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[2002] 1 C.F. 51

A-617-99

2001 CAF 239

Sa Majesté la Reine (appelante)

c.

David Monias (intimé)

Répertorié : Canada c. Monias (C.A.)

Cour d’appel, juges Strayer, Isaac et Evans, J.C.A.— Winnipeg, 22 mai; Ottawa, 20 juillet 2001.

Impôt sur le revenu — Exemptions — Appel d’une décision de la C.C.I. selon laquelle le revenu d’emploi est exonéré d’impôt en vertu de l’art. 87(1)b) de la Loi sur les Indiens — L’art. 87(1) exempte de taxation les biens d’un Indien situés sur une réserve — L’intimé est un Indien à l’emploi d’une société contrôlée par les Autochtones, l’agence Awasis, créée pour offrir des services sociaux aux enfants et aux familles dans les réserves du nord du Manitoba — Les chefs des bandes en cause élisent le conseil d’administration d’Awasis parmi eux — Les réunions se tiennent, le siège est situé et l’intimé résidait hors des réserves — L’intimé a passé 15 p. cent de son temps sur la réserve — La C.C.I. s’est fondée sur la nature du travail exécuté et sur la nature de l’employé pour conclure que le revenu d’emploi était situé sur la réserve — Observations préliminaires : 1) l’objectif qui sous-tend l’art. 87 est de protéger de toute atteinte les terres de la réserve, ainsi que les biens personnels des Indiens situés sur la réserve, afin que les bandes puissent assurer leur subsistance dans les unités économiques et sociales que sont les réserves — Si tous les facteurs de rattachement ne se trouvent plus liés à la réserve, il devient difficile de trouver un lien entre la politique qui sous-tend l’exemption et le contexte — 2) L’application du critère des facteurs de rattachement doit tenir compte de la nature des biens en cause et des types d’imposition — 3) Comme les facteurs de rattachement sont pondérés dans une matrice factuelle donnée, il serait difficile d’accorder beaucoup de poids à un exemple des Lignes directrices de Revenu Canada, alors que les faits qu’on y mentionne ne sont ni complets, ni identiques à ceux en cause ici — Appel accueilli — Application du critère des facteurs de rapprochement — Pour déterminer la nature de l’emploi, il faut tenir compte de l’emplacement de l’emploi, de la nature des services et des circonstances y afférentes — Il faut pondérer le fait que l’intimé résidait hors réserve et qu’il y exerçait ses fonctions avec les bénéfices réels que les résidents des réserves tiraient des services de l’intimé, l’identité de l’employeur et le rôle important que ces services jouaient dans le renforcement du tissu social fondamental des réserves — Mais Awasis n’offrait pas aux réserves des avantages économiques pour les membres qui y vivent, étant donné que sa gestion est située ailleurs — On ne peut pas se fonder sur l’objectif de l’art. 87 pour arriver à la conclusion qu’au vu des faits, le revenu d’emploi de l’intimé était situé sur une réserve aux fins de l’exempter de l’impôt sur le revenu.

Peuples autochtones — Taxation — Appel d’une décision de la C.C.I. selon laquelle l’emploi de l’intimé était situé sur une réserve — L’art. 87(2) de la Loi sur les Indiens prévoit que nul Indien n’est assujetti à une taxation concernant la propriété d’un bien meuble situé sur une réserve — L’intimé est un Indien à l’emploi d’une société contrôlée par les Autochtones qui offre des services sociaux aux familles dans les réserves du nord du Manitoba — Les chefs des bandes en cause élisent le conseil d’administration parmi eux — Les réunions du conseil ont lieu hors des réserves pour des raisons pratiques — Application du critère des facteurs de rapprochement — Il faut pondérer le fait que l’intimé résidait hors réserve et qu’il y exerçait ses fonctions, souvent fort loin des réserves, avec les bénéfices réels que les résidents des réserves tiraient des services de l’intimé, l’identité de l’employeur et le rôle important que ces services jouaient dans le renforcement du tissu social fondamental des réserves — Même si cette affaire soulevait un cas frontière, on ne peut se fonder sur l’objectif de l’art. 87 pour arriver à la conclusion que le revenu d’emploi de l’intimé était situé sur une réserve aux fins de l’exempter de l’impôt sur le revenu.

Il s’agissait de l’un des cinq appels connexes formés contre une décision de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle le revenu d’emploi des intimés était exonéré d’impôt à titre de « biens meubles d’un Indien situés sur une réserve » aux fins de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens. Les présents motifs s’appliquaient aux quatre autres appels connexes. L’intimé est un Indien à l’emploi d’une société contrôlée par les Autochtones, l’agence Awasis du nord du Manitoba, créée pour offrir des services sociaux aux enfants et aux familles dans les réserves du nord du Manitoba. Les lettres patentes d’Awasis portent que l’agence fournit des services « dans les réserves », mais l’expérience a démontré qu’il n’était pas pratique qu’Awasis fournisse la plupart de ses services dans les réserves. À l’époque pertinente, Awasis desservait 25 bandes. Ce sont les chefs des bandes en cause qui élisent le conseil d’administration d’Awasis parmi eux. Ils résident tous dans une réserve. Ils tiennent leurs dix réunions annuelles à Thompson, Winnipeg ou The Pas. Le siège social où la gestion d’Awasis est assurée et où la liste des employés est conservée pour établir les chèques de paye se trouve à Thompson. Aucun des intimés ne résidait dans une réserve durant les années en cause. Leurs fonctions les amenaient à l’occasion dans les réserves. M. Monias a passé 15 p. 100 de son temps dans les réserves. Les appels portaient sur des années d’imposition différentes, mais l’appel de M. Monias portait sur les années 1992 et 1993. Au vu d’un exemple quant à la possibilité de se prévaloir de l’exemption prévue à l’article 87 qui se trouve dans une ligne directrice de Revenu Canada, la Couronne a limité ses appels à la partie du revenu d’emploi des intimés qui n’était pas directement attribuable à la période de temps où ils travaillaient dans la réserve.

Le paragraphe 87(1) de la Loi sur les Indiens prévoit que, nonobstant toute autre loi fédérale, les biens meubles d’un Indien situés sur une réserve sont exemptés de taxation. Le paragraphe 87(2) prévoit que nul Indien n’est assujetti à une taxation concernant la propriété d’un tel bien. Le paragraphe 81(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu dit qu’une somme exonérée de l’impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale n’est pas incluse dans le calcul du revenu.

La Cour de l’impôt s’est appuyée sur la nature des fonctions des employés et sur le type d’employeur pour conclure que le revenu d’emploi de l’intimé était situé sur une réserve.

La question en litige était de savoir si le revenu d’emploi de l’intimé était « situé sur une réserve ».

Arrêt : les appels sont accueillis.

