du Canada, région du Pacifique (intimé)

Répertorié : Lee c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel, région du Pacifique) (1re inst.)

Section de première instance, juge Rothstein—Vancouver, 26 et 28 juillet 1993.

Pénitenciers — Transfèrements — Demandes tendant à l’annulation de décisions ordonnant le transfèrement de détenus d’un pénitencier à sécurité maximale à une unité spéciale de détention d’un autre pénitencier — Étant donné le refus de prolonger le délai de réponse à l’avis de transfèrement non sollicité, les transfèrements ont été décidés sans que les requérants aient l’occasion de présenter leurs observations — Le sous-commissaire intérimaire a refusé de modifier les décisions de transfèrement prises par le sous-commissaire — Rejet des griefs internes — Toute décision de transfèrement susceptible d’affecter ce qui reste de liberté aux détenus doit être conforme aux principes de justice fondamentale, y compris à l’équité procédurale — En ne prolongeant pas les délais prévus, on a refusé aux requérants l’occasion de répondre utilement — La décision est arbitraire, inutile — La directive du Commissaire fixant les délais ne revêt qu’un caractère indicatif — Obligation de motiver de manière précise les décisions de refus — Le refus de modifier les décisions de transfèrement sont défectueuses car fondées sur des renseignements auxquels les requérants n’avaient pas eu accès; la décision n’a pas été motivée — Le rejet des griefs internes est défectueux puisqu’il n’est pas motivé — Il n’est pas nécessaire de prévoir une audition lorsque les renseignements sont fournis par des informateurs, car toutes les parties ne comparaissent pas devant le décisionnaire en même temps; aucune occasion de procéder au contre-interrogatoire.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité — Les décisions ordonnant le transfèrement des détenus d’un pénitencier à sécurité maximale à une unité spéciale de détention d’un autre établissement privent le détenu de ce qui lui reste de liberté — D’après l’art. 7 de la Charte, de telles décisions doivent être conformes aux principes de justice fondamentale — Cela comprend le respect de l’équité procédurale et exige notamment une occasion raisonnable de répondre utilement aux allégations — Toute décision affectant la liberté doit tenir compte des principaux éléments présentés en réponse par les intéressés.

Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari — Demandes tendant à l’annulation de décisions ordonnant le transfèrement de détenus d’un pénitencier à sécurité maximale à l’unité spéciale de détention d’un autre établissement — Les décisions doivent être conformes aux principes de justice fondamentale, y compris à l’équité procédurale — Le refus de prolonger les délais de réponse à l’avis de transfèrement prive les requérants de l’occasion de répondre utilement — Obligation de motiver de manière précise le refus — Invalidité des décisions de transfèrement — Refus de modifier les décisions de transfèrement fondées sur des renseignements auxquels les requérants n’avaient pas eu initialement accès — Le décisionnaire doit faire état de tous les renseignements pertinents dont il dispose, à moins que cela n’ait pour résultat de révéler l’identité des informateurs — Il est douteux qu’un subordonné puisse, de manière objective et indépendante, évaluer la décision de son supérieur.

Il s’agissait de demandes tendant à l’annulation des décisions du sous-commissaire ordonnant le transfèrement des requérants de Kent, un établissement à sécurité maximale, à l’unité spéciale de détention du pénitencier de Saskatchewan, étant donné qu’il estimait que les requérants avaient participé à un complot d’évasion. Lorsque le complot a été porté à l’attention des responsables de la prison, les requérants ont été placés en quartier d’isolement. Six jours plus tard, chacun d’entre eux s’est vu notifier une recommandation de transfèrement non sollicité motivée. Conformément à une directive du Commissaire sur le « transfèrement des détenus », on accorda à ceux-ci 48 heures pour répondre aux allégations les visant. Le directeur intérimaire refusa de prolonger le délai de réponse, estimant que les requérants posaient, pour la sécurité de l’établissement et de l’ensemble de la communauté, un risque grave. Les décisions de l’intimé ordonnant le transfèrement des requérants furent rendues le jour suivant et les requérants furent transférés le jour d’après. Les requérants transmirent leurs observations une semaine plus tard. Lorsqu’ils finirent par obtenir des détails supplémentaires concernant le complot allégué, ils transmirent des observations complémentaires. Le sous-commissaire intérimaire pour la région du Pacifique refusa de modifier l’ordre de transfèrement. Bien qu’il ait parlé de « ma décision », à l’origine les décisions de transfèrement avaient été signées par l’intimé. Les griefs internes présentés par les requérants ont également été rejetés.

