Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[1996] 1 C.F. 667

T-1928-91

Adrienne Descôteaux, Édith Thibault, Francine Thibault, Pierre-Yvan Thibault et Marjolaine Thibault (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

Répertorié : Descôteaux c. Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge Nadon—Montréal, 8 et 24 mars et 6 octobre 1995.

Couronne Contrats Les demandeurs sont les héritiers de Thibault, qui a conclu avec la Couronne un contrat en vue d’obtenir la propriété d’un réseau d’aqueduc dans une réserve indienneIl n’y a pas eu de cession, comme l’exigeait la Loi sur les IndiensThibault n’a pas consenti à une modification du contratLe conseil de bande a refusé de reconnaître le droit de propriété de la succession de ThibaultLes héritiers ont poursuivi la Couronne pour se faire déclarer propriétaires et rembourser les frais de remplacement du réseau d’aqueducLa clause figurant dans le contrat et donnant à Thibault la propriété des conduites principales remplacées était-elle valide?La Couronne ne pouvait pas transférer la propriété du réseau d’aqueduc en cas de non-respect de l’art. 37 de la Loi sur les IndiensLa Couronne n’est pas tenue de racheter le réseau d’aqueduc.

Peuples autochtones Terres Réseau d’aqueduc situé dans une réserve et en faisant partieImmeubles par nature au sens de l’art. 376 du Code civilContrat conclu entre la Couronne et le demandeur en vue de donner à celui-ci la propriété du réseau d’aqueducÀ défaut de cession, comme l’exige l’art. 37 de la Loi sur les Indiens, la propriété du réseau d’aqueduc ne pouvait pas être transférée aux demandeurs.

Code civil ImmeublesUn réseau d’aqueduc situé dans une réserve indienne, étant un immeuble par nature au sens de l’art. 376 du Code civil, fait partie de la réserve.

Les demandeurs sont les héritiers de feu Julien Thibault. En 1962, Thibault a conclu un contrat avec la Couronne relativement à un réseau d’aqueduc et s’est engagé, entre autres, à fournir à la réserve indienne d’Odanak, qui avait un réseau intérieur d’aqueduc, de l’eau potable provenant de la rivière St-François, au moyen de son réseau de distribution. La clause 7 de ce contrat stipulait que, si la Couronne remplaçait, durant la période contractuelle, les conduites principales du réseau d’aqueduc (ce qui a été fait effectivement), celles-ci deviendraient la propriété de Thibault et il aurait l’obligation de les réparer et de les entretenir à ses dépens. Ce qu’il a fait. En 1973, un fonctionnaire du gouvernement a écrit à Thibault pour l’informer que la disposition du contrat relative à la propriété des conduites d’eau constituait une chose « impossible » en raison de l’article 89 de la Loi sur les Indiens et qu’il faudrait modifier le contrat. Thibault a refusé de consentir à une modification.

Vu le refus catégorique du conseil de bande de reconnaître le droit de propriété de la succession de Thibault sur le réseau d’aqueduc, les demandeurs ont intenté une action en vue de se faire déclarer propriétaires du réseau d’aqueduc situé sur le territoire de la réserve indienne d’Odanak et de demander à la Cour de condamner la défenderesse à leur payer la somme de 389 000 $ avec intérêts.

Jugement : l’action doit être rejetée.

La seule question en litige est celle relative à la validité de la clause 7 du contrat. En premier lieu, il était incontestable que le réseau d’aqueduc est un immeuble par nature au sens de l’article 376 du Code civil du Bas-Canada. Et comme le mot « réserve » défini à l’article 2 de la Loi sur les Indiens englobe non seulement les parcelles de terrain mises de côté à l’usage et au profit d’une bande indienne, mais aussi les immeubles par nature, tels que les systèmes de canalisation d’eau et de gaz qui se trouvent enfouis sous la terre d’une réserve, l’article 37 de la Loi sur les Indiens (qui prévoit que les terres d’une réserve ne peuvent être aliénées à moins d’avoir été cédées à Sa Majesté) est applicable à la présente instance. Ce point de vue est soutenu par l’alinéa 80l) de la Loi sur les Indiens, qui confère au conseil d’une bande le pouvoir de réglementer « l’établissement de puits, citernes et réservoirs publics et autres services d’eau du même genre, ainsi que la réglementation de leur usage ». De plus, si l’alinéa 58(4)b) de la Loi exigeait le consentement du conseil de bande pour disposer du sable et du gravier, il serait surprenant que le Ministre puisse disposer d’un réseau d’aqueduc sans le consentement de la bande ou, à tout le moins, le consentement du conseil de bande. En dernier lieu, vu que l’article 28 de la Loi exige que le Ministre obtienne l’assentiment du conseil de bande s’il veut autoriser une personne, autre qu’un membre de la bande, à exercer des droits sur une réserve, on s’est demandé comment les demandeurs pourraient exercer des droits sur la réserve sans le consentement du conseil de bande.

Le défaut de la Couronne d’obtenir une cession, comme le requiert l’article 37 de la Loi, fait en sorte que la Couronne ne pouvait transférer la propriété du réseau d’aqueduc à Thibault. Par conséquent, les demandeurs ne pouvaient pas en être déclarés propriétaires.