La Cour a présenté trois observations préliminaires. 1) L’objectif qui sous-tend l’article 87 n’est pas de remédier en général à la situation économiquement défavorable des Indiens, mais de protéger de toute atteinte les terres de la réserve, ainsi que les biens personnels des Indiens situés sur la réserve, afin que les bandes puissent assurer leur subsistance dans les unités économiques et sociales que sont les réserves. Par conséquent, il est tout à fait correct au vu de la politique législative d’appliquer l’article 87 aux revenus gagnés par les Indiens qui résident dans la réserve, dans le cadre d’un travail accompli dans la réserve. Mais si tous les facteurs de rattachement ne se trouvent plus liés à la réserve, il devient difficile de trouver un lien entre la politique qui sous-tend l’exemption prévue à l’article 87 et le contexte factuel dans lequel le revenu d’emploi en cause a été obtenu. 2) L’application du critère des facteurs de rattachement au vu de la politique qui sous-tend l’article 87 doit tenir compte de la nature des biens en cause et des types d’imposition. Une application du critère qui consiste à soupeser les facteurs de rattachement lorsqu’un bien corporel est situé sur une réserve doit être utilisée avec prudence lorsqu’il s’agit d’un bien incorporel. De plus, la protection des terres de la réserve de toute atteinte par le biais de l’impôt est plus directement visée par l’article 87 que la protection des biens personnels situés sur la réserve. Par conséquent, le critère du situs à l’article 87 semblerait s’appliquer plus aux terres de la réserve qu’aux biens personnels, comme le revenu d’emploi, qui sont la propriété personnelle de chaque Indien. Quant à la nature de l’impôt, les facteurs de rattachement peuvent ne pas être pondérés exactement de la même façon pour une taxe liée à une transaction, comme la taxe de vente, qu’ils le seraient pour l’impôt sur le revenu. 3) Comme les appels doivent être décidés en appliquant la Loi sur les Indiens, ainsi que la jurisprudence pertinente, ce qui suppose la pondération des divers facteurs de rattachement dans une matrice factuelle donnée, il serait difficile d’accorder beaucoup de poids à un exemple des Lignes directrices, alors que les faits qu’on y mentionne ne sont ni complets, ni identiques à ceux en cause ici.

Le règlement de ce litige est lié à l’application du critère des facteurs de rattachement. a) Le poids accordé à un facteur de rattachement particulier dépend des faits de chaque affaire, mais (i) l’emplacement et (ii) la nature de l’emploi, ainsi que (iii) les circonstances y afférentes, seront généralement importants lorsqu’il s’agit de déterminer où se situe le revenu d’emploi d’un Indien aux fins de l’article 87. (i) Bien que le fait d’effectuer le travail hors des réserves soit une indication que le revenu d’emploi n’est pas situé sur une réserve, le lieu de l’emploi ne permet pas à lui seul de trancher la question. Si le ministre a abandonné les appels en ce qu’ils concernent le revenu gagné lorsque les employés travaillaient dans une réserve du fait qu’il considérait cette question comme déterminante, son interprétation de la Loi était erronée. Le fait qu’il n’était pas pratique de faire le travail dans les réserves n’autorisait pas la Cour à procéder comme si le travail avait en fait été exécuté dans la réserve. La nécessité ne peut situer dans une réserve des fonctions qui ont été clairement exécutées hors de la réserve, non plus que situer un revenu d’emploi sur une réserve lorsque les facteurs de rattachement indiquent un autre emplacement.

(ii) L’objectif principal des services qu’Awasis fournissait était de soutenir et renforcer les familles autochtones vivant dans les réserves et de s’occuper des besoins sociaux des enfants dans les réserves. Mais, bien que le travail des employés ait pu aider à maintenir ou à améliorer la qualité de vie dans la réserve pour les membres des bandes qui y vivaient, ce fait ne venait pas nécessairement rattacher l’acquisition ou l’utilisation de leur revenu d’emploi à la réalité physique des réserves.

(iii) Il a été tenu compte, dans le cadre de l’ensemble des circonstances entourant l’exécution du travail, du fait qu’il n’était pas possible de procéder dans les réserves à la prestation de plusieurs des services et programmes fournis par les employés d’Awasis, tels que les conseils psychologiques et l’accès aux tribunaux, ainsi que du fait que la plupart des installations nécessaires ne se trouvaient que hors des réserves.

b) L’emplacement de l’employeur a été considéré comme un facteur de rattachement, mais, en l’absence d’une preuve au sujet de l’importance des activités de l’employeur dans la réserve, ou d’un bénéfice pour la réserve du fait de la présence de l’employeur, il n’y avait pas lieu d’accorder beaucoup de poids à ce facteur. Awasis est liée de très près aux réserves du fait de l’identité de ses membres et administrateurs et de leur résidence, des motifs qui ont mené à sa création, de son financement, de son statut d’organisme prévu par la loi, de ses objectifs et de la nature des services qu’elle fournit. Toutefois, le fait qu’Awasis ne conduise pas ses affaires dans une réserve et, semble-t-il, n’offre pas d’emploi dans les réserves, indiquait que son emplacement était hors réserve, ce qui venait affaiblir le lien entre l’employeur et les réserves aux fins de déterminer le situs du revenu d’emploi de l’intimé en vertu de l’alinéa 87(1)b).

c) Étant donné que la politique qui sous-tend l’article 87 vise à protéger les réserves en tant qu’entités économiques au bénéfice des membres de la bande qui y résident, la résidence des employés peut être un facteur significatif lorsqu’il s’agit de déterminer le situs du revenu d’emploi. L’intimé ne résidait pas dans une réserve durant les années d’imposition en cause. Mais la résidence du propriétaire du bien personnel ne peut être une exigence universelle, étant donné qu’elle n’est pas mentionnée dans la définition que la loi donne à la portée de l’article 87.

La nature du travail de l’intimé et la nature de l’employeur se rattachaient de près aux réserves. Mais Awasis n’offrait pas aux réserves des avantages économiques pour les membres qui y vivent, étant donné que sa gestion est située hors réserve, même si elle ne peut faire autrement.

Il faut pondérer le fait que l’intimé résidait hors réserve et qu’il y exerçait ses fonctions, souvent fort loin des réserves auxquelles Awasis offrait ses services, avec les bénéfices réels que les résidents des réserves tiraient des services de l’intimé, l’identité de l’employeur et le rôle important que ces services jouaient dans le renforcement du tissu social fondamental des réserves. Le fait que le travail qui donne lieu au revenu d’emploi soit au bénéfice des Indiens dans les réserves et qu’il puisse être essentiel au maintien des réserves comme groupes sociaux viables, n’était pas en soi suffisant pour situer le revenu d’emploi dans les réserves.

L’alinéa 87(1)b) n’exempte pas de l’impôt sur le revenu le revenu d’emploi des Indiens qui n’a pas clairement été gagné dans des circonstances qui lient son acquisition à une réserve en tant qu’unité économique. Cette affaire soulevait un cas frontière, mais il serait difficile de justifier une conclusion voulant que l’intimé a obtenu son revenu d’emploi dans les réserves qui sont servies par Awasis, alors qu’il n’y résidait pas et qu’il n’y travaillait pas. On ne peut se fonder sur l’objectif de l’article 87 pour arriver à la conclusion qu’au vu des faits de la présente affaire, le revenu d’emploi de l’intimé était situé sur une réserve aux fins de l’exempter de l’impôt sur le revenu.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 81(1)a).

Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, art. 87(1)b), 89 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 17, art. 12).

Loi sur les services à l’enfant et à la famille, C.P.L.M., ch. C80.

JURISPRUDENCE

décisions appliquées :

Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877; (1992), 90 D.L.R. (4th) 129; 41 C.C.E.L. 1; [1992] 3 C.N.L.R. 181; [1992] 1 C.T.C. 225; 92 DTC 6320; 136 N.R. 161; Shilling c. M.R.N., [2001] 4 C.F. 364(C.A.); Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85; (1990), 71 D.L.R. (4th) 193; [1990] 5 W.W.R. 97; 67 Man. R. (2d) 81; [1990] 3 C.N.L.R. 46; 110 N.R. 241; 3 T.C.T. 5219; Bell c. Canada, [2000] 3 C.N.L.R. 32; (2000), 2000 DTC 6365; 256 N.R. 147 (C.A.F.); Bell c. Canada (1998), 98 DTC 1857 (C.C.I.).

distinction faite d’avec :

Canada c. Folster, [1997] 3 C.F. 269 (1997), 148 D.L.R. (4th) 314; [1997] 3 C.T.C. 157; 97 DTC 5315; 212 N.R. 342 (C.A.); Amos c. Canada, [2000] 3 C.N.L.R. 1; (1999), 99 DTC 5333 (C.A.F.); Desnomie c. Canada (2000), 186 D.L.R. (4th) 718; 2000 DTC 6250; 254 N.R. 58 (C.A.F.); Recalma c. Canada (1998), 158 D.L.R. (4th) 59; [1998] 3 C.N.L.R. 279; 98 DTC 6238; 232 N.R. 7 (C.A.F.); McNab c. Canada, [1992] 4 C.N.L.R. 52; [1992] 2 C.T.C. 2547 (C.C.I.).

décision examinée :

Union of New Brunswick Indians c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances), [1998] 1 R.C.S. 1161; (1998), 200 N.B.R. (2d) 201; 161 D.L.R. (4th) 193; 512 A.P.R. 201; [1998] 3 C.N.L.R. 295; 98 G.T.C. 6247; 227 N.R. 92.

décision citée :

Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2001] A.C.F. no 725 (C.A.) (QL).

DOCTRINE

Revenu Canada. Exonération du revenu réel selon la Loi sur les Indiens : lignes directrices. Ottawa : Revenu Canada, 1994.

APPEL d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle le revenu d’emploi gagné par l’intimé durant les années 1992 et 1993 était exonéré d’impôt à titre de « biens meubles d’un Indien situés sur une réserve » en vertu de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens (Monias c. Canada (1999), 99 DTC 1021 (C.C.I.)). Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Gerald L. Chartier pour l’appelante.

Cy M. Fien et Cary M. Reiss pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelante.

Fillmore Riley, Winnipeg, pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Evans, J.C.A. :

A.        INTRODUCTION

[1]        L’intimé dans cet appel est David Monias. Leona St. Denis, Beverly Robinson, Walter Spence et Karen Chevillard sont intimés dans les quatre appels directement liés à celui-ci. Ce sont tous des Indiens à l’emploi d’une société contrôlée par les Autochtones, l’agence Awasis du Nord du Manitoba (Awasis), créée pour offrir des services sociaux aux enfants et aux familles dans les réserves du nord du Manitoba.

[2]        Les intimés se sont pourvus devant la Cour canadienne de l’impôt à l’encontre de leur cotisation d’impôt sur le revenu pour les années en cause, au motif que leur salaire était exonéré d’impôt à titre de « biens meubles d’un Indien situé sur une réserve » aux fins de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5. La Cour de l’impôt a accueilli les appels : Monias c. Canada (1999), 99 DTC 1021 (C.C.I.).

[3]        Les cinq appels interjetés par la Couronne (A-617-99, A-616-99, A-615-99, A-618-99 et A-619-99) des décisions de la Cour de l’impôt ont été entendus en même temps sur une preuve commune, bien que la situation de fait des intimés ne soit pas identique. Les appels soulèvent une seule question, celle de savoir si le revenu d’emploi des intimés au cours des années en cause est, comme la Cour de l’impôt l’a conclu, « situé sur une réserve ».

[4]        Le règlement de ce litige est lié à l’application du critère des facteurs de rattachement établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877, ainsi qu’à son élaboration par notre Cour, le plus récent arrêt étant Shilling c. M.N.R., [2001] 4 C.F. 364(C.A.). Certains facteurs viennent rattacher le revenu d’emploi des intimés aux réserves (la nature de leur travail et les personnes qui en bénéficient, ainsi que l’identité de leur employeur), alors que d’autres (par exemple le lieu où les services sont rendus et le lieu de résidence des intimés) tendraient à indiquer qu’il est situé hors de la réserve.

[5]        Les motifs dans le présent appel, où M. Monias est l’intimé, s’appliquent aux quatre appels connexes. Par conséquent, une copie de ces motifs sera déposée dans chacun des dossiers.

B.        LES FAITS

[6]        Awasis a été constituée en société en 1984 en vertu de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille [C.P.L.M., ch. C80] du Manitoba, suite à une entente conclue en 1983 entre les gouvernements du Canada et du Manitoba et une organisation représentant les chefs indiens du Manitoba. Awasis obtient son financement du gouvernement fédéral, par l’entremise du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

[7]        Awasis, comme les organisations semblables au service des réserves dans les autres parties du Manitoba, est née de l’incertitude entourant la question de savoir quel niveau de gouvernement était responsable des services à l’enfant et à la famille dans les réserves, ainsi que de l’insatisfaction engendrée par l’aspect peu satisfaisant des arrangements visant la prestation de services à l’enfant dans les réserves. Jusqu’en 1984, c’est un agent des Indiens du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui faisait office d’agence de service à l’enfant dans les réserves.

[8]        Le règlement général no 1 d’Awasis énonce ses objectifs, qui comprennent notamment :

[traduction]

(i) agir à titre d’agence d’aide à l’enfant indien au sens de la législation du Manitoba sur les services à l’enfant et à la famille et, en tant que telle, exercer les fonctions prévues dans cette législation et toute autre fonction mandatée par les bandes indiennes servies par Awasis et communiquée par le conseil d’administration;

(ii) soutenir et unifier les familles indiennes en général et, en particulier, les familles indiennes qui vivent dans les réserves ou qui ont des liens avec les bandes indiennes dont les chefs sont membres de la société;

(iii) s’efforcer d’assurer le placement de tout enfant autochtone confié à la société au sein de sa propre collectivité, ou dans des familles autochtones de la province du Manitoba; et

(iv) aider tout enfant autochtone auparavant confié à une agence de services à l’enfant ou à une famille à l’extérieur du Manitoba à réintégrer sa famille ou sa bande.

