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[1996] 2 C.F. 853

T-293-91

Granville Shipping Co. Inc. (demanderesse)

c.

Pegasus Lines Ltd. S.A., Amican Navigation Inc. et Sa Majesté la Reine du chef du Canada (défenderesses)

Répertorié : Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. (1re inst.)

Section de première instance, juge Tremblay-Lamer—Montréal, 25 janvier et 21 février 1996.

PratiqueJugements et ordonnancesJugement sommaireAction en recouvrement du louage dû relativement à l’affrètement d’un navireLes défendeurs réclament la compensationLes art. 432.3 et 432.6 renferment des dispositions au sujet des jugements sommairesRésumé des principes généraux applicables Des questions sérieuses ont été soulevées au sujet de la déduction de certaines dépenses du prix du louageLa preuve est insuffisante pour que le tribunal puisse prononcer un jugement sommaireComme des questions de crédibilité sont également soulevées, la Cour sera plus en mesure de résoudre les contradictions de la preuve en entendant des témoignages de vive voix.

Droit maritimeContratsRenvoi à l’arbitrageAction en recouvrement d’un louage et de carburant diesel impayés; demande reconventionnelle pour les dommages subis par suite du refus du capitaine de décharger la cargaison parce qu’il croyait que le mouillage n’était pas sûrLa charte-partie prévoit l’arbitrage des différendsLa demanderesse demande un jugement sommaire et le renvoi de la demande reconventionnelle à l’arbitrageL’art. 8 du Code d’arbitrage commercial précise qu’il y a renvoi à l’arbitrage si l’une des parties le demande au plus tard lorsqu’elle soumet ses premières conclusions quant au fond du différendLa demande n’a pas été présentée en temps opportunEn choisissant d’introduire une action devant la Cour fédérale du Canada, la demanderesse a renoncé à son droit de demander l’arbitrageEn produisant une défense, les défenderesses ont reconnu la compétence de la CourLa demande et la demande reconventionnelle sont étroitement liéesElles devraient toutes les deux être instruites.

EquityCompensationRequête en jugement sommaireLa défenderesse demande que l’acompte qu’elle a versé soit déduit du prix de louage que la demanderesse lui réclameLes demandes sont étroitement liéesLa preuve n’est pas suffisante pour permettre au tribunal de trancher les questions en litigeLes art. 432.1 et suivants des Règles doivent être interprétés dans le contexte qui est le leur, sans analyser la question de savoir s’il s’agit d’une demande de compensation en equity.

Il s’agit d’une requête visant à obtenir un jugement sommaire en vertu des articles 432.1 à 432.3 des Règles, ainsi que le renvoi de la demande reconventionnelle à l’arbitrage. Le propriétaire du navire défendeur a réclamé une somme due en vertu d’une charte-partie au titre du louage, de combustible et du carburant diesel impayés. L’affréteur défendeur, la Pegasus Lines Ltd., cherchait à obtenir que la somme qu’elle avait versé à titre d’acompte soit déduite de la somme réclamée par la demanderesse et a présenté une demande reconventionnelle par laquelle elle réclamait des dommages-intérêts pour le préjudice subi par suite du refus du capitaine de décharger la cargaison au motif que le mouillage n’était pas sûr. Le consignataire italien de la cargaison a fait saisir le navire pour garantir le paiement des dommages-intérêts qu’il réclamait.

L’article 423.1 des Règles prévoit qu’un jugement sommaire doit être prononcé lorsqu’il n’existe aucune question sérieuse à instruire. Lorsqu’il y a une question sérieuse à instruire, le juge peut néanmoins rendre un jugement sommaire, soit sur une question ou en général, sauf lorsque l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour que le juge puisse trancher les questions de fait ou de droit ou que le juge estime injuste de trancher les questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire.

L’article 41 de la charte-partie prévoit que les dépenses engagées peuvent être déduites des sommes dues au titre du louage sur production de pièces justificatives. L’article 88 précise qu’en cas de conflit, le différend doit être renvoyé à l’arbitrage.

Jugement : la requête doit être rejetée.

Les dispositions relatives aux jugements sommaires ont pour but de permettre à la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu’elle n’estime pas nécessaire d’instruire parce qu’elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire. Un des critères applicables consiste à déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès. Chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien. Les règles de pratique provinciales peuvent faciliter l’interprétation. Saisie d’une requête en jugement sommaire, la Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire. Le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s’il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire. Lorsqu’une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l’affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès. L’existence d’une apparente contradiction de preuves n’empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l’affaire et décider s’il y a des questions de crédibilité à trancher.

