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[1996] 2 C.F. 345

T-404-94

Tony McAleer et Canadian Liberty Net (requérants)

c.

Commission canadienne des droits de la personne et John Payzant (intimés)

Répertorié : McAleer c. Canada (Commission des droits de la personne) (1re inst.)

Section de première instance, juge Joyal — Vancouver, 4 mai et 13 décembre 1995; Ottawa, 6 février 1996.

Droits de la personne Contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal des droits de la personne enjoignant aux requérants de mettre fin à leur acte discriminatoireL’art. 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) constitue en acte discriminatoire le fait de communiquer grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement des messages haineux à l’encontre de personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illiciteLes requérants diffusaient des messages enregistrés par téléphone où ils incitaient à piétiner les « pédales » dans les tourbièresLe Tribunal des droits de la personne a jugé que l’orientation sexuelle était un motif de discrimination illicite et que le message était susceptible d’exposer à la haine ou au mépris les personnes homosexuelles, lesquelles appartiennent à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illiciteL’art. 13(1) viole les libertés prévues à l’art. 2 de la Charte, mais il est justifié en vertu de l’art. premier de la CharteLes communications sont relayées grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement — « Orientation sexuelle » ni trop imprécise ni de portée trop large mais une notion juridique précise puisqu’elle traite plus particulièrement de la préférence d’une personne en matière de sexeLa LCDP devrait être interprétée, appliquée et administrée comme si elle contenait l’« orientation sexuelle » comme motif de distinction illicite.

Droit constitutionnel Charte des droits Libertés fondamentales L’art. 13(1) de la LCDP constitue en acte discriminatoire le fait de communiquer grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement des messages haineux à l’encontre de personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illiciteViolation des libertés prévues à l’art. 2 de la Charte, mais justifiée en vertu de l’art. premier.

Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité L’art. 13(1) de la LCDP constitue en acte discriminatoire le fait de communiquer grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement des messages haineux à l’encontre de personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illiciteLes requérants diffusaient des messages enregistrés, par téléphone, qui incitaient à piétiner les « pédales » dans les tourbièresPrincipe de justice fondamentale exige que les lois ne soient pas trop imprécisesLoi jugée d’une imprécision inconstitutionnelle si elle manque de précision au point de ne pas constituer un guide suffisant pour un débat judiciaire, c’est-à-dire pour trancher quant à sa signification à la suite d’une analyse raisonnée appliquant des critères juridiquesL’orientation sexuelle, en tant que motif de distinction illicite, est une notion juridique précise puisqu’elle traite plus particulièrement de la préférence d’une personne en matière de sexeNi trop imprécise, ni d’une portée trop large.

Droit constitutionnel Charte des droits Clause limitative L’art. 13(1) de la LCDP constitue en acte discriminatoire le fait de communiquer grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement des messages haineux à l’encontre de personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illiciteViolation des libertés prévues à l’art. 2 de la CharteJustifiée en vertu de l’art. premier de la Charte(1) Objectif de l’art. 13, promouvoir l’égalité des chances indépendamment des considérations discriminatoires et prévenir la gravité du préjudice occasionné par la propagande haineuse, suffisamment important pour justifier la dérogation à la liberté d’expression(2) L’art. 13(1) répond au critère de proportionnalité(i) Rationnellement lié à l’objectif de la Loi pour aider à restreindre des activités jugées contraires à la promotion de l’égalité et de la tolérance dans la société(ii) Répond au critère de l’atteinte minimale comme la disposition n’est pas trop imprécise et n’a pas de portée trop largeConstitue un guide suffisant pour un débat judiciaire(iii) Degré de limite imposé par l’art. 13(1) n’est pas une restriction trop sévère.

Droit constitutionnel Partage des pouvoirs Les requérants diffusent des messages par téléphone qui sont susceptibles d’exposer les homosexuels à la haineL’art. 13(1) de la LCDP constitue en acte discriminatoire le fait de communiquer grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement des messages haineux à l’encontre de personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illiciteLe système de télécommunication s’étend à plusieurs provinces ou relie une province à d’autres, dans un ressort fédéralLes communications en cause sont relayés en tout ou partie grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal des droits de la personne enjoignant aux requérants de mettre fin à leur acte discriminatoire en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui constitue en acte discriminatoire le fait de communiquer grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement des messages haineux à l’encontre de personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illicite.

Après avoir composé le numéro de téléphone du requérant, l’intimé Payzant avait entendu un message enregistré qui incitait à piétiner « (les pédales)… dans les tourbières ». Le Tribunal a souligné que l’orientation sexuelle est un motif de distinction illicite et a conclu que le message était susceptible d’exposer à la haine ou au mépris les personnes homosexuelles, lesquelles appartiennent à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illicite.

L’alinéa 2a) de la Charte garantit la liberté de conscience et de religion; l’alinéa 2b) garantit la liberté d’expression et l’article 7 garantit à la personne le droit de ne pas être privé de la vie, de la liberté et de la sécurité, sauf en conformité avec les principes de la justice fondamentale.

Les points en litige étaient les suivants : le paragraphe 13(1) 1) était-il contraire aux alinéas 2a), 2b) et à l’article 7 de la Charte; 2) était-il inconstitutionnel; et 3) l’interprétation de l’orientation sexuelle par le Tribunal était-elle vague et trop large, ce qui violait les alinéas 2a), 2b) et l’article 7 de la Charte.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Le Tribunal avait suffisamment de preuve pour rendre sa décision. Il n’a pas excédé sa compétence ou autrement erré.

1) Le paragraphe 13(1) viole l’article 2 de la Charte. (i) La violation est cependant justifiée en vertu de l’article premier parce que l’objectif du paragraphe 13(1), qui est de promouvoir l’égalité des chances indépendamment des considérations discriminatoires et, de la même manière, de prévenir la gravité du préjudice occasionné par la propagande haineuse, est suffisamment important pour justifier la dérogation à la liberté d’expression. De plus, le fait que les valeurs de l’égalité et du multiculturalisme sont consacrées aux articles 15 et 27 de la Charte met davantage en relief l’importance de l’objectif visé par le législateur fédéral quand il a adopté le paragraphe 13(1).