[9]        Les lettres patentes d’Awasis et le décret du Manitoba portent que l’agence fournit des services « dans les réserves ». Toutefois, l’expérience a démontré qu’il n’était pas pratique qu’Awasis fournisse la plupart de ses services dans les réserves.

[10]      Le nombre de bandes qui reçoivent les services d’Awasis a fluctué quelque peu, mais il y en avait 25 à l’époque pertinente. Ces bandes sont disséminées sur un large territoire et situées dans des endroits reculés. Ce sont les chefs des bandes en cause qui élisent le conseil d’administration d’Awasis parmi eux. Ils résident tous dans une réserve. Étant donné que les distances et les lieux en cause font que les allers-retours à partir de plusieurs des réserves sont dispendieux et prennent beaucoup de temps, et qu’il n’y a pas de locaux appropriés dans la plupart des réserves, le conseil d’administration tient ses 10 réunions annuelles à Thompson, Winnipeg ou The Pas, pour des raisons pratiques et d’économie.

[11]      De plus, étant donné l’emplacement éloigné des réserves et le manque de locaux, il n’est pas pratique d’assurer la gestion d’Awasis ou l’élaboration de nouveaux programmes et la production de matériel à partir d’une réserve. Par conséquent, le siège social est à Thompson, qui est le plus grand centre de population situé le plus près de la majorité des réserves. C’est là que la gestion d’Awasis est assurée, et on y conserve la liste des employés pour établir les chèques de paye.

[12]      Aucun des intimés ne résidait dans une réserve durant les années en cause. En fait, Mmes Chevillard et Robinson n’ont jamais résidé dans une réserve. Au cours des périodes pertinentes, M. Monias, M. Spence, Mme St. Denis et Mme Chevillard résidaient à Thompson et y travaillaient au siège social d’Awasis. M. Monias, M. Spence et Mme Chevillard avaient leurs comptes bancaires à Thompson durant toute l’époque en cause.

[13]      Durant les années en cause, les fonctions de M. Monias, de M. Spence et de Mme St. Denis les amenaient à l’occasion dans les réserves; ce n’était pas le cas de l’agent financier d’Awasis, Mme Chevillard. M. Monias, un superviseur d’unité qui est par la suite devenu coordonnateur des programmes de services à l’enfant et à la famille d’Awasis, a passé 15 p. 100 de son temps dans les réserves. M. Spence, d’abord agent des services régionaux et ensuite directeur des programmes, a passé 5 à 10 p. 100 de son temps dans les réserves. Mme St. Denis, qui s’occupait des fonctions cléricales et de secrétariat, a passé 75 p. 100 de son temps dans les réserves après avoir été nommée agente principale préposée aux statistiques.

[14]      La cinquième intimée, Mme Robinson, a toujours vécu à Winnipeg, où elle exerçait au bureau d’Awasis les fonctions de responsable des ressources à Winnipeg pour les bandes indépendantes et, plus tard, celles d’assistante juridique à la directrice des affaires juridiques d’Awasis.

[15]      Les appels portent sur des années d’imposition différentes, mais qui se recoupent. Les appels de M. Spence et de Mme St. Denis portent sur les années 1990 à 1993 inclusivement, ceux de M. Monias et de Mme Robinson sur les années 1992 et 1993, et l’appel de Mme Chevillard sur l’année 1992.

[16]      La Couronne a informé la Cour qu’au vu d’un exemple quant à la possibilité de se prévaloir de l’exemption prévue à l’article 87 qui se trouve au document de Revenu Canada intitulé Exonération du revenu selon la Loi sur les Indiens : lignes directrices, elle ne considérait pas approprié de maintenir ses appels quant à la partie du revenu d’emploi des intimés liée au temps passé dans les réserves dans l’exécution de leurs fonctions. Par conséquent, les appels ne portent que sur la partie du revenu des intimés qui n’est pas directement attribuable à la période de temps où ils travaillaient dans la réserve. Toutefois, bien que la Cour doive aborder les appels comme ayant été abandonnés en partie, je ne me range pas nécessairement à l’interprétation du droit sur laquelle le ministre semble s’être appuyé pour faire cette concession.

B.        LA LÉGISLATION

[17]      Voici les dispositions législatives pertinentes pour trancher cet appel :

Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5.

87. (1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l’article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation :

a) le droit d’un Indien ou d’une bande sur une réserve ou des terres cédées;

b) les biens meubles d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve.

(2) Nul Indien ou bande n’est assujetti à une taxation concernant la propriété, l’occupation, la possession ou l’usage d’un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l’un de ces biens. [Soulignement ajouté.]

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

81. (1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

a) une somme exonérée de l’impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu’un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d’une disposition d’une convention ou d’un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada; [Soulignement ajouté.]

C.        LA DÉCISION DE LA COUR DE L’IMPÔT

[18]      Après avoir exposé de façon minutieuse les faits, ainsi que les arguments de chacune des parties, le juge de la Cour de l’impôt s’est appuyé sur la nature des fonctions des employés et sur le type d’employeur qu’est Awasis pour conclure que le revenu d’emploi des intimés était situé sur une réserve. Il a conclu que leurs réclamations ne devaient pas être rejetées du seul fait que la plupart des services rendus par les employés l’étaient hors des réserves. Au coeur des motifs du juge de la Cour de l’impôt, on trouve le paragraphe 31, qui est rédigé comme suit :

Le travail respectif de chaque appelant était exécuté suivant les directives d’un employeur dont l’unique objet et, de fait, la seule responsabilité, était de servir les Indiens dans leurs réserves. Que certaines de ces fonctions ne puissent être exécutées qu’à l’extérieur des réserves, et cela inclut les fonctions administratives nécessaires et celles qui consistent à appréhender les enfants fugueurs et à leur fournir de l’aide, ne change rien à ce fait […] Leurs clients, si on peut les appeler ainsi, reçoivent les services principalement dans les réserves, et les services fournis sont expressément destinés à améliorer la vie dans la réserve et ne sont d’aucune manière des services accessoires fournis aux résidents des réserves.

[19]      Quant à la résidence d’Awasis, le juge de la Cour de l’impôt a conclu (aux paragraphes 25 et 26) que comme le siège social de la société, sa gestion et les réunions de son conseil d’administration n’étaient pas situés dans les réserves, « pour des raisons financières et pratiques valables » (paragraphe 26), et du fait qu’il était raisonnable que les chefs se rencontrent à Thompson, l’«importance accordée par l’intimée au critère de la « résidence de l’employeur » dans les circonstances particulières de ces appels n’est pas fondée » (paragraphe 26).

[20]      Finalement, le juge s’est demandé s’il était approprié d’accorder le bénéfice de l’article 87 aux deux employées qui n’avaient jamais vécu dans une réserve, Mme Chevillard et Mme Robinson, qui pourraient de ce fait être considérées travailler dans le « marché ordinaire » (paragraphe 33). Il a toutefois conclu malgré ce doute que, lorsque chacun des employés ont commencé à travailler pour Awasis, leurs situations sont devenues identiques, et qu’il serait discriminatoire de leur refuser le bénéfice de l’article 87 pour ce motif.