Il existe en l’espèce plusieurs questions sérieuses à instruire, notamment en ce qui concerne : 1) l’authenticité de certaines pièces justificatives; 2) la question de savoir si la demanderesse devrait accepter certains frais et dépenses d’agence; 3) la question de savoir si les frais engagés en raison du présumé retard au congé du navire et les dépenses imputables à la saisie du navire peuvent être soustraits du prix du louage. Il est nécessaire d’interpréter la charte-partie pour décider ces questions. La preuve n’est pas suffisante pour permettre au juge de rendre un jugement sommaire. De plus, comme les questions de crédibilité sont importantes en l’espèce, la Cour sera plus en mesure de résoudre les contradictions de la preuve en entendant des témoignages de vive voix.

L’article 8 du Code d’arbitrage commercial précise qu’il y a renvoi à l’arbitrage « si l’une [des parties à l’arbitrage] le demande au plus tard lorsqu’elle soumet ses premières conclusions quant au fond du différend ». La demanderesse a choisi d’introduire une action devant la Cour fédérale du Canada. Les défenderesses ont reconnu la compétence de la Cour en déposant une défense. Elles ont en outre produit une demande reconventionnelle que la demanderesse cherche à faire renvoyer à l’arbitrage, étant donné qu’il s’agissait d’une instance distincte. La demande d’arbitrage n’a pas été présentée en temps opportun. La demanderesse ne peut demander maintenant que la demande reconventionnelle soit renvoyée à l’arbitrage et que l’action principale soit suspendue. La demanderesse a renoncé à son droit de demander le renvoi à l’arbitrage. La volonté des parties quant au choix de la juridiction est clair. Les deux demandes seront donc instruites. Cette conclusion se justifie en outre par le fait que les demandes sont étroitement liées et qu’elles ne devraient pas être scindées.

Les différends découlent de la même charte-partie, mais la preuve versée au dossier n’est pas suffisante pour permettre à la Cour de trancher les questions en litige. Les articles 432.1 et suivants des Règles doivent être interprétés dans le contexte qui est le leur et non en fonction d’une analyse de la question de savoir s’il s’agit effectivement d’une demande de compensation en equity.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Code d’arbitrage commercial, qui constitue l’annexe à la Loi sur l’arbitrage commercial, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17, art. 7, 8.

Loi sur l’arbitrage commercial, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 432.1 (édictée par DORS/94-41, art. 5), 432.2 (édictée, idem), 432.3 (édictée, idem), 432.6 (édictée, idem).

Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règl. 194, Règle 20.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Nanisivik Mines Ltd. c. F.C.R.S. Shipping Ltd., [1994] 2 C.F. 662 (1994), 113 D.L.R. (4th) 536; 167 N.R. 294 (C.A.); Ruhrkohle Handel Inter GMBH c. Federal Calumet (Le), [1992] 3 C.F. 98 (1992), 144 N.R. 70 (C.A.); conf. sub nom. Ruhrkohle Handel Inter GmbH c. Fednav Ltd. (1991), 36 C.P.R. (3d) 521; 49 F.T.R. 316 (C.F. 1re inst.); Maersk Inc. c. Coldmatic Refrigeration of Canada Ltd. (1994), 74 F.T.R. 70 (C.F. 1re inst.); Vallorbe Shipping Co. S.A. c. Le Tropwave, [1975] C.F. 595 (1re inst.); Marine Atlantic Inc. c. Blyth (1994), 77 F.T.R. 97 (C.F. 1re inst.); Homelife Realty Services Inc. c. Sears Canada Inc., [1996] F.C.J. no 51 (1re inst.) (QL).

DÉCISIONS MENTIONNÉES :

Nova Scotia Barristers’ Liability Claims Fund c. Navire Ashley Lynn (1994), 80 F.T.R. 141 (C.F. 1re inst.); Productions & Distributions Vidéodrome Inc. c. Cavis Marketing Inc. (1994), 56 C.P.R. (3d) 449; 82 F.T.R. 88 (C.F. 1re inst.); Patrick c. Canada, [1994] F.C.J. no 1216 (1re inst.) (QL); Penthouse International Ltd. c. 163564 Canada Inc. (1994), 86 F.T.R. 95 (C.F. 1re inst.); Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al. (1994), 58 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.); Kishinchand & Sons (Hong Kong) Ltd. c. Wellcorp Container Lines Ltd., [1995] 2 C.F. 37 (1994), 88 F.T.R. 301 (1re inst.); Forde c. Canada (Ministre du Revenu national, Douanes et AcciseM.R.N.), [1995] F.C.J. no 48 (1re inst.) (QL); Mintzer (N. A.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 220; (1995), 95 DTC 5131; 90 F.T.R. 314 (C.F. 1re inst.); conf. à [1996] 2 C.F. 146(C.A.); Expeditors International Forwarding Ltd. c. Propack Systems Ltd. (1995), 92 F.T.R. 281 (C.F. 1re inst.); Pallmann Maschinenfabrik G.m.b.H. Co. KG c. CAE Machinery Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 26 (C.F. 1re inst.); Shelburne Marine Ltd. c. Stokes, [1995] F.C.J. no 1547 (1re inst.) (QL); Collie Woollen Mills Ltd. c. Canada, [1996] F.C.J. No. 193 (1re inst.) (QL); Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le), [1995] 3 C.F. 68 (1995), 184 N.R. 307 (C.A.); Pizza Pizza Ltd. v. Gillespie (1990), 75 O.R. (2d) 225; 45 C.P.C. (2d) 168; 33 C.P.R. (3d) 515 (Div. gén.).

