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[2002] 1 C.F. 266

T-425-00

2001 CFPI 865

FileNET Corporation (demanderesse)

c.

Le registraire des marques de commerce, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre du Revenu national (défendeurs)

Répertorié : FileNET Corp. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1re inst.)

Section de première instance, juge BlaisToronto, 12 juin; Ottawa, 7 août 2001.

Marques de commerce — Pratique — La demanderesse est titulaire d’une licence de la propriétaire de la marque « Filenet » enregistrée en 1989 en vue d’être employée en liaison avec du matériel informatique, des logiciels et des systèmes bureautiques servant au traitement de documents commerciaux — Demande de contrôle judiciaire de la décision du registraire d’accepter aux fins de publication pour le compte de la défenderesse l’avis de la marque officielle « Netfile » permettant la production par Internet des déclarations de revenu — Appel interjeté conformément à l’art. 56 de la Loi sur les marques de commerce de la décision du registraire de donner un avis public de la marque « Netfile et le dessin y afférent », fondé sur le fait que la défenderesse n’avait pas adopté et employé la marque en liaison avec ses services avant de soumettre sa demande au registraire — Compte tenu de la décision Maple Leaf Meats Inc. c. Consorzio Del Prosciutto di Parma (2000), 9 C.P.R. (4th) 485 (C.F. 1re inst.), la demanderesse devait engager l’instance par voie de contrôle judiciaire — La demanderesse avait qualité pour agir en vue de présenter la demande de contrôle judiciaire car elle était directement touchée par l’adoption de la marque officielle puisqu’il pouvait être mis fin à sa capacité de prendre de l’essor — En outre, la demanderesse était touchée si la marque officielle créait de la confusion avec sa marque.

Marques de commerce — Enregistrement — La demanderesse est titulaire d’une licence de la propriétaire de la marque « Filenet » enregistrée en 1989 en vue d’être employée en liaison avec du matériel informatique, des logiciels et des systèmes bureautiques — La défenderesse a demandé au registraire de donner un avis public d’adoption et emploi de « Netfile » et de « Impôtnet » conformément à l’art. 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce en liaison avec la production par Internet des déclarations de revenu — Si le registraire avait été induit en erreur sur des questions telles que l’adoption et l’emploi, la marque officielle serait « invalide » en ce sens qu’il pourrait être déclaré qu’elle ne fait jouer aucun des droits ou interdictions prévus aux art. 9 et 11 — La marque « Netfile » avait été adoptée et employée comme marque officielle au Canada avant que le registraire ait signifié un avis public de son adoption et de son emploi — Le fait que la marque a été annoncée et qu’elle a été consultée sur le site Web de la défenderesse avant que l’avis public soit donné suffit pour établir que la marque a été adoptée et employée par la défenderesse — Il n’est pas nécessaire que les formules d’impôt aient effectivement été délivrées pour que la marque officielle puisse être considérée comme ayant été adoptée et employée — Une analogie peut être faite avec les marques officielles adoptées pour les jeux olympiques.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Certiorari — La demanderesse, titulaire d’une licence de la propriétaire de la marque de commerce « Filenet » enregistrée en 1989, demande le contrôle judiciaire de la décision du registraire d’accepter aux fins de publication pour le compte de la défenderesse l’avis de la marque officielle « Netfile » — La demanderesse avait qualité pour agir en vue de présenter la demande de contrôle judiciaire car elle était directement touchée par l’adoption de la marque officielle puisqu’il pouvait être mis fin à sa capacité de prendre de l’essor — En outre, la demanderesse était touchée si la marque officielle créait de la confusion avec sa marque — Il est contraire à l’intérêt public de laisser un avis public continuer à s’appliquer lorsqu’il n’est pas valide puisque cela peut servir à affaiblir le caractère distinctif de l’enregistrement de la marque de commerce — Il ressort de la jurisprudence que l’instance devait être engagée par voie de contrôle judiciaire.

Droit administratif — Appels prévus par la loi — La demanderesse demande le contrôle judiciaire de la décision du registraire d’accepter une marque officielle aux fins de publication pour le compte de la défenderesse et interjette appel conformément à l’art. 56 de la Loi sur les marques de commerce de la décision du registraire de donner un avis public de la marque « Netfile et du dessin y afférent » — Compte tenu de la décision Maple Leaf Meats Inc. c. Consorzio Del Prosciutto di Parma (2000), 9 C.P.R. (4th) 485 (C.F. 1re inst.), l’instance devait être engagée par voie de contrôle judiciaire.

Il s’agit d’une demande en vue de l’obtention d’un jugement déclaratoire portant que la décision du registraire d’accepter aux fins de publication et de publier pour le compte de la défenderesse l’avis de la marque officielle « Netfile », conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, est illicite et invalide, ainsi que d’une ordonnance annulant sa décision. Le sous-alinéa 9(1)n)(iii) interdit d’adopter une marque dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec toute marque adoptée et employée par une autorité publique au Canada comme marque officielle à l’égard de laquelle le registraire a donné un avis public d’adoption et emploi. La demanderesse est titulaire d’une licence de la propriétaire de la marque « Filenet » enregistrée en 1989 en vue d’être employée en liaison avec ceci : « Matériel informatique, logiciels et matériel périphérique; systèmes bureautiques servant à la mise en mémoire, à l’extraction, à la manipulation et au traitement de documents commerciaux. » La demanderesse a également interjeté appel conformément au paragraphe 56(1) de la décision du registraire de donner un avis public de la marque « Netfile et du dessin y afférent » en se fondant sur le fait que l’Agence des Douanes et du Revenu du Canada (l’Agence) n’avait pas adopté et employé la marque en liaison avec ses services avant de soumettre sa demande au registraire.

L’Agence devait mettre en oeuvre un programme permettant la production par Internet des déclarations de revenu des particuliers relatives à l’année d’imposition 1999 pour la période de production 2000. On a choisi les noms « Netfile » (en anglais) et « Impôtnet » (en français) pour ce programme à la fin du mois de mai 1999. Une recherche effectuée en juin 1999 n’a permis de découvrir aucune inscription dans le registre des marques de commerce en ce qui concerne les marques « Netfile » et « Impôtnet », et l’Agence a approuvé l’emploi de ces noms pour le programme. Un communiqué de presse a été publié le 15 juin 1999. Le mot « Netfile » figurait dans le « localisateur de ressources uniformes » (l’URL) pour la page du site Web de l’Agence renfermant ce communiqué de presse. En juillet 1999, un agent de marques de commerce autorisé a effectué une recherche officielle au sujet des mots « Netfile » et « Impôtnet ». Il a établi qu’ils pouvaient être employés et enregistrés au Canada. Le 30 août 1999, la défenderesse a soumis sa demande au registraire pour qu’un avis public soit donné au sujet de la marque « Netfile » et du dessin y afférent conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii). Dans la demande, on disait que le ministre du Revenu national avait adopté et employé la marque « Netfile et le dessin y afférent » au Canada en liaison avec la « production de renseignements de nature fiscale auprès de Revenu Canada ou de l’Agence ». Le logo « Netfile » a pour la première fois figuré sur le site Web de l’Agence le 31 août 1999. Le 2 septembre 1999, les Services gouvernementaux de télécommunications et d’informatique ont informé l’Agence que le sous-domaine « netfile.gc.ca » avait été approuvé en vue de son emploi conformément aux demandes de l’Agence. Le registraire a donné un avis public de la marque « Netfile et du dessin y afférent » le 29 décembre 1999.

