Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[1996] 1 C.F. 613

A-582-94

Brenda Bellingham (appelante) (demanderesse)

c.

La Reine (intimée) (défenderesse)

Répertorié : Bellingham c. Canada (C.A.)

Cour d’appel, juges Stone, Décary et Robertson, J.C.A.—Ottawa, 2 et 30 novembre 1995.

Impôt sur le revenu Calcul du revenu Revenu ou gain en capital Lorsque des terrains sont acquis dans le cadre d’un projet comportant un risque ou d’une affaire de caractère commercial, tout bénéfice provenant de leur disposition est imposable en tant que revenuLes intérêts supplémentaires ont été accordés à titre de dommages-intérêts punitifs et non à titre d’indemnisation ou de dédommagementLes gains fortuits ne sont pas considérés comme un revenu en vertu de l’art. 3a) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Les terrains de la contribuable ont été expropriés par la ville de Grand Centre (Alberta). L’indemnité a été établie conformément à l’Expropriation Act de l’Alberta. Elle a reçu 377 015 $ à titre d’indemnité, 181 319 $ à titre d’intérêts ordinaires et 114 272 $ à titre « d’intérêts supplémentaires » conformément aux paragraphes 66(4) et (5) (ces intérêts sont accordés lorsque le montant du paiement proposé est inférieur à 80 % de la somme ultimement accordée pour le droit exproprié et le préjudice résultant de la séparation). La contribuable fait valoir que l’indemnité touchée pour les terrains expropriés est imposable à titre de gain en capital, que les intérêts ordinaires sont imposables à titre de revenu d’intérêt aux termes de l’alinéa 12(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu et, finalement, que les intérêts supplémentaires ne sont pas imposables. Le ministre a imposé le bénéfice découlant de l’expropriation en tant que revenu tiré d’une entreprise. Le juge de la Section de première instance a conclu que, étant donné que les terrains ont été acquis dans le cadre d’un projet comportant un risque ou d’une affaire de caractère commercial, tout bénéfice provenant de sa disposition est imposable en tant que revenu. Les intérêts ordinaires ont été jugés imposables en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi et la somme restante, y compris les intérêts supplémentaires, a été jugée imposable en tant que revenu tiré d’une entreprise aux termes du paragraphe 9(1) de la Loi. Il s’agit d’un appel de cette décision au motif que des intérêts supplémentaires sont des gains fortuits et que, en tant que tels, ils ne sont pas imposables et que le produit de la disposition devrait être traité comme une rentrée de capital conformément au sous-alinéa 54h)(iv) de la Loi.

Arrêt : l’appel doit être accueilli uniquement en ce qui a trait aux intérêts supplémentaires.

Le sous-alinéa 54h)(iv) ne crée pas de présomption. Selon ce sous-alinéa, le produit de la disposition découlant d’une expropriation n’est pas réputé constituer une rentrée de capital. Les sous-alinéas 54h)(iv) et (v) ont été ajoutés à la Loi pour contrer l’effet de l’arrêt Kicking Horse Forest Products Ltd. v. British Columbia (Minister of Finance), [1973] 6 W.W.R. 343 (C.S.C.-B.); conf. par (1974), 49 D.L.R. (3d) 149 (C.A.C.-B.); conf. par [1976] 1 R.C.S. 711, dans lequel la cour a statué qu’une expropriation ne constituait pas une vente aux termes de la Logging Tax Act, R.S.B.C. 1960, ch. 225, art. 2b). Par conséquent, les 377 015 $ touchés à titre d’indemnité pour les terrains expropriés sont imposables en tant que revenu tiré d’une entreprise aux fins du paragraphe 9(1) de la Loi.