REQUÊTE visant à obtenir un jugement sommaire et le renvoi à l’arbitrage d’une demande reconventionnelle. La requête est rejetée.

AVOCATS :

David G. Colford pour la demanderesse.

Louis Buteau pour les défendeurs.

PROCUREURS :

Brisset Bishop, Montréal, pour la demanderesse.

Sproule, Castonguay, Pollack, Montréal, pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Tremblay-Lamer : La Cour est saisie d’une requête présentée par la demanderesse en vue d’obtenir un jugement sommaire en vertu des Règles 432.1 à 432.3 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663 (édictée par DORS/94-41, art. 5)], ainsi que le renvoi de la demande reconventionnelle à l’arbitrage.

Le fond de l’affaire porte sur le droit maritime et le litige concerne une charte-partie. L’action principale a été introduite le 7 février 1991 par voie de déclaration. Les défenderesses ont répondu en déposant des défenses, ainsi que, dans le cas de la Pegasus, une demande reconventionnelle. Bien que Sa Majesté soit au nombre des défenderesses, une entente est intervenue entre les parties afin de ne pas aborder les points litigieux concernant Sa Majesté tant que l’action principale ne serait pas tranchée.

LES FAITS

La Granville Shipping Co. Inc. est le propriétaire d’un navire appelé le M.V. Young Sportsman. Pour leur part, les défenderesses Pegasus Lines Ltd. et Amican Navigation Inc. exploitent toutes les deux une entreprise d’affrètement de navires. L’Amican Navigation Inc. dirige une entreprise en tant que mandataire général de la Pegasus Lines Ltd. Le Young Sportsman a été affrété par les défenderesses pour transporter des produits laitiers qui ont été expédiés par la Commission canadienne du lait à titre de mandataire de Sa Majesté la Reine. La charte-partie a été signée le 28 septembre 1990 et a expiré à la fin de décembre de la même année. La Granville affirme qu’à l’expiration du contrat, on lui devait en tout 63 468 45 $ US (73 623 40 $ CAN) au titre du louage, du combustible et du carburant diesel impayés.

La Pegasus affirme, dans sa défense modifiée, qu’elle ne doit rien à la demanderesse. La Pegasus soutient qu’elle a versé 91 890 36 $ US (118 850 99 $ CAN) à titre d’acompte et que cette somme devrait être déduite du prix de louage réclamé par la demanderesse. Elle réclame en outre le paiement du solde restant après compensation.

La Pegasus réclame également dans sa demande reconventionnelle une somme de 175 690 05 $ US (227 237 51 $ CAN) à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu’elle a subi en raison des actes ou des omissions commis par le capitaine du navire alors que le navire était en rade de Catane, en Italie. Le problème a surgi lorsque le capitaine a refusé de décharger la cargaison au motif que les conditions n’étaient pas favorables. En conséquence, le consignataire italien de la cargaison du navire a saisi le navire pour garantir le paiement des dommages-intérêts qu’il réclamait.

QUESTIONS EN LITIGE ET ANALYSE

1.         Jugement sommaire

Voici le libellé des Règles 432.3 et 432.6 [édictées, idem] des Règles de la Cour fédérale concernant les jugements sommaires :

Règle 432.3 (1) Lorsque le juge est convaincu qu’il n’existe aucune question sérieuse à instruire à l’égard d’une réclamation ou d’une défense, il rend un jugement sommaire en conséquence.

(2) Lorsque le juge est convaincu que la seule question sérieuse est le montant auquel la partie requérante a droit, il peut ordonner l’instruction de cette question ou rendre un jugement sommaire assorti d’un renvoi pour détermination du montant.

(3) Lorsque le juge est convaincu que la seule question sérieuse en est une de droit, il peut statuer sur celle-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(4) Lorsque le juge décide qu’il existe une question sérieuse à l’égard de la réclamation ou de la défense, il peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d’une partie, soit sur une question ou en général, sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour qu’il puisse trancher les questions de fait ou de droit;

b) il estime injuste de trancher les questions dans le cadre de la requête en vue d’obtenir un jugement sommaire.

(5) Lorsqu’une requête en vue d’obtenir un jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, le juge peut ordonner que l’action ou les questions qui y sont soulevées et qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière courante, mais, à la demande d’une partie, le juge peut ordonner une instruction avancée en vertu de la règle 327.1.

