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T-2084-96

L'Alliance de la Fonction publique du Canada (requérante)

c.

La Commission de la Capitale nationale (intimée)

et

La Commission des relations de travail dans la fonction publique (intervenante)

Répertorié: Alliance de la Fonction publique du Canadac. Commission de la Capitale nationale(1re   inst.)

Section de première instance, juge Pinard"Ottawa, 30 septembre et 24 octobre 1997.

Fonction publique Compétence Contrôle judiciaire du refus, de la part du président de la CRTFP, de porter certaines propositions devant un conseil d'arbitrageL'art. 66(1) de la LRTFP confère au président la compétence exclusive pour fixer le mandat d'un conseil d'arbitrageCela permet d'assurer la cohérence et le caractère définitif des décisions arbitralesLe conseil d'arbitrage est devenu un conseil ad hocIl est intéressé uniquement par la décision à rendre et non pas par le processus d'arbitrage en soiLa cohérence des décisions est nécessaire car elles s'imposent aux partiesIl faut éviter de remettre en cause la décision du président concernant le mandat.

Fonction publique Relations du travail Contrôle judiciaire de la décision du président de la CRTFP selon laquelle la Loi sur la rémunération du secteur public a gelé les conditions d'emploi des salariés de la CCN; refusant de porter en arbitrage les propositions concernant l'évaluation des emplois, la clause 47.01 (autorisant le recours à une collaboration extérieure si celle-ci n'entraîne la perte d'aucun emploi), la clause Y-1 (obligeant le repreneur des activités de la CCN à respecter la convention collective)La Loi sur la rémunération du secteur public s'applique à l'intimée ainsi qu'aux salariésLa proposition touchant le plan d'évaluation des emplois est contraire à l'art. 69(3)a) de la LRTFP car elle a trait à la classificationLa proposition concernant la clause 47.01 est contraire à l'art. 69(3)a) et b) car elle porte sur l'organisation de l'intiméeLa proposition concernant la clause Y-1 est contraire à l'art. 7 (qui interdit de s'immiscer dans le pouvoir d'organisation reconnu à l'employeur), à l'art. 69(2) (qui prévoit que l'art. 57(2) s'applique aux sentences arbitrales), à l'art. 57(2)a) (interdisant toute modification des conditions d'emploi qui nécessiterait une modification législative) et à l'art. 69(3)a).

Droit administratif Contrôle judiciaire Certiorari Contrôle judiciaire du refus, de la part du président de la CRTFP, de porter certaines propositions devant un conseil d'arbitrageLe critère applicable en l'espèce en matière de contrôle judiciaire est celui de caractère raisonnable de la décisionLorsqu'il décide quelles sont les questions pouvant être tranchées par une décision arbitrale, le président agit dans les limites de la compétence que lui a conférée le législateurIl n'existe en l'espèce aucune clause privative, ni de droit d'appel garanti par la loiLe président est un décideur spécialisé pourvu d'une expertise considérableLa décision estimant que la Loi sur la rémunération du secteur public gèle les conditions d'emploi des salariés de la CCN doit se voir appliquer le critère de la justesseIl n'a pas été établi qu'il s'agit là d'un texte que le président est souvent appelé à examiner.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire visant le refus, de la part du président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, de porter certaines propositions devant un conseil d'arbitrage. L'employeur intimé est assujetti à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, touchant la négociation des conventions collectives et autres questions annexes. La requérante était agent négociateur de tous les salariés de la CCN. Lorsque les parties ne sont pas parvenues à s'entendre sur les conditions de travail, la requérante a demandé un arbitrage au titre de l'article 64 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le président a estimé que le champ de la Loi sur la rémunération du secteur public pouvait être élargi afin de geler les conditions d'emploi des salariés de la CCN, refusant par là même de porter en arbitrage les propositions concernant l'évaluation des emplois, la clause 47.01 (autorisant l'employeur à recourir à une collaboration extérieure dans la mesure où celle-ci n'entraîne la perte d'aucun emploi) et la clause Y-1, (obligeant le repreneur des activités de la CCN à respecter les conditions de la convention collective).

L'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique interdit toute immixtion dans les pouvoirs d'organisation de l'employeur. L'alinéa 57(2)a) interdit toute modification des conditions de travail qui exigerait une modification législative. Le paragraphe 69(2) prévoit que le paragraphe 57(2) s'applique aux décisions arbitrales. Selon le paragraphe 66(1), et sous réserve de l'article 69, le président renvoie par écrit au conseil d'arbitrage les questions en litige. L'alinéa 69(3)a) exclut du champ des décisions arbitrales la classification des postes de la fonction publique. L'alinéa 69(3)b) exclut du champ des décisions arbitrales les questions ayant trait aux normes, procédures ou méthodes régissant la mutation, la mise en disponibilité ou le licenciement des salariés.

Les questions en litige étaient les suivantes: était-il de la compétence du président de fixer le mandat du conseil d'arbitrage? Quels étaient les critères applicables en cas de contrôle judiciaire des décisions prises par le président? La Loi sur la rémunération du secteur public avait-elle entraîné le gel des plans de rémunération applicables à la CCN? Le mandat du conseil d'arbitrage aurait-il dû inclure les propositions touchant les clauses 47.01 et Y-1 concernant le plan d'évaluation des emplois.

Jugement: la demande est rejetée.

Le paragraphe 66(1) de la Loi confère au président la compétence exclusive de fixer le mandat d'un conseil d'arbitrage. Cette interprétation permet d'assurer la cohérence et le caractère définitif des décisions, cela étant d'une importance particulière puisque le conseil d'arbitrage n'est plus présidé par un membre de la CRTFP. Le conseil d'arbitrage a été transformé en conseil ad hoc, intéressé uniquement par la décision à rendre et non plus, de manière plus large, par le processus d'arbitrage en soi. Il n'est pas non plus appelé à intervenir lorsque l'interprétation de sa décision arbitrale donne lieu à un litige concernant les droits respectifs des intéressés. De plus, la cohérence de l'ensemble des décisions arbitrales est devenue encore plus importante qu'auparavant étant donné que, contrairement à ce qu'il en est du rapport d'un bureau de conciliation, la décision du conseil d'arbitrage lie les parties. Toute procédure permettant au conseil d'arbitrage de décider librement des questions pouvant ou non être comprises dans sa décision risquerait de voir une décision du président remise en cause par un conseil d'arbitrage qui pourrait alors parvenir à une conclusion différente.

S'agissant de la manière dont le président a fixé le mandat d'un conseil d'arbitrage, et dans l'hypothèse d'un contrôle judiciaire, le critère applicable devrait être celui du caractère raisonnable de la décision en cause. Lorsqu'il décide quelles sont les questions pouvant être tranchées par une décision arbitrale, le président ne se prononce pas sur les limites de sa propre compétence mais agit dans les limites de la compétence que lui a conférée le législateur. S'il n'existe, en l'espèce, aucune clause privative, il n'y a pas non plus de droit d'appel garanti par la loi et le président est un décideur spécialisé pourvu d'une expertise considérable, qui est nommé par le législateur afin de fixer les paramètres des conventions collectives.

Il n'a pas été établi que la Loi sur la rémunération du secteur public, qui prévoit la prorogation des régimes de rémunération des personnes employées par des entités relevant de la Loi et entretient donc des liens très nets avec le mandat du conseil d'arbitrage, soit un texte que le président est souvent appelé à examiner et cette partie de la décision du président doit donc se voir appliquer le critère de la justesse.

