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[1994] 1 C.F 30

A-856-92

Yaw Twum Barima (requérant)

c.

Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (intimé)

Répertorié : Barima c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, juge MacKay—Toronto, 11 août; Ottawa, 17 août 1993.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Réfugiés au sens de la Convention — Le requérant s’était opposé par les armes, avec d’autres agriculteurs au Ghãna, contre des militaires qui détruisaient leurs récoltes et leurs fermes en exécution d’une expropriation sans indemnisation pour constituer une réserve forestière — Il importe de déterminer si le requérant craint d’être poursuivi pour avoir enfreint une loi d’application générale ou s’il craint d’être persécuté pour un des motifs énoncés dans la définition de réfugié au sens de la Convention.

Le requérant, citoyen ghãnéen, était président du comité exécutif d’une association locale d’agriculteurs dont les membres allaient être expropriés sans indemnisation de leurs terres qui seraient affectées à une réserve forestière publique. Ils ont manifesté leur opposition contre l’expropriation projetée, mais n’ont pas intenté d’action en justice. Quand des militaires sont venus pour raser leurs cultures et leurs bâtiments, certains villageois, dont le requérant, ont pris les armes pour défendre leurs biens. Des soldats et des villageois ont trouvé la mort et de nombreux villageois ont été arrêtés. Craignant, en cas d’arrestation, d’être traduit devant le système des « tribunaux publics », un système sévère et partial qui fonctionne en dehors du système judiciaire normal, le requérant a pris la fuite et est venu au Canada où il a demandé le statut de réfugié au sens de la Convention en invoquant la crainte d’être persécuté du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social. La section du statut de réfugié a rejeté la demande du requérant au motif que sa crainte d’être persécuté était en fait une crainte d’être poursuivi pour avoir enfreint une loi ordinaire d’application générale et que la possibilité qu’il fût persécuté par les autorités à son retour au Ghãna pour l’un quelconque des motifs énoncés dans la définition de réfugié au sens de la Convention était une simple éventualité et pas plus. Par cette demande de contrôle judiciaire, le requérant vise à faire annuler cette décision.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Il ressort de la preuve dont disposait la section du statut de réfugié en l’espèce qu’il lui était permis de conclure que le geste du requérant n’indiquait ni ne manifestait aucune opinion politique telle que l’entend la définition de réfugié au sens de la Convention dans le paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration. La section du statut ne s’est pas non plus trompée en concluant que, quel que soit le châtiment que risque le requérant, ce châtiment ne serait pas relié à un motif de persécution mentionné dans la définition de réfugié au sens de la Convention. En outre, il lui était permis de conclure que toute poursuite ou tout châtiment que risque le requérant serait relié à ses actes et non pas à son appartenance au groupe des agriculteurs ou aux fonctions qu’il y occupait.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 51.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689.

DÉCISION EXAMINÉE :

Musial c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1982] 1 C.F. 290; (1981), 38 N.R. 55 (C.A.).

DÉCISION CITÉE :

Re Inzunza et Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1979), 103 D.L.R. (3d) 105 (C.A.F.).

DOCTRINE

Black’s Law Dictionary, 5th ed., St. Paul, Minn. : West Publishing Co., 1979, « political ».

Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatif au statut de réfugié, Genève, septembre 1979.

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE visant à faire annuler la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a statué que la crainte de persécution à la suite de l’opposition par les armes à une expropriation licite ne justifiait pas la revendication par le requérant du statut de réfugié au sens de la Convention. Demande rejetée.

AVOCATS :

John A. Ligtenberg pour le requérant.

Sally E. Thomas pour l’intimé.

PROCUREURS :

McIver & McIver, Toronto, pour le requérant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge MacKay : Il s’agit d’une requête en contrôle judiciaire visant à faire annuler la décision du 2 mars 1992 d’un comité de la section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, composé de MM. John Williams, c.r., et J. Pearce, qui a statué que le requérant n’était pas un réfugié au sens de la Convention. Après avoir entendu la requête le 11 août 1993 à Toronto, j’ai réservé ma décision. Suite à un examen complémentaire des arguments présentés à cette audience, j’ai rendu le lendemain une ordonnance rejetant la requête. Voici les motifs de mon ordonnance, que je fais déposer conformément à l’article 51 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.

