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[2002] 3 C.F. 280

A-63-01

[IMM-192-00]

2002 CAF 79

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (appelant) (défendeur devant la Section de première instance)

c.

Jagwinder Singh Sandhu (intimé) (demandeur devant la Section de première instance)

Répertorié : Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.)

Court d’appel, juges Strayer, Sexton et Sharlow, J.C.A. Vancouver, 29 janvier; Ottawa, 28 février 2002.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Étudiants à charge — Un agent des visas a le pouvoir, aux termes de l’art. 2(1)b)(i) du Règlement sur l’immigration de 1978, de déterminer si un prétendu « fils à charge » a véritablement été inscrit et a réellement et avec sérieux suivi à temps plein des cours dans un programme d’études — La simple présence physique ne suffit pas : l’étudiant doit faire des efforts pour assimiler la matière enseignée dans les cours qu’il a pris — La Cour a énuméré les facteurs devant être pris en considération.

L’intimé était inscrit comme un « fils à charge » dans une demande de parrainage en raison de son statut d’étudiant. L’agent des visas a constaté que l’intimé n’avait réussi aucun cours en deux ans depuis le début de ses études universitaires et qu’il était incapable de répondre à des questions simples sur l’histoire de l’Inde, malgré le fait qu’il ait affirmé que c’était la matière dans laquelle il réussissait le mieux. Selon l’agent des visas, bien que l’intimé ait pu être inscrit à l’université au cours des deux dernières années, on ne pouvait pas valablement dire qu’il y suivait des cours; il n’avait pas réellement tenté de se consacrer à ses études ou de concentrer son énergie et son attention sur ces dernières; en fait, il était demeuré inscrit non pas parce qu’il avait une quelconque intention d’étudier, mais plutôt pour donner l’impression qu’il possédait toujours son statut de fils à charge. L’agent des visas a donc retiré l’intimé de la demande de résidence permanente de son père parce qu’il n’était pas un fils à charge au sens du Règlement. Le juge des requêtes a fait droit à la demande de contrôle judiciaire et a explicitement rejeté l’idée que le fait de suivre des cours ait un aspect qualitatif. Il a certifié la question suivante : l’agent d’immigration a-t-il le pouvoir, aux termes du sous-alinéa 2(1)b)(i), d’évaluer, pour un étudiant qui suit des cours, la qualité de sa fréquentation à titre de présumé « fils à charge » inscrit à temps plein dans un programme? C’est cette décision qui faisait l’objet de l’appel.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Le présent appel porte sur le sens de l’expression « est inscrit et suit à temps plein des cours », qui est employée dans la définition de « fils à charge » au sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement. La jurisprudence qui traite de cette question est contradictoire. Selon certaines décisions, le fait de suivre des cours peut faire l’objet d’une évaluation qualitative, alors que, selon d’autres décisions, l’évaluation devrait être seulement de nature quantitative.

Le fait de suivre des cours « suppose nécessairement une présence physique et mentale » : Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration). Le fait qu’un demandeur ne puisse même pas démontrer une connaissance rudimentaire des sujets qu’il a étudiés peut mener à la conclusion qu’il n’a pas suivi des cours à temps plein, mais le fait d’avoir de mauvaises notes n’est pas en soi un motif suffisant de tirer une telle conclusion : Dhami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration). L’expression « est inscrit et suit à temps plein des cours » exige que l’étudiant fasse continuellement des efforts réels pour assimiler la matière enseignée dans les cours auxquels il est inscrit. Par conséquent, lorsqu’il doit décider si une personne « est inscrite et suit à temps plein des cours », l’agent des visas doit non seulement tenir compte de la présence physique de cette personne aux cours, mais aussi faire ce qu’il faut pour s’assurer que l’étudiant satisfait aux exigences du sous-alinéa 2(1)b)(i). Parmi les facteurs qui devraient être pris en compte, il y a le dossier de présence de l’étudiant; les notes qu’il a obtenues; sa capacité de discuter, à tout le moins de façon rudimentaire, des matières étudiées; la question de savoir si son programme d’études se déroule de manière satisfaisante; la question de savoir s’il a fait des efforts réels et sérieux pour assimiler les connaissances enseignées dans ses cours.