La demande en vue d’obtenir la somme de 389 000 $ à titre de valeur de remplacement du réseau d’aqueduc devait être rejetée. Il ne s’agissait pas d’une demande de dommages-intérêts en compensation du défaut de la défenderesse de pouvoir leur transférer la propriété du réseau d’aqueduc. C’était en effet une tentative en vue de forcer la Couronne à racheter le réseau d’aqueduc. Mais même si les demandeurs avaient été déclarés propriétaires du réseau d’aqueduc, la deuxième demande aurait été rejetée, car on ne pouvait pas les déclarer propriétaires et du même coup ordonner à la Couronne de racheter le réseau d’aqueduc.

Vu l’intérêt de la bande à l’égard de la réserve, il n’apparaissait pas évident à la Cour que la Bande indienne n’était pas une partie nécessaire, au sens de l’alinéa 1716(2)b) des Règles. Cependant, vu la conclusion selon laquelle les demandeurs n’étaient pas les propriétaires du réseau d’aqueduc, il n’y avait rien d’autre à ajouter sur ce point.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Code civil du Bas-Canada, art. 376, 414, 415, 416.

Loi des compagnies, S.R.Q. 1964, ch. 271.

Loi sur les Indiens, S.R.C. 1952, ch. 149, art. 2 « bande », « ministère », « réserve », « terres cédées », 18, 28(1),(2) (mod. par S.C. 1956, ch. 40, art. 10), 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 41, 58(4), 80l ).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1716(2)b).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Montreal L.H. & P. Cons. v. City of Westmount, [1926] R.C.S. 515; [1926] 3 D.L.R. 466; Lower St. Lawrence Power Co. v. L’Immeuble Landry Ltée, [1926] R.C.S. 655; Montreal Light, Heat & Power Consolidated v. City of Outremont, [1932] A.C. 423 (P.C.); Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335; (1984), 13 D.L.R. (4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481; 59 B.C.L.R. 301; [1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55 N.R. 161; 36 R.P.R. 1; Bande indienne Wewayakum c. Canada, [1995] F.C.J. no 1202 (1re inst.) (QL).

ACTION en vue d’obtenir premièrement un jugement déclaratoire portant que les demandeurs sont les propriétaires d’un réseau d’aqueduc et des canalisations situés dans la réserve indienne d’Odanak et deuxièmement une ordonnance enjoignant à la Couronne de verser aux demandeurs la somme de 389 000 $. Action rejetée.

AVOCATS :

Louis Savoie pour les demandeurs.

Marie Nichols pour la défenderesse.

PROCUREURS :

Jutras et Associés, Drummondville (Québec), pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.

Voici les motifs du jugement rendus en français par

Le juge Nadon : Par leur action, les demandeurs cherchent à se faire déclarer propriétaires du réseau d’aqueduc et des conduites d’eau (le réseau d’aqueduc) sises sur le territoire de la réserve indienne d’Odanak (la réserve). De plus, les demandeurs demandent à cette Cour de condamner la défenderesse à leur payer la somme de 389 000 $ avec intérêts depuis l’assignation, le tout avec dépens.

Les faits

Les demandeurs, dont le droit de poursuivre n’est pas contesté par la défenderesse, sont les héritiers de feu Julien Thibault décédé le 15 juillet 1977. La demanderesse Édith Thibault est la veuve de M. Thibault alors que les autres demandeurs sont les quatre enfants de M. Thibault.

Le 29 mars 1962, un contrat intervenait entre Julien Thibault, faisant affaire sous la raison sociale l’Aqueduc de Pierreville Enr., et la défenderesse relativement au réseau d’aqueduc. À cette époque, Julien Thibault était propriétaire du réseau d’aqueduc de Pierreville et de St-Thomas de Pierreville, situé à l’extérieur de la réserve. Aussi à cette époque, il existait un réseau intérieur d’aqueduc desservant la réserve et qui en faisait partie. Ce réseau d’aqueduc n’appartenait pas à Julien Thibault.

La réserve, une réserve indienne au sens de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1952, ch. 149 (la Loi), est située sur la rive est de la rivière St-François, près de Pierreville, province de Québec, soit environ 15 miles à l’est de Sorel. La réserve a une superficie d’environ 1 495 acres et est située au sud des terres cédées aux Abénakis au début du 18e siècle.

En vertu du contrat conclu le 29 mars 1962, Julien Thibault s’engageait, en considération d’un paiement de 25 000 $, à fournir à la réserve de l’eau potable provenant de la rivière St-François, au moyen de son réseau de distribution, pour l’usage et la consommation des résidents de la réserve et aux fins de protection contre les incendies.

Pour les fins du présent litige, seule la clause 7 du contrat de 1962 est pertinente. Cette clause se lit comme suit :

[traduction] Les conduites principales desservant la réserve qui sont remplacées par le ministre dans un délai de vingt ans à compter de la date de la présente convention deviennent, au moment de leur remplacement, la propriété du fournisseur, qui en effectue les réparations et l’entretien à ses dépens; à cette fin, le fournisseur a un accès raisonnable à la réserve.

