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[1996] 3 C.F. 78

A-726-94

Sa Majesté la Reine (appelante)

c.

Duha Printers (Western) Limited (intimée)

Répertorié : Canada c. Duha Printers (Western) Ltd. (C.A.)

Cour d’appel, juge en chef Isaac et juges Stone et Linden, J.C.A.—Winnipeg, 27 mars; Ottawa, 30 mai 1996.

Impôt sur le revenu Compagnies associées La contribuable peut-elle déduire, en vertu des art. 111(1)a) et 87(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, les pertes, autres que les pertes en capital, subies par une société qui a fusionné?Il s’agissait de déterminer si des sociétés « liées » l’une à l’autre au sens de l’art. 256(7)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu étaient « contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes » au sens de l’art. 251(2)c)(i) de la LoiDes actions avec droit de vote des deux sociétés étaient détenues par une troisième (Marr’s Leisure Holdings Inc.)La déduction des pertes est permise si le contrôle n’a pas changé de mains « L’achat des actions n’était pas un trompe-l’œilUne convention unanime des actionnaires retirait à Marr’s le contrôle de jure de la contribuable et restreignait les droits de vote de Marr’sPour savoir si deux sociétés étaient « liées, il faut déterminer qui « contrôlait » le contribuable immédiatement avant la fusionExamen de la jurisprudence relative à la question du « contrôle » — On entend par là le contrôle de jureMarr’s ne contrôlait pas la contribuable immédiatement avant l’acquisition des actionsL’art. 111(5) de la Loi refuse cette déduction.

Il s’agissait d’un appel formé contre une décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a permis à l’intimée, en vertu de l’alinéa 111(1)a) et du paragraphe 87(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, de déduire de son revenu imposable pour son année d’imposition 1985 les pertes, autres que les pertes en capital, subies par une société avec laquelle elle avait fusionné. Cette société (Outdoor Leisureland of Manitoba Ltd.) avait dans ses livres des pertes utilisables, et l’intimée avait un revenu imposable que les pertes de Outdoor Leisureland auraient peut-être permis de réduire. Des dispositions furent donc prises pour que l’intimée fusionne avec Outdoor Leisureland, de telle sorte que celle-là puisse utiliser les pertes, autres que les pertes en capital, de celle-ci. Le 8 février 1984, la société qui contrôlait Outdoor Leisureland, soit Marr’s Leisure Holdings Inc., achetait 2 000 actions de catégorie C de Duha Printers au prix de 1 $ l’action, ce qui conférait à Marr’s 55,71 p. 100 du capital de l’intimée et le contrôle apparent de cette société. À la même date, une convention unanime des actionnaires était signée entre l’intimée et tous ses actionnaires. Le juge de la Cour de l’impôt est arrivé à la conclusion que ce n’était pas une « convention unanime des actionnaires » au sens des paragraphes 1(1) et 140(2) de la Loi sur les corporations du Manitoba parce qu’aucune disposition de cette convention ne restreignait, en tout ou en partie, les pouvoirs des administrateurs de l’intimée de gérer l’entreprise et les affaires internes de la corporation. Quant à la question du « contrôle », le juge a estimé que Marr’s contrôlait l’intimée en vertu de sa participation majoritaire dans le capital de cette entreprise et que le paragraphe 111(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu n’était donc pas applicable. À son avis, le lien entre l’intimée et Outdoor Leisureland était le fait d’un contrôle commun, et les pertes de Outdoor Leisureland étaient intégralement déductibles. Le point principal que soulevait l’appel était de savoir si l’intimée était « contrôlée » par Marr’s immédiatement avant sa fusion avec Outdoor Leisureland.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Le juge Linden, J.C.A. : L’achat par Marr’s de 56 p. 100 des actions avec droit de vote de l’intimée ne pouvait pas être considéré comme un trompe-l’œil. Cette opération n’a pas été faite de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération. Le paragraphe 111(5) et le sous-alinéa 256(7)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu visent à permettre la déduction d’une perte si le contrôle n’a pas changé de mains, mais à le refuser dans le cas contraire. Comme le mot « contrôle » n’est pas défini dans la Loi, la jurisprudence a établi qu’il s’agit du contrôle de jure et non du contrôle de facto et que le facteur primordial à considérer se rapporte aux droits de vote afférents aux actions. Pour savoir où siège le contrôle d’une société, la Cour tiendra compte de l’époque considérée, des documents juridiques pertinents et des obligations juridiques réelles ou éventuelles pouvant influer sur les droits de vote afférents aux actions. Ces facteurs sont simplement des faits ayant des conséquences juridiques, de telle sorte que la distinction entre un contrôle de jure et un contrôle de facto n’est pas aussi nette qu’autrefois. L’analyse du contrôle ne saurait être réduite par une simplification excessive de l’expression « de jure ». Les opérations considérées doivent être évaluées selon le contexte dans lequel elles se présentent et sans que soient ignorées les réalités commerciales et économiques. Lorsqu’on parle du contrôle d’une société, il doit s’agir d’un contrôle juridique réel et effectif exercé sur la société en question. Cette règle ne modifie aucunement le droit; elle nous encourage simplement à nous focaliser sur la position juridique véritable des parties, et pas seulement sur leur position apparente. Si une participation majoritaire ne permet pas d’exercer un contrôle juridique réel sur une société, le critère du contrôle de jure ne sera pas satisfait.

À cause de ces principes, Marr’s ne contrôlait pas l’intimée « immédiatement avant » l’acquisition d’actions qui a permis la fusion de cette dernière et de Outdoor Leisureland. Elle était partie à une convention unanime d’actionnaires qui était signée par tous les actionnaires et par l’intimée et qui était censée lier, directement et indirectement, les administrateurs de cette société. La convention restreignait considérablement les droits de vote de Marr’s puisqu’elle prévoyait que trois administrateurs devaient être élus au conseil d’administration et choisis sur une liste de quatre candidats, savoir Emeric et Gwendolyn Duha, Paul Quinton et William Marr. Le choix de trois d’entre eux allait nécessairement garantir que le conseil d’administration serait composé en majorité de candidats de la famille Duha. Trois candidats de la famille Duha ont été élus administrateurs, et Marr’s n’a même pas élu comme administrateur son propre actionnaire majoritaire. Le fait que l’intimée ne pouvait pas émettre de nouvelles actions avec droit de vote sans le consentement unanime des actionnaires et le fait aussi que, en vertu de la convention, Marr’s ne pouvait pas empêcher une opération concernant l’intimée et demander à un tribunal que ses actions soient rachetées constituent d’autres éléments de preuve attestant que Marr’s ne contrôlait pas l’intimée. La possibilité pour Marr’s de dissoudre l’intimée n’était pas un facteur important qui laissait croire que Marr’s exerçait un contrôle sur elle. Le pouvoir de dissoudre une société n’aura de poids que si le droit d’élire les administrateurs est soit également partagé, soit sans effet réel sur la question du contrôle. La Loi sur les corporations du Manitoba n’exige pas qu’une convention des actionnaires restreigne les pouvoirs des administrateurs pour être une « convention unanime des actionnaires ». La convention était juridiquement contraignante et elle était signée par tous les actionnaires et l’intimée. Elle était censée avoir un effet juridique et elle en avait un effectivement. Elle modifiait sensiblement aussi la position juridique des actionnaires quant à la manière dont ils pouvaient exercer les droits de vote afférents à leurs actions. Les conditions minimales requises avant qu’un tribunal ne tienne compte d’une convention de ce genre pour l’analyse du contrôle d’une société étaient toutes remplies. En prévoyant que deux administrateurs sur trois qui étaient élus seraient des candidats de la famille Duha, les auteurs de la convention des actionnaires se sont assurés que le contrôle juridique réel ne serait pas conféré à Marr’s. C’est précisément ce que les parties voulaient. Le paragraphe 111(5) de la Loi avait pour effet d’empêcher l’intimée d’utiliser les pertes, autres que les pertes en capital, de Outdoor Leisureland.

Le juge Stone, J.C.A. : Pour que l’intimée puisse déduire les pertes, autres que les pertes en capital, subies par Outdoor Leisureland, les deux compagnies devaient avoir été contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes immédiatement avant la fusion du 10 février 1984. Si le contrôle devait être défini en fonction seulement des droits de vote, il ne ferait alors aucun doute que, en achetant 2 000 actions avec droit de vote de catégorie C de Duha Printers le 8 février 1984, ce qui représente environ 55,71 p. 100 de toutes les actions en circulation avec droit de vote de cette société, Marr’s a bel et bien acquis le contrôle de jure de l’intimée. Cependant, la convention du 8 février 1984 intervenue entre les actionnaires et la compagnie immédiatement avant l’émission des actions de catégorie C était une « convention unanime des actionnaires » au sens du paragraphe 140(2) de la Loi sur les corporations du Manitoba et privait Marr’s du contrôle de jure de l’intimée. Il ressort clairement du paragraphe 1(1) de cette Loi que le mot « affaires internes » et le mot « entreprise » ne sont pas synonymes. L’article 2.1 de la convention a enlevé au conseil d’administration de l’intimée le pouvoir qu’il aurait autrement possédé en vertu du paragraphe 97(1) de la loi manitobaine, c’est-à-dire le pouvoir de gérer « l’entreprise et les affaires internes de la corporation ». L’article a eu pour effet de priver le conseil d’administration du pouvoir de gérer l’entreprise de la société et de lui laisser uniquement le pouvoir de gérer ses affaires internes, et, pour cette raison, la convention du 8 février 1984 était une convention unanime des actionnaires au sens de la loi manitobaine. Il est impossible de dire que la société Marr’s exerçait un contrôle de jure sur l’intimée puisque le conseil d’administration qu’elle avait le droit d’élire ne pouvait gérer que les « affaires internes », et non l’« entreprise », de l’intimée. Cette dernière n’était pas « contrôlée » par Marr’s à l’époque pertinente et donc Outdoor Leisureland et l’intimée n’étaient pas « liées » au sens où l’entendent les sous-alinéas 251(2)c)(i) et 256(7)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, art. 39(4)a) (mod. par S.C. 1960, ch. 43, art. 11).

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 87(2.1) (édicté par S.C. 1977-78 ch. 1, art. 42; 1984, ch. 1, art. 38), 111(1)a) (mod., idem art. 54), (5) (mod., idem), 245, 251(2)c)(i), 256(7)a(i) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 131; ch. 48, art. 112).

Loi sur les corporations, L.R.M. 1987, ch. C225, art. 1(1) « affaires internes », « convention unanime des actionnaires », 97(1), 140(2),(5),(6).

Trustee Act, R.S.O. 1980, ch. 512, art. 6c).

JURISPRUDENCE

DISTINCTION FAITE AVEC :

Harvard International Resources Ltd. v. Alberta (Provincial Treasurer) (1992), 136 A.R. 197; [1993] 2 W.W.R. 491; (1992), 6 Alta. L.R. (3d) 42; [1993] 1 C.T.C. 329; 93 DTC 5254 (B.R.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; (1984), 10 D.L.R. (4th) 1; [1984] CTC 294; 84 DTC 6305; 53 N.R. 241; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312; (1994), 94 DTC 6314; 168 N.R. 16; Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3; (1994), 63 C.A.Q. 161; 95 DTC 5017; 171 N.R. 161; Alberta (Treasury Branches) c. Canada (ministre du Revenu nationalM.R.N.); Banque Toronto-Dominion c. Canada (ministre du Revenu nationalM.R.N.), [1996] A.C.S. no 45 (QL); Buckerfield’s Ltd. et al v. Minister of National Revenue, [1965] 1 R.C.É. 299; [1964] C.T.C. 504; (1964), 64 DTC 5301; International Iron & Metal Co. Ltd. c. M.R.N., [1974] R.C.S. 898; (1972), 27 D.L.R. (3d) 1; [1972] CTC 242; 72 DTC 6205; Minister of National Revenue v. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. et al., [1967] R.C.S. 223; (1967), 60 D.L.R. (2d) 488; [1967] C.T.C. 50; 67 DTC 5035; Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd. v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.É. 417; [1966] C.T.C. 69; (1966), 66 DTC 5092; R. c. Imperial General Properties Ltd., [1985] 2 R.C.S. 288; (1985), 21 D.L.R. (4th) 741; 31 B.L.R. 77; [1985] 2 C.T.C. 299; 85 DTC 5500; 62 N.R. 137; Oakfield Developments (Toronto) Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1971] R.C.S. 1032; (1971), 19 D.L.R. (3d) 347; [1971] C.T.C. 283; 71 DTC 5175; The International Iron & Metal Co. Ltd. v. M.N.R., [1969] C.T.C. 668; (1969) 69 DTC 5445 (C. de l’É.); Donald Applicators Ltd. et al, v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 43; [1969] C.T.C. 98; (1969), 69 DTC 5122; Donald Applicators Ltd. v. Minister of National Revenue, [1971] R.C.S. v; (1971), 71 DTC 5202(n); British American Tobacco Co. v. Inland Revenue Commissioners, [1943] A.C. 335 (H.L.); Vancouver Towing Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1946] R.C.É. 623; [1947] C.T.C. 18; [1947] 2 D.L.R. 93; Ringuet v. Bergeron, [1960] R.C.S. 672; (1960), 24 D.L.R. (2d) 449; M.R.N. c. Consolidated Holding Co., [1974] R.C.S. 419; (1971), 23 D.L.R. (3d) 546; [1972] CTC 18; 72 DTC 6007; The Queen v Lusita Holdings Ltd, [1984] CTC 335; (1984), 84 DTC 6346; 55 N.R. 122 (C.A.F.); International Mercantile Factors Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 137; (1990), 90 DTC 6390; 36 F.T.R. 45 (C.F. 1re inst.); Alteco Inc. c. Canada, [1993] 2 C.T.C. 2087 (C.C.I.); Ensign Tankers (Leasing) v. Stokes (HMIT), [1992] B.T.C. 110.

DÉCISIONS CITÉES :

Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695; (1993), 94 DTC 6001; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, [1995] 2 C.T.C. 369; (1995), 95 DTC 5551; Vineland Quarries & Crushed Stone Ltd. v. Minister of National Revenue, [1967] R.C.S. vi; (1967), 67 DTC 5283(n); Vina-Rug (Canada) Limited v. Minister of National Revenue, [1968] R.C.S. 193; (1968), 66 D.L.R. (2d) 456; [1968] C.T.C. 1; 68 DTC 5021; Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32; (1987), 36 D.L.R. (4th) 197; [1987] 1 C.T.C. 117; 87 DTC 5059; 25 E.T.R. 13; 71 N.R. 134; British Columbia Telephone Co. c. Canada, [1992] 1 C.T.C. 26; (1992), 92 DTC 6129; 139 N.R. 211 (C.A.F.); Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346 [1985] CTC 79; (1985), 85 DTC 5310; 60 N.R. 321 (C.A.); Bert Robbins Excavating Ltd. v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.É. 1160; [1966] C.T.C. 371; (1966), 66 DTC 5269.

DOCTRINE

Welling, B. Corporate Law in Canada : The Governing Principles, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1991.

APPEL formé contre une décision de la Cour canadienne de l’impôt ([1995] 1 C.T.C. 2481) permettant à l’intimée, en vertu de l’alinéa 111(1)a) et du paragraphe 87(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, de déduire de son revenu imposable pour son année d’imposition 1985 les pertes, autres que les pertes en capital, subies par une société qui avait fusionné. Appel accueilli.

AVOCATS :

Robert M. Gosman pour l’appelante.

Anita R. Wortzman et Jacqueline N. Freedman pour l’intimée.

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelante.