La seule question qui reste à trancher est de déterminer si les intérêts supplémentaires sont un revenu au sens du paragraphe 9(1) ou de l’alinéa 3a) de la Loi. Si l’on applique le raisonnement énoncé dans Shaw c. Canada, [1993] 2 C.F. 190(C.A.), il est clair que les intérêts supplémentaires ne constituent pas une indemnité pour les terrains qui ont été pris, non plus qu’une indemnité pour la perte de rendement des sommes accordées. Dans l’arrêt Mannix v. The Queen in right of Alberta (1984), 31 L.C.R. 299 (C.A. Alberta), la cour a statué que les intérêts accordés conformément au paragraphe 66(4) « l’ont manifestement été à titre pénal, et non à titre d’indemnisation ou de dédommagement ». Bien que les intérêts ordinaires représentent « une indemnité pour l’usage ou la rétention, par une personne, d’une somme d’argent appartenant à quelqu’un d’autre », les intérêts supplémentaires servent les mêmes fins que des dommages-intérêts punitifs. Par conséquent, ils ne doivent pas servir au calcul d’un gain ou d’une perte provenant de la disposition d’un bien conformément au paragraphe 9(1) de la Loi.

Les intérêts supplémentaires ne peuvent pas non plus être inclus à titre de revenu au sens de l’alinéa 3a) de la Loi. Au Canada, la définition de revenu est circonscrite par la doctrine de la source du revenu, mais la portée de cette doctrine est difficile à établir. Selon la jurisprudence, les gains tirés du jeu, les dons, les legs et la catégorie résiduelle des gains fortuits sont exclus de la portée de l’alinéa 3a). En l’espèce, la véritable source des intérêts supplémentaires est l’Expropriation Act qui dicte, à titre de politique publique, que les autorités d’expropriation sont tenues de payer une somme à titre pénal dans les cas où leur comportement ne respecte pas une norme établie. À certains égards, le paiement d’intérêts supplémentaires possède les attributs d’un don. Le paiement en question ne découle pas d’une entente expresse ou implicite entre les parties. Il n’y a pas d’élément d’échange ou de compromis. Il n’y a pas de contrepartie. Il n’y a pas de contre-prestation de la part du contribuable. Le paiement est simplement un gain fortuit et, par conséquent, ne peut constituer un revenu au sens de l’alinéa 3a) de la Loi.

Une somme qui n’est pas payée à titre d’indemnisation ne peut être traitée de la même façon qu’une somme payée à titre d’indemnisation simplement parce que le paiement de ces deux sommes provient de la même opération (l’expropriation). La nature et la fin d’un paiement particulier doivent être examinées au moment d’évaluer comment cette somme sera traitée du point de vue fiscal.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Expropriation Act, R.S.A. 1980, ch. E-16, art. 42, 66(1),(2),(3),(4),(5).

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 3a), 6, 9(1), 12(1)c) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 4), 39(4) (édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 16; S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 18), 43 (mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 17), 53(2)d), 54h)(i),(ii),(iii),(iv),(v), 54.2 (édicté par L.C. 1988, ch. 55, art. 32), 81, 248(1) « entreprise » (mod. par S.C. 1979, ch. 5, art. 66).

JURISPRUDENCE :

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Shaw c. Canada, [1993] 2 C.F. 190 (1993), 93 DTC 5121; 151 N.R. 232 (C.A.); R. c. Cranswick, [1982] 1 C.F. 813 [1982] CTC 69; (1982), 82 DTC 6073; 40 N.R. 296 (C.A.); Mannix v. The Queen in right of Alberta (1984), 31 L.C.R. 299 (C.A. Alb.); Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3; (1994), 63 Q.A.C. 161; 95 DTC 5017; 171 N.R. 161.

DÉCISION INFIRMÉE :

E.R. Fisher Ltd. c. La Reine, [1986] 2 C.T.C. 114; (1986), 86 DTC 6364; 4 F.T.R. 188 (C.F. 1re inst.)

