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[1994] 3 .C.F 449

T-2311-93

Sagkeeng Alcohol Rehab Centre Inc. (requérant)

c.

Maureen Abraham, Darlene Ahmo, Mary Arkinson et Gary T. Brazzell, c.r. (intimés)

Répertorié : Sagkeeng Alcohol Rehab Centre Inc. c. Abraham (1re inst.)

Section de première instance, juge Rothstein— Winnipeg, 5 avril; Ottawa, 6 mai 1994.

Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — Demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre selon laquelle il avait compétence relativement aux plaintes de congédiement injuste portées par les intimées — Le requérant exploite un centre de réadaptation pour alcooliques situé sur une réserve indienne — Les relations de travail relèvent de la compétence provinciale, à moins qu’ils ne fassent partie intégrante de la compétence fédérale principale relativement à quelque autre objet fédéral — C’est la nature de l’exploitation et les activités courantes qui sont déterminantes quant à savoir s’il s’agit d’un service fédéral ou provincial — Le programme global, le programme d’études et le matériel de cours sont conçus pour des Indiens — Les Indiens sont admis en priorité — L’objet de l’entreprise du requérant relève de l’art. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 — Le pouvoir de réglementer les relations de travail entre le requérant et ses employés relève de la compétence fédérale relative aux Indiens.

Relations du travail — Demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre selon laquelle il avait compétence relativement aux plaintes de congédiement injuste portées par les intimées — Une clause privative ne s’applique pas dans un cas où se pose une question de compétence — Application d’un critère de fonctionnalité pour déterminer si l’exploitation du centre de réadaptation pour alcooliques par le requérant sur une réserve indienne est soumise à la réglementation fédérale — Suivant l’art. 242(3.1)b) du Code canadien du travail, l’arbitre ne peut procéder à l’instruction d’une plainte dans un cas où le Code ou une autre loi fédérale prévoit un autre « recours » — Les intimées prétendent avoir été congédiées injustement au sens du Code canadien du travail et avoir été victimes de discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne — L’art. 242(3.1)b) n’empêche pas l’audition des plaintes portées en l’espèce — Un autre « recours » envisage à la fois la cause d’action et la réparation — L’autre recours ne peut donner droit à une réparation moindre que celle prévue au Code ni se fonder sur une cause d’action différente — Il n’est pas certain que des procédures intentées aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code donneraient rigoureusement lieu à la même réparation — Bien que l’on doive éviter le dédoublement des procédures, le législateur n’avait pas l’intention de contraindre des parties lésées à courir le risque de voir leur poursuite pour congédiement injuste compromise par l’application de l’art. 242(3.1)b) — Pour que cet alinéa s’applique, l’autre recours doit clairement opérer dédoublement.

Peuples autochtones — Le requérant exploite un centre de réadaptation pour alcooliques situé sur une réserve indienne — Le programme global, le programme d’études et le matériel de cours sont conçus pour des Indiens — Le programme est ouvert surtout aux autochtones — Les intimées prétendent avoir été congédiées injustement — Demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre selon laquelle les plaintes relèvent de la compétence fédérale — L’examen de la nature de l’exploitation et des activités courantes mène à la conclusion que l’objet de l’entreprise du requérant relève de l’art. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 — Le pouvoir de réglementer les relations de travail entre le requérant et ses (anciens) employés fait partie intégrante de la compétence fédérale relative aux Indiens.

Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre selon laquelle il était compétent pour entendre les plaintes de congédiement injuste portées par les intimées. Le requérant exploite un centre de réadaptation pour alcooliques situé sur la réserve indienne de Fort Alexander au Manitoba. Il reçoit des fonds fédéraux dans le cadre d’un programme destiné à appuyer la prestation de services par des Indiens. Le programme de réadaptation ainsi que le matériel de cours traitent en partie de la sensibilisation culturelle. Le programme est ouvert « d’abord aux autochtones, mais aussi à toute personne intéressée au traitement ou en ayant besoin ». Seule une fraction négligeable des personnes admises n’étaient pas indiennes. Le requérant a fait valoir que les relations de travail relèvent de la compétence provinciale. Il s’est appuyé en outre sur l’alinéa 242(3.1)b) du Code canadien du travail, qui prévoit qu’un arbitre ne peut procéder à l’instruction d’une plainte lorsque cette loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours. Les intimées ont intenté des poursuites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le requérant a soutenu que l’alinéa 242(3.1)b) traite du cas où la réparation qu’il est possible d’obtenir en vertu d’un autre recours est la même que celle prévue au paragraphe 242(4) du Code canadien du travail. Il a soutenu que la réparation qu’il est possible d’obtenir en vertu de ce paragraphe et de la Loi canadienne sur les droits de la personne est justement la même. Les intimées ont fait valoir que l’alinéa 242(3.1)b) traite du cas où la cause d’action fondée sur le Code est la même que celle découlant d’une autre loi. Ils ont affirmé aussi que la cause d’action fondée sur la discrimination diffère de celle fondée sur le congédiement injuste.