Les points litigieux étaient : 1) La présente instance devrait-elle être engagée par voie d’appel ou par voie de contrôle judiciaire? 2) La demanderesse est-elle touchée par l’avis donné en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii), de sorte qu’elle a qualité pour agir dans la présente instance ou que l’instance est efficace? 3) La validité d’un avis donné en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) dépend-elle de l’adoption ou de l’emploi de la marque en question par l’autorité publique? 4) Dans l’affirmative : (4)a) À quel moment l’adoption et l’emploi doivent-ils avoir lieu par rapport à la signification de l’avis? b) L’Agence avait-elle adopté et employé la marque « Netfile » à ce moment-là?

Jugement : la demande doit être rejetée.

1) Compte tenu de la décision Maple Leaf Meats Inc. c. Consorzio Del Prosciutto Di Parma (2000), 9 C.P.R. (4th) 485 (C.F. 1re inst.), la demande de contrôle judiciaire était la procédure appropriée pour la demanderesse en l’espèce.

2) La demanderesse a invoqué l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale qui autorise à présenter une demande de contrôle judiciaire quiconque est directement touché par l’objet de la demande. La demanderesse a démontré qu’elle était directement touchée par l’adoption de la marque officielle par la défenderesse et qu’elle avait qualité pour agir en vue de présenter la demande de contrôle judiciaire. Même si une marque qui a été employée avant l’adoption de la marque officielle peut continuer à être employée après l’adoption de cette marque, il peut être mis fin à la capacité de la demanderesse de prendre de l’essor au moyen de l’adoption de la marque officielle. En outre, si la marque officielle crée de la confusion avec celle de la demanderesse, elle touche cette dernière. La demanderesse a soutenu en outre qu’il est contraire à l’intérêt public de laisser un avis public continuer à s’appliquer lorsqu’il n’est pas valide puisque cela peut servir à affaiblir le caractère distinctif de l’enregistrement de sa marque de commerce ou, subsidiairement, que cela peut empêcher l’adoption et l’emploi de marques qui seraient par ailleurs disponibles si ce n’était de l’inscription de la marque officielle qui est invalide.

La question qui est ici soulevée n’a pas un intérêt purement théorique simplement parce que la demanderesse pourrait à bon droit faire une nouvelle demande au registraire puisqu’il est certain qu’elle a maintenant adopté et employé la marque.

3) Si le registraire avait été induit en erreur sur des questions telles que l’adoption et l’emploi, la marque officielle serait « invalide » en ce sens qu’il pourrait être déclaré qu’elle ne fait jouer aucun des droits ou interdictions prévus aux articles 9 et 11. Elle ne serait pas uniquement inopposable par une autorité publique. L’article 9 impose aux autorités publiques l’obligation de prouver l’adoption et l’emploi dans tous les cas où survient un différend.

4)a) La défenderesse devait démontrer qu’elle avait adopté et employé la marque officielle au Canada avant que le registraire ait donné un avis public de l’adoption et de l’emploi de la marque, le 29 décembre 1999.

b) La marque « Netfile » avait été adoptée et employée comme marque officielle avant que le registraire ait signifié un avis public de son adoption et de son emploi. Le fait que la marque a été annoncée et qu’elle a été consultée sur le site Web de la défenderesse avant que l’avis public soit donné suffit pour établir que la marque a été adoptée et employée par la défenderesse. Il n’est pas nécessaire que les formules d’impôt aient effectivement été délivrées pour que la marque officielle puisse être considérée comme ayant été adoptée et employée. La situation est analogue à celle des marques officielles adoptées pour les jeux olympiques. Le fait que les jeux ne doivent avoir lieu que quatre années après que la marque officielle a été employée dans une annonce et qu’elle a été révélée au public n’empêche pas son adoption et son emploi avant la tenue des jeux. Si pareille approche était acceptée, les marques officielles liées aux jeux olympiques pourraient uniquement être considérées comme étant adoptées et employées au moment où les jeux commencent. La défenderesse ne se proposait pas d’employer la marque officielle; elle employait cette marque en liaison avec les services lorsqu’elle l’a annoncée et qu’elle l’a fait connaître au public.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 2 « emploi » ou « usage », 3, 4, 9(1)n)(iii), 11, 56(1).

JURISPRUDENCE

décisions appliquées :

Maple Leaf Meats Inc. c. Consorzio Del Prosciutto Di Parma (2000), 9 C.P.R. (4th) 485 (C.F. 1re inst.); Unitel International Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2000), 9 C.P.R. (4th) 127; 260 N.R. 95 (C.A.F.); Ordre des architectes de l’Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario, [2001] 1 C.F. 577 (2000), 9 C.P.R. (4th) 496 (1re inst.); Assoc. des Grandes Soeurs de l’Ontario c. Les Grands Frères du Canada (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.); conf. par (1999), 86 C.P.R. (3d) 504; 242 N.R. 171 (C.A.F.); Techniquip Ltd. c. Assoc. olympique canadienne (1998), 80 C.P.R. (3d) 225; 145 F.T.R. 59 (C.F. 1re inst.).

décisions examinées :

Assoc. Olympique Canadienne c. Allied Corp., [1990] 1 C.F. 769 (1989), 26 C.I.P.R. 157; 28 C.P.R. (3d) 161 (C.A.); Magnotta Winery Corp. c. Vintners Quality Alliance of Canada (1999), 1 C.P.R. (4th) 68; 163 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.); Société canadienne des postes c. Post Office, [2001] 2 C.F. 63 (2000), 8 C.P.R. (4th) 289; 191 F.T.R. 300 (1re inst.); Hearst Communications c. Agora Cosmopolitan National New Magazine, Inc., T-1845-99 (1re inst.), jugement en date du 2-5-00.

DOCTRINE

Hughes, Roger T. et T. P. Ashton. Hughes on Trade Marks, éd. à feuillets mobiles, (Toronto : Butterworths, 1984).

Morrow, A. David. « Official Marks » in G. F. Henderson, (ed.), Trade-marks Law of Canada (Toronto : Carswell, 1993) 377.

DEMANDE en vue de l’obtention d’un jugement déclaratoire portant que la décision du registraire d’accepter aux fins de publication et de publier pour le compte de la défenderesse l’avis de la marque officielle « Netfile » conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce est illicite et invalide, ainsi que d’une ordonnance annulant la décision du registraire. (FileNET Corp. c. Canada (Registraire des marques de commerce), 2001 CFPI 864; [2001] A.C.F. no 1239 (1re inst.) (QL)). Demande rejetée.

ONT COMPARU :

Kenneth D. McKay pour la demanderesse.

