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[2002] 1 C.F. 517

T-1715-99

2001 CFPI 931

Parke-Davis Division, Warner-Lambert Canada Inc. et Warner-Lambert Company (demanderesses)

c.

Le ministre de la Santé et Apotex Inc. (défendeurs)

Répertorié : Parke-Davis Division c. Canada (Ministre de la Santé) (1re inst.)

Section de première instance, juge DawsonToronto, 1er mai; Vancouver, 22 août 2001.

Brevets — Cession d’un brevet au domaine public — Les demanderesses cherchent à faire interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex Inc. en liaison avec le médicament atorvastatine calcique avant l’expiration du brevet canadien 1268768 — Le brevet a été inscrit par erreur dans la liste des brevets cédés au domaine public — Apotex a soutenu que la déclaration faite par Parke-Davis était fausse ou que le brevet était expiré ou n’était pas valide — La demanderesse a présenté suffisamment d’éléments pour prouver qu’elle possède la qualité pour se prévaloir de l’art. 6(1) du Règlement — Elle devait prouver que l’allégation d’invalidité avancée par Apotex était mal fondée — La demanderesse a omis de produire une preuve directe provenant du témoignage des personnes qui ont eu une connaissance personnelle des faits en litige — La cession du brevet ʹ768 a été faite délibérément dans un contexte où régnaient la confusion et des problèmes de communication — Nature juridique de la cession d’un brevet — La cession initial du brevet a produit des effets juridiques — Les demanderesses n’ont pas réussi à établir que la cession a été révoquée ou corrigée sous le régime de l’art. 8 de la Loi sur les brevets — Apotex était fondée à alléguer l’invalidité du fait que le titulaire du brevet a abandonné ses droits — La cession d’un brevet est un motif d’allégation adéquat.

Il s’agissait d’une demande visant à obtenir une ordonnance fondée sur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en vue d’interdire au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex Inc. en liaison avec le médicament atorvastatine calcique, avant l’expiration du brevet canadien no 1268768 (brevet ʹ768). Warner-Lambert Company, l’une des demanderesses, est la propriétaire alléguée du brevet ʹ768 et du brevet canadien no 2021546, deux brevets qui se rapportent au médicament atorvastatine calcique. En décembre 1994, un agent des brevets canadien de Warner-Lambert a fait parvenir à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) une lettre accompagnée de plusieurs documents constatant la cession de différents brevets au domaine public. Au milieu de l’année 1997, un avocat spécialiste des brevets de Warner-Lambert a remarqué que le brevet ʹ768 avait été inscrit par erreur dans la liste des brevets cédés au domaine public. Santé Canada a mis en doute l’avis de cession au domaine public publié par l’OPIC mais a accepté, apparemment, de garder le brevet ʹ768 inscrit au registre. En août 1999, Apotex a fait parvenir un avis d’allégation à Parke-Davis Division en ce qui concerne ce brevet, alléguant que la déclaration faite par cette dernière sur le fondement de l’alinéa 4(2)c) du Règlement était fausse, ou que le brevet était expiré ou n’était pas valide. L’allégation était fondée sur l’énoncé du droit et des faits selon lequel il y avait eu cession du brevet au domaine public. Trois questions ont été soulevées : 1) les demanderesses avaient-elles qualité pour agir en demande suivant le paragraphe 6(1) du Règlement? 2) l’avis d’allégation était-il valide? et 3) les demanderesses ont-elles établi que l’allégation était mal fondée?

Jugement : la demande est rejetée.

1) En vertu du paragraphe 6(1) du Règlement, la « première personne » qui reçoit signification d’un avis d’allégation peut demander une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l’expiration du brevet visé par l’allégation. Seule la première personne qui a demandé ou obtenu un avis de conformité et qui a soumis une liste de brevets a la qualité voulue pour présenter une demande d’interdiction. En l’espèce, Parke-Davis est la première personne au sens du Règlement et elle a revendiqué le statut de titulaire exclusif de licence au Canada pour les brevets ʹ768 et ʹ546. Apotex a fait valoir qu’étant donné que le représentant de Parke-Davis a refusé, en contre-interrogatoire, de produire sa licence exclusive, la demande ne peut être accueillie vu le défaut des demanderesses d’établir qu’elles avaient la qualité pour agir. Parke-Davis a, en fait, fourni à la Cour une certaine preuve de sa qualité. En l’espèce, ce n’est pas l’absence complète de preuve pertinente qui est soulevée mais plutôt la question de savoir si la preuve présentée est suffisante. La Cour a conclu que Parke-Davis avait présenté suffisamment d’éléments pour prouver qu’elle possédait la qualité pour présenter la demande, et elle n’était pas disposée à tirer une conclusion défavorable aux demanderesses vu leur défaut de produire le contrat de licence.

2) Les demanderesses ont soutenu que l’avis d’allégation n’était pas valide parce qu’Apotex n’avait pas encore déposé de demande d’avis de conformité pour l’atorvastatine calcique. Il est établi en droit que le processus décrit au Règlement se distingue du processus administratif imposé par le Règlement sur les aliments et drogues. Il n’est pas nécessaire d’entreprendre ces processus simultanément, l’unique lien entre les deux processus résidant dans le fait que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité qu’en tenant compte de l’issue de chaque processus. Il est possible de tenir compte des allégations autres que celles d’absence de contrefaçon en l’absence de toute présentation de drogue nouvelle (PDN), le contenu d’une PDN n’étant pas pertinent lorsqu’on allègue l’invalidité du brevet. Les demanderesses ont également soutenu que l’avis d’allégation ne contient pas d’allégation à l’égard du brevet ʹ546, lequel est aussi inscrit au registre en ce qui concerne les formes posologiques pertinentes de l’atorvastatine calcique. Les allégations portant sur des brevets énumérés successivement dans une liste de brevets peuvent faire l’objet d’avis d’allégation séparés et de procès séparés. L’avis d’allégation n’est pas entaché d’un vice du fait qu’il ne tient pas compte de chaque brevet inscrit sur la liste de brevets. Ce n’est qu’au moment où le ministre en vient à examiner la PDN, aux fins de la délivrance de l’avis de conformité, que chaque brevet devra avoir été examiné.

3) Les instances visées par l’article 6 du Règlement sont de nature sommaire et ne s’adressent qu’à la question de savoir s’il y a lieu d’interdire au ministre de délivrer un avis de conformité. Il incombait à Parke-Davis de prouver que l’allégation d’invalidité avancée par Apotex était mal fondée, ce qui l’obligeait à prouver sa cause selon la norme de preuve en matière civile. La prétendue cession du brevet au domaine public était exposée dans l’avis d’allégation et faisait partie de la preuve dont la Cour avait été saisie. Par conséquent, Parke-Davis devait s’acquitter de son fardeau de réfuter l’allégation relative à l’invalidité, l’expiration et la fausse déclaration contenue dans l’avis d’allégation. En réponse à l’avis d’allégation d’Apotex, Parke-Davis a allégué qu’elle n’avait jamais eu l’intention de céder le brevet ʹ768 au domaine public et qu’en l’absence d’intention, la cession ne peut pas avoir plein effet ou elle peut être révoquée. Elle a déposé deux affidavits au soutien de sa demande. Toutefois, la preuve a révélé que Parke-Davis avait eu la possibilité de fournir à la Cour une preuve directe provenant du témoignage d’un certain nombre de personnes qui ont eu une connaissance personnelle des faits en litige, mais qu’elle a omis de le faire. Il incombait à Parke-Davis de fournir à la Cour une preuve admissible pour la convaincre qu’il était probable que la cession du brevet ʹ768 n’avait pas été intentionnelle, malgré l’existence d’une intention indéniable de céder les autres brevets énumérés dans l’annexe jointe à la cession irrévocable. Compte tenu de la probabilité la plus forte, la Cour ne pouvait pas conclure que les faits établissaient que la cession n’était pas intentionnelle en ce sens qu’elle était contraire à l’intention expresse exprimée à l’époque par Warner-Lambert.

Malgré le vide juridique de la Loi sur les brevets sur cette question, la cession d’un brevet au domaine public est devenue une procédure bien établie au Canada. Il n’y a en outre aucune jurisprudence canadienne quant à la nature juridique et aux effets de la cession. Il n’appartenait pas à la Cour de décider si le brevet ʹ768 était valide. Toutefois, la jurisprudence américaine a été jugée convaincante pour ce qui est d’examiner si les allégations contenues dans l’avis d’allégation étaient bien fondées. La cession initiale du brevet a produit des effets juridiques puisqu’elle n’allait pas à l’encontre de l’intention exprimée à l’époque par Warner-Lambert. Les arguments des demanderesses n’ont pas fourni une analyse satisfaisante de la nature juridique de la cession d’un brevet et, plus particulièrement, de la possibilité de révoquer la cession. Les demanderesses n’ont pas réussi à établir que la cession avait été révoquée et qu’une fois qu’une invention est entrée dans le domaine public, particulièrement à la suite d’une renonciation ou d’une cession de la part du breveté, l’ancien breveté a la possibilité de faire marche arrière par un acte unilatéral. En l’absence d’un certificat délivré sous l’autorité du commissaire et vu que la jurisprudence ne reconnaît qu’une portée limitée à l’autorité du commissaire, il était impossible de conclure à l’existence d’une révocation de la cession ou d’une correction sous le régime de l’article 8 de la Loi. Les demanderesses n’ont pas réussi à établir qu’Apotex n’était pas fondée à alléguer que la déclaration selon laquelle Parke-Davis était la titulaire exclusive d’une licence pour le brevet ʹ768 était fausse, et que ce brevet était expiré, ou qu’elle n’était pas fondée à alléguer l’invalidité du fait que le titulaire du brevet a abandonné ses droits dérivés du brevet. La cession d’un brevet est un motif d’allégation adéquat. Dans tous les cas où, en raison de la cession du brevet au domaine public, le breveté ne peut établir sans ambiguïté qu’il détient les droits exclusifs rattachés au brevet, il serait déraisonnable et contraire à l’objet du Règlement de permettre au breveté d’interdire à un autre fabricant d’accéder au marché en se fondant uniquement sur le fait que le brevet contesté est énuméré dans une liste de brevets.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 8 (mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 27), 43(2) (mod., idem, art. 42).

Patent Law, 35 U.S.C. § 253 (1993).

Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870.

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 2 (mod. par DORS/99-379, art. 1), 4 (mod. par DORS/98-166, art. 3), 5 (mod. idem, art. 4; DORS/99-379, art. 2), 6 (mod., idem, art. 5).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 81(1).

