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[2016] 3 R.C.F. 55

2015 CAF 251

A-421-14

CBC/Radio-Canada (appelante)

c.

Le commissaire aux langues officielles du Canada et Dr Karim Amellal (intimés)

Répertorié : Canada (Commissaire aux langues officielles) c. CBC/Radio-Canada

Cour d’appel fédérale, juges Nadon, Scott et Boivin, J.C.A.—Ottawa, 14 et 15 avril et 12 novembre 2015.

Langues officielles — Appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (la deuxième décision), qui a confirmé les conclusions tirées dans une décision antérieure (la première décision), dans laquelle elle avait conclu que le commissaire aux langues officielles (le commissaire) et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) possédaient une compétence concurrente pour enquêter sur les plaintes relatives à la Loi sur les langues officielles (la Loi ou la LLO) portées contre l’appelante — Dans la première décision, la Cour fédérale a exprimé l’avis que le CRTC et le commissaire partageaient la compétence d’enquêter sur les plaintes liées aux impacts négatifs sur les francophones de la communauté de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) située à Windsor, en Ontario, qui découlaient de la diminution, par la SRC, du contenu local et régional de la programmation offerte par la station de radio francophone locale à Windsor, CBEF Windsor en 2009 — La Cour fédérale a décidé que le CRTC était mieux placé que la Cour fédérale pour trancher le fond du litige et accorder aux intimés une réparation appropriée, le cas échéant — La Cour fédérale a donc suspendu l’instance introduite par les intimés en attendant la conclusion de l’instance devant le CRTC — Dans la deuxième décision, la Cour fédérale a confirmé les conclusions qu’elle avait tirées quant à la question de compétence concurrente concernant l’enquête sur les plaintes relatives à la LLO portées contre l’appelante — La CLOSM francophone du sud-ouest de l’Ontario s’est opposée à ces compressions et une association de bénévoles a été créée — L’association a présenté des plaintes au commissaire et au CRTC — Le commissaire a entamé une enquête au titre de l’art. 56 de la LLO, introduisant une instance devant la Cour fédérale — Le commissaire a sollicité de la Cour fédérale un jugement déclaratoire comportant divers éléments, notamment que l’appelante était assujettie à la LLO et qu’il avait compétence pour enquêter sur les plaintes liées aux compressions budgétaires de 2009 — La Cour d’appel fédérale n’a pas abordé les questions que les parties ont présentées et elle a annulé la décision de la Cour fédérale pour d’autres motifs — Dans sa première décision, la Cour fédérale a conclu, dans ses motifs, que le CRTC n’avait pas compétence exclusive sur les questions soulevées par les intimés, mais elle n’a pas rendu d’ordonnance à cet effet — Son ordonnance traitait plutôt de la suspension de l’instance devant la Cour en particulier — Dans la deuxième décision, la Cour fédérale a refusé de lever la suspension qui avait été antérieurement ordonnée, mais elle a néanmoins procédé avec des motifs approfondis, dans lesquels elle a réitéré l’avis sur la question de compétence qu’elle avait exprimé dans sa première décision — La Cour fédérale était dessaisie de l’affaire et ne pouvait émettre une opinion ou décider de toute question dont elle avait été saisie, à moins de lever la suspension — L’art. 77(4) de la LLO exige explicitement que la Cour fédérale établisse qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée aux dispositions de la LLO avant d’accorder une réparation au plaignant, mais la Cour fédérale ne s’est pas conformée à cette obligation en l’espèce — La Cour fédérale n’a fait aucune constatation ni tiré aucune conclusion en l’espèce puisqu’elle a refusé de traiter du fond de l’affaire présentée par les intimées — En raison du fait que la Cour fédérale a refusé de lever la suspension de l’instance, elle n’a pas été appelée à rendre une décision quant à la question — N’ayant rendu aucune décision quant au défaut de l’appelante de se conformer à la LLO, la Cour fédérale ne pouvait pas accorder aux intimés l’une ou l’autre des réparations qu’ils avaient sollicitées — Cette conclusion suffisait pour disposer du présentappel qui fut accueilli — D’autres motifs pour lesquels la question de compétence n’a pas été abordée ont été discutés — Appel accueilli.

Radiodiffusion — Appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale concernant la compétence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) pour enquêter en particulier sur les plaintes relatives à la Loi sur les langues officielles (la Loi ou la LLO) portées contre l’appelante — Il était clair que le CRTC n’avait pas le pouvoir, sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion (la LR), de décider s’il y a eu violation des dispositions de la LLO — Le mandat du CRTC aux termes de la LR est tout autre.

Il s’agissait d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (la deuxième décision), qui a confirmé les conclusions tirées dans une décision antérieure (la première décision), dans laquelle elle avait conclu que le commissaire aux langues officielles et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) possédaient une compétence concurrente pour enquêter sur les plaintes relatives à la Loi sur les langues officielles (la Loi ou la LLO) portées contre l’appelante. Dans sa première décision, la Cour fédérale a exprimé l’avis que le CRTC et le commissaire partageaient la compétence d’enquêter sur les plaintes liées aux impacts négatifs sur les francophones de la communauté de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) située à Windsor, en Ontario, qui découlaient de la diminution, par l’appelante, du contenu local et régional de la programmation offerte par la station de radio francophone locale à Windsor, CBEF Windsor. Toutefois, la Cour fédérale a pris acte du fait qu’une instance était en cours devant le CRTC quant au renouvellement des licences radio de l’appelante et elle a décidé que le CRTC était mieux placé que la Cour fédérale pour trancher le fond du litige et accorder aux intimés une réparation appropriée, le cas échéant. La Cour fédérale a donc suspendu l’instance introduite par les intimés en attendant la conclusion de l’instance devant le CRTC. Dans sa deuxième décision, la Cour fédérale a confirmé les conclusions qu’elle avait tirées quant à la question de compétence concurrente concernant l’enquête sur les plaintes relatives à la LLO portées contre l’appelante. Elle a aussi déclaré que l’appelante était assujettie à la LLO, en particulier la partie VII (les articles 41 à 45), et que, sous son régime, elle avait l’obligation de favoriser l’épanouissement des CLOSM et d’appuyer leur développement. La Cour fédérale a en outre jugé que le CRTC était une juridiction plus indiquée pour entendre ces plaintes. À cette fin, elle a examiné la décision rendue par le CRTC qui ordonnait à l’appelante d’augmenter le contenu local de la programmation offerte par CBEF Windsor, et elle a déclaré qu’elle était convaincue que le CRTC en était venu à un résultat équitable, qui était compatible avec l’objet de la LLO, et que le CRTC avait, de fait, abordé la plupart des questions soulevées dans le cadre de l’instance devant la Cour fédérale. Enfin, la Cour fédérale a conclu que la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquait dans les circonstances pour empêcher la continuation de l’instance devant la Cour fédérale, et elle a par conséquent ordonné une suspension permanente de cette instance.

En 2009, l’appelante a été forcée de couper substantiellement dans son budget dans tout le pays. En réponse à cela, elle a adopté un plan de redressement qui, en particulier, prévoyait des compressions financières quant au contenu local et régional élaboré par CBEF Windsor, la seule station de radio de langue française du sud-ouest de l’Ontario. La CLOSM francophone du sud-ouest de l’Ontario s’est opposée à ces compressions. Une association de bénévoles a été créée, le Comité SOS CBEF (le Comité), et des plaintes ont été présentées au commissaire et au CRTC concernant l’impact négatif que ces compressions auraient sur la minorité francophone de cette région. Le CRTC n’agissant pas assez rapidement, le commissaire a entamé une enquête au titre de l’article 56 de la Loi. L’appelante a refusé de collaborer à l’enquête du commissaire, croyant que le commissaire n’avait pas compétence pour faire un examen de ses activités de programmation et que ces activités n’étaient pas assujetties aux obligations découlant de la LLO. Elle faisait valoir que ces questions relevaient vraiment de la compétence du CRTC. Le commissaire a néanmoins produit un rapport sur l’affaire en cause, faisant remarquer que l’appelante n’avait pas consulté la CLOSM du sud-ouest de l’Ontario avant les compressions budgétaires de 2009 et qu’elle n’avait pas rempli son obligation de prendre des mesures positives pour favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada. Le commissaire a incité l’appelante à revoir sa décision, mais l’appelante refusant de ce faire, le commissaire a introduit une instance devant la Cour fédérale. Le commissaire a sollicité de la Cour fédérale un jugement déclaratoire comportant divers éléments, notamment que l’appelante était assujettie à la LLO et qu’il avait compétence pour enquêter sur les plaintes liées aux compressions budgétaires de 2009.

Bien que les parties aient présenté à la Cour un certain nombre de questions, la Cour ne les a pas abordées et elle a annulé la décision de la Cour fédérale pour un autre motif.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Dans sa première décision, la Cour fédérale a clairement conclu que le CRTC n’avait pas compétence exclusive sur les questions soulevées par les intimés, mais il n’a pas rendu d’ordonnance à cet effet. Son ordonnance traitait plutôt de la suspension de l’instance devant la Cour, de l’ajournement des interrogatoires préalables et de l’audience sur le fond qui avait déjà été fixée. On ne peut douter du fait que, bien qu’elle ait prétendu décider la question de compétence, la Cour fédérale a omis de rendre une ordonnance à cet égard. Ce que les parties auraient dû faire, après avoir reçu la première décision, c’était de présenter une requête en vertu de la règle 397(1)a) des Règles des Cours fédérales, lequel prévoit que les parties peuvent demander à la Cour d’examiner de nouveau les termes d’une ordonnance qui ne concorde pas avec les motifs donnés. Cela n’est cependant pas arrivé, et, par conséquent, la Cour a rejeté la requête de l’appelante en prorogation de délai pour déposer un avis d’appel.