L’article 243 du Code canadien du travail dispose que les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

Jugement : la demande doit être rejetée.

L’article 243 n’exclut pas le contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre. Les questions de compétence sont susceptibles de contrôle judiciaire malgré ce que peut prévoir une clause privative.

L’arbitre n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a conclu que le requérant tombe sous le coup du Code canadien du travail. Les relations de travail relèvent, de prime abord, de la compétence provinciale en vertu de la disposition 13 de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le législateur fédéral a compétence sur les relations de travail lorsqu’elles constituent une partie intégrante, ou nécessairement incidente, de la compétence fédérale relativement à quelque autre objet, soit, en l’occurrence, les Indiens ou les terres qui leur sont réservées. C’est la nature de l’exploitation d’une entreprise de services et ses activités courantes qui permettent de déterminer s’il s’agit d’un service fédéral ou provincial.

L’objet de l’entreprise du requérant tombe dans la catégorie mentionnée à la disposition 24 de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le pouvoir de réglementer les relations de travail entre le requérant et ses employés ou anciens employés fait partie intégrante de la compétence fédérale sur les Indiens. L’arbitre n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a établi que le requérant constituait une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale. Le fait que le centre de réadaptation est organisé et exploité principalement au profit des Indiens et entièrement dirigé par eux, que son personnel est spécialement entraîné dans le cadre du Programme national de lutte contre l’abus de l’alcool et des drogues chez les Autochtones et initié aux us et coutumes des Premières Nations, et que le programme de réadaptation et d’études et le matériel de cours sont conçus à l’intention des Indiens, tout cela dénote la quiddité indienne du centre et ses liens avec les Indiens. Le tiers du programme est consacré à la sensibilisation à la culture indienne, à l’apprentissage des valeurs des autochtones et à l’étude de leur survie. Le requérant se consacre à la réadaptation d’Indiens alcooliques et a été précisément conçu pour remplir cette fonction. Le fait que la semaine culturelle est facultative et qu’un petit nombre de non-Indiens sont admis au centre ne modifie en rien le caractère foncièrement indien de l’entreprise du requérant. Le programme est ouvert d’abord aux autochtones. Pour être admis, il faut fournir non seulement un numéro de prestataire de soins médicaux mais aussi un numéro de traité et le nom de la bande dont on fait partie. Aux fins de l’admission, les Indiens ont priorité sur les autres.

L’arbitre n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a déterminé que l’alinéa 242(3.1)b) ne le rendait pas incompétent pour entendre les plaintes des intimées. Le fait que l’alinéa 242(3.1)b) mentionne un autre « recours » indique qu’y sont envisagés à la fois la cause d’action et la réparation. Cet autre « recours » ne peut donner droit à une réparation moindre que celle prévue au Code ni se fonder sur une cause d’action différente. Il n’est pas certain que des procédures intentées aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code canadien du travail donneraient rigoureusement lieu à la même réparation. La Cour ne dispose pas de suffisamment de renseignements au sujet des similitudes et des différences entre les plaintes des intimées concernant le congédiement injuste et leurs plaintes concernant les droits de la personne pour conclure que l’alinéa 242(3.1)b) rend l’arbitre incompétent en la matière. La partie tentant d’invoquer l’alinéa 242(3.1)b) doit démontrer qu’aux termes d’un autre texte législatif, il existe une procédure à l’intention des parties lésées qui leur permette de déposer une plainte par suite d’un congédiement injuste et d’obtenir une réparation du même type que celle qu’un arbitre pourrait leur accorder en application du paragraphe 242(4) du Code. Bien que l’on doive éviter le dédoublement des procédures, le législateur n’avait pas l’intention de contraindre une partie lésée à courir le risque de voir sa poursuite pour congédiement injuste compromise par l’application de l’alinéa 242(3.1)b). Pour que cet alinéa s’applique, l’autre recours en cause doit clairement opérer dédoublement.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 242 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 9, art. 16), 243.

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 53.

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5].

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Société canadienne des postes c. Pollard, [1994] 1 C.F. 652; (1993), 161 N.R. 66 (C.A.); Alberta Wheat Pool c. Jacula (1992), 58 F.T.R. 277 (C.F. 1re inst.); National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324; (1990), 74 D.L.R. (4th) 449; 45 Admin. L.R. 161; 114 N.R. 81; Reference re Industrial Relations and Disputes Act, [1955] R.C.S. 529.