JURISPRUDENCE

décisions appliquées :

Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2001] 1 C.F. 495 (2000), 10 C.P.R. (4th) 65; 262 N.R. 137 (C.A.); demande de pourvoi à la C.S.C. accueillie, [2000] C.S.C.R. no 610 (QL); Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 82 C.P.R. (3d) 359; 154 F.T.R. 192 (C.F. 1re inst.); conf. par (2000), 6 C.P.R. (4th) 285; 258 N.R. 238 (C.A.F.).

distinction faite d’avec :

Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1996), 69 C.P.R. (3d) 455; 205 N.R. 251 (C.A.F.).

décisions examinées :

Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 74 C.P.R. (3d) 131; 132 F.T.R. 60 (C.F. 1re inst.); Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 76 C.P.R. (3d) 1; 153 D.L.R. (4th) 68; 219 N.R. 151 (C.A.F.); Smithkline Beecham Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 77 C.P.R. (3d) 147; 138 F.T.R. 310 (C.F. 1re inst.); Glaxo Wellcome Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 75 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.); Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302; 169 N.R. 342 (C.A.F.); Eli Lilly and Co. c. Nu-Pharm Inc., [1997] 1 C.F. 3 (1996), 69 C.P.R. (3d) 1; 199 N.R. 185 (C.A.); Genentech Canada Inc. (Re) (1992), 44 C.P.R. (3d) 316 (P.M.P.R.B.); Pennock et al. v. Dialogue, 2 Peters 1 (U.S.S.C. 1829); W.L. Gore & Associates, Inc. v. Oak Materials Group, 424 F. Supp. 700 (D.C. Del. 1976); Altoona Publix Theatres v. American Tri-Ergon Corp., 294 U.S. 477 (1935); President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), [2000] 4 C.F. 528 (2000), 189 D.L.R. (4th) 385; 7 C.P.R. (4th) 1 (C.A.); Reid v. Standard Construction Co. (1917), 51 N.S.R. 33; [1917] 34 D.L.R. 65 (C.S.).

décisions citées :

Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] 2 R.C.S. 193; (1998), 161 D.L.R. (4th) 47; 80 C.P.R. (3d) 368; Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd.; Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., [1998] 2 R.C.S. 129; (1998), 161 D.L.R. (4th) 1; 80 C.P.R. (3d) 321; Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 6 C.P.R. (4th) 285; 258 N.R. 238 (C.A.F.); Hoffmann-La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 206; 205 N.R. 331 (C.A.F.); Novopharm Ltd. v. Merck & Co. (1992), 44 C.P.R. (3d) 13 (Comm. aux brevets); Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024; (2000), 194 D.L.R. (4th) 232; 9 C.P.R. (4th) 168; 263 N.R. 150; Gill v. United States, 160 U.S. 426 (1896); Shaw v. Cooper, 7 Peters 292 (U.S.S.C. 1833); Conway v. Ottawa Electric Railway Co. (1904), 8 R.C.É. 432; Gibney v. Ford Motor Co. of Canada, [1967] 2 R.C.É. 279; (1967), 52 C.P.R. 140; Chris-Craft Industries, Inc. v. Monsanto, Co. 59 F.R.D. 282 (C.D. Cal. 1973); Technimark, Inc. v. Crellin, Inc. 14 F.Supp. 2d 762 (M.D.N.C. 1998); National Semiconductor Corp. v. Linear Technology, 703 F.Supp. 845 (N.D. Cal. 1988); Bayer Aktiengesellschaft c. Commissaire aux brevets, [1981] 1 C.F. 656 (1980), 53 C.P.R. (2d) 70 (1re inst.); Upjohn Co. c. Commissaire aux brevets (1983), 74 C.P.R. (2d) 228 (C.F. 1re inst.).

DEMANDE visant à obtenir une ordonnance fondée sur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex Inc. en liaison avec le médicament atorvastatine calcique, avant l’expiration du brevet canadien no 1268768. Demande rejetée.

ONT COMPARU :

Brian W. Gray, Alice Tseng et Michael Vaillancourt pour les demanderesses.

Harry B. Radomski, Richard E. Naiberg et Julie M. Perrin pour la défenderesse Apotex Inc.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake Cassels & Graydon s.r.l., Toronto, pour les demanderesses.

Goodmans s.r.l., Toronto, pour la défenderesse Apotex Inc.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge Dawson : Les demanderesses sollicitent, dans la présente demande de contrôle judiciaire, une ordonnance fondée sur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (Règlement) en vue d’interdire au défendeur, le ministre de la Santé (ministre), de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Apotex Inc. (Apotex), en liaison avec le médicament connu sous le nom d’atorvastatine calcique, avant l’expiration du brevet canadien no 1268768 (brevet ʹ768).

[2]        La présente demande résulte d’un conflit au sujet de la nature juridique de la cession d’un brevet au domaine public et des circonstances, s’il en est, qui permettent de révoquer cette cession.

[3]        Le ministre de la Santé n’a produit aucun document et il n’a pas comparu.

LES FAITS

[4]        Les demanderesses allèguent qu’à toutes dates pertinentes, la société Warner-Lambert (Warner-Lambert) était et demeure la propriétaire du brevet ʹ768 et du brevet canadien no 2021546 (brevet ʹ546), deux brevets qui se rapportent au médicament atorvastatine calcique. Elles allèguent en outre que la société Parke-Davis Division, Warner-Lambert Canada Inc. (Parke-Davis), une filiale de Warner-Lambert, est la titulaire exclusive au Canada de la licence pour les brevets ʹ768 et ʹ546.

[5]        Le 19 février 1997, Parke-Davis a reçu un avis de conformité pour le médicament atorvastatine calcique, lequel se vend au Canada en comprimés de 10, 20 et 40 mg sous la marque de commerce « Lipitor ».

[6]        Les brevets ʹ768 et ʹ546 figuraient sur deux listes de brevets que Parke-Davis a fournies, conformément au paragraphe 4(1) du Règlement, en liaison avec des comprimés d’atorvastatine calcique en format de 10, 20 et 40 mg. Par conséquent, Santé Canada a inscrit les brevets ʹ768 et ʹ546 au registre des brevets.

[7]        Après avoir reçu l’avis de conformité, Parke-Davis a commencé à vendre du « Lipitor » au Canada. Apparemment, il s’agirait d’un médicament de premier choix pour réduire le cholestérol, du médicament délivré sur ordonnance le plus vendu chez Parke-Davis, et le deuxième plus vendu au Canada. L’atorvastatine calcique était, en 1999, le lauréat du Prix Galien Canada dans la catégorie du médicament innovateur.

[8]        Le 21 décembre 1994, un agent des brevets canadien chez Warner-Lambert a fait parvenir à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) une lettre accompagnée de plusieurs documents constatant la cession de différents brevets au domaine public, et dans laquelle il indiquait que [traduction] « nous soutenons que la demande de publication déposée à l’égard de ces cessions vaut cession irrévocable de ces brevets, dès leur date de dépôt, savoir le 21 décembre 1994 », et également que [traduction] « nous apprécierions vivement si vous pouviez confirmer que les avis demandés seront publiés ».

[9]        L’une des pièces, jointes à la lettre du 21 décembre 1994, consistait en une cession rédigée dans les termes suivants :

[traduction]

CESSION

La société Warner-Lambert, propriétaire des brevets canadiens énumérés en annexe, et dont l’adresse postale est le 201 Tabor Road, Morris Plains, N.J. 07950, cède irrévocablement lesdits brevets au domaine public, laquelle cession prend effet

Fait à Morris Plains NJ (É.-U.)

le 20 octobre 1994.

Pour la Société Warner Lambert,

Le document était signé par Andrea Ryan, qui était à l’époque la secrétaire adjointe chez Warner-Lambert. Le brevet ʹ768 faisait partie des quelque 278 brevets énumérés en annexe.

[10]      Le 4 avril 1995, l’OPIC a publié un avis dans la Gazette canadienne du Bureau des brevets (GCBB), indiquant que les brevets énumérés avaient été cédés [traduction] « au domaine public par le propriétaire actuellement enregistré ».

[11]      Les demanderesses soutiennent qu’au milieu de l’année 1997, un avocat spécialiste des brevets chez Warner-Lambert a remarqué que le brevet ʹ768 avait été inscrit par erreur dans la liste des brevets cédés au domaine public. Dans une lettre adressée à l’OPIC, l’agent de brevets canadien de Warner-Lambert a donc demandé la correction de l’erreur alléguée et la publication d’un avis de rétractation dans la GCBB.

[12]      D’autres demandes ont suivi et, le 25 août 1998, l’OPIC a publié l’avis suivant dans la GCBB :

16. Avis du titulaire de brevet

Dans un avis publié dans le numéro du 4 avril 1995 de la Gazette canadienne du Bureau des brevets, la Warner-Lambert Company avait rendu 278 de ses brevets au domaine public. Par suite d’une erreur, le brevet no 1,268,768 pour une invention intitulée « Inhibiteurs de la synthèse du cholestérol de type trans-6-[2-(3- ou 4-carboxamido(substitué)pyrrol-1-yl)alkyl]-4-hydroxpyran-2-one » et le brevet no 1,270,763 pour une invention intitulée « Méthode contraceptive et trousse » ont été incorporés à la liste des brevets rendus au domaine public. En conséquence, la Warner-Lambert Company annonce par la présente qu’elle n’a pas renoncé et ne s’apprête pas à renoncer à ses droits exclusifs aux inventions définies dans les brevets canadiens nos 1,268,768 et 1,270,763.

[13]      Après la supposée cession, Parke-Davis a acquitté les taxes périodiques à l’égard du brevet ʹ768 et l’OPIC a accepté le paiement.

[14]      Santé Canada a mis en doute l’avis de cession au domaine public mais a accepté, apparemment, de garder le brevet ʹ768 inscrit au registre après qu’on lui eut expliqué en quoi consistait l’erreur et après qu’on lui eut fourni une copie de l’avis de rétractation de la cession, paru dans la GCBB, relativement au brevet ʹ768.

[15]      Le 16 août 1999, le président d’Apotex a fait parvenir une lettre à Parke-Davis, rédigée comme suit :

[traduction] La présente constitue un avis d’allégation au sens du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), relativement à des comprimés, renfermant de l’atorvastatine calcique, à être administrés par voie orale.

En ce qui concerne le brevet no 1268768, nous alléguons que votre déclaration, fondée sur l’alinéa 4(2)c) du Règlement est fausse, ou que le brevet est expiré, ou qu’il n’est pas valide.

L’allégation est fondée sur l’énoncé du droit et des faits selon lequel il y a eu cession de ce brevet au domaine public.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[16]      Les questions soulevées dans la présente demande sont les suivantes :

1. Les demanderesses ont-elles la qualité pour agir en demande suivant le paragraphe 6(1) [mod. par DORS/98-166, art. 5] du Règlement?

2. L’avis d’allégation est-il valide?

3. Les demanderesses ont-elles établi que l’allégation était mal fondée?

ANALYSE

1.         Les demanderesses ont-elles la qualité pour agir en demande suivant le paragraphe 6(1) du Règlement?

[17]      Apotex a allégué que les demanderesses n’ont pas la qualité pour présenter cette demande. Pour évaluer cet argument, il est nécessaire d’examiner le cadre de réglementation propre au Règlement.