Quant à la deuxième décision de la Cour fédérale, celle-ci a refusé de lever la suspension, mais elle a néanmoins procédé avec des motifs approfondis, dans lesquels elle a réitéré l’avis sur la question de compétence qu’elle avait exprimé dans sa première décision. La Cour fédérale était dessaisie de l’affaire et ne pouvait émettre une opinion ou décider de toute question dont elle avait été saisie, à moins de lever la suspension. Les décisions de la Cour fédérale ont donné un résultat insatisfaisant. D’un côté, la première décision n’a pas tranché la question de compétence, parce que l’ordonnance rendue par la Cour fédérale ne contenait rien sur cet aspect. Par ailleurs, la deuxième décision ne décidait aucunement, en droit, la question de compétence, parce que la Cour fédérale a refusé de lever la suspension de l’instance qu’elle avait imposée dans sa première décision. Bien qu’il ait été décidé que les questions de fond soulevées par les parties ne devaient pas être examinées, la deuxième décision de la Cour fédérale a été considérée comme ayant validement tranché les questions sur lesquelles elle prétendait se prononcer. Le paragraphe 77(4) de la LLO est clair. Il exige de la Cour fédérale qu’elle établisse qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée à la LLO avant de pouvoir accorder une réparation à un plaignant, mais cela ne s’est effectivement pas produit dans la présente affaire. Il est évident qu’en l’espèce, la Cour fédérale n’a fait aucune constatation ni tiré aucune conclusion portant que l’appelante ne s’était pas conformée à l’une ou l’autre de ses obligations aux termes de la LLO, puisqu’elle a refusé, pour les motifs qu’elle a donnés, de traiter du fond de l’affaire présentée par les intimés. Étant donné le devoir de la Cour fédérale aux termes de l’article 77 de la LLO, il incombe à la Cour fédérale, selon la preuve dont elle dispose, de tirer les conclusions pertinentes quant à la conduite de l’institution fédérale, dans le but de décider s’il y a eu inobservation de la LLO. Ce qui est également clair, c’est que le CRTC n’a pas le pouvoir, sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion, de décider s’il y a eu violation des dispositions de la LLO. Le mandat du CRTC aux termes de la Loi sur la radiodiffusion est tout autre. Ce dont la Cour fédérale était saisie, c’était la question de savoir si la décision de l’appelante de procéder, en 2009, aux compressions budgétaires et les conséquences qui en ont résulté constituaient un défaut, de la part de l’appelante, de se conformer aux obligations que lui imposait la LLO. En raison du fait que la Cour fédérale a refusé de lever la suspension de l’instance, elle n’a pas été appelée à rendre une décision quant à cette question. La Cour fédérale n’a pas entendu les arguments des parties concernant la question soulevée par les intimés dans leur demande, hormis celle qui avait trait à la compétence. Par conséquent, n’ayant rendu aucune décision quant au défaut de l’appelante de se conformer à la LLO, la Cour fédérale ne pouvait pas accorder aux intimés l’une ou l’autre des réparations qu’ils avaient sollicitées. Cela a suffi pour disposer de l’appel et la Cour l’a accueilli.

Il existait d’autres motifs pour lesquels la Cour n’a pas abordé la question de compétence en l’espèce. La nature du litige en cause se rapportait non seulement au résultat final du processus décisionnel de l’appelante, mais aussi à l’absence de consultation quant à la prise de la décision initiale d’effectuer des compressions et à la question de savoir s’il a été répondu de manière adéquate aux préoccupations de la CLOSM locale. La Cour fédérale a adopté une position absolue. Elle a décidé, sur une requête préliminaire en rejet présentée par l’appelante et sans avoir entendu quelque argument que ce soit sur le fond des questions en litige dont elle était saisie, que chaque facette du processus décisionnel ayant mené à la décision ainsi que l’effet de cette décision sur les activités de programmation de l’appelante, y compris les conséquences qui avaient donné lieu aux compressions ayant eu des répercussions sur CBEF Windsor, relevaient en totalité de la compétence partagée entre le CRTC et le commissaire. Elle n’a pas tiré de conclusions de fait concernant ces questions et elle n’a pas traité des divers éléments des activités en cause. La Cour fédérale était d’avis que l’ensemble de la plainte portée par le Dr Amellal et le Comité relevait tant de la compétence du commissaire que de celle du CRTC mais cela ne pouvait pas être le cas. Si la Cour d’appel fédérale acceptait de trancher la question de compétence en cause dans le présent appel, il lui appartiendrait d’examiner la preuve et de tirer les conclusions de fait nécessaires pour décider les questions de droit. Dans les circonstances de la présente affaire, il a été déterminé qu’il serait très peu judicieux de procéder ainsi.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, art. 3(1)m)(iv), 46(4).

Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 41 à 45, 56, 76 à 81, 82(1).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règle 397(1)a).

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Canada (Commissaire aux langues officielles) c. CBC/Radio-Canada, 2012 CF 650, [2014] 1 R.C.F. 142; Société Radio-Canada – Renouvellement de licences (28 mai 2013), Décision de radiodiffusion CRTC 2013-263 et Ordonnances de radiodiffusion CRTC 2013-264 et 2013-265, en ligne : <http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2013/2013-263.pdf>; Lavigne c. Canada (Développement des ressources humaines), 2001 CFPI 1365, [2002] 2 C.F. 164.

DÉCISION CITÉE :

Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général), 2004 CSC 39, [2004] 2 R.C.S. 185.

APPEL interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2014 CF 849, [2015] 3 R.C.F. 481), qui a confirmé les conclusions tirées dans une décision antérieure (2012 CF 650, [2014] 1 R.C.F. 142), dans laquelle elle avait conclu que le commissaire aux langues officielles et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes possédaient une compétence concurrente pour enquêter sur les plaintes relatives à la Loi sur les langues officielles portées contre l’appelante. Appel accueilli.

ONT COMPARU

Guy Pratte et Nadia Effendi pour l’appelante.

Pascale Giguère et Kevin Shaar pour l’intimé le Commissaire aux langues officielles du Canada.

Sean T. McGee et Marie-Pierre Théorêt Pilon pour l’intimé le Dr Karim Amellal.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Borden Ladner Gervais s.e.n.c.r.l., s.r.l., Toronto, pour l’appelante.

Commissariat aux langues officielles du Canada, Gatineau, pour l’intimé le Commissaire aux langues officielles du Canada.

Nelligan O’Brien Payne s.r.l., Ottawa, pour l'intimé le Dr Karim Amellal.

Voici les motifs du jugement rendus en français par

Le juge Nadon, J.C.A. :

I.          Aperçu

[1]        La Cour est saisie d’un appel interjeté par la Société Radio-Canada (la SRC) à l’encontre de la décision du juge Martineau (le juge) de la Cour fédérale, datée du 8 septembre 2014 (2014 CF 849, [2015] 3 R.C.F. 481) (parfois appelée la deuxième décision). Dans cette décision, le juge a confirmé les conclusions qu’il avait tirées dans une décision antérieure, datée du 29 mai 2012 (2012 CF 650, [2014] 1 R.C.F. 142) (parfois appelée la première décision), dans laquelle il avait conclu que le commissaire aux langues officielles (le commissaire) et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) possédaient une compétence concurrente pour enquêter sur les plaintes relatives à la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31 (la LLO), portées contre la SRC.

[2]        Plus particulièrement, dans sa décision du 29 mai 2012, le juge a exprimé l’avis que le CRTC et le commissaire partageaient la compétence d’enquêter sur les plaintes liées aux impacts négatifs sur les francophones de la communauté de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) située à Windsor, en Ontario, qui découlaient de la diminution, par la SRC, du contenu local et régional de la programmation offerte par la station de radio francophone locale à Windsor, CBEF Windsor (CBEF Windsor). Toutefois, le juge a pris acte du fait qu’une instance était en cours devant le CRTC quant au renouvellement des licences radio de la SRC et il a décidé que le CRTC était « mieux placé que la Cour fédérale pour trancher le fond du litige et accorder aux [intimés] une réparation appropriée, le cas échéant » (paragraphe 92 de la première décision). Il a donc suspendu l’instance de la Cour fédérale introduite par le commissaire et le Dr Amellal en attendant la conclusion de l’instance devant le CRTC.

[3]        Dans sa décision du 8 septembre 2014, le juge a confirmé les conclusions qu’il avait tirées quant à la question de compétence concurrente concernant l’enquête sur les plaintes relatives à la LLO portées contre la SRC. Il a aussi déclaré que la SRC était assujettie à la LLO, en particulier la partie VII (les articles 41 à 45), et que, sous son régime, elle avait l’obligation de favoriser l’épanouissement des CLOSM et d’appuyer leur développement. Le juge a en outre jugé que le CRTC était une juridiction plus indiquée pour entendre ces plaintes. À cette fin, il a examiné la décision rendue par le CRTC le 28 mai 2013 [Société Radio-Canada – Renouvellement de licences, Décision de radiodiffusion CRTC 2013-263 et Ordonnances de radiodiffusion CRTC 2013-264 et 2013-265] (la décision du CRTC) qui, entre autres choses, ordonnait à la SRC d’augmenter le contenu local de la programmation offerte par CBEF Windsor, et il a déclaré qu’il était convaincu que le CRTC en était venu à un résultat équitable, qui était compatible avec l’objet de la LLO, et que le CRTC avait, de fait, abordé la plupart des questions soulevées dans le cadre de l’instance devant la Cour fédérale. Enfin, le juge a conclu que la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquait dans les circonstances pour empêcher la continuation de l’instance devant la Cour fédérale, et il a par conséquent ordonné une suspension permanente de cette instance.