Le requérant, citoyen ghãnéen né en 1957, est arrivé le 28 janvier 1991 au Canada où il a demandé le statut de réfugié au sens de la Convention en invoquant la crainte d’être persécuté du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social. Il était président du comité exécutif d’une association locale d’agriculteurs. En mai 1989, les membres de cette association ont appris dans un communiqué du gouvernement qu’ils allaient être expropriés sans indemnisation de leurs terres qui seraient affectées à une réserve forestière publique. Ils ont présenté leurs doléances au fonctionnaire agricole local et fait une pétition contre l’expropriation projetée, mais sans succès. En juin 1990, leurs représentants ont parlé de cette situation au commandant Obimpe, chef de l’agriculture, sans obtenir aucun changement. Cependant, on ne leur a fixé aucun délai précis pour quitter leurs terres. Ils n’ont pas intenté d’action en justice pour contester l’expropriation projetée car, de l’avis du requérant, ils n’avaient pas assez de temps et d’ailleurs le gouvernement ne se serait pas rendu à leurs arguments.

Aux environs du 10 novembre 1990, des militaires ont assiégé le village des agriculteurs et se sont mis à couper les cultures et à démolir les bâtiments. Certains agriculteurs, dont le requérant, ont pris les armes, un bâton dans le cas du requérant, pour défendre leurs terres et, dans le combat qui s’est ensuivi, des soldats et des villageois ont trouvé la mort. De nombreux villageois ont été arrêtés. Le requérant a pris la fuite pour se cacher à Accra. Sa femme l’a informé que les militaires le recherchaient. Craignant un châtiment sévère en cas d’arrestation, en raison des fonctions qu’il occupait au sein de l’association des agriculteurs et du fait que le gouvernement voyait en lui un ennemi de l’État, il s’est enfui du Ghãna pour venir au Canada.

En particulier, le requérant craint être traduit devant le système des « tribunaux publics » qui ont été établis au Ghãna pour juger les crimes considérés graves par le gouvernement ou les atteintes à la sécurité. Selon la preuve documentaire admise par le comité de la section du statut de réfugié, les « tribunaux publics » fonctionnent en dehors du système judiciaire normal, ne garantissent pas aux accusés un procès impartial et prononcent des peines sévères, y compris la peine de mort.

Dans sa décision, le comité de la section du statut de réfugié qui a examiné la demande du requérant a conclu ce qui suit à la lumière de la preuve qui lui a été présentée :

[traduction] Pour se faire reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, le demandeur doit établir (Adjei c. M.E.I., [1989] 2 C.F. 680 (C.A.)) qu’il craint avec raison d’être persécuté au Ghãna pour un des motifs énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » dans la Loi sur l’immigration.

Le comité est d’avis que pour déterminer si le demandeur est ou non un réfugié au sens de la Convention, il importe de déterminer s’il craint d’être poursuivi pour avoir enfreint une loi d’application générale ou s’il craint d’être persécuté pour un des motifs énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention ».

Le demandeur prétend craindre avec raison d’être persécuté du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social.

Le groupe social en question était une coopérative de village, dont il était le président. Cette coopérative était non pas une organisation politique, mais plutôt un groupement communautaire dont le but était de défendre les intérêts collectifs des agriculteurs du village. Le demandeur n’a pris part à aucune organisation ou activité politique. Rien dans la preuve présentée n’établit ou n’indique que le gouvernement le considère comme quelqu’un exerçant des activités politiques contraires aux intérêts de l’État, et il n’a pris part à aucune activité de ce genre. Il était la victime innocente d’une politique gouvernementale d’expropriation des terres sans indemnisation.

Il ressort de la preuve que le demandeur, au lieu d’utiliser les voies de recours légales, a pris part, avec d’autres agriculteurs également lésés, dans un conflit armé avec les forces militaires gouvernementales chargées de dégager des terres agricoles visées par un décret d’expropriation.

Rien dans la preuve présentée n’établit ou n’indique que le délit commis par le demandeur était motivé par un des motifs énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention ». L’unique raison qui l’a poussé à se faire justice à lui-même, c’est qu’il voulait empêcher les soldats d’abattre ses cultures et ses bâtiments agricoles et de le chasser de ses terres.

Les paragraphes 56 et 57 du guide des Nations Unies intitulé Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié donnent d’utiles éléments permettant de distinguer entre être poursuivi et être persécuté.

56. Il faut distinguer nettement la persécution d’avec le châtiment prévu pour une infraction de droit commun. Les personnes qui s’enfuient pour échapper aux poursuites ou au châtiment pour une infraction de ce genre ne sont normalement pas des réfugiés. Il convient de rappeler qu’un réfugié est une victime—ou une victime en puissance—de l’injustice, et non une personne qui cherche à fuir la justice.

