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T-2408-91

Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada Inc. (demanderesses)

c.

Apotex Inc. (défenderesse)

Répertorié: Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc. (1reinst.)

Section de première instance, juge MacKay"Toronto, 23, 24, 25, 26 février; Ottawa, 6 avril 1998.

Preuve Requête en vue de faire admettre en preuve dans le cadre de l'instance de justification devant la Cour fédérale des copies certifiées conformes de documents versés au dossier d'une demande de contrôle judiciaire devant la Cour de l'OntarioLes demanderesses souhaitent utiliser ces documents pour établir les assertions qui y sont formuléesElles invoquent les art. 23, 24 et 30 de la Loi sur la preuve au Canada (Loi)Les éléments de preuve concernant des assertions faites dans des affidavits, ou lors du contre-interrogatoire portant sur ceux-ci, dans le cadre de l'instance en Cour de l'Ontario sont inadmissibles à moins d'être visés par une exception à la règle interdisant le ouï-direLa Loi facilite l'admission de preuves documentaires qui satisfont aux exigences relatives à l'admissibilité grâce à une exception quelconque à la règle interdisant le ouï-direElle ne prévoit pas d'exceptions, sauf dans la mesure où elle autorise l'admission sans la preuve formelle qui serait autrement requise en common law pour établir l'authenticité des documentsL'authenticité des pièces de la Cour de l'Ontario n'est pas mise en doute, mais ces pièces sont jugées constituer du ouï-dire et sans pertinenceLa Loi ne dit pas que la preuve est admissible peu importe sa pertinenceLes demanderesses n'ont pas établi que la preuve présentée dans le cadre de l'instance devant la Cour de l'Ontario était pertinenteLe témoignage rendu lors d'une instance judiciaire antérieure est admissible dans une instance postérieure si les parties et les questions sont les mêmesL'instance devant la Cour de l'Ontario soulevait des questions différentes et opposait des parties différentesUne instance dans laquelle une personne doit expliquer pourquoi elle ne devrait pas être déclarée coupable d'outrage au tribunal est une instance de nature quasi criminelleLes art. 11 et 13 de la Charte, offrant une protection contre le témoignage incriminant, sont appliquésS'agissant d'attaquer la crédibilité du P.D.G., ses affidavits sont admissibles s'il doit témoigner, mais il n'est pas un témoin contraignable compte tenu de l'art. 11c)Les affidavits, déposés devant la Cour de l'Ontario, d'une personne qui a déjà comparu en qualité de témoin dans la présente instance ne sont pas admissibles car le processus ne serait pas équitable, c'est-à-dire qu'il priverait effectivement les autres parties de l'occasion de contre-interroger cette dernière sur des points abordés dans ses affidavits.

Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Requête en vue de faire admettre en preuve dans le cadre de l'instance de justification devant la Cour fédérale des copies certifiées conformes de documents versés au dossier d'une demande de contrôle judiciaire devant la Cour de l'OntarioLes demanderesses souhaitent utiliser ces éléments de preuve, en particulier des affidavits, de même que le contre-interrogatoire portant sur ceux-ci, dans le cadre de leur preuve principaleLes art. 11c) et 13 de la Charte, offrant une protection contre le témoignage incriminant, sont appliquésUne instance dans laquelle une personne doit expliquer pourquoi elle ne devrait pas être déclarée coupable d'outrage au tribunal est une instance de nature quasi criminelle, car des amendes et une peine d'emprisonnement pourraient être infligéesS'agissant d'attaquer la crédibilité du P.D.G. de la défenderesse, les affidavits de ce dernier et le contre-interrogatoire portant sur ceux-ci sont admissibles, s'il choisit de déposer, mais il n'est pas un témoin contraignable compte tenu de l'art. 11c)La jurisprudence restreint aux témoignages rendus de vive voix l'application de l'art. 13 de la Charte interdisant l'admission des témoignages donnés antérieurement à titre de preuve dans une autre instanceLes documents ou les éléments matériels mis en preuve dans une instance antérieure ne sont donc pas visés par cette dispositionLorsque les affidavits déposés lors de l'instance en contrôle judiciaire antérieure et tout contre-interrogatoire portant sur ceux-ci sont ceux d'une personne subséquemment visée par une ordonnance prononcée dans le cadre d'une autre instance lui enjoignant d'expliquer pourquoi elle ne devrait pas être déclarée coupable d'outrage au tribunal, et que cette personne n'a pas témoigné dans l'instance ultérieure, les affidavits et le contre-interrogatoire constituent untémoignageau sens où ce terme est employé à l'art. 13 et ne sont pas admissibles.

