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[1994] 1 C.F. 580

T-2319-93

Parti de la loi naturelle du Canada, Donald Jackson et Donald Jackson pour le compte des membres du Parti de la loi naturelle du Canada (requérants)

c.

Société Radio-Canada (intimée)

Répertorié : Parti de la loi naturelle du Canada c. Société Radio-Canada (1re  inst.)

Section de première instance, juge McKeown—Ottawa, 29 septembre et 1er octobre 1993.

Radiodiffusion — Demande d’injonction interlocutoire afin que la SRC (CBC) invite le chef du Parti de la loi naturelle à participer aux débats des chefs diffusés à la télévision pendant la campagne électorale fédérale — Le choix des participants aux débats a fait l’objet d’un consensus au sein du regroupement de radiodiffuseurs et s’est porté sur les chefs des cinq principaux partis — La SRC n’avait aucunement le droit d’inviter, à son gré, d’autres participants — En vertu des art. 12(2) et 18(1)d) de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC a compétence à l’égard du redressement demandé — La Cour ne doit pas se substituer au CRTC pour réglementer les questions qui relèvent de la compétence de cet organisme — La nouvelle Loi sur la radiodiffusion renforce le droit des radiodiffuseurs à la liberté d’expression — Une injonction interlocutoire aurait pour effet d’accorder aux requérants le redressement demandé sans procéder à l’instruction — Les requérants ne satisfont pas au critère juridique selon lequel une question sérieuse doit être tranchée.

Élections — En raison du grand nombre de partis politiques briguant les suffrages au scrutin fédéral, le regroupement de radiodiffuseurs a établi des critères de participation aux débats des chefs qui devaient être radiodiffusés — Un parti n’ayant pas satisfait aux critères cherche à obtenir une ordonnance provisoire déclarant que la loi exige de la SRC qu’elle invite le chef du parti à participer aux débats — Dans le cadre du regroupement de radiodiffuseurs, la SRC agit à titre de radiodiffuseur, et non comme mandataire de l’État — La Cour ne doit pas se substituer à l’organisme de réglementation ni déterminer le programme de radiodiffusion des débats politiques — L’intervention judiciaire dans le domaine journalistique, visant à donner suite aux demandes de groupes qui cherchent à obtenir une plus grande attention de la part des médias concernant la liberté d’expression, comporte des risques.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 23.

Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, art. 2, 12, 18, 35, 46, 52.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Trieger v. Canadian Broadcasting Corp. (1988), 66 O.R. (2d) 273; 54 D.L.R. (4th) 143; National Party of Canada v. Canadian Broadcasting Corp. (CBC), [1993] A.J. no 677 (C.B.R.) (Q.L.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

Green Party Political Assn. of British Columbia v. Canadian Broadcasting Corp. (CBC), [1991] B.C.J. no 2852 (C.S.) (Q.L.).

DEMANDE d’injonction interlocutoire enjoignant à la SRC (CBC) d’inviter le chef du Parti de la loi naturelle du Canada à participer aux débats et assemblées politiques radiodiffusés et produits par la SRC, auxquels prennent part les chefs de partis politiques fédéraux. Demande rejetée.

AVOCATS :

Gerald D. Chipeur pour les requérants.

Larry Huculak et Ian Donahoe pour l’intimée.

PROCUREURS :

Milner Fenerty, Edmonton, pour les requérants.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge McKeown : Le Parti de la loi naturelle et Donald Jackson, pour son propre compte et celui des membres du parti, sont à l’origine de la présente requête visant à obtenir une ordonnance provisoire déclarant que la loi exige de la Société Radio-Canada (SRC) (Canadian Broadcasting Corporation) (CBC) qu’elle traite le Parti de la loi naturelle du Canada de manière équitable lors des assemblées politiques et des débats des chefs produits par elle et diffusés à la télévision (les débats), auxquels sont invités à participer les chefs de partis politiques fédéraux ou leurs représentants, et, plus particulièrement, qu’elle invite le chef du Parti de la loi naturelle du Canada, Neil Paterson, ou son représentant, à participer aux débats advenant que la SRC (CBC) continue à prendre part à la production ou à la radiodiffusion de débats. Les requérants demandent en outre à la Cour de prononcer une injonction interlocutoire à cet effet.