57. Dans certains cas cependant, cette distinction peut être assez confuse. En premier lieu, une personne qui s’est rendue coupable d’une infraction de droit commun peut être frappée d’une peine disproportionnée équivalant à une persécution au sens de la définition. En outre, des poursuites pénales intentées pour l’un des motifs mentionnés dans la définition (par exemple, pour avoir fait donner « illégalement » une instruction religieuse à un enfant) peuvent en elles-mêmes constituer une forme de persécution.

Le comité conclut que le demandeur, du fait des actes illégaux qu’il a commis, est un fugitif recherché par la justice, même s’il est la victime d’une injustice parce qu’il a été exproprié de ses terres sans indemnisation. Cependant, l’injustice n’est pas au nombre des motifs de persécution énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention ».

Le paragraphe 57 du Guide soulève la question de la sévérité excessive du châtiment pour une infraction de droit commun. À cet égard, le demandeur déclare qu’il serait sommairement jugé par un « tribunal public » et condamné à mort dès son retour.

Son avocat soutient qu’il serait persécuté dès son retour au Ghãna parce qu’il n’y a pas dans ce pays de garanties concernant le droit à un jugement public et impartial, comme l’indique la documentation actuelle sur ce pays [« Country Reports on Human Rights Practices for 1990 », U.S. Department of State Reports, février 1991]. Le gouvernement y a établi en 1982 un système de « tribunaux publics » distincts pour contourner le système des tribunaux ordinaires et accélérer le processus judiciaire en limitant les garanties procédurales dont jouissent les défendeurs. Les « tribunaux publics » sont saisis des affaires très délicates, des crimes contre la sécurité et des crimes passibles de la peine capitale. La loi 24 les autorise à prononcer la peine de mort pour tout crime désigné infraction capitale par le gouvernement ou lorsqu’ils la jugent indiquée, même si le crime reproché n’est pas punissable de la peine de mort en droit commun.

En l’espèce, rien dans la preuve présentée au comité n’indique que le demandeur a fait l’objet d’accusations formelles de sorte que le comité ne pourrait que conjecturer au sujet des accusations qui seraient lancées contre le demandeur à son retour, de la peine qu’il risquerait s’il était déclaré coupable, ou même de la possibilité pour lui d’avoir un procès public et impartial selon qu’il était traduit devant un « tribunal public » ou un tribunal ordinaire.

Cependant, le comité ne peut examiner les deux questions de la sévérité du châtiment par rapport au crime commis et de l’absence du droit à un procès impartial qu’après avoir jugé qu’il existe un lien entre la persécution invoquée par le demandeur et l’un quelconque des motifs énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention ». Il importe de savoir si le demandeur, oui ou non, se verra imposer une peine excessivement sévère ou sera privé du droit à un procès public et impartial parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

De l’avis du comité, le demandeur craint d’être poursuivi pour avoir enfreint une loi ordinaire d’application générale et il n’existe aucun lien entre sa crainte d’être poursuivi et les motifs de persécution énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » dans la Loi sur l’immigration.

Selon l’agent des audiences, le paragraphe 85 du Guide pourrait aider le comité à trancher la question de savoir si le demandeur craint d’être poursuivi ou d’être persécuté. Cependant, ce paragraphe et les paragraphes 84 et 86 connexes ne s’appliquent que si le demandeur est un délinquant politique ou est considéré tel par les autorités. Le comité est d’avis que le gouvernement ghãnéen considère le demandeur non pas comme un délinquant politique, mais comme quelqu’un qui a tenté de se faire justice à lui-même en refusant d’obéir à un décret lui intimant de céder sans indemnisation ses terres au gouvernement. Par conséquent, il conclut que les paragraphes 84 à 86 ne s’apppliquent pas à l’espèce.

Le comité estime que, à la lumière de la preuve, la crainte du demandeur d’être persécuté n’a pas de fondement objectif et que la possibilité qu’il soit persécuté par les autorités à son retour au Ghãna pour l’un quelconque des motifs énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » est une simple éventualité et pas plus.