(a)       Le cadre de réglementation

[18]      L’article 4 [mod., idem, art. 3] du Règlement donne au propriétaire du brevet, ainsi qu’à celui qui détient la licence exclusive ou à une autre personne ayant obtenu le consentement du propriétaire, qui demande ou qui a obtenu un avis de conformité à l’égard d’un médicament, le droit de soumettre une liste de brevets à l’égard de ce médicament. La liste de brevets doit contenir une déclaration confirmant la propriété, l’octroi d’une licence ou autre intérêt à l’égard du brevet pertinent. Les paragraphes (1) et (2) de l’article 4 disposent :

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l’égard de la drogue, accompagnée de l’attestation visée au paragraphe (7).

(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

a) la forme posologique, la concentration et la voie d’administration de la drogue;

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l’égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l’inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l’utilisation du médicament, et qu’elle souhaite voir inscrit au registre;

c) une déclaration portant, à l’égard de chaque brevet, que la personne qui demande l’avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l’inclure dans la liste;

d) la date d’expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;

e) l’adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d’allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d’une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s’il s’agissait de la personne elle-même.

[19]      L’article 5 [mod., idem, art. 4; DORS/99-379, art. 2] du Règlement impose des exigences à une personne qui dépose ou qui a déposé une demande d’avis de conformité à l’égard d’un médicament et qui le compare à un autre médicament pour en démontrer la bioéquivalence. L’article 5 dispose en partie :

5. (1) Lorsqu’une personne dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue et la compare, ou fait référence, à une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence d’après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, cette autre drogue ayant été commercialisée au Canada aux termes d’un avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l’égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue :

a) soit une déclaration portant qu’elle accepte que l’avis de conformité ne sera pas délivré avant l’expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l’alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n’est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l’utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l’objet de la demande d’avis de conformité.

[…]

(3) Lorsqu’une personne fait une allégation visée aux alinéas (1)b) ou (1.1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde;

b) si l’allégation est faite aux termes de l’un des sous-alinéas (1)b)(i) à (iii) ou (1.1)b)(i) à (iii), signifier un avis de l’allégation à la première personne;

c) si l’allégation est faite aux termes des sous-alinéas (1)b)(iv) ou (1.1)b)(iv) :

(i) signifier à la première personne un avis de l’allégation relative à la demande déposée selon les paragraphes (1) ou (1.1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite,

(ii) insérer dans l’avis d’allégation une description de la forme posologique, de la concentration et de la voie d’administration de la drogue visée par la demande;

d) signifier au ministre une preuve de la signification effectuée conformément aux alinéas b) ou c).

[20]      L’article 6 [mod. par DORS/98-166, art. 5] confère les droits suivants à la « première personne » qui reçoit signification d’un avis d’allégation aux termes des alinéas 5(3)b) ou c) du Règlement :

6. (1) La première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d’un avis d’allégation aux termes des alinéas 5(3)b) ou c), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l’expiration du brevet visé par l’allégation.

(2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l’égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu’aucune des allégations n’est fondée.

[…]

(4) Lorsque la première personne n’est pas le propriétaire de chaque brevet visé dans la demande mentionnée au paragraphe (1), le propriétaire de chaque brevet est une partie à la demande.

(5) Lors de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter la demande si, selon le cas :

a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l’inscription au registre ou ne sont pas pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d’administration de la drogue pour laquelle la seconde personne a déposé une demande d’avis de conformité;

b) il conclut qu’elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure.

[…]

(7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l’instance :

a) ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la demande d’avis de conformité qu’elle a déposée et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l’instance;

b) enjoindre au ministre de vérifier que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d’avis de conformité.

[21]      L’article 2 [mod. par DORS/99-379, art. 1] du Règlement définit comme suit les expressions « première personne » et « seconde personne » :

2.  […]

« première personne » La personne visée au paragraphe 4(1).

[…]

« seconde personne » Selon le cas, la personne visée aux paragraphes 5(1) ou (1.1).

[22]      Dans le contexte de ce cadre réglementaire, Apotex a fait à bon droit les observations suivantes :

(i) seule la personne, la première, qui a demandé ou obtenu un avis de conformité et qui a soumis une liste de brevets a la qualité pour présenter une demande d’interdiction;

(ii) cette première personne doit indiquer sur la liste des brevets le fondement sur lequel elle prétend avoir des droits à l’égard des brevets énumérés dans la liste;

(iii) en l’espèce, Parke-Davis est la première personne au sens du Règlement et elle revendique le statut de titulaire exclusif de licence au Canada pour les brevets ʹ768 et ʹ546, autant dans la liste de brevets que dans l’avis de demande délivré pour l’introduction de la présente instance.

[23]      Il en résulte, selon Apotex, que la première personne doit fournir la preuve qu’elle possède la qualité pour agir. Apotex a également indiqué que, lorsqu’une partie fait défaut de produire la preuve de sa licence, il faut tirer une conclusion en sa défaveur, et qu’une preuve par affidavit, dans laquelle on affirme simplement qu’il existe une licence exclusive, n’est pas une preuve suffisante pour établir la qualité pour agir.

[24]      En l’espèce, le représentant de Parke-Davis a refusé, en contre-interrogatoire, de produire sa licence exclusive. Apotex a fait valoir qu’en conséquence, la demande ne peut être accueillie vu le défaut des demanderesses d’établir qu’elles avaient la qualité pour agir.

[25]      Parke-Davis a, en fait, fourni à la Cour une certaine preuve de sa qualité. Son Directeur des affaires gouvernementales et des systèmes de soins de santé a déclaré sous serment ce qui suit :

[traduction]

4.    Parke-Davis est la titulaire exclusive d’une licence concédée au Canada pour la commercialisation et la vente de l’atorvastatine calcique, en vertu des brevets ʹ768 et ʹ546.

[26]      En contre-interrogatoire, le déposant des demanderesses a confirmé l’existence de la licence et a fait savoir qu’il n’avait pas avec lui la copie du contrat de licence. Lors du contre-interrogatoire, les avocats des demanderesses ont soulevé la question de la confidentialité de la licence. En bout de ligne, les demanderesses ont refusé de produire le contrat de licence.

[27]      Pour étayer l’argument selon lequel il y avait des lacunes dans cette preuve, Apotex s’est fondée sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1996), 69 C.P.R. (3d) 455 (C.A.F.) et sur la décision rendue par le juge Muldoon dans Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 74 C.P.R. (3d) 131 (C.F. 1re inst.).

[28]      Dans Eli Lilly, précitée, la Cour avait conclu qu’il n’était pas suffisant que la demanderesse déclare dans un affidavit que [aux pages 457 et 458] « les ventes d’[un tiers] profitent à ma firme » pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombait d’établir l’existence d’un préjudice irréparable suffisant qui lui permette d’obtenir une injonction interlocutoire.

[29]      J’estime que cette affaire n’est d’aucune utilité puisque le litige portait sur l’absence d’éléments nécessaires pour prouver que la perte alléguée serait supportée par les demanderesses et que cette perte serait irréparable. En l’espèce, ce n’est pas l’absence complète de preuve pertinente qui est soulevée mais plutôt la question de savoir si la preuve présentée est suffisante.

[30]      La décision Merck Frosst, précitée, sur laquelle s’est fondée Apotex est plus pertinente. Dans cette affaire, soit une demande d’interdiction présentée en vertu du Règlement, le juge Muldoon a fait des remarques incidentes au sujet de la suffisance de la preuve produite pour établir les droits de licence exclusifs des demanderesses. Les commentaires du juge Muldoon, à la page 141, sont les suivants :

Cette preuve n’exige rien d’autre que la production de la licence authentique (ou à tout le moins des parties du document qui prouvent l’existence d’une entente d’attribution de licence). Si cet élément essentiel n’est pas exigé, la Cour n’aurait d’autre choix que d’imposer la mesure extraordinaire d’interdiction contre le Ministresi les allégations du fabricant intimé n’étaient pas fondéessur la simple présomption que les requérantes ont un intérêt dans le brevet. Même les déclarations faites sous serment par les requérantes ne prouvent pas l’existence d’une licence. Tout simplement, cette preuve est un élément essentiel à la cause des requérantes. Le contre-interrogatoire de M. Saheb établit clairement que celles-ci ne se sont pas acquittées de l’obligation de preuve. [Souligné dans l’original.]

[31]      Toutefois, je ne crois pas qu’il faille interpréter les propos du juge Muldoon comme exigeant que, dans chaque affaire, le contrat de licence ait été versé au dossier de la Cour. Le juge Muldoon a conclu que ce n’était pas la simple absence du contrat de licence mais la nature de la preuve, présentée en contre-interrogatoire par le déposant des demanderesses, qui avait permis d’établir que celles-ci ne s’étaient pas acquittées de leur fardeau de preuve. Le déposant avait admis durant le contre-interrogatoire qu’il n’avait jamais vu le contrat de licence, et le juge Muldoon a fait remarquer que les renseignements que le déposant détenait au sujet d’une quelconque licence étaient [à la page 141] « tout au plus sommaires et fondés sur d’anciens ouï-dires ». Le propriétaire du brevet n’était pas demandeur dans cette affaire.

[32]      En l’espèce, la preuve présentée par le déposant des demanderesses n’a pas été l’objet d’une telle attaque lors du contre-interrogatoire. Le témoin n’a pas eu à répondre à des questions concernant la nature des renseignements qu’il avait au sujet du contrat de licence ni à des questions au sujet des dispositions du contrat. Lors du contre-interrogatoire, personne n’a laissé entendre au témoin que l’existence du contrat de licence exclusive était remise en question. Par ailleurs, les brevets ʹ768 et ʹ546 font partie des pièces déposées au soutien de l’affidavit du déposant, le propriétaire du brevet est l’un des demandeurs dans la présente instance, et le déposant a affirmé sous serment que Parke-Davis est une filiale de la société propriétaire des brevets.

[33]      Vu les circonstances, j’estime que Parke-Davis a présenté suffisamment d’éléments pour prouver qu’elle possède la qualité pour présenter cette demande. J’appuie ma conclusion sur les commentaires de la Cour d’appel fédérale dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2001] 1 C.F. 495 (C.A.), demandes d’autorisation de pourvoi accueillies [2000] C.S.C.R. no 610 (QL), où le juge Rothstein, J.C.A. faisait au nom de la Cour les remarques suivantes, au paragraphe 99 :

Peut-être est-il indiqué de faire remarquer qu’en l’espèce, la présumée titulaire de licence n’est pas la seule à ester en justice pour contrefaçon de brevet, la brevetée également s’adresse à la Cour comme codemanderesse et appuie la revendication de GWI. Il est difficile de concevoir ce qu’on pourrait demander de plus. Lorsque la brevetée et la personne se réclamant de celle-ci sont toutes deux parties à l’action, sont affiliées parce que toutes deux détenues par la même société mère et ont le même intérêt relativement au litigela brevetée appuyant la demande de la personne se réclamant d’elleil est surprenant, c’est le moins qu’on puisse dire, que des arguments techniques relatifs à la qualité pour agir soient avancés comme moyen de défense à une action en contrefaçon.