Se posait la question de savoir si les décisions de transfèrement avaient été prises conformément aux principes de justice naturelle ou de l’équité procédurale qu’embrasse l’idée, plus large, de justice fondamentale.

Jugement : les requêtes doivent être accueillies.

La décision ordonnant le transfèrement d’un détenu vers un établissement où sa liberté sera plus sévèrement restreinte doit être prise en conformité avec les principes de justice fondamentale, comme le prévoit l’article 7 de la Charte. L’équité procédurale exige que l’on donne aux détenus l’occasion raisonnable de répondre utilement. Les requérants ont été privés de cette occasion lorsque le directeur intérimaire a refusé de prolonger les délais de réponse et, donc, lorsque le sous-commissaire a pris les décisions ordonnant le transfèrement, il n’a pu se fonder que sur les renseignements fournis par le directeur intérimaire. Rien n’indique que le directeur intérimaire ait ne serait-ce que envisagé de prolonger les délais, bien que, à l’époque de la demande, les requérants se trouvaient depuis une semaine dans le quartier d’isolement. Aucun élément expliquant en quoi les requérants posaient un risque alors qu’ils se trouvaient dans le quartier d’isolement. Le fait que le directeur intérimaire ait choisi de ne pas suivre la procédure de transfèrement prévue pour les cas urgents (c’est-à-dire sans avis préalable) donne à penser que la situation n’était pas urgente au point de justifier le refus d’accorder une prolongation des délais. Les directives du Commissaire n’ont pas force de loi, mais lorsqu’elles ont pour effet de codifier un principe de common law ou, pour ce qui est des établissements correctionnels, lorsqu’elles assurent l’application des dispositions de la Charte, une telle codification aura force de loi parce que le principe ainsi codifié a lui-même force de loi. Le refus d’accorder une prolongation était inutile et arbitraire et a entraîné pour les requérants un deni de leur droit de faire connaître leur position avant que ne soit ordonné leur transfèrement. Le délai prévu de 48 heures n’a qu’une valeur indicative. Dans les cas non urgents, il peut s’agir simplement d’accorder quelques jours supplémentaires aux intéressés afin de leur permettre de répondre utilement. Tout refus de prolongation des délais doit être motivé de manière précise. Le fait d’invoquer, de manière générale, les exigences de la sécurité ne suffit pas. N’étant pas conformes à l’équité procédurale car les intéressés n’ont pas été entendus, les décisions de transfèrement sont invalides.

Le fait que le sous-commissaire intérimaire a refusé de modifier les décisions de transfèrement n’a pas remédié aux carences ainsi constatées. Des renseignements complémentaires ont été fournis aux requérants lorsqu’on leur a signifié le refus de prolongation, renseignements dont les requérants n’avaient pas disposé pour formuler leurs réponses. Le décisionnaire doit communiquer toute information pertinente dont il a connaissance à moins qu’une telle divulgation ait pour effet de révéler l’identité d’un informateur. Le sous-commissaire intérimaire n’a pas pu tenir compte des arguments des requérants au sujet des renseignements complémentaires. Les requérants se sont donc vu refuser une audition impartiale et les décisions en cause ont été prises contrairement aux principes de l’équité procédurale. La décision du sous-commissaire adjoint est également défectueuse du fait qu’elle n’est pas motivée. Selon la directive du Commissaire « la décision doit indiquer, lorsqu’il donne les motifs de sa décision, qu’il a pris en considération cette réponse [du détenu] ». Il ne suffit pas, à cet égard, de noter simplement qu’il a été tenu compte de cette réponse. Toute décision touchant la liberté d’un individu doit tenir compte des principaux éléments des observations ainsi présentées. En dernier lieu, il est douteux qu’un subordonné puisse envisager, avec toute l’objectivité et l’indépendance que suppose une décision équitable, de modifier une décision prise par son supérieur.

Les décisions portant rejet des griefs étaient défectueuses car elles ne faisaient qu’affirmer qu’il a été tenu compte des réponses des détenus. Il y a lieu d’expliquer pourquoi ces réponses n’ont pas été jugées dignes de foi.