(ii) Les moyens étaient raisonnables et justifiés par une démonstration : a) le paragraphe 13(1) a un lien rationnel avec l’objectif que vise l’adoption de cette disposition législative particulière. Cette disposition aide à restreindre des activités jugées contraires à la promotion de l’égalité et de la tolérance. b) Le paragraphe 13(1) répond aussi au critère de l’atteinte minimale. Les termes « haine » et « mépris » n’ont pas une portée trop large, et ils ne sont pas trop imprécis, vu qu’ils s’appliquent à des émotions exceptionnellement fortes et profondes de détestation. Dès lors, tant que le Tribunal tient compte de la nature passionnée et extrême du sentiment comme il est décrit dans la disposition, il y a peu de danger de faire preuve de subjectivité dans l’interprétation adéquate de la loi. L’absence d’une disposition d’interprétation dans la LCDP ne confère pas une portée trop large au paragraphe 13(1). Le paragraphe 13(1) constitue un guide suffisant pour les débats judiciaires et il n’est ni imprécis ni trop large dans sa portée. c) L’effet du paragraphe 13(1) sur la liberté d’expression n’est pas « si dommageable qu’il rende son existence intolérable dans une société libre et démocratique ». Dans le contexte des dispositions procédurales et réparatrices prévues par la LCDP, le paragraphe 13(1) a peu d’effets sur l’imposition de sanctions. En tant que tel, il n’impose pas un degré de restriction trop sévère à la liberté d’expression.

(2) Un système de télécommunications s’étendant au-delà d’une province ou liant une province à plusieurs autres relève de la compétence fédérale. Le caractère fédéral d’une entreprise ou d’un service dépend de la nature de ses opérations. À cet égard, les communications en cause en vertu du paragraphe 13(1) sont relayées, en tout ou partie, grâce aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement. L’affaire satisfait au critère de la compétence.

3) Il est un principe de justice fondamentale selon lequel les lois ne doivent pas être trop vagues. Les tribunaux hésiteront à décider qu’une disposition est imprécise au point de ne pas constituer une « règle de droit » au sens de l’article premier et examineront plutôt la portée de la disposition à la lumière du critère de « l’atteinte minimale ». Une loi sera jugée d’une imprécision inconstitutionnelle si elle manque de précision au point de ne pas constituer un guide suffisant pour un débat judiciaire — c’est-à-dire pour trancher quant à sa signification à la suite d’une analyse raisonnée appliquant des critères juridiques. Si l’on a respecté la norme générale minimale, on devrait examiner tous les autres arguments relatifs à la précision des textes de loi à l’étape de l’étude de « l’atteinte minimale » de l’analyse fondée sur l’article premier. L’« orientation sexuelle », en tant qu’un motif de distinction illicite, est une notion juridique précise puisqu’elle traite plus particulièrement de la préférence d’une personne en matière de sexe. Elle n’est ni trop imprécise ni d’une portée trop large. Plutôt, l’expression « orientation sexuelle » est un motif de distinction analogue en vertu de l’article 15 de la Charte. Dès lors, la LCDP devrait être interprétée, appliquée et administrée comme si « orientation sexuelle » y était prévue comme un motif de distinction illicite en vertu de l’article 3.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 2a),b), 7, 15, 24(1), 27.

Human Rights Act, S.B.C., 1984, ch. 22.

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 3, 13(1).

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 92.

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 52.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 57 (mod., idem, art. 19).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Haig v. Canada (1992), 9 O.R. (3d) 495; 94 D.L.R. (4th) 1; 40 C.R.R. (2d) 287; 57 O.A.C. 272 (C.A.); Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892; (1990), 75 D.L.R. (4th) 577; 13 C.H.R.R. D/435; 3 C.R.R. (2d) 116; La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; (1986), 26 D.L.R. (4th) 200; 24 C.C.C. (3d) 321; 50 C.R. (3d) 1; 19 C.R.R. 308; 65 N.R. 87; 14 O.A.C. 335; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697; (1990), 114 A.R. 81; [1991] 2 W.W.R. 1; 77 Alta. L.R. (2d) 193; 61 C.C.C. (3d) 1; 3 C.P.R. (2d) 193; 1 C.R. (4th) 129; 117 N.R. 284; R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606; (1992), 114 N.S.R. (2d) 91; 93 D.L.R. (4th) 36; 313 A.P.R. 91; 74 C.C.C. (3d) 289; 43 C.P.R. (3d) 1; 15 C.R. (4th) 1; 10 C.R.R. (2d) 34; 139 N.R. 241; Toronto Corporation v. Bell Telephone Company of Canada, [1905] A.C. 52 (P.C.); Alberta Government Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 2 R.C.S. 225; [1989] 5 W.W.R. 385; (1989), 26 C.P.R. (3d) 289; 98 N.R. 161.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513; (1995), 95 CLLC 210-025; Leshner v. Ontario (No. 2) (1992), 16 C.H.R.R. D/184 (Comm. d’enq. de l’Ont.); R. v. Barrett (1987), 82 A.R. 45; 56 Alta. L.R. (2d) 20; 39 C.C.C. (3d) 230 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Nealy c. Johnston (1989), 10 C.H.R.R. D/6450; R. c. Andrews, [1990] 3 R.C.S. 870; (1990), 77 D.L.R. (4th) 128; 61 C.C.C. (3d) 490; 1 C.R. (4th) 266; 3 C.R.R. (2d) 176; 117 N.R. 284; 47 O.A.C. 293.

DOCTRINE

Black’s Law Dictionary, 6th ed., St. Paul, Minnesota : West Publishing Co., 1990. « bestiality ».

Greenspan, Edward L. « Freedom of Expression in Canada : “Ifs, Buts and Whereases” » (1995), 29 L. Soc. Gaz. 212.

New Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles, Oxford : Clarendon Press, 1993 « bestiality » « paedophilia ».

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal des droits de la personne (Payzant c. Tony McAleer, Canadian Liberty Net and Harry Voccaro, [1994] D.C.D.P. no 4 (QL)), enjoignant aux requérants de mettre fin à leur acte discriminatoire, en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, cet acte consistant à diffuser par téléphone un message enregistré exposant les personnes homosexuelles à la haine et au mépris. Demande rejetée.

AVOCATS :

Douglas H. Christie, Victoria, pour les requérants.

Prakash Diar et John Payzant pour les intimés.

PROCUREURS :

Douglas H. Christie pour les requérants.