Au moment de clore leur preuve dans la présente instance où il est enjoint à la défenderesse et à son P.D.G. d'expliquer pourquoi ils ne devraient pas être condamnés pour outrage au tribunal, les demanderesses ont présenté une requête visant à déposer en preuve des documents produits dans une demande de contrôle judiciaire en Cour de l'Ontario. Les demanderesses ont invoqué les articles 23, 24 et 30 de la Loi sur la preuve au Canada qui prévoient l'admissibilité de documents commerciaux, de procédures judiciaires et de documents publics sans qu'il soit nécessaire de prouver l'authenticité de chaque document ni l'attestation dont il fait l'objet. Les demanderesses entendaient utiliser ces éléments de preuve, en particulier les affidavits de M. Sherman, P.D.G. d'Apotex, de Mme Firestone, qu'elles ont assignée à comparaître pour témoigner en l'espèce et de Mme Moffs, ainsi que les contre-interrogatoires portant sur ces affidavits, dans le cadre de leur preuve principale, pour prouver les allégations qui y ont été faites.

Sont en litige les questions suivantes: (1) les éléments de preuve qu'on tente de produire constituent-ils du ouï-dire et, dans l'affirmative, sont-ils visés par la règle interdisant le ouï-dire? (2) les éléments de preuve sont-ils admissibles en vertu des articles 28 et 30 de la Loi sur la preuve au Canada? (3) les affidavits et les transcriptions du contre- interrogatoire portant sur ceux-ci sont-ils autrement admissibles? (4) est-ce que d'autres documents versés au dossier de la Cour de l'Ontario sont admissibles?

Jugement: la requête doit être rejetée.

Les éléments de preuve que les demanderesses cherchaient à introduire ne pouvaient être admis à moins de faire l'objet d'une exception à la règle interdisant le ouï-dire.

Les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada, sur lesquelles les demanderesses se sont appuyées, ne permettent pas d'étayer l'admissibilité de l'un ou l'autre des documents pour prouver des assertions que ceux-ci pouvaient renfermer. Elles facilitent seulement l'admission de preuves documentaires qui satisfont aux exigences relatives à l'admissibilité grâce à une exception quelconque à la règle interdisant le ouï-dire. Elles ne prévoient pas d'exception, sauf dans la mesure où elles autorisent l'admission sans la preuve formelle qui serait autrement requise en common law pour établir l'authenticité des documents en question. Par ailleurs, elles ne portent aucunement que la preuve présentée dans les formes prescrites est admissible peu importe sa pertinence. L'avis donné en application de l'article 30 n'a pas pour effet de rendre les documents en question admissibles. L'authenticité des pièces de la Cour de l'Ontario n'est pas mise en doute, mais elles sont jugées constituer du ouï-dire et n'avoir aucune pertinence. Les demanderesses n'ont pas établi que la preuve présentée dans le cadre de l'instance devant la Cour de l'Ontario était pertinente dans la présente instance de justification. Le témoignage rendu lors d'une instance judiciaire antérieure est admissible dans une instance postérieure en vertu d'une exception à la règle interdisant le ouï-dire, si les instances visent les mêmes parties et essentiellement les mêmes questions. L'instance devant la Cour de l'Ontario portait sur une demande de contrôle judiciaire soulevant des questions différentes de celles soumises à la présente Cour. De plus, les demanderesses n'étaient pas visées par la demande déposée auprès de la Cour de l'Ontario. Les articles 23 et 24 n'ont pas pour effet de faciliter l'admissibilité de documents dont la pertinence n'a pas été établie au regard de la question de savoir si la défenderesse ou son P.D.G. se sont livrés à des activités montrant qu'il y a eu outrage envers l'autorité de la Cour ou les ordonnances rendues par cette dernière.

Les documents étaient aussi inadmissibles pour d'autres motifs. Une instance dans laquelle une personne est tenue d'expliquer pourquoi elle ne devrait pas être condamnée pour outrage au tribunal est de nature quasi criminelle. Les articles 11 et 13 de la Charte, qui offrent une protection contre le témoignage incriminant, reçoivent application. Les affidavits et le contre-interrogatoire de M. Sherman déposés dans une instance antérieure peuvent être produits en preuve pour attaquer sa crédibilité si ce dernier doit témoigner, mais il n'est pas un témoin contraignable compte tenu de l'alinéa 11c) de la Charte.

La jurisprudence paraît restreindre aux témoignages rendus de vive voix l'application de l'article 13 de la Charte (voulant que les témoignages donnés antérieurement soient inadmissibles à titre de preuve dans une autre instance). Les documents ou les éléments matériels mis en preuve dans une instance antérieure ne sont donc pas visés par cette disposition. Toutefois, lorsque l'affidavit et tout contre-interrogatoire portant sur celui-ci déposés lors de l'instance en contrôle judiciaire antérieure sont ceux d'une personne subséquemment visée par une ordonnance prononcée dans le cadre d'une autre instance lui enjoignant d'expliquer pourquoi elle ne devrait pas être déclarée coupable d'outrage au tribunal, et que cette personne n'a pas témoigné dans l'instance ultérieure, l'affidavit déposé lors de l'instance en contrôle judiciaire et tout contre-interrogatoire portant sur celui-ci constituent un "témoignage" au sens où ce terme est employé à l'article 13 de la Charte. Il ne peut être présenté en preuve par la partie adverse qui, si elle s'appuyait sur ce document, en ferait un usage incriminant au sens de l'article 13. De toute façon, la Cour refuserait, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, que les affidavits de M. Sherman soient admis car elle manquerait à l'obligation qui lui incombe de veiller à la protection du droit que lui confère l'alinéa 11c ) de la Charte, savoir le droit de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans la présente instance quasi criminelle.