En matière de transfèrement non sollicité, la justice fondamentale n’exige pas que les intéressés soient entendus de vive voix lorsque certains renseignements sont rapportés par des informateurs. Toutes les parties ne comparaissent pas devant le décisionnaire en même temps et il ne peut donc pas y avoir de contre-interrogatoire. Si, dans certains cas, cette démarche mérite d’être suivie, compte tenu de la décision rendue en l’espèce, il n’y a pas lieu, pour la Cour, d’examiner tous les renseignements ayant contribué aux décisions en cause.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Demaria c. Comité régional de classement des détenus, [1987] 1 C.F. 74; (1986), 21 Admin. L.R. 227; 30 C.C.C. (3d) 55; 53 C.R. (3d) 88; 5 F.T.R. 160; 69 N.R. 135 (C.A.); Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; (1978), 12 A.R. 449; 89 D.L.R. (3d) 161; 7 Alta. L.R. (2d) 370; 23 N.R. 565.

DÉCISION EXAMINÉE :

Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 17 D.L.R. (4th) 422; 12 Admin. L.R. 137; 14 C.R.R. 13; 58 N.R. 1.

DÉCISIONS CITÉES :

Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel Canada), [1989] 3 C.F. 329; (1989), 36 Admin. L.R. 261; 68 C.R. (3d) 173; 25 F.T.R. 79; 92 N.R. 292 (C.A.); Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486; (1985), 24 D.L.R. (4th) 536; [1986] 1 W.W.R. 481; 69 B.C.L.R. 145; 23 C.C.C. (3d) 289; 48 C.R. (3d) 289; 18 C.R.R. 30; 36 M.V.R. 240; 63 N.R. 266; Martineau et autre c. Comité de discipline des détenus de l’Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118; (1977), 77 D.L.R. (3d) 1; 33 C.C.C. (2d) 366; 14 N.R. 285; Williams c. Canada (Service correctionnel, Comité régional des transfèrements, Région des Prairies), [1991] 1 C.F. 251; (1990), 38 F.T.R. 169 (1re inst.).

DEMANDES tendant à l’annulation, pour non-conformité aux principes de justice naturelle ou de l’équité procédurale, des décisions ordonnant le transfèrement des requérants d’un pénitencier à sécurité maximale à l’unité spéciale de détention d’un autre pénitencier. Demandes accueillies.

AVOCATS :

Sasha P. A. Pawliuk pour le requérant Lee.

J. Peter Benning pour le requérant Mathieson.

James A. Graham pour l’intimé.

PROCUREURS :

Legal Services Society, Abbotsford (C.-B.), pour le requérant Lee.

Conroy & Company, Abbotsford (C.-B.), pour le requérant Mathieson.

Harper, Grey, Easton & Company, Vancouver (C.-B.) pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Rothstein : Il s’agit de deux demandes de certiorari tendant à l’annulation des décisions de l’intimé, transférant chacun des requérants, de Kent, pénitencier à sécurité maximale, à l’unité spéciale de détention du pénitencier de Saskatchewan, à Prince Albert. La décision d’opérer le transfèrement d’un détenu vers un établissement pénitencier où sa liberté sera plus sévèrement restreinte, comme c’est le cas en l’espèce, équivaut à condamner le détenu à « une prison au sein de la prison », ce qui prive le détenu de ce qui lui restait de liberté. Une telle décision doit donc être prise « en conformité avec les principes de justice fondamentale » comme le prévoit l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (voir Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel Canada), [1989] 3 C.F. 329 (C.A.), à la page 337). Il s’agit, en l’occurrence, de décider si les décisions de transfèrement ont été prises conformément aux principes de la justice naturelle ou de l’équité procédurale qu’embrasse l’idée, plus large, de justice fondamentale. (Voir Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486, aux pages 501 et 502.)

L’intimé a décidé d’opérer le transfèrement des requérants car il pensait que ceux-ci avaient participé à un complot d’évasion. L’essentiel des renseignements portés à la connaissance de l’intimé est exposé dans un document en date du 4 septembre 1992, préparé dans le cadre de l’affaire Lee et intitulé « Évaluation sommaire de la situation et recommandations ».

[traduction] Un groupe de détenus appartenant à la population carcérale générale était en train de préparer une tentative d’évasion violente, par hélicoptère, de l’établissement Kent au cours du mois d’octobre 1992. Les détenus impliqués dans ce complot étaient plus nombreux que cela, mais l’intention était de favoriser l’évasion de trois d’entre eux. On considère que Lee est l’un des trois qui avaient l’intention de s’évader. On estime que Lee était l’un des principaux organisateurs de ce complot.

Le détenu Rocha … qui devait être libéré sous surveillance obligatoire au début du mois d’octobre 1992, devait être l’un des principaux organisateurs à l’extérieur. Aidé par d’autres, il devait s’emparer de l’hélicoptère et du pilote qui avaient été utilisés, le 18 juin 1990, pour effectuer une autre évasion par hélicoptère de l’établissement Kent. Les conspirateurs estimaient que ce pilote connaissait très bien la région, et notamment les alentours de l’établissement. Il était prévu de retenir la femme de celui-ci en otage pendant le déroulement des opérations, afin de garantir la collaboration du pilote. Il était prévu que sa femme serait tuée s’il refusait son concours ou si l’évasion échouait.