Commission canadienne des droits de la personne pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Joyal : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale[1], d’une décision du Tribunal des droits de la personne (le Tribunal), rendue le 27 janvier 1994 [[1994] D.C.D.P. no 4 (QL)], relativement à une ordonnance du Tribunal enjoignant aux requérants de mettre fin à leur acte discriminatoire, en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP)[2] selon lequel :

13. Constitue un acte discriminatoire le fait, pour une personne ou un groupe de personnes agissant d’un commun accord, d’utiliser ou de faire utiliser un téléphone de façon répétée en recourant ou en faisant recourir aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement pour aborder ou faire aborder des questions susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des critères énoncés à l’article 3.

Les présumés motifs de distinction dans l’espèce incluent l’orientation sexuelle, et plus particulièrement, l’homosexualité. Le Tribunal a également ordonné aux requérants de s’abstenir de tels actes à l’avenir, où que ce soit au Canada.

La chronologie des événements qui ont conduit à la présente audience est la suivante : les requérants ont d’abord présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour, le 28 février 1994. Puis, le 14 avril 1994, les deux parties ont accepté que la Commission canadienne des droits de la personne présente une requête visant à obtenir une ordonnance prorogeant le délai de dépôt de l’affidavit des intimés, ainsi que du dossier de la demande des requérants.

Par la suite, une date d’audience a été fixée au 4 mai 1995, et l’audience a effectivement eu lieu à cette date. Toutefois, du fait de certains manquements procéduraux, conformément à l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19], l’audience n’a pu se terminer à cette date, et elle a repris et s’est achevée le 13 décembre 1995.

LES FAITS

Les faits en l’espèce, comme ils sont résumés de façon compétente par le Tribunal, font valoir les plaintes présentées par l’intimé, John Payzant, en vertu du paragraphe 13(1) de la LCDP, dans lesquelles il prétend que les requérants avaient fait une distinction à son égard et ce, à cause de l’orientation sexuelle, exprimée dans des messages diffusés sur la ligne réservée des requérants entre le 31 décembre 1992 et le 15 janvier 1993. L’intimé-plaignant fait valoir que certains messages diffusés par téléphone étaient susceptibles de l’exposer à la haine ou au mépris. Il a déclaré dans son témoignage qu’il avait composé un numéro de téléphone, savoir le (604) 572-8863, à plusieurs reprises pendant cette période et qu’il avait entendu des messages qu’il interprétait comme une incitation à la haine et au mépris contre les gais et les lesbiennes. Le texte intégral de ce message se lit comme suit, tel qu’il a été reproduit à partir de la pièce TM-1 :

Transcrit le 8 janvier 1993 d’un message enregistré le 30 décembre 1992—Canadian Liberty Net

[traduction] Vous avez rejoint le Canadian Liberty Net, lundi 28 décembre 1992.

Dans les nouvelles, faites attention à la dernière attaque subtile contre votre liberté d’expression et de lecture. Je suis certain que bon nombre d’entre vous avez appris, avec un profond dégoût, qu’il existait en circulation un bulletin d’information pour pédophiles de la N.A.M.B.L.A., c’est-à-dire la North American Man Boy Love Association (association nord-américaine pour l’amour homme-garçon), laquelle préconise des relations sexuelles légales avec des enfants consentants. Le bulletin d’information est un guide à peine voilé du « comment faire » à l’intention des pédophiles. Le hic ici est que la police ne peut rien faire contre le bulletin de nouvelles, ce qui fait qu’il ne peut être intercepté à la douane. Aux termes du Code criminel, il est illégal d’importer des documents obscènes mais non pas de les posséder. Des démarches ont été faites pour modifier la loi de telle sorte que la possession de documents dont l’importation est illégale deviendrait un acte criminel. Pour ceux qui ne seraient pas au courant—cet article du Code criminel visé par la modification est le même que celui qui concerne ce que l’on appelle la propagande haineuse. Selon les modifications proposées, la possession, par exemple, des livres « International Jew » de Henry Ford, fondateur de la Ford Motor Corporation, ou « The Jews and Their Lives » de Martin Luther, le grand réformateur protestant, ou « Jewish Ritual Murder » de Arnold Leesis deviendrait un acte criminel. Soit dit en passant, nous pouvons obtenir tous ces livres et bien d’autres encore. Si vous êtes intéressés à obtenir l’un de ces livres, laissez votre nom et votre numéro de téléphone après le signal sonore. Il s’agit là de l’aspect habituellement douteux de la manœuvre utilisée par le Iron Heal à l’égard de ceux qui s’opposeraient à la légalisation de la possession du bulletin d’information de la N.A.M.B.L.A. Je pense que le bulletin d’information devrait être autorisé au Canada, mais que les pédophiles, qu’ils soient homosexuels ou autres, devraient être exécutés. Cela devrait réduire la possession ou la circulation du bulletin d’information au Canada. Que diable, les anciens Celtes avaient l’habitude de prendre leurs pédales et de les piétiner dans les tourbières. Ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée. Peut-être que nous avons enfin trouvé l’argument qui permettra d’éviter l’aménagement du marais Burns à Delta parce que c’est le seul marécage assez grand pour répondre aux besoins de la ville progressiste de Vancouver.

Passons à d’autres sujets. Une fois de plus, Tom Metzger de WAR, White Aryan Resistance (Résistance aryenne des blancs), fera une allocution le 22 janvier. Nous tenons le lieu secret, pour des raisons évidentes, mais à mesure que la date approche, nous annoncerons le lieu de rencontre où des instructions seront données pour le rassemblement le soir de l’événement. Ne manquez pas cette occasion. Je répète, Tom Metzger de White Aryan Resistance fait un discours à Vancouver. Pour obtenir des copies du bulletin d’information de WAR, envoyez 3 $ pour un exemplaire et 25 $ pour un abonnement d’un an—dollars US« à l’ordre de John Metzger à WAR, P.O. Box 65, Fallbrook, California, 92088. Aussi en vente par le Canadian Liberty Net, sa chanson « I’m too Nazi », 7 $, « Black on Black Hate Calls », 10 $, avec Lucius Tate, « Might is Right » 10 $. Envoyez les commandes à P.O. Box 35683, Vancouver, B.C. V6M 4G9 et rappelez-vous, on change le message de Liberty Net chaque semaine, généralement le lundi. Nous vous laissons maintenant sur ce poème de Rudyard Kipling : A Song of the White Man par Rudyard Kipling. (Il lit le poème et c’est la fin de la bande.)

LA DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ces faits, le Tribunal a conclu que les plaintes formulées en vertu du paragraphe 13(1) de la LCDP étaient fondées pour les raisons suivantes :

1. Les messages étaient transmis par le téléphone de McAleer par le biais du réseau téléphonique de B.C. Telephone, une entreprise relevant de la compétence du Parlement.