Règle 432.6 Lorsqu’il semble que l’exécution d’un jugement sommaire doit être suspendue jusqu’à la détermination de toute autre question soulevée dans l’action, dans une demande reconventionnelle ou dans une demande présentée par un tiers, le juge peut en ordonner la suspension suivant les conditions qu’il estime justes. [C’est moi qui souligne.

Il convient de noter d’entrée de jeu que, comme les dispositions précitées des Règles ne sont entrées en vigueur que le 13 janvier 1994, elles font l’objet d’une jurisprudence peu abondante de la part de notre Cour[1].

J’ai examiné toute la jurisprudence se rapportant aux jugements sommaires et je résume les principes généraux en conséquence :

1. ces dispositions ont pour but d’autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu’elle n’estime pas nécessaire d’instruire parce qu’elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al.[2]);

2. il n’existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le)[3]), mais le juge Stone, J.C.A. semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. v. Gillespie[4]. Il ne s’agit pas de savoir si une partie a des chances d’obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès;

3. chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth[5] et Feoso[6]);

4. les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l’Ontario [R.R.O. 1990, Règl. 194]) peuvent faciliter l’interprétation (Feoso[7] et Collie[8]);

5. saisie d’une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l’Ontario) (Patrick[9]);

6. le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s’il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman[10] et Sears[11]);

7. lorsqu’une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l’affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde[12] et Sears[13]). L’existence d’une apparente contradiction de preuves n’empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l’affaire et décider s’il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes[14]).

Dans le mémoire contenant l’exposé des faits et du droit qu’elle a produit en août 1994, la demanderesse soutient que la réclamation portant sur le solde impayé de 63 468 45 $ US n’est pas contestée et que les défenderesses devraient être condamnées à payer cette somme aux termes d’un jugement sommaire. La somme initiale qui était réclamée dans la première déclaration a été ramenée de 86 733 56 $ US à 63 468 45 $ US, parce que la demanderesse a accepté de déduire les sommes attestées par des pièces justificatives authentiques. L’article 41 de la charte-partie prévoit en effet expressément que les dépenses engagées peuvent être déduites des sommes dues au titre du louage sur production de pièces justificatives. Conformément à cet article, la demanderesse a refusé de soustraire d’autres sommes parce qu’aucune pièce justificative authentique n’a été présentée.

Suivant la demanderesse, la somme de 63 468 45 $ US constitue donc le solde dû après la compensation en equity des créances pour lesquelles les défenderesses ont produit des pièces justificatives authentiques attestant les dépenses engagées pour le compte de la demanderesse.

La demanderesse soutient que le témoignage de M. Karathanos, président de la compagnie défenderesse Amican Navigation, confirme que la somme de 63 468 45 $ US constitue le solde dû au titre du louage, et que les sommes qui sont réclamées par les défenderesses ne peuvent être déduites en equity du prix de louage dû, mais qu’elles doivent être réclamées séparément. En conséquence, la demanderesse sollicite un jugement sommaire pour sa créance.

Les défenderesses affirment qu’il y a des questions sérieuses qui devraient être instruites. La thèse des défenderesses se résume de la façon suivante :

—bien qu’il n’y ait pas de litige en ce qui a trait à la période d’affrètement, il y a plusieurs questions sérieuses à instruire en ce qui concerne le calcul du prix du louage en conformité avec les modalités de la charte-partie;

—l’exactitude du calcul du prix de louage effectué par la demanderesse n’a jamais été admise, sauf exclusivement en ce qui concerne l’évaluation de la créance de la Pegasus pour ce qui est de la différence entre les sommes encore dues par la Pegasus;

—la demanderesse a accepté de déduire certaines sommes; toutefois, les questions suivantes—qui peuvent faire l’objet d’un procès—demeurent non résolues en ce qui concerne le calcul du prix de louage conformément aux modalités de la charte-partie :

a) Bien que la demanderesse ait convenu d’accepter des frais d’agence pour les services rendus par l’Amican à Québec, Cacouna et Contrecœur, elle refuse d’accepter les frais et dépenses d’agence engagés à Nordenham (pour l’achat des provisions de bord) et à Alger (pour le débarquement des quatre membres d’équipage);

b) Il y a une question sérieuse à instruire en ce qui concerne la question de savoir si les factures établies par l’Amican constituent ou non des pièces justificatives suffisantes pour satisfaire aux exigences de l’article 41, qui permet à la Pegasus de déduire du prix de louage les dépenses engagées pour le compte de la demanderesse; les défenderesses font cependant valoir que les factures soumises par les mandataires ou services portuaires locaux à Catane (de la part de la Sermar pour la somme de 15 528 $ US), Alexandrie (de la part de l’Unimar pour la somme de 15 965 $ US) et Alger (de la part d’Entreprise Portuaire d’Alger pour la somme de 49 054 49 $ US) sont des pièces justificatives suffisantes au sens de l’article 41;