Compte tenu de la preuve produite, l’agent des visas pouvait en arriver à la décision qu’il a rendue en concluant que l’intimé n’était pas un étudiant à temps plein.

Pour ce qui est de la question certifiée, un agent des visas a le pouvoir, aux termes du sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement sur l’immigration de 1978, de déterminer si un prétendu « fils à charge » a véritablement été inscrit et a réellement et avec sérieux suivi à temps plein des cours dans un programme d’études.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) « fils à charge » (édicté par DORS/92-101, art. 1), (7) (édicté, idem), 6(6) (mod., idem, art. 3; 93-44, art. 5).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 9 Imm. L.R. (3d) 84 (C.F. 1re inst.); Dhami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 805; [2001] A.C.F. no 1160 (1re inst.) (QL); Khaira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 122 F.T.R. 63; 35 Imm. L.R. (2d) 257 (C.F. 1re inst.); Malkana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 125 F.T.R. 71; 37 Imm. L.R. (2d) 288 (C.F. 1re inst.); Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 514 (1re inst.) (QL).

DÉCISION NON SUIVIE :

Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 155 F.T.R. 228 (C.F. 1re inst.).

APPEL de la décision de la Section de première instance (Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 14 Imm. L.R. (3d) 309) faisant droit à une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle un agent des visas a retiré l’intimé de la demande de résidence permanente de son père parce qu’il n’était pas « inscrit et [ne suivait pas] à temps plein des cours » au sens de la définition de « fils à charge » contenue au sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement sur l’immigration de 1978. Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Brenda Carbonell pour l’appelant.

Harsh Sharma (avec l’autorisation de la Cour) pour l’intimé.

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelant.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Sexton, J.C.A. :

Introduction

[1]        Le sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement sur l’immigration de 1978 [DORS/78-172], édicté par DORS/92-101, article 1, prévoit que, pour obtenir l’admission au Canada à titre d’étudiant à la charge de ses parents qui demandent aussi l’admission, une personne doit « [être] inscrit[e] [à un établissement d’enseignement] et y [suivre] à temps plein des cours ».

[2]        Le présent appel soulève la question du sens qu’il faut donner à l’expression « suit à temps plein des cours » : faut-il que l’étudiant soit simplement présent physiquement à temps plein aux cours ou cette expression comporte-t-elle aussi un élément qualitatif qui exige que l’étudiant fasse des efforts réels pour assimiler la matière enseignée dans les cours auxquels il est inscrit?

Les faits

[3]        L’intimé est le fils de Gurdeep Singh Sandhu, qui avait présenté une demande de résidence permanente au Canada au haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde. Cette demande était parrainée par l’autre fils du père, Ranjodh Singh Sandhu, lequel habite au Canada. L’intimé et l’épouse du père étaient inclus dans la demande d’établissement. L’intimé était inscrit comme un « fils à charge » dans la demande de parrainage en raison de son statut d’étudiant. Un agent des visas a rencontré l’intimé et sa famille au haut-commissariat du Canada à New Delhi, le 25 août 1999. L’intimé, qui était alors âgé de 22 ans, a fait part à l’agent des visas de ses antécédents en matière d’études :

•    Mars 1995 a échoué ses examens de 10e année et ceux de 11e année ou « +1 »

•    Mars 1997 a échoué ses examens officiels de 12e année

•    Septembre 1997 a réussi ses examens officiels de 12e année

•    Septembre 1997 a commencé la première partie d’un programme menant à l’obtention d’un B.A. à l’université Guru Nanek Dev

•    Juillet 1998 a échoué l’examen de la première année à sa première tentative

•    Juillet 1999 a échoué l’examen de la première année à sa deuxième tentative

[4]        L’agent des visas a posé des questions à l’intimé au sujet de ses études. L’intimé a seulement été en mesure de donner des réponses superficielles, dont la plupart étaient inexactes.