Aikins, MacAuley et Thorvaldson, Winnipeg, pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge en Chef Isaac (motifs concordants) : J’ai eu l’avantage de lire l’ébauche des motifs des juges Stone et Linden. Pour les motifs qu’ils donnent, et que je partage, je disposerais moi aussi de l’appel comme le propose le juge Linden.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Stone, J.C.A. (motifs concordants) : J’ai eu l’avantage de lire, sous leur forme provisoire, les motifs du jugement de mon collègue le juge Linden. J’arrive à la même conclusion que lui, mais par une voie un peu différente, et je voudrais donc ici exposer mes propres motifs.

Les faits, qui sont admis par les parties, sont énoncés dans les motifs de la décision du juge de la Cour de l’impôt [[1995] 1 C.T.C. 2481]. Les dispositions législatives pertinentes ont été reproduites par mon collègue.

Dans le présent appel, il s’agit de savoir si l’intimée pouvait déduire des pertes, autres que des pertes en capital, après la fusion de Duha Printers (Western) Limited (Duha Printers no 2) et de Outdoor Leisureland of Manitoba Ltd. (Outdoor) le 10 février 1984. L’intimée a déduit de son revenu imposable pour son année d’imposition 1985 les pertes, autres que les pertes en capital, subies par Outdoor, et cela conformément à l’alinéa 111(1)a) [mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 54] et au paragraphe 87(2.1) [édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 42; 1984, ch. 1, art. 38] de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, dans sa forme modifiée (ci-après la Loi). L’alinéa 111(1)a) de la Loi permettait à un contribuable de déduire de son revenu imposable ses pertes autres que les pertes en capital. Le paragraphe 87(2.1) permettait aussi à une société contribuable formée par suite de la fusion de deux ou plusieurs sociétés, et sous réserve de certaines limites, de déduire de son revenu imposable les pertes, autres que les pertes en capital, des sociétés fusionnées. L’une de ces limites était que la nouvelle société ne pouvait déduire les pertes, autres que les pertes en capital, de l’une ou l’autre des sociétés fusionnées, que si, au moment de la fusion, les sociétés fusionnées étaient « liées » l’une à l’autre au sens du sous-alinéa 256(7)a)(i) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 112; ch. 140, art. 131] de la Loi. Pour être « liées », les deux sociétés devaient être « contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes », selon ce que prévoit le sous-alinéa 251(2)c)(i) de la Loi.

Ainsi, pour que l’intimée puisse déduire les pertes, autres que les pertes en capital, subies par Outdoor, Duha Printers no 2 et Outdoor devaient avoir été « contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes » immédiatement avant la fusion du 10 février 1984. Le ministre a refusé la déduction pour le motif que Duha Printers no 2 et Outdoor n’étaient pas des sociétés liées. Selon l’exposé conjoint des faits, toutes les actions en circulation avec droit de vote de Outdoor étaient à ce moment-là entre les mains de Marr’s Leisure Holdings Inc. (ci-après Marr’s), qui détenait aussi toutes les actions en circulation de catégorie C de Duha Printers no 2, soit 55,71 p. 100 des actions avec droit de vote de cette société. Il n’est pas contesté que Marr’s contrôlait Outdoor. Ce qui est contesté, c’est que Marr’s « contrôlait » Duha Printers no 2, quand bien même Marr’s détenait la majorité des actions avec droit de vote de Duha Printers no 2.

Devant la Cour de l’impôt, l’appelante a aussi invoqué les dispositions antiévitement de l’article 245 de la Loi, tel qu’il se lisait alors. Aucun argument fondé sur ces dispositions n’a été invoqué devant la Cour d’appel fédérale.

Le juge de la Cour de l’impôt a accueilli l’appel dirigé contre la cotisation. Selon lui, Marr’s détenait, à l’époque pertinente, le contrôle de jure à la fois de Duha Printers no 2 et de Outdoor, le résultat étant que les deux sociétés étaient « liées » l’une à l’autre aux fins du sous-alinéa 256(7)a)(i). Dans ses motifs, le juge de la Cour de l’impôt s’exprime ainsi, aux pages 2498 et 2499 :

Je conviens avec l’avocat de l’intimée que le seul objet de l’opération était de permettre à l’appelante de se servir des pertes subies par Outdoor. Il n’y avait pas d’autre raison. Les 2 000 actions privilégiées de catégorie « C » avec droit de vote qui ont été émises à Marr’s n’ont pas eu pour effet de transférer à cette dernière le contrôle de fait ou effectif. Les trois corporations Duha ont déclaré un revenu net de 182 223 $ pour l’exercice allant du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1983 et de 96 695 $ pour la période de 41 jours se terminant le 10 février 1984. Les compagnies respectives avaient des bénéfices non répartis de 296 486 $ et de 393 181 $ au 31 décembre 1983 et au 10 février 1984. Une personne contrôlant une telle corporation n’en abandonnerait certainement pas le contrôle au profit d’un étranger pour la contrepartie de 2 000 $. De plus, en réalité, les actionnaires de la famille Duha n’ont pas renoncé au contrôle, et Marr’s n’a jamais eu l’intention de contrôler la compagnie. La majorité des personnes élues au conseil d’administration de Duha 2 par Marr’s étaient des membres de la famille Duha. Rien n’établit que M. Marr ait déjà joué un rôle dans l’entreprise exploitée par Duha 2 ou se soit même intéressé aux affaires internes de la compagnie. Marr’s ne pouvait transférer ses actions ni les grever d’une charge quelconque; de toute évidence, on peut en déduire que les Duha ne voulaient pas qu’une personne autre que Marr’s détienne ces actions. Les actions privilégiées de catégorie « C » ont été rachetées le 4 janvier 1985, soit onze mois après que Marr’s eut « investi » dans Duha 2. Avec de tels faits, il n’est pas difficile de comprendre le motif de la cotisation, et peut-être que ces faits pourraient être à nouveau examinés dans un autre cadre.

L’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’espèce Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, a marqué le début d’une nouvelle ère dans l’interprétation des lois fiscales. Par la suite, la Cour suprême a prononcé à maintes reprises sur l’interprétation de la Loi, et ses arrêts les plus récents en la matière sont les suivants : Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312; Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103; Alberta (Treasury Branches) c. Canada (ministre du Revenu nationalM.R.N.); Banque Toronto-Dominion c. Canada (ministre du Revenu nationalM.R.N.), [1996] A.C.S. no 45 (QL). Dans l’arrêt Stubart, le juge Estey s’exprime ainsi, à la page 580 :

… si le contenu de la Loi, lorsque la disposition en cause est interprétée dans son contexte, est clair et précis et que la Loi ne comporte pas d’interdiction qui vise le contribuable, celui-ci est libre de se prévaloir des dispositions avantageuses en cause.

Ce principe d’interprétation a été appliqué dans l’affaire Antosko, où, s’exprimant pour la Cour, le juge Iacobucci ajoute, aux pages 326 et 327 :

Même si les tribunaux doivent examiner un article de la Loi de l’impôt sur le revenu à la lumière des autres dispositions de la Loi et de son objet, et qu’ils doivent analyser une opération donnée en fonction de la réalité économique et commerciale, ces techniques ne sauraient altérer le résultat lorsque les termes de la Loi sont clairs et nets et que l’effet juridique et pratique de l’opération est incontestée. Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175, à la p. 194; voir également Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695.

Dans l’arrêt Friesen, la Cour suprême a adopté à la majorité la solution retenue dans l’arrêt Antosko. L’intimée invoque abondamment les principes énoncés dans ces divers arrêts, affirmant qu’elle a droit à un avantage conféré sans la moindre équivoque par certaines dispositions de la Loi, laquelle ne renferme aucune interdiction.

Le mot « contrôle » n’est pas défini par la Loi. Il a en revanche fait l’objet d’une jurisprudence considérable. Si le contrôle devait être défini en fonction seulement des droits de vote, il ne ferait alors aucun doute que, en achetant 2 000 actions avec droit de vote de catégorie C de Duha Printers no 2 le 8 février 1984, ce qui représente environ 55,71 p. 100 de toutes les actions en circulation avec droit de vote de cette société, Marr’s a bel et bien acquis le contrôle de jure de Duha Printers no 2, en ce sens que Marr’s avait la majorité des voix dans l’élection du conseil d’administration : Buckerfield’s Ltd. et al v. Minister of National Revenue, [1965] 1 R.C.É. 299; International Iron & Metal Co. Ltd. c. M.R.N., [1974] R.C.S. 898; Minister of National Revenue v. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. et al., [1967] R.C.S. 223; Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd. v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.É. 417, appel rejeté, [1967] R.C.S. vi; Vina-Rug (Canada) Limited v. Minister of National Revenue, [1968] R.C.S. 193.

Dans l’espèce R. c. Imperial General Properties Ltd., [1985] 2 R.C.S. 288, la Cour suprême avait pour tâche de dire où se situait le « contrôle », au sens de l’alinéa 39(4)a) de la Loi [S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1960, ch. 43, art. 11)], après une réorganisation et l’émission, en faveur de l’actionnaire minoritaire, d’un nombre de nouvelles actions, de telle sorte que le nombre d’actions avec droit de vote qu’il détenait était égal au nombre détenu par l’ancien actionnaire majoritaire. Comme le fait observer le juge Estey, aux pages 292 et 293, « [c]e qui est peut-être le plus important est cette autre disposition prévue aux lettres patentes de l’intimée selon laquelle la société peut être liquidée par suite d’une résolution en ce sens appuyée par 50 pour 100 de tous les droits de vote dont sont assorties les actions de la société », le résultat étant que l’ancien actionnaire majoritaire recevrait tous les actifs résiduels. Pour définir les droits « à long terme » afférents aux actions de la société, le juge Estey appliqua la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Oakfield Developments (Toronto) Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1971] R.C.S. 1032. Dans cette affaire, la répartition égale de l’unique catégorie d’actions avec droit de vote avait conduit à une impasse. Comme le fait observer le juge Estey dans l’affaire Imperial General Properties, supra, à la page 296, le « fondement de l’arrêt Oakfield » était le fait que l’ancien actionnaire majoritaire avait conservé le droit de liquider la société. Dans l’affaire Imperial General Properties , deux catégories d’action avec droit de vote étaient en jeu, mais le juge Estey arrive à la conclusion, aux pages 296-297, que le « droit de liquider la société si la présence d’actionnaires ordinaires et privilégiés minoritaires devenait non souhaitable pour le détenteur de 90 pour 100 des actions ordinaires … est … la pierre angulaire du programme fiscal aménagé à la suite des modifications apportées en 1960 à la loi de l’impôt », de telle sorte que le contrôle « au sens véritable du terme, n’a pas été abandonné » par l’ancien actionnaire majoritaire. Dans son analyse, le juge Estey fait observer, à la page 295, que « une cour n’est pas restreinte à une interprétation très formaliste et étroite des droits qui, en vertu de la loi, sont liés aux actions d’une société ». Le résultat d’une telle interprétation aurait été en effet qu’aucun des deux groupes d’actionnaires détenant la moitié des actions ne contrôlait la société. Simultanément, le juge Estey n’omet pas de préciser, à la page 298, que sa manière de voir le « contrôle » ne « comporte aucune dérogation à la jurisprudence antérieure » et que ses conclusions « résultent simplement de l’application de la jurisprudence et des textes législatifs existants aux faits particuliers de l’espèce ».

Dans la présente affaire, l’appelante affirme que la convention du 8 février 1984 conclue entre les actionnaires de Duha Printers no 2 et la société immédiatement après l’émission des actions de catégorie C était une « convention unanime des actionnaires » qui enlevait à Marr’s le contrôle de jure. Le rôle des conventions dans la détermination du contrôle de jure a déjà été examiné dans plusieurs précédents.

Dans l’affaire International Iron & Metal Co., supra, il existait entre les actionnaires de la société contribuable une convention stipulant que tous les administrateurs de la société, qui détenaient chacun une action avec droit de vote, seraient désignés et élus administrateurs, même si leurs enfants respectifs contrôlaient quatre sociétés détenant ensemble la totalité, sauf 30 000, des 499 996 actions restantes avec droit de vote de la société. En première instance, le juge Gibson a estimé ([1969] C.T.C. 668 (C. de l’É.), à la page 674) que la convention était sans effet sur la question du contrôle, parce que la société n’était pas concernée par l’obligation des actionnaires majoritaires de voter en faveur des personnes désignées par les actionnaires minoritaires. Selon lui, les actionnaires majoritaires continuaient de contrôler la société parce qu’ils détenaient dans la société le plus grand nombre de voix. Le juge Hall, s’exprimant pour la Cour suprême, confirma le jugement de première instance. Voici ses propos, à la page 901 :

Je suis d’accord avec le juge de première instance. Le terme « contrôle », au sens de l’art. 39(4)b) …

signifie le droit de contrôle dévolu aux détenteurs d’un nombre d’actions d’une compagnie propre à leur donner la majorité des voix dans cette compagnie. Le ministre du Revenu national c. Dworkin Furs, et Vina-Rug (Canada) Limited c. Le ministre du Revenu national [Références omises.]

En revanche, dans l’espèce Imperial General Properties, supra, la Cour suprême a déterminé la question du contrôle en se fondant sur les dispositions contenues dans la charte de la société contribuable[1]. En conséquence, si la convention du 8 février 1984 était totalement externe à la société, comme l’était la convention dans l’affaire International Iron & Metal Co., supra, alors elle serait sans effet sur la question du contrôle de jure. Si la convention était, comme l’affirme l’appelante, une « convention unanime des actionnaires » au sens du paragraphe 1(1) de la Loi sur les corporations, L.R.M. 1987, ch. C225 (la loi manitobaine), j’arriverais alors à la conclusion que, pour déterminer la question du « contrôle », il faut lire cette convention en même temps que la charte et les règlements administratifs de la société[2].

Il faut se demander si la convention du 8 février 1984 était une « convention unanime des actionnaires » et, dans l’affirmative, si elle a retiré le « contrôle » à Marr’s. Pour être une « convention unanime des actionnaires » en vertu de la loi manitobaine, une convention doit, aux fins qui nous intéressent, correspondre à la description qu’en donne le paragraphe 140(2), qui se lit ainsi :

140(2) Est valide, si elle est par ailleurs licite, la convention écrite conclue par tous les actionnaires d’une corporation soit entre eux, soit avec des tiers, qui restreint en tout ou en partie les pouvoirs des administrateurs de gérer l’entreprise et les affaires internes de la corporation.

Ce paragraphe doit se lire avec le paragraphe 140(5), formulé ainsi :

140(5) L’actionnaire qui est partie à une convention unanime d’actionnaires assume tous les droits, pouvoirs et obligations des administrateurs de la corporation et encourt toutes leurs responsabilités dans la mesure où la convention restreint le pouvoir discrétionnaire ou les pouvoirs des administrateurs de gérer l’entreprise et les affaires internes de la corporation; les administrateurs sont, par la même occasion, déchargés de leurs obligations et responsabilités dans la même mesure.

La notion de « convention unanime des actionnaires » est relativement nouvelle en droit canadien des sociétés. Ses objets sont expliqués par B. Welling, Corporate Law in Canada : The Governing Principles, 2e édition (Toronto, Butterworths, 1991), à la page 481.

[traduction] L’une des réformes les plus intéressantes des années 1970 et 1980 a été la disposition législative portant sur les conventions unanimes d’actionnaires. La notion de convention unanime des actionnaires comble une lacune de procédure qui existe depuis longtemps en droit canadien des sociétés. Même si les actionnaires pouvaient élire le conseil d’administration et renvoyer les administrateurs en exercice pour les remplacer par d’autres, ils ne pouvaient contrôler les décisions commerciales courantes prises par les administrateurs et leurs dirigeants attitrés. S’il en était ainsi, c’est parce que le pouvoir réel appartenait au conseil : les actionnaires pouvaient nommer les personnes qui allaient composer le conseil, mais les membres du conseil, une fois élus, exerçaient pour ainsi dire tous les pouvoirs décisionnels. Ils pouvaient être renvoyés s’ils agissaient d’une manière contraire aux vœux des actionnaires, mais ce qu’ils choisissaient de faire ne pouvait aucunement être empêché par les actionnaires. Et il n’était pas facile non plus d’annuler leurs actes.