D.        ANALYSE

(i)    Introduction

[21]      Il n’est pas nécessaire de reprendre ici les principes généraux établis par la Cour suprême du Canada pour déterminer le situs de biens incorporels afin de décider s’ils sont « situés sur une réserve » aux fins de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens. Ce travail a été fait récemment par notre Cour dans le contexte d’un revenu d’emploi, dans l’arrêt Shilling c. M.R.N., précité.

[22]      Toutefois, avant de traiter de l’application du critère des facteurs de rattachement, je veux présenter trois observations préliminaires. Premièrement, comme le juge La Forest l’a déclaré dans l’arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, à la page 131, l’objectif qui sous-tend l’article 87 n’est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens « en leur assurant le pouvoir d’acquérir, de posséder et d’aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens ».

[23]      On doit plutôt dire qu’à l’instar de la disposition connexe qu’on trouve à l’article 89 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 17, art. 12], l’objectif spécifique et plus limité de l’article 87 est de protéger de toute atteinte les terres de la réserve, ainsi que les biens personnels des Indiens situés sur la réserve, afin que les bandes puissent assurer leur subsistance dans les unités économiques et sociales que sont les réserves. Par conséquent, il est tout à fait correct au vu de la politique législative d’appliquer l’article 87 aux revenus gagnés par les Indiens qui résident dans la réserve, dans le cadre d’un travail accompli dans la réserve.

[24]      Toutefois, dès que tous les facteurs de rattachement ne se trouvent plus liés à la réserve, il devient rapidement difficile de trouver un lien entre la politique qui sous-tend l’exemption prévue à l’article 87 et le contexte factuel dans lequel une personne a obtenu le revenu d’emploi en cause. Par conséquent, nonobstant le point de vue du juge La Forest exprimé dans l’arrêt Mitchell, précité, à la page 133, qu’«il sera normalement approprié d’aborder de façon juste et libérale la question de savoir si l’emplacement prépondérant du bien tangible […] est situé sur une réserve », le fait de porter les limites du bénéfice accordé par l’alinéa 87(1)b) au-delà du principe limité qui le sous-tend occasionnerait probablement la prise de décisions incohérentes et ad hoc.

[25]      Selon moi, c’est pour cette raison que notre Cour semble n’avoir accepté une réclamation portant sur un revenu d’emploi en vertu de l’article 87 lorsque son situs était contesté que dans deux arrêts, Canada c. Folster, [1997] 3 C.F. 269 (C.A.); et Amos c. Canada, [2000] 3 C.N.L.R. 1 (C.A.F.). Dans l’arrêt Folster, précité, le seul facteur qui ne rattachait pas le revenu d’emploi à la réserve était le lieu où l’employé travaillait, qui se trouvait par hasard être à proximité de la réserve. De la même façon, dans l’arrêt Amos, précité, bien que les employés ne travaillaient pas dans la réserve, une partie des affaires de l’employeur se traitait sur des terres de la réserve qui lui étaient cédées en location par la bande, l’objectif étant de voir se créer des emplois dans l’entreprise pour les membres de la bande. Dans ces deux arrêts, Folster, précité, et Amos, précité, les employés vivaient dans la réserve contiguë à leur lieu d’emploi.

[26]      Deuxièmement, dans l’arrêt Williams, précité, le juge Gonthier a souligné, à la page 892, que l’application du critère des facteurs de rattachement au vu de la politique qui sous-tend l’article 87 doit tenir compte de la nature des biens en cause et des types d’imposition. Par conséquent, pour prendre en exemple, une application du critère qui consiste à soupeser les facteurs de rattachement lorsqu’un bien corporel est situé sur une réserve doit être utilisée avec prudence lorsqu’il s’agit d’un bien incorporel.

[27]      De plus, selon moi, la protection des terres de la réserve de toute atteinte par le biais de l’impôt est plus directement visée par l’article 87 que la protection des biens personnels situés sur la réserve. Les terres de la réserve, qui appartiennent conjointement aux membres des bandes qui les occupent (Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2001 CAF 67; [2001] A.C.F. no 725 (C.A.) (QL), aux paragraphes 16 à 18), constituent la base économique de la vie de la bande et elles sont essentielles au maintien de sa vie culturelle, spirituelle et sociale.

[28]      Je veux aussi faire état dans ce contexte du fait que dans l’arrêt Amos, précité, le juge Strayer, J.C.A., a conclu au paragraphe 7 que comme l’employeur avait loué des terres de la réserve pour y conduire ses affaires, les emplois occupés par les membres de la bande ayant loué les terres :

[…] étaient directement liés à la réalisation par la bande et ses membres de leurs droits fonciers sur les terres de la réserve; partant, le gouvernement, en conformité avec l’objectif visé par l’exemption fiscale de l’article 87, ne devrait pas être en mesure de porter atteinte, par le biais de l’impôt, au revenu tiré directement ou indirectement d’une pareille utilisation de leur terre, comme il ressort de ce cas d’espèce.

[29]      Par conséquent, la déclaration du juge Gonthier dans l’arrêt Williams, précité, à la page 887, que le critère du situs à l’article 87 a pour objet de déterminer si l’Indien détient les biens en question « en vertu des droits qu’il possède à titre d’Indien sur la réserve » semblerait s’appliquer plus aux terres de la réserve qu’aux biens personnels, comme le revenu d’emploi, qui sont la propriété personnelle de chaque Indien.

[30]      Quant à la nature de l’impôt, les facteurs de rattachement peuvent ne pas être pondérés exactement de la même façon pour une taxe liée à une transaction précise réalisée à un moment donné, comme la taxe de vente, qu’ils le seraient pour l’impôt sur le revenu, qui est perçu sur des sommes gagnées pendant une certaine période de temps.

[31]      Troisièmement, les avocats des intimés se sont appuyés sur un exemple qui illustre la ligne directrice no 4 du document de Revenu Canada, Exonération du revenu selon la Loi sur les Indiens : lignes directrices, pour étayer leur point de vue. C’est le texte auquel l’avocat de la Couronne s’est rapporté lorsqu’il a informé la Cour qu’il ne poursuivait pas les appels quant au revenu de quatre des intimés qui était lié au travail effectué dans les réserves.

[32]      Toutefois, les présents appels doivent être décidés en appliquant la Loi sur les Indiens, ainsi que la jurisprudence pertinente, aux faits de l’affaire. Comme cet exercice suppose la pondération des divers facteurs de rattachement dans une matrice factuelle donnée, il est difficile d’accorder beaucoup de poids à un exemple des Lignes directrices, alors que les faits qu’on y mentionne ne sont ni complets, ni identiques à ceux en cause ici.

(ii)   La pondération des facteurs de rattachement

a)    La nature de l’emploi

[33]      Bien que le poids à accorder aux facteurs de rattachement particuliers doit toujours dépendre des faits de chaque affaire, l’emplacement et la nature de l’emploi, ainsi que les circonstances y afférentes, seront généralement très importants lorsqu’il s’agit de déterminer où se situe le revenu d’emploi d’un Indien aux fins de l’article 87.