Selon cette clause, si la défenderesse remplaçait, durant la période contractuelle, les conduites principales du réseau d’aqueduc, celles-ci deviendraient la propriété de Julien Thibault. En contrepartie, Julien Thibault aurait l’obligation de les réparer et de les entretenir à ses dépens.

Durant les années 1971 et 1972, le ministère des Affaires indiennes et du Nord (le Ministère) a dépensé une somme d’environ 200 000 $ afin de remplacer les conduites principales du réseau d’aqueduc. La défenderesse admet que Julien Thibault et ses successeurs ont, conformément à la clause 7 du contrat 1962, réparé et entretenu les conduites principales du réseau d’aqueduc suite à leur remplacement.

Durant la période des travaux de remplacement et durant les années suivantes, la défenderesse a tenté d’amender, sans succès, les termes du contrat de 1962 de façon à faire disparaître la clause 7. Le 17 juillet 1973, le directeur régional du Ministère écrivait à Julien Thibault dans les termes suivants :

Je réfère à l’entente conclue entre vous-même et notre ministère en 1962 et plus particulièrement à l’article 7, dans lequel il est spécifié que vous deviendrez propriétaire des conduites d’aqueduc principales que le ministère installerait avant la fin de la période couverte par l’entente. La loi indienne, article 89, rend une telle chose impossible et, par conséquent, cet article de l’entente doit être amendé de façon à ce qu’elle respecte les termes de la loi indienne.

Vous trouverez, ci-inclus, un projet d’entente, lequel pourrait servir de base à des négociations entre vous-même et Monsieur Yves Leclerc du bureau régional. L’essentiel de ce projet d’entente devrait être respecté. Toutefois, certains mots ou expressions peuvent être changés de façon à le rendre plus adéquat dans sa forme avant d’être signé.

M. Thibault, suite à la réception de cette lettre et du projet d’entente annexé à la lettre, a refusé de consentir à l’amendement proposé par le Ministère. Nonobstant l’impossibilité de s’entendre, les parties au contrat de 1962 ont exécuté leurs obligations respectives jusqu’au 28 mars 1982, date à laquelle la période contractuelle a pris fin.

Il est à noter que le 15 janvier 1965, Julien Thibault vendait le réseau d’aqueduc de Pierreville et de St-Thomas de Pierreville, dont il était propriétaire, à la compagnie l’Aqueduc de Pierreville Inc.[1] (la compagnie), une corporation constituée en vertu de la Loi des compagnies [S.R.Q. 1964, ch. 271] de la Province de Québec. L’acquéreur acceptait, selon les termes du contrat, « la responsabilité de toutes les transactions faites par les vendeurs au nom de l’Aqueduc de Pierreville Enrg. »

Le 28 septembre 1982, les procureurs de la compagnie écrivaient au Conseil de bande des Abénakis d’Odanak (le Conseil de bande) lui proposant un nouveau contrat relativement à l’approvisionnement de la réserve en eau potable. De plus, la compagnie offrait au Conseil de bande la possibilité d’acheter le réseau d’aqueduc situé sur la réserve. Il semble que cette lettre soit demeurée sans réponse.

Il est aussi à noter que le 29 novembre 1983, la compagnie vendait à 2158-8330 Québec Inc.[2] le réseau d’aqueduc de Pierreville et de St-Thomas de Pierreville. La clause 11 de ce contrat de vente énonce clairement que le réseau d’aqueduc est exclu de la vente.

Le 1er mars 1984, les procureurs de la compagnie et de 2158-8330 Québec Inc. écrivaient au Conseil de bande pour l’informer que leurs clients étaient prêts à vendre le réseau d’aqueduc pour la somme de 200 000 $. Le 26 juin 1984, le Conseil de bande écrivait auxdits procureurs dans les termes suivants :

Par la présente, nous tenons à vous informer que la bande d’Odanak estime que le réseau d’aqueduc se trouve sur les terres de la réserve et en forme une partie intégrante.

Le réseau a donc le statut de réserve indienne et, à ce titre, est à l’usage et aux profits de la bande d’Odanak.

De plus, nous reconnaissons que la bande d’Odanak se charge de l’entretien du réseau d’aqueduc.

Le 28 août 1984, le Conseil de bande écrivait à la succession de Julien Thibault pour l’informer que « seul le Conseil de bande d’Odanak a (sic) habilité d’autoriser ou d’effectuer des réparations ou des modifications sur son réseau d’aqueduc et de ces (sic) accessoires qui font partie intégrante de la Réserve ».