La convention du 8 février 1984 renfermait plusieurs articles. L’article 2.1 de cette convention obligeait les actionnaires à « confier la gestion des affaires internes de la société à un conseil de trois (3) administrateurs » Selon l’article 2.2, les actionnaires s’engageaient à « toujours exercer les votes afférents à leurs actions dans la société de manière à donner effet aux dispositions de la présente convention, notamment à celles du présent article 2, qui concerne l’élection des administrateurs ». Aux termes de l’article 3.1, les actionnaires confirmaient que la convention (appelée dans le document « la présente convention unanime des actionnaires ») « vise à remplacer les dispositions du paragraphe 184(1) de la Loi sur les corporations, qui traite du droit d’un actionnaire à la dissidence » et enlève à un actionnaire dissident « le droit d’exiger le remboursement de ses actions ». L’article 4.1 de la convention imposait des limites au transfert des actions, en subordonnant le transfert au consentement de la majorité des administrateurs. Aux termes de l’article 4.3, chacun des actionnaires s’engageait à ne pas « vendre, céder, transférer, aliéner, donner, hypothéquer, nantir, grever ou gager ses actions ou s’en départir d’une autre manière » si ce n’est conformément à la convention. L’article 4.4 empêchait la société d’émettre d’autres actions « sans le consentement écrit de tous les actionnaires ». Aux termes de l’article 6.1, les parties à la convention s’engageaient, dans les termes suivants, à soumettre à l’arbitrage obligatoire une diversité de désaccords :

[traduction] 6.1 Arbitrage : S’il surgit parmi les actionnaires un différend, un désaccord ou une question se rapportant à l’entreprise, aux comptes ou aux opérations de la société, ou à l’interprétation, au sens ou à l’effet de la présente convention, ou encore aux droits ou responsabilités des parties aux termes de la présente convention ou à propos de la présente convention, ou si le conseil d’administration n’est plus en mesure de fonctionner en raison de l’impossibilité pour lui d’atteindre un quorum dans ses réunions, ou en raison d’une impasse au sein du conseil pour quelque raison, et si le différend, le désaccord ou la question ne peut être réglé ou vidé conformément aux dispositions de la présente convention ou conformément aux règlements administratifs de la société, alors tout différend, désaccord, question ou impasse de cette nature sera soumis à un arbitre unique dans la mesure où toutes les parties au différend parviennent ensemble à en nommer un et, si elles n’y parviennent pas, l’arbitre sera alors nommé par le juge en chef de la Cour du banc de la Reine du Manitoba. La sentence de l’arbitre sera finale et obligatoire pour les parties, et elle ne pourra faire l’objet d’aucun appel. L’arbitrage sera conduit conformément aux dispositions de la Loi sur l’arbitrage du Manitoba et à ses modifications, pour autant qu’elles soient en vigueur à l’époque pertinente[3].

L’article 6.2 prévoyait que la convention ne pouvait être modifiée qu’avec l’accord unanime des actionnaires, sauf disposition contraire. Selon l’article 6.4, toutes les parties, ainsi que leurs héritiers, exécuteurs testamentaires, administrateurs successoraux, successeurs et ayants droit, étaient liés par la convention. L’article 6.6 prévoyait expressément que Duha Printers no 2 était liée par les dispositions de la convention. Il se lit ainsi :

[traduction] 6.6 La société, pour autant qu’elle en ait le pouvoir, reconnaît être liée par les modalités de la présente convention et elle s’engage à accomplir tous les actes et choses qu’elle a le pouvoir d’accomplir, afin de donner pleinement effet aux modalités de la présente convention, et la société s’engage notamment ici à confirmer, adopter et ratifier ladite convention dans la mesure où cette convention se rapporte à la société.

Par résolution des administrateurs en date du 8 février 1984, Duha Printers no 2 fut autorisé à « conclure une certaine convention unanime des actionnaires », et le président de la société fut autorisé à signer « ladite convention unanime des actionnaires » sous le sceau de la société.

Le juge de la Cour de l’impôt est arrivé à la conclusion que la convention du 8 février 1984 n’était pas une « convention unanime des actionnaires » au sens des paragraphes 1(1) et 140(2) de la loi manitobaine parce que, comme il le dit à la page 2489 de ses motifs, « [a]ucune disposition de cette convention ne restreint, en tout ou en partie, les pouvoirs des administrateurs de Duha no 2 de gérer l’entreprise et les affaires internes de la corporation », conclusion qu’il répète à la page 2490 de ses motifs. Je regrette de devoir exprimer ici mon désaccord. Si l’on examine bien la convention à la lumière des dispositions applicables de la loi manitobaine, il apparaît clair que la convention restreignait bel et bien les pouvoirs du conseil d’administration. Le paragraphe 97(1) de la loi en question donnait au conseil d’administration de la société le pouvoir de gérer « l’entreprise et les affaires internes de la corporation ». Il ressort clairement du paragraphe 1(1) de la même loi que le mot « affaires internes » et le mot « entreprise » ne sont pas synonymes. Dans la loi, l’expression « affaires internes » est définie ainsi :

1(1)

« affaires internes » Les relations, autres que d’entreprise , entre une personne morale, les personnes morales appartenant au même groupe et leurs actionnaires, administrateurs et dirigeants. [C’est moi qui souligne.]

La convention du 8 février 1984 ne laisse nullement entendre que l’expression « affaires internes » y est employée dans un sens autre que celui que lui donne la loi.

À mon avis, l’article 2.1 de la convention du 8 février 1984 a enlevé au conseil d’administration le pouvoir qu’il aurait autrement possédé en vertu du paragraphe 97(1) de la loi manitobaine, c’est-à-dire le pouvoir de gérer « l’entreprise et les affaires internes de la corporation » (c’est moi qui souligne). Par cet article, les actionnaires convenaient plutôt de « confier la gestion des affaires internes de la société à un conseil de trois (3) administrateurs » (c’est moi qui souligne). L’article a eu pour effet de priver le conseil d’administration de Duha Printers no 2 du pouvoir de gérer l’entreprise de cette société et de lui laisser uniquement le pouvoir de gérer ses affaires internes. Je suis conforté dans cette opinion par l’article 6.1, qui prévoyait l’arbitrage obligatoire pour le règlement des différends. Parmi les différends devant être réglés ainsi, il y avait « les différends, désaccords ou questions surgissant parmi les actionnaires et se rapportant à l’entreprise, aux comptes ou aux opérations de la société » (c’est moi qui souligne). Il est donc manifeste que c’est l’impossibilité des actionnaires, et non des administrateurs, de s’entendre entre eux en ce qui concerne « l’entreprise, les comptes ou les opérations » de Duha Printers no 2 qui allait faire qu’un différend serait soumis à l’arbitrage obligatoire.

J’arrive donc à la conclusion que la convention du 8 février 1984 était une « convention unanime des actionnaires » au sens de la loi manitobaine, parce qu’elle restreignait effectivement le pouvoir du conseil d’administration de Duha Printers no 2 de gérer l’entreprise de la société, pouvoir que prévoit le paragraphe 97(1) de cette loi.

Il reste à savoir cependant si la convention privait la société Marr’s du contrôle de jure de Duha Printers no 2, un contrôle qui lui était dévolu par le fait qu’elle détenait 55,71 p. 100 des actions avec droit de vote de la société. Il me semble que la réponse est affirmative. Les articles 2.1 et 2.2 de la convention garantissaient que la société Marr’s serait toujours en état d’élire les administrateurs de la société, de par le nombre de voix qu’elle avait. On a soutenu que le pouvoir de Marr’s de choisir les administrateurs était si restreint, confiné qu’il était à une liste de quatre personnes dont deux étaient membres de la famille Duha et la troisième un ami de longue date de cette famille, que le choix de Marr’s n’avait pour ainsi dire aucune signification sur le plan juridique. Il n’est pas nécessaire d’exprimer un avis sur la question. À mon sens, il est impossible de dire que la société Marr’s exerçait un contrôle de jure sur Duha Printers no 2 puisque le conseil d’administration qu’elle avait le droit d’élire ne pouvait gérer que les « affaires internes », et non l’« entreprise », de Duha Printers no 2. Comme on l’a déjà dit, c’est aux actionnaires que la convention unanime des actionnaires confiait la gestion de l’« entreprise ». Cette convention ne dit rien sur le mode de prise des décisions se rapportant à la gestion de l’entreprise de la société. En revanche, il est implicite dans l’article 6.1 que le consentement unanime de tous les actionnaires était requis pour les décisions d’entreprise, sans égard au nombre de voix afférentes aux actions qu’ils détenaient. Autrement, il n’aurait pas été nécessaire de dire qu’un différend de cette nature devait être soumis à l’arbitrage obligatoire, puisque les décisions de Marr’s l’auraient toujours emporté. L’article 6.1 semble envisager une impasse causée par l’absence d’unanimité parmi les actionnaires quant aux questions se rapportant à l’entreprise de Duha Printers no 2. Dans un tel cas, Marr’s ne pouvait, en s’autorisant de ses droits de vote, régler par elle-même les questions se rapportant à la gestion de l’entreprise. Compte tenu de ces modalités et vu que Duha Printers no 2 était partie à la convention, je suis d’avis que cette convention unanime des actionnaires a eu un effet décisif sur la société et sur la manière dont son entreprise allait être gérée. Je suis persuadé que les modalités de la convention ont eu pour effet d’enlever à Marr’s le « contrôle » de Duha Printers.

Eu égard à ce qui précède, il n’est pas nécessaire de discuter en détail les points additionnels soulevés par l’appelante, fondés sur la convention et portant sur la question du contrôle. Il s’agit des points suivants : le contrôle exercé par Marr’s était « neutralisé » parce que Marr’s avait perdu le droit d’empêcher telle ou telle opération de la société et de demander à un tribunal que ses actions soient rachetées; Marr’s ne pouvait vendre ses actions ou les utiliser pour garantir un emprunt; enfin Marr’s ne pouvait modifier les clauses de la convention du 8 février 1984 en se servant de ses droits de vote. Je dirais simplement que les deux premières de ces restrictions, même si elles réduisaient les droits de Marr’s en tant qu’actionnaire, n’auraient pas réduit l’aptitude de Marr’s à contrôler Duha Printers no 2 si Marr’s avait conservé le contrôle de la société aux termes de la convention unanime des actionnaires. En revanche, la troisième restriction mentionnée renforce la conclusion selon laquelle le contrôle de jure, abandonné en vertu de la convention, ne pouvait être redonné à Marr’s si ce n’est avec la pleine collaboration des autres actionnaires, voire avec celle de Duha Printers no 2.

L’appelante fait valoir enfin que nous avons ici affaire à une opération « trompe-l’œil », selon le sens donné à cette expression aujourd’hui, et que l’intimée ne devrait pas pouvoir recueillir de cette opération un quelconque avantage fiscal. L’argument est que l’opération n’a aucun dessein économique si ce n’est celui de procurer un avantage fiscal et que, même si elle est juridiquement valable dans sa forme, elle constitue en réalité ce que le juge en chef Dickson avait décrit dans l’espèce Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32, à la page 53, comme « une série d’événements pour créer une illusion de conformité ».

Dans l’affaire Stubart, supra, le juge Estey décrit ainsi une opération trompe-l’œil, aux pages 545 et 546 :

1. Le trompe-l’œil : cette expression nous vient de décisions du Royaume-Uni et signifie, de façon générale (non sans ambiguïté), une opération assortie d’un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu’elle sert à masquer.

L’élément de tromperie est donc au cœur de l’opération trompe-l’œil. C’est ce qu’explique le juge Estey dans l’affaire Stubart, aux pages 572 et 573 :

Les tribunaux ont donné il y a longtemps une définition du trompe-l’œil qui a été reformulée dans l’arrêt Snook v. London & West Riding Investments, Ltd., [1967] 1 All E.R. 518. Lord Diplock a conclu à la p. 528 qu’il n’y avait pas de trompe-l’œil parce que les parties n’avaient rien fait :

[traduction] … dans l’intention de faire croire à des tiers ou à la cour qu’ils créent entre les parties des obligations et droits légaux différents des obligations et droits légaux réels (s’il en est) que les parties ont l’intention de créer.

C’est la définition adoptée par le juge Martland en cette Cour dans l’arrêt Ministre du Revenu national c. Cameron, [1974] R.C.S. 1062, à la p. 1068.

Même s’il est vrai que l’opération au cœur du présent litige a été conçue pour permettre à l’intimée de prendre à son compte, conformément aux dispositions de la Loi, les pertes non utilisées de Outdoor, autres que les pertes en capital, je ne vois dans la séquence des événements aucune duplicité selon le sens décrit dans l’espèce Stubart.

J’arrive à la conclusion que Duha Printers no 2 n’était pas « contrôlée » par Marr’s à l’époque pertinente et donc que Outdoor et Duha Printers no 2 n’étaient pas « liées » au sens où l’entendent les sous-alinéas 251(2)c)(i) et 256(7)a)(i) de la Loi. Je disposerais de l’appel de la manière que propose le juge Linden.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Linden, J.C.A. : Il s’agit de savoir dans cet appel si la contribuable intimée, Duha Printers (Western) Limited, peut déduire de son revenu imposable de 1985 des pertes de 460 786 $, autres que des pertes en capital. La contribuable affirme que le droit de déduire les pertes a été validement acquis à la faveur d’une fusion avec une société liée, Outdoor Leisureland of Manitoba Ltd., la société même qui a subi les pertes. Il faut se demander principalement si les deux entreprises sont « liées », comme l’affirme la contribuable, question qui à son tour requiert de savoir d’abord qui « contrôlait » Duha Printers « immédiatement avant » la fusion.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu[4] se lisent ainsi :

87.

(2.1) Lorsqu’il y a eu fusion de deux ou plusieurs corporations, aux seules fins

a) de déterminer la perte autre qu’une perte en capital, la perte en capital nette, la perte agricole restreinte ou la perte agricole, selon le cas, de la nouvelle corporation pour une année d’imposition quelconque, et

b) de déterminer dans quelle mesure les paragraphes 111(3) à (5.4) s’appliquent de manière à restreindre le montant que peut déduire la nouvelle corporation à titre de perte autre qu’une perte en capital, perte en capital nette, une perte agricole restreinte ou une perte agricole, selon le cas,

la nouvelle corporation est réputée être la même corporation que chacune des corporations remplacées et est réputée assurer la continuation de chacune d’elles, sauf que le présent paragraphe ne doit en aucun cas influer sur la détermination

c) de l’exercice financier de la nouvelle corporation, ou de toute corporation remplacée,

d) du revenu de la nouvelle corporation, ou de toute corporation remplacée, ou

e) du revenu imposable de toute corporation remplacée ou de l’impôt payable par celle-ci en vertu de la présente loi.

111. (1) Aux fins du calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

a) ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des sept années d’imposition précédentes et des 3 années d’imposition qui suivent l’année;

(5) Lorsque, à une date quelconque, le contrôle d’une corporation a été acquis par une personne ou plusieurs personnes (chacune de celles-ci étant appelée « l’acheteur » au présent paragraphe)

a) la fraction de la perte autre qu’une perte en capital ou de la perte agricole, selon le cas, subie par la corporation pour une année d’imposition se terminant avant cette date, et qui peut raisonnablement être considérée comme étant la perte qu’elle a subie dans l’exploitation d’une entreprise, est déductible par la corporation pour une année d’imposition donnée se terminant après cette date,

(i) seulement si, tout au long de l’année donnée et après cette date, cette entreprise était exploitée par la corporation en vue d’en tirer un profit ou dans une expectative raisonnable de profit …

251.