II.         Les faits et les décisions des juridictions inférieures

[4]        En 2009, la SRC a été forcée de couper substantiellement dans son budget dans tout le pays. En réponse à cela, elle a adopté un plan de redressement qui, entre autres choses, prévoyait des compressions financières quant au contenu local et régional élaboré par CBEF Windsor, la seule station de radio de langue française du Sud-Ouest de l’Ontario. Ces compressions ont donné lieu à une réduction du nombre d’employés de CBEF Windsor de dix à trois, ont causé la disparition de trois émissions produites localement et ont occasionné une diminution du contenu local et régional de la programmation de 36,5 heures à 5 heures par semaine.

[5]        La CLOSM francophone du Sud-Ouest de l’Ontario (dont est membre le Dr Amellal, un des intimés) s’est opposée à ces compressions. Une association de bénévoles a été créée, le Comité SOS CBEF (le Comité), et des plaintes ont été présentées au commissaire et au CRTC concernant l’impact négatif que ces compressions auraient sur la minorité francophone de cette région. Le CRTC n’agissant pas assez rapidement, le commissaire a entamé une enquête au titre de l’article 56 de la LLO.

[6]        La SRC a refusé de collaborer à l’enquête du commissaire. Selon elle, le commissaire n’avait pas compétence pour faire un examen de ses activités de programmation et ces activités n’étaient pas assujetties aux obligations découlant de la LLO. Elle faisait plutôt valoir que ces questions relevaient vraiment de la compétence du CRTC.

[7]        Le commissaire a néanmoins produit un rapport sur l’affaire en cause. Il a déclaré que la SRC n’avait pas consulté la CLOSM du Sud-Ouest de l’Ontario avant les compressions budgétaires de 2009 et que, de même, elle n’avait pas effectué d’analyse relative à l’impact de ces compressions. Il a dénoncé l’impact négatif de ces compressions et conclu que la SRC n’avait pas rempli son obligation de prendre des « mesures positives » pour favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et appuyer leur développement (LLO, paragraphe 41(2)). Le commissaire a incité la SRC à revoir sa décision. La SRC refusant de ce faire, le commissaire a introduit une instance devant la Cour fédérale.

[8]        Dans son avis de demande présenté au titre de l’article 77 de la LLO, le commissaire sollicitait de la Cour fédérale un jugement déclaratoire comportant divers éléments : que la SRC était assujettie à la LLO, en particulier aux articles 41 à 45; qu’il avait compétence pour enquêter sur les plaintes liées aux compressions budgétaires de 2009; que la SRC ne s’était pas conformée à l’article 41 de la LLO; que la SRC devrait revoir sa décision de diminuer le niveau de contenu local et régional à CBEF Windsor et faire les arrangements nécessaires pour indemniser la CLOSM pour l’impact négatif de sa décision de 2009. Le Dr Amellal, quant à lui, a sollicité une injonction permanente forçant la SRC à rétablir le niveau antérieur de contenu local et régional offert par CBEF Windsor.

A.        La décision de la Cour fédérale datée du 29 mai 2012

[9]        La décision du 29 mai 2012 découle d’une requête en rejet sommaire présentée par la SRC. Bien que la SRC ait accepté que ses activités non liées à la programmation fussent assujetties à la LLO, elle a fait valoir que ses services de programmation, y compris la transmission et la distribution de tous les services de radiodiffusion, étaient exclusivement régis par la politique canadienne de radiodiffusion et que les conditions des licences ainsi que les attentes énoncées par le CRTC au titre de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11 (la LR). De son côté, le commissaire (avec l’appui du Dr Amellal) a fait valoir qu’il avait compétence pour surveiller les décisions de la SRC pouvant avoir des répercussions sur l’épanouissement des minorités francophones et anglophones ainsi que le développement des CLOSM.

[10]      Dans ses motifs, après avoir examiné un certain nombre de décisions judiciaires concernant la compétence du CRTC, le juge a exprimé l’avis que ces décisions donnaient à penser qu’il devrait s’abstenir d’appliquer rapidement et mécaniquement le modèle de la compétence exclusive du CRTC, et ce, tout simplement parce que les compressions budgétaires de 2009 avaient affecté la programmation de la SRC (paragraphe 50). Après un examen de la jurisprudence, il a conclu qu’il n’y avait pas de conflit entre la LLO et la LR et que la Cour fédérale avait compétence à première vue pour déterminer la portée du paragraphe 41(2) de la LLO et décider s’il y avait eu manquement de la part de la SRC à ses obligations à cet égard. Le juge a fait remarquer que la LLO reflétait un compromis social et politique qui attribuait au commissaire les pouvoirs d’un véritable ombudsman linguistique et qu’elle créait un processus judiciaire qui permettait d’obtenir réparation dans les cas prévus au paragraphe 77(1) de la LLO (paragraphe 51).

[11]      Néanmoins, bien qu’il ait été d’avis que la Cour fédérale avait compétence aux termes de l’article 77 de la LLO selon le modèle de la compétence concurrente, le juge a conclu qu’il était préférable que le CRTC se prononce d’abord sur la décision de la SRC de réduire le niveau du contenu local et régional de la programmation diffusée par CBEF Windsor. Il a fait remarquer que la pratique du CRTC consistait à intégrer les objectifs de l’article 41 de la LLO dans la réalisation de ses activités. Il le faisait en considérant les besoins des CLOSM dans ses décisions (paragraphe 88). Par conséquent, bien que la Cour fédérale ait eu compétence « au sens strict », aux termes des articles 76 à 81 de la LLO, pour entendre le présent recours judiciaire, le juge était d’avis que le CRTC était mieux placé pour apprécier l’impact des compressions budgétaires sur la programmation de la SRC, y compris les émissions radiodiffusées à l’antenne de CBEF Windsor. Il a donc ordonné une suspension provisoire de l’instance en attendant la décision du CRTC, et il a déclaré que toute partie pourrait demander à la Cour fédérale de rendre la suspension de l’instance permanente ou d’y mettre fin après que le CRTC aurait rendu sa décision.

B.        La décision du CRTC datée du 28 mai 2013

[12]      Le commissaire et le Comité sont tous les deux intervenus devant le CRTC. Dans sa décision, le CRTC a d’abord résumé les faits ainsi que la décision rendue par le juge le 29 mai 2012. Il a fait remarquer que la SRC avait offert d’augmenter la programmation locale diffusée à l’antenne de CBEF Windsor de cinq à dix heures par semaine (décision du CRTC, aux paragraphes 257 à 261).

[13]      Le CRTC a pris acte des préoccupations du Comité, à savoir que CBEF Windsor était la seule station de radio de langue française desservant la ville de Windsor et qu’elle remplissait un rôle vital pour la sauvegarde de la minorité francophone. Il a également noté que, selon le Comité, Windsor avait l’un des taux d’assimilation les plus élevés parmi les CLOSM francophones au Canada et a en outre fait remarquer que le Comité avait demandé au CRTC de rétablir le seuil de programmation locale d’avant 2009. Le CRTC a aussi pris acte des observations du commissaire selon lesquelles les actions de la SRC constituaient un manquement à ses obligations aux termes de la LLO, puisque ses actions avaient un impact négatif sur la communauté francophone de la région, une communauté déjà fragile. En outre, le commissaire a fait valoir devant le CRTC que la façon dont la SRC avait réduit la programmation locale contrevenait aux principes énoncés dans la LLO, qui prévoient que la programmation de la SRC doit être offerte en anglais et en français, et qu’elle devrait refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris les besoins des CLOSM (décision du CRTC, aux paragraphes 262 à 264).

[14]      Dans ses conclusions, le CRTC a fait remarquer que le sous-alinéa 3(1)m)(iv) de la LR prévoyait que la programmation de la SRC devait « être offerte en français et en anglais, de manière à refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l’une ou l’autre langue ». Le CRTC a également fait remarquer qu’aucune autre station de radio du réseau de la SRC desservant une CLOSM n’offrait moins de 15 heures de programmation locale par semaine. Par conséquent, il a ordonné à la SRC d’augmenter le contenu de la programmation locale de CBEF Windsor à 15 heures par semaine (décision du CRTC, aux paragraphes 265 à 267).

[15]      De plus, le CRTC a exigé de la SRC qu’elle consulte les CLOSM au moins tous les deux ans afin de discuter des enjeux qui influencent leur essor et leur vitalité. Il a aussi exigé que la SRC fasse rapport annuellement sur ces consultations et qu’elle démontre comment le processus décisionnel de la SRC a tenu compte des consultations (décision du CRTC, annexe 2, au paragraphe 1). Le CRTC a fait remarquer que ces consultations étaient essentielles pour que la SRC satisfasse à l’exigence imposée par le sous-alinéa 3(1)m)(iv) de la LR (décision du CRTC, au paragraphe 354).

[16]      Aucune des parties au présent appel n’a contesté la décision du CRTC.