L’évasion devait se produire peu après 14 h un jour de semaine, alors que les candidats à l’évasion et leurs complices se trouvaient dans la zone de récréation principale puisqu’ils sont tous affectés aux travaux de cuisine (la période de récréation de l’après-midi est réservée aux équipes de travail, ce qui comprend les détenus affectés à la cuisine). Un peu avant l’arrivée de l’hélicoptère, le groupe de détenus en cause devait prendre en otage les gardiens surveillant la zone de récréation et les emmener dans la cour de récréation. Il s’agissait d’éviter que le personnel de sécurité ne tire sur les conspirateurs. Des armes automatiques devaient être sorties de l’hélicoptère au moment où il atterrissait dans la cour de récréation. L’hélicoptère devait alors repartir avec les évadés à bord et filer vers le sud, pour atteindre l’état de Washington en survolant le mont Cheam.

Après avoir consulté Ipso D. Dick, les services locaux de la GRC ont procédé à une étude indépendante des renseignements fournis, concluant à la crédibilité de ces informations. D’autres services de police ont contribué à l’enquête et ont confirmé que les conspirateurs étaient effectivement à même d’obtenir les armes, les gens et les appuis nécessaires à la mise en œuvre de ce plan.

Bien qu’il essaye de ne pas se faire remarquer, et malgré la bonne volonté dont il fait preuve dans l’accomplissement de ses tâches à la cuisine, LEE continue de se montrer violent et agressif. Tout porte à croire que LEE était le principal organisateur et qu’il avait recruté les autres membres en fonction de leur expérience et de l’aide qu’ils étaient en mesure d’apporter dans l’exécution de ce plan. Le fait que LEE ait pu dresser un plan d’évasion aussi complexe est une manifestation évidente du mépris qu’il ressent à l’égard du système pénal et de la vie d’autrui. Un autre grave sujet de préoccupation sont ses collègues de l’extérieur qui avaient accepté de participer à un complot d’une telle ampleur. C’est pourquoi on considère que LEE présente, pour le personnel ainsi que pour les autres détenus de l’établissement Kent, un risque grave et durable. Mais ce qui est encore plus préoccupant, en l’occurrence, c’est le grave danger que cela représente pour l’ensemble des citoyens, parmi lesquels se trouveraient éventuellement des victimes innocentes. LEE avait les aptitudes et les ressources nécessaires pour monter un complot mettant en danger tous les gens impliqués; cela démontre clairement la nécessité de le transférer à un quartier à haute sécurité maximale.

Le 28 août 1988, Lee a été déclaré coupable de meurtre au premier degré. Il ne sera pas admissible à la libération conditionnelle avant d’avoir purgé 25 ans, c’est-à-dire avant le 27 août 2013. Mathieson a été déclaré coupable d’homicide involontaire et de complot d’évasion. Il a été condamné à 18 ans d’emprisonnement à partir du 30 mai 1984. À l’époque des faits, ils étaient tous les deux détenus à l’établissement Kent.

Après que le complot eut été porté à l’attention des responsables du pénitencier, Lee et Mathieson furent, le 2 septembre 1992, placés en quartier d’isolement à Kent. On indiqua à chacun qu’on les soupçonnait d’avoir participé à un complot d’évasion.

Le 8 septembre, on leur remit à chacun un document intitulé « Avis de recommandation pour le transfèrement non sollicité/Transfèrement dans un établissement à haute sécurité maximale », émis par le directeur intérimaire de Kent, ainsi qu’une évaluation sommaire de la situation. Selon cet avis, le directeur intérimaire recommandait à l’intimé que les requérants soient transférés à l’unité spéciale de détention à Prince Albert. Les motifs du transfèrement proposé étaient exposés dans les documents. On donna alors aux requérants 48 heures pour répondre aux accusations portées contre eux.

Le 9 septembre 1992, l’avocat retenu par les requérants, Mme Sasha Pawliuk, demanda une prolongation du délai de réponse. Mme Pawliuk s’entretint avec le directeur intérimaire au sujet de cette demande de prolongation mais n’obtint pas gain de cause. Le 10 septembre, l’intimé transmit sa décision ordonnant le transfèrement des requérants à Prince Albert. Le 11 septembre 1992, les requérants furent transférés à Prince Albert, où ils se trouvent encore.