F. B. Woyiwada pour la défenderesse.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim, Hughes, Ashton & McKay LLP, Toronto, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge Blais : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5], en vue de l’obtention d’un jugement déclaratoire portant que la décision du registraire des marques de commerce (le registraire) est illicite et invalide, ainsi que d’une ordonnance annulant la décision du registraire d’accepter aux fins de publication et de publier pour le compte de la défenderesse l’avis de la marque officielle « Netfile », dossier no 911,345, conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) [de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13], (la Loi), cet avis ayant été publié dans le Journal des marques de commerce canadien le 29 décembre 1999, à la page 155.

[2]        FileNET Corp. (la demanderesse) a également interjeté appel, conformément au paragraphe 56(1) de la Loi contre la décision du registraire de donner un avis public de la marque « Netfile et le dessin y afférent » en se fondant sur le fait que Sa Majesté (la défenderesse ou l’Agence des Douanes et du Revenu du Canada ou l’Agence) n’avait pas adopté et employé la marque « Netfile et le dessin y afférent » en liaison avec ses services avant de soumettre sa demande au registraire.

[3]        Le présent appel est examiné dans le cadre d’une autre décision en date du 7 août 2001, dans le dossier T-48-00 [2001 CFPI 864; [2001] A.C.F. no 1239 (QL)]. Les parties ont convenu de présenter en même temps les observations orales et écrites qu’elles soumettent dans les deux dossiers, deux décisions distinctes devant cependant être rendues.

LES FAITS

[4]        La demanderesse est titulaire d’une licence de FileNet Canada Inc., propriétaire de la marque de commerce « FILENET » au Canada, laquelle est enregistrée sous le numéro TMA352,209. La marque de commerce « FILENET » a été enregistrée en 1989 en vue d’être employée en liaison avec les marchandises suivantes : [traduction] « Matériel informatique, logiciels et matériel périphérique; systèmes bureautiques servant à la mise en mémoire, à l’extraction, à la manipulation et au traitement de documents commerciaux. »

[5]        En 1993, l’Agence des Douanes et du Revenu du Canada (autrefois ministère du Revenu national) a mis sur pied à l’échelle nationale un programme connu sous le nom d’«EFILE » (en anglais), qui permettait aux contribuables de produire leurs déclarations de revenu électroniquement. En 1998, l’Agence a mis sur pied à l’échelle nationale un programme similaire connu sous le nom de « TELEFILE » (en anglais), qui permettait la production de déclarations de revenu des particuliers par téléphone.

[6]        La défenderesse devait mettre en œuvre un troisième programme similaire, permettant la production par Internet des déclarations de revenu des particuliers relatives à l’année d’imposition 1999 pour la période de production 2000. On a choisi les noms « Netfile » (en anglais) et « Impôtnet » (en français) pour ce programme vers la fin du mois de mai 1999.

[7]        Une recherche effectuée au mois de juin 1999 n’a permis de découvrir aucune inscription dans le registre des marques de commerce en ce qui concerne les marques « Netfile » et « Impôtnet ».

[8]        Au mois de juin 1999, le directeur général de la Direction générale des communications de l’Agence a approuvé l’emploi des noms « Netfile » et « Impôtnet » pour le programme et ces mots sont depuis lors employés à l’interne pour désigner le projet.

[9]        Le 15 juin 1999, un communiqué de presse a été publié par l’Agence. Ce communiqué, qui a été publié sous forme imprimée et sur le site Web de la défenderesse, traitait de la production par Internet. À ce moment-là, le mot « Netfile » figurait dans le « localisateur de ressources uniformes » (l’URL) pour la page du site Web de l’Agence des Douanes et du Revenu du Canada renfermant ce communiqué de presse.

[10]      L’emploi des mots « Netfile » et « Impôtnet » pour ce projet ayant été approuvé à l’interne, l’Agence a passé un contrat avec un agent de marques de commerce autorisé pour qu’il effectue une recherche officielle au Canada au sujet des mots « Netfile » et « Impôtnet ». On cherchait ainsi à établir si ces mots pouvaient être employés comme marques officielles par le gouvernement du Canada et l’on voulait obtenir un rapport de recherche.

[11]      Le rapport de l’agent, qui a été remis à la défenderesse au mois de juillet 1999, montrait que les mots « Netfile » et « Impôtnet » pouvaient être employés et enregistrés au Canada en vertu de l’article 9 de la Loi.

[12]      Le 10 août 1999, l’Agence a cherché à obtenir les noms de domaine « netfile.gc.ca » et « impôtnet.gc.ca » afin d’assurer l’emploi exclusif de ces mots comme adresses électroniques.

[13]      Le 11 août 1999, une demande a été faite à la Direction des services à la clientèle de la Direction générale de l’informatique de l’Agence, pour que les logos projetés « Netfile » et « Impôtnet » soient ajoutés au site Web existant de l’Agence.

[14]      Les logos ont pour la première fois figuré sur le site Web de l’Agence le 31 août 1999. Le lendemain, le logo Netfile figurant sur le site Web de l’Agence avait été consulté ou utilisé (taux d’activité) 196 fois.

[15]      Le 30 août 1999, la défenderesse a soumis sa demande au registraire pour qu’un avis public soit donné au sujet de la marque Netfile et le dessin y afférent conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.

[16]      Dans la demande, on disait que le ministre du Revenu national (le MRN) avait adopté et employé la marque « Netfile et le dessin y afférent » au Canada en liaison avec la [traduction] « production de renseignements de nature fiscale auprès de Revenu Canada ou de l’Agence des Douanes et du Revenu du Canada ».

[17]      Le 8 octobre 1999, le Bureau des marques de commerce a officiellement accepté les demandes que l’Agence avait présentées en vertu de l’article 9 de la Loi à l’égard des logos « Netfile » et « Impôtnet ». Les demandes ont par la suite été acceptées pour publication le 23 novembre 1999. Le registraire a donné un avis public de la marque Netfile et du dessin y afférent à la page 155 du Journal des marques de commerce le 29 décembre 1999.

LES POINTS LITIGIEUX

[18]      1- La présente instance devrait-elle être engagée par voie d’appel ou par voie de contrôle judiciaire?

2- La demanderesse est-elle touchée par l’avis donné en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, de sorte qu’elle a qualité pour agir dans la présente instance ou que l’instance est efficace?

3- La validité d’un avis donné en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) dépend-elle de l’adoption ou de l’emploi de la marque en question par l’autorité publique?

4- Dans l’affirmative :

a) À quel moment l’adoption et l’emploi doivent-ils avoir lieu par rapport à la signification de l’avis?

b) L’Agence avait-elle adopté et employé la marque « Netfile » à ce moment-là?

ANALYSE

1-    La présente instance devrait-elle être engagée par voie d’appel ou par voie de contrôle judiciaire?

[19]      Les parties n’ont pas expressément soulevé la question. Toutefois, la demanderesse a présenté deux demandes, un appel fondé sur la Loi et une demande de contrôle judiciaire de la décision du registraire. Il ressort de la jurisprudence que la demanderesse devait engager la présente instance par voie de contrôle judiciaire.

[20]      Dans la décision Maple Leaf Meats Inc. c. Consorzio Del Prosciutto Di Parma (2000), 9 C.P.R. (4th) 485 (C.F. 1re inst.), le juge O’Keefe a examiné la jurisprudence sur ce point; voici ce qu’il a dit [aux pages 492 à 495] :

L’appelante n’était pas partie à la procédure devant le registraire. La question se pose donc de savoir si l’appelante a le droit d’interjeter appel de la décision du registraire de publier la marque en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi en formant un appel conformément à l’article 56 de la Loi.