Les affidavits de Mme Firestone ne sont pas admissibles, parce qu'elle a déjà comparu en qualité de témoin dans la présente instance, et a été interrogée et contre-interrogée. Elle aurait pu être interrogée relativement à toute question pertinente en l'espèce traitée dans ses affidavits déposés dans le cadre de l'instance devant la Cour de l'Ontario, ce qui aurait donné l'occasion à Apotex et à M. Sherman de la contre-interroger. Si ses affidavits étaient maintenant admis en preuve, cela priverait effectivement Apotex de l'occasion de contre-interroger cette dernière sur des points abordés dans ses affidavits, affidavits que les demanderesses pourraient dorénavant invoquer à titre de preuve. On ne saurait qualifier ce processus d'équitable.

L'affidavit et le contre-interrogatoire de Mme Moffs ne peuvent être admis en l'espèce. Son témoignage devant la Cour de l'Ontario où les questions en litige étaient différentes constitue du ouï-dire. Aucun motif donnant à conclure que ce témoignage fait l'objet d'une exception à la règle interdisant le ouï-dire ni aucun fondement permettant de considérer que cet élément de preuve serait pertinent s'il était autrement admissible n'ont été établis.

Les demanderesses n'ayant pas démontré la pertinence de l'un ou l'autre des autres documents qu'elles ont tenté de produire en preuve, ils sont aussi inadmissibles.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 8, 11, 13.

Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, ch. C-23, art. 17.

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 23 (mod. par L.C. 1997, ch. 18, art. 117), 24, 28, 30 (mod. par L.C. 1994, ch. 44, art. 91).

jurisprudence

décision appliquée:

R. c. Kuldip, [1990] 3 R.C.S. 618; (1990), 61 C.C.C. (3d) 385; 1 C.R. (4th) 285; 1 C.R.R. (2d) 110; 114 N.R. 284; 43 O.A.C. 340.

décisions examinées:

referred:

Dubois c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 350; (1985), 66 A.R. 202; 23 D.L.R. (4th) 503; [1986] 1 W.W.R. 193; 41 Alta. L.R. (2d) 97; 22 C.C.C. (3d) 513; 48 C.R. (3d) 103; 18 C.R.R. 1; 62 N.R. 50; Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425; (1990), 67 D.L.R. (4th) 161; 54 C.C.C. (3d) 417; 29 C.P.R. (3d) 97; 76 C.R. (3d) 129; 47 C.R.R. 1; 106 N.R. 161; 39 O.A.C. 161.

Merck & Co. c. Apotex Inc. (1994), 59 C.P.R. (3d) 133 (C.F. 1re inst.).

doctrine

Sopinka, John et al. The Law of Evidence in Canada. Toronto: Butterworths, 1992.

REQUÊTE en vue de faire admettre en preuve dans la présente instance, où il est enjoint à la défenderesse et à son P.D.G. d'expliquer pourquoi ils ne devraient pas être condamnés pour outrage au tribunal, des documents déposés dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire devant la Cour de l'Ontario, pour établir des assertions formulées dans ces documents. Requête rejetée.

avocats:

Charles E. Beall et Emmanuel Manolakis pour les demanderesses.

Harry B. Radomski et David M. Scrimger pour la défenderesse.

Brian H. Greenspan pour M. Bernard Sherman.

avocats inscrits au dossier:

Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour les demanderesses.

Goodman Phillips & Vineberg, Toronto, pour la défenderesse.

Greenspan, Humphrey, Toronto, pour M. Bernard Sherman.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge MacKay: La présente instance fait suite à une ordonnance enjoignant à la défenderesse Apotex Inc. (Apotex) et à Bernard Sherman, président et, à tous les moments pertinents, directeur général d'Apotex, d'expliquer pourquoi ils ne devraient pas être condamnés pour outrage au tribunal en raison des activités auxquelles ils se sont livrés après le dépôt, en date du 14 décembre 1994, des motifs du jugement [(1994), 59 C.P.R. (3d) 133 (C.F. 1re inst.)] accueillant l'action intentée par les demanderesses pour contrefaçon de son brevet relatif au médicament maléate d'énalapril qui est délivré sur ordonnance et commercialisé sous le nom de Vasotec.