Mme Pawliuk fit parvenir à l’intimé les réponses prévues, le 18 septembre dans le cas de Lee, et le 21 septembre pour Mathieson.

Le 24 septembre 1992, l’intimé écrivit à Mme Pawliuk, lui indiquant :

[traduction] J’ai examiné les observations que vous m’avez transmises au sujet de Lee. Je les transmets à mon tour au Comité national d’examen.

Aucune lettre accusant réception des observations transmises au sujet de Mathieson ne fut envoyée à Mme Pawliuk.

Après avoir transmis les réponses en cause, Mme Pawliuk obtint d’autres détails au sujet du prétendu complot. Ces détails supplémentaires avaient été communiqués, par les responsables du pénitencier, à un certain Martino Rocha, un autre des prétendus conspirateurs. Ayant pris connaissance de ces renseignements, Mme Pawliuk fit parvenir, le 6 octobre 1992, des observations complémentaires. En ce qui concerne M. Lee, ces observations complémentaires furent envoyées directement au Comité national d’examen, étant donné que l’intimé avait dit à Mme Pawliuk que ses conclusions précédentes avaient été transmises au Comité national d’examen. Pour ce qui est de M. Mathieson, cependant, les conclusions complémentaires furent envoyées à l’intimé.

Le 21 octobre 1992, T. J. Sawatzky, sous-commissaire intérimaire pour la région du Pacifique, écrivit à Mme Pawliuk pour lui signaler son refus de [traduction] « modifier ma décision ». Bien qu’il appelle la décision initiale « ma décision », il semblerait plutôt que la décision initiale ordonnant le transfèrement de Lee et de Mathieson ait été signée par l’intimé.

Le 23 novembre 1992, les requérants transmirent au bureau du commissaire du Service correctionnel, à Ottawa, des griefs internes. Le 9 mars 1993, ces griefs furent rejetés.

La procédure suivie par les responsables du pénitencier, dans le cadre de ces deux affaires, semble se fonder sur les directives du commissaire portant sur le « transfèrement des détenus » en date du 12 juillet 1991 [Directive du commissaire, no 540]. L’avocat des requérants a expliqué que, d’après la jurisprudence, les directives du commissaire n’ont pas force de loi, n’étant que de simples instructions quant à la manière d’exécuter les tâches propres à l’administration des établissements correctionnels. (Voir Martineau et autre c. Comité de discipline des détenus de l’Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118, à la page 129.) Cela dit, lorsqu’une directive a pour effet de codifier un principe de common law, ou, pour ce qui est des établissements correctionnels, d’assurer l’application des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ou d’un texte législatif, une telle codification aura, bien sûr, force de loi, non parce qu’il s’agit d’une directive du commissaire, mais parce que le principe ainsi codifié a lui-même force de loi.

L’article 13 de la directive sur le « Transfèrement des détenus » prévoit que :

13. Il faut informer, par écrit, le détenu qu’il peut faire connaître sa réaction, de la même manière, à cette proposition de transfèrement dans les 48 heures qui suivent la réception de l’avis.

C’est en vertu de cette directive que le directeur intérimaire a fourni, le 8 septembre 1992, certains renseignements aux requérants en leur donnant 48 heures pour répondre. Contre-interrogé sur son affidavit, le directeur intérimaire a expliqué pourquoi il avait rejeté la demande de prolongation du délai de réponse, demandée par Mme Pawliuk :

[traduction] Je ne m’en souviens pas de manière précise, mais je pense que—je pense avoir dit à l’époque que, à notre avis, ces individus présentaient un danger réel et immédiat et que le risque était manifeste; que ce risque ne serait pas vraiment modifié par leur isolement; qu’en pareil cas le risque peut même être aggravé, ou c’est du moins ce que je pensais à l’époque et que, dans de nombreux autres cas de transfèrements non sollicités—je ne devrais pas dire nombreux, car nous n’opérons pas beaucoup de transfèrements non sollicités mais dans d’autres cas, la prolongation des délais a parfois été de plusieurs semaines et même de plusieurs mois, ou du moins de plus d’un mois. Dans ce cas-ci, j’estimais que les intéressés posaient un risque immédiat. J’estimais que le danger était imminent et je dis—je m’inquiétais beaucoup de la sécurité, aussi bien celle de l’établissement que celle de l’ensemble de la population. Telle me semble effectivement avoir été la teneur de ce coup de téléphone.