[34]      Ainsi, dans l’arrêt Folster, précité, le juge Linden, J.C.A., au paragraphe 27, a fait état d’un motif convaincant pour accorder un poids donné à ce facteur de rattachement :

À mon avis, étant donné le but poursuivi par le législateur en créant l’exemption d’impôt et le genre de bien meuble en cause, l’analyse doit porter sur la nature de l’emploi de l’appelante et les circonstances qui s’y rapportent. Le genre de bien meuble en cause, c’est-à-dire le revenu d’emploi, est tel qu’on ne peut juger de sa nature sans se référer aux circonstances dans lesquelles il a été gagné. [Je souligne.]

De la même façon, le juge Létourneau, J.C.A., a déclaré, dans l’arrêt Bell c. Canada, [2000] 3 C.N.L.R. 32 (C.A.F.), au paragraphe 36 :

[…] le facteur de rattachement qui indique le mieux si les biens personnels en question font partie du « marché » se rapporte à la nature de l’emploi et aux circonstances y afférentes.

Ce point de vue a été réitéré récemment dans l’arrêt Shilling, précité, aux paragraphes 46 à 52.

[35]      La prise en compte de ce facteur de rattachement exige que la Cour examine les aspects suivants du travail des employés.

L’emplacement de l’emploi

[36]      Le premier aspect est le lieu où les services sont rendus, ou le lieu où l’employé travaille. Comme la Couronne a décidé de ne poursuivre ces appels qu’en partie, ils sont limités au revenu d’emploi des intimés lié au travail effectué hors des réserves.

[37]      Il n’y a pas de doute que le fait d’effectuer le travail hors des réserves est une indication que le revenu d’emploi n’est pas situé sur une réserve : Shilling, précité, aux paragraphes 47 et 48. Toutefois, le lieu de l’emploi ne permet pas à lui seul de trancher la question : Bell c. Canada (1998), 98 DTC 1857 (C.C.I.), à la page 1863. Si le ministre a abandonné les appels en ce qu’ils concernent le revenu gagné lorsque les employés travaillaient dans une réserve du fait qu’il considérait cette question comme déterminante, je suis d’avis que son interprétation de la loi est erronée.

[38]      Dans l’arrêt Folster, précité, on a conclu que le revenu d’emploi était situé sur la réserve, même si l’hôpital où l’employé travaillait était à l’extérieur de la réserve. En fait, la Cour a accueilli l’appel principalement parce que le juge du procès avait conclu que le fait que les services n’étaient pas rendus dans la réserve était déterminant et situait le revenu d’emploi hors de la réserve.

[39]      Il faut toutefois évaluer l’arrêt Folster, précité, au vu de ses faits très particuliers. Les facteurs de rattachement autres que le lieu où le travail est effectué, y compris le lieu de résidence des employés et des bénéficiaires de leurs services, indiquaient clairement que la réserve était le situs du revenu d’emploi. De plus, l’hôpital où les employés travaillaient, qui répondait aux besoins de la réserve, était à l’origine dans la réserve. Reconstruit après un incendie, il avait fait l’objet d’un « déplacement technique » (paragraphe 24) le situant dans le voisinage immédiat de la réserve. Je note en passant que l’hôpital est à nouveau dans la réserve.

[40]      Dans de telles circonstances, et au vu de la politique qui sous-tend l’article 87, il aurait sûrement été arbitraire de conclure que le lieu de l’emploi faisait que le revenu d’emploi ne pouvait être situé sur la réserve. De la même façon, le juge Strayer a conclu, dans l’arrêt Amos, précité (au paragraphe 6), qu’il aurait été « trop arbitraire » de ne pas accorder le bénéfice de l’article 87 aux employés qui travaillaient dans le secteur de l’entreprise situé dans la partie de la réserve cédée en location, alors que ceux dont les fonctions étaient exécutées sur les terres adjacentes de la réserve y avaient droit.

[41]      En l’instance, les faits sont très différents. Les facteurs rattachant le revenu à la réserve ne sont pas aussi marqués : notamment, les employés ne résident pas dans la réserve et deux d’entre eux n’ont aucun lien avec une réserve. De plus, une bonne partie des services sont fournis fort loin des réserves et non juste à l’extérieur de celles-ci.

[42]      Le fait qu’il n’était pas pratique de faire le travail dans les réserves, comme les lettres patentes d’Awasis et le décret semblent l’avoir prévu à l’origine, n’autorise pas la Cour à procéder comme si le travail avait en fait été exécuté dans la réserve. Comme l’a déclaré le juge Rothstein, dans l’arrêt Desnomie c. Canada (2000), 186 D.L.R. (4th) 718 (C.A.F.), au paragraphe 21 :

En pratique dans les faits, l’argument fondé sur la nécessité veut que la résidence de l’employeur et de l’employé, comme le lieu d’emploi, seraient dans la réserve si cela était possible et que, par conséquent, le revenu d’emploi devrait être considéré comme étant situé dans la réserve. Le problème avec cet argument est qu’il n’est pas lié à la question en litige dans les circonstances de la présente affaire, soit celle de savoir si le revenu d’emploi de l’appelant est un bien situé dans une réserve. Il s’agit de déterminer un lieu, un situs, en se fondant sur le lieu des opérations pertinentes effectuées. [Je souligne.]

[43]      Je conviens que la nécessité ne peut situer dans une réserve des fonctions qui ont été clairement exécutées hors de la réserve, non plus que situer un revenu d’emploi sur une réserve lorsque les facteurs de rattachement indiquent un autre emplacement. Le fait que l’intimé travaille hors de la réserve est un facteur qui tendrait à rattacher son revenu d’emploi à un endroit situé hors de la réserve.

La nature des services offerts

[44]      La nature des services fournis par l’intimé dans le cadre de son emploi rattache son revenu d’emploi aux réserves. L’objectif principal des services qu’Awasis fournit par l’entremise de ses employés est de soutenir et renforcer les familles autochtones vivant dans les réserves et, notamment, de s’occuper des besoins sociaux des enfants dans les réserves. Une partie importante du mandat d’Awasis, et donc du travail de ses employés, consiste à remettre les enfants qui lui ont été confiés en rapport avec leurs bandes. Il en va ainsi des autres services aux enfants. À toutes les époques pertinentes, presque tous les employés d’Awasis étaient des Indiens inscrits.

[45]      Il est clair que ce sont les personnes se trouvant dans les réserves où opère Awasis, ainsi que les réserves elles-mêmes envisagées comme des groupes sociaux, qui sont les bénéficiaires directs du travail des employés, comme c’était le cas dans l’arrêt Folster, précité. Cet aspect du travail permet de distinguer la présente instance de l’arrêt Desnomie, précité, où les étudiants qui obtenaient les services étaient hors de la réserve et aucune preuve ne venait indiquer qu’ils avaient l’intention ferme de retourner vivre dans une réserve.