Le requérant soutient que le comité s’est trompé en concluant que les actes qu’il a commis ne rentrent pas dans la définition des activités ou des opinions politiques. Il soutient aussi que par son refus de se référer au paragraphe 85 du guide des Nations Unies intitulé Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, le comité s’est trompé en s’abstenant d’apprécier adéquatement si la probabilité d’un châtiment excessif constitue un indice de persécution. Il soutient enfin que le comité s’est trompé en s’abstenant d’examiner sa prétention concernant son appartenance à un groupe social.

S’appuyant sur la définition du terme political ([traduction] « politique ») dans le Black’s Law Dictionary (5e éd.), le requérant prétend que son geste et celui de son association, soit la résistance par la force contre les militaires qui allaient détruire leurs cultures et leur village et les chasser de leurs terres, constitue une activité politique qui manifestait leur opposition au gouvernement et à sa politique d’expropriation. Il prétend aussi que le gouvernement ghãnéen considérerait ce geste comme une activité politique et comme une manifestation d’opposition au gouvernement, soit le critère énoncé par le juge suppléant Kelly dans Re Inzunza et Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1979), 103 D.L.R. (3d) 105 (C.A.F.), à la page 109. Son avocat reconnaît cependant qu’il y a non pas une preuve, mais seulement une déduction logique quant à la manière dont le gouvernement considérerait la résistance par la force qu’ont opposée les agriculteurs à son expropriation de leurs terres.

Au sens large du terme « politique », le geste du requérant en l’espèce peut être considéré comme une activité politique et une manifestation d’opposition à l’égard d’une politique gouvernementale déterminée, de la même manière que les actes commis par des écologistes engagés qui perturbent les activités licites des autres citoyens peuvent être considérés comme une activité politique en ce sens qu’ils manifestent une opposition active contre une politique gouvernementale déterminée. Comme la Cour suprême du Canada le dit dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward , [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 746, l’expression « opinion politique » employée dans la définition de réfugié au sens de la Convention dans le paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1)], peut généralement être interprétée comme désignant « toute opinion sur une question dans laquelle l’appareil étatique, gouvernemental et politique peut être engagé ». La persécution découle du désir de réprimer toute dissidence qui est perçue comme une menace par les persécuteurs, qu’il s’agisse du gouvernement ou, lorsque les circonstances sont telles qu’elles empêchent le gouvernement d’assurer une protection, d’un groupe opposé au gouvernement. Il n’est pas nécessaire que les opinions politiques aient été exprimées de manière manifeste, elles peuvent être imputées au demandeur en raison de ses actes et elles n’ont pas à être nécessairement conformes à ses convictions profondes. Dans l’arrêt Ward, la crainte du demandeur d’être persécuté par la menace d’exécution d’un arrêt de mort que ses anciens camarades nationalistes irlandais avaient prononcé contre lui pour avoir aidé des otages à s’évader était assimilée, dans les circonstances de cette affaire-là, à de la crainte d’être persécuté du fait des opinions politiques manifestées à travers son acte, qui n’était pas un incident isolé sans grandes implications.

En l’espèce, le demandeur Barima n’a exprimé aucune opinion politique, celle qui lui a été attribuée découle du geste de résistance, qu’il a opposée par la force avec d’autres agriculteurs, à l’action des militaires qui voulaient occuper leurs terres, détruire leurs maisons et les déposséder. La section du statut de réfugié s’est-elle trompée en concluant que ce geste a pu faire de lui un fugitif recherché par la justice ghãnéenne, qu’il n’était aucunement relié à une opinion politique, mais qu’il visait simplement à empêcher les militaires d’abattre ses cultures et ses bâtiments et de le chasser de sa ferme?

Dans Musial c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1982] 1 C.F. 290 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a statué que le rejet d’une demande de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention fondée sur la crainte du demandeur d’être poursuivi pour avoir refusé le service militaire en invoquant des raisons politiques n’était pas susceptible de contrôle judiciaire parce qu’on ne pouvait pas dire qu’il y avait erreur de droit dans l’application, par la Commission d’appel de l’immigration, de son interprétation de la définition de « réfugié au sens de la Convention » quand la Commission avait apprécié des faits, y compris les motifs invoqués par le demandeur.