(2) Aux fins de la présente loi, des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles, sont

c) deux corporations quelconques

(i) si elles sont contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes,

256.

(7) Aux fins des paragraphes 66(11) et (11.1), 87(2.1), 88(1.1) et (1.2) et de l’article 111

a) lorsqu’une personne a acquis des actions d’une corporation après le 31 mars 1977, elle est réputée ne pas avoir acquis le contrôle d’une corporation donnée par suite de l’acquisition de ces actions, si

(i) immédiatement avant une telle acquisition des actions, elle était liée (autrement qu’en vertu d’un droit visé à l’alinéa 251(5)b)) à la corporation donnée …

Ces articles font partie d’un réseau confus de dispositions qui énoncent les diverses circonstances dans lesquelles des pertes peuvent être utilisées par certaines sociétés. Les dispositions ci-dessus visent précisément les sociétés qui ont dans un passé récent été réorganisées. Elles débutent par la proposition générale, au paragraphe 111(1), selon laquelle une corporation peut déduire de son revenu imposable pour une année donnée les pertes, autres que les pertes en capital, qui ont été subies durant l’une quelconque des années indiquées. Puis le paragraphe 87(2.1) ajoute que, lorsque deux ou plusieurs corporations fusionnent, la nouvelle corporation est réputée, aux fins d’établir la déductibilité des pertes, être la même corporation que chacune des corporations remplacées. La combinaison de ces deux dispositions fait que des corporations récemment fusionnées peuvent se partager des pertes.

Cependant, le paragraphe 87(2.1) ajoute aussi que les paragraphes 111(3) à (5.4) peuvent avoir pour effet de restreindre la déductibilité des pertes. Le paragraphe 111(5) [mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 54], disposition qui intéresse la présente affaire, prévoit que, dans une fusion où le contrôle change de mains, les pertes ne peuvent être partagées que dans la mesure où l’entreprise de la corporation non rentable est exploitée par la nouvelle corporation en tant qu’entreprise viable. Pour comprendre ce que l’on entend par « contrôle » et comment le contrôle peut changer de mains, il faut d’abord se référer au sous-alinéa 251(2)c)(i). Ce sous-alinéa prévoit que deux corporations sont liées si elles sont contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes. Le sous-alinéa 256(7)a)(i) précise ensuite que le contrôle d’une corporation sera réputé ne pas avoir été acquis dans une acquisition d’actions lorsque les corporations concernées étaient liées « immédiatement avant » l’acquisition. La notion de « contrôle » est donc essentielle dans l’application du paragraphe 111(5).

Si confuses que puissent paraître ces dispositions, l’objectif qu’elles visent est l’application de certains principes fondamentaux régissant le calcul du revenu. Ces principes sont à la base du régime fiscal établi par la Loi. Brièvement décrit, ce régime vise à l’imposition des accroissements nets globaux du revenu d’un contribuable. Pour le calcul de ce revenu, la Loi permet la répartition des pertes entre sources de revenu, pour autant que ces sources puissent se rapporter à un seul contribuable. C’est la notion du revenu net. Ce qui n’est pas autorisé cependant, c’est le partage d’un revenu ou d’une perte entre contribuables. S’il en est ainsi, c’est parce que la Loi répartit le fardeau fiscal différemment selon le niveau de revenu. Certaines mesures gouvernementales sont ainsi mises en œuvre, mesures qui seraient contrariées par un partage des revenus ou des pertes entre contribuables.

Dans ce régime, les corporations ou sociétés par actions posent un problème particulier. Les corporations sont juridiquement des personnes et, en tant que telles, elles sont soumises à l’impôt. Mais elles sont aussi des fictions du législateur, dont le revenu est éventuellement distribué aux actionnaires à qui elles appartiennent. Elles sont par ailleurs très mobiles et elles peuvent être facilement constituées, négociées, achetées et vendues. C’est pourquoi il existe, pour les corporations, des règles particulières d’imposition dont l’objet est d’harmoniser l’imposition du revenu des sociétés et des actionnaires et d’empêcher le partage des pertes auquel pourraient donner lieu des subterfuges contestables. À titre d’exemple, citons les dispositions de l’article 111, qui enferment les pertes à l’intérieur des corporations qui les ont produites. Le paragraphe 111(5) prévoit cependant une exception : des corporations liées peuvent sans restriction se partager leurs pertes. Les corporations de ce genre sont dans cette optique considérées par la Loi comme une seule unité imposable, et elles peuvent être revendiquées comme telles par la corporation contribuable. Le principal point à résoudre dans la présente espèce concerne la manière d’appliquer le paragraphe 111(5).

LES FAITS

La présente affaire a été présentée dans un exposé conjoint des faits, que l’on peut résumer de la manière suivante. Emeric Duha contrôlait indirectement Duha Printers, l’imprimerie intimée[5]. William Marr et son épouse, Noah Marr, contrôlaient indirectement Outdoor Leisureland, un commerce de véhicules de plaisance[6]. L’entreprise Duha était prospère et l’entreprise Marr ne l’était pas[7]. Outdoor Leisureland avait dans ses livres des pertes utilisables, et Duha Printers avait un revenu imposable que les pertes de Outdoor Leisureland auraient peut-être permis de réduire. Des dispositions furent donc prises pour que Duha Printers fusionne avec Outdoor Leisureland, de telle sorte que l’imprimerie puisse utiliser les pertes, autres que les pertes en capital, du commerce de véhicules de plaisance.

Cependant, pour mener à bien l’opération, les deux sociétés devaient se conformer au paragraphe 111(5). Elles ont donc considéré le sous-alinéa 256(7)a)(i) et exécuté le plan suivant. Le 7 février 1984, Duha Printers (Duha Printers no 1) fusionnait avec une société écran de manière à déclencher une fin d’exercice pour Duha Printers. Le 8 février 1984, les statuts de la nouvelle société Duha Printers (Duha Printers no 2) étaient modifiés de manière à augmenter son capital autorisé, par création d’un nombre illimité d’actions privilégiées de catégorie C. Ces actions donnaient à leurs titulaires droit à des dividendes selon un montant indiqué, et leur valeur de rachat fut fixée au capital déclaré de chaque action. Les actions étaient aussi assorties d’un droit de vote et comportaient les restrictions suivantes : le droit de vote cessait au transfert des actions ou au décès du titulaire; les actions pouvaient être rachetées par Duha Printers no 2 avec l’assentiment du titulaire; enfin les actions pouvaient être rachetées par Duha Printers no 2 sans l’assentiment du titulaire dans le cas de leur transfert. Les statuts modifiés prévoyaient que, au décès du titulaire d’une action de catégorie C, ou au transfert d’une telle action, la catégorie tout entière cesserait d’être assortie du droit de vote.

Le 8 février 1984, la société qui contrôlait Outdoor Leisureland, soit Marr’s Leisure Holdings (ci-après Marr’s), achetait 2 000 actions de catégorie C de Duha Printers no 2, au prix de 1 $ l’action, ce qui conférait à Marr’s 55,71 p. 100 du capital de Duha Printers no 2 et le contrôle apparent de cette société. À la même date, une convention unanime des actionnaires était signée entre tous les actionnaires et Duha Printers no 2. La convention prévoyait, entre autres choses, ce qui suit :

1.   Duha #2 devait être dirigée par un conseil d’administration comprenant trois personnes parmi les suivantes :

M. Duha

Mme Duha

Paul Quinton, et

William Marr;

2.   Aucune action ne pouvait être transférée sans le consentement de la majorité des administrateurs; et

3.   Il était interdit aux actionnaires de vendre, de céder, de transférer, de donner, d’hypothéquer, de gager, de grever, de nantir ou de donner en sûreté leurs actions, de quelque manière que ce soit.

Paul Quinton était un ami de longue date d’Emeric Duha et de William Marr et, fait accepté par le juge de première instance, il avait été durant 10 ans un administrateur de Duha Printers. La qualité d’administrateur de Paul Quinton était aussi attestée par sa signature figurant sur une résolution des administrateurs en date du 8 février 1984.

Le 9 février 1984, une société à dénomination numérique appartenant à Duha Printers no 2, soit 64099 Manitoba Ltd.[8], achetait à Marr’s une créance représentant une somme de 441 253 $ que Outdoor Leisureland devait à Marr’s. Le prix d’achat de la créance était de 34 559 $, somme qui représentait 7,5 p. 100 des pertes, autres que les pertes en capital, de Outdoor Leisureland. L’achat de cette créance représentait en fait le prix d’achat des pertes, autres que les pertes en capital, de Outdoor Leisureland, pertes qui devaient être déduites du revenu de Duha. La convention prévoyait que la moitié du prix d’achat de la créance serait payée à Marr’s le 1er juin 1984, le solde étant payable le jour où seraient rachetées les actions détenues par Marr’s. Cette dernière clause garantissait que Marr’s allait se départir de ses actions après que la fusion aurait atteint son objectif.

Le 10 février 1984, Duha Printers no 2 et Outdoor Leisureland fusionnaient pour former la société Duha Printers no 3. Par une résolution en date du 12 mars 1984, les actionnaires de Duha Printers no 3 élisaient de nouveau M. Duha, Mme Duha et Paul Quinton administrateurs de Duha Printers no 3. Par cette élection, la famille Duha continuait d’exercer sur leur société le contrôle journalier qu’ils avaient exercé dans le passé.

Le 4 janvier 1985, Duha Printers no 3 rachetait les actions de catégorie C détenues par Marr’s. Finalement, le 15 février 1985, après une seule année d’imposition, la convention unanime des actionnaires était résiliée, et Paul Quinton résignait ses fonctions d’administrateur.

L’effet net de cette suite d’opérations a été de conférer à Marr’s, pour la somme de 2 000 $, le contrôle apparent de Duha Printers, une entreprise familiale prospère. Plus particulièrement, l’objet de l’acquisition d’actions était d’assurer la conformité avec le paragraphe 111(5) de la Loi. Par cette opération, les parties considéraient Outdoor Leisureland et Duha Printers comme des sociétés contrôlées par la même personne, soit Marr’s Leisure Holdings. Les déclarations fiscales subséquentes furent donc établies en fonction du fait que les deux entreprises étaient liées, et Duha Printers revendiqua pour elle-même, et intégralement, la déduction des pertes de Outdoor Leisureland pour l’année d’imposition 1985. Dès que ces objectifs furent atteints, Marr’s Leisure Holdings et William Marr mirent fin complètement à leurs relations avec Duha Printers ainsi qu’à leurs intérêts dans cette société.

Le point principal que soulèvent ces faits est le suivant : Duha Printers était-elle « contrôlée » par Marr’s immédiatement avant la fusion de Duha Printers et Outdoor Leisureland?

LA DÉCISION DE LA COUR DE L’IMPÔT ET LES ARGUMENTS SOULEVÉS EN APPEL

Selon le juge de la Cour de l’impôt, l’acquisition d’actions et la fusion étaient motivées uniquement par des considérations fiscales. Malgré cela, il a tranché en faveur de la contribuable. Quant au premier point dont il était saisi, celui du « contrôle », le juge a estimé que Marr’s contrôlait Duha Printers en vertu de sa participation majoritaire dans le capital de cette entreprise et que le paragraphe 111(5) n’était donc pas applicable. Le lien entre Duha Printers et Outdoor Leisureland était le fait d’un contrôle commun, et les pertes de Outdoor Leisureland étaient intégralement déductibles.

Pour régler le premier point, le juge s’est surtout demandé si la convention unanime des actionnaires restreignait le contrôle de Marr’s au point de faire de ce contrôle une fiction juridique. Selon le juge, la convention n’avait aucun effet sur le contrôle juridique conféré par les actions. En vertu de ce contrôle, la société Marr’s avait le droit d’élire tous les administrateurs et pouvait modifier la composition du conseil à tout moment, même si elle ne pouvait exercer son choix que parmi les quatre candidats indiqués dans la convention unanime des actionnaires. Le juge a estimé qu’aucun élément extérieur au registre des actionnaires ne limitait le contrôle conféré par les 2 000 actions de catégorie C. Voici ses propos [à la page 2497] :

Les statuts de fusion de Duha 2 ne m’ont pas été présentés, mais une brève description en est donnée au paragraphe 16 de l’exposé conjoint des faits. Une copie du règlement intérieur de la compagnie n’a pas été présentée en preuve non plus. Une copie des statuts modificatifs a toutefois été déposée. Rien de ce dont je suis saisi n’établit que l’un quelconque de ces documents empêche le porteur des actions privilégiées de catégorie « C » d’exercer normalement le droit de vote attaché à ces actions. En outre, on ne m’a soumis aucun argument, sans parler des témoignages, établissant que Marr’s n’était pas le propriétaire bénéficiaire des actions et qu’elle n’était donc pas la personne qui devait déterminer comment le droit de vote attaché à ces actions devait s’exercer lors d’une élection des administrateurs …

Le juge est aussi arrivé à la conclusion que la fusion n’allait pas à l’encontre de l’objet et de l’esprit de la Loi. Selon lui [à la page 2501], un « arrangement adopté par le contribuable à des fins purement fiscales » est clairement autorisé par la formulation même de la Loi : la Loi permet à des sociétés liées de se répartir des pertes lorsqu’elles fusionnent; des sociétés liées sont définies comme des sociétés contrôlées par la même personne; et le contrôle est défini par la jurisprudence comme un contrôle de jure (participation majoritaire au capital social). Selon le juge, chacune de ces conditions était remplie en l’espèce. Finalement, les faits ne laissaient apparaître aucun trompe-l’œil et le juge a conclu que le paragraphe 245(1) ne s’appliquait pas[9]. L’action a été rejetée.

En guise de note avant de poursuivre, le juge de la Cour de l’impôt explique quelque part ce qu’est, selon lui, l’effet réel des opérations contestées. Voici ses propos [aux pages 2498 et 2499] :

Je conviens avec l’avocat de l’intimée que le seul objet de l’opération était de permettre à l’appelante de se servir des pertes subies par Outdoor. Il n’y avait pas d’autre raison. Les 2 000 actions privilégiées de catégorie « C » avec droit de vote qui ont été émises à Marr’s n’ont pas eu pour effet de transférer à cette dernière le contrôle de fait ou effectif. Les trois corporations Duha ont déclaré un revenu net de 182 223 $ pour l’exercice allant du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1983 et de 96 695 $ pour la période de 41 jours se terminant le 10 février 1984. Les compagnies respectives avaient des bénéfices non répartis de 296 486 $ et de 393 181 $ au 31 décembre 1983 et au 10 février 1984. Une personne contrôlant une telle corporation n’en abandonnerait certainement pas le contrôle au profit d’un étranger pour la contrepartie de 2 000 $. De plus, en réalité, les actionnaires de la famille Duha n’ont pas renoncé au contrôle, et Marr’s n’a jamais eu l’intention de contrôler la compagnie. La majorité des personnes élues au conseil d’administration de Duha 2 par Marr’s étaient des membres de la famille Duha. Rien n’établit que M. Marr ait déjà joué un rôle dans l’entreprise exploitée par Duha 2 ou se soit même intéressé aux affaires internes de la compagnie. Marr’s ne pouvait transférer ses actions ni les grever d’une charge quelconque; de toute évidence, on peut en déduire que les Duha ne voulaient pas qu’une personne autre que Marr’s détienne ces actions. Les actions privilégiées de catégorie « C » ont été rachetées le 4 janvier 1985, soit onze mois après que Marr’s eut « investi » dans Duha 2. Avec de tels faits, il n’est pas difficile de comprendre le motif de la cotisation, et peut-être que ces faits pourraient être à nouveau examinés dans un autre cadre.