La Loi sur la rémunération du secteur public, et les limites que ce texte apporte aux négociations collectives s'applique à l'intimée et à ses salariés. L'article 3 prévoit que la Loi s'applique aux salariés employés dans les conseils, commissions, sociétés et autres organismes mentionnés à l'Annexe II. La CCN est bien un des organismes employeurs figurant à l'Annexe II. Ce texte a pour effet d'identifier les dispositions des régimes de rémunération des salariés tels qu'ils étaient au 26 février 1991 et d'en proroger l'application selon les délais fixés par la Loi. À partir du moment où les dispositions d'un régime de rémunération sont identifiées, les dispositions deviennent des conditions régissant la rémunération de ce groupe de salariés. Il importe de noter que le texte évoque davantage les "salariés" que les employeurs. L'article 3 précise les catégories de "salariés" auxquels s'appliquent les dispositions de la Loi. Les articles 5 et 6 ont tous deux pour effet de proroger le régime de rémunération des "salariés", sans même mentionner les employeurs. Peu importe qu'il n'existait, au 26 février 1991, aucun régime de rémunération auquel la CCN aurait participé à titre d'employeur. Le régime de rémunération qui s'appliquait aux salariés en question va continuer à s'y appliquer lorsqu'ils deviendront des employés de la CCN le 1er janvier 1994 lorsque cet organisme s'est vu reconnaître la qualité d'employeur distinct. Pour dire quelles questions litigieuses devaient et pouvaient être renvoyées devant un conseil d'arbitrage, le président devait se référer au paragraphe 69(2) ainsi qu'à l'alinéa 57(2)a) de la Loi. Considérant les faits de l'espèce, le président ne pouvait par faire figurer dans le mandat du conseil d'arbitrage les propositions de la requérante touchant la rémunération car cela aurait exigé au préalable une modification de la Loi sur la rémunération du secteur public.

Selon la teneur de la proposition touchant le plan d'évaluation des emplois, celle-ci portait sur la classification. Le président ne pouvait donc pas porter cette proposition devant le conseil d'arbitrage étant donné que, contrairement à l'alinéa 69(3)a), elle avait trait à la classification.

C'est à juste titre que le président a décidé de ne pas inclure dans le mandat du conseil d'arbitrage la proposition concernant la clause 47.01. La clause 47.01 porte, contrairement aux alinéas 69(3)a) et b), sur l'organisation de l'employeur. Toute proposition interdisant le recours à une collaboration extérieure empêcherait effectivement de faire accomplir à l'externe des fonctions qui sont peut-être actuellement accomplies par certains employés pendant les heures normales de travail. Une telle proposition pourrait donc avoir pour effet direct d'empêcher les licenciements.

La décision du président concernant la clause Y-1 est juste, étant donné que la proposition en question est effectivement contraire à l'article 7, au paragraphe 69(2), ainsi qu'aux alinéas 57(2)a) et 69(3)a) de la Loi. La proposition en question touchant les droits du successeur exigerait que l'employeur s'acquitte d'obligations qui, du point de vue constitutionnel et contractuel, dépassent largement sa capacité juridique. L'employeur ne peut pas négocier une disposition prévoyant que les conditions de travail des salariés continueront à être régies par la loi étant donné que le nouvel employeur ne sera pas nécessairement assujetti à cette loi. La proposition en question s'oppose au droit qu'a la CCN d'organiser sa main-d'œuvre, et son renvoi en arbitrage exigerait que le législateur modifie la loi.

lois et règlements

Loi sur la capitale nationale, L.R.C. (1985), ch. N-4.

Loi sur la réforme de la fonction publique, L.C. 1992, ch. 54.

Loi sur la rémunération du secteur public, L.C. 1991, ch. 30, art. 2(1) "agent négociateur", "régime de rémunération", "rémunération", "salarié" (mod. par L.C. 1994, ch. 18, art. 2), "taux de salaire", 3(1), 5(1) (mod., idem , art. 3), 6, 7(1),(2), (2.2) (édicté, idem, art. 4), (3),(4),(5), 8 (mod. par L.C. 1995, ch. 17, art. 4).

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 7, 50 (mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 45), 57(2), 62, 64 (mod., idem, art. 53), 65 (mod., idem, art. 54), 66 (mod., idem), 69 (mod., idem, art. 57), 70(1), 79, annexe I, partie II (mod. par DORS/93-304, art. 2).

jurisprudence

décisions appliquées:

Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941; (1993), 101 D.L.R. (4th) 673; 11 Admin. L.R. (2d) 59; 93 CLLC 14,022; 150 N.R. 161; Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316; (1993), 102 D.L.R. (4th) 402; 153 N.R. 81; Dayco (Canada) Ltd. c. CAW-Canada, [1993] 2 R.C.S. 230; (1993), 102 D.L.R. (4th) 609; 14 Admin. L.R. (2d) 1; 93 CLLC 14,032; 152 N.R. 1; 63 O.A.C. 1; Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557; (1994), 114 D.L.R. (4th) 385; [1994] 7 W.W.R. 1; 22 Admin. L.R. (2d) 1; 46 B.C.A.C. 1; 92 B.C.L.R. (2d) 145; 14 B.L.R. (2d) 217; 4 C.C.L.S. 117; 168 N.R. 321; 75 W.A.C. 1; Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations de travail), [1995] 1 R.C.S. 157; (1995), 121 D.L.R. (4th) 385; 177 N.R. 1; Institut professionnel de la Fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), [1988] F.C.J. no 948 (1re inst.) (QL).

distinction faite avec:

A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 C.F. 471; (1986), 34 D.L.R. (4th) 641; 72 N.R. 241 (C.A.).

décisions citées:

Canada (Procureur général) c. Séguin (1995), 101 F.T.R. 64 (C.F. 1re inst.); Ouimet et al. c. Canada (Conseil du Trésor) (1995), 106 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.); Conseil des Unions des employés des postes et le Conseil du Trésor, Mandat du Bureau de conciliation no 190-2-7, 7 avril 1970; AFPC et le Conseil de recherches pour la défense, Mandat du Bureau de conciliation, no 190-5-15, 6 février 1973; IPFP et le Conseil du Trésor, Mandat du Bureau de conciliation, no 190-2-161, 16 août 1988.

DEMANDE de contrôle judiciaire visant le refus, de la part du président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, de porter certaines propositions devant un conseil d'arbitrage. Demande rejetée.

avocats:

Andrew J. Raven et David Yazbeck pour la requérante.

Lynn H. Harnden et R. Bhatt pour l'intimée.

Martine Richard pour l'intervenante.

procureurs:

Raven, Jewitt & Allen, Ottawa, pour la requérante.

Emond, Harnden, Ottawa, pour l'intimée.

Scott & Aylen, Ottawa, pour l'intervenante.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Pinard: Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision de M. Ian Deans, siégeant à titre de président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP), du 20 août 1996, fixant le mandat d'un conseil d'arbitrage conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [L.R.C. (1985), ch. P-35]. Dans sa décision, le président prévoyait que certaines propositions seraient portées devant un conseil d'arbitrage, mais que d'autres propositions ne le seraient pas. La requérante, l'Alliance de la fonction publique du Canada (l'Alliance), a déposé, le 19 septembre 1996, une demande de contrôle judiciaire visant ce refus, de la part du président, de porter certaines propositions devant le conseil d'arbitrage.