[34]      Enfin, en ce qui concerne cette question, compte tenu que la question de la confidentialité des dispositions du contrat de licence a été soulevée, je ne suis pas disposée à accepter l’argument d’Apotex selon lequel je devrais tirer une conclusion défavorable aux demanderesses vu leur défaut de produire le contrat.

2.         L’avis d’allégation est-il valide?

[35]      Les demanderesses soutiennent que l’avis d’allégation n’est pas valide pour les raisons suivantes :

a) Apotex n’a pas encore déposé de demande d’avis de conformité pour l’atorvastatine calcique;

b) Il n’y a pas, dans l’avis d’allégation, une allégation pour chaque brevet inscrit au registre en ce qui concerne les formes posologiques particulières de l’atorvastatine calcique.

(a)  Apotex n’a pas déposé de demande d’avis de conformité pour l’atorvastatine calcique

[36]      Les demanderesses ont allégué qu’Apotex, en déposant son avis d’allégation, déroge au Règlement si elle ne dépose pas une présentation de drogue nouvelle (PDN) et si son président a indiqué en contre-interrogatoire qu’il n’avait aucunement l’intention de le faire sous peu.

[37]      Pour étayer leur argument, les demanderesses ont allégué que dans l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), la Cour d’appel avait statué qu’il était possible de remplir les conditions de l’article 5 du Règlement dans n’importe quel ordre, mais elle n’avait pas laissé entendre qu’il n’était pas nécessaire de toutes les remplir. On a fait valoir qu’il n’existe aucune autorité qui indique qu’un avis d’allégation valide peut être déposé simplement dans le but de chercher à prendre avantage des procédures sans, qu’à brève échéance, on ait l’intention de déposer une demande d’avis de conformité. De plus, les demanderesses ont soutenu que des arrêts comme Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] 2 R.C.S. 193, établissent implicitement qu’à la date de l’audience relative à l’interdiction, toutes les conditions de l’article 5 du Règlement doivent déjà avoir été respectées.

[38]      Les demanderesses ont également allégué que le paragraphe 6(7) du Règlement autorise la première personne à solliciter une ordonnance en vue d’obliger la seconde personne à produire un extrait, pertinent au règlement du litige en l’instance, de la demande d’avis de conformité que celle-ci a déposée. D’après elles, ce paragraphe permet d’affirmer qu’il doit y avoir une demande d’avis de conformité au soutien de l’avis d’allégation.

[39]      J’estime que ces arguments ne sont pas convaincants pour les raisons suivantes.

[40]      En premier lieu, il est maintenant établi en droit que le processus décrit au Règlement se distingue du processus administratif imposé par le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870. Il n’est pas nécessaire d’entreprendre ces processus simultanément. L’unique lien entre les deux processus réside dans le fait que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité qu’en tenant compte de l’issue de chaque processus.

[41]      Par conséquent, dans Smithkline Beecham Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 77 C.P.R. (3d) 147 (C.F. 1re inst.), le juge McKeown a rejeté une demande visant à faire déclarer qu’un avis d’allégation n’était pas valide et visant à interdire au ministre de la Santé et du Bien-être social de considérer qu’une lettre constituait un avis d’allégation étant donné que la seconde partie, qui sollicitait la délivrance d’un avis de conformité, n’avait pas déposé de PDN. Le juge McKeown a fait observer que c’était l’avis d’allégation qui constituait la base factuelle d’une instance visant l’interdiction, et non la PDN. Par conséquent, il est arrivé à la conclusion que la seconde personne serait éventuellement tenue de déposer une PDN, mais que le seul lien entre une allégation d’absence de contrefaçon et la PDN réside dans le fait que l’allégation doit figurer dans la PDN de manière à ce que le ministre soit tenu d’examiner si l’allégation déposée dans la PDN est la même que celle qui figure dans l’avis d’allégation.

[42]      À mon avis, cette décision est compatible avec la conclusion selon laquelle il est possible de tenir compte des allégations autres que celles d’absence de contrefaçon en l’absence de toute PDN. Le contenu d’une PDN n’est pas pertinent lorsqu’on allègue l’invalidité d’un brevet.

[43]      Le Règlement a été modifié après la décision Smithkline Beecham, précitée. À mon avis, ces modifications permettent de déterminer l’issue de l’objection soulevée par les demanderesses à l’égard de l’absence de PDN. Auparavant, les paragraphes 5(1) et 5(3) du Règlement disposaient ainsi :

5. (1) Lorsqu’une personne dépose ou, avant la date d’entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d’avis de conformité à l’égard d’une drogue et souhaite comparer cette drogue à une drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d’un avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard duquel une liste de brevets a été soumise ou qu’elle souhaite faire un renvoi à la drogue citée en second lieu, elle doit indiquer sur sa demande, à l’égard de chaque brevet énuméré dans la liste :

a) soit une déclaration portant qu’elle accepte que l’avis de conformité ne sera pas délivré avant l’expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas?

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l’alinéa 4(2)b) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n’est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l’utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l’objet de la demande d’avis de conformité.

[…]

(3) Lorsqu’une personne fait une allégation visée à l’alinéa (1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde;

b) signifier un avis d’allégation à la première personne et une preuve de cette signification au ministre.

[44]      Le 12 mars 1998, le paragraphe 5(3) du Règlement était modifié par DORS/98-166 comme suit :

4. […]

(4) L’alinéa 5(3)b) du même règlement est remplacé par ce qui suit :

b) si l’allégation est faite aux termes de l’un des sous-alinéas (1)b)(i) à (iii), signifier un avis de l’allégation à la première personne;

c) si l’allégation est faite aux termes du sous-alinéa (1)b)(iv) :

(i) signifier à la première personne un avis de l’allégation relative à la demande déposée selon le paragraphe (1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite,

(ii) insérer dans l’avis d’allégation une description de la forme posologique, de la concentration et de la voie d’administration de la drogue visée par la demande;

d) signifier au ministre une preuve de la signification effectuée conformément aux alinéas b) ou c).

[45]      Le moment de la signification était la question visée par cette modification et celle-ci n’exigeait qu’un avis d’allégation soit signifié au moment du dépôt d’une PDN, ou à une date ultérieure, que si l’on alléguait l’absence de contrefaçon. Le résumé de l’étude d’impact de la réglementation décrivait en ces termes la modification [à la page 1057] :

Pas d’avis d’allégation prématuré : Le fabricant de médicaments génériques ne peut pas signifier au titulaire de brevet un avis d’allégation relatif à une absence de contrefaçon s’il n’a pas d’abord déposé une demande d’approbation d’avis de conformité auprès du ministre de la Santé.

[46]      À mon avis, l’absence de toute exigence réglementaire imposant le dépôt d’une PDN au moment de la signification de l’avis d’allégation, lorsque les allégations sont faites en vertu des sous-alinéas (i) à (iii) de l’alinéa 5(1)b) du Règlement, signifie qu’en pareil cas l’avis d’allégation n’est pas invalidé simplement du fait qu’aucune PDN ou présentation modifiée de nouvelle drogue n’a été déposée au moment de la signification de l’avis d’allégation.

[47]      Je fais remarquer que le paragraphe 6(7) du Règlement, dans la mesure où les demanderesses ont cherché à asseoir leur argument sur son libellé, exige seulement qu’un extrait de la PDN soit produit par ordonnance du tribunal lorsque cet extrait est « pertinent ». Comme je l’ai souligné précédemment, bien que le contenu d’une PDN soit pertinent lorsque l’absence de contrefaçon est alléguée, il ne l’est pas lorsque l’invalidité d’un brevet est alléguée. Par conséquent, j’estime que le libellé du paragraphe 6(7) du Règlement n’est pas incompatible avec l’interprétation du Règlement que j’ai exposée précédemment.

(b)       L’avis d’allégation ne contient aucune allégation qui concerne le brevet ʹ546

[48]      Il est maintenant nécessaire d’examiner l’argument des demanderesses selon lequel l’avis d’allégation est invalide du fait qu’il ne contient pas d’allégation à l’égard du brevet ʹ546, lequel est aussi inscrit au registre en ce qui concerne les formes posologiques pertinentes de l’atorvastatine calcique.

[49]      Les demanderesses avancent cet argument en se fondant sur une remarque incidente faite par le juge Teitelbaum dans Glaxo Wellcome Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 75 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.), selon laquelle la seconde personne doit formuler une allégation au sujet de chaque brevet inscrit sur une liste de brevets en ce qui concerne la forme particulière du médicament pour lequel elle demande un avis de conformité. Cependant, j’estime que l’autorité invoquée n’est pas déterminante puisque, dans cette affaire, le juge Teitelbaum n’était pas tenu de prendre en considération le moment où les allégations devaient être faites.

[50]      J’estime que la décision rendue par le juge Lutfy, tel était alors son titre, dans Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 82 C.P.R. (3d) 359 (C.F. 1re inst.); confirmée par (2000), 6 C.P.R. (4th) 285 (C.A.F.), sur laquelle s’appuient les défendeurs, est une décision plus utile. Dans cette affaire, le juge Lutfy a conclu qu’une seconde personne qui présente plus d’un avis d’allégation devant la Cour ne commet pas un abus de procédure, pourvu que ces avis soient « distincts les uns des autres ». Cela me permet de conclure que les allégations portant sur des brevets énumérés successivement dans une liste de brevets peuvent faire l’objet d’avis d’allégation séparés et de procès séparés. Il s’ensuit, en outre, que l’avis d’allégation n’est pas entaché d’un vice du fait qu’il ne tient pas compte de chaque brevet inscrit sur la liste de brevets.

[51]      Ce n’est qu’au moment où le ministre en vient à examiner la PDN, aux fins de délivrance de l’avis de conformité, que chaque brevet devra avoir été examiné.

3.         Les demanderesses ont-elles établi que l’allégation était mal fondée?

(a)   La nature de la présente instance et le fardeau de preuve

[52]      À cette étape, je crois qu’il est utile d’examiner brièvement la nature de la présente instance, le fardeau de preuve des demanderesses, ainsi que la mise en oeuvre de la présomption de common law.

[53]      Les instances visées par l’article 6 du Règlement sont de nature sommaire et ne s’adressent qu’à la question de savoir s’il y a lieu d’interdire au ministre de délivrer un avis de conformité. Dans le cadre de cette procédure sommaire, il n’y a pas de débat sur l’invalidité ou la contrefaçon d’un brevet. Ces questions, et les réclamations en dommages-intérêts qui y sont reliées, sont tranchées dans le cadre d’actions conventionnelles qui peuvent se dérouler dans des instances parallèles : Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd.; Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc., [1998] 2 R.C.S. 129, au paragraphe 97.

[54]      Dans la présente instance, il incombe à Parke-Davis de prouver que l’allégation d’invalidité avancée par Apotex est mal fondée : Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 6 C.P.R. (4th) 285 (C.A.F.). On a qualifié ce fardeau, qui oblige Parke-Davis à prouver sa cause selon la norme de preuve en matière civile, de « charge difficile » puisqu’il « s’agit de réfuter certaines ou l’ensemble des allégations de l’avis d’allégation, allégations qui, si elles n’étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l’avis de conformité » : Hoffmann-La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 206 (C.A.F.), à la page 210, citant et approuvant Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), à la page 319.