Le 5 septembre 1984, les demandeurs et la compagnie vendaient à la Corporation de développement du Bas St-François le réseau d’aqueduc de Pierreville et de St-Thomas de Pierreville. La déclaration suivante apparaît audit contrat :

Les vendeurs déclarent également que la propriété du réseau d’aqueduc situé dans le territoire de la réserve indienne d’Odanak, fait actuellement l’objet d’un litige entre ladite réserve et l’Aqueduc de Pierreville Inc., et/ou Succession Thibault, en ce qui a trait à ladite propriété. L’Aqueduc de Pierreville Inc., telle que dûment représentée, et/ou Succession Thibault, cède à l’acquéresse de façon perpétuelle un droit de passage pour l’eau dans le réseau d’aqueduc de la réserve d’Odanak, ainsi que d’un droit de se raccorder audit réseau pour desservir tous consommateurs subséquents, mais en autant que le litige ci-haut mentionné soit solutionné à la faveur de l’Aqueduc de Pierreville Inc., et/ou Succession Thibault.

Le 3 juillet 1985, la réserve ainsi que les corporations municipales suivantes, à savoir la corporation municipale du village de Pierreville, la corporation municipale de la paroisse de Saint-Thomas-de- Pierreville, la corporation municipale de la paroisse de Notre-Dame-de-Pierreville, la corporation municipale du village de Saint-François-du-Lac et la corporation municipale de la paroisse de Saint-François-du-Lac, créaient une régie intermunicipale portant le nom de Régie intermunicipale d’alimentation en eau potable du Bas Saint-François (la Régie) pour accomplir les objets suivants :

a) exploiter et administrer une usine de filtration et un réseau d’aqueduc intermunicipal desservant les corporations parties à l’entente; ce réseau est décrit à l’annexe « A » faisant partie de la présente entente;

b) de construire, d’opérer et d’administrer toutes les immobilisations nécessaires pour puiser, traiter et acheminer l’eau aux réseaux locaux de distribution des corporations parties à l’entente.

Le 22 octobre 1985, le Conseil de bande, par résolution, demandait au Ministère, en vertu du paragraph 28(2) [mod. par S.C. 1956, ch. 40, art. 10] de la Loi, de délivrer un permis, pour une période de vingt ans moins un jour, à compter du 1er novembre 1985, à la Régie afin de permettre à cette dernière de raccorder son réseau d’aqueduc au réseau d’aqueduc situé sur la réserve. Le but de ce raccordement étant de permettre à la Régie de desservir la réserve mais aussi certaines municipalités environnantes.

Par contrat intervenu le 28 février 1986, la défenderesse consentait à la Régie le droit d’utiliser le réseau d’aqueduc pendant une période de vingt ans moins un jour. Quant à l’opération et l’entretien du réseau d’aqueduc, ces fonctions sont dorénavant assumées par le Conseil de bande.

Il est indéniable que, depuis au moins le 26 juin 1984, soit la date de sa lettre aux procureurs des demandeurs, le Conseil de bande ne reconnaît aucunement le droit de propriété que réclament les demandeurs relativement au réseau d’aqueduc. La résolution du Conseil de bande en date du 22 octobre 1985 ne fait que confirmer cette position qui elle-même est confirmée par l’entente conclue le 28 février 1986 entre la défenderesse et la Régie.

Vu ce refus catégorique de reconnaître leur droit de propriété, les demandeurs ont déposé le 18 juillet 1991 la présente déclaration.

Voilà, en bref, les faits pertinents au présent litige[3].

Législation

Les articles suivants de la Loi sont pertinents :

2. (1) Dans la présente loi, l’expression

a) « bande » signifie un groupe d’Indiens,

(i) à l’usage et au profit communs desquels, des terres, dont le titre juridique est attribué à Sa Majesté, ont été mises de côté avant ou après l’entrée en vigueur de la présente loi,

(ii) à l’usage et au profit communs desquels, Sa Majesté détient des sommes d’argent, ou

(iii) que le gouverneur en conseil a déclaré être une bande aux fins de la présente loi;

d) « ministère » signifie le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration;

o) « réserve » signifie une parcelle de terrain dont le titre juridique est attribué à Sa Majesté et qu’Elle a mise de côté à l’usage et au profit d’une bande;

q) « terres cédées » signifie une réserve ou partie d’une réserve, ou tout intérêt y afférent, dont le titre juridique demeure attribué à Sa Majesté et que la bande à l’usage et au profit de laquelle il avait été mis de côté a abandonné ou cédé.

18. (1) Sauf les dispositions de la présente loi, Sa Majesté détient des réserves à l’usage et au profit des bandes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté; et, sauf la présente loi et les stipulations de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si tout objet, pour lequel des terres dans une réserve sont ou doivent être utilisées, se trouve à l’usage et au profit de la bande.

28. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est nul un acte, bail, contrat, instrument, document ou accord de toute nature, écrit ou oral, par lequel une bande ou un membre d’une bande est censé permettre à une personne, autre qu’un membre de cette bande, d’occuper ou utiliser une réserve ou de résider ou autrement exercer des droits sur une réserve.

(2) Le Ministre peut, au moyen d’un permis par écrit, autoriser toute personne, pour une période d’au plus un an, à occuper ou utiliser une réserve, ou à résider ou autrement exercer des droits sur une réserve[4].

37. Sauf dispositions contraires de la présente loi, les terres dans une réserve ne doivent être vendues, aliénées ni louées, ou il ne doit en être autrement disposé, que si elles ont été cédées à Sa Majesté par la bande à l’usage et au profit communs de laquelle la réserve a été mise de côté.