À mon avis, il ressort de la preuve dont disposait la section du statut de réfugié en l’espèce qu’il lui était permis de conclure que le geste du requérant n’indiquait ni ne manifestait aucune opinion politique telle que l’entend la définition de réfugié au sens de la Convention dans le paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration. Quoique l’issue de Ward (précité) soit différente, la décision de la section du statut de réfugié en l’espèce est compatible avec les principes énoncés par la Cour suprême dans cet arrêt. Même si j’étais arrivé à une conclusion différente à la lumière de la preuve, je n’interviendrais par voie de contrôle judiciaire que si je constatais que l’interprétation de la Loi sur l’immigration par la section du statut de réfugié, qui est un organisme parajudiciaire spécialisé dans l’application de cette Loi, était déraisonnable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Pour essentiellement la même raison, je ne suis pas persuadé que la section du statut de réfugié se soit trompée en refusant de se référer au paragraphe 85 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié des Nations Unies pour apprécier si la crainte du requérant est une crainte d’être persécuté du fait de ses opinions politiques parce qu’il risque de subir un châtiment particulièrement sévère s’il retourne au Ghãna. Voici un extrait du paragraphe 85 en question :

85…. Les poursuites intentées pour une infraction peuvent, dans certains cas, n’être qu’un prétexte pour sanctionner les opinions politiques du délinquant ou l’expression de ses opinions politiques. Il peut aussi y avoir lieu de penser qu’un délinquant politique risque de se voir infliger un châtiment excessif ou arbitraire pour le délit prétendument commis. Ce châtiment excessif ou arbitraire équivaudra à des persécutions.

Le comité n’a pas refusé d’examiner la possibilité d’un châtiment excessif, car il a abordé cette possibilité, ainsi que l’assimilation de la crainte du requérant d’un tel châtiment à de la persécution, lorsqu’il a mentionné le paragraphe 57 du Guide des Nations Unies traitant aussi de la possibilité de l’assimilation d’un châtiment excessif, ou encore de poursuites pénales reliées à un motif inclus dans la définition de réfugié au sens de la Convention, à de la persécution. Mais la conclusion à laquelle il est arrivé est que, à la lumière des faits de l’espèce, quel que soit le châtiment que risque le requérant, ce châtiment ne serait pas relié à un motif de persécution mentionné dans la définition de réfugié au sens de la Convention. La section du statut de réfugié a conclu qu’il n’y avait [traduction] « aucun lien entre sa crainte d’être persécuté et les motifs précis énoncés dans la définition de réfugié au sens de la Convention dans la Loi sur l’immigration ». J’estime, je le répète, que l’application de la Loi en question aux faits de l’espèce ne peut être considérée déraisonnable et que cette Cour ne devrait pas, par conséquent, intervenir.

Enfin, je n’accepte pas le moyen selon lequel la section du statut de réfugié n’a pas statué sur la prétention du requérant qui disait craindre d’être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social. La décision mentionne expressément le groupe social en question, soit « une coopérative de village, dont il était le président », « un groupement communautaire dont le but était de défendre les intérêts collectifs des agriculteurs du village ». Comme cité plus haut, la décision disait, dans ses quatre derniers paragraphes, que :

[traduction] Il importe de savoir si le demandeur, oui ou non, se verra imposer une peine excessivement sévère ou sera privé du droit à un procès public et impartial parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

De l’avis du comité, le demandeur craint d’être poursuivi pour avoir enfreint une loi ordinaire d’application générale et il n’existe aucun lien entre sa crainte d’être poursuivi et les motifs de persécution énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » dans la Loi sur l’immigration.

Le comité estime que, à la lumière de la preuve, la crainte du demandeur d’être persécuté n’a pas de fondement objectif et que la possibilité qu’il soit persécuté par les autorités à son retour au Ghãna pour l’un quelconque des motifs énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » est une simple éventualité et pas plus.

À mon avis, il est manifeste que ce passage aborde tous les motifs énoncés dans la définition, y compris l’appartenance à un groupe social et les opinions politiques. L’arrêt Ward (précité) a analysé le sens de l’expression « groupe social », mais en supposant, comme la Cour suprême l’a fait dans cet arrêt, que l’association des agriculteurs dont il est question en l’espèce soit un tel groupe, il est quand même permis à la section du statut de réfugié de conclure que toute poursuite ou tout châtiment que risque le requérant serait relié à ses actes et non pas à son appartenance au groupe des agriculteurs ou aux fonctions qu’il y occupait. Je le répète, je ne peux pas conclure, à la lumière des faits de l’espèce, que la section du statut de réfugié a été déraisonnable en concluant qu’il est improbable que l’appartenance du requérant à l’association ou à la coopérative des agriculteurs soit un motif de toute poursuite ou tout châtiment auquel s’exposerait le requérant si on le renvoyait au Ghãna.

Par ces motifs, je rends une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire.

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