LES FAITS

L'intimée, la Commission de la capitale nationale (la CCN) doit son existence à la Loi sur la capitale nationale, L.R.C. (1985), ch. N-4, modifiée, en vertu de laquelle elle est investie d'une mission d'aménagement, de conservation et d'embellissement de la région de la capitale nationale. À partir du 1er janvier 1994, la CCN a été reconnue comme employeur distinct au titre de la partie II de l'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, modifiée [mod. par DORS/93-304, art. 2] (la Loi). En conséquence, la CCN demeure assujettie à certaines dispositions de la Loi, touchant, de manière générale, la négociation des conventions collectives et autres questions connexes. Avant le 1er janvier 1994, l'employeur des personnes actuellement employées par la CCN était le Conseil du Trésor. Dès la reconnaissance de la CCN comme employeur distinct dans le cadre de la Loi, l'Alliance a déposé, devant la CRTFP, une demande d'accréditation en tant qu'agent négociateur des salariés de la CCN. Par décision en date du 25 janvier 1995, la CRTFP a effectivement accrédité l'Alliance en tant qu'agent négociateur pour l'ensemble des employés de la CCN. Le 3 février 1995, l'Alliance a signifié à la CCN un avis de négociation en vue de la conclusion d'une convention collective conformément à l'article 50 [mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 45] de la Loi. Suite à la signification de cet avis de négociation, l'Alliance et la CCN se sont attachées à négocier une convention collective sur les conditions d'emploi des salariés représentés par l'Alliance.

Par avis en date du 31 mai 1995, l'Alliance a demandé un arbitrage au titre de l'article 64 [mod., idem, art. 53] de la Loi qui prévoit le droit, pour les parties engagées dans une négociation collective, de demander un arbitrage sur les conditions d'emploi à l'égard desquelles les parties ne seraient pas parvenues à s'entendre.

En temps opportun, le président de la CRTFP s'est réuni avec les intéressés afin de décider des questions litigieuses pouvant être portées devant un conseil d'arbitrage en vertu des articles 66 [mod., idem, art. 54] et 69 [mod., idem, art. 57] de la Loi. Par la suite, les parties ont déposé leurs conclusions écrites et, par décision en date du 20 août 1996, le président a rendu une décision fixant le mandat du conseil d'arbitrage.

LES QUESTIONS EN LITIGE

La requérante fait valoir que le président a commis une erreur de droit et a omis d'exercer la compétence qui est la sienne:

" en décidant que les dispositions de la Loi sur la rémunération du secteur public [L.C. 1991, ch. 30] a entraîné le gel des plans de rémunération applicables à la CCN;

" en décidant de ne pas inclure dans le mandat une proposition touchant l'élaboration conjointe d'un plan d'évaluation des emplois; et

" en décidant de ne pas inclure dans le mandat des propositions touchant les clauses 47.01 et Y-1.

Les questions à l'égard desquelles l'intervenante, la CRTFP, a été autorisée à intervenir sont:

" l'étendue de la compétence du président lors de la délivrance d'un avis renvoyant les questions litigieuses devant un conseil d'arbitrage, en vertu de l'article 66 de la Loi; et

" les critères applicables en cas de contrôle judiciaire des décisions prises par le président en application de l'article 66 de la Loi.

ANALYSE

Avant d'examiner les arguments présentés par la requérante, il y a lieu de se pencher sur les questions qu'a soulevées l'intervenante.

L'étendue de la compétence du président

Avant les modifications apportées à la Loi par la Loi sur la réforme de la fonction publique, L.C. 1992, ch. 54, entrée en vigueur le 1er juin 1993, sous réserve de l'article 69 de la Loi, le mandat du conseil d'arbitrage englobait, justement, les questions litigieuses énoncées dans la demande d'arbitrage. En fait, le conseil d'arbitrage était présidé par un membre de la CRTFP. Le conseil d'arbitrage décidait quelles questions pourraient faire l'objet d'une décision arbitrale avant de rendre cette décision en se prononçant sur le fond de l'affaire. Voici le texte des anciennes dispositions:

57. . . .

(2) Une convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de:

a) modifier, supprimer ou établir une condition d'emploi de manière que cela nécessiterait ou entraînerait l'adoption ou la modification d'une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;

b) modifier ou supprimer une condition d'emploi établie, ou établir une condition d'emploi pouvant l'être, en conformité avec une loi mentionnée à l'annexe II.

. . .

62. (1) Dans le cas d'un différend renvoyé à l'arbitrage, la Commission est réputée se composer, à cette seule fin et pour la durée de la procédure, d'un commissaire et de deux autres personnes choisies par elle au sein de chacun des groupes constitués en vertu du paragraphe 61(1).

. . .

64. (1) Dans le cas où les parties à des négociations collectives ont négocié collectivement de bonne foi et en vue de conclure une convention collective, mais n'ont pu s'entendre sur une condition d'emploi visant les fonctionnaires de l'unité de négociation en cause et susceptible d'être incluse dans une décision arbitrale, l'une ou l'autre des parties peut, par avis écrit adressé au secrétaire de la Commission, demander l'arbitrage sur cette condition d'emploi.

. . .

66. (1) Sous réserve de l'article 69, le mandat de la Commission, dans le cas d'une demande d'arbitrage, porte sur les questions en litige mentionnées dans les avis prévus par les articles 64 et 65. Après étude de ces questions ainsi que de toute autre question dont elle juge la prise en compte nécessaire à la solution du différend, la Commission rend une décision arbitrale en l'espèce.

. . .

69. (1) Dans les limites du présent article, une décision arbitrale peut statuer sur les barèmes de rémunération, les heures de travail, les congés, les normes disciplinaires et les autres conditions d'emploi directement afférentes.

(2) Le paragraphe 57(2) s'applique aux décisions arbitrales, compte tenu des adaptations de circonstance.

(3) Sont exclues du champ des décisions arbitrales les normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l'évaluation, l'avancement, la rétrogradation, la mutation, la mise en disponibilité ou le renvoi de fonctionnaires, ainsi que toute condition d'emploi n'ayant pas fait l'objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l'arbitrage à son sujet.

Par suite des modifications apportées par la Loi sur la réforme de la fonction publique, un conseil d'arbitrage est nommé de la même manière qu'un bureau de conciliation. Dans sa nouvelle version, la Loi ne prévoit plus qu'un conseil d'arbitrage sera présidé par un membre de la CRTFP. Aux termes de ces nouvelles dispositions, le président confie un mandat à un conseil d'arbitrage "sous réserve de l'article 69". Voici les dispositions de la Loi sous la forme que leur ont donnée les modifications apportées par la Loi sur la réforme de la fonction publique [art. 65 (mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 54)]:

57. . . .

(2) Une convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de:

a) modifier, supprimer ou établir une condition d'emploi de manière que cela nécessiterait ou entraînerait l'adoption ou la modification d'une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;

b) modifier ou supprimer une condition d'emploi établie, ou établir une condition d'emploi pouvant l'être, en conformité avec une loi mentionnée à l'annexe II.

. . .

65. (1) Sous réserve de l'article 65.1, le président constitue, sur réception d'une demande d'arbitrage présentée au titre de l'article 64, un conseil chargé de l'arbitrage du différend.

(2) Le conseil se compose de trois personnes nommées de la façon prévue à l'article 79 en ce qui concerne les membres du bureau de conciliation.

. . .

66. (1) Sous réserve de l'article 69, dès la constitution d'un conseil d'arbitrage, le président lui renvoie par écrit les questions en litige.

. . .

69. (1) [Abrogé, 1992, ch. 54, art. 57]

(2) Le paragraphe 57(2) s'applique aux décisions arbitrales, compte tenu des adaptations de circonstance.