DISTINCTION FAITE AVEC :

Mohawk Oil Co. c. Canada, [1992] 2 C.F. 485 [1992] 1 C.T.C. 195; (1992), 92 DTC 6235; 140 N.R. 225 (C.A.); autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, sub nom. Mohawk Oil Co. c. La Reine, [1992] 2 R.C.S. viii; (1992), 141 N.R. 393.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; (1984), 10 D.L.R. (4th) 1; [1984] CTC 294; 84 DTC 6305; 53 N.R. 241; Cartwright and Sons Ltd. v. Minister of National Revenue (1961), 61 DTC 499 (C.A.I.); Curran v. Minister of National Revenue, [1959] R.C.S. 850; (1959), 20 D.L.R. (2d) 385; [1959] C.T.C. 416; 59 DTC 1247; Canada c. Fries, [1990] 2 R.C.S. 1322; [1990] 2 C.T.C. 439; (1990), 90 DTC 6662; 114 N.R. 150; inf. [1989] 3 C.F. 362; (1989), 89 CLLC 14,029; [1989] 1 C.T.C. 471; 89 DTC 5240; 99 N.R. 208 (C.A.); conf. sub nom. R. c. Fries, [1985] 2 C.F. 378 (1985), 86 CLLC 14,011; [1986] 1 CTC 4; 85 DTC 5579 (1re inst.); inf. sub nom. Fries (W) v MNR, [1983] CTC 2124; (1983), 83 DTC 117 (C.R.I.); Sani Sport Inc. c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 411; (1986), 87 DTC 5253 (C.F. 1re inst.); conf. par sub nom. Sani Sport Inc. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 15; (1990), 90 DTC 6230 (C.A.F.).

DÉCISIONS CITÉES :

Paterson Park Ltd. et al. v. Town of Grand Centre (1983), 28 L.C.R. 288 (L.C.B. Alb.); conf. par sub nom. Grand Centre (Town) v. Paterson Park Ltd. et al. (1984), 29 L.C.R. 97 (C.A. Alb.); Kicking Horse Forest Products Ltd. v. British Columbia (Minister of Finance), [1973] 6 W.W.R. 343 (C.S.C.-B.); conf. par sub nom. Re Kicking Horse Forest Products Ltd. and Minister of Finance (1974), 49 D.L.R. (3d) 149; [1974] 5 W.W.R. 242 (C.A.C.-B.); conf. par sub nom. Ministre des Finances c. Kicking Horse Forest Products Ltd., [1976] 1 R.C.S. 711; (1975), 57 D.L.R. (3d) 220; [1975] 6 W.W.R. 142; 5 N.R. 319; Attorney-General for Ontario v. Barfried Enterprises Ltd., [1963] R.C.S. 570; (1963), 42 D.L.R. (2d) 137; Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 1085; (1989), 58 D.L.R. (4th) 193; [1989] 4 W.W.R. 218; 36 B.C.L.R. (2d) 273; 94 N.R 321; Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130; British Columbia Railway c La Reine, [1979] CTC 56; (1978), 79 DTC 5020 (C.F. 1re inst.); Graham v. Green, [1925] 2 K.B. 37; Minister of National Revenue v. Walker, William S., [1952] R.C.É. 1; [1952] 2 D.L.R. 462; [1951] C.T.C. 334; (1951), 52 DTC 1001; Morden, Harry Edgar v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.É. 29; [1961] C.T.C. 484; (1961), 61 DTC 1266.

DOCTRINE

Arnold, Brian J. et al. Materials on Canadian Income Tax, 10th ed., Scarborough, Ont. : Carswell, 1993.

Canada. Ministère du Revenu national, Impôt. Bulletin d’interprétation IT-365R2.

Canada. Ministère du Revenu national, Impôt. Bulletin d’interprétation IT-183.

Canada. Rapport de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité, Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1966 (Président : K.M. Carter).

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1983.

Hansen, Brian G. et al. eds. Canadian Taxation, Toronto : Richard De Boo, 1981.

Krishna, Vern. The Fundamentals of Canadian Income Tax, 4th ed., Scarborough, Ont. : Carswell, 1992.

LaBrie, Francis Eugene. The Principles of Canadian Income Taxation, Don Mills, Ont. : CCH Canadian Ltd., 1965.