En insistant sur ce délai de 48 heures et en rejetant la demande de prolongation, le directeur intérimaire, d’après moi, a refusé aux requérants l’occasion de répondre utilement aux accusations portées contre eux. Ainsi, lorsqu’il prit la décision de transfèrement, le 10 septembre 1992, l’intimé n’a pu se fonder que sur les renseignements que lui avait transmis le directeur intérimaire.

Rien ne porte à penser que le directeur intérimaire ait même envisagé d’accorder une prolongation du délai, bien que, le 9 septembre, lorsque le directeur intérimaire s’entretint avec l’avocate des requérants, ceux-ci se trouvaient déjà depuis une semaine dans le quartier d’isolement.

On fait valoir qu’une prolongation de délai ne pouvait pas être accordée aux requérants car ils posaient un grave danger, même dans le quartier d’isolement de Kent, mais aucun des éléments qui m’ont été fournis n’explique pourquoi il en était ainsi. En tout état de cause, l’article 15 de la directive sur le « Transfèrement des détenus » prévoit les cas d’urgence :

15. En cas d’urgence, un transfèrement peut avoir lieu sans que le détenu en soit prévenu. On doit alors lui en communiquer les motifs dans un délai de deux jours ouvrables après son placement dans l’établissement d’accueil et lui accorder un délai de 48 heures après la réception de l’avis pour répondre par écrit.

Mais ce n’est pas la manière dont a choisi d’agir le directeur intérimaire.

Étant donné que les requérants se trouvaient en isolement depuis une semaine avant que ne soit présentée la demande de prolongation du délai, étant donné aussi que le directeur intérimaire avait décidé de ne pas agir conformément à l’article 15 de la Directive du commissaire, je suis obligé de conclure que la situation en cause n’était pas urgente au point de justifier le rejet de la demande de prolongation du délai de réponse fixé aux requérants.

Il en résulta que les requérants ne présentèrent pas leurs observations avant l’expiration du délai fixé par le directeur intérimaire, et que les décisions du sous-commissaire furent ainsi uniquement fondées sur les renseignements transmis par le directeur intérimaire.

Je rappelle que les directives du commissaire n’ont pas, en elles-mêmes, force de loi. Dans les éléments produits devant la Cour, rien ne porte à penser que le directeur intérimaire n’a pas, de bonne foi, tenté de s’en tenir aux directives du commissaire. Je suis néanmoins forcé de conclure que le refus d’accorder une prolongation du délai était inutile et arbitraire, et a entraîné, pour les requérants, un déni de leur droit de faire connaître leur position à l’intimé avant que celui-ci ne prenne sa décision de transfèrement. J’en arrive à cette conclusion tout en gardant à l’esprit les exhortations de la jurisprudence rappelant que les prisons ne sont pas des pensionnats pour enfants de chœur et que les administrateurs correctionnels ont la lourde responsabilité de veiller à la sécurité des gardiens et des autres membres du personnel du pénitencier, ainsi qu’à la sécurité des détenus eux-mêmes et de l’ensemble des citoyens. Si, dans certains cas, ce délai de réponse de 48 heures peut se justifier, dans la plupart des cas il convient de ne reconnaître à ce délai qu’une valeur indicative. L’équité procédurale exige que les détenus se voient donner l’occasion raisonnable de répondre utilement. Dans les cas où il n’y a pas urgence, il peut s’agir simplement d’accorder quelques jours supplémentaires. Dans les cas où cela n’est pas possible, l’administrateur qui refuse d’accorder une prolongation devra exposer les motifs précis de son refus. Ce n’est pas suffisant d’invoquer, de manière générale, les exigences de la sécurité.

L’équité procédurale exige qu’on accorde à Lee et Mathieson une audition impartiale sur la question de leur transfèrement non sollicité à Prince Albert. Or, pour ce qui est des décisions en date du 10 septembre 1992, ils n’ont pas eu la moindre occasion de se faire entendre. Les décisions en date du 10 septembre 1992 n’étaient donc pas conformes aux exigences de l’équité procédurale et elles sont, par voie de conséquence, invalides.