(3) Sont exclues du champ des décisions arbitrales les questions suivantes:

a) l'organisation de la fonction publique, l'attribution de fonctions aux postes au sein de celle-ci et la classification de ces derniers;

b) les normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l'évaluation, l'avancement, la rétrogradation, la mutation, la mise en disponibilité ou le licenciement de fonctionnaires, à moins que celui-ci ne résulte d'une mesure disciplinaire;

c) les conditions d'emploi n'ayant pas fait l'objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l'arbitrage à leur sujet.

. . .

79. (1) Le bureau de conciliation se compose de trois personnes nommées de la façon prévue au présent article.

(2) En prévision de l'établissement d'un bureau de conciliation, le président adresse à chacune des parties un avis lui demandant, dans les sept jours suivant la réception, de proposer un candidat pour ce bureau; il nomme ensuite les personnes ainsi proposées.

(3) Si l'une des parties omet de proposer un candidat dans le délai prévu au paragraphe (2), le président nomme membre du bureau de conciliation une personne qu'il estime apte à occuper cette charge. Cette personne est alors réputée avoir été nommée sur proposition de cette partie.

(4) Dans les cinq jours qui suivent la date de nomination du second d'entre eux, les deux membres nommés en application des paragraphes (2) ou (3) proposent, pour le poste de président du bureau de conciliation, le nom d'une troisième personne disposée à agir en cette qualité. Le président entérine leur choix en nommant cette personne président du bureau.

(5) Faute de candidature proposée dans les conditions fixées au paragraphe (4), le président nomme immédiatement au poste de président du bureau de conciliation une personne qu'il estime apte à occuper cette charge.

J'interprète ces modifications apportées à la Loi comme tendant à investir le président d'une compétence exclusive pour dire quelles questions seront comprises dans une décision arbitrale. Cette interprétation permet d'assurer la cohérence et le caractère définitif des décisions, et ce dans l'intérêt même du processus d'arbitrage. Je conviens, comme le fait valoir l'intervenante, qu'il s'agit là d'un aspect d'une importance particulière étant donné que le conseil d'arbitrage n'est plus présidé par un membre de la CRTFP. En fait, les modifications apportées à la Loi en 1993 ont eu pour effet de transformer le conseil d'arbitrage en conseil ad hoc et, cela étant, ce conseil est uniquement intéressé par la décision qu'il a à rendre et non pas, de manière plus large, par le processus d'arbitrage en soi. Le conseil d'arbitrage n'est pas non plus appelé à intervenir lorsque l'interprétation de sa décision arbitrale donne lieu à un litige concernant les droits respectifs des intéressés. De plus, la cohérence de l'ensemble des décisions arbitrales est devenue encore plus importante qu'auparavant étant donné que, contrairement à ce qu'il en est du rapport d'un bureau de conciliation, la décision du conseil d'arbitrage s'impose aux parties.

Toute procédure permettant au conseil d'arbitrage de décider librement des questions pouvant ou non être comprises dans sa décision risquerait de voir une décision du président remise en cause par un conseil d'arbitrage qui pourrait alors parvenir à une conclusion différente.

J'estime, par conséquent, que le paragraphe 66(1) de la Loi confère au président la compétence exclusive pour fixer le mandat d'un conseil d'arbitrage.

Critères régissant le contrôle judiciaire

En ce qui concerne les critères ouvrant la voie au contrôle judiciaire des décisions auxquelles un tribunal administratif peut parvenir dans l'exercice de la compétence qui est la sienne, j'entends, comme je l'ai fait dans le cadre de décisions antérieures, me référer à la jurisprudence pertinente1. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, le juge Cory, se prononçant au nom de la Cour suprême du Canada, affirme, aux pages 961 et 962:

En exprimant la réticence que devraient éprouver les cours de justice à toucher aux décisions des tribunaux administratifs, le juge McLachlin a fait siennes les remarques incidentes du juge en chef Dickson dans l'arrêt Fraser c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique, [1985] 2 R.C.S. 455. S'exprimant au nom de la Cour à l'unanimité, il a affirmé, aux pp. 464 et 465:

Il est essentiel que les tribunaux adoptent une attitude modérée à l'égard de la modification des décisions des tribunaux administratifs spécialisés, particulièrement dans le contexte des relations de travail, s'ils doivent respecter les intentions et les politiques du Parlement et des assemblées législatives des provinces qui les ont amenés à créer ces tribunaux. . .

Un tribunal chargé de procéder à un examen, que ce soit en vertu de l'al. 28(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale ou en vertu des principes de common law en matière de contrôle judiciaire, ne devra pas modifier la décision d'un tribunal habilité par la loi comme en l'espèce, à moins que celui-ci n'ait commis une erreur de droit, par exemple en examinant la mauvaise question, en appliquant un principe erroné, en n'appliquant pas un principe qu'il aurait dû appliquer ou en appliquant incorrectement un principe juridique. [Je souligne.]

Pour résumer, les cours de justice ont un rôle important à jouer dans le contrôle des décisions des tribunaux administratifs spécialisés. En fait, le contrôle judiciaire a un fondement constitutionnel. Voir l'arrêt Crevier c. Procureur général du Québec, [1981] 2 R.C.S. 220. Quand elles procèdent au contrôle, les cours de justice doivent s'assurer, premièrement, que la commission a agi dans les limites de sa compétence en suivant les règles de l'équité procédurale, deuxièmement, qu'elle a agi dans les limites de la compétence que lui confère sa loi habilitante et, troisièmement, que la décision rendue dans les limites de sa compétence n'était pas manifestement déraisonnable. Sur ce dernier point, les cours de justice devraient faire preuve d'une grande retenue à l'égard des tribunaux administratifs, surtout lorsque ceux-ci se composent d'experts qui exercent leurs fonctions dans un domaine délicat.

Puis, le juge Cory, donne de l'expression "manifestement déraisonnable" la définition suivante [aux pages 963 et 964]:

Le sens de l'expression "manifestement déraisonnable", fait-on valoir, est difficile à cerner. Ce qui est manifestement déraisonnable pour un juge peut paraître éminemment raisonnable pour un autre. Pourtant, pour définir un critère nous ne disposons que de mots, qui forment, eux, les éléments de base de tous les motifs. Le critère du caractère manifestement déraisonnable représente, de toute évidence, une norme de contrôle sévère. Dans le Grand Larousse de la langue française, l'adjectif manifeste est ainsi défini: "Se dit d'une chose que l'on ne peut contester, qui est tout à fait évidente". On y trouve pour le terme déraisonnable la définition suivante: "Qui n'est pas conforme à la raison; qui est contraire au bon sens". Eu égard donc à ces définitions des mots "manifeste" et "déraisonnable", il appert que si la décision qu'a rendue la Commission, agissant dans le cadre de sa compétence, n'est pas clairement irrationnelle, c'està-dire, de toute évidence non conforme à la raison, on ne saurait prétendre qu'il y a eu perte de compétence. Visiblement, il s'agit là d'un critère très strict.