C.        La décision de la Cour fédérale datée du 8 septembre 2014

[17]      Après la publication de la décision du CRTC, les parties sont retournées à la Cour fédérale. La SRC a réitéré son argumentation antérieure et a sollicité du juge un jugement déclaratoire portant que le CRTC avait compétence exclusive sur les questions de programmation (telles que la plainte en cause) et elle a sollicité le rejet sommaire de la demande. Elle a également fait valoir qu’il n’était pas nécessaire que la Cour fédérale rouvre l’instance, étant donné que la décision du CRTC avait considéré les obligations de la SRC à l’égard des langues officielles et qu’il avait prescrit le remède approprié (paragraphe 15).

[18]      Quant au fond de la demande, le commissaire et le Dr Amellal ont fait valoir que l’instance de la Cour fédérale devait être rouverte, puisque la décision du CRTC n’avait pas réglé le litige ou n’allait pas assez loin. Ils ont demandé la levée de la suspension, la reprise de l’interrogatoire du représentant de la SRC ainsi que la fixation d’une date d’audience dans les plus brefs délais pour trancher la question de la violation alléguée de la LLO et pour fournir une réparation appropriée dans les circonstances (paragraphe 16). En ce qui concerne la question de compétence, le commissaire a fait valoir que, puisque le juge s’était prononcé sur cette question dans sa première décision, elle ne pouvait pas faire l’objet d’un nouveau débat.

[19]      Dans sa décision du 8 septembre 2014, le juge a indiqué qu’il devait examiner deux questions : 1) le point de savoir s’il devait rendre un jugement définitif concernant les questions d’application de la loi et de compétence qui avaient été traitées dans sa première décision; et 2) celui de savoir s’il fallait lever la suspension provisoire et reprendre l’instance de la Cour fédérale. Pour les motifs résumés plus loin, le juge a confirmé les conclusions qu’il avait tirées dans la première décision au sujet de la question de compétence concurrente et il a ordonné une suspension permanente de l’instance de la Cour fédérale.

1)         L’analyse du juge relative à la question de compétence

[20]      Le juge a fait remarquer que les considérations touchant la politique publique penchaient vers le fait que les activités de radiodiffusion de la SRC relevaient de la compétence du CRTC aux termes de la LR (paragraphe 26). Il a toutefois rejeté les arguments de la SRC selon lesquels elle était assujettie à la compétence exclusive du CRTC pour la programmation produite ou diffusée. Il a jugé que l’ensemble de la programmation de la SRC impliquait la langue et mettait donc en jeu des obligations au titre de la LLO. Il a également rejeté l’argument de la SRC selon lequel elle n’était pas visée par les articles 41 à 45 de la LLO au regard de ses services de radiodiffusion (paragraphe 32).

[21]      Sur ce point, le juge a déclaré que la SRC était assujettie aux articles 41 à 45 de la LLO et que, conformément à ces dispositions, elle avait l’obligation de prendre des mesures positives pour favoriser l’épanouissement et appuyer le développement des CLOSM, et d’agir aussi de façon à ne pas nuire au développement et à l’épanouissement des minorités de langue officielle au Canada (paragraphe 33). Il a fait observer que cette obligation juridique découlait en partie d’un principe constitutionnel non écrit de respect des minorités (paragraphes 34 à 36 et 43) et de la nature quasi constitutionnelle de la LLO. Par conséquent, l’article 41 créait une obligation juridiquement exécutoire incombant à l’ensemble des institutions fédérales, que la LLO définit comme comprenant la SRC, de prendre des « mesures positives » (paragraphe 40). Une telle obligation s’étend aux activités de radiodiffusion et de programmation de la SRC. Le juge a également conclu qu’il s’agissait d’une obligation quasi constitutionnelle, peu importe le fait que, selon le paragraphe 82(1) de la LLO, la partie VII (les articles 41 à 45) ne l’emportait pas sur d’autres lois en cas d’incompatibilité (paragraphe 43).

[22]      Le juge a expressément rejeté l’idée que les obligations incombant à la SRC aux termes de la LLO étaient intégrées dans la LR en soi et qu’elles relevaient donc de la compétence exclusive du CRTC. Le juge a déclaré que, bien que la LR ait été compatible avec des principes constitutionnels tels que le respect des minorités ainsi qu’avec la LLO, elle ne conférait pas de compétence exclusive au CRTC. La meilleure façon de concilier les questions linguistiques découlant des activités de radiodiffusion de la SRC consistait à adopter le modèle de la compétence concurrente. Les questions relatives au respect des CLOSM et à leur protection devaient être examinées indépendamment du mandat de réglementation conféré au CRTC par le législateur (paragraphe 44).

[23]      Par conséquent, le juge a déclaré que le commissaire avait compétence pour enquêter sur les plaintes déposées à l’encontre de la SRC au titre de la LLO, plus particulièrement de la partie VII, au sujet des impacts négatifs sur la CLOSM du Sud-Ouest de l’Ontario en raison des compressions budgétaires de 2009.

[24]      Le juge a également pris en considération l’intention du législateur ainsi que la nature du litige en question pour déterminer le modèle de compétence approprié de manière compatible avec une affaire provenant du Québec Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général), 2004 CSC 39, [2004] 2 R.C.S. 185 (Morin) (paragraphe 46). En ce qui a trait à l’intention du législateur, il a convenu que le système de radiodiffusion canadien était unique et que le CRTC avait le pouvoir de réglementer et de surveiller tous les aspects de ce système. Toutefois, il a fait remarquer que la LR n’écartait pas expressément la compétence du commissaire ou de la Cour fédérale (paragraphe 46) et que le CRTC partageait sa compétence avec d’autres organismes fédéraux, tels que le Bureau de la concurrence, dans certaines circonstances. La simple existence de la LR et d’un cadre réglementaire particulier sous son régime ne suffisait pas à empêcher l’application de la LLO ni le contrôle général qu’exerçaient le commissaire et la Cour fédérale pour garantir le respect des obligations découlant de la LLO et de la Constitution (paragraphe 56).

[25]      En ce qui concerne la nature du litige, le juge a fait remarquer que les plaintes en l’espèce avaient trait aux changements dans la programmation et au processus décisionnel adopté en réponse aux compressions budgétaires de 2009 (paragraphe 50). Il a jugé que l’objet de la compétence exclusive du CRTC ne s’étendait pas à la protection des minorités linguistiques ou des droits quasi constitutionnels, peu importe le fait que sa pratique consistait à tenir compte de ces considérations dans ses décisions. Cette expertise ainsi que le rôle de gardien des questions linguistiques sont dévolus au commissaire. Une partie des pouvoirs du commissaire concernait l’enquête sur les plaintes portées à l’encontre des organismes fédéraux qui ne respectaient pas leurs obligations aux termes de la LLO (paragraphes 50 et 72).

2)         L’analyse du juge quant à la réouverture de l’instance de la Cour fédérale ou à l’établissement d’une suspension permanente

[26]      Le commissaire et le Dr Amellal ont fait valoir que la décision du CRTC ne disposait pas de façon appropriée du fond du litige entre les parties et que l’affaire n’était pas théorique. Par conséquent, ils ont demandé la levée de la suspension provisoire et la réouverture de l’instance en Cour fédérale. Le commissaire a fait valoir que la décision du CRTC n’avait pris en compte que les obligations de la SRC relatives à la LR et que les parties avaient sollicité diverses réparations devant le CRTC et la Cour fédérale. Dans le premier forum, les plaignants sollicitaient le rétablissement du contenu de la programmation d’avant les compressions budgétaires, alors que, dans le second, le commissaire et plaignant visait à clarifier les obligations linguistiques de la SRC et à obtenir un jugement déclaratoire portant que la SRC avait manqué à ses obligations au titre de la LLO (paragraphes 80 et 81).

[27]      La SRC a fait valoir que la suspension de l’instance de la Cour fédérale ne devrait pas être levée du fait de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (paragraphe 84). En résumé, le CRTC avait examiné toutes les questions, il avait rendu une décision définitive et les mêmes parties avaient débattu des mêmes questions devant le CRTC. En outre, il n’y avait aucun problème d’iniquité pouvant empêcher l’application de la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée.

[28]      Le juge a décidé que l’instance de la Cour fédérale était devenue en grande partie académique en raison de la décision du CRTC (paragraphe 85). Il a conclu qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice de lever la suspension de l’instance et il a converti la suspension provisoire en une permanente. Il a conclu que la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquait et qu’il n’était pas approprié que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour entendre l’affaire sur le fond (paragraphe 91).

[29]      Le juge a fait remarquer que la décision du CRTC n’avait pas explicitement fait référence à la LLO. Toutefois, il a conclu que le CRTC s’était assuré, en pratique, que les objectifs prévus à l’article 41 de la LLO étaient protégés. Il a aussi considéré les exigences en matière de consultation et de rapports annuels que la décision du CRTC avait imposées à la SRC (paragraphes 92 à 96). Il a jugé que la décision du CRTC avait effectivement dénoncé l’impact négatif des compressions budgétaires sur les plaignants en imposant à la SRC des exigences relativement à de futures consultations (paragraphe 98). Il a donc conclu que la décision du CRTC constituait une solution équitable et conforme aux objectifs de la LLO (paragraphe 100).

III.        Les dispositions législatives

[30]      Les dispositions de la LR et de la LLO applicables à l’appel dont la Cour est saisie sont énoncées aux annexes A et B des présents motifs.

[31]      J’aborde maintenant les questions soulevées par l’appel.

IV.       Les questions en litige

[32]      Les parties soutiennent qu’il y a trois questions à trancher en l’espèce :

1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.         Le CRTC a-t-il compétence exclusive sur les plaintes relatives à la LLO qui se rapportent aux activités de programmation de la SRC?