DISTINCTION FAITE AVEC :

Four B Manufacturing Ltd. c. Travailleurs unis du vêtement d’Amérique et autre, [1980] 1 R.C.S. 1031; (1979), 102 D.L.R. (3d) 385; 80 CLLC 14,006; [1979] 4 C.N.L.R. 21; 30 N.R. 421.

DÉCISION EXAMINÉE :

Banque canadienne impériale de commerce c. Hefni et autres (1994), 72 F.T.R. 232 (C.F. 1re inst.).

DÉCISIONS CITÉES :

Toronto Electric Commissioners v. Snider, [1925] A.C. 396; [1925] 2 D.L.R. 5; [1925] 1 W.W.R. 785 (P.C.); Commission du Salaire Minimum v. Bell Telephone Company of Canada, [1966] R.C.S. 767; (1966), 59 D.L.R. (2d) 145; Conseil canadien des relations du travail et autre c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729; (1977), 76 D.L.R. (3d) 85; 77 CLLC 14,073; 14 N.R. 72; Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754; (1978), 93 D.L.R. (3d) 641; 69 CLLC 14,190; 25 N.R. 1.

DOCTRINE

Shorter Oxford English Dictionary, 3rd ed., Oxford : Clarendon Press, 1973, « redress ».

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’arbitre s’est déclaré compétent pour entendre les plaintes de congédiement injuste portées par les intimées contre le requérant, qui exploite un centre de réadaptation pour alcooliques sur une réserve indienne. Demande rejetée.

AVOCATS :

Robert B. Doyle et Harvey I. Pollock pour le requérant.

Jeffrey F. Harris pour les intimés.

PROCUREURS :

Pollock & Company, Winnipeg, pour le requérant.

Keyser, Harris, Winnipeg, pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Rothstein : La présente ordonnance porte sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 27 août 1993 par Gary T. Brazzell, c.r., un arbitre désigné par le ministre du Travail du Canada en vertu du paragraphe 242(1) du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, et ses modifications. Le requérant exploite un centre de réadaptation pour alcooliques situé sur la réserve indienne de Fort Alexander, environ 80 kilomètres au nord-est de Winnipeg. Les intimées, Maureen Abraham, Darlene Ahmo et Mary Arkinson (les intimées), allèguent que le requérant les a injustement congédiés et ont demandé qu’un arbitre rende une décision en vertu du paragraphe 242(3) [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 9, art. 16] du Code canadien du travail.

Le requérant soutient que les relations de travail relèvent de la compétence provinciale et que M. Brazzell, en sa qualité d’arbitre désigné en vertu du Code canadien du travail, a commis une erreur lorsqu’il a décidé qu’il était compétent pour entendre les plaintes de congédiement injuste. Le requérant a aussi déclaré que les intimées avaient intenté des poursuites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, et ses modifications, alléguant qu’elles avaient été victimes de discrimination fondée sur leur sexe. Aux termes de l’alinéa 242(3.1)b) du Code canadien du travail, qui prévoit qu’un arbitre ne peut procéder à l’instruction d’une plainte lorsque cette Loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours, M. Brazzell aurait commis une erreur lorsqu’il est arrivé à la conclusion que rien ne s’opposait à ce qu’il agisse comme arbitre dans l’affaire sous étude, compte tenu des poursuites intentées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Bien que l’avocat n’ait pas jugé nécessaire de traiter de l’article 243 du Code canadien du travail, lequel, pour l’essentiel, constitue une clause privative, je vais maintenant brièvement examiner cet article. Il se lit comme suit :

243. (1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire—notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

L’article 243 semble, de prime abord, exclure tout contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre. Toutefois, tel que cela est mentionné dans les décisions Société canadienne des postes c. Pollard, [1994] 1 C.F. 652 (C.A.), à la page 659 et Alberta Wheat Pool c. Jacula (1992), 58 F.T.R. 277 (C.F. 1re inst.), aux pages 278 et 279, qui suivent en cela l’arrêt National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, aux pages 1369 et 1370, les questions de compétence sont susceptibles de contrôle judiciaire malgré ce que peut prévoir une clause privative. Comme les questions en litige dans la présente affaire ont trait à la compétence de l’arbitre à entendre et trancher les plaintes des intimées, la présente demande de contrôle judiciaire n’est pas irrecevable aux termes de l’article 243.