La Couronne fait appel de la décision de la Cour de l’impôt en affirmant que Marr’s ne contrôlait pas Duha Printers immédiatement avant la fusion et que le contrôle avait donc changé de mains avec la fusion. Le paragraphe 111(5) entrait dès lors en jeu et, puisque Outdoor Leisureland était une entreprise moribonde et que son entreprise n’était pas exploitée par Duha Printers dans une expectative raisonnable de profit, les pertes de Outdoor Leisureland ne pouvaient être déduites par Duha Printers.

La contribuable répond en affirmant qu’un contrôle avait été conféré à Marr’s par l’effet de l’acquisition d’actions et que les pertes étaient déductibles.

ANALYSE

1.         Trompe-l’œil

L’avocat de la Couronne soutient que l’acquisition d’actions était un trompe-l’œil, c’est-à-dire une tentative du contribuable de tromper Revenu Canada par une manipulation des règles juridiques. À l’appui de cet argument, il signale les points suivants. L’achat par Marr’s de 56 p. 100 des actions avec droit de vote avait pour objet d’empêcher l’application du paragraphe 111(5) de la Loi en donnant le contrôle à Marr’s; en réalité cependant, cet achat n’a fait que donner l’apparence d’un contrôle, par l’effet de la convention unanime des actionnaires. Par ailleurs, le prix de 2 000 $ payé par Marr’s pour ces actions était sans commune mesure avec la valeur que ces actions auraient eue si elles avaient conféré à leur propriétaire un contrôle réel. Finalement, un avis de la convention unanime des actionnaires n’a pas été déposé dans le registre public comme l’exige le paragraphe 140(6) de la Loi sur les corporations, quand bien même, selon l’avocat de la Couronne, la convention empêchait Marr’s d’exercer un contrôle. Les choses auraient donc été arrangées de manière à dissimuler le fait que Marr’s n’avait pas en réalité acquis le contrôle de Duha Printers.

Je ne suis pas persuadé que cette opération puisse être considérée comme un trompe-l’œil. Pour qu’on puisse la considérer telle, il aurait fallu qu’elle soit faite « de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération[10] ». Il s’agit là d’un critère étroit auquel il n’a pas été satisfait ici. Aucune illusion n’a été produite par l’opération. Malgré le défaut d’enregistrement de la convention unanime des actionnaires, un fait qui en soi est assez peu concluant, les obligations juridiques produites par les parties étaient réelles. Elles ont procédé à la vente d’un certain type d’actions pour un prix déterminé, et sous réserve des diverses obligations énoncées dans la convention des actionnaires. Aucune tromperie ne ressort de tout cela.

Mais cela ne signifie pas que ces réalités juridiques suffisaient à produire ce que les parties voulaient accomplir. Comme je l’ai dit ailleurs, quand bien même une opération ne serait pas un trompe-l’œil, cela ne signifie pas qu’elle atteindra nécessairement le but visé.

2.         Contrôle

Avant de passer à l’analyse de la notion de « contrôle », il importe de donner quelques précisions sur la manière dont la Cour interprète les lois fiscales. L’avocat de la Couronne a soutenu, comme point accessoire, que les opérations en cause devraient être déclarées sans effet pour le motif qu’elles vont à l’encontre de l’objet et de l’esprit des dispositions applicables. Je ne crois pas qu’il soit sage de considérer séparément « l’objet et l’esprit » d’une disposition. Il me semble que l’interprétation de tel ou tel article de la Loi de l’impôt sur le revenu doit tenir compte de l’objet recherché par l’ensemble du texte législatif. Cette manière de voir semble aller de soi et ne fait que rappeler la position exprimée dans le passé par la Cour à propos de la démarche à adopter pour interpréter les lois fiscales. Cette démarche a été baptisée le « principe de l’examen des termes dans leur contexte global » par le juge MacGuigan, J.C.A., dans l’espèce Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine[11]. Comme on peut le lire dans l’affaire British Columbia Telephone Co. c. Canada, ce « contexte » peut se composer de quatre éléments :

… les mots eux-mêmes, leur contexte immédiat, l’objet de la loi qui ressort de la législation et la preuve extrinsèque de l’intention du législateur dans la mesure où elle est admissible[12].

Chacun de ces éléments est important et doit être pris en considération dans l’interprétation, et chacun permet de définir la portée qu’est censée avoir une disposition. Cette manière de voir a été récemment réitérée par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, où le juge Gonthier, préconisant une « démarche téléologique », s’exprime ainsi :

Il ne fait plus de doute … que l’interprétation des lois fiscales devrait être soumise aux règles ordinaires d’interprétation. Driedger, à la p. 87 de son volume Construction of Statutes (2e éd. 1983), en résume adéquatement les principes fondamentaux : [traduction] “… il faut interpréter les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur”[13].

Je me permettrais de noter aussi que l’objet et l’esprit d’un article ne présenteront un intérêt pratique que lorsque l’application de cet article à un ensemble de faits laisse subsister un doute. Cette proposition apparaît dans l’espèce Canada c. Antosko[14], où le juge Iacobucci tient les propos suivants :

Même si les tribunaux doivent examiner un article de la Loi de l’impôt sur le revenu à la lumière des autres dispositions de la Loi et de son objet, et qu’ils doivent analyser une opération donnée en fonction de la réalité économique et commerciale, ces techniques ne sauraient altérer le résultat lorsque les termes de la Loi sont clairs et nets et que l’effet juridique et pratique de l’opération est incontesté[15].

Dans l’espèce la plus récente sur ce sujet, Alberta (Treasury Branches) c. Canada (ministre du Revenu nationalM.R.N.); Banque Toronto-Dominion c. Canada (ministre du Revenu national—M.R.N.)[16], le juge Cory confirme que l’objet et l’esprit d’une disposition législative ne deviennent pertinents que lorsque la portée de la disposition est ambiguë. Il s’exprime ainsi :

En conséquence, lorsqu’il n’y a aucun doute quant au sens d’une mesure législative ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée indépendamment de son objet. Je reconnais que des juristes habiles pourraient probablement déceler une ambiguïté dans une demande aussi simple que « fermez la porte, s’il vous plaît », et très certainement même dans le plus court et le plus clair des dix commandements. Cependant, l’historique même de la présente affaire, conjugué aux divergences évidentes d’opinions entre les juges de première instance et la Cour d’appel de l’Alberta, révèle que, pour des juristes doués et expérimentés, ni le sens de la mesure législative ni son application aux faits ne sont clairs. Il semblerait donc convenir d’examiner l’objet de la mesure législative. Même si l’ambiguïté n’était pas apparente, il importe de signaler qu’il convient toujours d’examiner « l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » pour déterminer le sens manifeste et ordinaire de la loi en cause[17].

On pourrait alors résumer ainsi la controverse à propos de cette expression anodine « objet et esprit ». Lorsque le sens et la portée d’un article sont parfaitement clairs et ne soulèvent aucun doute, et lorsqu’aucun facteur extrinsèque ne milite en faveur d’une autre conclusion, on peut être à peu près certain que l’objet et l’esprit de l’article procèdent de sa formulation même et que l’article doit être appliqué en conséquence. Mais lorsque le sens ou la portée de l’article comporte une ambiguïté ou un doute, le tribunal doit alors s’efforcer de déterminer la portée que le législateur a voulu donner à l’article, et cela en considérant le dessein de l’article, le dispositif dans lequel il s’inscrit et l’intention générale du législateur pour autant qu’elle soit perceptible.

Dans les pages précédentes, j’ai reproduit les dispositions législatives qui intéressent la présente affaire et j’ai brièvement décrit leurs objectifs. Ces objectifs, en ce qui concerne le paragraphe 111(5) et le sous-alinéa 256(7)a)(i), sont de permettre la déduction d’une perte si le contrôle n’a pas changé de mains, mais de le refuser dans le cas contraire. Gardant ce point à l’esprit, je vais maintenant analyser la notion de « contrôle ».

Le mot « contrôle » n’est pas défini dans la Loi de l’impôt sur le revenu, mais il a été examiné maintes fois dans la jurisprudence. Il est établi maintenant qu’il s’agit du contrôle de jure et non du contrôle de facto et que le facteur primordial à considérer se rapporte aux droits de vote afférents aux actions. Autrefois, le registre des actionnaires suffisait généralement à déterminer le contrôle d’une personne morale, même si cela n’était pas mentionné expressément dans la Loi de l’impôt sur le revenu. L’analyse de l’existence d’un contrôle de jure dépasse depuis peu, et fort heureusement, la simple considération technique du registre des actionnaires. La présente affaire met en question la mesure de cet élargissement.

Selon l’exposé conjoint des faits, Marr’s détenait ce qu’il est convenu d’appeler le contrôle « par l’effet du registre des actionnaires », ce qui a conduit le juge de la Cour de l’impôt à rendre la décision qu’il a rendue. Sa décision était-elle fondée en droit compte tenu des circonstances de l’espèce? La réponse à cette question appelle un examen de la jurisprudence applicable.

L’analyse du mot « contrôle » débute en général par un arrêt de la Chambre des lords, British American Tobacco Co. v. Inland Revenue Commissioners[18]. Cette affaire portait sur le sens de l’expression « participation majoritaire », qui apparaissait dans une loi de finances. Interprétant l’expression, le lord chancelier vicomte Simon affirma que l’objet du texte était de considérer comme un seul groupe toutes les sociétés qui se trouvaient dans une relation particulière les unes par rapport aux autres. Cette relation, de dire lord Simon, se définit par le contrôle qui est exercé sur les affaires internes et les activités de la société. Il faut donc se demander qui exerce le contrôle ultime. Ce sont les actionnaires de la société, parce qu’eux mêmes contrôlent les administrateurs de la société. Le lord chancelier vicomte Simon s’exprime ainsi :

[traduction] Il m’est impossible de faire mienne l’idée selon laquelle une personne qui (parce qu’elle détient les droits de vote requis dans une société soumise à sa volonté et à son commandement) peut décider en dernier ressort de l’endroit et de la manière dont les activités de la société seront conduites et qui a donc le contrôle de fait des affaires de la société, est une personne dont on pourrait dire qu’elle n’a pas une participation de contrôle dans la société[19].

Affirmant d’abord qu’une majorité simple suffit à conférer le contrôle, le lord chancelier examine l’argument selon lequel, dans certains cas, une majorité qualifiée de 75 p. 100 des actions est requise et selon lequel une majorité simple ne peut donc conférer un contrôle total. Il répond à cela que le contrôle doit être examiné dans un contexte juridique global, ce qui nécessitera parfois la prise en compte d’un événement futur pouvant avoir une incidence sur le présent. C’est ce que l’on appelle voir les choses selon une « perspective temporelle » :

[traduction] Il est vrai que, dans certains cas, une majorité de 75 p. 100 peut être nécessaire, par exemple (selon les règlements de certaines sociétés) pour le renvoi d’administrateurs qui s’opposent aux vœux de la majorité, mais une majorité simple des actionnaires peut toujours refuser de réélire un conseil indocile, et à long terme finir par s’en débarrasser[20].

En raison de la position juridique de l’actionnaire majoritaire dans l’affaire British American Tobacco, le lord chancelier vicomte Simon a estimé qu’une majorité simple était suffisante pour conclure à l’existence d’un contrôle.

Les prononcés du lord chancelier furent suivis par le président Jackett, à la Cour de l’Échiquier, dans l’affaire Buckerfield’s Ltd. et al v. Minister of National Revenue[21]. Il s’agissait de savoir si certaines sociétés étaient contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes, au point de devenir des sociétés associées, auquel cas leur aurait été refusé l’avantage d’un dégrèvement fiscal. Arrivant à la conclusion que les sociétés étaient associées, le président Jackett affirme que le mot « contrôle » signifie un contrôle de jure et qu’on doit l’évaluer d’abord et avant tout en fonction du registre des actionnaires. Voici ses propos :

[traduction] On pourrait sans doute adopter de nombreuses méthodes pour la définition du mot « contrôle » figurant dans un texte tel que la Loi de l’impôt sur le revenu. Il pourrait par exemple s’agir du contrôle exercé par les « dirigeants », lorsque les dirigeants et le conseil d’administration sont distincts, ou il pourrait s’agir du contrôle exercé par le conseil d’administration. Le genre de contrôle exercé par les dirigeants ou par le conseil d’administration n’est cependant manifestement pas celui que vise l’article 39 lorsqu’il parle du contrôle exercé sur une corporation par une autre, ou du contrôle exercé sur une corporation par des personnes physiques (voir le paragraphe 39(6)). Le mot « contrôle » pourrait peut-être s’entendre du contrôle de fait exercé par un ou plusieurs actionnaires, qu’ils détiennent ou non la majorité des actions. Je suis d’avis cependant que, dans l’article 39 de la Loi de l’impôt sur le revenu, le mot « contrôlées » évoque le droit de contrôle auquel donne lieu le fait de détenir un nombre d’actions tel qu’il confère la majorité des voix à leur titulaire dans l’élection du conseil d’administration. Voir l’espèce British American Tobacco Co. v. I. R. C. ([1943] 1 A.E.R. 13), où le lord chancelier vicomte Simon, à la page 15 s’exprime ainsi :

Les détenteurs de la majorité des voix dans une société sont ceux qui contrôlent véritablement les affaires et les destinées de la société[22].

La définition donnée par le président Jackett est devenue la pierre de touche de la jurisprudence canadienne lorsqu’il s’agit de dire où se situe le contrôle. Sa définition est assez étroitement circonscrite, mais elle trouve appui sur le motif énoncé par lord Simon selon lequel le contrôle d’une société consiste dans le contrôle juridique ultime exercé sur ceux qui veillent aux affaires courantes de la société (les administrateurs). Le contrôle juridique exercé sur les administrateurs n’est qu’un contrôle indirect exercé sur la société, mais il demeure « le contrôle véritable des affaires et des destinées de la société », selon les mots employés par lord Simon.

Je note que le président Jackett interprète étroitement le critère de contrôle, d’une manière propre à empêcher la multiplication artificielle de sociétés dans le dessein de multiplier illicitement des avantages fiscaux. Il définit les paramètres du critère en tenant largement compte de l’objet et de l’esprit de l’article considéré, l’article 39 [S.R.C. 1952, ch. 148] à l’époque. Il s’exprime ainsi :

[traduction] Ce que l’article 39 a pour but d’empêcher, c’est la multiplication de corporations exploitant une entreprise, dans le dessein de profiter encore davantage du taux inférieur d’imposition[23].

Cette observation renferme un point important. Une bonne partie de la jurisprudence initiale qui s’est appliquée à définir le contrôle concernait la portée de l’article 39. La plupart des jugements et arrêts ainsi rendus ont suivi la voie indiquée par le président Jackett en refusant un dégrèvement fiscal à des sociétés formées artificiellement. Appliquant le critère du contrôle de jure, la juridiction saisie les « regroupait » tout simplement.

Cependant, les espèces plus récentes, y compris la présente, portent le plus souvent sur le scénario inverse, celui où des sociétés tentent d’obtenir un avantage fiscal en synthétisant l’apparentement que la jurisprudence antérieure leur refusait. Cette inversion dans l’application du critère du contrôle de jure ne saurait passer inaperçue. L’application du critère doit refléter l’objet des dispositions considérées. Les parties devaient, pour l’ancien article 39, prouver que le contrôle réel n’était pas partagé, et aujourd’hui elles doivent prouver le contraire en ce qui concerne la disposition actuelle.