2. McAleer a reconnu qu’il avait fait en sorte que ce message soit diffusé sur sa ligne téléphonique.

3. Dans son analyse visant à savoir si le message communiqué était susceptible d’exposer à la haine ou au mépris une personne appartenant à un groupe sur la base d’un motif de distinction illicite, le Tribunal a souligné que l’intention d’établir une distinction n’est pas une condition préalable pour pouvoir conclure à une discrimination aux termes de la LCDP.

4. Le Tribunal a également statué que le message véhicule clairement une malice extrême envers un groupe de personnes, en l’occurrence les « pédales », et insinue que ces personnes n’ont aucune qualité qui les rachète. En tant que tel, le message crée une situation propice à la propagation de la haine.

De plus, le Tribunal a souligné qu’il est maintenant reconnu, depuis la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Haig v. Canada[3], que l’orientation sexuelle est un motif de distinction illicite et qu’il n’est pas nécessaire d’étoffer la définition de l’expression « orientation sexuelle ». En conséquence, le Tribunal a décidé que le message en l’espèce était susceptible d’exposer à la haine ou au mépris les personnes homosexuelles, lesquelles appartiennent à un groupe identifiable sur la base d’un motif de distinction illicite. À cet égard, le Tribunal a conclu qu’il convient d’évaluer l’effet du message plutôt que son intention.

Enfin, le Tribunal a noté que le fait que McAleer réprouve l’homosexualité est certainement une opinion qu’il peut communiquer librement par téléphone, à condition de ne pas le faire d’une façon qui contrevienne au paragraphe 13(1) de la LCDP.

LA THÈSE DES REQUÉRANTS

De l’avis des requérants, le paragraphe 13(1) de la LCDP ne relève pas de la compétence du Parlement puisqu’il constitue une ingérence dans la compétence exclusive des provinces en matière de propriété et des droits civils aux termes de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]]. À cet égard, la province de la Colombie-Britannique a adopté sa propre loi sur les droits de la personne (Human Rights Act [S.B.C. 1984, ch. 22]), et elle a promulgué une mesure législative dont le contenu est semblable à celui du paragraphe 13(1) de la LCDP. Les requérants font également valoir qu’un répondeur ne constitue pas une entreprise de télécommunication qui relève de la compétence législative du Canada.

Les requérants soutiennent aussi que le paragraphe 13(1) de la LCDP contrevient aux alinéas 2a) et 2b), ainsi qu’à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte). De plus, les requérants prétendent que l’interprétation du Tribunal de l’expression « orientation sexuelle » comme un motif de distinction illicite aux termes du paragraphe 13(1) de la LCDP est imprécise, qu’elle a une portée trop large et qu’elle viole de ce fait les alinéas 2a) et 2b) et l’article 7 de la Charte. À ce titre, le paragraphe 13(1) de la LCDP devrait être déclaré inopérant conformément à l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]].

De façon subsidiaire, les requérants affirment que l’inclusion de pédophiles dans l’interprétation de l’expression « orientation sexuelle » a une portée trop large, qu’elle viole de ce fait l’article 7 et les alinéas 2a) et 2b) de la Charte et qu’elle devrait être suspendue ou abrogée par l’application du paragraphe 24(1) de la Charte.

Les requérants précisent aussi les erreurs constatées dans le raisonnement conventionnel qui a suivi l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor[4]. À titre d’exemple, dans l’arrêt Egan c. Canada[5], la Cour suprême du Canada a fait remarquer que l’interdiction du mariage entre homosexuels ne constituait pas de la discrimination, ce qui signifiait que les intérêts sociaux légitimes de l’État peuvent prévaloir.

Les requérants prétendent également que la position de la Commission canadienne des droits de la personne, en l’espèce, ne satisfaisait pas au critère d’un [traduction] « mal social pressant » ni d’ailleurs au critère de rationalité et de proportionnalité. Elle ne faisait référence à aucun [traduction] « danger réel et actuel ». Il s’ensuit qu’il existe un grave risque que tout commentaire ou toute communication sur la race, la religion, l’orientation sexuelle ou l’un des autres objets énumérés au paragraphe 13(1) de la LCDP, contre lequel une plainte est déposée, soit immédiatement interdit au moyen de sanctions graves prévues pour les actes criminels advenant une autre plainte.

En outre, l’avocat des requérants fait référence aux conclusions du Tribunal et soutient que les faits dans ces cas-là doivent répondre au critère fondé sur la Charte. En effet, le comité a rejeté, par erreur et d’emblée, les arguments de l’avocat en ce qui concerne les « pédales » et les « sodomites ».

Il est également affirmé que le Tribunal a omis de prendre en considération le message ultérieur (pièce TM-2). Selon l’avocat, le deuxième message fait partie de la preuve et son contenu, bien sûr, est de nature à mitiger considérablement l’impression de « haine ou mépris » du premier message.

LA POSITION DES INTIMÉS

Comme le font remarquer les intimés, les requérants ne prétendent pas que le Tribunal a commis une erreur en arrivant à ses conclusions. Il est dès lors affirmé que si le pouvoir discrétionnaire prévu par la loi a été exercé de bonne foi, conformément aux principes de justice naturelle, et que l’on ne se soit pas fié à des considérations déplacées, les tribunaux ne devraient pas intervenir.

D’après les intimés, la décision du Tribunal est bien fondée pour les raisons suivantes :

(1) Le requérant, Tony McAleer, a avoué devant le Tribunal qu’il communiquait le message en cause par téléphone. De plus, la compagnie de téléphone de la Colombie-Britannique, B.C. Telephone Company, constituée en 1916 en vertu d’un acte du Parlement du Canada, est une entreprise de télécommunication qui relève de la compétence du Parlement puisque le système s’étend au-delà des frontières de la province et est assujetti à un règlement fédéral.

(2) Selon les intimés, la validité du paragraphe 13(1) de la LCDP a été examinée et confirmée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Taylor[6].

(3) Quant à l’inclusion de l’expression « orientation sexuelle » comme un motif de distinction illicite, les intimés soulignent que la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’affaire Haig[7], a statué que l’orientation sexuelle était un motif de distinction analogue en vertu de l’article 15 de la Charte.

(4) Les intimés soulignent aussi le fait que l’arrêt Haig, précité, a été accepté tant par le ministère de la Justice que par le Tribunal des droits de la personne comme étant du droit valable.