38. (1) Une bande peut abandonner à Sa Majesté tout droit ou intérêt de la bande et de ses membres dans une réserve.

(2) Une cession peut être absolue ou restreinte, conditionnelle ou sans condition.

41. Une cession est censée conférer tous les droits nécessaires pour permettre à Sa Majesté de remplir les conditions de la cession.

58.

(4) Nonobstant toute disposition de la présente loi, le Ministre peut, sans cession,

a)disposer des herbes sauvages ou du bois mort sur pied ou du chablis, et

b) avec le consentement du conseil de la bande, disposer du sable, du gravier, de la glaise et des autres substances non métalliques se trouvant sur des terres ou dans le sous-sol d’une réserve, ou lorsque ce consentement ne peut être obtenu sans obstacle ou retard indu, peut délivrer des permis temporaires pour la prise du sable, du gravier, de la glaise et d’autres substances non métalliques sur des terres ou dans le sous-sol d’une réserve, renouvelables avec le consentement du conseil de la bande seulement,

et le produit de ces opérations doit être porté au crédit des fonds de bande ou partagé entre la bande et les Indiens particuliers en possession légitime des terres selon les proportions que le Ministre peut déterminer.

80. Le conseil d’une bande peut établir des statuts administratifs, non incompatibles avec la présente loi ou un règlement édicté par le gouverneur en conseil ou le Ministre, pour l’une ou la totalité des fins suivantes, savoir :

l) l’établissement de puits, citernes et réservoirs publics et autres services d’eau du même genre, ainsi que la réglementation de leur usage.

Lors de l’audition, les parties m’ont informé qu’ils étaient d’accord que le droit civil de la province de Québec devait régir le présent litige.

Analyse

La seule question en litige est celle relative à la validité de la clause 7 du contrat de 1962.

En premier lieu, il est incontestable que le réseau d’aqueduc est un immeuble par nature au sens de l’article 376 du Code civil du Bas-Canada. Ce point de vue ne fait aucun doute depuis les arrêts de la Cour suprême du Canada dans les affaires Montreal L.H. & P. Cons. v. City of Westmount, [1926] R.C.S. 515, et Lower St. Lawrence Power Co. v. L’Immeuble Landry Ltée, [1926] R.C.S. 655 et de celui du Comité judiciaire du Conseil privé dans Montreal Light, Heat & Power Consolidated v. City of Outremont, [1932] A.C. 423 (P.C.).

Dans cette dernière affaire, le Comité judiciaire du Conseil privé avait à décider, pour fins de taxation municipale, si des équipements souterrains de distribution de gaz situés dans la cité d’Outremont étaient des immeubles ou des meubles. Aux pages 436 et 437 de son jugement, lord Tomlin s’exprime comme suit :

[traduction] Qu’est-ce qu’un « immeuble » au sens du Code civil? Une conduite de gaz enfouie dans le sol est un « immeuble » en ce sens qu’il s’agit matériellement d’une construction fixée dans le sol, même si chaque tuyau qui la compose était un meuble avant d’être intégré à la construction.

Trois des quatre critères qui, aux termes de l’art. 375 du Code civil, font qu’un bien est considéré comme un « immeuble » peuvent être exclue à coup sûr. Les conduites de gaz ne sont pas des « immeubles par destination » parce que le sol où elles sont enfouies n’appartient pas aux appelantes. Ce ne sont pas des immeubles par l’objet auquel ils s’attachent car seule tombent dans cette catégorie les biens mobiliers attachés à un immeuble de façon permanente. Les conduites de gaz n’ont jamais été des meubles, bien que construites à partir de matériaux qui étaient des meubles. On ne peut pas dire non plus que les conduites de gaz sont des immeubles par détermination de la loi. Il ne reste donc que la catégorie des immeubles par nature. L’art. 376 les définit ainsi : « les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature ».

On prétend ici que les conduites de gaz ne sont pas des bâtiments (« buildings ») au sens de l’art. 376 et, à l’appui de ce point de vue, on a plaidé devant nous que l’art. 523 du Code Napoléon considère les « tuyaux » comme des immeubles. Nous sommes d’avis que le terme bâtiments (« buildings) comprend des constructions, comme ces conduites de gaz, qui doivent être considérées comme des immeubles par nature là où elles sont matériellement situées. La cité d’Outremont peut donc imposer une taxe sur ces conduites.

Au même sens sont les mots du juge Rinfret dans Lower St. Lawrence Power Co. v. L’Immeuble Landry Ltée, supra, où, aux pages 667 et 668, le juge Rinfret s’exprime comme suit :

Dans chacun de ces arrêts, il s’agissait d’interpréter un statut spécial et de décider si un réseau de distribution d’eau, de gaz ou d’électricité pouvait être classifié dans l’une des catégories de biens que la corporation scolaire ou municipale avait le droit de taxer en vertu des pouvoirs restreints conférés par le statut qui la régissait. Tel n’est pas ici le point en litige.