c) Le navire a été régulièrement déclaré en suspension de location et des frais supplémentaires ont été déduits au cours des périodes pendant lesquelles le navire se trouvait à Catane du 13 au 17 novembre et le 24 novembre, étant donné que la libération du navire a été retardée pour des raisons se rapportant au capitaine, aux officiers et au personnel du navire ou à des grues au sens des articles 50 et 23 de la charte-partie, notamment à cause de la déclaration injustifiée du capitaine suivant laquelle le mouillage était mauvais (la somme de $ 39 290 05 $ US est en conséquence déductible lors du calcul du prix de louage);

d) En outre, le navire a été saisi à Catane pendant sept (7) jours, en raison de la déclaration injustifiée du capitaine suivant laquelle le mouillage était mauvais et cette saisie s’est poursuivie en raison du défaut du P & I Club de la demanderesse de fournir son aide pour permettre la libération du navire, en conséquence de quoi la somme de 47 079 76 $ US peut être déduite de tout prix de louage qui pourrait être exigible (articles 50 et 60).

Les défenderesses se demandent également :

—si la Van Shipping était en fait le véritable propriétaire du navire et si la Van Shipping s’est servie de la Granville pour se soustraire à sa responsabilité, et si Granville—si tant est qu’elle existe toujours— peut ester en justice;

—si les demanderesses ont commis une négligence en causant les dommages que les défenderesses ont subis alors que le navire se trouvait à Catane, en Italie.

Après avoir examiné attentivement les pièces produites et après étude des prétentions et moyens invoqués par les parties, je dois conclure qu’il existe en l’espèce des questions sérieuses qui ne peuvent être tranchées par voie de jugement sommaire. L’ensemble de la preuve qui m’a été soumise ne comporte pas les faits nécessaires pour me permettre de trancher les questions de fait et les questions de droit.

Plus particulièrement, il y a des questions sérieuses à instruire en ce qui concerne la question de savoir si les factures remises par les défenderesses au sujet des dépenses faites à Catane, Alexandrie et Alger constituent des pièces justificatives authentiques qui leur permettraient de déduire du prix du louage les dépenses qui ont été engagées pour la demanderesse. Il y a également des questions sérieuses à instruire en ce qui concerne la question de savoir si la demanderesse devrait accepter les frais et les dépenses d’agence engagés à Nordenham et à Alger et en ce qui concerne la question de savoir si les frais engagés en raison du présumé retard au congé du navire pour des raisons imputables au capitaine, aux officiers et au personnel du navire ou à des grues peuvent être soustraits lors du calcul du prix du louage conformément aux articles 23 et 50 de la charte-partie. Finalement, il y a des questions sérieuses à instruire en ce qui concerne la question de savoir si les frais entraînés par la saisie du navire—qui serait attribuable à la déclaration injustifiée du capitaine suivant laquelle le mouillage était mauvais—peuvent être déduits du prix de louage qui pourrait être exigible en vertu des articles 50 et 60.

Bien que les deux derniers éléments soient propres à la demande reconventionnelle, ils ne peuvent être jugés en vase clos. Il est nécessaire d’interpréter la charte-partie pour décider si les dépenses engagées peuvent être déduites du prix de louage. Les éléments de preuve qui ont été portés à ma connaissance ne sont pas suffisants pour me permettre dans ces conditions de rendre un jugement sommaire. Ainsi que le juge Teitelbaum l’a déclaré dans le jugement récent Sears[15], aux pages 15 et 16 (QL) :

La Règle 432.3(4) dispose donc que le juge ne doit pas rendre un jugement sommaire lorsque l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires, car il serait injuste de le faire. Je suis d’avis aussi qu’il ne convient de rendre un tel jugement que dans des circonstances où les faits sont clairs.

J’estime également que les questions de crédibilité sont importantes en l’espèce. La Cour sera plus en mesure de résoudre les contradictions de la preuve en entendant des témoignages de vive voix. Par conséquent, la requête en jugement sommaire est rejetée.

2.         Renvoi de la demande reconventionnelle à l’arbitrage

La demanderesse cherche à obtenir le renvoi de la demande reconventionnelle à l’arbitrage conformément à l’article 88 de la charte-partie. L’article 88 de la charte-partie précise qu’en cas de conflit, le différend doit être renvoyé à l’arbitrage :

[traduction] Tout différend qui surgit au sujet de l’interprétation et de l’exécution du présent contrat est résolu dans la ville de London et est renvoyé à l’arbitre unique que les parties aux présentes désigneront …

Au Canada, les conventions d’arbitrage (comme l’article 88) sont mises en application en vertu de la Loi sur l’arbitrage commercial[16]. La Loi met à son tour en application un accord international appelé Code d’arbitrage commercial [qui constitue l’annexe à la Loi sur l’arbitrage commercial, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17]. L’article 88 répond de tout évidence à la définition de l’expression « convention d’arbitrage » que l’on trouve à l’article 7 du Code :

Article 7.