L’une des difficultés majeures que doit surmonter l’appelante tient au fait qu’elle n’était pas partie à la procédure devant le registraire. Il ne s’agit pas en l’espèce d’un appel interjeté en vertu de l’article 56 par l’auteur débouté d’une demande de publication fondée sur le sous-alinéa 9(1)n)(iii), mais d’un appel formé par un tiers qui prétend être touché par la publication.

La Cour s’est prononcée à plusieurs occasions sur les mécanismes de révision ou d’appel d’une décision rendue par le registraire en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii). Dans l’arrêt Assoc. olympique canadienne c. USA Hockey Inc. (1999), 3 C.P.R. (4th) 259 (C.A.F.), à la page 260, Mme le juge Desjardins a écrit :

Il n’y a pas lieu de déterminer si l’appelante aurait dû interjeter appel ou demander un contrôle judiciaire. Nous sommes convaincus que la présentation d’une demande contestant la décision implicite du registraire selon laquelle les intimées USA BASKETBALL et USA HOCKEY INC. étaient des « autorité[s] publique[s] » aux fins du sous-alinéa 9(1)n) (iii) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, ne constituait pas la procédure appropriée.

Et dans la décision Magnotta Winery Corp. c. Vintners Quality Alliance of Canada (1999), 1 C.P.R. (4th) 68 (C.F. 1re inst.), Mme le juge Reed a dit, aux pages 75 et 76 :

L’avocat de la VQA a répondu de la façon suivante : (1) Magnotta ne pouvait invoquer l’article 57 pour faire radier une marque officielle du registre parce que cette marque ne figurait pas au registre; (2) elle n’avait pas de droit d’appel concernant la décision du registraire en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle n’était pas partie à la décision du registraire et que, de toute façon, le délai pour interjeter appel était expiré; (3) Magnotta ne pouvait demander le contrôle judiciaire en vertu de l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, parce qu’elle n’avait pas d’intérêt légal dans la décision au moment où celle-ci a été prise et que, de toute façon, le délai prévu pour déposer une telle demande était expiré.

Il n’est pas si certain que les demanderesses puissent interjeter appel en s’appuyant sur l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce. Le paragraphe 56(1) dispose comme suit :

56(1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

Dans la décision Assoc. olympique canadienne c. USA Hockey Inc. (1997), 74 C.P.R. (3d) 348 (C.F. 1re inst.), à la p. 350, le juge en chef adjoint Jerome déclarait qu’aucune disposition n’autorisait la révocation d’une marque officielle, ni l’annulation de la décision du registraire de donner un avis public d’adoption et d’emploi d’une marque officielle. Toutefois, il précise que « la seule voie de recours qui était ouverte à la demanderesse en ce qui concerne la décision du registraire, en supposant qu’elle avait qualité pour agir, était d’interjeter appel ». On trouve une déclaration semblable dans la décision Assoc. olympique canadienne c. USA Basketball, [1997] A.C.F. no 825 (13 juin 1997), paragraphe 7 [résumée à 72 A.C.W.S. (3d) 345]. Par ailleurs, dans l’extrait tiré de l’ouvrage Hughes on Trade Marks, aux pages 453 et 454, à la note 27, les auteurs indiquent qu’à leur avis ces déclarations sont erronées étant donné qu’il n’y a pas de procédure concernant un avis visé à l’alinéa 9(1)n) dont une personne autre que la personne qui demande cet avis pourrait interjeter appel.

Elle a ajouté, à la page 79 :

Je reviens à la question de savoir si la demande de contrôle judiciaire est de toute façon la procédure appropriée. D’après ce que je comprends, d’autres demandeurs ont intenté des actions par voie d’appel fondé sur l’article 56 (par exemple, dans le dossier T-2127-98). Comme il a été noté ci-dessus, il n’est pas certain que ce soit là la procédure appropriée. Il est certain qu’une demande de contrôle judiciaire est une procédure qui sied bien à une situation dans laquelle aucun avis n’a été donné à une partie intéressée et je note que les tribunaux ont intégré implicitement de telles exigences dans les procédures législatives quand celles-ci n’étaient pas exigées par la loi. L’avocat des demanderesses est d’avis qu’une demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 18.1 est le recours juridique le plus approprié. Il ne fait aucun doute que ce n’est pas la présente Cour qui se prononcera sur la procédure appropriée. Cette décision appartient à la Cour d’appel. Toutefois, il peut être justifié d’intenter les deux instances simultanément. Dans la mesure où il est nécessaire d’avoir un intérêt légal pour déposer une demande de contrôle judiciaire, je ne suis pas convaincue que seules les parties qui ont participé à la procédure qui a mené à la décision dont on demande le contrôle ont un tel intérêt. Il en est ainsi à tout le moins lorsque la personne intéressée n’a pas obtenu d’avis ou n’a pas eu la possibilité de participer à la procédure.

La dernière décision portant sur un appel ou une demande de contrôle d’une décision rendue par registraire en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) est la décision Ordre des architectes de l’Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario (26 octobre 2000), dossier no T-1157-99 (C.F. 1re inst.) (Ordre des architectes). Dans cette cause, les demandeurs sollicitaient une ordonnance infirmant la décision du registraire des marques de commerce de donner, en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, un avis public de l’emploi et de l’adoption de certaines marques officielles par l’intimée, l’Association of Architectural Technologists of Ontario. Il ressort clairement de la décision du juge McKeown que l’énoncé de la demande, fondée sur l’article 56 selon ce qui a été prétendu à l’audition, ne mentionnait pas expressément l’article 56. Le juge McKeown a finalement conclu que l’affaire lui était soumise par voie de contrôle judiciaire. Voici les propos qu’il a tenus, aux pages 5 et 6 de sa décision :

Le demandeur a porté la présente affaire à l’attention de la Cour au moyen d’une demande. Dans ses observations écrites, il a soutenu que la demande a été présentée par voie d’appel en application de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce et de la Règle 300 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui exige qu’un appel fondé sur l’article 56 soit présenté au moyen d’une demande. Cependant, la demande en soi ne renvoie nullement à un appel visé à l’article 56.

Par sa demande, le demandeur cherche à obtenir [traduction] « une ordonnance annulant la décision du registraire des marques de commerce… de donner un avis public de l’adoption et de l’emploi par la défenderesse » des marques officielles ainsi qu’une ordonnance portant [traduction] « que la publication des marques officielles […] dans le Journal des marques de commerce en date du 28 avril 1999 est nulle ab initio et inopérante ».