(5) Enfin, les intimés font valoir que les tribunaux, tant à l’échelon fédéral que provincial, reconnaissent que la notion d’« orientation sexuelle » n’inclut pas des actes illicites ou illégaux comme la pédophilie ou la bestialité, lesquels ne sont pas visés par la LCDP.

LE DROIT

A.        La constitutionnalité du paragraphe 13(1) de la LCDP

L’avocat des requérants a déjà contesté, sans succès, la constitutionnalité du paragraphe 13(1) de la LCDP devant la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Taylor[8]8 qui portait sur la question de savoir si, par son effet sur les communications tendant à exposer des personnes à la haine ou au mépris pour les motifs précis énumérés dans cette disposition, le paragraphe 13(1) violait les dispositions de la Charte.

Voici les articles pertinents de la Charte :

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion;

b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication.

Après avoir établi en premier lieu, que le paragraphe 13(1) violait la liberté d’expression, la Cour suprême du Canada a confirmé la violation d’après l’analyse fondée sur l’article premier de la Charte. La Cour a statué que le paragraphe 13(1) de la LCDP constituait une restriction raisonnable à la liberté d’expression. Vu la ressemblance entre les questions en litige, il est possible d’adopter aux présentes certains aspects de l’analyse effectuée par la Cour suprême dans l’arrêt Taylor, précité. À cet égard, la présente Cour peut reconnaître que le paragraphe 13(1) viole l’article 2 de la Charte et ainsi procéder à l’analyse fondée sur l’article premier pour déterminer si, à la lumière des faits particuliers, la violation peut être justifiée.

Selon le droit établi, il incombe aux intimés de montrer que la violation de la Charte est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique, conformément au critère à deux volets énoncé dans l’arrêt La Reine c. Oakes[9] et modifié plus récemment par la Cour suprême du Canada :

1. L’objectif qui doit être servi par les mesures limitant un droit garanti par la Charte doit être suffisamment important pour justifier une dérogation à un droit ou à une liberté protégé par la constitution.

2. Deuxièmement, la partie qui invoque l’article premier de la Charte doit établir que les moyens sont raisonnables et qu’ils peuvent être justifiés par une démonstration, répondant ainsi aux exigences d’un critère de proportionnalité qui comprend trois volets différents. À cet égard, dans l’arrêt Taylor[10], la Cour suprême du Canada a réitéré les principes bien connus de l’arrêt Oakes de la façon suivante :

… une mesure contestée n’est considérée comme proportionnée que si l’État démontre : (i) qu’il existe un lien entre la mesure et l’objectif de manière que cette mesure ne puisse être qualifiée d’arbitraire, d’injuste ou d’irrationnelle; (ii) que la mesure porte le moins possible atteinte au droit ou à la liberté en cause garantis par la Charte; et (iii) que les effets de la mesure ne sont pas sévères au point de représenter une restriction inacceptable du droit ou de la liberté.

B.        Application du critère à deux volets énoncé dans l’arrêt Oakes, dans le contexte de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés

1)         Le critère de l’objectif visé par la mesure législative

Dans son analyse, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Taylor, précité, a examiné en profondeur l’objet du paragraphe 13(1) de la LCDP. À cet égard, la Cour a noté que l’objectif du Parlement de promouvoir l’égalité des chances indépendamment des considérations discriminatoires et, de la même manière, de prévenir la gravité du préjudice occasionné par la propagande haineuse, est suffisamment important pour justifier la dérogation à la liberté d’expression. Le juge en chef Dickson a également déclaré que le fait que les valeurs de l’égalité et du multiculturalisme sont consacrées aux articles 15 et 27 de la Charte met davantage en relief l’importance de l’objectif visé par le législateur fédéral quand il a adopté le paragraphe 13(1). Dans son analyse, le juge en chef Dickson a adopté la conclusion suivante [à la page 922] de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Keegstra[11] :

… Je suis d’avis que la propagande haineuse apporte peu aux aspirations des Canadiens ou du Canada, que ce soit dans la recherche de la vérité, dans la promotion de l’épanouissement personnel ou dans la protection et le développement d’une démocratie dynamique qui accepte et encourage la participation de tous. Si je ne puis conclure que la propagande haineuse ne mérite qu’une protection minimale dans le cadre de l’analyse fondée sur l’article premier, je peux néanmoins reconnaître le fait que les restrictions imposées à la propagande haineuse visent une catégorie particulière d’expression qui s’écarte beaucoup de l’esprit même de l’al. 2b). Je conclus donc qu’« il se pourrait que des restrictions imposées à des expressions de ce genre soient plus faciles à justifier que d’autres atteintes à l’al. 2b) » …

Bien qu’il convienne de se rappeler que la Cour suprême était divisée quatre contre trois sur cette question et que, jusqu’à ce jour, la décision ne fait toujours pas l’unanimité, elle demeure une règle de droit du pays et doit, du moins en principe, être respectée.

2)         Le critère de proportionnalité

En ce qui concerne le premier volet du critère de proportionnalité, savoir le lien rationnel entre la mesure et l’objectif, je me reporte respectueusement à la conclusion du juge en chef Dickson dans l’arrêt Taylor[12]. En faisant une analogie entre cet arrêt et l’affaire dont je suis saisi, je devrais conclure que le paragraphe 13(1) de la LCDP a un lien rationnel avec l’objectif que vise l’adoption de cette disposition législative particulière. Plus précisément, cette disposition aide à restreindre des activités jugées contraires à la promotion de l’égalité et de la tolérance dans la société.

Quant au deuxième volet du critère de proportionnalité, il convient de s’attarder sur la prétention des requérants selon lesquels l’expression « orientation sexuelle » est imprécise et a une portée trop large, et peut être interprétée comme incluant des pratiques comme la pédophilie et la bestialité.

D’une part, il est important de noter que le juge en chef Dickson a conclu, dans l’arrêt Taylor, précité, que le paragraphe 13(1) répondait aussi au critère de « l’atteinte minimale », étant donné que la disposition n’était pas trop imprécise ni n’avait une portée trop large. À cet égard, il a fait les observations suivantes :

1. Les termes « haine » et « mépris » au paragraphe 13(1) n’ont pas une portée trop large, et ils ne sont pas trop imprécis, vu que ces termes s’appliquent à des émotions exceptionnellement fortes et profondes de détestation. Dès lors, tant que le Tribunal tient compte de la nature passionnée et extrême du sentiment comme il est décrit dans la disposition, il y a peu de danger de faire preuve de subjectivité dans l’interprétation adéquate de la loi.