Après avoir assigné des personnes à comparaître pour témoigner quant aux activités de la défenderesse Apotex et de M. Sherman, l'avocat des demanderesses "Merck", au moment de clore sa preuve, a présenté une requête visant à déposer en preuve dans la présente affaire des documents produits dans une autre instance judiciaire. Cette requête fait suite aux avis datés du 11 juillet 1997 que les demanderesses ont donnés et signifiés à la défenderesse et à M. Sherman avant l'introduction de la présente instance. On a alors signifié deux avis portant sur la même liste de documents. Selon le premier avis, qu'on dit avoir été donné conformément à l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada , L.R.C. (1985), ch. C-5 [mod. par L.C. 1994, ch. 44, art. 91], les demanderesses pourraient déposer en preuve les documents qui ont été établis dans le cours normal des affaires de la Division générale de la Cour de justice de l'Ontario. Le second avis, qu'on dit avoir été donné [traduction] "conformément au paragraphe [sic ] 28 de la Loi sur la preuve au Canada", contient ceci: [traduction ] "Les demanderesses donnent par la présente avis de leur intention de produire des copies de . . . documents mis en preuve lors de l'audition de la présente affaire". En outre, cet avis précise que [traduction ] "conformément aux articles 23 et 24 de la Loi sur la preuve au Canada . . . les demanderesses peuvent présenter . . . les copies certifiées conformes suivantes d'une pièce ou d'une procédure versée au dossier de la Cour de l'Ontario (Division générale), Cour divisionnaire".

Les mêmes documents figurent dans les deux avis. Dans le premier avis susmentionné, chaque document est décrit comme une copie certifiée conforme, tandis que le second avis comporte une liste de documents qui est décrite globalement comme étant constituée de copies certifiées. La liste figurant dans le second avis est ainsi dressée, c'est-à-dire qu'elle se compose des copies certifiées conformes des documents suivants:

[traduction]

1. Demande de contrôle judiciaire, déposée par Apotex Inc., 31 janvier 1995;

2. Affidavit de Bernard Sherman, avec pièces, signé le 31 janvier 1995, dossier de la Cour no 58/95;

3. Affidavit supplémentaire de Bernard Sherman, avec pièces, signé le 1er février 1995, dossier de la Cour no 58/95;

4. Affidavit de Theresa Sheila Firestone, avec pièces, signé le 1er février 1995, dossier de la Cour no 58/95;

5. Affidavit de Shirley Moffs, avec pièces, signé le 1er février 1995, dossier de la Cour no 58/95;

6. Affidavit de Bernard Sherman, avec pièces, signé le 10 février 1995, dossier de la Cour no 58/95;

7. Affidavit de Theresa Sheila Firestone, avec pièces, signé le 15 février 1995, dossier de la Cour no 58/95;

8. Transcription du contre-interrogatoire de Bernard Sherman tenu le 16 février 1995, dossier de la demande, volume IV, onglet 9, dossier de la Cour no 58/95.

Lors de l'audition de la présente affaire, après que les témoignages des personnes assignées par les demanderesses eurent pris fin, les documents que l'avocat a tenté d'introduire en preuve étaient présentés en deux liasses, décrites ici comme elles l'ont été à l'audience, soit les liasses X et Y, qui comprennent respectivement:

dans la liasse X, des copies certifiées confor mes de documents versés au dossier de la Cour divisionnaire no 58/95""AFFIDAVITS DE THERESA SHEILA FIRESTONE datés du 1er  février 1995 et du 15 février 1995";

dans la liasse Y, des copies certifiées confor- mes de documents versés au dossier de la Cour divisionnaire no 58/95""AVIS DE DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE, AVIS MODIFIÉ DE DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE, AFFIDAVITS DE BERNARD SHERMAN datés du 31 janvier 1995 et du 10 février 1995, AFFIDAVIT DE SHIRLEY MOFFS daté du 1er février 1995 AINSI QUE LES TRANSCRIPTIONS DU CONTRE-INTERROGATOIRE DE SHIRLEY MOFFS et DOSSIER DE LA DEMANDE, vol. II et vol. IV".

La requête présentée par les demanderesses afin que ces documents soient acceptés en preuve dans la présente instance soulève les questions suivantes:

i) Les éléments de preuve qu'on tente de produire en l'espèce sont-ils visés par la règle interdisant le ouï-dire?

ii) Les éléments de preuve présentés en l'instance sont-ils admissibles en vertu des dispositions de la Loi sur la preuve au Canada invoquées par les demanderesses?

iii) Les affidavits et les transcriptions du contre- interrogatoire portant sur ceux-ci sont-ils autrement admissibles en ce qui concerne M. Sherman, Mme Firestone et Mme Moffs respectivement?

iv) Est-ce que d'autres documents versés au dossier de la Cour de l'Ontario sont admissibles?