Le demandeur n’était pas partie à l’affaire dont le registraire était saisi et, à mon avis, il n’a pas qualité pour procéder par voie d’appel. Toutefois, il a certainement un intérêt à l’égard de ces marques officielles. Effectivement, le demandeur est concerné par la décision du registraire, parce que l’article 11 de la Loi sur les marques de commerce interdit à quiconque d’employer une marque officielle comme marque de commerce ou autrement. Par conséquent, lorsqu’aucun autre moyen d’appel n’existe, il est possible de présenter une demande de contrôle judiciaire. À mon sens, l’affaire a été portée à bon droit à mon attention à titre de demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

Le droit d’appel établi par le paragraphe 56(1) de la Loi n’est pas limité à quelqu’un en particulier, mais il ne s’ensuit pas que n’importe qui peut déposer un avis d’appel. Comme l’a dit le juge Pinard de notre Cour dans l’affaire Restaurants Pacini Inc. c. Pachino’s Pizza Ltd. (28 octobre 1994), dossier no T-3149-92 (C.F. 1re inst.), à la page 4 [publié à 112 F.T.R. 29 à la p. 32] :

À mon avis, bien que l’appel statutaire énoncé au paragraphe 56(1) ne soit pas expressément réservé à quiconque en particulier, cela ne veut pas dire pour autant que toute personne peut exercer ce droit exceptionnel. Les commentaires suivants exprimés par la Cour suprême du Canada, sur la nature exceptionnelle du droit d’appel, méritent d’être rappelés :

« [traduction] Nous croyons qu’un appel, qui n’est pas reconnu en common law, doit être prévu par la loi en termes suffisamment clairs et explicites pour lever tout doute sur l’existence du droit d’appel. »

[…]

« Le droit d’appel est un droit d’exception. Il n’est pas nécessaire que la loi précise expressément que les dispositions substantielles et procédurales qui le concernent doivent être considérées comme exhaustives et exclusives. Cela découle nécessairement du caractère exceptionnel de ce droit. »

Je souscris à la conclusion énoncée par le juge McKeown dans l’affaire Ordre des architectes, précitée, selon laquelle l’appelant n’avait pas la qualité requise pour former un appel en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi parce qu’il n’était pas partie à la procédure devant le registraire. Je suis donc d’avis de statuer que l’appelante en l’espèce n’a pas la qualité requise pour former un appel en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi à l’encontre de la décision du registraire des marques de commerce de publier la marque officielle de l’intimée en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.

[21]      La décision précitée a fait l’objet d’un appel qui n’a pas encore été entendu.

[22]      Compte tenu de la décision précitée, la demanderesse devait en l’espèce présenter une demande de contrôle judiciaire.

2-    La demanderesse est-elle touchée par l’avis donné en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, de sorte qu’elle a qualité pour agir dans la présente instance ou que l’instance est efficace?

[23]      Le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi prévoit ce qui suit :

9. (1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit :

[…]

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème :

[…]

(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services,

à l’égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l’université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d’adoption et emploi;

[24]      La défenderesse soutient qu’en édictant cette disposition, le législateur voulait s’assurer qu’une autorité publique qui emploie une marque officielle puisse se fonder sur la disposition en vue d’empêcher d’autres personnes d’adopter la marque.

[25]      La défenderesse explique que, même si la disposition interdit l’adoption subséquente de la marque officielle par un tiers, elle ne peut pas influer sur les droits de ce tiers à l’égard de l’emploi préexistant de la marque. La défenderesse se fonde sur la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Assoc. Olympique Canadienne c. Allied Corp., [1990] 1 C.F. 769 (C.A.), où il a été statué ce qui suit [aux pages 774 et 775] :

L’article 9 de la Loi porte dans son ensemble sur l’adoption, et l’interdiction d’adoption est exprimée au futur dans la version anglaise («no person shall adopt »). Le sous-alinéa 9(1)n)(iii) interdit par conséquent l’adoption d’une marque de commerce « dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec » une marque adoptée par une autorité publique à l’égard de laquelle le registraire « a donné » (passé composé) un avis public. Par conséquent, il n’interdit pas rétroactivement l’adoption de marques de commerce. Il n’a qu’une application prospective.

Je ne puis voir comment cette interprétation peut être modifiée par l’article 11, puisque cette disposition interdit uniquement l’emploi d’une marque adoptée contrairement à l’article 9. Une marque adoptée avant la communication d’un avis public ne serait pas adoptée contrairement à l’article 9.

L’article 12 de la Loi, qui porte sur l’enregistrement, emploie le présent («une marque dont l’article 9 … interdit l’adoption »). Il rend par conséquent non enregistrable une marque de commerce qui n’a pas encore été enregistrée et dont l’adoption irait à l’encontre de l’article 9, même si cette marque a été adoptée et employée avant que ne soit donné l’avis public visé à l’article 9.

En somme, les libellés respectifs des dispositions d’adoption et d’enregistrement ne sont pas parallèles. Les droits d’emploi d’une marque qui peuvent découler de son adoption ne sont pas touchés par l’adoption et l’emploi subséquents d’une marque officielle semblable au point de porter à confusion; toutefois, le droit d’enregistrer la marque n’existe plus à compter du moment où l’avis public est donné.

[26]      Dans l’ouvrage intitulé : Hughes on Trade Marks, feuilles mobiles (Toronto : Butterworths, 1984) (Hughes on Trade Marks), au paragraphe 29, R. T. Hughes et T. P. Ashton donnent les explications suivantes :

[traduction] L’interdiction s’applique uniquement à l’emploi adopté après qu’un avis a été donné au sujet de l’adoption de la marque par l’autorité publique. Les personnes qui employaient déjà la marque, ou leurs ayants cause, peuvent continuer à employer la marque, mais uniquement pour les marchandises en question. On ne peut pas établir une date d’adoption en se fondant simplement sur la date de publication de l’avis dans le Journal des marques de commerce. En cas de contestation, la personne qui invoque une date d’adoption doit prouver la chose en fournissant une preuve convaincante.

[…]

Toutefois, dans le cas de l’alinéa 9(1)n), l’interdiction vise les marques adoptées par une autorité publique et, par conséquent, il n’y a pas d’interdiction rétroactive à l’encontre des marques de l’autorité publique; toutefois, l’enregistrement des marques, même si elles ont antérieurement été employées, est prohibé. Un droit peut donc continuer à être exercé à l’égard de l’emploi mais il n’existe aucun droit à l’enregistrement.

[27]      Selon la défenderesse, le sous-alinéa 9(1)n)(iii) ne s’appliquerait donc normalement que si l’Agence avait tenté d’empêcher l’adoption subséquente d’une marque ressemblant énormément au logo « Netfile ». En pareil cas, la validité de l’avis pourrait être contestée par la personne à l’encontre de laquelle l’Agence intente des poursuites.

[28]      La défenderesse soutient qu’en l’absence de pareilles circonstances, la contestation est inutile et n’a aucun effet pratique. Il serait possible de soutenir qu’avant d’adopter une marque particulière, une entité commerciale prudente pourrait être autorisée à poursuivre une instance en vue de faire invalider une marque officielle existante. Selon la défenderesse, même si la Cour devait accepter cette possibilité, la demanderesse en l’espèce n’a fourni aucun élément de preuve de l’intention d’«adopter » ou d’enregistrer une marque; la preuve montre plutôt simplement l’intention de continuer à employer une marque qui a déjà été adoptée et enregistrée.