2. L’absence d’une disposition d’interprétation dans la LCDP ne confère pas une portée trop large au paragraphe 13(1). Enfin, l’absence d’un élément d’intention dans la disposition ne pose aucun problème si l’on considère l’objectif du présent article.

D’autre part, il convient maintenant de s’attarder plus longuement sur le contexte précis du dépôt d’une plainte fondée sur l’« orientation sexuelle ». La jurisprudence clé en ce qui concerne l’abrogation d’un article du fait de son imprécision est l’arrêt R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society[13] dans lequel la Cour suprême du Canada, après un survol des décisions judiciaires pertinentes, a établi les principes généraux suivants.

Selon la Cour suprême du Canada, la question de l’imprécision peut être invoquée du chef de l’article 7 de la Charte ou de l’article premier puisqu’un principe de justice fondamentale exige que les lois ne soient pas trop imprécises. L’imprécision est aussi pertinente sous le volet « atteinte minimale » du critère énoncé dans l’arrêt Oakes. À cet égard, les tribunaux hésiteront à décider qu’une disposition est imprécise au point de ne pas constituer une « règle de droit » au sens de l’article premier et examineront plutôt la portée de la disposition à la lumière du critère de « l’atteinte minimale ». Le juge Gonthier explique aussi que la « théorie de l’imprécision » repose sur la primauté du droit, en particulier sur les principes voulant que les citoyens soient raisonnablement prévenus et que le pouvoir discrétionnaire en matière d’application de la loi soit limité.

En conclusion, le juge Gonthier a énuméré les facteurs suivants dont il faut tenir compte pour déterminer l’imprécision[14] :

… a) la nécessité de la souplesse et le rôle des tribunaux en matière d’interprétation; b) l’impossibilité de la précision absolue, une norme d’intelligibilité étant préférable; c) la possibilité qu’une disposition donnée soit susceptible de nombreuses interprétations qui peuvent même coexister.

De l’avis de la Cour suprême, la théorie de l’imprécision peut donc se résumer en une seule proposition[15] :

… une loi sera jugée d’une imprécision inconstitutionnelle si elle manque de précision au point de ne pas constituer un guide suffisant pour un débat judiciaire … c’est-à-dire pour trancher quant à sa signification à la suite d’une analyse raisonnée appliquant des critères juridiques.

De plus, cette norme d’« absence de débat judiciaire » s’applique à tous les textes de loi, de droit civil, de droit pénal, de droit administratif ou autre.

Le juge Gonthier affirme aussi que si l’on a respecté la norme générale minimale, on devrait examiner tous les autres arguments relatifs à la précision des textes de loi à l’étape de l’étude de « l’atteinte minimale » de l’analyse fondée sur l’article premier. À mon avis, le paragraphe 13(1) de la LCDP constitue un guide suffisant pour les débats judiciaires et il n’est ni imprécis ni trop large dans sa portée, comme le prétendent les requérants.

Enfin, il reste à examiner le dernier volet du critère de proportionnalité, c’est-à-dire la considération de l’effet de la disposition en cause. Dans l’arrêt Taylor[16], la Cour suprême du Canada ne considère pas que l’effet du paragraphe 13(1) sur la liberté d’expression soit « si dommageable qu’il rende son existence intolérable dans une société libre et démocratique ». La Cour suprême a aussi noté que dans le contexte des dispositions procédurales et réparatrices prévues par la LCDP, le paragraphe 13(1) a peu d’effet sur l’imposition de sanctions. En tant que tel, le paragraphe 13(1) n’impose pas un degré de restriction trop sévère à la liberté d’expression.

LA QUESTION DE LA COMPÉTENCE

L’argument selon lequel le paragraphe 13(1) de la Loi était inconstitutionnel et constituait une violation des champs de compétence provinciaux prévus à l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 a été soulevé par les requérants. Je ne me rappelle pas si cette revendication a été plaidée sérieusement à l’audience de la demande de contrôle judiciaire mais, quoi qu’il en soit, je devrais m’y attarder brièvement.

Déjà en 1905, dans l’affaire Toronto Corporation v. Bell Telephone Company of Canada[17], le Conseil privé avait statué qu’un système de télécommunication s’étendant au-delà d’une province ou liant une province à plusieurs autres relevait de la compétence fédérale.

De la même manière, dans l’affaire Alberta Government Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes)[18], la Cour suprême du Canada a décidé que, bien que AGT avait été constituée en vertu d’une loi provinciale pour fournir des services téléphoniques en Alberta, il s’agissait néanmoins d’une entreprise interprovinciale au sens de l’article 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867. En effet, la Cour suprême a statué que le caractère fédéral d’une entreprise ou d’un service dépendait de la nature de ses opérations. À cet égard, la Cour pouvait faire remarquer que AGT avait de nombreux liens commerciaux multilatéraux qui lui permettaient de jouer un rôle indispensable dans le réseau de télécommunication national du Canada.

Dans ces conditions, je suis d’avis que les communications en cause en vertu du paragraphe 13(1) de la LCDP sont relayées grâce « aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement », et que l’affaire dont je suis saisi satisfait au critère de la compétence.

LA QUESTION DE L’ORIENTATION SEXUELLE

La thèse avancée par l’avocat des requérants en ce qui concerne cette question est assez subtile et imaginative. Il s’agit d’un argument parallèle à celui qui a été avancé à l’égard du deuxième volet du critère de proportionnalité énoncé dans l’arrêt Oakes[19] et qui vise le sens vague et trop large qui peut être donné à l’orientation sexuelle.

L’avocat des requérants soutient que l’expression « orientation sexuelle » inclut toutes les formes d’activité sexuelle. Ces activités peuvent englober non seulement celles qui concernent les gais et les lesbiennes adultes, mais aussi la pédophilie, l’inceste, le viol par une connaissance, la bestialité et d’autres formes de comportement sexuel.

Il s’ensuit, selon l’avocat, que le Tribunal aurait tort de ne pas tenir compte de l’ensemble de la communication sur la ligne réservée afin d’interpréter le message contesté comme s’adressant à des gais et des lesbiennes affectueux et généreux. Il s’agit là d’une erreur particulièrement maladroite lorsque la première pointe du message est dirigée contre la North American Man Boy Love Association (NAMBLA), laquelle préconise les relations sexuelles avec des enfants consentants et dont le bulletin d’information est décrit comme un guide à peine voilé du « comment faire » à l’intention des pédophiles.