Il est vrai que, dans l'affaire en question, la décision du tribunal administratif était protégée par une clause privative de portée générale, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Mais, la même année, dans l'arrêt Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316, la Cour suprême du Canada a reconnu que, en l'absence d'une clause privative, les tribunaux devaient faire preuve de retenue à l'égard de décisions arbitrales interprétant une convention collective. C'est ainsi qu'aux pages 337 et 338 de l'arrêt, le juge Sopinka affirme que:

Dans un certain nombre d'arrêts antérieurs, notre Cour a indiqué que les tribunaux devraient faire preuve de retenue à l'égard des décisions arbitrales qui interprètent une convention collective, même en l'absence de clause privative. Par exemple, dans l'arrêt Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245, aux pp. 275 et 276, le juge Estey fait l'observation suivante, à laquelle souscrit le reste de la Cour:

. . . le droit relatif au contrôle judiciaire a évolué, même en l'absence de clause privative, au point où l'on reconnaît l'objectif de l'arbitrage prévu par la loi mais d'origine contractuelle, soit le règlement rapide, sûr et peu coûteux des différends sans interruption du travail des parties. L'étendue du pouvoir de révision ne fait que refléter cet objectif s'il ne s'intéresse qu'aux questions de droit à incidences juridictionnelles . . .

Même s'il était possible de conclure de ce passage que la décision d'un arbitre sur toute question de droit peut échapper à l'examen, j'estime qu'il vise les questions de droit qui se posent en interprétant la convention collective et non l'interprétation d'une loi ou d'une règle de common law. Je ne suis pas certain du sens de l'expression "incidences juridictionnelles" dans ce contexte, étant donné l'absence de clause privative exigeant que les limites de la compétence du tribunal soient déterminées afin de décider si une décision particulière échappe à l'examen. Je suppose toutefois que le juge Estey ne faisait que reprendre les termes employés dans Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick , [1979] 2 R.C.S. 227 ("SCFP—), et dans des arrêts analogues datant de la même époque, où des clauses privatives étaient effectivement en cause, et qu'il faisait allusion à la politique de retenue à l'égard des questions touchant l'interprétation de conventions collectives, qui est à l'origine des "différends" qu'il évoque.

Un peu plus loin, aux pages 340 et 341, le juge Sopinka ajoute:

Dès qu'on décide qu'il y a lieu de faire preuve de retenue judiciaire à l'égard d'une décision particulière d'un tribunal, celui-ci a le droit de se tromper, indépendamment du nombre de juges chargés de procéder à l'examen qui désapprouvent sa décision. L'erreur manifestement déraisonnable se définit plus aisément en fonction de ce qu'elle n'est pas plutôt que de ce qu'elle est. Notre Cour a dit qu'une conclusion ou une décision d'un tribunal n'est pas manifestement déraisonnable s'il existe des éléments de preuve susceptibles de la justifier, même si elle ne correspond pas à la conclusion qu'aurait tirée la cour chargée de procéder à l'examen (Lester (W.W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, aux pp. 687 et 688), ou, dans le contexte d'une convention collective, dans la mesure où les termes de celle-ci n'ont pas été interprétés d'une façon inacceptable (Bradburn, précité, le juge en chef Laskin, à la p. 849). Ces affirmations signifient, selon moi, que la cour de justice fera preuve de retenue même si, à son avis, l'interprétation qu'a donnée le tribunal à la convention collective n'est pas la "bonne" ni même la "meilleure" de deux interprétations possibles, pourvu qu'il s'agisse d'une interprétation que peut raisonnablement souffrir le texte de la convention. Ou, comme l'a dit le juge Dickson dans l'arrêt SCFP , à la p. 237:

. . . l'interprétation de la Commission est-elle déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législation pertinente et d'exiger une intervention judiciaire?

Voir aussi l'arrêt AFPC no 2 (motifs du juge Cory).

Dans l'arrêt Dayco (Canada) Ltd. c. TCA-Canada, [1993] 2 R.C.S. 230, aux pages 250 et 251, le juge La Forest reconnaît également, qu'en matière d'interprétation d'une convention collective, il y a lieu de témoigner une considération particulière à l'expertise d'un arbitre:

Notre Cour a affirmé dans des arrêts antérieurs que les tribunaux doivent, en principe, s'en remettre à l'expertise de l'arbitre pour ce qui est des questions concernant l'interprétation des conventions collectives: voir Volvo Canada Ltd. c. T.U.A., local 720, [1980] 1 R.C.S. 178, et Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245. Le juge Wilson traite de cette évolution dans ses motifs de dissidence dans l'arrêt National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, aux p. 1340 à 1342. Il est clair qu'un arbitre a compétence stricto sensu pour interpréter les dispositions d'une convention collective lorsqu'il s'agit de décider si des questions sont arbitrables sous le régime de cette convention. Dans ces cas, l'arbitre agit dans son domaine d'expertise et le contrôle judiciaire de cette interprétation ne doit se faire que selon la norme du caractère manifestement déraisonnable.

Enfin, dans l'arrêt Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, le juge Iacobucci a examiné le large éventail de critères élaborés par la jurisprudence afin de décider quel serait le critère applicable en matière de contrôle judiciaire. Il affirme, aux pages 589 à 591:

Il importe tout d'abord de formuler certains principes en matière de contrôle judiciaire. Il existe diverses normes de contrôle applicables à la myriade d'organismes administratifs qui existent au Canada. Dans l'examen de la norme de contrôle applicable, il faut avant tout déterminer quelle était l'intention du législateur lorsqu'il a conféré compétence au tribunal administratif. Pour répondre à cette question, les tribunaux ont examiné divers facteurs, dont le rôle ou la fonction du tribunal. Il est également essentiel de savoir si les décisions de l'organisme sont protégées par une clause privative. Enfin, il est d'une importance fondamentale de savoir si la question touche la compétence du tribunal concerné.

Compte tenu du grand nombre de facteurs pertinents pour la détermination de la norme de contrôle applicable, les tribunaux ont élaboré toute une gamme de normes allant de celle de la décision manifestement déraisonnable à celle de la décision correcte. Les tribunaux ont également formulé un principe de retenue judiciaire qui s'applique à l'égard non seulement des faits constatés par le tribunal, mais aussi des questions de droit dont le tribunal est saisi en raison de son rôle et de son expertise. Pour ce qui est des décisions manifestement déraisonnables, qui appellent la plus grande retenue, ce sont les cas où un tribunal protégé par une véritable clause privative rend une décision relevant de sa compétence et où il n'existe aucun droit d'appel prévu par la loi. Voir les arrêts Le Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. La Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227; U.E.S., local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, à la p. 1089 (Bibeault), et Domtar Inc. c. Québec (Commission d'appel en matière de lésions professionnelles), [1993] 2 R.C.S. 756.

Quant aux décisions correctes où l'on est tenu à une moins grande retenue relativement aux questions juridiques, ce sont les cas où les questions en litige portent sur l'interprétation d'une disposition limitant la compétence du tribunal (erreur dans l'exercice de la compétence) ou encore les cas où la loi prévoit un droit d'appel qui permet au tribunal siégeant en révision de substituer son opinion à celle du tribunal, et où le tribunal ne possède pas une expertise plus grande que la cour de justice sur la question soulevée, par exemple dans le domaine des droits de la personne. Voir les arrêts Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 R.C.S. 321; Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, et Université de la Colombie-Britannique c. Berg, [1993] 2 R.C.S. 353.