Les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de relations de travail ont été délimités par le juge Estey dans Reference re Industrial Relations and Disputes Act, [1955] R.C.S. 529 (l’arrêt Stevedoring), à la page 564, comme suit :

[traduction] Ces précédents prévoient que le parlement du Canada a compétence pour légiférer en matière de travail et de relations de travail, même si ces relations tombent dans la catégorie de la propriété et des droits civils au sens de la disposition 92(13) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et sont, par conséquent, assujetties à la législation provinciale. Cette compétence du gouvernement fédéral englobe les cas où le travail et les relations de travail a) forment une partie intégrante ou nécessairement incidente des catégories de sujets énumérées à l’article 91; b) concernent des employés du gouvernement fédéral; c) concernent les travaux et entreprises décrits aux dispositions des paragraphes 91(29) et 92(10); d) concernent des travaux, entreprises ou affaires ayant cours au Canada mais à l’extérieur de toute province.

En l’espèce, les dispositions pertinentes de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) [mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1 [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]], anciennement l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, se lisent comme suit :

91. … l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérées, savoir :

24. Les Indiens et les terres réservées pour les Indiens.

92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérées, savoir :

13. La propriété et les droits civils dans la province.

Il ressort clairement de l’arrêt Stevedoring (précité) que les relations de travail relèvent, de prime abord, de la compétence provinciale en vertu de la disposition 13 de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le législateur fédéral a compétence sur les relations de travail seulement dans les quatre cas énumérés par le juge Estey. En ce qui me concerne, par conséquent, la question que nous devons trancher est celle de savoir si le travail, ou, en l’espèce, les relations de travail, constituent une partie intégrante, ou nécessairement incidente, de la compétence fédérale sur les Indiens ou les terres qui leur sont réservées.

Les principes régissant la compétence législative en matière de relations de travail ont été énoncés dans plusieurs arrêts (voir Toronto Electric Commissioners v. Snider, [1925] A.C. 396 (P.C.); Stevedoring (supra); Commission du Salaire Minimum v. Bell Telephone Company of Canada, [1966] R.C.S. 767; Conseil canadien des relations du travail et autre c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729; Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754; Four B Manufacturing Ltd. c. Travailleurs unis du vêtement d’Amérique et autre, [1980] 1 R.C.S. 1031). Dans le dernier arrêt cité, le juge Beetz résume les critères à appliquer en la matière comme suit, à la page 1045 :

À mon avis, les principes établis pertinents à cette question peuvent être résumés très brièvement. En ce qui a trait aux relations de travail, la compétence législative provinciale exclusive est la règle, la compétence fédérale exclusive est l’exception. L’exception comprend, principalement, les relations de travail relatives aux entreprises, services et affaires qui, compte tenu du critère fonctionnel de la nature de leur exploitation et de leur activité normale, peuvent être qualifiés d’entreprises, de services ou d’affaires de compétence fédérale. [C’est moi qui souligne.]

À la page 1047, le juge Beetz déclare encore :

Le critère fonctionnel est une méthode particulière d’application d’une règle plus générale, savoir, que la compétence fédérale exclusive en matière de relations de travail n’existe que si l’on peut établir qu’elle fait partie intégrante de sa compétence sur une autre matière fédérale : l’arrêt Stevedoring.

Dans l’arrêt Yellowknife (supra), le juge Pigeon affirme ce qui suit, à la page 736 :

En examinant cette question, on doit se rappeler qu’il est bien établi que la compétence en matière de travail relève du pouvoir législatif sur l’exploitation et non sur la personne de l’employeur.

Dans l’affaire Four B (supra), Four B était une société ontarienne dont l’activité, menée sur une réserve indienne, consistait à coudre à contrat l’empeigne de souliers pour le compte du fabricant. Toutes les actions émises de la société étaient détenues par quatre frères, tous membres de la bande. Four B n’était en aucune façon la propriété du conseil de bande, qui n’exerçait aucun contrôle à son égard ni participait à ses profits. La question soumise à la Cour suprême du Canada était de savoir si la Commission des relations de travail de l’Ontario avait compétence pour certifier un agent de négociation appelé à transiger avec les employés œuvrant à l’usine de la société sur la réserve et pour prendre une autre ordonnance qui enjoignait l’entreprise de réintégrer quatre employés dans leurs fonctions.

En sus des critères applicables cités précédemment, le juge Beetz a déclaré ce qui suit dans sa décision à la page 1046 :

Rien dans l’affaire ou l’exploitation de Four B ne pourrait permettre de la considérer comme une affaire de compétence fédérale : la couture d’empeignes sur des souliers de sport est une activité industrielle ordinaire qui relève nettement du pouvoir législatif provincial sur les relations de travail. Ni la propriété de l’entreprise par des actionnaires indiens, ni l’embauchage par cette entreprise d’une majorité d’employés indiens, ni l’exploitation de cette entreprise sur une réserve indienne en vertu d’un permis fédéral, ni le prêt et les subventions du fédéral, pris séparément ou ensemble, ne peuvent avoir d’effet sur la nature de l’exploitation de cette entreprise. Donc, compte tenu du critère fonctionnel et traditionnel, The Labour Relations Act s’applique aux faits de l’espèce et la Commission a compétence.