Il en va de même, selon l’avocat, d’un message ultérieur, déposé sous la cote TM-2, qui essaye d’éclaircir les ambiguïtés du premier message et qui cite des extraits d’une brochure sur la sexualité sans risque publiée par AIDS—Vancouver portant sur des pratiques comme la « pénétration anale du poing » et l’« anilingus », les risques d’infection causés par l’urine et les excréments sur la peau éraflée, ou les méthodes de torture sécuritaires, que ce soit par flagellation, marquage au fer, au couteau ou par borne électrique.

La conclusion que l’avocat des requérants souhaite que la Cour adopte est que le Tribunal a simplement dit que la plainte était justifiée et que les déclarations sur les pédales et les marais étaient susceptibles d’exposer le plaignant à la haine ou au ridicule. Il s’agit de ce qu’on appelle une opération d’approbation sans discussion qui a pour effet de changer l’ordre établi en matière de droits et libertés garantis par la Charte. Elle fait fi, de façon opportune, du fait que le paragraphe 13(1) de la LCDP constitue une violation de l’article 2 de la Charte et que sa constitutionnalité est sauvegardée uniquement en vertu de l’article premier. La nouvelle méthode présume que tout commentaire critique, dans l’un des domaines de discrimination, est à première vue contraire au paragraphe 13(1) et, comme je comprends les conséquences de l’argument de l’avocat, il y a inversion du fardeau sur la mauvaise partie. Au fond, comme l’affirme l’avocat des requérants, le paragraphe 13(1) doit toujours être considéré comme inconstitutionnel, à moins que sa validité ne puisse être sauvegardée en vertu de l’article premier. La charge de la justification de la règle de droit repose sur le plaignant ou sur la Couronne et n’est jamais inversée. À cet égard, l’avocat des requérants estime que le Tribunal a commis une erreur.

À mon avis, les arguments présentés par l’avocat sont certainement pertinents dans les questions soulevées mais, en toute déférence, ils ne sont pas concluants. Ces arguments constituent davantage l’expression d’une inquiétude voulant que l’interdiction prévue dans le paragraphe 13(1), restreignant comme elle le fait l’exercice de la liberté d’expression fondamentale, pourrait être appliquée chaque fois que l’orthodoxie politique le commande.

À cet égard, je renvoie les parties à un article de Edward L. Greenspan, c.r., présenté dans le cadre d’une série de conférences organisée par l’ambassadeur à l’ambassade du Canada à Washington (D.C.) en septembre 1995, publié dans le numéro de septembre-décembre 1995 du Law Society of Upper Canada Gazette et sous le titre « Freedom of Expression in Canada : “Ifs, Buts and Whereases” ». À mon avis, l’article contient beaucoup d’éléments de réflexion, mais je ne pense pas que, jusqu’à présent, l’application du paragraphe 13(1) ne soit devenue abusive, ou que les tribunaux des droits de la personne ne soient devenus eux-mêmes des stéréotypes.

De plus, il me serait difficile de trouver un fondement valable à l’argument selon lequel l’inclusion de l’expression « orientation sexuelle » dans la définition de discrimination équivaudrait à sanctionner ou à protéger de façon légale les actes de pédophilie ou de bestialité.

Dans l’affaire Leshner v. Ontario (No. 2)[20], les commentaires suivants ont été faits sur la notion d’« orientation sexuelle » :

[traduction] L’expression « orientation sexuelle » a été ajoutée au Code comme un motif illicite en 1986 (L.O. 1986, ch. 64, art. 18(1)). Bien qu’elle ne soit pas définie dans le Code, il est « habituellement entendu qu’elle dénote l’orientation d’un individu ou sa préférence en termes de relations sexuelles avec d’autres, qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles ou peut-être les deux » (Plaidoirie de l’intimé, par. 26). Comme M. Valverde l’a déclaré dans sa déposition, l’orientation sexuelle est un aspect essentiel de l’identité psychologique d’un individu. M. Valverde a souligné que le fonctionnement de l’orientation sexuelle en ce qui concerne l’identité d’une personne est semblable à celui de la religion ou de l’ethnicité (Transcription, vol. 5, aux pp. 52 à 57). La reconnaissance publique de l’identité d’un individu et de sa dignité inhérente est fondamentale dans l’intégration sociale saine dans la vie communautaire.

En comparaison, la pédophilie a été définie de la façon suivante dans l’affaire R. v. Barrett[21] :

[traduction] La pédophilie est définie comme étant « le désir sexuel d’un adulte pour un enfant » (Random House Dictionary of the English Language, 1987). Le fait que deux actes sexuels commis par un accusé avec deux jeunes filles constitueraient (s’ils étaient prouvés) des actes de « pédophilie » ne signifie pas, en soi, que « la preuve de faits semblables » du premier plaignant est recevable au procès qui découle de la deuxième plainte.

Dans le New Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles, vol. 2, (1993), la pédophilie est définie succinctement comme une [traduction] « attraction sexuelle pour les enfants ».

Quant à la signification de « bestialité », le Oxford Dictionary définit cette notion comme une [traduction] « copulation entre une personne et un animal ». Pour sa part, le Blacks’ Law Dictionary, 6e éd, 1990, St.Paul, Minnesota, définit cette notion comme suit : [traduction] « une relation sexuelle entre un être humain et un animal … En common law le terme « crime contre nature » incluait à la fois la « sodomie » et la “bestialité” ».

Quelles que soient les valeurs morales véhiculées par ces notions, je ne peux souscrire à l’avis des intimés selon lesquels ces actes ne sont certainement pas inclus dans la notion d’« orientation sexuelle » et qu’il ne convient pas vraiment de s’attarder sur la distinction entre eux. À mon avis, l’expression « orientation sexuelle », en tant que motif de distinction illicite, est une notion juridique précise puisqu’elle traite plus particulièrement de la préférence d’une personne en matière de sexe. Elle n’est ni trop imprécise ni d’une portée trop large. Plutôt, comme il a été établi récemment dans l’affaire Haig v. Canada[22], l’expression « orientation sexuelle » est un motif de distinction analogue en vertu de l’article 15 de la Charte. Dès lors, la Cour d’appel a conclu que la LCDP devrait être interprétée, appliquée et administrée comme si « orientation sexuelle » y était prévue comme un motif de distinction illicite en vertu de l’article 3 de la Loi[23].