Les éléments de preuve en litige et la règle interdisant le ouï-dire

À mon sens, les éléments de preuve qu'on tente de déposer en l'espèce au moyen de copies certifiées conformes de documents produits dans le cadre d'une instance tenue devant la Cour de l'Ontario ne visent pas simplement à établir que cette autre instance a eu lieu. Dans la présente affaire, les demanderesses s'appuient sur la preuve volontairement introduite dans cette autre instance pour prouver, dans le cadre de leur preuve principale, les allégations qui y ont été faites. Même si tous les documents en question n'ont pas été déposés dans ce but, il s'agit manifestement de la raison pour laquelle on cherche à introduire en preuve les affidavits de M. Sherman et le contre-interrogatoire portant sur ceux-ci. En effet, on soutient que la position prise par M. Sherman dans le cadre de cette instance antérieure devant la Cour de l'Ontario doit être connue de la présente Cour et que M. Sherman ne doit pas être perçu comme faisant valoir une thèse différente dans la présente instance de justification. Implicitement, la production des affidavits de Mme Firestone vise le même objectif. Les demanderesses ont assigné cette dernière à comparaître pour témoigner en l'espèce et, à ce qu'on soutient, les intimés, ayant été avisés de l'intention des demanderesses d'introduire ces affidavits antérieurement déposés devant la Cour de l'Ontario, avaient toute liberté pour contre-interroger Mme Firestone lors de la présente audience, non seulement en ce qui concerne les questions soulevées lors de son interrogatoire principal, mais aussi à l'égard des questions traitées dans les affidavits qu'on tente maintenant d'introduire en preuve. Sans décider s'il est possible de procéder de cette façon, il m'apparaît évident que les demanderesses souhaitent s'appuyer sur une preuve par affidavits, et sur le contre-interrogatoire portant sur ceux-ci, provenant d'une autre instance pour prouver des assertions formulées dans ces documents.

À mon avis, la preuve en question constitue manifestement du ouï-dire et elle ne peut être admise à moins de faire l'objet d'une exception à la règle interdisant le ouï-dire. Cette règle, comme elle est définie par Sopinka, Lederman et Bryant dans l'ouvrage intitulé The Law of Evidence in Canada (Toronto: Butterworths, 1992), à la page 156, peut s'énoncer de la façon suivante:

[traduction] Les déclarations, écrites ou verbales, ou les communications faites par des personnes autrement que lors d'un témoignage dans le cadre de l'instance où elles sont présentées, sont inadmissibles si elles sont produites pour établir leur véracité ou les assertions implicites qui en découlent.

Au moment de débattre la requête des demanderesses, peu d'allégations ont été avancées relativement aux incidences de la règle interdisant le ouï-dire, ou aux exceptions à celle-ci, susceptibles d'être pertinentes dans la présente affaire. Selon moi, les éléments de preuve que les demanderesses cherchent à introduire en l'espèce"afin de prouver des assertions faites dans des affidavits, ou lors du contre-interrogatoire portant sur ceux-ci, dans le cadre de l'instance en Cour de l'Ontario"sont inadmissibles à moins d'être visés par une exception à la règle interdisant le ouï-dire.

Application des dispositions de la Loi sur la preuve au Canada

Les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada invoquées par les demanderesses dans les avis faisant part de leur intention de produire les documents en question sont l'article 30 qui traite de l'admissibilité des pièces établies dans le cours ordinaire des affaires, l'article 23 [mod. par L.C. 1997, ch. 18, art. 117] qui permet de faire la preuve de procédures judiciaires au moyen d'une copie certifiée et, enfin, l'article 24 qui prévoit l'admissibilité de documents publics, ou de copies adéquatement certifiées de ceux-ci lorsque, dans le cas de ces deux dernières dispositions, un avis a été donné conformément à l'article 28. Essentiellement, les articles 23 et 24, ainsi que l'article 30, prévoient l'admissibilité de certains documents précis sans qu'il soit nécessaire de prouver l'authenticité de chaque document ni l'attestation dont il fait l'objet.

Ces dispositions législatives facilitent l'admission de preuves documentaires qui satisfont aux exigences relatives à l'admissibilité grâce à une exception quelconque à la règle interdisant le ouï-dire. Par elles-mêmes, ces dispositions ne permettent pas de connaître le raisonnement qui sous-tend ces exceptions, sauf dans la mesure où le texte législatif autorise l'admission sans la preuve formelle qui serait autrement requise en common law pour établir l'authenticité des documents en question. Par ailleurs, les règles prévues par la Loi ne portent aucunement que la preuve présentée dans les formes prescrites est admissible peu importe sa pertinence.

J'estime que, dans les circonstances de la présente affaire, l'avis donné en application de l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada n'a pas pour effet, en soi, de rendre les documents en question admissibles. Ce n'est pas l'authenticité des pièces de la Cour de l'Ontario établies dans le cours ordinaire des affaires qui est ici mise en doute, mais bien le fait que ces pièces puissent constituer du ouï-dire et qu'elles ne soient d'aucune pertinence au regard des questions dont la Cour est saisie en l'espèce. De fait, à l'audience, l'avocat des demanderesses a pour l'essentiel reconnu cette situation de même qu'il a convenu que le recours à l'article 30 était inadéquat en l'occurrence. Après avoir renvoyé à l'avis donné aux termes de l'article 30 de la Loi et débattu la question, l'avocat des demanderesses a présenté les observations suivantes dans les arguments qu'il invoque à l'appui de sa requête:

[traduction] Je suis désolé d'avoir mentionné l'article 30. Les avis ont en fait été donnés en application de l'article 28 et je me suis laissé emporter par mon ardeur à répondre à leur argument, d'où mon erreur. L'article 28 renvoie aux articles 23 et 24 qui permettent d'introduire en preuve dans la présente instance les procédures d'un autre tribunal.