[5]        L’agent des visas a aussi demandé les relevés de notes de l’intimé concernant ses deux dernières années d’études à l’université Guru Nanek Dev. L’intimé a produit le relevé des notes qu’il avait obtenues la première fois qu’il avait passé les examens de la première année, en 1998. Ce relevé indiquait ce qui suit :

•    2/100 en anglais - cours obligatoire

•    3/100 en punjabi - cours obligatoire

•    6/200 en punjabi - cours à option

•    1/200 en histoire

•    21/200 en développement rural

[6]        Il a aussi produit le relevé des notes qu’il avait obtenues à sa deuxième tentative de réussir les examens de la première année, en 1999. Ce relevé indiquait ce qui suit :

•    0/100 en anglais - cours obligatoire

•    27/100 en punjabi - cours obligatoire

•    31/200 en punjabi - cours à option

•    26/200 en développement rural

[7]        L’agent des visas a constaté que, depuis qu’il avait atteint l’âge de 19 ans, l’intimé avait réussi trois années d’études, soit ses 10e, 11e et 12e années. Par contre, l’intimé n’avait réussi aucun cours en deux ans depuis le début de ses études universitaires. En outre, il était incapable de répondre à des questions simples sur l’histoire de l’Inde, malgré le fait qu’il ait affirmé que c’était la matière dans laquelle il réussissait le mieux. Bien qu’il ait été inscrit à l’université, la seule preuve qu’il a produite pour démontrer qu’il était présent physiquement aux cours était ses relevés de notes.

[8]        L’agent des visas a décidé que l’intimé ne suivait pas à temps plein des cours depuis la date de ses 19 ans, et il a conclu ce qui suit :

[traduction] Étant donné ce qui précède, je n’ai d’autre choix que de conclure que, bien que Jagwinder Singh ait pu être inscrit à l’université Guru Nanek Dev au cours des deux dernières années, on ne peut valablement dire qu’il y suivait des cours. Malgré les deux années au cours desquelles il aurait étudié, il n’a pas été en mesure de réussir un seul cours. Je suis d’avis que cela indique que Jagwinder Singh n’a pas réellement tenté de se consacrer à ses études ou de concentrer son énergie et son attention sur ces dernières. Je suis d’avis que Jagwinder Singh est demeuré inscrit non pas parce qu’il avait une quelconque intention d’étudier, mais plutôt pour donner l’impression qu’il possédait toujours son statut de fils à charge.

Je conclus que Jagwinder Singh n’a pas été inscrit sans interruption dans un établissement d’enseignement depuis qu’il a atteint l’âge de 19 ans, dans la mesure où il a été décidé que « a suivi » un cours comporte un élément qualitatif qui exige plus qu’une simple inscription passive, mais également que l’étudiant ait consacré des efforts et de l’attention à ses études pendant ce temps.

[9]        Dans sa décision, l’agent des visas a indiqué que l’intimé devait être retiré de la demande de résidence permanente de son père parce qu’il n’était pas un fils à charge au sens du Règlement. L’intimé a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent des visas et, par une ordonnance rendue le 23 janvier 2001 [(2001), 14 Imm. L.R. (3d) 309], le juge des requêtes a fait droit à cette demande et a certifié la question de portée générale suivante [au paragraphe 12] :

L’agent d’immigration a-t-il le pouvoir, aux termes du sous-alinéa 2(1)b)(i), d’évaluer, pour un étudiant qui suit des cours, la qualité de sa fréquentation à titre de présumé « fils à charge » inscrit à temps plein dans un programme?