3.         L’ordonnance déclaratoire du juge portant que la SRC devrait respecter la partie VII de la LLO est-elle trop vague?

V.        Analyse

[33]      Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’aborder ces questions. Plus particulièrement, je crois que nous devrions accueillir l’appel et annuler la décision du juge.

[34]      Je commencerai par examiner les deux décisions du juge dans le but de déterminer ce qu’il a vraiment décidé. Dans sa première décision, le juge a clairement conclu, dans ses motifs, que le CRTC n’avait pas compétence exclusive sur les questions soulevées par le commissaire et le Dr Amellal, mais il n’a pas rendu d’ordonnance à cet effet. Son ordonnance traitait plutôt de la suspension de l’instance, de l’ajournement des interrogatoires préalables et de l’audience sur le fond qui avait déjà été fixée. Son ordonnance se lit ainsi :

LA COUR ORDONNE que :

1.   Les procédures dans le présent dossier sont suspendues aux fins de permettre au CRTC de se prononcer dans le cadre des demandes de renouvellement de licences de la Société, sur toute plainte ou intervention des demandeurs relativement à la réduction des heures de programmation locale ou régionale diffusée à l’antenne de CBEF Windsor;

2.   La poursuite de tout interrogatoire déjà fixé et l’audition au mérite prévue à partir du 15 octobre 2012 sont ajournées sine die;

3.   Après que le CRTC aura rendu sa décision à l’égard des demandes de renouvellement de licences de la Société, toute partie aux présentes pourra, par requête, demander à la Cour de prolonger ou de mettre fin à la suspension des procédures, de reprendre l’étude du dossier ou de rejeter le présent recours, compte tenu des lois en vigueur et de tout principe de droit applicable en l’espèce;

4.   Dans l’intervalle, le juge soussigné réserve compétence pour émettre toute autre directive ou rendre toute autre ordonnance, de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, dans le cas de tout nouveau développement; et

5.   Le tout sans dépens.

[35]      Croyant que le juge avait déjà, en fait, tranché la question de compétence dans sa première décision, la SRC a déposé une requête en prorogation du délai pour déposer un avis d’appel de l’ordonnance rendue par le juge le 29 mai 2012. La requête de la SRC a été rejetée par ma collègue madame la juge Gauthier, au motif que l’ordonnance du juge n’avait examiné ni abordé aucune des conclusions ou déclarations sollicitées dans l’avis de demande qui avait été déposé le 10 août 2010, dont la question de savoir si le commissaire avait compétence pour examiner et aborder les plaintes portées à l’encontre de la SRC sous le régime de la LLO.

[36]      À la fin de ses motifs, la juge Gauthier a indiqué que la question de compétence entre le commissaire et le CRTC ferait l’objet d’une décision définitive de la part du juge, après la décision attendue de la part du CRTC. Il est évident, à la lecture des motifs de la juge Gauthier, qu’elle a considéré que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, le juge avait simplement formulé des commentaires préliminaires à caractère non obligatoire sur la question de compétence avant le prononcé d’une éventuelle décision définitive.

[37]      À la suite de la décision du CRTC, les parties sont retournées devant le juge pour présenter leurs arguments sur la question de savoir, entre autres choses, si le juge devait lever la suspension qu’il avait ordonnée dans sa première décision. Au début de sa deuxième décision (paragraphe 2), le juge a mentionné qu’il devait examiner deux points, à savoir s’il devait rendre un jugement définitif sur les questions d’application de la loi et de compétence qui étaient traitées « dans la décision interlocutoire » et s’il était opportun de lever la suspension qu’il avait ordonnée le 29 mai 2012 et de reprendre l’instance à la lumière des développements survenus « depuis la décision interlocutoire ». J’ai un certain nombre de commentaires à formuler à l’égard des décisions du juge.

[38]      En ce qui a trait à la première décision, on ne peut douter du fait que, bien qu’il ait prétendu décider la question de compétence, le juge a omis de rendre une ordonnance à cet égard. À mon avis, ce que les parties auraient dû faire, après avoir reçu la première décision du juge, c’était de présenter une requête en vertu de l’alinéa 397(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS 98/106, lequel prévoit que les parties peuvent demander à la Cour d’examiner de nouveau les termes d’une ordonnance qui ne concorde pas avec les motifs donnés. Autrement dit, il aurait fallu demander au juge de modifier son ordonnance pour faire en sorte qu’elle comprenne les conclusions qu’il avait tirées sur la question de compétence. Cela n’est cependant pas arrivé, et, par conséquent, la juge Gauthier a rejeté la requête de la SRC en prorogation de délai pour déposer un avis d’appel.

[39]      J’aborde maintenant la deuxième décision du juge. Comme le juge, dans son ordonnance datée du 29 mai 2012, avait suspendu l’instance dont il était saisi, il ne pouvait la continuer sans d’abord être prêt à lever la suspension qu’il avait ordonnée. En l’occurrence, il a refusé de lever la suspension, mais il a néanmoins procédé avec des motifs approfondis, dans lesquels il a réitéré l’avis sur la question de compétence qu’il avait exprimé dans sa première décision. Avec respect, le juge était dessaisi de l’affaire et ne pouvait émettre une opinion ou décider de toute question dont il avait été saisi, à moins de lever la suspension.

[40]      Avec égard, je suis d’avis que les décisions du juge ont donné un résultat insatisfaisant. D’un côté, la première décision ne tranche pas la question de compétence, parce que l’ordonnance rendue par le juge ne contient rien sur cet aspect. Par ailleurs, la deuxième décision ne décide aucunement, en droit, la question de compétence, parce que le juge a refusé de lever la suspension de l’instance qu’il avait imposée dans sa première décision.

[41]      Lorsque, à l’audience, la formation a souligné ces difficultés devant les parties, celles-ci nous ont fait comprendre qu’elles désiraient que la Cour examine, si possible, les questions de fond soulevées dans le cadre de l’instance. Après avoir minutieusement examiné ces questions ainsi que les observations formulées par les parties, mon opinion est qu’il existe un certain nombre de motifs pour ne pas aborder les questions de fond soulevées dans le présent appel. Toutefois, pour conclure que nous ne devrions pas examiner les questions de fond soulevées par les parties, j’ai considéré que la deuxième décision du juge avait validement tranché les questions sur lesquelles il prétendait se prononcer. En d’autres mots, j’ai considéré qu’il n’était pas dessaisi de l’affaire et qu’il pouvait rendre la décision qu’il avait rendue.

[42]      Je vais maintenant énoncer les motifs pour lesquels j’ai conclu que nous ne devrions pas aborder les questions de fond et que nous devrions accueillir l’appel. Je commence en reproduisant l’article 77 de la LLO, lequel prévoit ce qui suit :

Recours

77 (1) Quiconque a saisi le commissaire d’une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10 à 13 ou aux parties IV, V, ou VII, ou fondée sur l’article 91, peut former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.

Délai

(2) Sauf délai supérieur accordé par le tribunal sur demande présentée ou non avant l’expiration du délai normal, le recours est formé dans les soixante jours qui suivent la communication au plaignant des conclusions de l’enquête, des recommandations visées au paragraphe 64(2) ou de l’avis de refus d’ouverture ou de poursuite d’une enquête donné au titre du paragraphe 58(5).

Autre délai

(3) Si, dans les six mois suivant le dépôt d’une plainte, il n’est pas avisé des conclusions de l’enquête, des recommandations visées au paragraphe 64(2) ou du refus opposé au titre du paragraphe 58(5), le plaignant peut former le recours à l’expiration de ces six mois.

Ordonnance

(4) Le tribunal peut, s’il estime qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu’il estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

Précision

(5) Le présent article ne porte atteinte à aucun autre droit d’action. [Non souligné dans l’original.]

[43]      Comme il ressort clairement du paragraphe 77(4) précité, il exige explicitement que la Cour fédérale établisse qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée aux dispositions de la LLO avant d’accorder une réparation (voir Lavigne c. Canada (Développement des ressources humaines), 2001 CFPI 1365, [2002] 2 C.F. 164, où le juge Lemieux de la Cour fédérale [auparavant la Section de première instance de la Cour fédérale] a déclaré, au paragraphe 63 de ses motifs, qu’aucune réparation ne pouvait être accordée au titre du paragraphe 77(4) de la LLO, à moins que la Cour n’ait conclu qu’une institution fédérale ne s’était pas conformée aux obligations que cette loi lui imposait).

[44]      Avec respect, je crois qu’il est évident qu’en l’espèce, le juge n’a fait aucune constatation ni tiré aucune conclusion portant que la SRC ne s’était pas conformée à l’une ou l’autre de ses obligations aux termes de la LLO, puisqu’il a refusé, pour les motifs qu’il a donnés, de traiter du fond de l’affaire présentée par le commissaire et le Dr Amellal. Plus particulièrement, le juge a ainsi refusé parce qu’il était convaincu que le CRTC avait convenablement traité des questions dont celui-ci était saisi, pour les résoudre d’une manière « équitable et conforme aux objectifs de la LLO » (paragraphe 100 de la deuxième décision).