La définition du président Jackett a été adoptée sous une forme un peu différente dans l’espèce Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd. v. Minister of National Revenue[24]. Il fallait savoir si trois sociétés étaient liées. La répartition des actions des sociétés était assez simple, puisque chacune d’elles avait deux actionnaires ayant chacun les mêmes droits de vote. Pour une société, les actionnaires étaient M. Sauder et une société appartenant intégralement à M. Thornborrow. Pour l’autre société, les actionnaires étaient M. Thornborrow et une société appartenant intégralement à M. Sauder. Pour la troisième société, les actionnaires étaient M. Thornborrow et M. Sauder. Estimant que, malgré la présence d’une personne morale dans la structure de capital de deux des sociétés, les trois sociétés étaient liées, le juge Cattanach a modifié la règle énoncée dans l’affaire Buckerfield’s en « examinant de près » l’enregistrement technique des actions. Il s’exprime ainsi :

[traduction] Compte tenu de l’espèce British American Tobacco, je ne crois pas qu’il soit acceptable d’examiner les registres des actionnaires de l’appelante et de Sauder and Thornborrow Limited et de terminer là l’examen. Il est nécessaire d’examiner les registres des actionnaires de Bold Investments (Hamilton) Limited et de Sauder and Thornborrow Limited, pour savoir si l’appelante et les deux autres sociétés sont contrôlées par le même « groupe de personnes ». Si l’actionnaire inscrit est dans le premier cas une personne morale, il faut aller au-delà du registre des actionnaires[25].

Examinant de près le registre, le juge Cattanach est arrivé à la conclusion que les trois sociétés étaient associées[26]. Appel fut interjeté à la Cour suprême du Canada, qui confirma la décision du juge Cattanach et adopta expressément ses motifs[27].

Le critère énoncé par le président Jackett fut aussi confirmé dans l’espèce Minister of National Revenue v. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. et al.[28]. Appliquant le critère aux cinq appels dont elle était saisie, la Cour suprême du Canada a reconnu le rôle important joué par les ententes contractuelles[29]. S’exprimant au nom de la Cour dans cette affaire, le juge Hall tient les propos suivants :

[traduction] … sans l’article 6 des statuts, Isidore Aaron et Alexander Aaron contrôlaient la société intimée, étant donné qu’ils détenaient 698 des 1008 actions en leurs propres noms avant le 14 juillet 1961, et par la suite au nom de Aaron’s (Prince Albert) Limited, société qu’ils contrôlaient également[30].

L’article 6 des statuts subordonnait l’adoption de toute motion au consentement unanime des actionnaires. Malgré le nombre d’actions effectivement inscrites aux noms des Aaron, le juge Hall a estimé que l’article 6 rendait nul juridiquement l’intérêt majoritaire qu’ils détenaient selon le registre des actionnaires. Il s’est référé à l’espèce Ringuet v. Bergeron[31], qui portait sur une modification analogue des droits de vote par voie contractuelle, si ce n’est que, dans cette affaire, l’entente ne faisait pas partie intégrante des statuts de la société. Il s’agissait plutôt simplement d’une entente externe. Reconnaissant l’intérêt d’une telle entente pour la question du contrôle, le juge Judson s’est exprimé ainsi [à la page 684] :

[traduction] Les actionnaires ont le droit de combiner leurs intérêts et leurs droits de vote pour obtenir le contrôle d’une société et s’assurer que la société sera gérée par telle ou telle personne de telle ou telle façon. Il s’agit là d’une entente bien connue, légitime et conforme au droit, une entente que l’on rencontre souvent dans la pratique, et il n’importe pas que l’objet recherché soit atteint au moyen d’une entente de cette nature ou au moyen d’une convention de vote[32].

S’autorisant de ce prononcé, le juge Hall est arrivé à la conclusion que l’entente contractuelle en ce qui concerne l’appel relatif à l’affaire Aaron’s Ladies Apparel annulait toute majorité résultant d’un simple dénombrement des actions. Voici ses propos :

[traduction] Il n’est pas illégal pour des actionnaires de s’entendre pour voter de telle ou telle manière. Les statuts forment eux-mêmes une entente entre les actionnaires, et ils lient tous les actionnaires. L’article 6 dont il s’agit ici n’était pas illégal et ne constituait pas un excès de pouvoir.

L’appel se rapportant à Aaron’s Ladies Apparel Limited sera donc rejeté avec dépens[33].

Une application intéressante du critère du contrôle de jure se trouve dans une autre décision de la Cour suprême du Canada, l’espèce Vina-Rug (Canada) Limited v. Minister of National Revenue[34]. Il s’agissait, là encore, de savoir si deux sociétés étaient associées et par conséquent exclues de l’avantage d’un allégement fiscal. Toutes les actions de l’une d’elles étaient détenues par un père, ses deux fils et une quatrième personne. Les actionnaires principaux de la deuxième société étaient les deux fils et cette même quatrième personne. Le juge Abbott a estimé que les deux sociétés étaient contrôlées par le même groupe de personnes. Voici ses propos :

[traduction] Le juge de première instance a conclu que John Stradwick Jr, W. L. Stradwick et H. D. McGilvery, qui collectivement détenaient plus de 50 p. 100 des actions de Stradwick’s Limited, avaient à toutes les époques pertinentes un lien suffisant pour être en état d’exercer un contrôle[35]

La Cour a reconnu ici que des actionnaires qui se regroupent et qui sont en état d’exercer ensemble un contrôle majoritaire sont rattachés par un « lien suffisant » aux fins du critère du contrôle de jure et qu’ils contrôlent donc juridiquement la société. Il n’est pas absolument nécessaire qu’un groupe de cette nature exerce effectivement un contrôle. Il suffira plutôt que les actionnaires visés soient « en état d’exercer un contrôle ».

Il existe un autre précédent intéressant, l’espèce Donald Applicators Ltd. et al, v. Minister of National Revenue[36]. Le ministre avait cotisé les dix sociétés appelantes en les considérant comme des sociétés associées, pour le motif que chacune d’elles était associée à une onzième société et que les dix sociétés étaient donc associées les unes aux autres. Chaque société avait autorisé l’émission de 200 actions de catégorie A et de 19 800 actions de catégorie B. Les actions de catégorie A donnaient le droit de voter sur toute question, ainsi que le droit exclusif d’élire les administrateurs. Chaque société n’émit en fait que deux actions de catégorie A, en faveur de deux personnes qui se désignèrent elles-mêmes administrateurs. Chaque société n’émit aussi en réalité que 498 actions de catégorie B en faveur de la onzième société. Ces actions comportaient le droit de voter sur toute question, mais non le droit d’élire les administrateurs. La Cour déclara que le contrôle d’une société ne repose pas nécessairement sur le droit immédiat d’élire les administrateurs. La question du contrôle de jure se résout plutôt comme une question « de fait et de degré »[37] en fonction de la structure globale des droits de vote au sein de la société, et en fonction de l’effet des restrictions imposées sur les pouvoirs décisionnels des administrateurs par les statuts de la société et par les conventions des actionnaires. Également importante est la question des droits de vote au fil du temps. Selon le juge Thurlow, la onzième société contrôlait chacune des dix sociétés appelantes. Voici ses propos :

[traduction] Un actionnaire qui, même s’il n’a pas maintenant le droit de voter dans l’élection des administrateurs, a des droits de vote suffisants pour adopter une résolution ordinaire pouvant être soumise à une assemblée des actionnaires et pour adopter aussi une résolution spéciale qui lui permettrait de retirer aux administrateurs leurs pouvoirs et de confier les décisions à prendre aux détenteurs de sa catégorie d’actions, de renvoyer des administrateurs et finalement même d’obtenir le droit d’élire les administrateurs, est une personne dont on ne saurait dire, à mon avis, qu’elle n’a pas à long terme le contrôle de la société. Une telle personne à mon avis a le genre de contrôle de jure qu’envisage l’article 39 de la Loi[38].

L’expression « à long terme » dérive de l’espèce British American Tobacco. Telle qu’elle est utilisée ci-dessus par le juge Thurlow, elle se rapporte à la notion de « droits de vote suffisants », formulée dans l’affaire Vina-Rug.

Dans un autre arrêt important, l’affaire Oakfield Developments (Toronto) Ltd. c. Ministre du Revenu national[39], la Cour suprême du Canada était saisie d’un cas où les droits de vote étaient répartis également entre deux groupes et deux catégories d’actions. L’un des groupes, appelé « groupe des dirigeants », détenait toutes les actions ordinaires et 50 p. 100 des voix. L’autre groupe détenait toutes les actions privilégiées et l’autre moitié des voix. Selon le critère énoncé dans l’affaire Buckerfield’s, aucun des deux groupes ne pouvait, au sens strict, prétendre détenir un contrôle majoritaire. Le juge Judson, qui a rendu l’arrêt unanime de la Cour, a pourtant estimé que l’un des groupes avait le contrôle de la société. Voici ses propos :

Le groupe des dirigeants détenait 50 pour cent des voix, étant propriétaire des actions ordinaires. Il avait droit à tous les superbénéfices lors d’une distribution de dividendes, après le paiement du dividende cumulatif fixe aux actionnaires privilégiés. Advenant la mise en liquidation de Polestar, il avait droit à tout le surplus après le remboursement de capital et le paiement d’une prime de 10 pour cent aux actionnaires privilégiés. Le nombre de voix dont il jouissait était suffisant pour autoriser l’abandon des lettres patentes de la compagnie. À mon avis, ces circonstances suffisent à donner le contrôle au groupe lorsque les propriétaires d’actions privilégiées non participantes détiennent l’autre moitié des voix[40].

Dans cette affaire, la Cour n’a pas accordé autant d’importance qu’auparavant au contrôle exercé sur l’élection des administrateurs. Elle s’est plutôt attachée au contrôle exercé sur le droit de dissoudre la société. J’observe que la Cour a laissé entendre implicitement que ce pouvoir de dissolution doit être davantage qu’un simple pouvoir de dissoudre une société. Ce doit être un pouvoir assorti d’un certain degré de contrainte ou de persuasion, un pouvoir dont l’exercice concerne la structure de capital de la société et plus précisément le désintéressement des actionnaires.

Dans l’affaire M.R.N. c. Consolidated Holding Co.[41], la notion de « contrôle suffisant » fut élargie de manière à inclure le contrôle potentiel. Dans cette affaire, la Cour devait statuer sur un accord entre actionnaires que compliquait la présence d’une fiducie. Il fallait savoir si deux sociétés étaient liées. La première société était contrôlée par deux fils d’un homme d’affaires décédé. Chacun d’eux détenait 50 p. 100 des actions avec droit de vote. La deuxième société était contrôlée par trois exécuteurs testamentaires, soit les deux fils et Montreal Trust Company. Le testament de l’homme d’affaires renfermait une clause prévoyant ce qui suit :

[traduction] … dans l’exécution des fonctions que je confie à mes fiduciaires, sauf quant à ce qui précède, je veux que les vues, bon plaisir et directives de deux de mes fiduciaires, quels qu’ils soient, lient le troisième de mes fiduciaires [à la page 422].

Cette clause a conduit la Cour à dire que le contrôle de la deuxième société était dévolu à deux quelconques des trois administrateurs de la succession. Compte tenu de ce contrôle potentiel, la Cour a jugé que les deux fils exerçaient un contrôle suffisant sur la deuxième société. Le juge Judson s’exprime ainsi :

Pour arriver à déterminer si un groupe de personnes contrôle une compagnie, il ne suffit pas, lorsqu’il s’agit de fiduciaires qui figurent au registre à titre d’actionnaires, de limiter l’enquête au registre des actionnaires et aux statuts d’association de la compagnie. Pour vérifier si l’un des actionnaires ou plus d’un ont été placés dans une situation où ils ont le pouvoir, en droit, d’imposer à leurs co-fiduciaires leurs volontés quant à la manière d’exercer les droits de vote afférents aux actions, il faut examiner l’acte de fiducie

Il ne suffit pas simplement d’examiner le registre des actionnaires lorsque la question qui se pose porte sur le contrôle[42].

Cette décision montre qu’il est important de considérer la position juridique des parties telle qu’elle ressort de la description générale des affaires des parties. Comme le dit le juge Judson, il faut considérer la « position juridique » véritable des parties. Dans l’affaire dont il était saisi, le facteur décisif était un acte de fiducie. Ce n’était pas un acte constitutif. Ce n’était pas non plus un document devant nécessairement figurer dans un registre des actionnaires ou dans les autres instruments officiels d’une société. C’était cependant un document juridiquement contraignant. En lui donnant un caractère déterminant, la Cour suprême a montré qu’un véritable contrôle de jure n’est rien d’autre que ce que l’expression indique, c’est-à-dire un contrôle au sens du droit. Tout instrument contraignant doit donc être pris en compte dans l’analyse, si tel instrument influe sur les droits de vote. La Cour admet expressément ce point de vue lorsqu’elle affirme :

Il ne suffit pas ici, pour résoudre la question, de décider qu’une compagnie n’est pas tenue de veiller à l’exécution des fiducies auxquelles ses actions sont assujetties ou qu’elle peut accepter le vote du premier fiduciaire inscrit au registre de ses actionnaires. Ce sont là simplement des dispositions de protection en faveur de la compagnie et elles n’ont rien à voir avec la question du contrôle[43].

Selon la Cour suprême, puisque les deux fils détenaient un contrôle potentiel, ils avaient, pour utiliser le qualificatif employé par le juge Judson dans l’affaire Oakfield, des droits de vote « suffisants » en droit pour contrôler la société. Le juge Judson affirme :

Ici, en examinant les faits dans leur ensemble, on voit que les deux Gavin, en s’alliant, peuvent contrôler les voix que confèrent les actions de la succession … Ils sont, pour reprendre les termes de M. le juge Abbott dans Vina Rug (Canada) Ltd. c. Le ministre du Revenu national,

[traduction] en position de contrôler au moins une majorité des voix à être exprimées à une assemblée générale des actionnaires[44].

Pour résumer l’importance de cette affaire, la Cour a expressément approuvé la notion de contrôle potentiel, tout en faisant dépendre ce contrôle de considérations factuelles et juridiques ne se limitant pas au registre des actionnaires ni aux documents que doivent déposer les sociétés auprès des organismes officiels.

Des principes semblables ont été appliqués dans l’espèce La Reine c Lusita Holdings Ltd[45]. Dans cette affaire, il s’agissait de savoir si deux sociétés étaient associées. La première, Lusita Holdings, avait douze actions émises. Ces actions étaient détenues en fiducie pour certains bénéficiaires désignés. Les actes de fiducie se rapportant à ces actions prévoyaient deux fiduciaires, Gustav Schickedanz et un autre. Les actions étaient dans chaque cas inscrites au nom de l’autre fiduciaire. M. Schickedanz contrôlait-il les sociétés étant donné qu’il pouvait forcer l’autre fiduciaire à démissionner? Pour décider ce point, le juge Stone, J.C.A. s’est, en dernière analyse, référé à une disposition des actes de fiducie selon laquelle les deux cofiduciaires devaient exercer ensemble les droits de vote afférents aux actions. Et puisque, selon la Trustee Act[46] de l’époque, M. Schickedanz ne pouvait forcer son cofiduciaire à démissionner avant qu’il ne soit remplacé, les obligations découlant de la fiducie ont disposé de l’affaire. Le juge Stone s’exprime ainsi :

Une disposition fondamentale des actes de fiducie en l’espèce est celle en vertu de laquelle les deux fiduciaires doivent décider à l’occasion du vote afférent aux actions. En outre, les cofiduciaires devaient également [traduction] « exercer leurs pouvoirs et fonctions à titre de fiduciaires ». Le droit de contrôler les droits de vote appartenait aux cofiduciaires et n’était pas l’apanage d’un seul[47].