[55]      En l’espèce, la prétendue cession du brevet au domaine public est exposée dans l’avis d’allégation (donc, selon Merck Frosst, précitée, à la page 319, elle est réputée être vraie) et, quoi qu’il en soit, elle fait partie de la preuve dont la Cour est saisie. Par conséquent, Parke-Davis doit s’acquitter de son fardeau de réfuter l’allégation relative à l’invalidité, l’expiration et la fausse déclaration contenue dans l’avis d’allégation.

[56]      Quant à la nature de la preuve sur la base de laquelle ce genre d’instance doit être tranché, la Cour a fait la remarque suivante dans Merck Frosst, précitée, à la page 320 :

Le fait que la demande fondée sur l’article 6 n’est pas une action ordinaire en contrefaçon signifie encore que ni l’une ni l’autre partie n’a droit à la communication, verbale ou documentaire. Dans le cas où une partie dépose des affidavits, il est possible à la partie adverse de la contre-interroger à ce sujet, mais puisqu’il n’y a aucune disposition prévoyant que l’avis d’allégation doit être fait sous forme d’affidavit, ou que l’intimé doit déposer aucun affidavit, le requérant ne saurait compter sur les déclarations de l’intimé pour prouver ses propres prétentions. Même quand il y a possibilité de contre-interrogatoire, ce contre-interrogatoire a une portée bien plus limitée que l’interrogatoire préalable et, à part les questions visant à mettre à l’épreuve la crédibilité du témoin, il est limité aux questions qui ressortent de l’affidavit lui-même.

[57]      Par conséquent, lorsque l’affaire s’y prête, l’absence de divulgation pourrait déclencher la mise en oeuvre de la présomption de common law, ou permettre de tirer ce qu’on appelle une conclusion défavorable : Hoffmann-La Roche, précitée, à la page 212.

[58]      Dans Eli Lilly and Co. c. Nu-Pharm Inc., [1997] 1 C.F. 3 (C.A.), la Cour d’appel a expliqué, au paragraphe 23, la nature de la présomption créée par la common law :

Le juge des requêtes a défini la présomption créée par la common law en ces termes, aux pages 152 et 153 :

[…] lorsqu’une des parties ne produit aucune preuve touchant un fait qu’elle est la mieux à même de démontrer, la Cour en inférera que les faits sont contraires à l’intérêt de cette partie.

Cette exception est fondée sur la maxime énoncée par lord Mansfield dans la décision Blatch v. Archer (1774), 1 Cowp. 63, à la page 65; 98 E.R. 969, à la page 970 :

[traduction] Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l’une des parties était en mesure de produire et que l’autre partie était en mesure de réfuter.

Au cours de notre siècle, la présomption a été définie par le juge Ferguson dans l’arrêt Pleet v. Canadian Northern R. W. Co. (1921), 50 O.L.R. 223 (C.A.), à la page 227 :

[traduction] Il ne fait aucun doute que, d’après la règle générale, l’auteur d’une affirmation doit en faire la preuve, et que cette charge incombe généralement à la partie demanderesse, mais il y a deux exceptions bien connues :

(1) Lorsque l’objet de l’allégation relève spécifiquement du domaine des connaissances de l’une des parties, c’est à cette partie qu’il incombe d’en faire la preuve, d’une façon positive ou négative : Mahony v. Waterford Limerick and Western R.W. Co., [1900] 2 I.R. 273, à la page 280; Kent v. Midland R.W. Co. (1874), L.R. 10 Q.B. 1.

(2) Celui qui invoque une exception à la règle générale doit prouver qu’il a le droit de s’en prévaloir : Ashton & Co. v. London and North-Western R.W. Co., [1918] 2 K.B. 488; London and North-Western R.W. Co. v. Ashton & Co., [1920] A.C. 84.

Ce jugement a été confirmé par la Cour suprême du Canada : Canadian Northern Quebec R. Co. v. Pleet, [1923] 4 D.L.R. 1112. La présomption a été appliquée à nouveau par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Hoffmann-La Roche Ltd. v. Apotex Inc. (1984), 47 O.R. (2d) 287, qui portait sur les brevets. Le juge Blair s’est exprimé en ces termes à la page 288 :

[traduction] Abstraction faite de la loi, la charge de la preuve en common law reposait sur l’appelante parce que les éléments de preuve se rapportant au procédé de fabrication utilisé à l’étranger par le fabricant dont elle a retenu les services relèvent tout particulièrement de son pouvoir de contrôle et de divulgation et échappent manifestement à la compétence de l’intimée qui ne saurait ni en obtenir communication ni les produire. L’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada a été refusée : Apotex Inc. c. Hoffmann-La Roche Ltd., [1985] 1 R.C.S. v.

[59]      La règle 81 des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106], laquelle s’applique à toutes les instances, mentionne également la qualité de preuve requise. Le paragraphe 81(1) des Règles est ainsi libellée :

81. (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête, auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

[60]      Maintenant que tout le contexte a été examiné, je traiterai des questions relatives au bien-fondé de l’avis d’allégation.

(b)   Les positions respectives des parties

[61]      Comme je l’ai souligné précédemment, Apotex a allégué que le brevet ʹ768, en raison de sa cession au domaine public, n’est pas valide, ou il est expiré, ou la déclaration faite en vertu de l’alinéa 4(2)c) du Règlement est fausse. Pour étayer son allégation, Apotex soutient que la conséquence qui découle de la cession du brevet ʹ768 est la perte des droits de Parke-Davis. Apotex a indiqué que, comme la Loi ne prévoit aucun mécanisme qui donne au breveté le droit d’annuler la cession du brevet, dès qu’un breveté fait des démarches dont l’effet juridique recherché est la cession du brevet, la conséquence sur le plan juridique est que tous les droits rattachés au brevet sont expirés, périmés ou ont pris fin avec la cession.

[62]      En réponse, Parke-Davis a allégué qu’elle n’avait jamais eu l’intention de céder le brevet ʹ768, et qu’en l’absence d’intention, la cession ne peut avoir plein effet ou elle peut être révoquée.

[63]      Parke-Davis a également allégué que l’essence d’une cession réelle et faite selon les règles est une assertion à titre gratuit faite unilatéralement par le brevet selon laquelle il n’exercera pas les droits afférents à son brevet. Par conséquent, la cession n’a pas pour conséquence l’expiration ou l’invalidité d’un brevet, ni la fausseté de la déclaration faite en vertu de l’alinéa 4(2)c) du Règlement. Par conséquent, Parke-Davis a affirmé que la cession n’est pas un motif d’allégation adéquat puisque l’alinéa 5(1)b) du Règlement fait expressément la liste des motifs sur lesquels un avis d’allégation peut être fondé.

(c)   Analyse des questions en litige

[64]      Je traiterai de ces arguments dans l’ordre suivant :

(i) Parke-Davis a-t-elle établi qu’elle n’avait pas eu l’intention de céder le brevet ʹ768 au domaine public?

(ii) Quelle est la nature juridique de la cession d’un brevet au domaine public?

(iii) Parke-Davis a-t-elle établi que la cession n’avait pas plein effet ou qu’elle avait été révoquée?

(iv) La cession au domaine public est-elle un motif d’allégation adéquat?

(i)    Parke-Davis a-t-elle établi qu’elle n’avait pas eu l’intention de céder le brevet ʹ768 au domaine public?

[65]      Parke-Davis a déposé deux affidavits au soutien de sa demande.

[66]      L’affidavit le plus détaillé est celui qu’a signé James P. Rowan, le Directeur des affaires gouvernementales et des systèmes de soins de santé, qui travaille chez Parke-Davis depuis 1991. Il a déclaré sous serment ce qui suit :

[traduction]

            En 1992, Parke-Davis a appris du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) que Warner-Lambert détenait un brevet relié au produit ACCUPRIL de Parke-Davis. En conséquence, Parke-Davis a volontairement soumis ACCUPRIL à la surveillance des prix exercée par le CEPMB.

            À la suite de ce problème, Parke-Davis a procédé à une étude en vue de déterminer s’il existait d’autres brevets au Canada qui pourraient éventuellement constituer un problème en ce qui concerne la compétence du CEPMB.

            Le 15 avril 1993, M. Rowan a eu une réunion avec Andrea Ryan, vice-présidente et co-directrice du contentieux au Service de la propriété intellectuelle chez Warner-Lambert, et avec un autre avocat principal du domaine des brevets pharmaceutiques, dans le but d’examiner les brevets actifs que Warner-Lambert détient au Canada. Cet examen portait sur une liste de brevets pharmaceutiques dressée à partir de [traduction] « notre base de données informatiques » en date du 22 septembre 1992 (la liste de 1992). Au cours de cette réunion, d’autres brevets pouvant couvrir des produits canadiens ont été repérés, dont l’un était un brevet pour le processus de fabrication du médicament LOPID. Parke-Davis n’utilisait pas ce processus et elle avait donc traité le médicament LOPID comme un médicament non breveté. Suivant l’examen de la liste de 1992, Parke-Davis a volontairement soumis le LOPID au CEPMB. Selon le CEPMB, Parke-Davis aurait dû soumettre auparavant le médicament LOPID à la surveillance des prix exercée par le CEPMB. Par conséquent, Parke-Davis a accepté de signer un engagement de conformité volontaire et elle a remboursé à l’égard du médicament LOPID un excédent de revenus d’un peu plus de 1,6 millions de dollars.

            La réunion du 15 avril 1993 a également amené ParkeDavis à donner avis en mai et en juin 1993 qu’elle cédait le brevet LOPID et 11 autres brevets au domaine public.

            Parke-Davis a ensuite procédé à une étude de brevets que la base de données de Warner-Lambert décrivait comme inactifs. Sur confirmation que ces brevets étaient inactifs, ils étaient alors cédés au domaine public. M. Rowan a indiqué qu’à cette étape la société n’avait l’intention de céder aucun brevet qui couvrait un produit actuellement sur le marché ou un produit en cours de développement ou de recherche.

            Dans le cadre de ce projet de « grand nettoyage », environ 600 brevets canadiens appartenant à ParkeDavis, à Warner-Lambert et d’autres filiales ont été examinés. À la fin de l’exercice, 324 brevets ont été cédés au domaine public. Par erreur, deux brevets faisaient involontairement partie du nombre, soit le brevet ʹ768 et un autre brevet qui n’était pas connexe.