Insistons sur le fait qu'aux pages 591 et 592 de l'arrêt, le même juge reconnaît également que, s'agissant de décider quel est le critère de contrôle judiciaire applicable dans un cas donné, l'existence d'une clause privative n'est pas déterminante:

Par conséquent, même lorsqu'il n'existe pas de clause privative et que la loi prévoit un droit d'appel, le concept de la spécialisation des fonctions exige des cours de justice qu'elles fassent preuve de retenue envers l'opinion du tribunal spécialisé sur des questions qui relèvent directement de son champ d'expertise. Ce point a été confirmé dans l'arrêt Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316 (Bradco), dans lequel le juge Sopinka, s'exprimant au nom de la majorité, affirme, à la p. 335:

. . . son expertise [du tribunal] est de la plus haute importance pour ce qui est de déterminer l'intention du législateur quant au degré de retenue dont il faut faire preuve à l'égard de la décision d'un tribunal en l'absence d'une clause privative intégrale. Même lorsque la loi habilitante du tribunal prévoit expressément l'examen par voie d'appel, comme c'était le cas dans l'affaire Bell Canada, précitée, on a souligné qu'il y avait lieu pour le tribunal d'appel de faire preuve de retenue envers les opinions que le tribunal spécialisé de juridiction inférieure avait exprimées sur des questions relevant directement de sa compétence.

Par contre, lorsque, comparativement au tribunal d'examen, le tribunal administratif manque d'expertise relative en ce qui concerne la question dont il a été saisi, cela justifie de ne pas faire preuve de retenue.

Enfin, sur la question de savoir quelle était la norme de contrôle judiciaire applicable à l'interprétation qu'un tribunal administratif a donnée d'une loi publique autre que sa propre loi constitutive, le juge Iacobucci a affirmé, dans l'arrêt que la Cour suprême du Canada a rendu dans Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, à la page 187:

D'une manière générale, je souscris à la proposition selon laquelle la retenue judiciaire ne s'impose pas à l'égard de l'interprétation, par un tribunal administratif, d'une loi générale d'intérêt public qui n'est pas sa loi constitutive, tout en reconnaissant qu'une certaine retenue peut être indiquée dans des cas où la loi non constitutive se rapporte au mandat du tribunal et où celui-ci est souvent appelé à l'examiner. Cependant, cela ne veut pas dire que chaque fois qu'un tribunal administratif examine une autre loi en rendant sa décision, celle-ci devient dans l'ensemble sujette à un contrôle fondé sur la norme du caractère correct. S'il en était ainsi, il y aurait un élargissement considérable et injustifié des possibilités de contrôler les décisions administratives. [Non souligné dans l'original.]

En l'espèce, la requérante soutient qu'il y a lieu de se fonder sur la justesse de la décision en cause étant donné que le président avait à se prononcer sur des questions touchant la compétence du conseil d'arbitrage. Je ne souscris pas à cette approche. Ce qui importe ici c'est la question de savoir si le président a agi dans les limites de sa compétence et non pas la question de la compétence qu'il devait conférer au conseil d'arbitrage. Or, la décision touchant les questions devant être portées en arbitrage relève clairement de la compétence du président. En fait, lorsqu'il décide quelles sont les questions pouvant être tranchées par une décision arbitrale, le président ne se prononce pas sur les limites de sa propre compétence. Au contraire, le président agit, dans cette hypothèse, dans les limites de la compétence que lui a conférée le législateur.

De plus, s'il n'existe, en l'espèce, aucune clause privative, il n'y a pas non plus de droit d'appel garanti par la loi et le président est un décideur spécialisé pourvu d'une expertise considérable, qui est nommé par le législateur afin de fixer les paramètres des conventions collectives conclues entre les employeurs et les syndicats des travailleurs. J'estime par conséquent que, lorsqu'il s'agit de la manière dont le président a fixé le mandat d'un conseil d'arbitrage, dans l'hypothèse d'un contrôle judiciaire, le critère applicable devrait être celui du caractère raisonnable de la décision en cause.

La seule partie de la décision du président relevant peut-être d'un traitement quelque peu différent serait là où le président se prononce sur l'application de la Loi sur la rémunération du secteur public. Bien que ce texte ne soit pas la loi constitutive du conseil d'arbitrage, il a surtout pour effet de prévoir la prorogation des régimes de rémunération des personnes employées par des entités relevant de la Loi et entretient donc des liens très nets avec le mandat du conseil d'arbitrage. Il n'a, cependant, pas été établi que la Loi sur la rémunération du secteur public est un texte que le président de la CRTFP est "souvent appelé à examiner". En l'occurrence, les décisions du président sur des questions relevant de la Loi sur la rémunération du secteur public doivent se voir appliquer le critère de la justesse.

Abordons maintenant les autres questions.

Les propositions touchant les questions de rémunération

L'Alliance affirme que le président a commis une erreur de droit en estimant que le champ de la Loi sur la rémunération du secteur public pouvait être élargi afin de geler les conditions d'emploi des salariés de la CCN. Ce n'est pas mon avis. Une lecture attentive du texte de loi démontre que ses dispositions s'appliquent effectivement à la CCN et à ses salariés et que les limites qu'il apporte aux négociations collectives s'appliquent à la CCN. Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur la rémunération du secteur public, avec les modifications qui ont été apportées à diverses époques [art. 2(1) "salarié" (mod. par L.C. 1994, ch. 18, art. 2), 5(1) (mod., idem , art. 3), 7(2.2) (édicté, idem, art. 4), 8 (mod. par L.C. 1995, ch. 17, art. 4)]:

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi:

"agent négociateur" S'entend:

a) dans le cas des salariés régis par la partie I du Code canadien du travail, au sens du paragraphe 3(1) de cette loi;

b) dans le cas des salariés régis par la Loi sur les relations de travail au Parlement, au sens de l'article 3 de cette loi;

c) dans le cas des salariés régis par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, au sens de l'article 2 de cette loi.

. . .

"régime de rémunération" Ensemble de dispositions, quel que soit leur mode d'établissement, régissant la détermination et la gestion des rémunérations; constituent notamment des régimes de rémunération les dispositions de cette nature figurant dans les conventions collectives et les décisions arbitrales ou établies soit par accord entre l'employeur et un salarié, soit par l'employeur seul, soit par une loi fédérale ou conformément à celle-ci.

"rémunération" Toute forme de salaire, de gratification ou d'avantage assuré, directement ou indirectement, par l'employeur ou en son nom à un salarié ou à son profit, à l'exception de ceux assurés en conformité avec:

...

b) soit des instructions, lignes directrices, règles ou accords qui, selon le cas:

(i) résultent de recommandations du Conseil national mixte de la fonction publique et ont été approuvés par le Conseil du Trésor,

(ii) ont été établis soit par accord entre l'employeur et un salarié représenté par un agent négociateur, soit par l'employeur seul, sur une question qui, de l'avis du Conseil du Trésor, est déjà visée par les instructions, lignes directrices, règles ou accords résultant des recommandations prévues au sous-alinéa (i) ou est liée à une telle question;

. . .

"salarié" Personne qui a droit à une rétribution ou à un taux de salaire fixe ou vérifiable pour les fonctions dont elle s'acquitte. La présente définition exclut les personnes visées par le Règlement sur l'embauchage à l'étranger ainsi que celles recrutées sur place à l'étranger et dont les postes sont exemptés, en tout ou en partie, de l'application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique conformément à l'article 41 de cette loi;

. . .

"taux de salaire" Taux unique de salaire ou fourchette salariale, y compris les rajustements de coût de la vie, ou, à défaut de ce taux ou de cette fourchette, tout montant fixe ou vérifiable de salaire. Sont exclus de la présente définition les allocations, bonis, primes, indemnités ou autres avantages versés dans des circonstances déterminées par arrêté du Conseil du Trésor.

. . .

3. (1) La présente loi s'applique aux salariés employés:

a) dans les ministères et administrations mentionnés à l'annexe I;

b) dans les conseils, commissions, sociétés et autres organismes mentionnés à l'annexe II;

c) par le Sénat, la Chambre des communes et la Bibliothèque du Parlement.