Il s’agit, ensuite, de savoir si les décisions prises ultérieurement par M. Sawatzky, c’est-à-dire le 21 octobre 1992, après qu’eurent été transmises les observations formulées au nom des requérants, ont permis de remédier aux carences des décisions du 10 septembre 1992. J’estime que ce n’est pas le cas. En premier lieu, des renseignements complémentaires accompagnaient les décisions en date du 21 octobre 1992 transmises à l’avocat des requérants. M. Sawatzky estime que, en gros, les renseignements qu’il fournissait avec ses décisions ne contrariaient en rien les renseignements déjà fournis aux requérants. On note pourtant certaines différences apparentes. Par exemple, les renseignements complémentaires comprennent le nom d’un autre prétendu conspirateur qui n’était pas nommé dans les renseignements initiaux. Les renseignements complémentaires comprenaient également une explication plus détaillée de ce qui aurait été prévu dans le cadre du projet d’évasion. Il s’agit du renseignement dont M. Sawatzky disposait lorsqu’il décida de ne pas revenir sur sa décision initiale. Mais les requérants, eux, ne possédaient pas ces renseignements et n’ont donc pas pu s’en servir dans leurs réponses. « Il incombe toujours aux autorités d’établir qu’elles n’ont refusé de transmettre que les renseignements dont la non-communication était strictement nécessaire à de telles fins » (Demaria c. Comité régional de classement des détenus, [1987] 1 C.F. 74 (C.A.), à la page 78). Il n’appartient pas aux décisionnaires de choisir et de trier les informations qui seront divulguées à un détenu. Toute information pertinente dont ils ont connaissance doit être communiquée à moins qu’une telle divulgation ait pour effet de révéler l’identité d’un informateur. En prenant ses décisions en date du 21 octobre 1992, M. Sawatzky n’a pas pu tenir compte des arguments des requérants au sujet des renseignements complémentaires qu’il avait fournis à Mme Pawliuk en même temps qu’il lui signifiait ses décisions. Les requérants se sont donc vu refuser une audition impartiale et les décisions en cause ont été prises contrairement aux principes de l’équité procédurale.

Les décisions en date du 21 octobre 1992 sont marquées d’une deuxième carence en se qu’elles n’indiquent pas la raison pour laquelle le sous-commissaire intérimaire avait décidé de ne pas modifier les décisions de transfèrement en date du 10 septembre 1992. L’article 14 de la directive sur le « Transfèrement des détenus » prévoit que :

14. La réponse du détenu au sujet d’un transfèrement non sollicité doit être examinée par le décideur. Lorsque le décideur autorise un transfèrement non sollicité, il doit indiquer, par écrit, les motifs de sa décision au détenu. Dans le cas où ce dernier a répondu par écrit au sujet de la proposition, le décideur doit indiquer, lorsqu’il donne les motifs de sa décision, qu’il a pris en considération cette réponse.

J’ai rappelé que les directives du commissaire n’ont pas, en elles-mêmes, force de loi, mais j’estime qu’une directive telle que cet article 14 est une adaptation, au cas des transfèrements non sollicités, des droits découlant de l’équité procédurale et même des garanties de l’article 7 de la Charte. Il ne suffit pas de donner aux détenus le droit de présenter leurs observations. Encore faut-il que le décisionnaire tienne compte de ces observations. L’obligation, pour le décisionnaire, d’indiquer qu’il a effectivement tenu compte des réponses formulées par les détenus ne doit pas seulement être respectée en paroles. En l’espèce, la décision notait simplement qu’il avait tenu compte de la réponse du détenu, mais cela ne suffit pas. Une telle mention ne satisfait pas à l’obligation de tenir effectivement compte de la réponse du détenu. La décision touchant la liberté des personnes, même en milieu carcéral, doit tenir compte des principaux éléments des observations ainsi présentées. Il est utile, dans ce contexte, de rappeler les paroles du juge Estey dans l’affaire Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684, aux pages 705 et 706 :

Les recueils judiciaires regorgent de jugements affirmant qu’il est souhaitable sinon obligatoire en common law, de rendre des décisions motivées … Cette obligation est salutaire : elle réduit considérablement les risques de décisions arbitraires, raffermit la confiance du public dans le jugement et l’équité des tribunaux administratifs et permet aux parties aux procédures d’évaluer la possibilité d’un appel et, le cas échéant, au tribunal siégeant en révision ou en appel d’accorder une audition complète, qui serait peut-être inaccessible si les motifs de la décision n’étaient pas révélés.

Si la décision rendue par le juge Estey dans l’affaire Northwestern Utilities est antérieure à la Charte canadienne des droits et libertés, ses paroles ont acquis, depuis, une importance encore plus grande.

Le conseil de l’intimé a fait valoir que les requérants ayant permis que les décisions en date du 10 septembre 1992 soient prises sans présenter leurs observations, il n’y aurait pas lieu d’appliquer strictement aux décisions du 21 octobre 1992 les règles de l’équité procédurale. J’ai quelques doutes quant à la validité générale de cette proposition mais, quoi qu’il en soit, j’ai conclu à l’invalidité des décisions du 10 septembre 1992. Pour que les décisions du 21 octobre 1992 aient remédié aux carences ainsi constatées, il aurait fallu, au moins, que ces décisions soient prises conformément aux exigences minimales de l’équité procédurale.