            Même après enquête, [traduction] « rien n’établit clairement ce qui s’est produit ». M. Rowan a déclaré ce qui suit sous serment :

[traduction]

19.  La meilleure façon dont je puisse m’expliquer la présence par inadvertance du brevet ʹ768 est la suivante. À partir de la liste de 1992, une liste préliminaire de brevets destinés à la cession a été établie avec nos dossiers informatiques. Cette liste, en date du 7 février 1994, est la pièce annexée sous la cote G et, bien sûr, elle ne comprenait pas le brevet ʹ768. La pièce H consiste en un extrait de ma copie de la liste de 1992 sur laquelle j’ai inscrit à la main la mention « actif », et la pièce I consiste en une copie couleur d’un extrait de la copie, appartenant à Andrea Ryan, de ladite liste sur laquelle elle avait inscrit en jaune à côté du brevet ʹ768 la mention « conserver ».

20.  Cherchant à comprendre ce qui était arrivé par la suite, j’ai parlé à Andrea Ryan, à Jean Barish, à Suhas Ambike et à d’autres personnes qui travaillent sous la direction d’Andrea Ryan. Andrea Ryan a confié à Jean Barish, avocate à l’emploi de WarnerLambert à Morris Plain, la responsabilité de préparer une liste de brevets pour une éventuelle cession au domaine public. Malheureusement, pour des raisons qui ne sont pas très claires, une nouvelle liste datant d’avril 1994 (liste de 1994) a été constituée directement à partir des dossiers de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). La liste de 1994 ne mentionnait pas les inscriptions qu’Andrea et moi avions faites à partir de la liste de 1992 ou de nos dossiers informatiques, et ne comprenait aucune de ces inscriptions et, conséquemment, le brevet ʹ768 s’est retrouvé dans la liste de 1994.

21.  Sans qu’Andrea ou moi en ayons été informés, c’est la liste de 1994 qui a servi à déterminer quels brevets étaient pris en considération en vue d’une cession au domaine public, plutôt que celle de 1992 ou celle datant du 7 février 1994. Même si au moins quelques-uns d’entre nous (c’est-à-dire moi, Jean Barish, Suhas Ambike et Andrea Ryan) avons examiné la liste de nouveau, notre examen ne visait pas à soustraire de la liste les brevets qui couvraient les composés utilisés dans la recherche ou dans les études cliniques puisque nous avions déjà fait cet examen et que nous croyions qu’on l’avait déjà intégré dans le processus d’examen.

22.  À la date où la demande en vue de publier l’avis de cession au domaine public a été faite, le 21 décembre 1994, le composé couvert par le brevet ʹ768 avait déjà amorcé, le 25 mars 1994, la phase III des essais cliniques. [Il s’agissait de la phase finale du programme de développement clinique précédant l’enregistrement.]

[…]

24.  Andrea Ryan m’a fait savoir, et je crois que c’est la vérité, qu’elle n’avait aucune intention de céder le brevet ʹ768 au domaine public. Je peux dire en toute certitude que ni moi, ni Parke-Davis, ni Warner-Lambert avons eu l’intention de céder ce brevet au domaine public.

            Par la suite, au milieu de 1997, Mike Atkins, avocat spécialiste du droit des brevets chez Warner-Lambert, aurait découvert que le brevet ʹ768 figurait par erreur dans la liste de brevets destinés à la cession au domaine public.

            Warner-Lambert et Parke-Davis ont ensuite pris des mesures pour procéder à la rétractation de l’avis de cession du brevet ʹ768 au domaine public.

            Selon M. Rowan, Parke-Davis et Warner-Lambert ont toujours agi comme si le brevet ʹ768 était en vigueur. La correspondance interne transmise par l’avocat des brevets chez Warner-Lambert démontre que celui-ci traitait le brevet ʹ768 comme s’il était en vigueur, et des lettres en date du 17 janvier 1996 et du 10 février 1997 ont été citées.

            Parke-Davis a toujours affiché le brevet ʹ768 dans ses dossiers informatiques comme un brevet qui devait être maintenu en vigueur, et elle a acquitté toutes les taxes périodiques qui s’y rattachaient. Parke-Davis a soumis le brevet ʹ768 à Santé Canada pour qu’il soit inscrit au registre des brevets, et le brevet ʹ768 a été inscrit au registre et continue de l’être.

[67]      Le deuxième affidavit, déposé pour le compte de Parke-Davis, a été signé par un agent de brevets autre que celui qui avait fait les démarches au sujet du brevet ʹ768 auprès de l’OPIC. Voici ce que renfermait son affidavit : il a mentionné quelles étaient, selon lui, les mesures que prendrait un recherchiste compétent en matière de brevets, à qui l’on demanderait de vérifier l’état d’un brevet semblable au brevet ʹ768 et de déterminer s’il avait été cédé au domaine public; il a indiqué que la recherche montrerait que toutes les taxes périodiques applicables au brevet ʹ768 avaient été payées; que le brevet a toujours été en règle dans les dossiers de l’OPIC; que le 12 février 1999 l’annulation de la cession du brevet était enregistrée à l’index principal de la direction des brevets de l’OPIC. L’agent de brevets s’est dit d’avis que s’il découvrait un brevet, qui avait été cédé au domaine public mais à l’égard duquel le breveté avait continué de payer les taxes périodiques pendant de nombreuses années, cela lui paraîtrait étrange et il en ferait la remarque dans son rapport.

[68]      Ce dernier témoignage visait essentiellement les arguments de Parke-Davis selon lesquels Apotex ne faisait pas valoir la cession du brevet ʹ768 et que même si c’était le cas, l’avantage qu’elle pouvait en tirer était déraisonnable. Par ailleurs, Parke-Davis a affirmé, sur la foi de cette preuve, que ses activités subséquentes ne cadraient pas avec l’intention de céder le brevet.

[69]      Apotex a déposé l’affidavit de son président. Chaque déposant a été contre-interrogé.

[70]      Lors de son contre-interrogatoire, M. Rowan a confirmé ce qui suit :

Que Mme Ryan, Mme Barish, M. Ambike, M. Atkins et M. Ashbrook travaillaient toujours chez Parke-Davis ou chez Warner-Lambert et que l’agent de brevets qui avait fait les démarches au sujet du brevet ʹ768 auprès de l’OPIC, pour le compte de Parke-Davis, était toujours en exercice;

Que Warner-Lambert gérait toutes les questions reliées aux brevets et donnait des instructions aux agents de brevets chez Parke-Davis à Ottawa.

[71]      M. Rowan a également admis ce qui suit à propos des inquiétudes concernant le CEPMB :

[traduction] […] dans un monde imparfait où Warner-Lambert est loin, disons-le poliment, d’être arrivée à bien faire le suivi de ses brevets ni d’avoir pris les bons moyens pour y parvenir, en 1993 et en 1994 nous craignions d’avoir dans notre système des brevets à l’égard desquels il aurait été opportun de signaler que nous ignorions de quoi il s’agissait.

[72]      On constate, à l’examen de la preuve, que Parke-Davis a eu la possibilité de fournir à la Cour une preuve directe provenant du témoignage d’un certain nombre de personnes qui ont eu une connaissance personnelle des faits en litige, mais qu’elle a omis de le faire. À mon avis, les éléments qui suivent brillent par leur absence :

Le témoignage d’Andrea Ryan concernant ses intentions à l’égard du brevet ʹ768 au moment où elle a signé sous serment, le 20 octobre 1994, la cession irrévocable à titre de secrétaire adjointe chez WarnerLambert. M. Rowan, qui prétend joindre à son affidavit une note écrite de Mme Ryan sur un extrait de la liste de 1992, ne précise pas, comme il aurait dû le faire, qu’il s’agit d’un fait dont il a eu une connaissance personnelle. Quoi qu’il en soit, on se demande toujours si Mme Ryan avait changé d’idée entre le moment où elle avait inscrit « conserver » sur la liste et le moment où elle a signé la cession irrévocable. M. Rowan indique que Mme Ryan lui a fait savoir qu’elle n’avait aucunement l’intention de céder le brevet ʹ768, cependant cette preuve ne respecte pas la condition de forme prévue au paragraphe 81(1) des Règles. De plus, cette preuve par ouï-dire ne saurait avoir le caractère de nécessité suffisant pour répondre aux conditions de fiabilité et de nécessité que comporte l’exception à la règle du ouï-dire.

La preuve qui expliquerait pourquoi une nouvelle liste a été préparée en avril 1994, directement à partir des dossiers de l’OPIC. M. Rowan fait remarquer que la raison n’est pas clairement établie. Il est probable que Jean Barish ou un autre membre du service soit à l’origine de ce fait et puisse expliquer les raisons pour lesquelles il s’est produit ou, à tout le moins, déclarer ne pas être en mesure de se rappeler les raisons pour lesquelles une nouvelle liste a été préparée en avril 1994.

La preuve qui expliquerait pourquoi la liste de 1994 constitue la meilleure explication que M. Rowan a été en mesure de fournir pour justifier la présence du brevet ʹ768 sur la liste. Bien que M. Rowan ait fait remarquer que la liste de 1994 « ne mentionnait pas les inscriptions qu’Andrea et moi avions faites à partir de la liste de 1992 ou de nos dossiers informatiques, et ne comprenait aucune de ces inscriptions et, conséquemment, le brevet ʹ768 s’est retrouvé dans la liste de 1994 », quatre brevets portent l’inscription « conserver » sur ce qu’il appert être la liste de Mme Ryan. Néanmoins, seulement deux brevets ont apparemment été cédés par inadvertance. Pourquoi pas plus? Warner-Lambert a-t-elle soudainement changé d’idée en ce qui concerne deux des brevets?

Le témoignage de Michael Atkins concernant le fait qu’il ait découvert que le brevet ʹ768 faisait, par erreur, partie de la liste des brevets destinés à être cédés au domaine public. L’avis de demande déposé pour introduire la présente instance indiquait que les affidavits de M. Rowan et de Michael Atkins seraient déposés au soutien de la demande. Or, aucune explication n’a été fournie pour justifier l’absence de l’affidavit de M. Atkins.

[73]      Apotex a soutenu que selon la preuve au dossier, il serait opportun que la Cour arrive à la conclusion que Mme Barish, qui a préparé la liste, et Mme Ryan, qui a supervisé Mme Barish et signé la cession sous serment, ont commis des erreurs dans des circonstances qui ne démontrent même pas l’existence d’une preuve par ouï-dire directe, fondée sur des renseignements précis, ni d’une opinion au sujet de ce que Mme Barish a fait.

[74]      Apotex a également allégué qu’il n’existe aucun fondement qui permet de tirer cette conclusion du fait que M. Rowan avait témoigné en contre-interrogatoire que Warner-Lambert (qui gérait les brevets) n’assurait dans les faits ni le contrôle ni le suivi de ses brevets. On a fait valoir que M. Rowan pourrait ne pas avoir eu l’intention de céder le brevet mais que d’autres en ont eu l’intention, et la décision des demanderesses de ne pas fournir leur témoignage à la Cour a empêché que ces autres personnes soient soumises à un contreinterrogatoire.