Aux pages 1047 et 1048, le juge Beetz déclare encore :

Je crois que dire que la question à régler en l’espèce est celle des droits civils des Indiens est une simplification excessive. La question est plus vaste et plus complexe : elle met en cause les droits des Indiens et des non-Indiens de s’associer entre eux à des fins de relations de travail, fins qui sont sans rapport avec la quiddité indienne; elle met en cause leurs relations avec les Travailleurs unis du vêtement d’Amérique ou quelque autre syndicat qui n’ont rien de proprement indien; elle met en cause finalement leur convention collective avec un employeur qui se trouve être une compagnie ontarienne, appartenant à titre privé à des Indiens, mais qui n’a rien non plus de spécifiquement indien; la bande a expressément refusé d’en assumer l’exploitation et a décidé de lui retirer son nom.

Mais même si on examine la situation du seul point de vue des employés indiens et comme si l’employeur était un Indien, cela ne met en jeu ni le statut d’Indien ni des droits si intimement liés au statut d’Indien qu’ils devraient en être considérés comme des accessoires indissociables comme, par exemple, la possibilité d’être enregistré, la qualité de membre d’une bande, le droit de participer à l’élection des chefs et des conseils de bande, les privilèges relatifs à la réserve, etc. Pour cette raison je conclus que le pouvoir de réglementer les relations de travail en question ne fait pas partie intégrante de la compétence fédérale principale sur les Indiens ou les terres réservées aux Indiens. La question de savoir si le Parlement pourrait les réglementer dans l’exercice de ses pouvoirs accessoires est une question que nous n’avons pas à résoudre sauf dans la mesure où sa solution est utile pour déterminer en théorie la portée ultime d’une suprématie fédérale potentielle.

En l’espèce, les statuts constitutifs du requérant prévoient que l’activité de la société se limite [traduction] « à gérer et exploiter un centre de réadaptation pour alcooliques ». L’avocat du requérant soutient que l’exploitation d’un centre de réadaptation pour alcooliques n’est assurément pas quelque chose de propre aux Indiens ou aux terres qui leur sont réservées, et que la vocation première du centre est de soigner l’alcoolisme. Il précise également que l’admission au centre n’est pas limitée aux Indiens et que des non-Indiens y ont de fait été admis. L’admission au centre, par ailleurs, n’est pas un droit pour les Indiens.

L’avocat des intimées fait référence au Programme national de lutte contre l’abus de l’alcool et des drogues chez les Autochtones (PNLAADA), un programme commandité conjointement par le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social et le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien. En vertu de ce programme, des fonds fédéraux sont accordés pour des projets conçus et réalisés par des Indiens. Le paragraphe 1(1) de l’Accord de contribution au PNLAADA, passé en mars 1992 entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et le requérant, se lit comme suit :

[traduction]  1. (1) Le projet consiste dans les objectifs et activités décrits à l’Annexe « A ».

L’Annexe « A » prévoit notamment ce qui suit :

[traduction] A. FOURNITURE DES SERVICES

1.  OBJECTIFS DU PROJET :

1)   Offrir un programme de traitement avec internat aux personnes souffrant d’alcoolisme, dans l’esprit des objectifs du programme qui sont de mettre sur pied des services gérés par les Indiens,

2.   ACTIVITÉS PRÉVUES DANS LE CADRE DU PROJET ET DÉCOULANT DES OBJECTIFS CITÉS EN 1) :

1)   Programme de réadaptation s’échelonnant sur vingt-huit (28) jours et programme d’évaluation d’une durée de sept (7) jours, comprenant :

h) sensibilisation culturelle du groupe-cible;

4) Centre de traitement et enseignement de méthodes d’approche humaine au personnel (Sagkeeng) :

a) Formation offerte dans le cadre du PNLAADA;

e) Initiation aux us et coutumes nechis [formation relative aux Premières Nations].

Le Règlement no 1 de la société requérante prévoit notamment ce qui suit :

[traduction] 3. Qualification : Les administrateurs doivent être membres de la Société et de la bande indienne de Fort Alexander.

25. Qualifications : Toute personne désirant adhérer à la Société doit :

a) … 

b) être membre de la bande indienne de Fort Alexander.

Le programme de réadaptation du centre consiste en une série de cours répartis sur quatre semaines, comme suit : semaine 1 : alcool et alcoolisme; semaine 2 : conscience de soi; semaine 3 : semaine culturelle; et semaine 4 : révision. Une partie du contenu du matériel de cours s’intitule [traduction] « PERCEPTION DE SOI-MÊME EN TANT QU’INDIEN », et traite des valeurs indiennes, de la culture et de l’identité autochtones, des valeurs culturelles et de la société moderne, des cérémonies du calumet, de la survie du peuple autochtone, des rencontres des AA et des moyens permettant de cultiver la spiritualité.