LES FAITS

Le 4 septembre 1993, certains services d’information ont annoncé qu’un regroupement de radiodiffuseurs composé des principales chaînes de télévision, soit SRC, Global Television Network et CBC (Canadian Broadcasting Corporation), avait convenu de radiodiffuser des débats entre les chefs de cinq partis politiques (le Parti progressiste-conservateur, le Parti libéral, le Nouveau Parti démocratique, le Reform Party et le Bloc québécois). Neil Paterson, du Parti de la loi naturelle, n’a pas été invité.

Le choix des participants aux débats a fait l’objet d’un consensus au sein du regroupement de radiodiffuseurs, et la forme du débat reste à déterminer de concert avec les cinq partis politiques. La SRC (CBC) n’avait aucunement le droit d’inviter, à son gré, d’autres personnes à prendre part aux débats.

En raison du grand nombre de partis briguant les suffrages au scrutin fédéral, le regroupement de radiodiffuseurs a résolu d’inviter à participer aux débats les chefs dont le parti satisfaisait à chacun des critères suivants :

a. avoir au moins un membre siégeant à la Chambre des communes;

b. avoir exercé, au cours des dernières années, une influence constante sur l’opinion publique canadienne et avoir obtenu au moins cinq pour cent des intentions de vote dans différents sondages;

c. avoir à sa tête un chef qui, ces dernières années, a pris position publiquement et de façon remarquée dans les débats constitutionnels et économiques au Canada.

Dès que toutes les modalités des débats des chefs auront été arrêtées, la SRC (CBC) compte participer à la réalisation d’une autre émission de télévision où les chefs des partis non représentés aux débats projetés pourront exposer leurs idées à la population. Des invitations ont d’ailleurs été transmises, en date de la présente audience, aux neuf autres partis. La formule de l’émission reste à déterminer.

La SRC (CBC) considère les débats comme des événements d’actualité et elle estime que leur radiodiffusion fait partie de sa couverture globale de la campagne électorale fédérale. Les débats auront lieu devant un auditoire et seront radiodiffusés en direct. Les personnes en cause ne connaîtront pas à l’avance les questions que leur poseront les journalistes et les membres de l’auditoire.

La SRC (CBC) a également organisé deux assemblées politiques et elle compte en présenter d’autres. Elle estime que ces assemblées sont aussi des événements d’actualité et qu’elles font partie de sa couverture globale de la campagne électorale fédérale. Les assemblées politiques offrent aux électeurs et aux partis politiques la possibilité de débattre différentes questions et de fournir des éléments d’information importants qui ne pourraient être communiqués pendant les débats formels. Le Parti de la loi naturelle n’a été invité à aucune des assemblées. La SRC (CBC) n’a pas donné aux représentants du Parti de la loi naturelle la raison pour laquelle ni M. Paterson ni d’autres membres du parti n’ont été invités à participer aux débats ou aux assemblées. Les critères appliqués ont été énoncés dans une déclaration sous serment produite par M. Bazay de la SRC (CBC).

Si un organisme ou un parti politique devait organiser un autre débat ou une autre assemblée, la SRC (CBC) envisagerait la possibilité d’en assurer la couverture de façon adéquate.

COMPÉTENCE

Le Parti de la loi naturelle demande qu’un redressement lui soit accordé sans délai. Ce redressement peut être obtenu du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) en application de l’alinéa 18(1)d) et du paragraphe 12(2) de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11. Celle-ci ne renferme aucune disposition permettant d’obtenir un redressement de manière urgente. Il ne s’ensuit cependant pas que la Cour fédérale du Canada a compétence à cet égard. L’article 23 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (et ses modifications) prévoit que la Cour fédérale peut connaître d’une demande, sauf attribution spéciale de compétence par ailleurs. Comme la Loi sur la radiodiffusion attribue la compétence au CRTC, la présente requête n’est pas du ressort de la Cour.