1. Une « convention d’arbitrage » est une convention par laquelle les parties décident de soumettre à l’arbitrage tous les différends ou certains des différends qui se sont élevés ou qui pourraient s’élever entre elles au sujet d’un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel. Une convention d’arbitrage peut prendre la forme d’une clause compromissoire dans un contrat ou d’une convention séparée.

2. La convention d’arbitrage doit se présenter sous forme écrite. Une convention est sous forme écrite si elle est consignée dans un document signé par les parties ou dans un échange de lettres, de communications télex, de télégrammes ou de tout autre moyen de télécommunications qui en atteste l’existence, ou encore dans l’échange d’une conclusion en demande et d’une conclusion en réponse dans lequel l’existence d’une telle convention est alléguée par une partie et n’est pas contestée par l’autre. La référence dans un contrat à un document contenant une clause compromissoire vaut convention d’arbitrage, à condition que le contrat soit sous forme écrite et que la référence soit telle qu’elle fasse de la clause une partie du contrat.

L’article 8 du Code concerne la façon dont un tribunal doit traiter une convention d’arbitrage. Le Code précise que le juge doit renvoyer l’affaire à un arbitre dans la plupart des cas :

Article 8.

1. Le tribunal saisi d’un différend sur une question faisant l’objet d’une convention d’arbitrage renverra les parties à l’arbitrage si l’une d’entre elles le demande au plus tard lorsqu’elle soumet ses premières conclusions quant au fond du différend, à moins qu’il ne constate que la convention est caduque, inopérante ou non susceptible d’être exécutée.

Par conséquent, il n’est pas nécessaire que le tribunal renvoie l’affaire à l’arbitrage lorsque « la convention est caduque, inopérante ou non susceptible d’être exécutée. » Ce n’est pas le cas de la présente convention.

Un autre cas où il n’est pas nécessaire de renvoyer l’affaire à l’arbitrage se présente lorsque la demande d’arbitrage n’est pas faite en temps opportun. Le Code précise que « si l’une [des parties] le demande au plus tard lorsqu’elle soumet ses premières conclusions quant au fond du différend », il y a renvoi à l’arbitrage. Si les critères énoncés dans la disposition sont respectés, le juge doit renvoyer l’affaire à l’arbitrage[17].

En l’espèce, la demanderesse a choisi d’introduire une action contre les défenderesses devant la Cour fédérale du Canada. Elle ne fait aucune allusion à la clause d’arbitrage dans sa déclaration. Les défenderesses ont reconnu la compétence de la Cour en déposant une défense. Elles ont également produit une demande reconventionnelle que la demanderesse cherche maintenant à faire renvoyer à l’arbitrage, étant donné qu’il s’agit d’une instance distincte. À l’audience, j’étais portée à renvoyer la demande reconventionnelle à l’arbitrage. J’ai toutefois révisé ma position sur cette question.

Suivant l’arrêt Nanisivik[18], si la Cour devait renvoyer la demande reconventionnelle à l’arbitrage, cette mesure aurait pour effet de suspendre l’action principale jusqu’à l’issue de l’arbitrage. Dans cet arrêt, la Cour d’appel souligne que toutes les instances doivent être suspendues même si certaines questions ne sont pas soumises à l’arbitrage. La Cour déclare aux pages 674 et 675 :

Je conclus qu’une fois le renvoi à l’arbitrage prononcé, la Cour n’a aucun pouvoir discrétionnaire résiduel pour refuser de suspendre toutes les procédures entre les parties à l’arbitrage, bien qu’il puisse y avoir entre elles certains point litigieux qui ne sont pas soumis à l’arbitrage.

En effet, ordonner le renvoi de la demande reconventionnelle à l’arbitrage aurait pour effet de suspendre l’instance principale introduite devant la Cour fédérale à la demande de la demanderesse. La Cour s’est penchée sur ce type de résultat dans l’affaire Ruhrkohle Handel Inter GMBH c. Federal Calumet (Le)[19]. Dans cette affaire, la demanderesse avait déposé une déclaration à laquelle les défendeurs avaient répondu par une défense et une demande reconventionnelle. Les demanderesses demandaient à la Cour de suspendre l’action tout en renvoyant la demande reconventionnelle à l’arbitrage. Au sujet du Code d’arbitrage commercial, la Cour a déclaré à la page 105 :

Pour que le Code soit efficace, les parties doivent savoir que, pour retirer au tribunal, quel qu’il soit, toute discrétion, la demande de renvoi à l’arbitrage doit être faite au plus tard au moment même où elles soumettent à ce tribunal leurs premières conclusions sur le fond du différend. Ce moment précis peut varier d’une juridiction à l’autre, mais il constitue la norme objective précise qu’il faut respecter dans toute juridiction.

La Cour poursuit en disant [aux pages 105 et 106] :

En l’espèce, les appelantes, soit les demanderesses, ont pris la mesure exceptionnelle qui consiste à demander la suspension de l’instance qu’elles avaient elles-mêmes engagée seulement après que les défendeurs aient eu déposé leur défense. Il est absolument impossible de considérer qu’une telle demande a été présentée en temps opportun.