Dans la trousse d’admission du centre, il y a une page intitulée [traduction] « ADMISSIBILITÉ AU PROGRAMME » sur laquelle sont notamment indiqués les prérequis suivants :

Ouvert d’abord aux Autochtones, mais aussi à toute personne intéressée au traitement ou en ayant besoin.

Durant l’exercice financier 1991-1992, sur les 342 personnes admises au centre, 304 avaient le statut d’Indiens, 31 étaient indiennes ou métisses sans avoir ce statut et les sept qui restent étaient d’une autre origine. Les données relatives aux exercices 1987 à 1992 démontrent également que seule une fraction négligeable des personnes admises n’étaient pas indiennes.

La preuve que j’ai devant moi révèle que le profil du requérant ne recoupe pas les faits liés à l’affaire Four B (supra). Nous n’avons pas affaire ici à une entreprise de fabrication ordinaire installée sur une réserve indienne, mais plutôt à un centre de réadaptation engagé dans la prestation d’un type de soins de santé conçus et fournis de manière à combler les besoins de bénéficiaires Indiens.

Le fait que le centre de réadaptation est organisé et exploité principalement au profit des Indiens et entièrement dirigé par eux, que ses installations et les services qu’il offre sont conçus à l’intention des Indiens, que son personnel est spécialement entraîné dans le cadre du PNLAADA et initié aux us et coutumes des Premières Nations, et que le programme de réadaptation et d’études et le matériel de cours sont eux aussi conçus à l’intention des Indiens, tout cela dénote la quiddité indienne du centre et ses liens avec les Indiens.

Affirmer que la vocation du requérant est de soigner l’alcoolisme équivaut à fermer les yeux sur la manière dont le programme est géré. Le tiers de ce programme, soit une semaine sur trois si l’on ne tient pas compte de la semaine de révision, est consacré à la sensibilisation à la culture indienne, à l’apprentissage des valeurs des autochtones et à l’étude de leur survie. Le requérant se consacre à la réadaptation d’Indiens alcooliques et son programme a été précisément conçu pour remplir cette fonction.

Le fait que la semaine culturelle est facultative et qu’un petit nombre de non-Indiens sont admis au centre ne modifie en rien le caractère foncièrement indien de l’entreprise, dont l’activité normale consiste à fournir des services de réadaptation à des alcooliques Indiens. Selon mon interprétation des remarques incidentes du juge Beetz (décision Four B, page 1045), c’est la nature de l’exploitation d’une entreprise de services et ses activités courantes qui permettent de déterminer s’il s’agit ou non d’un service fédéral ou provincial. Le fait qu’un petit nombre de non-Indiens se fassent traiter au centre ou que la semaine culturelle soit facultative, ne modifie pas le caractère des activités et des fonctions habituelles du centre.

L’avocat du requérant a fait allusion à certaines statistiques qui, selon lui, démontraient que bon nombre des centres de réadaptation pour alcooliques du Manitoba fournissaient des services principalement aux Indiens. Ces centres, a-t-il soutenu, ne relèvent pas de la compétence fédérale tout simplement parce que des Indiens s’y font traiter. Ces statistiques ne m’ont pas permis d’établir si d’autres centres de réadaptation pour alcooliques du Manitoba fournissaient des services principalement aux Indiens. Mais même si d’autres centres y avaient cette vocation, nous ne pouvons résoudre la question qui nous occupe au moyen d’un calcul, fait dans l’abstrait, visant à établir si un centre donné dessert principalement les Indiens ou les non-Indiens. Nous devons apprécier la nature des activités de l’entreprise pour être en mesure de déterminer si elle relève de la compétence fédérale ou provinciale. Or, aucun élément de preuve n’a été produit quant à la nature des activités d’autres centres de réadaptation pour alcooliques du Manitoba.

L’avocat du requérant a soutenu que l’admission au centre ne constitue pas un droit pour les Indiens. Toutefois, il est clair que le programme est « ouvert d’abord aux autochtones ». Bien que Ken Courchene, l’un des témoins cités par le requérant et l’un des membres du conseil d’administration de l’entreprise, ait affirmé que les programmes du centre sont [traduction] « interculturels », ce qui permet aux non-Indiens de s’y identifier facilement, il est mentionné dans la trousse d’admission (qui reprend aussi la description de Courchene) que le centre dessert les autochtones et leurs communautés. De fait, tout candidat à l’admission doit fournir au centre non seulement un numéro de prestataire de soins médicaux mais aussi un numéro de traité et le nom de la bande dont il fait partie. J’infère de cette procédure qu’aux fins de l’admission, les Indiens ont priorité sur les autres. Le requérant accueille surtout des Indiens et ses installations sont mises d’abord et avant tout à leur disposition. L’admissibilité au programme se trouve donc étroitement liée à la possession du statut d’Indien.