[75]      L’avocat de Parke-Davis a reconnu au cours des plaidoiries qu’il y avait [traduction] « sans conteste une preuve imparfaite pour expliquer comment cette chose s’est produite » mais il a indiqué que si l’on tenait compte des faits suivants :

(i)    la société a continué de traiter le brevet comme s’il n’avait pas fait l’objet d’une cession, l’a renouvelé, a obtenu un avis de conformité, a soumis une liste de brevets qui le concernait, et a soumis un avis concernant la vente de LIPITOR au CEPMB;

(ii)   le Directeur adjoint des affaires juridiquesBrevets pharmaceutiques a fait parvenir une lettre à M. Rowan le 17 janvier 1996 dans laquelle il indiquait que la demande de brevet, déposée pour le brevet ʹ768, avait été accordée et expirerait le 8 mai 2007, et il a transmis une autre lettre en date du 10 février 1997 dans laquelle il a fourni la mise à jour de l’état du brevet portant sur l’atorvastatine calcique;

(iii)  le brevet a été cédé parce que son numéro faisait partie d’une longue liste comprenant d’autres numéros de brevets et ceux-ci peuvent facilement être confondus;

la seule conclusion à laquelle il était possible d’arriver est que Parke-Davis n’avait pas eu l’intention de céder le brevet.

[76]      Toutefois, il incombe à Parke-Davis de fournir à la Cour une preuve admissible pour la convaincre qu’il était probable que la cession du brevet ʹ768 n’a pas été intentionnelle, malgré l’existence d’une intention indéniable de céder les autres brevets énumérés dans l’annexe jointe à la cession irrévocable.

[77]      À mon avis, les avocats d’Apotex ont eu raison de dire qu’il était possible de tirer au moins une autre conclusion : soit, que la cession a été faite délibérément dans un contexte où régnaient la confusion et des problèmes de communication. Prenant en considération à la fois cette possibilité et le fait que Parke-Davis était tout à fait en mesure de fournir une preuve originale admissible de la part de Mme Ryan, signataire de la cession, et de la part de Mme Barish, à qui on semble avoir imputé l’erreur, j’arrive à la conclusion qu’il était impératif de fournir la meilleure preuve compte tenu de la nature extraordinaire de la réparation demandée dans la présente instance. Cette preuve pourrait effectivement être fournie dans une prochaine instance en contrefaçon, mais vu la preuve dont je suis saisie, je ne suis pas convaincue, selon la probabilité la plus forte, de pouvoir conclure que les faits établissent que la cession n’était pas intentionnelle en ce sens qu’elle était contraire à l’intention expresse exprimée à l’époque par Warner-Lambert.

(ii)   Quelle est la nature juridique de la cession d’un brevet?

[78]      La Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 (la Loi) ne contient aucune disposition concernant la cession des brevets. Malgré ce vide juridique, il semble que la cession d’un brevet au domaine public soit devenue une procédure bien établie au Canada. Voir, par exemple : Bayer Inc., précitée, au paragraphe 50 et Novopharm Ltd. v. Merck & Co. (1992), 44 C.P.R. (3d) 13 (Comm. aux brevets).

[79]      Dans Genentech Canada Inc. (Re) (1992), 44 C.P.R. (3d) 316 (C.E.P.M.B.), on indique, à la page 330, qu’en l’absence de toute disposition législative, le commissaire aux brevets répond à une demande de cession en l’archivant et en publiant ultérieurement un avis de cession dans la GCBB.

[80]      Les avocats n’étaient en mesure de citer à la Cour aucune jurisprudence canadienne dans laquelle la nature juridique et les effets de la cession avaient été expressément examinés. La décision Genentech, précitée, constituait la seule citation de ce genre où un membre de la Commission avait émis l’hypothèse qu’on utiliserait cette méthode d’archivage et de publication ultérieure dans le cas où un « ancien titulaire de brevet » déciderait plus tard d’annuler la cession de son brevet.

[81]      En l’absence de jurisprudence canadienne, les demanderesses ont fait une analogie entre la cession d’un brevet et l’affectation foncière, l’assertion, la promesse, la renonciation ou simplement la déclaration selon laquelle le breveté n’exercera pas son droit de propriété. On a fait valoir, sur la base de chaque analogie, que la cession ne créait pas de lien contractuel et qu’un breveté qui abandonne son brevet ne fait que renoncer aux droits qui découlent du brevet. Il s’ensuit, selon l’argument des demanderesses, qu’en l’absence d’une intention de céder, la cession ne produit aucun effet ou elle peut être révoquée.

[82]      En réponse, Apotex a allégué que les analogies présentées, lesquelles sont toutes issues du domaine de la common law portant sur les différends en matière privée, n’avaient aucune valeur puisque les brevets sont créés par des dispositions législatives. Dans l’arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, la Cour suprême du Canada a fait observer, au paragraphe 13, que la protection assurée par un brevet se fonde sur la notion d’un marché conclu entre l’inventeur et le public. L’inventeur obtient, pour un certain laps de temps, le droit exclusif d’exploiter le brevet en échange de la divulgation de l’invention.

[83]      Apotex a soutenu que, confrontées à l’existence de ce marché, les demanderesses ont choisi d’y mettre fin en déposant l’avis de cession à l’égard du brevet ʹ768. Ainsi, a-t-on fait valoir, il n’était alors plus possible, pour les demanderesses ni pour Warner-Lambert, de rétablir le marché auquel Warner-Lambert avait mis fin.

[84]      En affirmant qu’un breveté qui cède son brevet ne peut reprendre plus tard ses droits à son gré, Apotex a cité trois décisions anciennes de la Cour suprême des États-Unis : Pennock et al. v. Dialogue, 2 Peters 1 (1829); Gill v. United States, 160 U.S. 426 (1896); et Shaw v. Cooper, 7 Peters 292 (1833).

[85]      Dans Pennock, précitée, la Cour s’est exprimée ainsi à la page 16 :

[traduction] Personne ne nie, et bien sûr personne ne le pourrait, qu’un inventeur peut abandonner son invention et la rendre ou la céder au domaine public. Du moment qu’il est éteint, il n’est plus possible de reprendre ce droit virtuel à tout gré; une fois qu’un don est fait au domaine public, il devient un don absolu. Ainsi, si une personne cède au domaine public un droit de passage, ou une autre servitude, ce droit est censé comporter un droit d’usage permanent. La question qui est généralement soulevée en procès, n’est pas une question de droit mais une question de fait; soit, savoir si les actes ou les acquiescements de la partie constituent, dans ce cas précis, une preuve satisfaisante d’un abandon ou d’une cession de l’invention au domaine public.

[86]      Bien que la Cour ait traité à l’époque de l’abandon d’une invention dans un contexte où on en avait fait usage dans le domaine public avant la demande de brevet, Apotex a souligné qu’elle parlait néanmoins du principe de don au domaine public, même s’il ne revêt que la forme d’un usage dans le domaine public. Apotex a soutenu qu’un don, qu’il provienne d’un usage public ou d’une cession, échoit irrévocablement au domaine public.

[87]      Ce même principe de droit, touchant à l’usage antérieurement fait dans le domaine public, a été appliqué au Canada dans l’arrêt Conway v. Ottawa Electric Railway Co. (1904), 8 R.C.É. 432, aux pages 442 et 443, lequel a ensuite été repris dans Gibney v. Ford Motor Co. of Canada Ltd., [1967] 2 R.C.É. 279.

[88]      Apotex s’est également fondée sur d’autres autorités américaines plus récentes.

[89]      Aux États-Unis, le Titre 35 du United States Code traite des brevets, et l’article 253 régit les renonciations de brevets. L’article 253 dispose :

[traduction]

§ 253. Renonciations

Lorsqu’une revendication de brevet, sans aucune intention de tromper, est invalide, les autres revendications ne deviennent pas automatiquement invalides. Le breveté, qui détient l’ensemble d’un brevet ou un intérêt partiel, peut, lorsqu’il acquitte les taxes imposées par la loi, renoncer à toute revendication complète, en y déclarant l’étendue de son intérêt dans ce brevet. Une telle renonciation doit se faire par écrit et être inscrite au Bureau des brevets et des marques de commerce; elle est ensuite considérée comme faisant partie du brevet original dans une mesure équivalente à l’intérêt de celui qui y a renoncé et de ses ayants droit.

[90]      Dans la jurisprudence issue des tribunaux de district des États-Unis, les tribunaux ont statué que les effets d’une cession au domaine public, telle qu’elle est autorisée par le 35 U.S.C. § 253, rendent tout différend concernant la validité ou la contrefaçon d’un brevet dépourvu d’intérêt. Voir, par exemple, Chris-Craft Industries, Inc. v. Monsanto, Co., 59 F.R.D. 282 (C.D. Cal. 1973); Technimark, Inc. v. Crellin, Inc., 14 F.Supp. 2d 762 (M.D.N.C. 1998).

[91]      Les tribunaux de district des États-Unis, ont également statué que du moment où un breveté renonce à son brevet en faveur du domaine public, il ne peut faire valoir de revendication rattachée au brevet ni tenter de faire délivrer à nouveau l’une quelconque des revendications : National Semiconductor Corp. v. Linear Technology, 703 F.Supp. 845 (N.D. Cal. 1988), à la page 850. Dans W.L. Gore & Associates, Inc. v. Oak Materials Group, 424 F.Supp. 700 (D.C. Del. 1976), le tribunal s’est exprimé ainsi aux pages 701 et 702 :

[traduction] La requête du défendeur, en vue d’obtenir un jugement visant à faire déclarer le brevet 915 invalide, soulève une question préliminaire de compétence. Puisque le demandeur a formellement renoncé à toutes les revendications du brevet, il n’existe plus de dossier justiciable ni de controverse devant la Cour en ce qui concerne la validité de l’une quelconque de ces revendications. Les revendications auxquelles on a renoncé ne peuvent être rétablies, que ce soit par l’entremise d’une nouvelle délivrance ou autrement. Altoona Theatres v. Tri-Ergon Corp., 294 U.S. 477, 55 S.Ct. 455, 79 L.Ed. 1005 (1935). Le breveté ne possède plus d’autre droit qui lui permet de faire valoir les revendications pour lesquelles il y a eu renonciation, ou d’obtenir une redélivrance de l’une quelconque de ces revendications. Vu qu’il y a eu renonciation à toutes les revendications, l’action intentée par le demandeur a le même effet que la cession du brevet au domaine public ou son abandon. Par conséquent, la Cour n’a plus compétence en ce qui concerne la validité ou l’invalidité du brevet. Voir Chris-Craft Industries, Inc. v. Monsanto Co., 59 F.R.D. 282 (C.D.Calif.1973).