[29]      De plus, la défenderesse maintient que la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve et aucun argument en vue de montrer que sa marque ressemble tellement à la marque officielle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

[30]      La défenderesse n’a pas soulevé la question de la qualité pour agir en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, mais elle a déclaré qu’il est de droit constant que seule une partie touchée peut engager une instance. Les arguments de la défenderesse se rapportent à la question de savoir si la demanderesse est directement touchée par l’objet de la demande conformément à l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, qui prévoit ce qui suit :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

[31]      Dans la décision Magnotta Winery Corp. c. Vintners Quality Alliance of Canada (1999), 1 C.P.R. (4th) 68 (C.F. 1re inst.), la demanderesse avait cherché à faire examiner la décision du registraire des marques de commerce d’accepter le terme « ICEWINE » comme marque officielle employée par la défenderesse. Le juge Reed a statué ce qui suit [aux pages 71 et 72, 79] :

Il est indiscutable que la décision du registraire intéresse les demanderesses et qu’elle leur a fait subir un préjudice. Cinq des compagnies Magnotta fabriquent et vendent du icewine. Une sixième a l’intention de le faire dans un proche avenir. Une septième compagnie fabrique un produit d’alcool distillé, le Icegrappa, qui est fait à partir de raisins icewine. La demanderesse Magnotta Winery Corporation contrôle les autres demanderesses et est à son tour contrôlée par Magnotta Family Holdings, une société privée contrôlée par M. Magnotta et son épouse. Depuis sa création, Magnotta Winery Corporation est membre de la VQA et continue de l’être. Les demanderesses seront collectivement désignées ci-après sous le nom de Magnotta.

Certaines dispositions permettent de continuer d’employer une marque officielle malgré son adoption par une autorité publique. Néanmoins, la décision du registraire porte atteinte à la capacité des demanderesses de vendre leur icewine par le réseau de la Régie des alcools de l’Ontario de même qu’à la capacité d’expansion du groupe. Les demanderesses affirment que Magnotta était le leader sur le marché canadien dans la production et la vente du icewine au moment de la demande de marque officielle et elles allèguent que la demande présentée par la VQA pour « faire inscrire » le nom ICEWINE comme étant sa marque officielle cache en fait l’intention du concurrent de Magnotta (Inniskilin) de reprendre la part du marché qu’il détenait auparavant (Inniskilin est la propriété de Vincor International Inc. qui dominerait, avec la compagnie Andres Wines, la VQA).

[…]

Dans la mesure où il est nécessaire d’avoir un intérêt légal pour déposer une demande de contrôle judiciaire, je ne suis pas convaincue que seules les parties qui ont participé à la procédure qui a mené à la décision dont on demande le contrôle ont un tel intérêt. Il en est ainsi à tout le moins lorsque la personne intéressée n’a pas obtenu d’avis ou n’a pas eu la possibilité de participer à la procédure.

[32]      Je ne puis souscrire à l’avis de la défenderesse, à savoir que la demanderesse n’est pas touchée par l’adoption de la marque officielle uniquement parce que celle-ci ne peut pas influer sur ses droits à l’égard de l’emploi préexistant de la marque. Même si une marque qui a été employée avant l’adoption de la marque officielle peut continuer à être employée après l’adoption de cette marque, comme il en est fait mention dans Hughes on Trade Marks, [traduction] « [l]es personnes qui employaient déjà la marque, ou leurs ayants cause, peuvent continuer à employer la marque, mais uniquement pour les marchandises en question ». Il peut donc être mis fin à la capacité de la demanderesse de prendre de l’essor au moyen de l’adoption de la marque officielle. En outre, si la marque officielle crée de la confusion avec celle de la demanderesse, elle touche cette dernière.

[33]      La demanderesse a soutenu qu’il est contraire à l’intérêt public de laisser un avis public continuer à s’appliquer lorsqu’il n’est pas valide puisque cela peut servir à affaiblir le caractère distinctif de l’enregistrement de sa marque de commerce ou, subsidiairement, que cela peut empêcher l’adoption et l’emploi de marques qui seraient par ailleurs disponibles si ce n’était de l’inscription de la marque officielle qui est invalide.

[34]      J’estime que la demanderesse a démontré qu’elle est directement touchée par l’adoption de la marque officielle par la défenderesse et qu’elle a qualité pour agir en vue de présenter la demande de contrôle judiciaire.

[35]      La défenderesse a soutenu que, de toute façon, même si la présente Cour devait ordonner l’annulation de l’avis pour les motifs invoqués par la demanderesse, rien ne l’empêche de demander de nouveau au registraire de donner un avis public. Puisqu’il est certain que l’Agence a maintenant adopté et employé la marque, rien ne l’empêcherait d’invoquer le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.

[36]      Je ne suis pas d’accord avec la défenderesse lorsqu’elle affirme qu’étant donné qu’elle pourrait à bon droit faire une nouvelle demande au registraire, la question qui est ici soulevée n’a plus qu’un intérêt théorique.

[37]      Comme la Cour d’appel fédérale l’a dit dans l’arrêt Unitel International Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2000), 9 C.P.R. (4th) 127 (C.A.F.) [à la page 128] :

La marque de commerce en cause est « UNITEL », et l’appelante reconnaît qu’elle crée de la confusion avec celle de Télécommunications Canadien Pacifique Inc. (CP). La demande présentée par CP pour l’enregistrement de sa marque de commerce a précédé celle de l’appelante et était donc en instance lors du dépôt de celle-ci. Vu les circonstances, le registraire a dû rejeter, en application de l’alinéa 37(1)c), la demande d’enregistrement d’une marque de commerce présentée par l’appelante.

La Cour a appris que, dans le cadre de la procédure d’opposition engagée relativement à la demande de CP, le registraire a refusé d’enregistrer la marque UNITEL de CP. Le rejet de sa demande initiale ne portera pas préjudice à l’appelante. Décision a été rendue au sujet de l’enregistrabilité de la marque UNITEL de CP, et l’appelante a eu gain de cause dans le cadre de cette procédure. L’appelante peut désormais présenter une nouvelle demande d’enregistrement de la marque UNITEL.

Dans leurs motifs, le registraire et le juge de première instance renvoient aux dates alléguées dans les deux demandes concernant l’emploi initial de la marque de commerce. Nous tenons à signaler que la date à laquelle la marque de commerce a été employée pour la première fois n’est pas pertinente aux fins de l’alinéa 37(1)c). La seule question à trancher est de savoir s’il y a confusion entre la marque du demandeur et celle pour laquelle une demande d’enregistrement est déjà en instance.

L’appelante paraît s’inquiéter de ce que l’application de l’alinéa 37(1)c) est susceptible d’occasionner des retards et de multiplier les instances. Si tel est le cas, il appartient au Parlement, et non à la Cour, de remédier à la situation. [Non souligné dans l’original.]

[38]      À mon avis, la question n’a pas un intérêt purement théorique et la demanderesse a qualité pour la soulever devant la Cour.

3-    La validité d’un avis donné en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) dépend-elle de l’adoption ou de l’emploi de la marque en question par l’autorité publique?

[39]      Il semble qu’il ne soit pas clair qu’une marque puisse être déclarée invalide ou qu’elle puisse être révoquée. En effet, dans Hughes on Trade Marks, il est déclaré ce qui suit [au paragraphe 29] :

[traduction] Il est peu probable qu’une marque visée à l’article 9 puisse être révoquée au moyen d’une action intentée devant les tribunaux étant donné que la Loi ne contient aucune disposition prévoyant la révocation d’une telle marque.