Je m'excuse auprès de mes amis pour la mention de l'article 30. Je conviens avec eux que l'article 30 n'a rien à voir avec la présente affaire. Je n'aurais pas dû dire cela. C'est par le truchement de l'article 28 qu'il est possible de déposer en preuve les éléments visés aux articles 23 et 24. Je ne suis pas certain que cela change quelque chose, mais cette question relève des règles régissant l'introduction en preuve de documents judiciaires . . . Par conséquent, dans la mesure où j'ai invoqué l'article 30, je présente mes excuses à mes amis . . .

En outre, l'avis prévu à l'article 28 de la Loi sur la preuve au Canada, qui renvoie aux articles 23 et 24 de ce texte législatif, n'offre pas en l'espèce de fondement à l'admissibilité des documents en litige. Bien que les demanderesses aient affirmé que la preuve déposée lors de l'instance entendue par la Cour de l'Ontario pouvait être pertinente dans la présente instance de justification, ni la preuve ni l'argumentation ne permettent d'étayer cette assertion. Il peut arriver que le témoignage rendu lors d'une instance judiciaire antérieure soit admissible dans une instance postérieure en vertu d'une exception à la règle interdisant le ouï-dire (voir Sopinka, Lederman et Bryant, supra, aux pages 270 à 278). En général, il faut alors que l'instance antérieure vise les mêmes parties et essentiellement les mêmes questions que l'instance dans laquelle on tente de produire le témoignage rendu précédemment. En l'espèce, on fait valoir que l'instance antérieure porte sur une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision des autorités sanitaires de l'Ontario voulant que le produit apo-énalapril d'Apotex soit supprimé de la liste des médicaments qui, s'ils sont délivrés sur ordonnance à un résident de l'Ontario, sont payés sur les fonds publics. Cette demande de contrôle judiciaire soulève des questions différentes de celles soumises à la présente Cour. De plus, les demanderesses n'étaient apparemment pas visées par la demande déposée auprès de la Cour de l'Ontario et dont l'intitulé de la cause précise qu'Apotex est la partie demanderesse et que le ministre de la Santé, le procureur général de l'Ontario et le lieutenant-gouverneur en conseil sont les parties intimées.

À mon sens, les articles 23 et 24 de la Loi sur la preuve au Canada, qui énoncent les exigences applicables à la mise en preuve des procédures judiciaires ou d'autres documents publics, n'ont pas pour effet de faciliter l'admissibilité de documents dont la pertinence au regard des questions dont je suis saisi n'a pas, selon moi, été établie. Ces questions visent à déterminer si Apotex ou M. Sherman se sont livrés, aux moments précisés dans l'ordonnance de se justifier, après le 14 décembre 1994, à des activités montrant qu'il y a eu outrage envers l'autorité de la Cour ou les ordonnances rendues par cette dernière.

J'arrive donc à la conclusion que les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada, sur lesquelles les demanderesses se sont appuyées en l'espèce pour donner avis de leur intention de faire admettre en preuve les documents en question, ne permettent pas d'étayer l'admissibilité de l'un ou l'autre des documents pour prouver des assertions que ceux-ci pourraient renfermer. Dans la présente instance, ces documents constituent simplement du ouï-dire et ne doivent pas être admis.

Les affidavits en litige déposés dans le cadre d'une instance antérieure

Même si mon appréciation de la signification des avis donnés en l'espèce aux termes de la Loi sur la preuve au Canada est erronée, ou s'il existe une exception quelconque à la règle interdisant le ouï-dire susceptible de justifier l'admissibilité des documents certifiés conformes aux pièces de la Cour de l'Ontario, la présente affaire comporte d'autres circonstances qui, à mon avis, empêchent d'admettre en preuve les affidavits de M. Sherman, de Mme Firestone et de Mme Moffs, ou les transcriptions du contre- interrogatoire portant sur ceux-ci, qui ont été déposés dans l'instance antérieure.

Les faits pertinents à la question de l'admissibilité des affidavits en cause varient quelque peu dans chaque cas. J'examinerai d'abord les faits relatifs aux affidavits et aux transcriptions du contre-interrogatoire de M. Sherman, puis ceux touchant les affidavits de Mme Firestone et, enfin, ceux concernant les affidavits et le contre-interrogatoire de Mme Moffs.

M. Sherman comparaît devant la Cour parce qu'on lui a ordonné d'expliquer pourquoi il ne devrait pas être déclaré coupable d'outrage au tribunal. Il s'agit d'une instance de nature quasi criminelle en ce sens que, si la Cour conclut à l'outrage au tribunal, Apotex et M. Sherman pourraient être condamnés à payer des amendes et, dans le cas de M. Sherman, à purger une éventuelle peine d'emprisonnement. En l'espèce, les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] reçoivent application, notamment celles qui offrent une protection contre le témoignage incriminant, et plus particulièrement les articles 11 et 13 de la Charte.

L'avocat de M. Sherman, avec l'appui de l'avocat d'Apotex, soutient que les affidavits de M. Sherman et, par supposition, les transcriptions du contre-interrogatoire portant sur ceux-ci, qui sont tirés du dossier déposé lors de l'instance antérieure devant la Cour de l'Ontario, sont inadmissibles dans le cadre de la preuve principale des demanderesses en raison de l'article 13 de la Charte dont voici le texte:

13. Chacun a droit à ce qu'aucun témoignage incriminant qu'il donne ne soit utilisé pour l'incriminer dans d'autres procédures, sauf lors de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.