La Cour a souscrit à la décision de la Section de première instance [Ruhrkohle Handel Inter GmbH c. Fednav Ltd. (1991), 36 C.P.R. (3d) 521], à la page 106 :

Je suis donc entièrement d’accord avec le juge Pinard lorsqu’il exprime l’opinion suivante [aux pages 523 et 524] :

En effet, les demanderesses, qui ont opté pour les procédures devant la Cour fédérale du Canada à l’égard d’une question pour laquelle elles avaient convenu de recourir à l’arbitrage à New York, n’ont nullement fait mention de la convention d’arbitrage dans leur déclaration et elles ont attendu que les défendeurs déposent leur défense et leur demande reconventionnelle pour demander une suspension d’instance. En différant ainsi leur demande de suspension d’instance, les demanderesses ont omis de se conformer à une exigence fondamentale du paragraphe 8(1) du Code d’arbitrage commercial; en conséquence, à une date aussi tardive, la Cour n’a plus l’obligation impérative de renvoyer l’affaire à l’arbitrage à leur demande.

Je dois conclure dans le même sens. On ne saurait dire que la demande d’arbitrage a été formulée en temps opportun comme l’exige l’article 8-1 du Code. La demanderesse a choisi de son propre gré de s’adresser à la présente Cour et elle ne peut demander maintenant que la demande reconventionnelle soit renvoyée à l’arbitrage et que l’action principale soit suspendue. La demanderesse a essentiellement renoncé à son droit de demander le renvoi à l’arbitrage. Ainsi que la Cour l’a déclaré à la page 72 du jugement Maersk Inc. c. Coldmatic Refrigeration of Canada Ltd.[20], « c’est la demanderesse, dans une action qu’elle a déjà introduite devant la Cour, qui cherche à empêcher la défenderesse de faire entendre et régler la demande reconventionnelle par la Cour ». Dans ce jugement, la Cour a décidé que, lorsque la partie demanderesse a choisi de poursuivre sa réclamation devant la Cour fédérale et que la partie défenderesse a accepté la compétence de la Cour fédérale, la demande reconventionnelle doit également être entendue et tranchée par la Cour fédérale.

J’estime que la volonté des parties quant au choix de la juridiction est clair. Les observations formulées par le juge Heald (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) dans le jugement Vallorbe Shipping Co. S.A. c. Le Tropwave[21] sont à-propos. Il a déclaré à la page 600 :

Dans la présente affaire, la demanderesse a, en intentant cette action, clairement exprimé son intention de révoquer la clause compromissoire et la défenderesse, en déposant sa défense et sa demande reconventionnelle, a, elle aussi, clairement exprimé une intention semblable (situation qui n’existait pas dans l’affaire Normandin Lumber (précitée)). Dès lors, la demanderesse, en novembre 1974, et la Canadian Transport, en décembre 1974, ont intenté des actions qui indiquaient manifestement l’intention de chacune de se pourvoir devant la Cour fédérale. Normalement, cela trancherait la question.

Je dois donc conclure que la demande reconventionnelle ne doit pas être renvoyée à l’arbitrage et qu’elle doit plutôt demeurer devant la Cour fédérale. Étant donné que j’ai refusé de rendre le jugement sommaire demandé, les deux demandes seront donc instruites. Cette conclusion se justifie en outre par le fait que la demande et la demande reconventionnelle sont étroitement liées et qu’elles ne devraient pas être scindées. En effet, les différends qui opposent les parties découlent de la même charte-partie. Les parties soutiennent essentiellement que la théorie de la compensation en equity devrait s’appliquer, étant donné que les demandes opposées découlent de la relation qui existe entre les parties et qu’elles soulèvent une question d’équité entre elles. Ce qui me ramène à la difficulté à laquelle je faisais face plus tôt dans le présent jugement en ce qui concerne la requête en jugement sommaire : les demandes sont étroitement liées et la preuve versée au dossier n’est pas suffisante pour permettre à la Cour de trancher les questions litigieuses.

Dans le jugement Blyth[22], le juge Reed déclare ce qui suit, à la page 103, au sujet de la compensation en equity et des demandes connexes :

Dans chacune de ces affaires, la Cour a opéré une distinction entre le moyen de défense que constitue la compensation en equity, et une demande reconventionnelle. Dans ce deuxième cas, la Cour rendra un jugement sommaire, alors qu’elle ne le fera pas dans le premier. Les affaires citées témoignent de la difficulté qu’il y a à décider si la demande présentée par un demandeur doit plutôt être considérée comme une compensation en equity ou comme une demande reconventionnelle.