Mais le juge Tait en a fait une étude très élaborée dans la cause de Sherbrooke Gas and Water Co. v. City of Sherbrooke ((1891) 15 L.N. 22), de même que le juge White dans une cause de The Bell Telephone Co. v. The Corporation of Ascot ((1899) Q.R. 16 S.C. 436). Tous deux ont jugé qu’un système de canalisation (en l’espèce, pour l’eau ou pour le téléphone), comme celui qui a fait l’objet de la vente de Landry à Rouleau, Limitée, devait être considéré comme immeuble par nature.

Un instant la jurisprudence du Québec a paru incliner dans une direction contraire (The Town of Cookshire v. The Canadian Telephone Co. ((1913) Q.R. 44 C.S. 126); The Bell Telephone Co. v. La cité de Hull ((1922) Q.R. 61 C.S. 222)); mais elle n’a pas tardé à revenir à son point de départ et, plus récemment, la première opinion a prévalu dans les jugements très étudiés re Cité de Westmount v. Montreal Light, Heat & Power Coy. du juge de Lorimier ((1924) 30 R. de J. 81) et de la Cour du Banc du Roi ((1926) Q.R. 38 K.B. 406) (réserve faite pour les compteurs ainsi qu’il est expliqué dans l’arrêt de la Cour Suprême rendu à la même date que le présent jugement) ([1926] R.C.S. 515, à la page 521), auxquels sont venus s’adjoindre ceux, non moins fortement raisonnés, qui ont été rendus dans la présente cause ((1926) Q.R. 41 K.B. 363).

Les deux principales objections que l’on oppose à l’opinion des réseaux de ce genre sont des immeubles, celles qui ont prévalu dans les arrêts qui ont décidé dans la négative et celles que l’on a fait valoir de nouveau au cours de l’argumentation devant cette cour, sont les suivantes :

1. Ces réseaux (poteaux, fils, etc.) ne sont pas immeubles par nature, parce qu’ils ne sont pas fixés à perpétuelle demeure;

2. Ils ne sont pas immeubles par destination, parce qu’ils ne sont pas incorporés au fonds de terre par le propriétaire de ce fonds.

Nous croyons que ni l’une, ni l’autre de ces objections ne peut trouver d’appui soit dans la doctrine, soit dans la jurisprudence française qui est appelée à interpréter des textes équivalents à ceux du Code Civil de la province de Québec.

La très grande majorité des commentateurs enseigne qu’il n’est pas nécessaire que la construction, pour être considérée comme immeuble par nature, soit fixée au sol à perpétuelle demeure. Il suffit que l’incorporation ne soit pas purement passagère et accidentelle. C’est le fait de l’attachement au sol que la loi considère. La condition de rigueur est que « la construction, qu’elle qu’elle soit, fasse corps avec le sol »; qu’elle y soit « cohérente », suivant l’expression de Pothier, ou « adhérente », suivant celle de Laurent. C’est toujours la règle : Quod solo inaedificatur, solo cedit.

Il s’ensuit donc que toute vente, aliénation ou disposition des terres d’une réserve, ou d’une partie de ces terres, emporte nécessairement vente, aliénation ou disposition du réseau d’aqueduc, situé sur cette réserve (voir les articles 414 à 416 du Code civil du Bas-Canada). À mon avis, le mot « réserve » tel que défini à l’article 2 de la Loi, englobe non seulement la « parcelle de terrain dont le titre juridique est attribué à Sa Majesté et qu’Elle a mise de côté à l’usage et au profit d’une bande » mais aussi les immeubles par nature, tels les systèmes de canalisation d’eau et de gaz qui se trouvent enfouis sous la terre de la réserve.

Par conséquent, je suis d’avis que l’article 37 de la Loi qui prévoit que les terres d’une réserve ne peuvent être aliénées à moins d’avoir été cédées à Sa Majesté « par la bande à l’usage et au profit communs de laquelle la réserve a été mise de côté », est applicable à la présente instance puisqu’il est impossible, à mon avis, de séparer le réseau d’aqueduc des terres de la réserve.

Ce point de vue est soutenu par l’alinéa 80l) de la Loi qui confère au Conseil d’une bande le pouvoir de réglementer « l’établissement de puits, citernes et réservoirs publics et autres services d’eau du même genre, ainsi que la réglementation de leur usage ».

Il est aussi intéressant de noter que, sous l’alinéa 58(4)b) de la Loi, le ministre peut « avec le consentement du conseil de la bande, disposer de sable, du gravier, de la glaise et des autres substances non métalliques se trouvant sur des terres ou dans le sous-sol d’une réserve ». Il serait surprenant que le ministre puisse disposer d’un réseau d’aqueduc sans le consentement de la bande ou, à tout le moins, le consentement du conseil de la bande, alors qu’un tel consentement est requis pour disposer de sable et de gravier.