. . .

5. (1) Sous réserve de l'article 11, le régime de rémunération en vigueur le 26 février 1991 pour les salariés visés par la présente loi, notamment tout régime de rémunération prorogé en vertu de l'article 6, est prorogé de six ans à compter de la date prévue, en l'absence du présent article, pour son expiration.

. . .

7. (1) Par dérogation à toute autre loi fédérale, à l'exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les dispositions d'un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 5 ou 6 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime demeurent en vigueur sans modification pendant la période de prorogation.

(2) Le Conseil du Trésor peut modifier les dispositions d'un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 5 ou 6 ou visé par l'article 11 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime si la modification a trait, de l'avis du Conseil du Trésor, à une reconversion ou reclassification nécessaire à la mise en vigueur d'une norme de classification nouvelle ou révisée.

. . .

(2.2) Dans le cas où, le 10 décembre 1992 ou après cette date, mais avant l'entrée en vigueur du présent paragraphe, le Conseil du Trésor a modifié les dispositions d'un régime de rémunération conformément au paragraphe (2), le nouveau régime ou le régime révisé qui découle de la mise en vigueur de la norme de classification nouvelle ou révisée mentionnée au paragraphe (2):

a) est prorogé de deux ans à compter de la date prévue, en l'absence du présent paragraphe, pour son expiration;

b) est réputé comporter une disposition prévoyant que les taux de salaire en vigueur à la date où, en l'absence du présent paragraphe, il aurait expiré ne peuvent être augmentés pendant les deux années qui suivent cette date.

(3) Le Conseil du Trésor peut autoriser la modification des dispositions d'un régime de rémunération qui, en l'absence de l'article 6, aurait expiré avant le 26 février 1991 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime.

(4) Le Conseil du Trésor peut modifier les dispositions d'un régime de rémunération qui, en l'absence de l'article 6, aurait expiré avant le 26 février 1991 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime, lorsque les parties au régime ne parviennent pas à s'entendre sur les modifications à y apporter.

(5) Le Conseil du Trésor ne peut augmenter les taux de salaire au titre du paragraphe (4), ou autoriser leur augmentation au titre du paragraphe (3), qu'en conformité avec l'article 10.

. . .

(a) wage rates; or

8. (1) Sous réserve du paragraphe (3), les parties à une convention collective, ou les personnes liées par une décision arbitrale, qui comporte un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 5 ou 6 ou visé par l'article 11 peuvent modifier, par entente écrite, la convention ou la décision, sans toutefois augmenter les taux de salaire ou toute autre forme de rémunération visée au paragraphe 5(1.1).

(2) Sous réserve du paragraphe (3), les dispositions, sauf celles qui se rapportent aux taux de salaire et à toute autre forme de rémunération visée au paragraphe 5(1.1), d'un régime de rémunération ne figurant pas dans une convention collective ou dans une décision arbitrale peuvent être modifiées selon les mêmes modalités que celles qui s'appliquent à l'établissement du régime.

(3) Les modifications visées aux paragraphes (1) ou (2) ne peuvent se faire pour un régime donné que si, selon la décision prise conformément au paragraphe (4), elles n'ont pas, au moment considéré, directement pour effet, dans l'ensemble, d'augmenter les dépenses relatives au ministère ou au secteur de l'administration publique fédérale"ou à la partie de ceux-ci"que le régime concerne.

(4) La décision sur l'effet des modifications prévues au paragraphe (3) est prise:

a) par le gouverneur en conseil, sur la recommandation du Conseil du Trésor, dans le cas des régimes de rémunération s'appliquant aux salariés employés dans les entités visées aux alinéas 3(1)a) et b), au personnel des ministres et aux personnes visées aux alinéas 3(2)b), c) et d) et au paragraphe 3(3);

b) par l'employeur compétent, dans le cas des régimes s'appliquant aux entités visées à l'alinéa 3(1)c), au personnel des membres du Sénat et de la Chambre des communes, au directeur général des élections, au commissaire aux langues officielles ainsi qu'au gouverneur et au sous-gouverneur de la Banque du Canada.

L'article 3 de la Loi sur la rémunération du secteur public prévoit que cette Loi s'applique aux salariés employés dans "les conseils, commissions, sociétés et autres organismes mentionnés à l'annexe II". Or, la CCN est bien un des organismes employeurs figurant à l'annexe II. D'ailleurs, la CCN a toujours figuré à l'annexe II de la Loi sur la rémunération du secteur public depuis l'entrée en vigueur de ce texte jusqu'à aujourd'hui.

Selon l'article 5 de la Loi sur la rémunération du secteur public, tout "régime de rémunération en vigueur le 26 février 1991 pour les salariés visés par la présente loi . . . est prorogé". Selon la définition qui en est donnée dans la Loi, "régime de rémunération" comprend "[l'e]nsemble de dispositions, quel que soit leur mode d'établissement , régissant la détermination et la gestion des rémunérations . . . notamment . . . les dispositions de cette nature figurant dans les conventions collectives ou les décisions arbitrales ou établies soit par accord entre l'employeur et un salarié, soit par l'employeur seul" (non souligné dans l'original). Ce texte a pour effet d'identifier les dispositions des régimes de rémunération des salariés telles qu'elles étaient au 26 février 1991 et d'en proroger l'application selon les délais fixés par la Loi sur la rémunération du secteur public . À partir du moment où les dispositions d'un régime de rémunération sont identifiées, lesdites dispositions deviennent les conditions régissant la rémunération de ce groupe de salariés. Comme l'a rappelé l'avocat de la CCN, il importe à cet égard de noter que le texte évoque davantage les "salariés" que les employeurs. L'article 3 précise les catégories de "salariés" auxquels s'appliquent les dispositions de la Loi. Les articles 5 et 6 ont tous deux pour effet de proroger le régime de rémunération des "salariés", sans même mentionner les employeurs. Par conséquent, peu importe qu'il n'existait, au 26 février 1991, aucun régime de rémunération auquel la CCN aurait participé à titre d'employeur. Le régime de rémunération qui s'appliquait aux salariés en question va continuer à s'y appliquer lorsqu'ils deviendront des employés de la CCN le 1er janvier 1994 lorsque cet organisme se voit reconnaître la qualité d'employeur distinct. Par conséquent, la Loi sur la rémunération du secteur public continue à geler les conditions d'emploi.

Pour dire quelles questions litigieuses devaient et pouvaient être renvoyées devant un conseil d'arbitrage, le président devait se référer au paragraphe 69(2) ainsi qu'à l'alinéa 57(2)a) de la Loi. Considérant les faits de l'espèce, le président ne pouvait pas faire figurer dans le mandat du conseil d'arbitrage les propositions de la requérante touchant la rémunération car cela aurait exigé au préalable une modification de la Loi sur la rémunération du secteur public. Au regard du critère de la justesse, cette partie de la décision du président tient.

Proposition touchant le plan d'évaluation des emplois

Voici ce que le projet d'évaluation des emplois prévoyait en matière de buts et de mandat:

Buts:

Le comité choisira, élaborera ou adaptera un plan d'évaluation des emplois conforme aux principes applicables à la classification et répondant aux exigences posées par l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ainsi que sur les Directives de 1986 sur l'égalité des rémunérations. Le plan ne devra opérer aucune différenciation en raison du sexe et devra être d'application universelle.