La Cour est un tribunal créé par une loi. Je ne peux me fonder sur la compétence inhérente des autres cours supérieures comme dans Green Party Political Assn. of British Columbia v. Canadian Broadcasting Corp. (CBC), 9 octobre 1991, Vancouver (C.-B.), no C916786 [[1991] B.C.J. no 2852 (C.S.) (Q.L.)], où le juge Collver conclut à la compétence du tribunal. Il s’agissait en l’occurrence de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, laquelle n’est pas un tribunal créé par une loi. Sa compétence ne faisait donc aucun doute.

INJONCTION PROVISOIRE

Cependant, si la Cour devait néanmoins avoir compétence, je refuserais de faire droit à la demande d’injonction provisoire et ce, pour les motifs énoncés dans Trieger v. Canadian Broadcasting Corp. (1988), 66 O.R. (2d) 273 (H.C.) et dans National Party of Canada v. Canadian Broadcasting Corp. (CBC), encore inédit, 23 septembre 1993, no du greffe : 9303-18257 (B.R. Alb.) [[1993] A.J. no 677 (Q.L.)].

Je suis d’avis que, dans le cadre du regroupement de radiodiffuseurs, la SRC (CBC) agit à titre de radiodiffuseur et non comme mandataire de l’État. Aucune loi au Canada n’empêche un radiodiffuseur de prendre part à l’organisation de tels débats. La jurisprudence américaine n’est d’aucune utilité à cet égard.

Dans Trieger, supra, le juge Campbell examine succinctement certains facteurs importants pour conclure que le fait de priver la population de la possibilité de suivre le débat irait à l’encontre de l’intérêt public. Voici ce qu’il dit aux pages 276 et 277 :

[traduction] Les avocats n’ont cité aucune décision où un tribunal aurait eu le dessein de déterminer ce que les radiodiffuseurs devaient ou ne devaient pas couvrir en ce qui a trait aux débats politiques publics qui sont dignes de l’intérêt des médias, pendant une campagne électorale. La présente affaire ne porte pas sur l’application des règles relatives au temps d’antenne gratuit accordé également aux partis politiques ou de celles concernant le temps d’antenne acheté par ceux-ci, pendant une campagne électorale. Il n’est question, en l’espèce, que de la couverture des débats entre les chefs de partis nationaux qui sont jugés dignes d’intérêt par les réseaux en cause.

Bien que la présente affaire vise non seulement les débats, mais aussi les assemblées, le raisonnement du juge Campbell s’applique tout autant à ces dernières. En outre, tous les autres chefs ont été invités à participer à une autre émission de télévision leur permettant de faire connaître leur point de vue au public suivant des modalités qui restent à déterminer.

Même si le Parti de la loi naturelle n’a pas présenté de plainte au CRTC, je partage l’avis du juge Campbell, exprimé à la page 277 du jugement Trieger, selon lequel la Cour ne doit pas se substituer à un organisme de réglementation :

[traduction] En règle générale, il n’appartient pas au tribunal de jouer le rôle de l’organisme de réglementation. Le CRTC demeure saisi de la plainte des requérants. Je ne crois pas qu’il soit opportun, aux fins de juger la présente affaire au fond, que la Cour se substitue à l’organisme de réglementation et se prononce sur des questions qui relèvent de la compétence du CRTC. Ce n’est pas non plus le rôle de la Cour d’élaborer un nouveau cadre réglementaire régissant le programme de radiodiffusion des débats politiques nationaux au pays. La réglementation des ondes est du ressort du législateur fédéral, sous réserve des limites constitutionnelles applicables. Le législateur a, à cette fin, opté pour les mécanismes prévus dans la Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, ch. B-11, et pour le CRTC.

Le juge Campbell examine ensuite les raisons pour lesquelles la Charte canadienne [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] ne devrait pas s’appliquer à la SRC (CBC) en sa qualité de radiodiffuseur. Voici ce qu’il dit à la page 278 :

[traduction] La Charte canadienne des droits et libertés s’applique à l’État et à ses actes. Elle limite le pouvoir de l’État, mais non les droits des personnes physiques ou morales qui sont indépendantes de l’État et qui n’exercent pas des fonctions publiques.