[40]      A. David Morrow [dans un article intitulé « Official Marks », dans G. F. Henderson, Trade-marks Law of Canada (Toronto : Carswell, 1993) 377, dit ce qui suit à la page 388 :

[traduction] Aucune disposition de la Loi ne prévoit la radiation, la révocation ou l’annulation de l’effet de la publication d’une marque officielle en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) ou d’une publication qui peut être exigée aux fins de l’application d’autres dispositions de l’article en question. Il a été dit que les « enregistrements » visés à l’article 9 sont presque invulnérables. En pratique, le registraire des marques de commerce est prêt à publier des avis de rétraction de marques officielles visées à l’article 9, mais on ne sait pas si cette pratique a un effet juridique.

[41]      A. David Morrow poursuit en donnant les explications suivantes :

[traduction] Il est probablement incorrect de parler de la « validité » ou de l’«invalidité » de la publication d’une marque officielle visée à l’article 9. La publication est simplement un élément de la possibilité de bénéficier d’une protection. Si, en demandant la publication, l’autorité publique a fait de fausses déclarations au sujet des conditions applicables, comme le fait qu’une autorité publique est en cause, ou encore que la marque officielle a été adoptée ou employée pour des marchandises ou services, la publication n’aurait aucun effet juridique. Il est soutenu que la cour doit avoir le pouvoir de rendre un jugement déclaratoire portant que, à cause de l’omission de la présumée autorité publique de satisfaire à l’exigence prévue au sous-alinéa 9(1)n)(iii), la publication n’a pas pour effet d’interdire l’adoption, l’emploi ou l’enregistrement subséquent de marques similaires. Dans ce sens, les tribunaux doivent avoir le pouvoir d’exercer un contrôle sur l’effet juridique de marques officielles. Il n’existe aucune disposition prévoyant l’«annulation » d’une publication, et il n’est pas nécessaire d’«annuler » une publication, mais il devrait y avoir un mécanisme permettant qu’un jugement portant que la publication n’a aucun effet juridique soit répertorié et qu’il puisse donc être découvert par un chercheur au Bureau des marques de commerce.

[42]      Dans la décision Société canadienne des postes c. Post Office, [2001] 2 C.F. 63 (1re inst.), le juge Tremblay-Lamer [au paragraphe 64] a déclaré qu’un avis public d’une marque officielle ne faisait jouer aucun droit parce que la défenderesse n’avait pas adopté et employé la marque au Canada :

L’appel est accueilli. Le registraire a commis une erreur en convenant que la défenderesse a adopté et employé la marque au Canada. L’avis public de la marque officielle « Mailsort » ne fait jouer aucun des droits ou interdictions prévus aux articles 9 et 11 de la Loi.

[43]      Dans la décision Hearst Communications c. Agora Cosmopolitan National New Magazine, Inc. (2 mai 2000), dossier T-1845-99 (C.F. 1re inst.), une requête visant à l’obtention d’un jugement par défaut a été présentée; la Cour a déclaré qu’une marque officielle était invalide et inopposable et un avis en ce sens a été publié dans le Journal des marques de commerce.

[44]      Je crois que si le registraire avait été induit en erreur sur des questions telles que l’adoption et l’emploi, la marque officielle serait « invalide » en ce sens qu’il pourrait être déclaré qu’elle ne fait jouer aucun des droits ou interdictions prévus aux articles 9 et 11 de la Loi, comme il a été statué dans la décision Société canadienne des postes, précitée. Je ne crois pas qu’elle serait uniquement inopposable par une autorité publique. Je répondrais donc à la question par l’affirmative.

[45]      Dans la décision Techniquip Ltd. c. Assoc. olympique canadienne (1998), 80 C.P.R. (3d) 225 (C.F. 1re inst.) [au paragraphe 31], l’article 9 de la Loi a été interprété comme « impos[ant] […] aux autorités publiques l’obligation de prouver l’adoption et l’emploi dans tous les cas où survient un différend ».

4-    Dans l’affirmative :

a)    À quel moment l’adoption et l’emploi doiventils avoir lieu par rapport à la signification de l’avis?

[46]      Dans la décision Ordre des architectes de l’Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario, [2001] 1 C.F. 577 (1re inst.), le juge McKeown a statué ce qui suit [au paragraphe 23] :

Enfin, je dois décider si la défenderesse a adopté et employé ses marques conformément aux exigences de l’article 9 de la Loi sur les marques de commerce. Une marque officielle l’emporte sur toute disposition de toute loi. Il importe de souligner la différence entre une marque de commerce et une marque officielle. La marque officielle n’est pas définie dans la Loi. Il ne s’agit pas d’une marque de commerce et il n’y a aucun emploi ou adoption présumé, contrairement à la situation qui existe dans le cas des marques de commerce visées par la Loi sur les marques de commerce. Les marques officielles doivent être des marques existantes et ne peuvent être des marques proposées. Par conséquent, en demandant au registraire de donner un avis public de l’adoption et de l’emploi d’une marque officielle en liaison avec des marchandises ou des services, le demandeur doit effectivement avoir adopté et employé la marque officielle en liaison avec des marchandises ou des services.

[47]      Dans la décision Assoc. des Grandes Soeurs de l’Ontario c. Les Grands Frères du Canada (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.), appel rejeté par la Cour d’appel fédérale, (1999), 86 C.P.R. (3d) 504, le juge Gibson a statué ce qui suit [à la page 222] :

Le dernier point en ce qui a trait à l’opposabilité se rattache à la question de savoir si l’AGSO a adopté et employé la marque LES GRANDES SOEURS DU CANADA avant que le registraire n’ait donné avis public de son adoption et de son emploi conformément à l’alinéa 9(1)n) de la Loi. Tel qu’il a été mentionné précédemment dans les présents motifs, dans la décision Canadian Olympic Association c. Donkirk International Inc., le juge Teitelbaum a écrit [à la page 307] :

Sur la base des prétentions exprimées, les avocats de la demanderesse et de la défenderesse conviennent que pour bénéficier de la protection de l’article 9, la marque devait être adoptée et employée au Canada, avant que le registraire n’ait notifié au public son adoption et son emploi.

Vu les faits qui lui avaient été soumis, le juge Teitelbaum a conclu que les marques en cause avaient été adoptées et employées avant la publication de l’avis d’adoption et d’emploi. Implicitement il semble avoir accepté les moyens de l’avocat sur cette question. Je ne puis en arriver à une autre conclusion, compte tenu du libellé clair de l’alinéa 9(1)n) de la Loi selon lequel l’adoption et l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises et services, avant la publication par le registraire d’un avis public d’adoption et d’emploi, [sont] une condition préalable à son opposabilité. La simple publication de l’avis d’adoption et d’emploi ne constitue pas, à mon sens, une preuve concluante d’une telle adoption et d’un tel emploi. De plus, le fardeau d’établir une telle adoption et un tel emploi dans le contexte des marques de commerce incombait aux demanderesses. La preuve soumise à la Cour s’est révélée insuffisante pour les décharger de ce fardeau. En conséquence, je conclus que la marque des Grands Frères et Soeurs du Canada est inopposable à la défenderesse.