Mandat:

Les membres du comité devront s'entendre sur tous les éléments du plan, et notamment sur:

" les facteurs et les définitions;

" les définitions touchant la gradation des facteurs;

" le poids des facteurs;

" la répartition des points à l'intérieur des divers facteurs;

" la sélection et l'évaluation des postes de référence; et

" les tranches et le nombre de niveaux à l'intérieur du plan.

J'estime que le président ne pouvait pas porter cette proposition devant le conseil d'arbitrage étant donné que, contrairement à l'alinéa 69(3)a) de la Loi, elle a trait à la classification.

Un scénario analogue était évoqué dans l'affaire Institut professionnel de la Fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), [1988] F.C.J. no 948 (1re inst.) (QL), où, là aussi, le président avait décidé qu'une proposition avait trait à la classification. Le juge Reed a estimé que, dans cette autre affaire, la proposition en question pouvait, dans une certaine optique, être considérée comme une question de "rémunération égale à travail égal", mais qu'on pouvait également y voir une question de classification. Étant donné que la Cour a estimé que la proposition était suffisamment ambiguë, elle a décidé, à la page 13 (QL) de son jugement, que la décision du président ne pouvait pas être considérée comme constituant une erreur de droit: "La qualification [par le président] de la proposition du requérant est au moins aussi raisonnable que celle suggérée par l'avocate du requérant".

En l'espèce, la proposition est suffisamment "ambiguë" pour justifier la manière dont elle a été caractérisée par le président Deans. J'accepte l'argument de la CCN selon lequel la proposition en question a trait aux conditions de classification lorsqu'elle évoque les définitions touchant la gradation des facteurs, la création d'un comité chargé d'évaluer les descriptions d'emploi et les organigrammes, l'évaluation des postes de référence, les griefs touchant l'évaluation des postes, ainsi qu'une révision complète du plan de classification alors en vigueur. Tous ces éléments sont indicatifs d'un système de classification.

Compte tenu du principe de retenue judiciaire que je me propose d'appliquer en l'espèce, l'argument de la requérante, selon lequel le président a commis une erreur de droit et a omis d'exercer la compétence qui est la sienne en décidant de ne pas faire figurer dans le mandat du conseil d'arbitrage la proposition concernant le plan d'évaluation des emplois, ne saurait être retenu. À cet égard, la décision du président est raisonnable.

Proposition concernant la clause 47.01

La clause 47.01 est ainsi rédigée:

L'employeur pourra recourir à une collaboration extérieure pour assurer les services et fonctions actuellement assurés par des salariés si cette collaboration extérieure n'entraîne la perte d'aucun emploi.

J'accepte l'argument de la CCN selon lequel la clause 47.01 porte, contrairement à l'alinéa 69(3)a) de la Loi, sur l'organisation de la CCN et, contrairement à l'alinéa 69(3)b) de la Loi, sur les normes, procédures ou procédés régissant le déploiement et le licenciement des employés.

L'Alliance cite à l'appui de sa thèse l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 C.F. 471 (l'arrêt AFPC), pour affirmer que ce projet de "recours à une collaboration extérieure" ne constitue aucunement une norme concernant le licenciement, norme qui serait effectivement contraire à l'alinéa 69(3)b ).

Dans l'arrêt AFPC, la proposition avait trait aux dispositions régissant les heures supplémentaires, proposition qui, aux yeux de la Cour d'appel fédérale, pouvait effectivement être portée en arbitrage. La Cour a décidé que la proposition en question concernait les "horaires de travail", conformément au paragraphe 70(1) de la Loi et ne s'est pas immiscée dans le pouvoir de s'organiser que l'article 7 reconnaît à l'employeur:

7. La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.

J'estime qu'il convient d'établir une distinction entre les deux affaires. Par sa nature même, une disposition concernant les heures supplémentaires présuppose qu'il y aura suffisamment de travail pour tous les postes actuellement occupés par les salariés de l'organisme. On ne s'inquiète donc nullement de voir des employés licenciés du fait qu'ils n'auraient pas pu obtenir les heures supplémentaires qu'il y aurait à accomplir. À l'inverse, une proposition tendant à l'interdiction de recourir à des collaborations extérieures empêcherait effectivement de faire accomplir à l'externe des fonctions qui sont peut-être actuellement accomplies par certains employés pendant les heures normales de travail. Une telle proposition pourrait donc avoir pour effet direct d'empêcher les licenciements, et cela contrairement aux alinéas 69(3)a) et 69(3)b).

La CCN a cité plusieurs décisions du bureau de conciliation jugeant que des propositions de recours à une collaboration extérieure étaient en fait des propositions concernant les licenciements2. J'estime que ces décisions sont justes et qu'il y a lieu de les accepter.

En conséquence, l'argument de l'Alliance voulant que le président ait commis une erreur de droit et omis d'exercer la compétence qui est la sienne en décidant de ne pas inclure dans le mandat du conseil d'arbitrage la proposition concernant la clause 47.01 ne saurait être retenu. À cet égard, la décision du président est juste.

Proposition concernant la clause Y-1

Cette proposition a trait à la vente des activités de la CCN. Selon cette proposition, le repreneur des activités de la CCN serait tenu au respect des droits de négociation de l'Alliance. Le repreneur serait également tenu au respect des conditions de la convention collective intervenue entre l'Alliance et la CCN. La clauseY-1 est ainsi rédigée:

Y-1.1 Dans la clause, on entend par "activités", tout travail, effort ou activité ou toute partie de cela,

"vendre" dans le cadre d'une activité comprend la mise à bail, la cession et toute autre aliénation d'une activité.

Y-1.2 Lorsque l'employeur vend ses activités, l'agent négociateur des salariés employés dans l'entreprise reste l'agent négociateur de ceux-ci.

Y-1.3 La personne a qui sont vendues les activités reste tenue au respect des conditions de la convention collective applicable aux salariés employés dans l'entreprise en vigueur à la date où sont vendues lesdites activités.

J'accepte l'argument de la CCN selon lequel cette proposition touchant les droits du successeur exigerait que l'employeur s'acquitte d'obligations qui, du point de vue constitutionnel et contractuel, se situent bien au-delà de sa capacité juridique. L'Alliance est agréée en vertu de la Loi et les parties sont en train de négocier une convention collective conformément à cette même Loi. L'employeur ne peut pas négocier une disposition prévoyant que les conditions de travail des salariés continueront à être régis par la Loi étant donné que le nouvel employeur ne sera pas nécessairement assujetti à cette Loi.

En conséquence, la décision du président concernant la clause Y-1 est juste, étant donné que la proposition en question est effectivement contraire à l'article 7, au paragraphe 69(2), ainsi qu'aux alinéas 57(2)a) et 69(3)a) de la Loi. La proposition en question s'oppose au droit qu'a la CCN d'organiser sa main-d'œuvre, et son renvoi en arbitrage exigerait que le législateur modifie le texte de la Loi.

CONCLUSION

Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

1 Canada (Procureur général) c. Séguin (1995), 101 F.T.R. 64 (C.F. 1re inst.) et Ouimet et autres. c. Canada (Conseil du Trésor) (1995), 106 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.).

2 Conseil des Unions des employés des postes et le Conseil du Trésor (7 avril 1970), Mandat du bureau de conciliation, dossier n 190-2-7; AFPC et le Conseil de recherches pour la défense (6 février 1973), Mandat du bureau de conciliation, dossier n 190-5-15; et IPFP et le Conseil du Trésor (16 août 1988), Mandat modifié du bureau de conciliation, dossier n 190-2-161.

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