Ce n’est pas à l’État ni aux tribunaux de dicter aux médias le contenu de leurs reportages. Les radiodiffuseurs jouent un rôle très déterminant dans le processus démocratique, et ils doivent exercer leur fonction de manière tout à fait indépendante de l’État.

Le CRTC n’a pas délégué ses pouvoirs, notamment au chapitre de la réglementation, à des radiodiffuseurs privés ou à la Société Radio-Canada (la « SRC » (CBC)). En accordant aux radiodiffuseurs une grande marge de manœuvre en ce qui a trait au traitement équitable des sujets, des candidats et des partis pendant les campagnes électorales, le CRTC privilégie la liberté éditoriale du radiodiffuseur, plutôt que la délégation à ce dernier de quelque pouvoir de réglementation.

Le juge Campbell examine ensuite le bien-fondé de la requête dont il est saisi et, vu la ressemblance avec la présente affaire, j’applique le même raisonnement à la demande qui m’est présentée. Voici un extrait de sa décision, aux pages 279 et 280 :

[traduction] Ce que les requérants demandent en fait c’est que la Cour dicte le contenu et le déroulement du débat politique au cours des prochaines élections fédérales. Il appartient aux chefs des différents partis politiques de déterminer, à leur gré, sans aucune contrainte du tribunal, avec quelles personnes ils souhaitent débattre les questions de l’heure, ainsi que le moment où le débat aura lieu et ses modalités. La Cour n’a pas à imposer les modalités du déroulement d’un débat politique. Il n’appartient pas à la Cour, surtout lorsqu’elle est saisie d’une demande d’injonction interlocutoire comme c’est le cas en l’espèce, où la possibilité d’examiner attentivement les faits et les questions de droit est exclue, de restreindre la liberté d’expression des différents chefs de partis en dictant la forme et le contenu d’un débat et en imposant des participants à celui-ci. Ce n’est pas non plus le rôle de la Cour de déterminer, de quelque manière que ce soit, à l’intention des rédacteurs en chef, ce qui constitue une nouvelle et ce qui ne l’est pas, sauf, bien sûr, lorsqu’il s’agit de prononcer une ordonnance de non-publication en matière pénale et de certains autres cas exceptionnels. Ce sont les radiodiffuseurs et les rédacteurs en chef qui doivent décider de ce qu’ils diffuseront. Leur décision de couvrir ou non un événement en particulier relève, pour reprendre les termes de la Cour suprême des États-Unis dans Columbia Broadcasting System, Inc. v. Democratic Nat. Committee; Federal Communications Com’n v. Business Executives’ Move for Vietnam Peace; Post-Newsweek Stations v. Business Executives’ Move for Vietnam Peace; American Broadcasting Companies Inc. v. Democratic Nat. Committee, 412 U.S. 94, à la p. 118 (1973), [traduction] « du pouvoir discrétionnaire du journaliste ». La prise d’une telle décision par un rédacteur en chef n’équivaut pas à l’exercice de fonctions dévolues à l’État.

L’enjeu de la présente affaire porte sur une importante garantie constitutionnelle, soit la liberté de la presse et des autres moyens de communication, plus particulièrement, celle des radiodiffuseurs. Le difficile équilibre entre les droits constitutionnels de ceux-ci et ceux que font valoir les requérants fait intervenir un processus très complexe de réglementation de la radiodiffusion fondé sur les faits pertinents. Un tel arbitrage exigerait de la Cour qu’elle prenne en considération beaucoup plus de faits que ceux dont elle dispose actuellement à la veille du débat en cause et à une date aussi rapprochée des élections.

Depuis 1991, les modifications apportées à la nouvelle Loi sur la radiodiffusion ont eu pour effet de renforcer la liberté d’expression des radiodiffuseurs; se reporter à cet égard au paragraphe 2(3) applicable à tous les radiodiffuseurs et aux paragraphes 35(2), 46(5) et 52(1) qui visent expressément la SRC (CBC). De prime abord, les critères retenus ne semblent pas déraisonnables au point de justifier l’intervention de la Cour. Ils ne sont ni arbitraires ni inéquitables ni fondés sur des considérations manifestement déraisonnables.