[45]      Cependant, en toute équité pour le juge, il semble laisser entendre dans ses motifs de la deuxième décision que le CRTC avait conclu, en fait, que la SRC ne s’était pas conformée aux obligations que lui imposait la LLO. C’est peut-être pourquoi il a pensé qu’il pouvait offrir une réparation aux intimés au titre de l’article 77 de la LLO. Au paragraphe 98 de sa deuxième décision, le juge a formulé les commentaires suivants :

Même si le CRTC ne s’est pas formellement prononcé dans sa décision de 2013 sur la question de savoir si la Société a manqué, durant la dernière période de licence, à toute obligation positive de consultation et d’analyse d’impact de sa décision, il est clair, que d’une manière prospective, en imposant pour la première fois à la Société, une obligation générale de consultation et de rapports périodiques aux CLOSM, et en prescrivant un minimum d’heures de programmation locale dans les stations de radio francophones hors Québec, le CRTC a désavoué les compressions budgétaires dans les régions qui ont été dénoncées par les intervenants.

[46]      Comme le juge le reconnaît au paragraphe 98 précité, le CRTC n’a en fait tiré aucune conclusion portant que la SRC ne s’était pas conformée à ses obligations au titre de la LLO. À mon avis, il ne fait aucun doute que le CRTC n’a pas tiré une telle conclusion et qu’il ne pouvait pas le faire. Je suis convaincu que la décision rendue par le CRTC au sujet du renouvellement des licences de la SRC et, en particulier, le fait d’imposer à la SRC un certain nombre de conditions de licence qui répondent aux attentes des intimés (et apparemment à celles du juge) ne constitue pas une conclusion selon laquelle la SRC ne s’était pas conformée à ses obligations sous le régime de la LLO.

[47]      De toute façon, le paragraphe 77(4) de la LLO est clair. Il exige de la Cour fédérale qu’elle établisse qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée à la LLO avant de pouvoir accorder une réparation à un plaignant. Cela ne s’est effectivement pas produit dans la présente affaire.

[48]      Par conséquent, les commentaires du juge, qui se trouvent au paragraphe 101 de ses motifs de la deuxième décision, selon lesquels le pouvoir de la Cour à l’article 77 « en est essentiellement un de “réparation” » et que la Cour n’est pas là pour enquêter sur le « manquement allégué d’une institution fédérale à son obligation de prendre des mesures positives » sont plutôt surprenants. Avec respect, je suis d’avis que c’est le devoir de la Cour fédérale, aux termes de l’article 77 de la LLO, de décider s’il y a eu inobservation de la LLO et, le cas échéant, d’accorder la réparation convenable, eu égard aux circonstances de l’affaire. Cela signifie qu’il incombe à la Cour fédérale, selon la preuve dont elle dispose, de tirer les conclusions pertinentes quant à la conduite de l’institution fédérale, dans le but de décider s’il y a eu inobservation de la LLO.

[49]      Ce qui est également clair, c’est que le CRTC n’a pas le pouvoir, sous le régime de la LR, de décider s’il y a eu violation des dispositions de la LLO. Le mandat du CRTC aux termes de la LR est tout autre. Bien qu’il soit habilité, en vertu du paragraphe 46(4) de la LR, à « [tenir] compte […] des principes et des objectifs de la Loi sur les langues officielles » pour établir si des services de radiodiffusion devraient être renouvelés et/ou prolongés, il n’est pas loisible au CRTC de tirer quelque conclusion que ce soit concernant l’inobservation de la LLO. À mon humble avis, il s’agit là d’une question complètement différente.

[50]      Je suis d’avis que le fait que le CRTC (selon le juge) avait, en fait, mis fin à la violation, par la SRC, de la LLO et que le CRTC (selon le juge) avait accordé une réparation complète pour l’avenir n’est aucunement pertinent. Il n’en demeure pas moins que ce dont le juge était saisi, c’était la question de savoir si la SRC avait manqué à ses obligations que lui imposait la LLO lorsqu’elle avait décidé, en 2009, de procéder aux compressions budgétaires qui avaient touché CBEF Windsor. Plus particulièrement, la décision de la SRC et les conséquences qui en ont résulté constituaient-elles un défaut, de la part de la SRC, de se conformer aux obligations que lui imposait la LLO?

[51]      Cette question, à mon humble avis, demeure toujours sans réponse. Le fait que le CRTC a imposé des conditions de licence à la SRC, et ce, à la satisfaction de quelques demandes des intimés, ne répond pas à la question dont était saisi le juge. La décision du CRTC, rendue environ quatre ans après les compressions budgétaires faites par la SRC en 2009, ne traite pas de la période qui s’est écoulée entre 2009 et 2013. En d’autres mots, en imposant des conditions de licence à la SRC, le CRTC lui a donné ses directives pour la prochaine période de licence. Toutefois, en ce faisant, le CRTC ne s’est pas prononcé, et il n’a aucunement prétendu le faire, au sujet de la période s’étendant de 2009 à 2013. Ainsi, il n’a pas examiné ni abordé la question dont le juge était saisi.

[52]      En raison du fait qu’il a refusé de lever la suspension de l’instance qu’il avait imposée dans sa première décision, le juge n’a pas été appelé à rendre une décision quant à la question de savoir si les compressions budgétaires de 2009 constituaient un défaut, de la part de la SRC, de se conformer à la LLO. Plus particulièrement, il n’a pas entendu les arguments des parties concernant les questions soulevées par les intimés dans leur demande, hormis celle qui avait trait à la compétence.

[53]      Par conséquent, je conclus que, n’ayant rendu aucune décision quant au défaut de la SRC de se conformer à la LLO, le juge ne pouvait pas accorder aux intimés l’une ou l’autre des réparations qu’ils avaient sollicitées. Cela suffit, à mon avis, pour disposer de l’appel. Autrement dit, comme il n’était pas loisible au juge d’accorder quelque réparation que ce soit aux intimés, l’appel de la SRC se doit d’être accueilli.

[54]      Il existe cependant d’autres motifs pour lesquels, eu égard aux circonstances, nous ne devrions pas aborder la question de compétence. Avant de les énoncer, je dois souligner que ni le commissaire ni le Dr Amellal n’ont interjeté appel de la deuxième décision du juge. Par conséquent, dans le présent appel, il ne nous est pas demandé de décider si le juge a eu raison de refuser de lever la suspension qu’il avait imposée dans la première décision. Je dirais cependant que j’ai de la difficulté à suivre le raisonnement du juge selon lequel, d’un côté, le commissaire avait compétence pour enquêter sur la plainte portée en l’espèce par le Dr Amellal et le Comité, et donc d’introduire une instance au titre de l’article 77 de la LLO, mais que la Cour devait refuser d’entendre et de décider la plainte parce que le CRTC constituait la juridiction la plus indiquée pour régler la question. Avec égards, il me semble que, si le juge avait raison lorsqu’il a décidé de la question de compétence, le commissaire et le Dr Amellal auraient alors dû pouvoir poursuivre l’affaire, de manière à obtenir une décision sur le fond de la plainte.

[55]      Il ne faut toutefois pas interpréter ma position comme étant que j’affirme que le juge avait raison lorsqu’il a conclu qu’il existait une compétence concurrente entre le CRTC et le commissaire relativement à la plainte portée par le Dr Amellal et le Comité. Le point de savoir s’il y a une compétence concurrente au sujet de l’ensemble ou de certains des aspects de la plainte est une question qui, malheureusement, devra être résolue un autre jour.

[56]      La question en litige quant à la compétence est de savoir si les activités de programmation de la SRC sont assujetties à la compétence exclusive du CRTC ou s’il existe une compétence partagée sur ces sujets entre le commissaire et le CRTC. Avant d’énoncer mes autres motifs pour lesquels je n’aborderai pas la question de compétence, je vais brièvement résumer les observations et les concessions particulièrement pertinentes qui ont été faites sur la question par les parties.

[57]      Pour la SRC, l’affaire est assez simple. Toutes ses activités de programmation doivent être décidées exclusivement par le CRTC. Elle dit que, en vertu de l’article 51 de la LR, le CRTC a le pouvoir de déterminer l’ensemble des activités de programmation de la SRC, et elle a ajouté que la réglementation, la surveillance et la mise en place de tous les aspects du système de radiodiffusion canadien et de la politique de radiodiffusion au Canada étaient confiées au CRTC.

[58]      La SRC a aussi dit que, dans l’exécution de son mandat susmentionné, le CRTC, aux termes du paragraphe 46(4) de la LR, devait tenir compte des principes et des objectifs de la LLO. Ainsi, en édictant la LR, le législateur avait l’intention de retirer la SRC de la compétence du commissaire au titre de la LLO en ce qui a trait à la programmation.

[59]      Plus particulièrement, la SRC dit que les larges pouvoirs conférés au CRTC en vertu de la LR lui permettent, lorsqu’il accorde des licences à la SRC, de l’obliger à créer des émissions qui répondent aux attentes des CLOSM en matière linguistique.

[60]      En formulant ces observations, la SRC affirme que la LLO ne prévoit rien à l’égard de la radiodiffusion et de la programmation. En d’autres mots, le commissaire n’a aucun pouvoir à l’égard de ces sujets.

[61]      Selon ce que je comprends de sa position, la SRC ne nie pas être assujettie à l’article 41 de la LLO, mais elle dit que, peu importe les obligations pouvant lui incomber aux termes de cette disposition, ses obligations ne peuvent être déterminées que par le CRTC, lequel doit tenir compte des obligations linguistiques de la SRC lorsqu’il réglemente et surveille ses activités de programmation.

[62]      La SRC dit aussi qu’il est évident que le commissaire ne possède aucune expertise en ce qui a trait à la programmation, et elle ajoute que les questions de langue découlant du présent appel font partie intégrante de ses activités de programmation.