Appliquant les critères énoncés dans la décision Four B, je suis d’avis que l’objet de l’entreprise du requérant tombe dans la catégorie mentionnée à la disposition 24 de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le pouvoir de réglementer les relations de travail entre le requérant et ses employés ou anciens employés fait partie intégrante de la compétence fédérale principale sur les Indiens. L’arbitre n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a établi que le requérant constituait une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale.

Après en être arrivé à cette conclusion, je dois examiner le deuxième argument présenté par le requérant, à savoir que l’alinéa 242(3.1)b) du Code canadien du travail interdit à l’arbitre de procéder à l’instruction de la plainte visée en l’espèce. Cet alinéa se lit comme suit :

242. …

(3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

L’avocat du requérant soutient que l’alinéa 242(3.1)b) traite du cas où la réparation qu’il est possible d’obtenir en vertu d’un autre recours est la même que celle prévue au paragraphe 242(4) du Code canadien du travail. Il soutient qu’en l’occurrence, la réparation qu’il est possible d’obtenir en vertu de ce paragraphe et de la Loi canadienne sur les droits de la personne est la même.

L’avocat des intimées, pour sa part, avance que l’alinéa 242(3.1)b) traite du cas où la cause d’action en vertu de la section XIV [partie III] du Code canadien du travail est la même que celle découlant d’une autre disposition de ce code ou d’une autre loi fédérale, et il affirme aussi que la cause d’action fondée sur la discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne diffère de la cause d’action fondée sur le congédiement injuste en vertu du Code canadien du travail. Toujours selon l’avocat des intimées, trop peu d’éléments de preuve ont été produits pour qu’il soit possible de rendre une décision du type de celle visée à l’alinéa 242(3.1)b).

L’avocat du requérant soutient que les plaintes de congédiement injuste découlent de prétendus gestes discriminatoires posés par le requérant à l’endroit des intimées. L’avocat des intimées affirme pour sa part que, dans deux cas, les plaintes sont liées à un congédiement injuste présumé tandis que, dans l’autre, il y a eu congédiement réel. La preuve ne renferme aucun renseignement à cet égard. Le procès-verbal ne fait état que des plaintes de congédiement injuste logées par les trois intimées, lesquelles plaintes font aussi état des plaintes qu’elles ont déposées auprès de la Commission des droits de la personne. On peut cependant lire ce qui suit dans l’exposé de chacune de ces plaintes :

[traduction] Je n’ai connaissance de disposer d’aucun autre recours [que ceux prévus à la Section XIV du Code canadien du travail].

La décision de l’arbitre fait état de l’une des objections du requérant, à savoir à la page 3 :

[traduction] Les plaignantes n’ont pas été congédiées par leur employeur, tel que cela est exigé comme condition d’application du paragraphe 240(1) du Code.

Une autre objection du requérant est rapportée, comme suit :

[traduction] [Les] plaignantes ne travaillaient pas sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur, tel que cela est exigé comme condition d’application de l’alinéa 240(1)a) du Code.

On ne m’a signalé aucun élément de preuve qui fasse état des plaintes concernant les droits de la personne logées par les intimées, ni des liens entre ces plaintes et les plaintes de congédiement injuste soumises à l’arbitre.

Dans The Shorter Oxford English Dictionary (3e éd.), le verbe « redresser » est notamment défini comme suit :

[traduction] 6. Rendre justice à quelqu’un en lui obtenant, ou (parfois) en lui donnant, satisfaction ou une indemnisation pour le tort ou la perte subi.