Le juge Campbell, aux pages 281 et 282, fait une mise en garde contre les risques de l’intervention judiciaire dans le domaine journalistique lorsqu’elle donne suite aux demandes de groupes qui cherchent à obtenir une plus grande attention de la part des médias en invoquant la liberté d’expression :

[traduction] Les requérants soutiennent que la politique du radiodiffuseur de même que la non-application de celle-ci violent leur liberté d’expression. Il ressort nullement des éléments dont je dispose que l’exercice de leur liberté d’expression exige que la Cour force le radiodiffuseur à communiquer leur point de vue au public, ni que le fait de ne pas recevoir de la part du radiodiffuseur l’attention à laquelle ce groupe estime, en toute bonne foi, avoir droit, porterait atteinte au droit de vote de quelque citoyen. Le prononcé des ordonnances demandées ne favoriserait pas le caractère public et libre du débat politique. Il porterait atteinte au débat public et au débat politique en imposant une certaine forme d’échanges à des participants réticents.

Je me prononcerai plus avant sur le bien-fondé des arguments d’ordre constitutionnel invoqués par les requérants. Je suis d’avis que ceux-ci doivent, au procès, surmonter des obstacles juridiques considérables. En effet, au chapitre de la liberté d’expression, le droit d’une personne de s’exprimer n’emporte pas nécessairement celui d’obliger une autre personne à l’écouter ou à transmettre son message au public. Cette mise au point a été faite par le juge en chef Thurlow, de la Cour fédérale, dans New Brunswick Broadcasting Co., Ltd. c. CRTC (1984), 13 D.L.R. (4th) 77 à la p. 89, 2 C.P.R. (3d) 433, [1984] 2 C.F. 410 (C.A.).

À la page 283, le juge Campbell conclut ce qui suit relativement au bien-fondé de la requête dont il est saisi :

[traduction] Ce n’est pas le genre de redressement qui devrait être accordé sur présentation d’une telle demande d’injonction interlocutoire. Les questions en litige sont complexes, et la partie requérante ne m’a pas convaincu qu’une question sérieuse devait être tranchée, c’est-à-dire que l’affaire soulève une question juridique suffisamment importante pour que la Cour prenne une mesure exceptionnelle et prononce l’ordonnance demandée avant que l’instruction ait lieu.

« Le but d’une injonction interlocutoire est de maintenir ou de rétablir le statu quo, et non d’accorder son redressement au demandeur, jusqu’au moment de l’instruction ». Il s’agit d’un extrait de la décision du juge Mahoney dans Procureur général du Canada c. Gould, (1984) 13 D.L.R. (4th) 485 à la p. 490, [1984] 1 C.F. 1133, 42 C.R. (3d) 88 (C.A.), citée en cour divisionnaire dans Re Metropolitan Toronto School Board and Minister of Education (1985), 53 O.R. (2d) 70, à la p. 81, 23 D.L.R. (4th) 303 à la p. 313, 6 C.P.C. (2d) 281 à la p. 293.

Je souhaite également préserver le statu quo jusqu’au moment de l’instruction. Dans la présente affaire, une injonction interlocutoire aurait pour effet d’accorder aux requérants le redressement demandé sans procéder à l’instruction. Dans National Party, supra, le juge Berger souscrit à l’essentiel du raisonnement qui précède. Comme je devais me prononcer rapidement, je n’ai pas eu le loisir d’examiner attentivement ses motifs, mais je suis d’accord avec ses conclusions.

Le raisonnement qui précède vaut aussi à l’égard de la Déclaration canadienne des droits [L.R.C. (1985), appendice III]. Cette dernière garantit la liberté de la presse et, derechef, la Cour ne doit pas tenter d’établir un équilibre entre ce droit et la liberté d’expression dans le cadre d’une demande d’injonction interlocutoire.

Malgré les arguments forts valables invoqués par l’avocat des requérants, je ne suis pas convaincu que ceux-ci ont satisfait au critère juridique selon lequel une question sérieuse doit être tranchée et je ne crois pas qu’ils ont établi le bien-fondé de leur demande selon la prépondérance des probabilités. La requête est rejetée.

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