L'argument invoqué contre l'admissibilité de ces affidavits se fonde sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dubois c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 350. Cette affaire porte sur une instance pénale dans laquelle il a été conclu que le témoignage donné volontairement par un accusé dans le cadre de son procès ne pouvait, aux termes de l'article 13 de la Charte, être présenté en preuve lors de son nouveau procès s'il n'a pas témoigné à cette occasion. Une des raisons de portée restreinte pour lesquelles un témoignage rendu dans le cadre d'une instance antérieure pourrait être produit en preuve conformément exceptions énoncées à la fin de l'article 13 de la Charte a été examinée dans l'arrêt R. c. Kuldip, [1990] 3 R.C.S. 618. Dans cette affaire, on a permis que le témoignage rendu par l'accusé à l'occasion d'un premier procès soit produit en preuve, lors de son contre-interrogatoire, pour attaquer sa crédibilité ainsi que le témoignage qu'il a donné à son nouveau procès. Ce genre d'emploi limité des affidavits et du contre-interrogatoire de M. Sherman qui ont été déposés dans une instance antérieure serait possible en l'espèce si ce dernier devait témoigner. Comme il a été signalé, M. Sherman n'a pas encore donné témoignage et il n'est pas un témoin contraignable compte tenu de l'alinéa 11c) de la Charte.

Les demanderesses prétendent que l'article 13 de la Charte ne s'applique pas en l'espèce. Premièrement, on affirme que les affidavits de M. Sherman déposés dans l'autre instance ne constituent pas un "témoignage" au sens où ce terme est employé à l'article 13. Deuxièmement, les demanderesses font valoir que les dispositions de la Charte ne reçoivent pas application puisque la preuve qu'on souhaite présenter est tirée d'affidavits déposés par Apotex dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire, processus que l'avocat des demanderesses décrit comme relevant essentiellement d'une réparation en equity . On insiste sur le fait que M. Sherman devrait être lié par la position qu'il a prise, volontairement, lors de cette instance antérieure et que ses affidavits alors déposés devraient être admis en preuve dans la présente affaire pour établir la thèse qu'il invoquait à ce moment.

À l'heure actuelle, la jurisprudence paraît restreindre aux témoignages rendus de vive voix l'application de l'article 13 de la Charte voulant que les témoignages donnés antérieurement soient inadmissibles à titre de preuve dans une autre instance. Les documents ou les éléments matériels mis en preuve dans une instance antérieure ne sont donc pas visés par cette disposition. L'affirmation la plus directe faite sur cette question revient à Mme le juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425, à la page 587, où elle déclare notamment:

Si l'on tient compte du texte soigneusement formulé de l'art. 13, . . . les rédacteurs n'auraient pas pu exprimer plus clairement leur intention de restreindre la portée de l'immunité à la preuve "testimoniale". Le mot "témoigner" signifie une déposition sous forme de communication orale au cours d'une procédure. Une personne "témoigne" en donnant sa version de certains faits. Ce sens ordinaire est incompatible avec l'acte consistant à produire des documents auprès du tribunal.

Avec égards pour l'opinion contraire, il s'agit d'une remarque incidente formulée dans une affaire où la Cour suprême s'interrogeait sur la validité, au regard des articles 7 et 8 de la Charte, de l'article 17 de l'ancienne Loi relative aux enquêtes sur les coalitions [S.R.C. 1970, ch. C-23] qui autorise le prononcé d'ordonnances enjoignant à des personnes de témoigner sous serment et de produire des documents dans le cadre du processus d'enquête de la Commission. Le juge L'Heureux-Dubé examinait l'opportunité d'appliquer l'article 7 de la Charte aux faits particuliers de l'instance et elle a renvoyé au privilège contre l'autoincrimination qui existait avant la Charte. Les observations reproduites plus haut ont été formulées dans un contexte différent. Les documents en litige ne comprenaient aucun affidavit ni contre-interrogatoire sur affidavit déposés lors d'une instance judiciaire antérieure qui a par la suite fait l'objet d'une audience fondée sur une preuve par affidavit, et souvent sur des transcriptions de contre-interrogatoires sur affidavits, sans que des témoignages soient rendus de vive voix. À mon avis, lorsque l'affidavit est celui d'une personne subséquemment visée par une ordonnance prononcée dans le cadre d'une autre instance lui enjoignant d'expliquer pourquoi elle ne devrait pas être déclarée coupable d'outrage au tribunal, et que cette personne n'a pas témoigné dans l'instance ultérieure, l'affidavit déposé lors de l'instance en contrôle judiciaire et tout contre-interrogatoire portant sur celui-ci constituent un "témoignage" au sens où ce terme est employé à l'article 13 de la Charte. Il ne peut être présenté en preuve par la partie adverse qui, si elle s'appuyait sur ce document, en ferait un usage incriminant au sens de l'article 13 (voir l'arrêt Dubois , précité).