[48]      La défenderesse doit donc démontrer qu’elle avait adopté et employé la marque officielle au Canada avant que le registraire donne un avis public de l’adoption et de l’emploi de la marque, le 29 décembre 1999.

b)    L’Agence avait-elle adopté et employé la marque « Netfile » à ce moment-là?

[49]      La demanderesse soutient que la défenderesse n’avait pas adopté et employé la marque « Netfile et le dessin y afférent » avant le 29 décembre 1999. Elle affirme que la défenderesse n’a commencé à adopter ou employer « Netfile et le dessin y afférent » comme marque officielle qu’au mois de février 2000 puisqu’elle n’a reçu la première déclaration de revenu qu’après que le système nécessaire eut été mis en oeuvre, le 7 février 2000.

[50]      Les formules d’impôt qui ont été employées en liaison avec la marque « Netfile et le dessin y afférent » n’ont été délivrées qu’au mois de janvier 2000. De fait, la marque « Netfile et le dessin y afférent » ont figuré pour la première fois sur le site Web du gouvernement le 31 août 1999, soit après que la demande eut été présentée. Comme il en a ci-dessus été fait mention, les services connexes n’ont toutefois été disponibles qu’au cours de l’année 2000.

[51]      La défenderesse allègue que la marque a été adoptée et employée avant le 29 décembre 1999, même si le service auquel la marque s’applique (l’acceptation des déclarations de revenu de 1999 produites par Internet) ne pouvait de toute évidence pas être disponible avant l’année 2000; la marque avait déjà été employée à l’interne et en public en liaison avec les services en question.

[52]      Selon la preuve, on a choisi le nom « Netfile » aux fins de la production de déclarations de revenu des particuliers par Internet à la fin du mois de mai 1999.

[53]      Une recherche a été effectuée au mois de juin 1999 et le directeur général de la Direction générale des communications de l’Agence a approuvé le nom du programme au mois de juin 1999. À compter de ce moment-là, ces mots ont été employés à l’interne en vue de désigner le projet.

[54]      L’Agence a fait paraître un communiqué de presse à l’intention du public le 15 juin 1999. Le mot « Netfile » figurait dans le « localisateur de ressources uniformes » (l’URL) pour la page du site Web de l’Agence renfermant le communiqué de presse.

[55]      Le logo Netfile a pour la première fois figuré sur le site Web de l’Agence le 31 août 1999. Le lendemain, ce logo avait été consulté ou utilisé 196 fois (taux d’activité).

[56]      Le 2 septembre 1999, les Services gouvernementaux de télécommunications et d’informatique ont informé l’Agence que le sous-domaine « netfile.gc.ca » avait été approuvé en vue de son emploi conformément aux demandes de l’Agence.

[57]      Le 9 octobre 1999, le taux d’activité s’élevait à 3 957 à l’égard du logo Netfile sur le site de l’Agence.

[58]      La Loi définit le mot « adoptée » comme suit à l’article 3 :

3. Une marque de commerce est réputée avoir été adoptée par une personne, lorsque cette personne ou son prédécesseur en titre a commencé à l’employer au Canada ou à l’y faire connaître, ou, si la personne ou le prédécesseur en question ne l’avait pas antérieurement ainsi employée ou fait connaître, lorsque l’un d’eux a produit une demande d’enregistrement de cette marque au Canada.

[59]      Les mots « emploi » et « usage » sont définis comme suit dans la Loi [à l’article 2] :

2. […]

« emploi » ou « usage » À l’égard d’une marque de commerce, tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

[60]      L’article 4 de la Loi dispose que :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[61]      Ces dispositions se rapportent aux marques de commerce plutôt qu’aux marques officielles, mais elles peuvent faciliter l’interprétation des mots « adopté » et « employé » par une autorité publique figurant au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.

[62]      Dans Trade-marks Law of Canada, A. David Morrow [dans son article intitulé « Official Marks »] a dit ce qui suit, aux pages 383 et 384, au sujet de la question de l’adoption et de l’emploi d’une marque officielle :

[traduction] Le sens du mot « adoptée » a déjà été examiné ci-dessus. Il importe de noter que l’article 3, qui prévoit qu’une marque de commerce est réputée avoir été adoptée, ne s’applique pas aux marques officielles, sauf peut-être par analogie. Nous pouvons donc tenir compte du sens général du mot « adoptée » tel qu’il en a ci-dessus été fait mention. Toutefois, pour être protégée, une marque officielle doit non seulement être adoptée, mais elle doit aussi être employée. L’article 4 de la Loi permet de déterminer ce qui constitue un emploi en liaison avec une marque de commerce, mais il n’est pas exhaustif, et de toute façon, il ne s’applique pas nécessairement aux marques officielles. Dans le langage courant, le mot « emploi » a un sens fort général; il est assimilé au mot « se prévaloir ». Il est difficile de comprendre comment une marque peut être employée sans être adoptée. L’emploi passager qui ne se donne pas pour exclusif ne constitue peut-être pas une adoption. Quoi qu’il en soit, l’interprétation à donner à ces mots n’a encore fait l’objet d’aucune jurisprudence. À première vue, ils semblent avoir une portée fort générale, et on peut se demander si le fait qu’une autorité publique « emploie » une marque satisfait à l’exigence selon laquelle il doit y avoir adoption et emploi pour l’application de cette disposition.

[63]      Je crois qu’il s’agit ici de savoir si une marque officielle peut être considérée comme ayant été adoptée et employée avant qu’un avis public de son adoption et de son emploi soit donné par le registraire, lorsqu’elle est annoncée en liaison avec des services, même si les services en question peuvent uniquement être fournis après que l’avis public d’adoption et d’emploi a été donné par le registraire.

[64]      À mon avis, la marque « Netfile » avait été adoptée et employée comme marque officielle avant que le registraire ait signifié un avis public de son adoption et de son emploi, le 29 décembre 1999.

[65]      À mon avis, le fait que la marque a été annoncée et qu’elle a été consultée sur le site Web de la défenderesse avant que l’avis public soit donné suffit pour établir que la marque a été adoptée et employée par la défenderesse. Je ne crois pas que la marque officielle puisse uniquement être considérée comme ayant été adoptée et employée si les formules d’impôt ont effectivement été délivrées.

[66]      Il est possible de faire une analogie avec les marques officielles adoptées pour les jeux olympiques. Les marques officielles sont considérées comme ayant été adoptées et employées avant que les jeux aient lieu. Le fait que les jeux ne doivent avoir lieu que quatre années après que la marque officielle a été employée dans une annonce et qu’elle a été révélée au public, et peut-être même plus tard, n’empêche pas son adoption et son emploi avant la tenue des jeux. Si pareille approche était acceptée, les marques officielles liées aux jeux olympiques pourraient uniquement être considérées comme étant adoptées et employées au moment où les jeux commencent.

[67]      En l’espèce, la défenderesse ne se proposait pas d’employer la marque officielle; elle employait cette marque en liaison avec les services lorsqu’elle l’a annoncée et qu’elle l’a fait connaître au public.

[68]      La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée, les dépens étant adjugés à la défenderesse.

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