Enfin, en ce qui concerne les décisions du 21 octobre 1992, je relève que c’est le sous-commissaire intérimaire qui a décidé de ne pas modifier les décisions prises, le 10 septembre 1992, par son supérieur, le sous-commissaire. Mais ce n’est pas sur ce point-là que je me suis fondé pour conclure que les décisions du sous-commissaire intérimaire, en date du 21 octobre 1992, n’étaient pas conformes aux exigences normales de l’équité procédurale. Je doute d’ailleurs fort qu’un subordonné puisse songer à modifier une décision prise par son supérieur avec toute l’objectivité et l’indépendance que suppose une décision équitable.

Et, enfin, il y a les décisions en date du 9 mars 1993, rejetant les griefs formulés par les requérants. Ces décisions contiennent le passage suivant :

[traduction] … a été tenu compte des observations de votre avocat pour formuler la réponse à votre grief. Le SCC estime que les renseignements transmis au sujet du projet d’évasion sont fiables. Nous ne révélerons pas l’identité des informateurs. Je suis favorable à la décision de vous transférer dans une unité spéciale de détention. Le SCC estime que les renseignements touchant le projet d’évasion sont exacts et dignes de foi. Votre transfèrement de l’établissement Kent à l’unité spéciale de détention s’est effectué conformément aux procédures prévues. Par conséquent, votre grief est rejeté.

J’estime que ces décisions-là comportent les mêmes lacunes que les décisions prises par M. Sawatzky le 21 octobre 1992. Il ne suffit pas simplement de dire qu’il a été tenu compte des réponses. Si les déclarations faites par les requérants dans leurs observations ne sont pas considérées comme dignes de foi, il y a lieu d’expliquer pourquoi elles ne le sont pas. Il ne suffit pas, pour satisfaire à l’obligation de tenir compte d’observations, d’affirmer qu’il en a été tenu compte.

Ces motifs, à eux seuls, permettraient de trancher cette demande, mais je vais évoquer brièvement deux autres arguments présentés par les requérants. Le premier est que les requérants avaient droit à être entendus de vive voix. Leur avocat se fonde en cela sur Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, où la Cour a décidé que la justice fondamentale exige la tenue d’une audition lorsque se posent de sérieuses questions de crédibilité. Je reconnais que, le cas échéant, la justice fondamentale peut exiger la tenue d’une audition, mais j’estime qu’il n’en est pas ainsi de procédures de transfèrement non sollicité où certains renseignements sont rapportés par des informateurs. Dans ce genre d’affaires, toutes les parties ne comparaissent pas devant le décisionnaire en même temps. Il ne peut donc pas y avoir contre-interrogatoire. La jurisprudence porte à penser que, dans de telles circonstances, une audition ne s’impose pas. (Voir Demaria, supra, aux pages 77 et 78 ainsi que Williams c. Canada (Service correctionnel, Comité régional des transfèrements, Région des Prairies), [1991] 1 C.F. 251 (1re inst.), à la page 261.)

Un second argument a trait à la question de savoir si les requérants se sont vu communiquer avec assez de précision les allégations portées contre eux pour pouvoir y répondre utilement. Cela pose un problème extrêmement délicat lorsque les renseignements en cause ont été donnés par des informateurs dont l’identité doit être protégée. La difficulté s’aggrave lorsque, comme c’est le cas en l’occurrence, on fait état d’un complot en vue de commettre, ultérieurement, une infraction. Dans le cas présent, les détails touchant le projet d’évasion ont été fournis. Mais ce qu’il s’agit de savoir c’est si, effectivement, il y a eu complot et si les requérants y étaient partis. Je ne saurais dire s’il était possible de leur fournir des précisions supplémentaires au sujet du complot sans révéler l’identité des informateurs. Au cours de sa plaidoirie, l’avocat des requérants a demandé que tous les renseignements ayant contribué aux décisions en cause soient soumis, pour examen, à la Cour qui pourrait ainsi décider si d’autres précisions n’auraient pas pu être fournies aux requérants. Dans certains cas, cette démarche mériterait peut-être d’être suivie. Étant donné la décision que j’ai rendue en l’espèce, il n’y a pas lieu de le faire ici.

Les décisions ordonnant le transfèrement des requérants à l’unité spéciale de détention du pénitencier de la Saskatchewan à Prince Albert sont annulées.

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