Même si je fais erreur en appliquant ainsi l'article 13, je refuserais, dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, que les affidavits de M. Sherman déposés lors de l'instance tenue devant la Cour de l'Ontario soient admis dans le cadre de la preuve principale présentée en l'espèce. En effet, M. Sherman n'est pas un témoin contraignable dans la présente affaire. La Cour, en admettant les affidavits de M. Sherman et les transcriptions de son contre- interrogatoire, manquerait à l'obligation qui lui incombe, dans la présente instance quasi criminelle, de veiller à la protection du droit que confère l'alinéa 11c) de la Charte à M. Sherman, savoir le droit de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même.

C'est pour des raisons différentes que je refuse d'admettre les affidavits de Mme Firestone, s'ils sont autrement admissibles. Elle a déjà comparu en qualité de témoin dans la présente instance après avoir été assignée par les demanderesses. Elle a été interrogée et contre-interrogée par les avocats d'Apotex et de M. Sherman. La preuve qu'elle a fournie par affidavit dans l'instance tenue devant la Cour de l'Ontario n'est pas admissible en l'espèce. Mme Firestone aurait pu être interrogée, alors qu'elle était à la barre dans le cadre de la présente instance, relativement à toute question pertinente en l'espèce traitée dans ses affidavits, ce qui aurait donné l'occasion à Apotex et à M. Sherman de la contre-interroger.

On fait valoir que, comme les demanderesses les ont avisées de leur intention de produire ces affidavits en preuve, les défenderesses auraient pu, lors du contre-interrogatoire de Mme Firestone, poser à cette dernière n'importe quelle question concernant ses affidavits antérieurs. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas, mais je refuse de rendre une décision définitive à cet égard puisque je n'ai pas été saisi de cette question. La défenderesse Apotex et M. Sherman n'étaient pas obligés d'interroger Mme Firestone sur ses affidavits maintenant en litige même s'ils auraient pu y être autorisés. Je suis d'accord avec les observations formulées pour le compte d'Apotex voulant que le processus suivi par les demanderesses, si les affidavits de Mme Firestone étaient maintenant admis en preuve, priverait effectivement Apotex de l'occasion de contre-interroger cette dernière sur des points abordés dans ses affidavits"affidavits que les demanderesses pourraient dorénavant invoquer à titre de preuve si leur requête était accordée. On ne saurait qualifier ce processus d'équitable.

De même, pour des raisons quelque peu analogues, ni l'affidavit ni le contre-interrogatoire de Mme Moffs ne peuvent être admis en l'espèce. Les demanderesses n'ont pas assigné Mme Moffs comme témoin dans la présente instance. Le témoignage de cette dernière, obtenu grâce à son affidavit et à son contre-interrogatoire devant la Cour de l'Ontario où les questions en litige étaient différentes, n'est tout simplement pas admissible. Il s'agit de ouï-dire. Aucun motif donnant à conclure que ce témoignage fait l'objet d'une exception à la règle interdisant le ouï-dire ni aucun fondement permettant de considérer que cet élément de preuve serait pertinent s'il était autrement admissible n'ont été établis. Si ce témoignage était admis, la défenderesse et M. Sherman seraient privés de la possibilité d'interroger Mme Moffs à propos d'éléments tirés de son témoignage antérieur sur lesquels s'appuieraient les demanderesses en l'instance.

Ma conclusion est donc la suivante: compte tenu des faits de l'espèce, aucun des affidavits"ni aucune des transcriptions de contre-interrogatoire portant sur ceux-ci"que les demanderesses souhaitent mettre en preuve ne doivent être admis.

Autres documents

Les avis signifiés par les demanderesses et les certificats relatifs aux documents qui ont été déposés en Cour de l'Ontario et que ces dernières tentent de produire en preuve dans la présente affaire renvoient à d'autres documents, dont l'avis de requête introductive d'instance, l'avis de requête modifié ainsi que les volumes II et IV du dossier de la demande. Ces volumes comprennent certaines transcriptions de contre-interrogatoires sur affidavits déjà examinées plus haut de même que divers autres documents réunis pour les besoins du dossier et de la preuve concernant cette demande de contrôle judiciaire en Cour de l'Ontario. Aucun fondement permettant d'établir la pertinence de l'un ou l'autre de ces autres documents en l'espèce n'a été mis en preuve dans la présente affaire. Je ne suis pas disposé, à cette étape-ci, à présumer que ces documents sont pertinents pour trancher les questions soulevées devant moi. Dans ces circonstances, je refuse d'admettre ces autres documents à titre de preuve dans la présente instance.

Conclusion

Pour les motifs qui précèdent, je rejette la requête présentée par les demanderesses en vue de faire admettre en preuve dans la présente instance les copies certifiées conformes des documents déposés dans le dossier de la Cour de l'Ontario (Division générale) portant le numéro 58/95, documents certifiés qui sont présentés en deux liasses appelées liasses X et Y lors de l'audience.

Une ordonnance rejetant la requête des demanderesses est donc rendue.

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