[63]      La SRC dit que le fait de l’assujettir à deux compétences à l’égard de ses activités de programmation perturberait ses opérations, en ce sens qu’il faudrait consacrer plus de temps au traitement des plaintes et, il va sans dire, cela engagerait des dépenses additionnelles.

[64]      Enfin, la SRC dit que son indépendance au regard de ses activités de programmation serait exposée à des risques s’il était permis au commissaire d’enquêter et de s’immiscer dans ses activités.

[65]      J’aborde maintenant les observations du commissaire et du Dr Amellal. Il va sans dire qu’ils ne partagent pas du tout la position de la SRC.

[66]      Le commissaire affirme que la principale question à examiner dans le cadre de l’appel est celle de la programmation. Plus particulièrement, le commissaire dit que la programmation ne peut être aussi générale et exhaustive que le laisse entendre la SRC. Le commissaire dit que, si l’argumentation de la SRC est acceptée, toutes ses activités seront exclues de la portée de la LLO, ce qui lui enlèvera donc toute compétence, quelle qu’elle soit, sur la SRC à l’égard des obligations linguistiques découlant de la LLO.

[67]      Le commissaire affirme également que rien dans les dispositions de la LR ou de la LLO n’exclut la SRC de la portée de la LLO et de la compétence du commissaire sous son régime. Au contraire, le commissaire dit que la LLO lui a conféré le pouvoir d’enquêter sur l’ensemble des institutions fédérales, y compris la SRC, et il a ajouté que, comme la compétence de la Cour fédérale est liée à la compétence du commissaire, elle doit décider les questions dont elle est saisie aux termes de l’article 77 de la LLO.

[68]      Le commissaire a ajouté que le fait que le CRTC a compétence pour réglementer et surveiller le système de radiodiffusion canadien n’empêche pas l’exercice de ses pouvoirs sous le régime de la LLO.

[69]      Le commissaire concède que le CRTC s’est vu attribuer la compétence sous le régime de la LR pour surveiller et réglementer toutes les activités de la SRC qui sont directement liées à la programmation. Toutefois, à son avis, cela ne l’empêche pas d’enquêter sur les activités qui ont ou qui pourraient avoir un effet indirect sur la programmation de la SRC.

[70]      Cela amène le commissaire à établir une distinction entre la programmation et les activités qui y sont liées. Autrement dit, le fait qu’une activité pourrait avoir un impact sur les activités de programmation de la SRC ne conduit pas à la conclusion qu’une telle activité est exclue de sa compétence. Par conséquent, le commissaire soutient qu’un bon nombre des activités de la SRC ne peuvent être qualifiées d’activités de programmation et qu’il a donc le pouvoir d’enquêter à leur égard.

[71]      Revenant aux faits propres à l’affaire, le commissaire dit que le litige en l’espèce entre les parties concerne la question de savoir si la SRC a tenu compte de ses obligations au titre de l’article 41 de la LLO lorsqu’elle a décidé d’effectuer les compressions qui ont eu des répercussions sur CBEF Windsor. Plus particulièrement, le commissaire dit que la compétence du CRTC en est une qui se rapporte au contenu des émissions produites et diffusées par la SRC, mais non au processus décisionnel mis en place à la SRC pour déterminer les compressions qui devaient être faites.

[72]      Enfin, le commissaire affirme que l’observation de la SRC, selon laquelle les plaintes se rapportant à la future programmation devraient relever exclusivement du CRTC, ne répond pas à la question de savoir s’il peut enquêter sur les allégations de manquement aux obligations relatives à la LLO. En d’autres mots, le commissaire ne conteste pas le fait que le CRTC a correctement exercé sa compétence lorsqu’il a imposé des conditions de licence à la SRC pour la période des nouvelles licences, y compris les conditions se rapportant aux obligations linguistiques et leurs répercussions sur les CLOSM.

[73]      Quant au Dr Amellal, il adopte l’ensemble de l’argumentation du commissaire, et il ajoute que le litige opposant les parties se rapporte à la manière dont la SRC a pris la décision contestée après les compressions budgétaires du budget de 2009 et à la façon dont cette décision a eu des répercussions sur CBEF Windsor.

[74]      De ce qui précède, il ne fait aucun doute que la véritable question en litige dans la présente instance est de savoir si le commissaire a compétence, sous le régime de la LLO, pour enquêter sur ce que la SRC affirme constituer ses activités de programmation. À cet égard, la SRC fait valoir, comme je l’ai déjà mentionné, que l’article 41 de la LLO est applicable à ses activités de programmation, dans la mesure où le CRTC prend ces considérations en compte dans l’exercice de sa compétence sous le régime de la LR. Ainsi, à la lumière de ce qui précède, il ne peut être affirmé que la SRC s’oppose à l’application de l’article 41 à ses activités de programmation, mais qu’elle s’oppose au fait que le commissaire prétende avoir compétence pour enquêter sur des plaintes liées à la programmation qui se rapportent à l’objet de la LLO, à savoir les langues officielles. De point de vue de la SRC, ce genre de plainte relève exclusivement du CRTC aux termes de la LR.

[75]      Il va sans dire qu’on ne peut contester le fait que la compétence du CRTC comprend la réglementation des activités de programmation de la SRC. Toutefois, comme il ressort des observations des parties, le commissaire et la SRC diffèrent d’opinion en ce qui constitue la programmation. Pour la SRC, la programmation est de nature générale, et c’est pourquoi elle fait valoir en l’espèce que sa décision de faire des compressions qui, entre autres choses, ont eu des répercussions sur CBEF Windsor constitue de la programmation. Selon la perspective du commissaire, il s’agit d’une vision large de ce qu’est la programmation, et cela n’est pas correct.

[76]      Si je comprends bien les observations du commissaire, il affirme que la définition large que la SRC offre pour la programmation est une tentative d’inclure dans ses activités de programmation les processus décisionnels qui ont mené aux activités de programmation. En même temps, le commissaire concède qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur les émissions effectivement produites et diffusées à l’antenne de CBEF Windsor. Toutefois, il soutient qu’il a compétence pour enquêter sur le contexte dans lequel la décision de la SRC de diminuer le contenu local et régional de CBEF Windsor a été prise. Il dit aussi que la question de savoir si la SRC a tenu compte des obligations que lui impose l’article 41 de la LLO pour prendre cette décision relève de sa compétence.

[77]      Ainsi, la nature du litige dont nous sommes saisis se rapporte non seulement au résultat final du processus décisionnel de la SRC, c’est-à-dire la diminution du contenu local à la station CBEF Windsor, mais aussi à l’absence de consultation quant à la prise de la décision initiale d’effectuer des compressions et à la question de savoir s’il a été répondu de manière adéquate aux préoccupations de la CLOSM locale. Le litige comportait donc de multiples facettes. Il y avait un aspect relatif à la programmation, c’est-à-dire la décision de diminuer le contenu local et la manière dont cela devait se faire, et un aspect qui était, d’une certaine façon, plus secondaire au regard de la question de la programmation, c’est-à-dire celui de la consultation en jeu et des considérations dont avait tenu compte la SRC lorsqu’elle avait pris sa décision. Ce sont les questions dont était saisi le juge et que, en l’occurrence, il n’a pas abordées.

[78]      En d’autres mots, à mon humble avis, le juge a adopté une position absolue. Il a décidé, sur une requête préliminaire en rejet présentée par la SRC et sans avoir entendu quelque argument que ce soit sur le fond des questions en litige dont il était saisi, que chaque facette du processus décisionnel ayant mené à la décision ainsi que l’effet de cette décision sur les activités de programmation de la SRC, y compris les conséquences qui avaient donné lieu aux compressions ayant eu des répercussions sur CBEF Windsor, relevaient en totalité de la compétence partagée entre le CRTC et le commissaire. Le juge n’a pas tiré de conclusions de fait concernant ces questions. Il n’a pas traité des divers éléments des activités en cause, c’est-à-dire la décision d’effectuer des compressions, les compressions mêmes ainsi que les conséquences qu’elles avaient eues sur CBEF Windsor. Il a simplement exprimé l’opinion qu’il existait une compétence concurrente quant à l’ensemble des aspects du processus décisionnel et il n’a pas tenté d’examiner les activités en cause afin d’établir lesquelles constituaient des activités de programmation et lesquelles, le cas échéant, n’en étaient pas. S’il avait procédé à cet exercice, il aurait dû définir ce qu’était la programmation et, à partir de là, décider quelles activités, parmi celles qui étaient examinées, constituaient de véritables activités de programmation. Par conséquent, nous ne pouvons bénéficier de ses constatations, ni de ses opinions sur ces questions. De la preuve avait été présentée au juge. Or, il s’est avéré qu’il n’en a jamais traité.

[79]      Comme je l’ai déjà mentionné, le juge était d’avis que l’ensemble de la plainte portée par le Dr Amellal et le Comité relevait tant de la compétence du commissaire que de celle du CRTC. Selon moi, ce ne peut être le cas. Je crois que je suis sur un terrain solide en m’exprimant ainsi, parce que le commissaire reconnaît lui-même qu’il n’a pas compétence sur ce qui constitue de véritables activités de programmation. La question est donc de savoir si toutes les activités en cause de la SRC en l’espèce sont des activités de programmation et, le cas échéant, si elles relèvent nécessairement de la compétence exclusive du CRTC. Si l’une ou l’autre de ces activités n’est pas de la nature de la programmation, est-elle dans le domaine de compétence du commissaire?