APPEL d’une décision de la Section de première instance (Bellingham (B.) c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 290; (1994), 94 DTC 6564; 83 F.T.R. 77) sur la question de savoir si les sommes touchées par la contribuable à la suite d’une expropriation l’ont été à titre de revenu ou de capital et si le paiement « d’intérêts supplémentaires » doit être considéré comme un « revenu ». Appel accueilli en partie.

AVOCATS :

Neil W. Nichols pour l’appelante (demanderesse).

Douglas B. Titosky pour l’intimée (défenderesse).

PROCUREURS :

Neil W. Nichols, Edmonton, pour l’appelante (demanderesse).

Le sous-procureur général du Canada, pour l’intimée (défenderesse).

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Robertson, J.C.A. Il s’agit d’un appel d’une décision de la Section de première instance [[1994] 2 C.T.C. 290] concernant l’imposition de sommes reçues par l’appelante (la contribuable) à la suite de l’expropriation de terrains dont elle était propriétaire. Deux questions sont soumises à notre examen. La première consiste à déterminer si le paiement spécifique « d’intérêts supplémentaires », fondé sur le paragraphe 66(4) de l’Expropriation Act, R.S.A. 1980, ch. E-16, constitue un « revenu ». La seconde question, maintes fois soulevée, consiste à déterminer si le « produit de la disposition » a été reçu à titre de revenu ou de capital.

En ce qui a trait à la question du revenu/capital, je souscris à l’opinion du juge de première instance qui a conclu que le produit de la disposition avait été reçu à titre de revenu. Avec égards, toutefois, je ne peux entériner sa conclusion selon laquelle le paiement d’intérêts supplémentaires constitue un revenu au sens des dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, et ses modifications (la Loi). Ce type de paiement a pour but de dissuader et de condamner toute conduite inacceptable de la part des autorités qui procèdent à l’expropriation. Il ne comporte aucun élément d’indemnisation et, à mon avis, il équivaudrait presque à des dommages-intérêts punitifs et, par conséquent, il n’est pas visé par les dispositions de la Loi imposant une responsabilité. Plus précisément, les intérêts supplémentaires ne sont pas un « revenu tiré ... d’une entreprise » au sens du paragraphe 9(1), ni « [un] revenu ... dont la source » au sens de l’alinéa 3a) de la Loi. Bref, je suis d’avis que les dommages-intérêts punitifs rentrent dans la catégorie des « gains fortuits » exonérés d’impôt. Je commencerai d’abord par exposer les faits pertinents.

La contribuable faisait partie d’un petit groupe de propriétaires fonciers dont les terrains ont été expropriés le 2 juin 1981 par la ville de Grand Centre située dans le nord-est de l’Alberta. Les terrains en question se composaient de deux quarts de section contigus. La contribuable détenait une moitié indivise d’un des quarts de section. Au bout du compte, l’indemnité a été fixée par la Land Compensation Board (Commission d’indemnisation foncière) (la Commission) dont la décision a été confirmée en appel : voir Paterson Park Ltd. et al. v. Town of Grand Centre (1983), 28 L.C.R. 288 (L.C.B. Alb.); confirmé à (1984), 29 L.C.R. 97 (C.A. Alb.). Le montant a été établi à environ 3,8 millions de dollars. L’indemnité versée pour chaque quart de section a été ventilée en trois composantes conformément aux dispositions de l’Expropriation Act.

L’article 42 de la Expropriation Act accorde un droit d’indemnisation fondé sur la valeur du terrain, le préjudice imputable aux troubles de jouissance, la valeur particulière que représente le terrain pour le propriétaire et le préjudice subi. Le paragraphe 66(1) traite du paiement des intérêts, en rapport avec l’indemnisation accordée pour la valeur du terrain, à compter de la date à laquelle les autorités d’expropriation acquièrent le titre de propriété jusqu’au paiement intégral. En ce qui a trait aux dommages-intérêts pour troubles de jouissance, l’intérêt est calculé à compter de la date à laquelle ils sont octroyés jusqu’au paiement intégral, selon le même paragraphe. Le paragraphe 66(3) traite du paiement des intérêts dans les circonstances où l’offre initiale de paiement est postérieure au délai prescrit par la loi. Les parties au présent appel ont traité les intérêts payables en vertu de ces deux paragraphes comme des « intérêts ordinaires ». (Question : Les intérêts accordés en vertu du paragraphe 66(3) ne sont-ils pas également des intérêts supplémentaires? Sur ce point, voir également le paragraphe 66(5), qui fait référence aux paragraphes 66(3) et (4), et Mannix v. The Queen in right of Alberta (1984), 31 L.C.R. 299 (C.A. Alb.), à la page 309.)