[92]      Dans Altoona Publix Theatres v. American Tri-Ergon Corp., 294 U.S. 477 (1935), la Cour suprême des États-Unis a examiné l’effet d’une renonciation invalide portant sur une partie d’un brevet. Le litige est survenu dans le contexte d’une renonciation portant sur deux revendications parmi les dix-neuf rattachées à un brevet. La renonciation a été autorisée par le 35 U.S.C.A. 65 de l’époque, lequel disposait que lorsque [traduction] « “par inadvertance, accident ou méprise […] la portée de la revendication faite par le breveté va au-delà de la partie […] qu’il a inventée […] son brevet est valide pour toute la partie qui lui appartient véritablement et à juste titre”, pourvu qu’il renonce, ou que ses ayants droit renoncent, à ces parties de l’objet, sur lequel porte le brevet, qu’il choisit de ne pas revendiquer […] en y déclarant la portée de son intérêt dans un tel brevet ». Cette disposition ne permettait pas d’ajouter un nouvel élément à la combinaison revendiquée antérieurement, et la Cour suprême des États-Unis a conclu que l’ajout d’un nouvel élément rendait nulle la prétendue renonciation. La Cour a ensuite examiné l’effet de la renonciation invalide sur les revendications initiales et a statué comme suit [à la page 492] :

[traduction] Comme la renonciation invalide, les revendications initiales, dans leur version antérieure à la renonciation, sont caduques. La renonciation est une assertion, aussi transparente que le brevet lui-même, sur laquelle le public est en droit de se fonder, et selon laquelle la revendication initiale constitue une assertion que le breveté, selon le libellé de la disposition, « choisit de ne pas revendiquer ou de ne pas retenir en raison du brevet ». Au moment du dépôt des renonciations, les revendications initiales ont été soustraites de la protection accordée par la loi sur les brevets, et le public était en droit de fabriquer et d’utiliser l’instrument revendiqué à l’origine avec le même loisir que s’il avait été abandonné. Permettre le rétablissement de la revendication abandonnée, en présumant de sa validité, simplement parce que le breveté n’avait pas fait un usage approprié de la renonciation, constituerait un abus inadmissible des dispositions relatives aux brevets aux dépens du public.

[93]      S’agissant du renvoi à la jurisprudence américaine, Apotex a cité l’arrêt President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), [2000] 4 C.F. 528 (C.A.), au paragraphe 60, où la Cour, à la majorité, a fait remarquer que lorsque le texte législatif qui est interprété est analogue au Canada et aux États-Unis et lorsque le raisonnement à la base de l’interprétation que les tribunaux américains donnent du texte en question est persuasif, il n’y a aucune raison pour laquelle les tribunaux canadiens ne devraient pas tenir compte de la jurisprudence américaine.

[94]      Il n’appartient pas à la Cour, dans la présente instance, de décider si le brevet ʹ768 est valide. Toutefois, pour ce qui est d’examiner si les allégations contenues dans l’avis d’allégation sont bien fondées, j’estime que la jurisprudence américaine est convaincante pour les raisons qui suivent.

(iii)  Parke-Davis a-t-elle établi que la cession n’avait pas plein effet ou qu’elle avait été révoquée?

[95]      Dans l’examen des observations respectives des parties au sujet de la nature de la cession, je ferai d’abord un retour sur la nature de la présente instance. Dans le cadre de la présente demande, la Cour est uniquement tenue de décider si l’avis d’allégation était bien fondé. Pour y arriver, il faut également se prononcer sur la question de savoir si les demanderesses ont réfuté l’allégation d’invalidité, d’expiration et de fausse déclaration, mais il ne s’agit pas d’une décision définitive à toutes fins que de droit sur la nature de la cession ou de la prétendue révocation.

[96]      J’ai étudié avec beaucoup de rigueur les arguments que les demanderesses ont plaidés par analogie, selon lesquels la cession présumée en l’espèce n’a pas produit d’effet juridique ou pouvait être révoquée.

[97]      Vu que je ne suis pas en mesure, selon la preuve qui m’a été soumise, de conclure que la cession va à l’encontre de l’intention exprimée à l’époque par Warner-Lambert, je ne suis pas convaincue que la cession initiale du brevet n’a pas produit d’effet juridique. De plus, malgré les arguments des avocats des demanderesses, je ne suis pas convaincue que les arguments des demanderesses fournissent une analyse satisfaisante de la nature juridique de la cession d’un brevet et, plus particulièrement, de la possibilité de révoquer la cession. J’accepte les observations d’Apotex selon lesquelles la jurisprudence citée par les demanderesses pour étayer une analogie n’est d’aucune utilité dans le contexte du régime prévu par la Loi.

[98]      L’analogie la plus valable est probablement celle avec le droit en matière d’assertion. Il ne fait aucun doute que dans la décision Altoona, précitée, la renonciation, laquelle s’apparente à une cession, a été décrite comme une assertion.

[99]      Les demanderesses se sont fondées sur Reid v. Standard Construction Co. (1917), 51 N.S.R. 33 (C.S.) pour affirmer qu’une personne qui fait une assertion peut la rétracter même si une quelconque action, fondée sur cette assertion, avait été accomplie. Toutefois, dans Reid, précitée, la Cour a fait remarquer qu’à une date postérieure à l’assertion présumée, mais avant l’action consécutive, la partie qui se serait fondée sur l’assertion avait eu un avis très clair de la position véritable de son auteur. Il ne s’agit donc pas d’une affaire qui appuie la proposition voulant que les assertions puissent être révoquées même si elles ont donné lieu à une action consécutive.

[100]   De plus, bien que la Cour suprême des ÉtatsUnis ait décrit, dans Altoona, précitée, une renonciation comme une assertion, elle a conclu qu’à partir du moment où la renonciation est déposée, les revendications initiales ne bénéficient plus de la protection prévue par la législation en matière de brevets et le public est en droit de fabriquer et d’utiliser l’invention brevetée à l’origine, et elle a également conclu qu’une revendication abandonnée ne pouvait être rétablie.

[101]   Bien qu’il n’existe dans notre Loi aucune disposition comparable au 35 U.S.C. § 253, la pratique qui relève de cette disposition est similaire à la pratique de l’OPIC à l’égard de la cession au domaine public. Aux fins de la présente instance, je conclus que le raisonnement et la méthode prônés par les tribunaux américains, particulièrement ceux qu’ils expriment dans Altoona, précitée, sont suffisamment convaincants pour conclure que les demanderesses n’ont pas réussi à établir que la cession avait été révoquée.

[102]   Bien qu’il s’agisse d’une sanction sévère, le résultat est compatible avec les autorités canadiennes et américaines au sujet de l’usage fait antérieurement dans le domaine public. Par ailleurs, les demanderesses n’ont cité aucune autorité pour appuyer la proposition selon laquelle une fois qu’une invention est entrée dans le domaine public, particulièrement à la suite d’une renonciation ou d’une cession de la part du breveté, l’ancien breveté a la possibilité de faire marche arrière par un acte unilatéral.

[103]   Par conséquent, je conclus que les demanderesses n’ont pas réussi à me convaincre qu’il y a eu révocation d’une quelconque cession.

[104]   Je remarque que les demanderesses, se fondant sur l’article 8 [mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 27] de la Loi, ont tenté de faire révoquer la cession par le commissaire même si rien n’indique expressément que le commissaire s’est fondé sur l’article 8 pour « corriger » la cession. Aucun certificat ne figure au dossier. Les demanderesses ne se sont pas appuyées sur l’article 8 de la Loi dans leurs observations. L’article 8 dispose :

8. Un document en dépôt au Bureau des brevets n’est pas invalide en raison d’erreurs d’écriture; elles peuvent être corrigées sous l’autorité du commissaire.

[105]   La présente Cour a déjà statué que le genre d’erreur que visait l’article 8 était une erreur qu’un greffier ou un sténographe aurait commise en effectuant la transcription d’un document. Voir, par exemple, Bayer Aktiengesellschaft c. Commissaire aux brevets, [1981] 1 C.F. 656 (1re inst.); Upjohn Co. c. Commissaire aux brevets (1983), 74 C.P.R. (2d) 228 (C.F. 1re inst.).

[106]   En l’absence d’un certificat délivré sous l’autorité du commissaire et vu que la jurisprudence ne reconnaît qu’une portée limitée à l’autorité du commissaire, je ne peux conclure à l’existence d’une révocation de la cession ou d’une correction sous le régime de l’article 8 de la Loi.

[107]   Aucune autorité n’a été citée qui aurait pu conférer au commissaire la compétence voulue pour annuler la cession d’un brevet au domaine public.

[108]   En conclusion, puisque je ne suis pas convaincue que la cession va à l’encontre de l’intention que Warner-Lambert a exprimée à l’époque, ou qu’une telle cession peut être révoquée à bon droit, il en résulte que les demanderesses n’ont pas réussi à établir qu’Apotex n’était pas fondée à alléguer que la déclaration selon laquelle Parke-Davis est la titulaire exclusive d’une licence pour le brevet ʹ768 était fausse. Cette conclusion s’impose du fait qu’après une cession au domaine public, il n’existe plus d’exclusivité en ce qui concerne l’invention et du fait que les droits du propriétaire du brevet cédé, pour ce qui est d’accorder une licence, ne bénéficient plus d’aucune protection.

[109]   S’agissant de l’allégation selon laquelle le brevet ʹ768 était expiré, le paragraphe 43(2) [mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 42] de la Loi indique que le brevet est, sauf preuve contraire, valide pour la durée du brevet. Les demanderesses n’ont pas réussi à établir que la cession du brevet n’est pas une preuve contraire qui correspond à l’expiration d’un brevet avant l’arrivée de son terme normal.

[110]   Par ailleurs, le mot « expiré », qui n’est pas défini dans la Loi mais à l’article 2 du Règlement, se dit du brevet qui est « expiré, qui est périmé ou qui a pris fin par l’effet d’une loi ». Je ne suis pas convaincue que le brevet, cédé irrévocablement, n’a pas pris fin par l’effet d’une loi.

[111]   S’agissant de l’argument selon lequel le brevet n’est pas valide, les demanderesses n’ont pas réussi à me convaincre qu’Apotex n’était pas fondée à alléguer l’invalidité du fait que le titulaire du brevet a abandonné ses droits dérivés du brevet.

(iv)  La cession au domaine public est-elle un motif d’allégation adéquat?

[112]   Il découle implicitement de ce qui précède que la cession d’un brevet est un motif d’allégation adéquat.

[113]   Dans tous les cas où, en raison de la cession du brevet au domaine public, le breveté ne peut établir sans ambiguïté qu’il détient les droits exclusifs rattachés au brevet, il serait déraisonnable et contraire à l’objet du Règlement de permettre au breveté d’interdire à un autre fabricant d’accéder au marché en se fondant uniquement sur le fait que le brevet contesté est énuméré dans une liste de brevets.

CONCLUSION

[114]   Pour ces motifs, la demande d’interdiction est rejetée. L’adjudication des dépens est reportée après que les parties auront présenté leurs observations à ce sujet. Les avocats sont priés de communiquer avec la Cour dans les 30 jours suivant la présente ordonnance afin de prendre des arrangements pour discuter de la question des dépens, à moins qu’ils parviennent à s’entendre à ce sujet.

ORDONNANCE

[115]   LA COUR ORDONNE :

1.    Que la demande en vue d’obtenir une ordonnance d’interdiction soit rejetée.

2.    Que l’adjudication des dépens soit reportée après que les parties auront présenté leurs observations à ce sujet.

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