En langage juridique, le recours demandé constituerait la satisfaction ou l’indemnisation et le tort subi serait lié à la cause d’action. Dans le contexte de l’alinéa 242(3.1)b), je crois que la cause d’action et le recours sont envisagés par rapport à un autre « recours ». Cet autre « recours » ne peut donner droit à une réparation moindre que celle prévue à la section XIV du Code canadien du travail, ni se fonder sur une cause d’action différente. En vertu de la section XIV, il existe un recours permettant à une personne de déposer une plainte à la suite d’un congédiement injuste. De nombreux précédents traitent de cette cause d’action. On peut affirmer de manière générale et, en l’espèce, avec certitude, qu’il ne ressort pas clairement, à la lumière de ces précédents, qu’une poursuite pour discrimination aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne mettrait en cause exactement les mêmes principes, éléments de réflexion et moyens de défense qu’une plainte concernant un congédiement injuste déposée en vertu du Code canadien du travail. De fait, le requérant a soulevé devant l’arbitre des objections qui sont propres aux plaintes concernant les congédiements injustes déposées en vertu du Code canadien du travail. En ce qui a trait à la réparation, un examen rapide de l’article 53 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du paragraphe 242(4) du Code canadien du travail nous révèle que ces dispositions législatives semblent, pour l’essentiel, avoir le même effet, bien qu’elles soient formulées différemment. Mais, encore une fois, de nombreux précédents traitent de chaque type de réparation, et on ne peut avancer catégoriquement, à ce stade, que des procédures intentées aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code canadien du travail donneraient rigoureusement lieu à la même réparation. Pour ces motifs, et compte tenu du fait que je ne dispose pas de suffisamment de renseignements au sujet des similitudes et des différences entre les plaintes concernant le congédiement injuste et les plaintes concernant les droits de la personne, j’en arrive à la conclusion que l’arbitre n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a déterminé que l’alinéa 242(3.1)b) du Code canadien du travail ne lui niait pas la compétence nécessaire pour procéder à l’instruction de la présente affaire.

Pour en arriver à une telle conclusion, j’ai tenu compte de la décision du juge en chef adjoint Jerome, rendue dans l’affaire Banque canadienne impériale de commerce c. Hefni et autres (1994), 72 F.T.R. 232 (C.F. 1re inst.). J’ai aussi tenu compte des précédents qui y sont cités. Aux pages 238 et 239, le juge en chef adjoint Jerome déclare ce qui suit :

Je constate également que, dans l’arrêt Pollard, la Cour d’appel fédérale s’est dite d’accord avec le juge MacKay pour conclure que l’interprétation que l’arbitre avait donnée de l’alinéa 242(3.1)b) était la bonne. L’arbitre avait déclaré :

L’autre recours mentionné à l’alinéa 242(3.1)b) doit viser au redressement.

Cette conclusion découlait de l’analyse suivante qui, bien qu’elle concernât le rapport entre les dispositions relatives au congédiement injuste et celles qui interdisent le congédiement pour cause d’activités anti-syndicales, est également valable lorsqu’on examine les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui interdisent la discrimination dans l’emploi :

Que du reste le même remède [sic] puisse s’appliquer dans l’un et l’autre cas ne signifie pas qu’on ait prévu ailleurs une procédure de redressement.

Une interprétation semblable de l’alinéa 242(3.1)b) a été proposée dans Employment Law in Canada :

Les questions qui peuvent être examinées sous le régime de la Loi sur les droits de la personne ou de la partie I du Code canadien du travail sont celles de savoir si le congédiement est entaché de l’un des motifs illicites relatifs aux « droits de la personne » ou par un élément anti-syndical. Ces questions sont distinctes de celle de la « légitimité » du motif de congédiement, bien que la présence d’un « motif légitime » soit manifestement pertinente à titre d’élément de preuve permettant de savoir si le mobile qui a poussé l’employeur à congédier l’employé est entaché de l’un des motifs illicites« . (I. Christie, G. England et B. Cotter, Employment Law in Canada, 2d éd., Toronto : Butterworths, 1993), aux p. 684 et 685)

L’alinéa 242(3.1)b) ne rend donc pas une plainte irrecevable à moins que l’on réussisse à démontrer que le plaignant peut exercer un autre recours pour faire trancher la question précise de savoir si le congédiement était ou non justifié. [Notes en bas de page omises.]

À mon sens, la partie tentant d’invoquer l’alinéa 242(3.1)b) doit démontrer qu’aux termes d’une autre disposition législative, il existe une procédure à l’intention des parties lésées qui leur permette de déposer une plainte par suite d’un congédiement injuste et d’obtenir une réparation du même type que celle qu’un arbitre pourrait leur accorder en application du paragraphe 242(4) du Code canadien du travail.

Bien que l’on doive éviter le dédoublement des procédures et que l’alinéa 242(3.1)b) semble avoir été édicté à cette fin (entre autres, probablement), je suis certain que le législateur n’avait pas l’intention de contraindre des parties lésées à courir le risque de voir leur poursuite pour congédiement injuste compromise par l’application de cet alinéa. Pour que cet alinéa s’applique, l’autre recours en cause doit clairement opérer dédoublement.

Comme j’en suis arrivé à la conclusion que l’arbitre n’avait pas commis d’erreur lorsqu’il a déterminé que le requérant était assujetti au Code canadien du travail et que l’alinéa 242(3.1)b) du Code canadien du travail ne lui niait pas la compétence nécessaire pour entendre et trancher l’affaire concernant les plaintes des intimées, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

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