La dernière composante de l’indemnité porte sur les intérêts supplémentaires, ou sur ce que les parties ont appelé « des intérêts de pénalisation ». Je préfère ne pas utiliser ce dernier terme de crainte d’y ajouter une connotation selon laquelle ces intérêts auraient été accordés parce que les sommes dues n’ont pas été payées promptement (voir la discussion ci-dessous). Aux termes des paragraphes 66(4) et (5) de l’Expropriation Act, la Commission est tenue d’accorder des intérêts supplémentaires dans les cas où l’offre des autorités d’expropriation est inférieure à 80 % de la somme ultimement octroyée et lorsque la Commission est d’avis que ce chiffre moindre est attribuable à une « faute » des autorités d’expropriation. Dans les circonstances où la Commission ne peut conclure qu’il y a eu faute, elle jouit du pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non ces intérêts. Les intérêts supplémentaires sont calculés, au taux d’intérêt « ordinaire », sur la différence entre l’indemnité initialement offerte et le montant finalement octroyé.

En l’espèce, l’offre des autorités d’expropriation s’établissait à environ 17 % du montant fixé par la Commission. D’après les faits, la Commission n’a eu aucune difficulté à conclure qu’il y avait eu faute de la part des autorités d’expropriation. Il est utile de reproduire ici les articles pertinents de l’Expropriation Act.

[traduction] 42(1) Au moment de l’expropriation de biens-fonds, les autorités d’expropriation versent au propriétaire l’indemnité déterminée conformément à la présente Loi.

(2) L’indemnité payable au propriétaire d’un bien-fonds exproprié se fonde sur ce qui suit :

a) la valeur marchande du bien-fonds;

b) le préjudice imputable aux troubles de jouissance;

c) la valeur pour le propriétaire de tout élément représentant pour lui un avantage économique particulier directement attribuable ou accessoire à son occupation du bien-fonds dans la mesure où aucune autre disposition ne prévoit son inclusion; et

d) les effets préjudiciables.

66(1) Les autorités d’expropriation paient des intérêts à un taux que la Commission estime juste :

a) à l’égard

(i) de l’indemnité afférente au bien-fonds exproprié, et

(ii) des dommages-intérêts relatifs à la séparation attribuable à l’expropriation partielle depuis la date d’acquisition du titre de propriété jusqu’au paiement intégral;

b) à l’égard des dommages-intérêts pour troubles de jouissance depuis la date de l’octroi des dommages-intérêts jusqu’au paiement intégral.

(2) Par dérogation au paragraphe (1), si le propriétaire est toujours en possession du bien-fonds quand les autorités d’expropriation acquièrent le titre de propriété, il n’a pas droit à des intérêts à moins d’avoir renoncé à la possession.

(3) Si les autorités d’expropriation informent le propriétaire du paiement proposé après l’expiration du délai prescrit, la Commission leur ordonne de payer des intérêts supplémentaires sur la valeur du bien-fonds et les dommages-intérêts relatifs à la séparation, le cas échéant, depuis le début du délai jusqu’à ce que le paiement proposé soit effectué, au même taux que celui qui est prescrit au paragraphe (1).

(4) Si le montant du paiement proposé est inférieur à 80 % du montant accordé pour le droit exproprié et le préjudice résultant de la séparation, le cas échéant, la Commission ordonne aux autorités d’expropriation de payer des intérêts supplémentaires au même taux que celui qui est prescrit au paragraphe (1), depuis la date où le propriétaire a été informé du paiement proposé jusqu’au versement de celui-ci, sur la différence entre l’indemnité accordée et le paiement proposé.