La clause 7 du contrat de 1962 soulève aussi un problème en ce qui concerne l’article 28 de la Loi. Selon cet article, sauf pour une période maximale d’un an, le ministre doit obtenir l’assentiment du conseil de la bande s’il veut autoriser une personne, autre qu’un membre de la bande, à exercer des droits sur une réserve. Il est à se demander comment, compte tenu de l’article 28 de la Loi, les demandeurs pourraient exercer des droits sur la réserve sans le consentement du Conseil de bande. Autrement dit, même si je déclarais les demandeurs propriétaires du réseau d’aqueduc, ils ne pourraient aucunement exercer ou jouir de leur droit de propriété.

La défenderesse soumet que la conséquence du non-respect des articles 28 et 37 de la Loi est la nullité ab initio de la clause 7 du contrat de 1962. Par ailleurs, les demandeurs soumettent qu’il en résulte une nullité relative seulement et que le délai pour soulever celle-ci est écoulé depuis longtemps.

Afin de résoudre ce débat qui, à mon avis, est un faux débat, il est essentiel de déterminer la nature du titre de propriété dont jouissent les Indiens au Canada. Dans Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335, la Cour suprême du Canada a examiné cette question à fond. À la page 382, le juge Dickson, tel était alors son titre, explique comme suit la nature de ce droit :

Il me semble qu’il n’y a pas de conflit véritable entre les décisions qui qualifient le titre indien de sorte de droit de bénéficiaire et celles qui le qualifient de droit personnel, de la nature d’un usufruit. Toute apparence d’incompatibilité découle du fait que les tribunaux, en décrivant ce qui constitue un droit unique sur des terres, ont presque inévitablement appliqué une terminologie quelque peu inadéquate tirée du droit général des biens. Il y a un élément de vérité dans la description du titre indien qui se dégage de chacun des deux courants de jurisprudence, mais il y a tout de même apparence de conflit parce que dans ni l’un ni l’autre cas la catégorisation n’est tout à fait exacte.

Les Indiens ont le droit, en common law, d’occuper et de posséder certaines terres dont le titre de propriété est finalement détenu par Sa Majesté. Bien que leur droit n’équivaille pas, à proprement parler, à un droit de propriété à titre bénéficiaire, sa nature n’est pas définie complètement par la notion d’un droit personnel. Il est vrai que le droit sui generis des Indiens sur leurs terres est personnel en ce sens qu’il ne peut être transféré à un cessionnaire, mais il est également vrai, comme nous allons le constater plus loin, que ce droit, lorsqu’il est cédé, a pour effet d’imposer à Sa Majesté l’obligation de fiduciaire particulière d’utiliser les terres au profit des Indiens qui les ont cédées. Ces deux aspects du titre indien vont de pair, car, en stipulant que le droit des Indiens ne peut être aliéné qu’à elle-même, Sa Majesté voulait au départ être mieux en mesure de représenter les Indiens dans les négociations avec des tiers. Le droit des Indiens se distingue donc surtout par son inaliénabilité générale et par le fait que Sa Majesté est tenue d’administrer les terres pour le compte des Indiens lorsqu’il y a eu cession de ce droit. Toute description du titre indien qui va plus loin que ces deux éléments est superflue et risque d’induire en erreur.

Donc, avant qu’il y ait cession, ce qui caractérise le droit des Indiens est « son inaliénabilité générale ». La Loi prohibe expressément toute aliénation ou disposition de terres dans une réserve et des droits y afférents, sauf par la voie d’une cession en faveur de Sa Majesté. Quelle est la conséquence d’une aliénation ou disposition par la Couronne en faveur d’un tiers lorsqu’aucune cession n’a été obtenue comme le requiert l’article 37 de la Loi? Plus spécifiquement, quelle conséquence résulte du défaut de la défenderesse d’obtenir une cession de la bande des Abénakis d’Odanak avant de transférer la propriété du réseau d’aqueduc à M. Thibault?

Récemment, mon collègue, le juge Teitelbaum, dans Bande indienne Wewayakum c. Canada, [1995] F.C.J. no 1202 (1re inst.) (QL) après une étude approfondie de la jurisprudence pertinente résumait les principes applicables à une telle situation. Aux pages 435 à 437 de son jugement, le juge Teitelbaum écrit ce qui suit :

Si je comprends bien l’objectif de la cession, lorsque l’on propose de vendre ou de louer des terres de réserve à un tiers non-autochtone, le droit autochtone doit d’abord être cédé à la Couronne qui, à son tour, peut alors céder un droit non grevé au tiers non-autochtone. Dans l’arrêt Guerin, le juge Dickson a clairement indiqué que l’effet d’une cession était de libérer les terres du droit autochtone de façon à conférer à la Couronne un intérêt bénéficiaire absolu sur les terres en question. La Couronne, par suite de la cession, sera en mesure de céder au tiers non-autochtone un droit non grevé de plaine propriété ou de location par bail. Le juge Dickson a insisté sur ce point dans l’arrêt Guerin lorsqu’il a déclaré, à la page 338 (DLR) :

Lorsque, par suite de leur cession au gouvernement fédéral en 1873 par les Indiens qui les occupaient, les terres en question dans l’arrêt St. Catherine’s Milling ont été dégrevées du titre autochtone, on a conclu que, parce que le droit des Indiens était un droit personnel de la nature d’un usufruit, leur droit de bénéficiaire sur les terres est passé en entier à la province de l’Ontario en vertu de l’art. 109, plutôt qu’au Canada. La même question constitutionnelle a été soulevée récemment en cette Cour dans l’affaire Smith c. La Reine … Dans cet arrêt, la Cour a conclu que, parce que le droit des Indiens sur une réserve est un droit personnel, il ne peut être transféré à un cessionnaire, que ce soit Sa Majesté ou un particulier. Le « cession » entraîne l’extinction de ce droit.