[80]      Par conséquent, si nous acceptions de trancher la question de compétence en cause dans le présent appel, il nous appartiendrait d’examiner la preuve et de tirer les conclusions de fait nécessaires pour décider les questions de droit. Cela devrait être fait sans pouvoir bénéficier de l’opinion du juge sur les questions que j’ai soulevées. Dans les circonstances de la présente affaire, je suis d’avis qu’il serait très peu judicieux de notre part de procéder ainsi.

VI.       Conclusion

[81]      Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel de la SRC, j’annulerais la décision de la Cour fédérale datée du 8 septembre 2014 et, prononçant le jugement qui aurait dû être rendu, je rejetterais la demande présentée par le commissaire et le Dr Amellal en vertu de l’article 77 de la LLO. Dans les circonstances, je ne rendrais pas d’ordonnance quant aux dépens.

Le juge Scott, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Boivin, J.C.A. : Je suis d’accord.

ANNEXE A

Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11

PARTIE I

Dispositions générales

Définitions

Définitions

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

Conseil Le Conseil institué par la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

(Commission)

émission Les sons ou les images — ou leur combinaison — destinés à informer ou divertir, à l’exception des images, muettes ou non, consistant essentiellement en des lettres ou des chiffres.

(program)

[…]

Société La Société Radio-Canada, visée à l’article 36.

(Corporation)

[…]

Politique canadienne de radiodiffusion

Politique canadienne de radiodiffusion

3 (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

[…]

c) les radiodiffusions de langues française et anglaise, malgré certains points communs, diffèrent quant à leurs conditions d’exploitation et, éventuellement, quant à leurs besoins;

d) le système canadien de radiodiffusion devrait :

(i) servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada,

(ii) favoriser l’épanouissement de l’expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes, qui mette en valeur des divertissements faisant appel à des artistes canadiens et qui fournisse de l’information et de l’analyse concernant le Canada et l’étranger considérés d’un point de vue canadien,

(iii) par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d’emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l’égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu’y occupent les peuples autochtones,

(iv) demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques;

[…]

m) la programmation de la Société devrait à la fois :

(i) être principalement et typiquement canadienne,

(ii) refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu’au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions,

(iii) contribuer activement à l’expression culturelle et à l’échange des diverses formes qu’elle peut prendre,

(iv) être offerte en français et en anglais, de manière à refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l’une ou l’autre langue,

(v) chercher à être de qualité équivalente en français et en anglais,

(vi) contribuer au partage d’une conscience et d’une identité nationales,

(vii) être offerte partout au Canada de la manière la plus adéquate et efficace, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens,

(viii) refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada;

[…]

Déclaration

(2) Il est déclaré en outre que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome.

[…]

PARTIE II

Mission et pouvoirs du conseil en matière de radiodiffusion

Mission

Mission

5 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, ainsi que de la Loi sur la radiocommunication et des instructions qui lui sont données par le gouverneur en conseil sous le régime de la présente loi, le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en oeuvre la politique canadienne de radiodiffusion.

Réglementation et surveillance

(2) La réglementation et la surveillance du système devraient être souples et à la fois :

a) tenir compte des caractéristiques de la radiodiffusion dans les langues française et anglaise et des conditions différentes d’exploitation auxquelles sont soumises les entreprises de radiodiffusion qui diffusent la programmation dans l’une ou l’autre langue;

[…]

PARTIE III

Société Radio-Canada

[…]

Mission et pouvoirs

Mission et pouvoirs

46 (1) La Société a pour mission de fournir la programmation prévue aux alinéas 3(1)l) et m), en se conformant aux conditions des licences qui lui sont attribuées par le Conseil, sous réserve des règlements de celui-ci. À cette fin, elle peut :

[…]

Extension des services

(4) La Société tient compte, dans ses projets d’extension de services de radiodiffusion, des principes et des objectifs de la Loi sur les langues officielles.

ANNEXE B

Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 31

Objet

Objet

2 La présente loi a pour objet :

a) d’assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l’égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l’administration de la justice, les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en oeuvre des objectifs de ces institutions;

b) d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d’une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais;

c) de préciser les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles.

Définitions

Définitions

3 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

institutions fédérales Les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada, dont le Sénat, la Chambre des communes, la bibliothèque du Parlement, le bureau du conseiller sénatorial en éthique et le bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le Service de protection parlementaire, les tribunaux fédéraux, tout organisme — bureau, commission, conseil, office ou autre — chargé de fonctions administratives sous le régime d’une loi fédérale ou en vertu des attributions du gouverneur en conseil, les ministères fédéraux, les sociétés d’État créées sous le régime d’une loi fédérale et tout autre organisme désigné par la loi à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada ou placé sous la tutelle du gouverneur en conseil ou d’un ministre fédéral. […]

[…]

PARTIE VII

Promotion du français et de l’anglais

Engagement

41 (1) Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

Obligations des institutions fédérales

(2) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en oeuvre cet engagement. Il demeure entendu que cette mise en oeuvre se fait dans le respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces.

[…]

PARTIE IX

Commissaire aux langues officielles

[…]

Mandat du commissaire

[…]

Mission

56 (1) Il incombe au commissaire de prendre, dans le cadre de sa compétence, toutes les mesures visant à assurer la reconnaissance du statut de chacune des langues officielles et à faire respecter l’esprit de la présente loi et l’intention du législateur en ce qui touche l’administration des affaires des institutions fédérales, et notamment la promotion du français et de l’anglais dans la société canadienne.

Enquêtes

(2) Pour s’acquitter de cette mission, le commissaire procède à des enquêtes, soit de sa propre initiative, soit à la suite des plaintes qu’il reçoit, et présente ses rapports et recommandations conformément à la présente loi.

[…]

Plaintes et enquêtes

Plaintes

58 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le commissaire instruit toute plainte reçue — sur un acte ou une omission — et faisant état, dans l’administration d’une institution fédérale, d’un cas précis de non-reconnaissance du statut d’une langue officielle, de manquement à une loi ou un règlement fédéraux sur le statut ou l’usage des deux langues officielles ou encore à l’esprit de la présente loi et à l’intention du législateur.

[…]

Interruption de l’instruction

(3) Le commissaire peut, à son appréciation, interrompre toute enquête qu’il estime, compte tenu des circonstances, inutile de poursuivre.

Refus d’instruire

(4) Le commissaire peut, à son appréciation, refuser ou cesser d’instruire une plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) elle est sans importance;

b) elle est futile ou vexatoire ou n’est pas faite de bonne foi;

c) son objet ne constitue pas une contravention à la présente loi ou une violation de son esprit et de l’intention du législateur ou, pour toute autre raison, ne relève pas de la compétence du commissaire.

[…]

Clôture de l’enquête

63 (1) Au terme de l’enquête, le commissaire transmet un rapport motivé au président du Conseil du Trésor ainsi qu’à l’administrateur général ou à tout autre responsable administratif de l’institution fédérale concernée, s’il est d’avis :

a) soit que le cas en question doit être renvoyé à celle-ci pour examen et suite à donner si nécessaire;

b) soit que des lois ou règlements ou des instructions du gouverneur en conseil ou du Conseil du Trésor devraient être reconsidérés, ou encore qu’un usage aboutissant à la violation de la présente loi ou risquant d’y aboutir devrait être modifié ou abandonné;

c) soit que d’autres mesures devraient être prises.

Facteurs additionnels

(2) En établissant son rapport, le commissaire tient compte des principes applicables à l’institution fédérale concernée aux termes d’une loi ou d’un règlement fédéraux ou d’instructions émanant du gouverneur en conseil ou du Conseil du Trésor.

[…]

PARTIE X

Recours judiciaire

Définition de « tribunal »

76 Le tribunal visé à la présente partie est la Cour fédérale.

Recours

77 (1) Quiconque a saisi le commissaire d’une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10 à 13 ou aux parties IV, V, ou VII, ou fondée sur l’article 91, peut former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.

Délai

(2) Sauf délai supérieur accordé par le tribunal sur demande présentée ou non avant l’expiration du délai normal, le recours est formé dans les soixante jours qui suivent la communication au plaignant des conclusions de l’enquête, des recommandations visées au paragraphe 64(2) ou de l’avis de refus d’ouverture ou de poursuite d’une enquête donné au titre du paragraphe 58(5).

Autre délai

(3) Si, dans les six mois suivant le dépôt d’une plainte, il n’est pas avisé des conclusions de l’enquête, des recommandations visées au paragraphe 64(2) ou du refus opposé au titre du paragraphe 58(5), le plaignant peut former le recours à l’expiration de ces six mois.

Ordonnance

(4) Le tribunal peut, s’il estime qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu’il estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

Précision

(5) Le présent article ne porte atteinte à aucun autre droit d’action.

Exercice de recours par le commissaire

78 (1) Le commissaire peut selon le cas :

a) exercer lui-même le recours, dans les soixante jours qui suivent la communication au plaignant des conclusions de l’enquête ou des recommandations visées au paragraphe 64(2) ou dans le délai supérieur accordé au titre du paragraphe 77(2), si le plaignant y consent;

b) comparaître devant le tribunal pour le compte de l’auteur d’un recours;

c) comparaître, avec l’autorisation du tribunal, comme partie à une instance engagée sur le fondement de la présente partie.

[…]

PARTIE XI

Dispositions générales

Primauté sur les autres lois

82 (1) Les dispositions des parties qui suivent l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi ou de tout règlement fédéraux :

a) partie I (Débats et travaux parlementaires);

b) partie II (Actes législatifs et autres);

c) partie III (Administration de la justice);

d) partie IV (Communications avec le public et prestation des services);

e) partie V (Langue de travail).

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