[46]      Toutefois, bien que le travail des employés puisse aider à maintenir ou à améliorer la qualité de vie dans la réserve pour les membres des bandes qui y vivent, ce fait ne vient pas nécessairement rattacher l’acquisition ou l’utilisation de leur revenu d’emploi à la réalité physique des réserves.

Les circonstances y afférentes

[47]      En considérant le travail de l’employé comme un facteur de rattachement, la Cour ne peut ignorer les circonstances y afférentes : Folster, précité, au paragraphe 27. Ceci vient assurer qu’en pondérant le facteur de l’emploi, la Cour évalue la situation dans son ensemble. Toutefois, comme la nécessité n’est pertinente qu’en tant qu’élément du contexte dans lequel les services sont fournis, elle ne joue qu’un rôle secondaire dans l’analyse.

[48]      L’avocat a soutenu que le rejet de l’argument de la nécessité était peut-être approprié dans l’arrêt Union of New Brunswick Indians c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances), [1998] 1 R.C.S. 1161, sur lequel l’arrêt Desnomie, précité, s’appuie, étant donné que la taxe en cause, savoir la taxe de vente, portait sur une transaction donnée visant un bien corporel. Il a toutefois soutenu que cette solution n’est pas appropriée dans des affaires d’impôt sur le revenu, qui ne porte pas sur des biens corporels et des transactions spécifiques, mais sur un bien incorporel, savoir un revenu gagné sur une certaine période de temps. Par conséquent, afin de déterminer si une personne a droit à l’exemption de l’impôt sur le revenu en vertu de l’article 87, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances entourant l’acquisition du revenu.

[49]      Me fondant sur cet argument, j’ai tenu compte, dans le cadre de l’ensemble des circonstances entourant l’exécution du travail, du fait qu’il n’était pas possible de procéder dans les réserves à la prestation de plusieurs des services et programmes fournis par les employés d’Awasis (les conseils psychologiques et l’accès aux tribunaux, notamment), ainsi que du fait que la plupart des installations nécessaires (foyers de groupe et centres de traitement, notamment), ne se trouvent que hors des réserves.

b)    L’emplacement et la nature de l’employeur

[50]      L’emplacement de l’employeur est considéré comme un facteur de rattachement dans l’analyse prévue par l’arrêt Williams, précité. Toutefois, en l’absence d’une preuve au sujet de l’importance des activités de l’employeur dans la réserve, ou d’un bénéfice pour la réserve du fait de la présence de l’employeur, il n’y a pas lieu d’accorder beaucoup de poids à ce facteur : Shilling, précité, au paragraphe 35. Notamment, le fait qu’un employeur soit installé pro forma dans une réserve ne contribuera pas beaucoup à rattacher le revenu d’emploi à la réserve.

[51]      En tant que société, Awasis a son emplacement hors réserve étant donné que son siège social est à Thompson. C’est aussi là que la société est gérée et que se tiennent les réunions du conseil d’administration. Toutefois, les têtes dirigeantes de la société, savoir ses membres et les administrateurs qu’ils élisent, sont tous des chefs de bande qui résident dans les réserves où la société offre ses services.

[52]      Afin de déterminer si l’employeur peut rattacher le revenu d’emploi de l’intimé à une réserve, il y a lieu de tenir compte des objectifs de l’employeur et des circonstances qui ont mené à sa création. Le bien-être des enfants indiens dans la réserve, ainsi que le renforcement de leurs familles, rattachent de près l’employeur au bien-être des réserves.

[53]      De plus, le lien exceptionnel et fort entre l’employeur et les réserves est aussi illustré par le fait qu’Awasis est née d’une entente entre les niveaux de gouvernements fédéral et provincial, et les chefs des bandes qu’elle devait servir, ainsi que par un décret provincial qui lui accorde les pouvoirs et responsabilités conférés par la loi à une agence de services à l’enfance dans les réserves.

[54]      Encore une fois, selon moi, le fait que le centre des opérations d’Awasis soit à Thompson par suite de facteurs géographiques et de la pauvreté des réserves qu’elle sert fait partie des circonstances afférentes à l’employeur qu’il est légitime d’examiner lorsqu’il faut déterminer le poids à accorder à l’emplacement et à la nature de l’employeur comme facteur de rattachement.

[55]      Dans le cadre de l’affaire présente, Awasis doit être considérée comme liée de très près aux réserves du fait de l’identité de ses membres et administrateurs et de leur résidence, des motifs qui ont mené à sa création, de son financement, de son statut d’organisme prévu par la loi, de ses objectifs et de la nature des services qu’elle fournit. Toutefois, le fait qu’Awasis ne conduise pas ses affaires dans une réserve et, semble-t-il, n’offre pas d’emploi dans les réserves, indique que son emplacement est hors réserve, ce qui vient affaiblir le lien entre l’employeur et les réserves aux fins de déterminer le situs du revenu d’emploi de l’intimé en vertu de l’alinéa 87(1)b).

[56]      Encore une fois, je veux faire remarquer le contraste avec l’arrêt Amos, précité, où l’employeur faisait affaires sur les terres de la réserve, qu’on lui avait cédées en location à cette fin, l’objectif étant de voir se créer des emplois dans l’entreprise pour les membres de la bande.

c)    Les autres facteurs de rattachement

[57]      Étant donné qu’il n’y a pas d’autres facteurs rattachant les employés aux réserves, les avocats n’en ont pas fait état. Je n’attache à peu près pas de signification à l’emplacement des succursales bancaires où l’employeur tire les salaires et où ils sont déposés dans les comptes des employés. Là où les employés reçoivent leur revenu d’emploi n’a que peu de lien logique, sinon aucun, avec la politique qui sous-tend l’article 87.

[58]      Étant donné que la politique qui sous-tend l’article 87 vise à protéger les réserves en tant qu’entités économiques au bénéfice des membres de la bande qui y résident, la résidence des employés peut être un facteur significatif lorsqu’il s’agit de déterminer le situs du revenu d’emploi. En l’instance, aucun des intimés ne résidait dans une réserve durant les années d’imposition en cause et deux d’entre eux n’avaient jamais résidé dans une réserve.

[59]      Toutefois, la résidence du propriétaire du bien personnel ne peut être une exigence universelle, étant donné qu’elle n’est pas mentionnée dans la définition que la loi donne à la portée de l’article 87. En fait, il peut ressortir clairement des faits que les biens corporels d’une personne sont situés dans la réserve, même si cette personne n’y a pas sa résidence. Le fait que le bien soit situé dans la réserve implique normalement que son propriétaire ne peut en faire un objet de marché ordinaire (Williams, précité, à la page 887), quel que soit le lieu de résidence du propriétaire. Toutefois, je veux faire remarquer que dans l’arrêt Mitchell, précité, à la page 133, le juge La Forest, qui se réfère semble-t-il tant aux biens corporels qu’aux biens incorporels, a lié la disponibilité des protections fournies par les articles 87 et 89 à la question de savoir s’il y avait « un lien discernable entre le bien en question et l’occupation des terres réservées par le propriétaire de ce bien ». [Je souligne.]