Règlement sur l’immigration de 1978 [art. 2(7) (édicté par DORS/92-101, art. 1), 6(6) (mod., idem, art. 3; 93-44, art. 5)]

2(1) […]

« fils à charge » Fils :

[…]

b) soit qui est inscrit à une université, un collège ou un autre établissement d’enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et qui :

(i) d’une part, y a été inscrit et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans ou, s’il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage,

(ii) d’autre part, selon un agent d’immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu’il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses 19 ans ou, s’il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage;

c) soit qui est entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents et qui :

(i) d’une part, selon un médecin agréé, souffre d’une incapacité de nature physique ou mentale,

(ii) d’autre part, selon l’agent d’immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu’il a reçus, y compris les renseignements reçus du médecin agréé visé au sous-alinéa (i), est incapable de subvenir à ses besoins en raison de cette incapacité.

[…]

(7) Pour l’application du sous-alinéa b)(i) des définitions de « fils à charge » et « fille à charge » au paragraphe (1) la personne qui a interrompu ses études pour une période totale d’au plus un an n’est pas considérée comme ayant interrompu ses études.

[…]

6. (1) […]

(6) L’agent des visas ne peut délivrer un visa d’immigrant à un fils à charge ou à une fille à charge visé à l’alinéa b) de la définition de « parent » au paragraphe 2(1), ou à un fils à la charge ou à une fille à la charge d’un parent, que si :

a) d’une part, au moment où l’agent d’immigration reçoit la demande de visa d’immigrant, le fils ou la fille répond aux critères concernant l’âge et l’état matrimonial ou le statut d’étudiant énoncés dans les définitions de « fils à charge » et « fille à charge » au paragraphe 2(1);

b) d’autre part, au moment où le visa est délivré, le fils ou la fille répond aux critères concernant l’état matrimonial ou le statut d’étudiant énoncés dans ces définitions.

JURISPRUDENCE

[10]      Le présent appel porte sur le sens qu’il faut donner à l’expression « est inscrit […] et y suit à temps plein des cours », qui est employée dans la définition de « fils à charge » au sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement. La jurisprudence qui traite de cette question est contradictoire. Selon certaines décisions, l’agent des visas peut faire une évaluation qualitative afin de décider si une personne a suivi à temps plein des cours dans un établissement d’enseignement, conformément à la définition de « fils à charge ». Selon d’autres décisions, par contre, seule devrait être faite une évaluation quantitative fondée uniquement sur la question de savoir si le fils à charge était présent physiquement aux cours à titre d’étudiant à temps plein. Un bref survol de la jurisprudence fera ressortir cette contradiction.

[11]      Dans la décision Khaira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 122 F.T.R. 63, la Section de première instance a statué que la notion de « suivre des cours » contenue dans la définition de « fils à charge » comportait à la fois un élément quantitatif et un élément qualitatif. La décision de l’agent des visas, selon laquelle l’étudiant ne satisfaisait ni à l’élément quantitatif ni à l’élément qualitatif de la définition, a été confirmée. Comme l’étudiant avait suivi environ 77 pour 100 de ses cours, l’agent des visas avait estimé qu’il n’était pas un étudiant à temps plein. L’agent des visas avait aussi conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à l’élément qualitatif car, bien qu’il ait peut-être été présent physiquement aux cours, les réponses qu’il lui avait données au sujet du contenu de son programme d’études étaient tout à fait insuffisantes. Cette décision a ensuite été suivie dans Malkana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 125 F.T.R. 71 (C.F. 1re inst.).

[12]      Dans la décision Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 514 (1re inst.) (QL), la Cour semble aussi avoir conclu que la définition concernant le fait de suivre à temps plein des cours dans un établissement d’enseignement comporte un aspect qualitatif. L’agent des visas avait considéré que l’étudiant n’avait pas suivi des cours à temps plein parce qu’il n’avait pas produit de preuve attestant de sa présence aux cours, qu’il ne pouvait pas démontrer les connaissances qu’il avait acquises en suivant ces cours et que, quand on lui avait demandé pourquoi il n’avait rien appris, il avait répondu qu’il [traduction] « ne suivait pas bien les cours ».