Le principe énoncé ci-dessus s’accorde avec le raisonnement suivi dans l’affaire Consolidated Holding. Selon ces deux arrêts, il faut se demander s’il existe un véritable contrôle de jure en considérant la position juridique globale des parties à la date pertinente. Cette position juridique ne se limite d’ailleurs pas aux droits effectifs, elle englobe aussi les droits éventuels. L’affaire Lusita Holdings comportait deux éventualités de ce genre, savoir l’alinéa 6(c) de la Trustee Act et la qualité des fiduciaires. Parmi les facteurs à considérer lorsqu’on s’interroge sur le contrôle, ces éventualités sont loin d’avoir l’importance du registre des actionnaires.

La question du contrôle a récemment été revisitée par la Cour suprême du Canada. Dans l’espèce R. c. Imperial General Properties Ltd.[48], le juge Estey examine la jurisprudence et observe que la distinction faite entre le contrôle de jure et le contrôle de facto n’est pas une description parfaitement fidèle de l’analyse que doit faire la Cour. Voici ses propos :

On a dit que le contrôle en ce sens a trait à des considérations de droit et non de fait. Bien que cette distinction puisse en quelque sorte servir de guide pour évaluer les conséquences juridiques d’une situation de fait, elle ne constitue pas, comme nous le verrons, une description tout à fait exacte de la façon de déterminer si, pour les fins du par. 39(4), il y a contrôle par un seul ou plusieurs des actionnaires[49].

Le juge Estey reconnaît ici qu’une diversité de facteurs juridiquement pertinents peuvent influer sur toute analyse entreprise pour déterminer le contrôle d’une société. Cela ne devrait pas nous surprendre. L’organisation d’une société peut être très complexe. Cette complexité « naturelle » est parfois, et même souvent, accrue par des motivations d’évitement de l’impôt. Ce sont des réalités que les tribunaux ne peuvent ignorer, même si elles sont sans doute tout à fait licites. Et un tribunal ne fermera pas les yeux sur le caractère manifestement artificiel d’une situation[50], lorsque les limites de l’acceptable ont été à l’évidence franchies. Les considérations fiscales sont importantes dans la gestion des affaires d’une entreprise, et les parties sont libres de recourir aux opérations ou aux formes d’organisation pouvant les avantager. Cependant, les parties doivent démontrer, dans toutes les circonstances pertinentes d’une affaire, l’existence d’une réalité juridique proprement dite. Le juge en chef Dickson s’exprime ainsi dans l’affaire Bronfman Trust c. La Reine[51] :

… la jurisprudence récente en matière fiscale a tendance à essayer de déterminer la véritable nature commerciale et pratique des opérations du contribuable. En effet, au Canada et ailleurs, les critères fondés sur la forme des opérations sont laissés de côté en faveur de critères fondés sur ce que lord Pearce a appelé une [traduction] « appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices » des événements en question …

Il s’agit là, je crois, d’une tendance louable, pourvu qu’elle soit compatible avec le texte et l’objet de la loi fiscale. Si, en appréciant les opérations des contribuables, on a présent à l’esprit les réalités commerciales et économiques plutôt que quelque critère juridique formel, cela aidera peut-être à éviter que l’assujettissement à l’impôt dépende, ce qui serait injuste, de l’habileté avec laquelle le contribuable peut se servir d’une série d’événements pour créer une illusion de conformité avec les conditions apparentes d’admissibilité à une déduction d’impôt.

Pour savoir où siège le contrôle d’une société, la Cour tiendra compte de l’époque considérée, des documents juridiques pertinents et des obligations juridiques réelles ou éventuelles pouvant influer sur les droits de vote afférents aux actions. Ces facteurs sont simplement des faits ayant des conséquences juridiques, de telle sorte que, comme le souligne le juge Estey, la distinction entre un contrôle de jure et un contrôle de facto n’est pas aussi nette qu’autrefois. L’analyse du contrôle ne saurait être réduite par une simplification excessive de l’expression « de jure ». Les opérations considérées doivent être évaluées selon le contexte dans lequel elles se présentent et sans que soient ignorées les réalités commerciales et économiques. Cela signifie simplement que, lorsqu’on parle du contrôle d’une société, il doit s’agir d’un contrôle juridique réel et effectif exercé sur la société en question. Cette règle ne modifie aucunement le droit; elle nous encourage simplement à nous focaliser sur la position juridique véritable des parties, et pas seulement sur leur position apparente. Le juge Estey résume ainsi la question :

La façon d’aborder le mot « contrôle » adoptée en l’espèce ne comporte aucune dérogation à la jurisprudence antérieure ni aucune « modification » de la loi existante. Les conclusions tirées plus haut résultent simplement de l’application de la jurisprudence et des textes législatifs existants aux faits particuliers de l’espèce. L’application du concept du « contrôle », selon les arrêts antérieurs des tribunaux, aux circonstances soumises à cette Cour, constitue, à mon avis, un cheminement normal du processus judiciaire et n’équivaut d’aucune manière à une incursion dans le domaine du législateur[52].

Poursuivant son examen de l’affaire Imperial General Properties, le juge Estey évoque ensuite le raisonnement suivi dans l’affaire Oakfield, puis affirme :

En déterminant la manière dont le par. 39(4) doit être appliqué aux circonstances qui lui sont soumises, une cour n’est pas restreinte à une interprétation très formaliste et étroite des droits qui, en vertu de la loi, sont liés aux actions d’une société. La cour n’est pas astreinte non plus à examiner ces droits dans le seul contexte de leur application immédiate lors d’une assemblée de la société. On a dit, il y a longtemps, que ces droits doivent s’évaluer selon leur effet « à long terme »[53].

L’expression « à long terme » est employée par la jurisprudence depuis plus de cinquante ans. Cette expression requiert d’analyser la question du contrôle en tenant compte des considérations temporelles pouvant avoir une incidence sur la manière dont les droits de vote afférents à des actions sont ou pourraient être exercés. Appliquant ces considérations à l’affaire qui lui était soumise, le juge Estey a estimé qu’une acquisition d’actions conférant prétendument un intérêt majoritaire « de par le registre des actionnaires » n’avait pas eu pour effet de céder le contrôle « au sens véritable du terme[54] ».

Je suis conscient de la vigoureuse dissidence du juge Wilson dans l’affaire Imperial General Properties, et je la considère fort valable. Le juge Wilson explique ainsi le motif de sa différence d’opinion :

… je ne crois pas qu’il s’agit d’un domaine qui se prête à la créativité judiciaire. Les gens planifient leurs affaires personnelles et commerciales en fonction du droit existant, et ils ont le droit de le faire. Il est important, je crois, de reconnaître que toute dérogation subite des tribunaux à une jurisprudence bien établie dans un domaine comme le droit fiscal peut avoir des conséquences rétroactives graves sur le contribuable[55].

Je partage cet avis, en me limitant à faire remarquer que le juge Estey ne s’est pas écarté de la jurisprudence, mais qu’il l’a précisée. C’est aux tribunaux qu’il appartient de dire si telle ou telle opération s’est déroulée « en fonction du droit existant ». Dans la présente espèce, les parties ont imaginé un subterfuge encore inédit, en espérant qu’il fonctionne et leur permette de réduire leurs impôts. C’est à la Cour qu’il appartient de déterminer l’effet juridique des opérations qu’elles ont effectuées.

Dans l’affaire International Mercantile Factors Ltd. c. Canada[56], décidée par la Section de première instance de la Cour fédérale, les actions d’une société faisaient l’objet d’une convention d’actionnaires qui répartissait les droits de vote également entre deux groupes, et il fallait savoir si l’un des deux groupes contrôlait la société. Le juge Teitelbaum a estimé que le facteur déterminant était la composition du conseil d’administration. Comme la majorité du conseil était composé de représentants du premier groupe, appelé les corporations publiques, ce groupe exerçait un contrôle de jure sur la société. Cependant, le point essentiel dans cette affaire était que, comme la composition du conseil ne pouvait être modifiée que par un vote majoritaire, les corporations publiques pouvaient réduire à néant toute tentative de l’autre partie d’accroître sa présence au sein du conseil. Le juge Teitelbaum s’exprime ainsi :

Je suis convaincu que l’élément déterminant, lorsqu’il s’agit de savoir de qui relève le contrôle en l’espèce, n’est pas la question du partage égal des voix, étant donné que de toute évidence cela ne donne le contrôle à aucune des deux parties, mais le fait qu’aucune des deux parties ne peut vraiment modifier la composition du conseil d’administration, que le conseil d’administration est composé en majorité de mandataires des corporations publiques et qu’étant donné qu’il faut obtenir la majorité des voix pour modifier le conseil d’administration, les corporations publiques ont le contrôle de droit et de fait de la société demanderesse[57].

C’est donc le nombre de voix des corporations publiques qui a été le facteur décisif.

Finalement, dans l’affaire Alteco Inc. c. Canada[58], la Cour canadienne de l’impôt a jugé que le facteur déterminant était une convention unanime des actionnaires signée par les parties. La société appelante, Alteco Inc., détenait 51 p. 100 des actions avec droit de vote de 387. Outre les actions qu’elle détenait, Alteco était partie à un accord de coentreprise avec l’actionnaire minoritaire, National, pour l’établissement de 387. Cet accord, dont 387 n’avait pas connaissance, contrairement aux faits de la présente affaire, prévoyait que les actions de 387 ne pouvaient être transférées sans le consentement de l’autre partie, que la structure et la composition du conseil de 387 ne pouvaient être modifiées sans le consentement unanime des actionnaires, même en cas de vacance, et que Alteco avait la faculté d’acheter des actions de National. L’accord ne renfermait aucune clause de résiliation. Puisque le conseil était formé en majorité de représentants de National, la Cour a jugé que, même si Alteco détenait 51 p. 100 des actions de 387, elle ne contrôlait pas 387. Le juge Bell s’exprime ainsi :

Compte tenu de ces circonstances, malgré le fait que l’appelante détenait 51 pour 100 des actions avec droit de vote de la 387, elle n’était pas en mesure de modifier la composition du conseil d’administration, dont elle avait convenu.

En conséquence, je conclus, d’après tous les faits qui m’ont été présentés et tous les ouvrages de doctrine et toute la jurisprudence qui m’ont été cités en l’espèce, que l’appelante ne contrôlait pas la 387 et ne lui était pas liée, ce qui a pour résultat que les deux compagnies n’avait donc aucun lien de dépendance[59].

Cette conclusion est très semblable à la conclusion tirée par le juge Teitelbaum dans l’affaire International Mercantile, et elle concorde avec la jurisprudence. Dans l’affaire Alteco, la position juridique d’Alteco ne permettait pas de conclure que la société appelante exerçait un contrôle « au sens véritable de l’expression[60] ». En d’autres termes, si une participation majoritaire ne permet pas d’exercer un contrôle juridique réel sur une société, le critère du contrôle de jure ne sera pas satisfait.

APPLICATION

Dans le cas qui nous occupe, je ne suis pas convaincu que Marr’s contrôlait Duha Printers « immédiatement avant » l’acquisition d’actions qui a permis la fusion de Duha Printers et de Outdoor Leisureland. J’observe d’abord que, à ce moment-là, Marr’s était partie à une convention unanime d’actionnaires. Cette convention était signée par tous les actionnaires. Elle était signée aussi par Duha Printers, étant donné qu’elle était censée lier, directement et indirectement, les administrateurs de cette société. De plus, la convention restreignait considérablement les droits de vote de Marr’s. Elle prévoyait que trois administrateurs devaient être élus au conseil d’administration et choisis sur une liste de quatre candidats, savoir Emeric et Gwendolyn Duha, Paul Quinton et William Marr. On peut sans peine imaginer pourquoi ces quatre personnes figuraient sur la liste : le choix de trois d’entre elles allait nécessairement garantir que le conseil d’administration de Duha Printers serait composé en majorité de candidats de la famille Duha. Emeric et Gwendolyn Duha, mari et femme, étaient propriétaires de l’imprimerie Duha Printers, et Paul Quinton était un ami de longue date d’Emeric Duha. Paul Quinton avait aussi été administrateur de Duha Printers pendant dix ans, et il était l’un des trois administrateurs qui avaient signé la résolution des administrateurs du 8 février 1984, résolution qui autorisait l’achat par Marr’s des 2 000 actions de catégorie C, qui autorisait Duha Printers à conclure la convention unanime des actionnaires et qui autorisait l’achat d’actions d’Outdoor Leisureland. Cela suffit pour me permettre de conclure que Paul Quinton était en fait un candidat de la famille Duha, et de conclure, comme je l’indique ci-dessus, que l’élection d’une combinaison quelconque de ces administrateurs allait garantir que le contrôle exercé par la famille Duha sur l’entreprise familiale ne serait pas perdu.

Je ne vois pas de quelle autre manière on pourrait voir tout cela. Une entreprise familiale prospère ne cède pas le contrôle pour la somme dérisoire de 2 000 $. Duha Printers valait près de 600 000 $[61]. Il faudrait être naïf pour croire qu’un transfert d’actions de 2 000 $ puisse suffire à céder le contrôle réel d’une entreprise valant 600 000 $. Ce n’est pas non plus une coïncidence si les trois candidats de la famille Duha ont été élus administrateurs. Marr’s n’a même pas élu comme administrateur son propre actionnaire majoritaire. Ce n’est pas là un procédé conforme aux règles du commerce.

Selon l’avocat de la contribuable, les conventions des actionnaires et autres conventions externes ne permettent pas, selon la jurisprudence canadienne, de dire où se situe le contrôle dans une société. Certains arrêts de la Cour suprême du Canada affirment expressément le contraire, mais, à l’appui de cet argument, on a mentionné l’arrêt rendu en 1972 par la Cour suprême du Canada dans l’espèce International Iron & Metal Co. Ltd. c. M.R.N.[62]. La question était de savoir si deux sociétés étaient associées. Les actions de l’une d’elles étaient détenues par certains des enfants de quatre pères. Les actions de l’autre étaient détenues par les pères et par quatre sociétés de portefeuille contrôlées par les enfants. Les pères détenaient chacun une seule action dans cette deuxième société. Les sociétés de portefeuille contrôlées par les enfants y détenaient chacune 117 499 actions. Les quatre pères signèrent une convention avec les quatre sociétés de portefeuille, qui prévoyait que les pères seraient nommés administrateurs. Cette convention privait-elle les enfants du contrôle de jure? Le juge Gibson, membre de la Cour de l’Échiquier, répondit par la négative, et son jugement fut confirmé par la Cour suprême du Canada. Le juge Hall, s’exprimant pour la Cour suprême, estima que les enfants avaient conservé le contrôle en raison des actions qu’ils détenaient. Le motif de la décision paraît évident, puisque les actions symboliques détenues par leurs pères avaient pour objet de multiplier un avantage fiscal. Mais la Cour refusa d’admettre la validité du plan et décida que, aux fins de la loi, la convention n’avait pas eu pour effet de transférer le contrôle. Je note également que les enfants n’étaient pas eux-mêmes parties à la convention, qui ne concernait que les sociétés contrôlées par eux[63].

D’autres éléments de preuve attestent que Marr’s ne contrôlait pas Duha Printers. Les statuts modifiés de Duha Printers, d’ailleurs, prévoyaient que Duha Printers ne pouvait pas émettre de nouvelles actions avec droit de vote sans le consentement unanime des actionnaires. Les actions détenues par Marr’s ne pouvaient donc être diluées. Si Marr’s avait le contrôle, Duha Printers ne pouvait pas le ravoir. Il est donc d’autant plus difficile de croire qu’un contrôle juridique réel avait été conféré à Marr’s, puisque la structure des droits de vote était renforcée par la modification des statuts. Les modalités de la convention unanime des actionnaires ne pouvaient par ailleurs être modifiées qu’avec le consentement unanime des actionnaires. Marr’s ne pouvait donc modifier l’aptitude restreinte qu’elle avait d’élire les administrateurs en se servant de sa participation majoritaire. Finalement, en vertu de la convention, Marr’s ne pouvait empêcher une opération concernant Duha Printers et demander à un tribunal que ses actions soient rachetées. Dans ces circonstances, Marr’s ne contrôlait pas Duha Printers.