[60]      Le lieu de résidence peut donc être un facteur important servant à rattacher le revenu d’emploi à une réserve, alors que le fait qu’un employé ne réside pas dans la réserve peut indiquer que son revenu d’emploi n’a pas été acquis ou utilisé dans la réserve. Dans les arrêts Folster, précité, et Amos, précité, les employés vivaient dans la réserve. Bien sûr, le lieu de résidence n’est qu’un des facteurs et il peut y avoir des situations où ce facteur est déplacé par d’autres qui ont plus de poids, ou reçoit une importance moindre. Je veux simplement ajouter que l’avocat des intimés n’a pas nié le fait que la Cour pouvait tenir compte du lieu de résidence dans le cadre du critère des facteurs de rattachement.

(iii)  La pondération

[61]      Dans l’arrêt Recalma c. Canada (1998), 158 D.L.R. (4th) 59 (C.A.F.), au paragraphe 10, le juge Linden, J.C.A., déclare ce qui suit :

Lorsque le revenu est tiré d’un emploi ou qu’il s’agit d’un salaire, le lieu de résidence du contribuable, le type de travail effectué, l’endroit où le travail a été effectué et la nature de l’avantage qu’en tire la réserve ont une très grande importance.

[62]      Selon moi, la nature du travail de l’intimé et la nature de l’employeur se rattachent de près aux réserves. L’objectif du travail est de renforcer les familles et d’assurer leur maintien dans les réserves, ainsi que d’assurer autant que possible que les ressources de la communauté sont disponibles pour offrir les soins nécessaires aux enfants dans les réserves lorsque leurs parents ne peuvent s’en occuper de façon adéquate.

[63]      Le fait que l’employeur, Awasis, a été créé par suite d’une entente entre les gouvernements et les chefs des bandes auxquelles Awasis offre ses services, ainsi que le fait que cette société est contrôlée par les chefs et a le mandat d’une agence de services à l’enfant dans les réserves, est un autre facteur venant rattacher le travail des intimés aux réserves. Toutefois, contrairement à l’employeur dans l’arrêt Amos, précité, Awasis n’offre pas aux réserves des avantages économiques pour les membres qui y vivent, étant donné que sa gestion est située hors réserve, même si elle ne peut faire autrement.

[64]      Finalement, je veux faire remarquer que la Couronne n’a pas soutenu qu’il y avait lieu de donner moins de poids aux facteurs en cause du fait qu’ils rattachaient le revenu d’emploi de l’intimé à plus d’une réserve. Il ne s’agit pas ici d’une affaire comme celle de l’arrêt Desnomie, précité, ou de l’arrêt Shilling, précité, où il était difficile de trouver un lien entre l’employeur ou les bénéficiaires des services et une réserve.

[65]      Toutefois, je dois pondérer le fait que l’intimé réside hors réserve et qu’il y exerce ses fonctions, souvent fort loin des réserves auxquelles Awasis offre ses services, avec les bénéfices réels que les résidents des réserves tirent des services de l’intimé, l’identité de l’employeur et le rôle important que ces services jouent dans le renforcement du tissu social fondamental des réserves. Les intimés dans cet appel et dans les appels connexes vivent et travaillent à Thompson et à Winnipeg, les mêmes villes où résident leurs voisins qui paient des impôts, qu’ils soient Autochtones ou non.

[66]      Le fait que le travail qui donne lieu au revenu d’emploi soit au bénéfice des Indiens dans les réserves et qu’il puisse être essentiel au maintien des réserves comme groupes sociaux viables, n’est pas en soi suffisant pour situer le revenu d’emploi dans les réserves. La politique qui sous-tend l’alinéa 87(1)b) n’a pas pour but d’offrir une subvention fiscale aux services fournis aux réserves. Il s’agit plutôt de protéger la propriété que les Indiens peuvent acquérir, conserver et utiliser dans une réserve, de toute atteinte par le biais de l’impôt, bien que dans le cas d’un bien incorporel, comme le revenu d’emploi, c’est le situs de son acquisition qui est particulièrement important.

[67]      En édictant l’alinéa 87(1)b), le législateur a créé une exception importante au principe qui veut que les personnes qui sont dans des situations semblables doivent être traitées de la même façon aux fins de l’impôt. Toutefois, cette disposition ne peut être interprétée comme exemptant de l’impôt sur le revenu le revenu d’emploi des Indiens qui n’a pas clairement été gagné dans des circonstances qui lient son acquisition à une réserve en tant qu’unité économique.

[68]      Il est clair que la présente affaire soulève un cas frontière. Toutefois, selon mon interprétation de la jurisprudence, le bénéfice de l’exemption ne peut, au vu de la fragmentation des facteurs de rattachement les plus importants, être maintenu afin de permettre aux demandeurs d’établir qu’ils gagnent leur revenu dans une réserve, plutôt que dans l’économie canadienne en général. Selon moi, il serait difficile de justifier une conclusion voulant que l’intimé a obtenu son revenu d’emploi dans les réserves qui sont servies par Awasis, alors qu’il n’y résidait pas et qu’il n’y travaillait pas.

[69]      Comme j’ai essayé de l’expliquer, les faits en l’instance sont très différents de ceux que l’on trouve dans l’arrêt Folster, précité, et l’arrêt Amos, précité, qui sont, au meilleur de ma connaissance, les seules affaires où notre Cour a décidé de faire droit à une réclamation visant à obtenir l’exemption d’un revenu d’emploi de l’impôt sur le revenu en vertu de l’article 87. De plus, bien que les faits de la présente affaire se rapprochent de ceux dans McNab c. Canada, [1992] 4 C.N.L.R. 52 (C.C.I.), où l’on a fait droit à une réclamation en vertu de l’article 87, je veux faire remarquer, sans toutefois me prononcer sur la décision elle-même, que l’appelant dans cette dernière affaire résidait dans une réserve et que certains des services étaient effectués dans une réserve.

E.        DISPOSITIF

[70]      Pour les motifs précités, on ne peut se fonder sur l’objectif de l’article 87 pour arriver à la conclusion qu’au vu des faits de la présente affaire, le revenu d’emploi de l’intimé est situé sur une réserve aux fins de l’exempter de l’impôt sur le revenu.

[71]      Par conséquent, j’accueillerais l’appel, avec dépens en première instance et en appel; j’annulerais la décision de la Cour de l’impôt et je rétablirais la cotisation du ministre portant sur l’impôt sur le revenu de l’intimé pour les années en cause, sauf en ce qui concerne la partie de son revenu qui est liée au temps qu’il a passé dans les réserves dans l’exercice de ses fonctions. Cette dernière disposition est liée au fait que la Couronne a abandonné ses appels en partie et non à une conclusion que j’aurais tirée que la partie du revenu d’emploi de l’intimé liée au temps qu’il a passé dans les réserves viendrait nécessairement lui donner droit au bénéfice de l’exemption prévue à l’article 87.

Le juge Strayer, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge Isaac, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

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