Je fais référence, à cet égard, au passage suivant de la décision dans l’arrêt Taylor[24], laquelle a été citée précédemment par le Tribunal dans l’espèce :

En somme, les termes employés au par. 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne n’englobent que l’expression qui donne naissance au mal que l’on vise à éliminer et ils établissent une norme de conduite suffisamment précise pour empêcher le résultat inacceptable que serait la paralysie de l’activité expressive. De plus, tant que le Tribunal des droits de la personne demeurera bien conscient de l’objet du par. 13(1) et tiendra compte de la nature à la fois virulente et extrême des sentiments évoqués par les termes « haine » ou « mépris », il y a peu de danger qu’une opinion subjective quant au caractère offensant vienne se substituer à la véritable signification du paragraphe en cause.

Le paragraphe 13(1) n’envisage que les effets probables et il semble être sans pertinence qu’un individu ait voulu exposer des personnes à la haine ou au mépris en raison de leur race ou de leur religion [ou de leur orientation sexuelle, comme dans l’espèce—non souligné dans l’original].

CONCLUSIONS

Comme dans l’affaire portant sur des messages semblables examinés minutieusement au regard du paragraphe 13(1), la Cour doute peu que le Tribunal en l’espèce avait suffisamment de preuve pour rendre sa décision. Le Tribunal n’a pas, à mon humble avis, rendu une décision entachée d’une erreur en matière de compétence ou autre, qui justifierait l’intervention de la présente Cour par voie de contrôle judiciaire.

La lecture des motifs arrêtés de la décision du Tribunal me convainc que, dans l’ensemble, le Tribunal s’est appuyé sur une preuve appropriée et pertinente; le Tribunal était conscient de son mandat en vertu du paragraphe 13(1) et, à mon avis, il a adroitement analysé le nouveau champ de distinction en vertu de la LCDP, savoir l’orientation sexuelle.

De plus, le Tribunal a traité de façon efficace de la notion d’intention ou de mens rea dans l’évaluation du message contesté, et il a correctement appliqué la doctrine exposée dans l’arrêt Taylor[25] et dans l’affaire Nealy v. Johnston[26] à cet égard.

Quant au sens de l’expression « orientation sexuelle », la Cour admet d’office que l’expression n’a pas semblé troubler les tribunaux provinciaux qui en sont saisis depuis un certain temps.

Le Tribunal n’a pas omis de faire enquête sur des gais et lesbiennes identifiés sur la base de leur orientation sexuelle et de rendre des décisions à leur égard, et son raisonnement à cet égard ne peut être jugé défaillant. En outre, le président du Tribunal s’est expressément inquiété de la portée à donner à « orientation sexuelle » et il s’est demandé, à la page 605 et suivantes de la transcription de la procédure,

[traduction] … si nous en serions là si, en fait, le message avait été formulé de façon légèrement différente, visant uniquement et clairement les pédophiles, et si le message incitait les gens à faire ce que les Celtes avaient censément fait … , les lois protégeraient-elles les individus contre l’incitation à la solution de justicier et à ce type de haine.

À mon avis, cette réflexion montre clairement que le président et son tribunal étaient très conscients des points en litige et qu’ils les avaient bien définis dans leur esprit aux fins de l’enquête.

Les juges et les juristes ont souvent fait observer qu’aucun droit ou liberté garanti par la Charte n’est absolu et, dans de nombreux cas, le rôle de la Cour a été d’équilibrer les droits et libertés en conflit. Quels sont les éléments qui feront pencher la balance vers l’un ou l’autre de ces droits? Souvent, il s’agit d’un choix forcé, la limite d’un droit particulier bénéficiant simplement à un autre droit.

Ce même raisonnement s’applique aux éléments qui légitimeront ou non une violation de la Charte par un recours à l’article premier de ce document. La difficulté qu’il y a à atteindre une solution acceptable dans tous ces cas est peut-être le mieux illustrée par une référence aux décisions de la Cour suprême du Canada dans les arrêts R. c. Andrews[27], Keegstra[28] et Taylor[29]. Dans chacune de ces affaires, la Cour était divisée à quatre contre trois, et tant la majorité que la dissidence présentaient des motifs bien convaincants pour le jugement.

Je pourrais réitérer ici que les arguments plus généraux avancés par l’avocat des requérants et auxquels j’ai fait référence, que ce soit directement ou indirectement dans les présents motifs, reflètent davantage une inquiétude que le paragraphe 13(1) ne devienne un moyen facile de taire l’expression de tout avis qui, à l’occasion, n’est ni juste ni faux, mais simplement impopulaire. Un tel risque existe sans doute et, à mon avis, il convient de le rappeler régulièrement à nos institutions. Pour paraphraser les paroles célèbres de Thomas Jefferson, je pourrais ajouter ici : [traduction] « Le prix à payer pour la liberté d’expression est la vigilance éternelle ».

Au demeurant, toutefois, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.



[1] L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

[2] L.R.C. (1985), ch. H-6.

[3] (1992), 9 O.R. (3d) 495 (C.A.).

[4] [1990] 3 R.C.S. 892.

[5] [1995] 2 R.C.S. 513.

[6] [1990] 3 R.C.S. 892.

[7] (1992), 9 O.R. (3d) 495 (C.A.).

[8] [1990] 3 R.C.S 892.

[9] [1986] 1 R.C.S 103.

[10] [1990] 3 R.C.S 892, à la p. 921.

[11] [1990] 3 R.C.S. 697, à la p. 766.

[12] [1990] 3 R.C.S 892.

[13] [1992] 2 R.C.S. 606.

[14] Précité, à la p. 627.

[15] Précité, aux p. 643 et 639.

[16] [1990] 3 R.C.S. 892, à la p. 939.

[17] [1905] A.C. 52 (P.C.).

[18] [1989] 2 R.C.S. 225.

[19] [1986] 2 R.C.S. 103.

[20] (1992), 16 C.H.R.R. D/184 (Comm. d’enq. de l’Ont.), aux p. D/196 et D/197.

[21] (1987), 82 A.R. 45 (C.A.).

[22] (1992), 9 O.R. (3d) 495 (C.A.).

[23] Idem, à la p. 496.

[24] Précitée, aux p. 929 et 931.

[25] [1990] 3 R.C.S. 892.

[26] (1989), 10 C.H.R.R. D/6450, aux p. D/6468 et D/6471.

[27] [1990] 3 R.C.S. 870.

[28] [1990] 3 R.C.S. 697.

[29] [1990] 3 R.C.S. 892.

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