Je ne suis pas certaine qu’il y ait lieu d’interpréter les nouvelles règles de la Cour (432.1 et suivantes) de la même manière que les Règles de l’Ontario. Les cours d’equity ont élaboré une définition de la compensation en equity assurant qu’aucun jugement ne serait prononcé sur une réclamation tant que la partie opposante pouvait invoquer une réclamation parallèle. L’idée était d’assurer qu’on trancherait en même temps toutes les réclamations connexes afin d’éviter toute issue inéquitable. Les règles touchant ce qui constitue au juste une compensation en equity n’ont pas été développées pour faciliter l’interprétation des règles autorisant le tribunal à rendre un jugement sommaire sur une partie d’une cause, pas plus qu’elles n’ont été développées à l’intention des tribunaux ayant le pouvoir d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’un jugement sommaire jusqu’à ce que toutes les questions en litige aient pu être tranchées. Je ne suis pas convaincue qu’il y ait lieu de distinguer entre la compensation et la demande reconventionnelle pour décider si, en l’espèce, la Règle 432.3 autorise la délivrance d’un jugement sommaire sur une partie seulement de la demande déposée.

À mes yeux, les Règles 432.1 et suivantes doivent être interprétées dans le contexte qui est le leur. La règle 432.3(4) prévoit que la Cour ne devrait pas rendre un jugement sommaire sur une question lorsque (1) le juge estime que l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires ou (2) il estime injuste de trancher les questions en cause. Il y a donc lieu de se fonder sur ces critères-là et non pas sur une analyse de la question de savoir s’il s’agit effectivement d’une demande de compensation en equity. [Non souligné dans l’original.]

J’estime que les demandes qui nous occupent sont étroitement liées, étant donné qu’elles découlent de l’interprétation de la même charte-partie. Qui plus est, comme la demanderesse a choisi de porter sa demande devant la présente Cour, je dois rejeter la requête en renvoi de la demande reconventionnelle à l’arbitrage.

Les dépens suivront l’issue de la cause.



[1] Ce sont, par ordre chronologique, les décisions Marine Atlantic Inc. c. Blyth (1994), 77 F.T.R. 97 (C.F. 1re inst.) (ci-après appelée Blyth); Nova Scotia Barristers’ Liability Claims Fund c. Navire Ashley Lynn (1994), 80 F.T.R. 141 (C.F. 1re inst.); Productions& Distributions Vidéodrome Inc. c. Cavis Marketing Inc. (1994), 56 C.P.R. (3d) 449 (C.F. 1re inst.); Patrick c. Canada, [1994] F.C.J. no 1216 (1re inst.) (QL) (ci-après appelée Patrick); Penthouse International Ltd. c. 163564 Canada Inc. (1994), 86 F.T.R. 95 (C.F. 1re inst.); Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al. (1994), 58 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.) (ci-après appelée Old Fish Market); Kishinchand & Sons (Hong Kong) Ltd. c. Wellcorp Container Lines Ltd., [1995] 2 C.F. 37(1re inst.); Forde c. Canada (Ministre du Revenu national, Douanes et AcciseM.R.N.), [1995] A.C.F. no 48 (1re inst.) (QL) (ci-après appelée Forde); Mintzer (N. A.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 220 (C.F. 1re inst.); conf. [1996] 2 C.F. 146(C.A.); Expeditors International Forwarding Ltd. c. Propack Systems Ltd. (1995), 92 F.T.R. 281 (C.F. 1re inst.); Pallmann Maschinenfabrik G.m.b.H. Co. KG c. CAE Machinery Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 26 (C.F. 1re inst.) (ci-après appelée Pallmann); Shelburne Marine Ltd. c. Stokes, [1995] A.C.F. no 1547 (1re inst.) (QL) (ci-après appelée Stokes); Homelife Realty Services Inc. c. Sears Canada Inc., [1996] F.C.J. no 51 (1re inst.) (QL) (ci-après appelée Sears); Collie Woollen Mills Ltd. c. Canada, [1996] F.C.J. no 193 (1re inst.) (QL) (ci-après appelée Collie).

[2] Old Fish Market, ibid., à la p. 222.

[3] [1995] 3 C.F. 68(C.A.).

[4] (1990), 75 O.R. (2d) 225 (Div. gén.).

[5] Précité, note 1.

[6] Précité, note 3.

[7] Ibid.

[8] Précité, note 1.

[9] Précité, note 1.

[10] Précité, note 1.

[11] Précité, note 1.

[12] Précité, note 1.

[13] Précité, note 1.

[14] Précité, note 1.

[15] Précité, note 1.

[16] L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17.

[17] Nanisivik Mines Ltd. c. F.C.R.S. Shipping Ltd., [1994] 2 C.F. 662(C.A.), aux p. 670 et 671.

[18] Ibid.

[19] [1992] 3 C.F. 98(C.A.).

[20] (1994), 74 F.T.R. 70 (C.F. 1re inst.).

[21] [1975] C.F. 595 (1re inst.).

[22] Précité, note 1.

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