L’avocat de la contribuable soutient que le droit de Marr’s de dissoudre Duha Printers est un facteur important qui laisse croire que Marr’s exerçait un contrôle sur Duha Printers. Je ne partage pas cet avis. Les tribunaux n’ont jamais dit qu’un pouvoir de dissolution suffit à conférer le contrôle. Selon la jurisprudence évoquée précédemment, le pouvoir de dissoudre une société n’aura de poids que si le droit d’élire les administrateurs est soit également partagé, soit sans effet réel sur la question du contrôle. Cependant, ces considérations mises à part, le pouvoir de dissoudre doit avoir un effet contraignant, et la possibilité pour Marr’s de dissoudre Duha Printers n’était en fait guère plus qu’une chimère. À la dissolution de Duha Printers, Marr’s n’avait droit qu’au remboursement du prix qu’elle avait payé pour ses actions. La position de Marr’s était d’ailleurs amoindrie par l’accord selon lequel la moitié restante de la créance ne serait remboursée qu’au moment du rachat des actions de Marr’s par Duha Printers. L’effet juridique de cet accord est que, en dissolvant Duha Printers, Marr’s non seulement ne recevrait aucune part des actifs de Duha Printers au-delà de la valeur déclarée des actions, mais encore devrait renoncer au solde dû sur la créance cédée, une somme non négligeable de 17 279 50 $, soit la moitié de la somme qui avait poussé Marr’s au départ à souscrire les actions de catégorie C. C’est là une éventualité juridique appréciable quant à l’aptitude de Marr’s à dissoudre Duha Printers, puisque toute dissolution de Duha Printers par Marr’s entraînerait pour Marr’s une perte financière nette. Le droit de Marr’s de dissoudre Duha Printers était donc une pure illusion et ne peut constituer un facteur déterminant dans la présente analyse.

Dans ma conclusion selon laquelle Marr’s ne contrôlait pas Duha Printers, il importe peu de savoir si la convention était ou non une « convention unanime des actionnaires » aux fins de la Loi sur les corporations[64]. En premier lieu, je ne suis pas persuadé qu’une convention des actionnaires doive, en vertu de cette Loi, restreindre les pouvoirs des administrateurs pour être une « convention unanime des actionnaires ». Aucun précédent contraignant n’a été mentionné sur ce point, et il m’est impossible d’interpréter de la sorte le paragraphe 140(2). Cependant, même si ce paragraphe renfermait une telle condition, je ne suis pas convaincu que la convention ne restreignait pas les pouvoirs des administrateurs. Certaines de ses dispositions liaient les administrateurs directement, et d’autres les liaient indirectement en liant la société. C’est là à mon avis une restriction suffisante, qui répond à la formulation du paragraphe 140(2) de la Loi sur les corporations. Mais, quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire, selon la jurisprudence et le sens commun juridique, qu’une convention unanime des actionnaires concorde avec la définition figurant dans une loi sur les sociétés pour qu’il en soit tenu compte lorsqu’on se demande où se situe le contrôle d’une société. La convention était juridiquement contraignante et elle était signée par tous les actionnaires et Duha Printers. Elle était censée avoir un effet juridique et elle en avait un effectivement. Elle modifiait sensiblement aussi la position juridique des actionnaires quant à la manière dont ils pouvaient exercer les droits de vote afférents à leurs actions. Ce sont là les conditions minimales requises avant qu’un tribunal ne tienne compte d’une convention de ce genre pour l’analyse du contrôle d’une société. Ces conditions étaient toutes remplies en l’espèce. En prévoyant que deux administrateurs sur trois qui étaient élus seraient des candidats de la famille Duha, les auteurs de la convention des actionnaires se sont assurés que le contrôle juridique réel ne serait pas conféré à Marr’s.

C’est précisément ce que les parties voulaient. Pour 2 000 $, Marr’s a acheté des actions qui lui donnaient le droit de participer à une très rigide élection des administrateurs, et qui ne lui donnaient pas le contrôle d’une société. En réalité, Marr’s avait vendu le droit potentiel de déduire environ un demi-million de dollars de pertes pour la somme de 34 559 $. On pourrait décrire l’opération en répétant les propos suivants de lord Goff dans l’espèce Ensign Tankers (Leasing) v. Stokes (HMIT)[65] :

[traduction] [I]l y a une différence fondamentale entre l’atténuation des impôts et l’évasion fiscale illicite. Des exemples de la première ont été donnés dans les propos de mon estimé collègue. Il s’agit de cas où le contribuable tire parti de la loi pour planifier ses affaires de façon à minimiser l’incidence de l’impôt. L’évasion fiscale illicite suppose en général la création de structures artificielles complexes par lesquelles, comme s’il s’agissait d’une baguette magique, le contribuable fait apparaître une perte, ou un gain, ou une dépense, ou n’importe quoi d’autre, qui autrement n’aurait jamais existé. Ces structures sont conçues pour procurer à leur auteur un avantage fiscal fortuit, mais en réalité ne sont rien de plus que des razzias faites sur les fonds publics aux frais de l’ensemble des contribuables, et c’est la raison pour laquelle elles sont illicites[66].

Dans le cas présent, le contribuable s’est servi des aspects techniques de la législation fiscale et de la législation sur les sociétés dans l’espoir d’échapper en toute légalité à des restrictions auxquelles il devait se soumettre. Son plan n’a pas réussi. Marr’s ne devait jamais véritablement contrôler Duha Printers. C’était là l’intention des parties, une intention attestée par les obligations juridiques contractées par elles. Ces obligations sont telles que, pour reprendre les mots du juge de la Cour de l’impôt [à la page 2498], « en réalité, les actionnaires de la famille Duha n’ont pas renoncé au contrôle ».

Puisque Outdoor Leisureland et Duha Printers n’étaient pas des sociétés liées, puisque Outdoor Leisureland était une société inactive et puisqu’il n’a pas été démontré que cette société était exploitée dans une expectative raisonnable de bénéfices, le paragraphe 111(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu a pour effet d’empêcher Duha Printers d’utiliser les pertes, autres que les pertes en capital, de Outdoor Leisureland. Pour les nombreux motifs donnés précédemment, l’appel sera accueilli et la nouvelle cotisation établie par le ministre sera confirmée, avec dépens.



[1] Dans l’espèce Dworkin Furs, supra, qui concernait l’impôt sur le revenu, il fallait, pour savoir si certaines sociétés étaient associées, se demander si elles étaient « contrôlées » au sens de l’art. 39(4) [S.R.C. 1952, ch. 148] de la Loi tel qu’il se lisait alors. Statuant sur l’un des appels, celui qui concernait Aaron’s Ladies Apparel Limited, le juge Hall fit observer que l’article 6 des statuts de cette société prévoyait que [à la p. 232] [traduction] « toutes les motions soumises à une assemblée des actionnaires ou des administrateurs devront recueillir le consentement unanime de tous les membres de l’assemblée ». La Cour jugea que la convention conclue entre les actionnaires et contenue dans cet article privait les actionnaires de ce qui aurait pu par ailleurs équivaloir à un contrôle de jure. À la p. 236, le juge Hall s’exprime ainsi :

[traduction] Je suis d’avis que le même raisonnement s’applique ici. Le contrôle d’une société dans le contexte de l’espèce Buckerfield appartient aux actionnaires en tant que tels et non en tant qu’administrateurs. Il n’est pas illégal pour des actionnaires de s’entendre pour voter de telle ou telle manière. Les statuts forment eux-mêmes une entente entre les actionnaires, et ils lient tous les actionnaires. L’article 6 dont il s’agit ici n’était pas illégal et ne constituait pas un excès de pouvoir.

De nouveau, dans l’espèce Donald Applicators Ltd. et al, v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 43, appel rejeté, [1971] R.C.S. v, le tribunal a situé le « contrôle » dans une clause de l’acte constitutif d’une société, clause qui conférait de larges pouvoirs aux actionnaires de catégorie B au point d’annuler le « contrôle » que les actionnaires de catégorie A détenaient en vertu de l’acte constitutif en ce qui concerne l’élection du conseil d’administration de la société.

[2] Une convention unanime des actionnaires peut influer sur l’aptitude d’un conseil d’administration dûment élu de gérer l’entreprise et les affaires internes d’une société, comme cela ressort de l’art. 97(1) de la loi manitobaine, qui se lit ainsi :

97(1) Sous réserve de toute convention unanime des actionnaires, les administrateurs :

a) exercent les pouvoirs de la corporation soit directement, soit indirectement par l’entremise de ses employés et de ses mandataires;

b) gèrent l’entreprise et les affaires internes de la corporation.

Un conseil d’administration peut « établir, modifier ou révoquer tout règlement administratif » conformément à l’art. 98(1) « [s]auf disposition contraire … de conventions unanimes des actionnaires ».

[3] Le texte intégral des statuts de la société ne figure pas dans l’exposé conjoint des faits, non plus que les règlements administratifs de la société.

[4] Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, dans sa forme modifiée.

[5] Les actionnaires de la société étaient deux sociétés et Gwendolyn Duha, l’épouse d’Emeric Duha. Gwendolyn Duha détenait 50 000 actions sans droit de vote. La société no 1 détenait 150 000 actions sans droit de vote et 300 actions avec droit de vote. Les actions de cette société appartenaient à Emeric Duha, à Gwendolyn Duha et à deux de leurs enfants. La société no 2 détenait 1 190 actions avec droit de vote; toutes les actions de cette société appartenaient à Emeric Duha. Duha Printers était donc intégralement, encore qu’indirectement, la propriété de la famille Duha et elle était contrôlée indirectement par M. Duha.

[6] Là encore, le capital de la société était réparti de la manière suivante. Les actions de Outdoor Leisureland étaient détenues par Marr’s Leisure Holdings Inc. À toutes les époques pertinentes, William Marr et son épouse, Noah Marr, détenaient 62,16 p. 100 des actions avec droit de vote de Marr’s Leisure. Marr et son épouse contrôlaient donc indirectement Outdoor Leisureland.

[7] D’après les faits, le directeur de la Direction des corporations du Manitoba fut informé par une lettre du 8 avril 1983 que Outdoor Leisureland n’était plus en activité. Le directeur a répondu en informant Marr’s Leisure que Outdoor Leisureland allait figurer sur une liste de corporations qui seraient dissoutes au cours de la première semaine de mars 1984. Outdoor Leisureland était une société moribonde.

[8] 64099 Manitoba Ltd. a été constituée le 24 novembre 1983. Duha Printers no 1 acheta pour 1 $ la seule et unique action de cette société. Emeric Duha fut nommé administrateur unique, secrétaire et président de 64099.

[9] Il n’y a pas eu insistance sur ce dernier point dans l’appel.

[10] Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, à la p. 545, le juge Estey.

[11] Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346(C.A.), à la p. 352.

[12] British Columbia Telephone Co. c. Canada, [1992] 1 C.T.C. 26 (C.A.F.), à la p. 31.

[13] Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, à la p. 17.

[14] Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312.

[15] Idem, aux p. 326 et 327.

[16] [1996] A.C.S. no 45 (QL).

[17] Idem, aux p. 32 et 33.

[18] British American Tobacco Co. v. Inland Revenue Commissioners, [1943] A.C. 335 (H.L.), lord chancelier vicomte Simon.

[19] Idem, à la p. 339.

[20] Idem, à la p. 340.

[21] Buckerfield’s Ltd. et al v. Minister of National Revenue, [1965] 1 R.C.É. 299, le président Jackett.

[22] Idem, aux p. 302 et 303.

[23] Idem, à la p. 305.

[24] Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd. v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.É. 417, le juge Cattanach.

[25] Idem, à la p. 430.

[26] Voir l’espèce Vancouver Towing Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1946] R.C.É. 623, où le juge Cameron a estimé que, abstraction faite même des pouvoirs élargis conférés à un administrateur par les statuts de la société appelante, statuts qui donnaient à l’administrateur un contrôle total sur le conseil d’administration, cet administrateur contrôlait la société parce qu’il détenait les actions d’une société qui à son tour détenait la majorité des actions de la société appelante. Voir aussi le jugement Bert Robbins Excavating Ltd. v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.É. 1160, le juge Cattanach, où les mêmes principes furent appliqués.

[27] Vineland Quarries and Crushing Stone Ltd. v. Minister of National Revenue, [1967] R.C.S. vi, (1967), 67 DTC 5283, à la p. 5284, (le juge Fauteux a rendu l’arrêt de la Cour).

[28] Minister of National Revenue v. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. et al., [1967] R.C.S. 223, le juge Hall.

[29] L’appel en question est M.N.R. v. Aaron’s Ladies Apparel Limited (même référence).

[30] Idem, à la p. 231.

[31] Ringuet v. Bergeron, [1960] R.C.S. 672, le juge Judson.

[32] Cité dans l’affaire Dworkin Furs, supra, note 28, à la p. 235.

[33] Idem, à la p. 236.

[34] Vina-Rug (Canada) Limited v. Minister of National Revenue, [1968] R.C.S. 193, le juge Abbott.

[35] Idem, à la p. 196.

[36] Donald Applicators Ltd. et al, v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 43, le juge Thurlow; confirmé par [1971] R.C.S. v.

[37] Idem, à la p. 48, soulignement ajouté.

[38] Idem, à la p. 51.

[39] Oakfield Developments (Toronto) Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1971] R.C.S. 1032.

[40] Idem, à la p. 1037.

[41] M.R.N. c. Consolidated Holding Co., [1974] R.C.S. 419.

[42] Idem, aux p. 422 et 423.

[43] Idem, à la p. 423.

[44] Ibid., référence omise et soulignement ajouté.

[45] La Reine c Lusita Holdings Ltd, [1984] CTC 335 (C.A.F.), le juge Stone, J.C.A.

[46] R.S.O. 1980, ch. 512, art. 6c).

[47] Lusita Holdings, supra, note 45, à la p. 336.

[48] R. c. Imperial General Properties Ltd., [1985] 2 R.C.S. 288.

[49] Idem, à la p. 294, références omises.

[50] Donald Applicators Ltd. et al, v. Minister of National Revenue, supra, note 36, à la p. 46, le juge Thurlow.

[51] Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32, le juge en chef Dickson, aux p. 52 et 53.

[52] Imperial General Properties, supra, note 48, à la p. 298.

[53] Idem, à la p. 295.

[54] Idem, à la p. 297.

[55] Idem, à la p. 308.

[56] International Mercantile Factors Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 137 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum.

[57] Idem, à la p. 148.

[58] Alteco Inc. c. Canada, [1993] 2 C.T.C. 2087 (C.C.I.), le juge Bell.

[59] Idem, à la p. 2103.

[60] Le juge Estey dans l’affaire Imperial General Properties, supra, note 48, à la p. 297.

[61] L’exposé conjoint des faits mentionne que, au 10 février 1984, l’avoir des actionnaires de Duha Printers était de 596 771 $.

[62] International Iron & Metal Co. Ltd. c. M.R.N., [1974] R.C.S. 898, le juge Hall.

[63] L’avocat de la contribuable m’a aussi signalé l’espèce Harvard International Resources Ltd. v. Alberta (Provincial Treasurer) (1992), 136 A.R. 197 (B.R.), dans laquelle le juge Hutchinson affirme que les conventions externes doivent être ignorées. Je ne suis pas lié par cette jurisprudence. Elle ne concernait pas le « contrôle » tel que l’entend la Loi de l’impôt sur le revenu.

[64] L.R.M., 1987, ch. C225.

[65] Ensign Tankers (Leasing) v. Stokes (HMIT), [1992] B.T.C. 110, à la p. 128.

[66] Idem, à la p. 298.

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