Le processus de cession était par conséquent nécessaire à la fusion du droit sous-jacent ou suprême de la Couronne et du droit autochtone en un titre pouvant par la suite être cédé à un tiers non-autochtone … Il me semblerait également que le fait de céder les terres et de les dégrever du droit autochtone auquel elles sont assujetties irait à l’encontre de l’objectif qui consiste à faire en sorte que les terres en question demeurent des réserves.

Donc, selon le juge Teitelbaum, la Couronne ne peut disposer ou aliéner « reserve land » (des terres de reserve) à moins qu’il y ait eu une cession. Autrement dit, sans cession il ne peut y avoir d’aliénation des terres d’une réserve ou de tout intérêt y afférent. Je suis pleinement d’accord avec les propos du juge Teitelbaum. À mon avis, le défaut d’obtenir une cession, comme le requiert l’article 37 de la Loi, fait en sorte que la défenderesse ne pouvait transférer la propriété du réseau d’aqueduc à M. Thibault. Par conséquent, je ne puis déclarer les demandeurs propriétaires du réseau d’aqueduc.

La deuxième conclusion que recherchent les demandeurs vise à obtenir un paiement de 389 000 $ de la défenderesse. Cette conclusion est cumulative et non subsidiaire.

Autrement dit, les demandeurs cherchent à devenir propriétaires du réseau d’aqueduc et, de plus, cherchent à forcer le rachat du réseau d’aqueduc par la défenderesse. La somme de 389 000 $ représente, semble-t-il (aucune preuve n’a été déposée), la valeur de remplacement du réseau d’aqueduc.

Je désire signaler que les demandeurs ne réclament aucun dommage de la défenderesse en compensation du défaut de cette dernière de pouvoir leur transférer la propriété du réseau d’aqueduc. Lors de l’audition, j’ai avisé le procureur des demandeurs que la deuxième conclusion de son action serait rejetée et cela nonobstant ma décision concernant la première conclusion.

Même si j’avais été disposé à déclarer les demandeurs propriétaires du réseau d’aqueduc, il va s’en dire que la deuxième conclusion aurait été rejetée. Je n’aurais pu déclarer les demandeurs propriétaires et du même coup ordonner à la défenderesse de racheter le réseau d’aqueduc.

Puisque j’en arrive à la conclusion que la déclaration que recherche les demandeurs ne peut leur être accordée et que les demandeurs ne réclament aucun dommage de la défenderesse, la deuxième conclusion doit nécessairement être rejetée.

Pour ces motifs, l’action des demandeurs est rejetée, le tout avec dépens en faveur de la défenderesse.

En terminant j’aimerais mentionner qu’il est surprenant que la bande indienne ne soit pas une partie dans ces procédures. Lors de l’audition, j’ai demandé aux procureurs si la bande indienne ne devait pas être une partie. Les procureurs m’ont indiqué que vu que la Couronne fédérale était le fiduciaire de la bande indienne, ils n’en voyaient pas la nécessité.

Après réflexion, il ne m’apparaît pas évident que la bande indienne n’est pas une partie nécessaire, au sens de l’alinée 1716(2)b) des [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663] afin d’« assurer qu’on pourra valablement et complètement juger toutes les questions en litige dans l’action et statuer sur elles » puisque les demandeurs recherchent une déclaration de propriété à l’égard d’un réseau d’aqueduc situé sur la réserve, « mise de côté à l’usage et au profit » de la bande des Abénakis d’Odanak. Il ne fait aucun doute que cette bande a un intérêt certain à l’égard de cette réserve.

Vu la conclusion à laquelle j’en arrive, je m’en tiendrai à ces brefs propos sur ce point.



[1] Les actions de cette compagnie étaient détenues à 100 % par M. et Mme Thibault.

[2] Les actions de 2158-8330 Québec Inc. étaient détenues à 100 % par les enfants de M. Thibault et Aqueduc de Pierreville Inc., dont les actions étaient détenues à 100 % par Mme Thibault.

[3] Lors de l’audition, les procureurs ont déposé un document intitulé « Admissions sur les faits ». Ce résumé des faits est tiré des admissions faites par les parties.

[4] En 1956, l’art. 28(2) a été amendé afin de permettre au Ministre d’émettre un permis pour une période excédant un an, lorsque le Conseil de bande y consent. L’art. 28 amendé se lit comme suit :

28.

(2) Le Ministre peut, au moyen d’un permis par écrit, autoriser toute personne, pour une période d’au plus un an, ou, avec le consentement du conseil de la bande, pour toute période plus longue, à occuper ou utiliser une réserve, ou à résider ou autrement exercer des droits sur une réserve.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.