[13]      Dans la décision Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1423 (1re inst.) (QL), la Section de première instance a conclu [au paragraphe 29] qu’«il suffit que selon le dossier, il soit inscrit et suive des cours à temps plein ». La Cour a ajouté [au paragraphe 30] : « D’ailleurs, étant donné la grande variété des matières enseignées à l’université, il n’y a pas lieu de permettre aux agents des visas d’évaluer la qualité du travail qu’y fait un demandeur. »

[14]      Le juge des requêtes a suivi en l’espèce la décision Patel et a explicitement rejeté l’idée que le fait de « suivre des cours » ait un aspect qualitatif.

[15]      Dans la décision Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 9 Imm. L.R. (3d) 84 (C.F. 1re inst.), Mme le juge Sharlow, tel était alors son titre, a indiqué ce qui suit [au paragraphe 9] :

À mon avis, l’agent des visas doit tenir compte de la crédibilité du demandeur qui prétend être inscrit et suivre des cours en tant qu’étudiant à temps plein. Le fait que le demandeur n’ait pas appris la discipline qu’il étudie peut résulter d’une faiblesse intellectuelle ou d’une situation personnelle difficile. De tels facteurs n’appuient pas, à mon avis, la conclusion que la demanderesse ne suit pas des cours à temps plein. Mais, le fait que la demanderesse n’ait pas appris peut également indiquer qu’elle n’est pas sincère lorsqu’elle prétend suivre des cours à temps plein, et, à cet égard, j’accepte la proposition formulée dans les décisions Khaira et Malkana selon laquelle le fait de « suivre des cours » suppose nécessairement une présence physique et mentale.

[16]      Dans la décision Dhami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 805; [2001] A.C.F. no 1160 (1re inst.) (QL), Mme le juge Dawson a défini ainsi la notion de « suit des cours » [aux paragraphes 40 à 44] :

Je tire deux principes de cette jurisprudence.

Premièrement, lorsque la crédibilité d’un requérant est en cause et qu’il ne peut décrire les cours qu’il suit ou son programme d’études, ou même démontrer une connaissance rudimentaire des sujets qu’il déclare avoir étudiés, l’agent des visas peut tout à fait conclure qu’il ne lui a pas démontré qu’il suivait véritablement des cours dans le cadre du programme où il prétendait avoir été inscrit.

Deuxièmement, le fait d’avoir de mauvaises notes n’est pas en soi un motif suffisant de conclure qu’un demandeur ne suit pas des cours à temps plein. En vertu du sens ordinaire des termes « a été inscrite et […] a suivi sans interruption », il n’y a aucune exigence qu’un requérant fasse preuve d’excellence ou qu’il maîtrise le sujet étudié.

Comme la définition du Règlement mentionne à la fois l’inscription et le fait de suivre des cours, je conclus qu’un agent des visas doit aller plus loin que la constatation de l’inscription à un programme d’études. La mention « suit […] des cours » dans la définition a pour objet, selon moi, la vérification de l’authenticité du statut d’étudiant à temps plein. L’agent des visas doit se poser la question de savoir si un requérant est tout simplement inscrit pour la forme, ou s’il est vraiment engagé dans un programme d’études en bonne et due forme.

Après un examen approfondi de la jurisprudence de notre Cour, je conclus que le conflit allégué est plus apparent que réel. Aucune des affaires citées n’exige qu’un requérant soit un bon étudiant ou qu’il ait du succès. Au coeur même de la question certifiée par le juge Gibson, on cherche à savoir si un agent des visas pouvait tenir compte de l’inaptitude d’un requérant à parler de ce qui avait été enseigné, ainsi que d’une preuve de présence médiocre, afin de déterminer si le requérant suivait des cours.

Sens de l’expression « est inscrit […] et y suit à temps plein des cours »

[17]      Le fait que l’on exige qu’un « fils à charge » soit inscrit à un établissement d’enseignement et y suive à temps plein des cours témoigne de l’importance que notre société accorde aux études supérieures. Par exemple, il arrive souvent que de telles études soient une condition préalable à un emploi. En outre, de nombreux employeurs exigeront une preuve des études universitaires d’un candidat avant même de le rencontrer dans le cadre d’une entrevue visant à combler un poste.

[18]      La majorité des étudiants universitaires à temps plein ont besoin d’une aide financière. Dans la plupart des cas, cette aide est fournie par leurs parents. Le sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement semble reconnaître ce fait puisqu’il place dans la catégorie des personnes à charge les étudiants à temps plein. Le Règlement favorise ainsi la poursuite des études. Cet objectif ne peut cependant être atteint si un étudiant est simplement présent physiquement à l’école, sans faire d’effort pour étudier ou pour saisir la matière enseignée dans les cours auxquels il est inscrit.

[19]      Je souscris donc aux propos formulés par le juge Sharlow, telle qu’elle était alors, dans la décision Chen, selon lesquels « le fait de «  suivre des cours  » suppose nécessairement une présence physique et mentale ». Je suis d’accord aussi avec le juge Dawson quand elle dit, dans la décision Dhami, que le fait qu’un demandeur ne puisse même pas démontrer une connaissance rudimentaire des sujets qu’il dit avoir étudiés peut mener à la conclusion qu’il n’a pas suivi des cours à temps plein, mais que le fait d’avoir de mauvaises notes n’est pas en soi un motif suffisant de tirer une telle conclusion.

[20]      À mon avis, l’expression « est inscrit […] et y suit à temps plein des cours » exige que l’étudiant fasse continuellement des efforts réels pour assimiler la matière enseignée dans les cours auxquels il est inscrit.

[21]      Cela ne veut pas dire qu’un étudiant doit réussir ses examens ou avoir acquis une maîtrise de la matière. Ce qu’il faut, c’est que l’étudiant fasse véritablement des efforts pour acquérir les connaissances transmises dans les cours.

[22]      Par conséquent, lorsqu’il doit décider si une personne « est inscrite et suit à temps plein des cours », l’agent des visas doit non seulement tenir compte de la présence physique de cette personne aux cours, mais aussi faire ce qu’il faut pour s’assurer que l’étudiant satisfait aux exigences du sous-alinéa 2(1)b)(i).

[23]      Les facteurs qui devraient être pris en compte à cette fin pourraient inclure ceux qui suivent, quoique cette liste puisse bien ne pas être exhaustive. Premièrement, le dossier de présence de l’étudiant. Deuxièmement, les notes qu’il a obtenues. Troisièmement, sa capacité de discuter, à tout le moins de façon rudimentaire, des matières étudiées. Quatrièmement, la question de savoir si son programme d’études se déroule de manière satisfaisante. Cinquièmement, la question de savoir s’il a fait des efforts réels et sérieux pour assimiler les connaissances enseignés dans ses cours. On pourrait peut-être résumer tous ces facteurs en se demandant si la personne en cause est un véritable étudiant. Bien qu’une personne puisse être un véritable étudiant et avoir de mauvaises notes, l’agent de visas devrait, dans un tel cas, être convaincu que l’étudiant a tout de même fait véritablement des efforts dans ses études.

[24]      En l’espèce, la preuve dont disposait l’agent des visas montre que, malgré le fait qu’il était inscrit à l’université depuis deux ans, l’intimé n’avait réussi aucun cours. En outre, il n’a pas été en mesure de répondre de manière satisfaisante aux questions posées par l’agent des visas au sujet de ses cours, et ce dernier a conclu qu’il était demeuré inscrit « non pas parce qu’il avait une quelconque intention d’étudier ». L’agent des visas ne disposait d’aucune preuve concernant la présence de l’intimé aux cours. À mon avis, il pouvait en arriver à la décision qu’il a rendue en concluant que l’intimé n’était pas un étudiant à temps plein.

[25]      La réponse suivante sera donc donnée à la question certifiée : un agent des visas a le pouvoir, aux termes du sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement sur l’immigration de 1978, de déterminer si un prétendu « fils à charge » a véritablement été inscrit et a réellement et avec sérieux suivi à temps plein des cours dans un programme d’études.

[26]      L’appel sera accueilli.

Le juge Strayer, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

Le juge Sharlow, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

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