(5) Par dérogation aux paragraphes (3) et (4), si la Commission est d’avis qu’un paiement proposé, inférieur à 80 % de la somme accordée pour le droit exproprié et le préjudice résultant de la séparation, le cas échéant, ou que le retard à informer le propriétaire du montant du paiement proposé n’est pas imputable aux autorités d’expropriation, elle peut refuser d’accorder au propriétaire des intérêts supplémentaires pendant la totalité ou une partie de toute période au cours de laquelle il aurait autrement eu droit à des intérêts.

Bien que la Commission ait accordé une indemnité totale de 3,8 millions de dollars, les propriétaires ont réglé pour une somme globale de 2,8 millions de dollars, après de longues et acrimonieuses procédures. Au vu du règlement, tous les propriétaires ont convenu que chacun recevrait sa part proportionnelle. La part de la contribuable a été répartie conformément et proportionnellement aux composantes prévues dans la décision de la Commission. Selon les parties, elle est réputée avoir reçu : (1) 377 015 $, à titre d’indemnité fondée sur l’article 42; (2) 181 319 $, à titre d’intérêts ordinaires payés aux termes des paragraphes 66(1) et (3); et (3) 114 272 $, à titre d’intérêts supplémentaires conformément aux paragraphes 66(4) et (5) de la Expropriation Act.

Je fais observer ici que je ne vois aucune raison de contester la méthode choisie par les propriétaires pour répartir le produit du règlement et la manière dont leurs parts respectives ont été ventilées afin de tenir compte des différentes composantes énoncées dans l’entente initiale. En l’espèce, la répartition n’a pas été effectuée après un examen approfondi des conséquences fiscales. Essentiellement, il n’y a pas de différence entre la répartition faite par la Commission, un tiers neutre, et celle qui a été établie par les propriétaires. Les faits de l’espèce doivent donc être distingués de ceux énoncés dans l’arrêt Mohawk Oil Co. c. Canada, [1992] 2 C.F. 485(C.A.), dont l’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada a été refusée le 5 juin 1992 [[1992] 2 R.C.S. viii], et dans lequel la ventilation avait été établie d’après les conseils professionnels d’un fiscaliste. Cela dit, je note que les chiffres précités diffèrent de ceux qui sont énoncés dans les avis d’opposition et de confirmation, mais je les accepte pour les besoins du présent appel puisqu’ils ont été acceptés par les deux parties et, apparemment, par le juge de première instance.

La contribuable a déclaré sa part du produit de l’expropriation comme revenu d’entreprise dans sa déclaration d’impôt de 1984 et c’est à ce titre que le ministre du Revenu national (le ministre) a établi la cotisation le 22 octobre 1985. Par avis d’opposition, en date du 5 décembre 1985, la contribuable s’est opposée à cette cotisation au motif que l’indemnité touchée pour les terrains expropriés était imposable à titre de gain en capital, que les intérêts ordinaires étaient imposables à titre de revenu d’intérêt aux termes de l’alinéa 12(1)c) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 4] de la Loi, et, finalement, que les intérêts supplémentaires n’étaient tout simplement pas imposables. En réponse, le ministre a maintenu la cotisation établie le 22 octobre 1985. La contribuable a ensuite interjeté appel devant la Section de première instance de la Cour.

Étant donné que les arguments soulevés devant le juge de première instance ressemblent peu à ceux qui ont été débattus devant nous, il suffira d’énoncer les conclusions cruciales du juge de première instance. Tout d’abord, il a statué que, si les terrains ont été acquis dans le cadre d’un projet comportant un risque ou d’une affaire de caractère commercial, ce qu’a reconnu la contribuable, tout bénéfice provenant de sa disposition est imposable en tant que revenu. Cela est vrai que l’aliénation du terrain résulte d’une vente ou d’une expropriation. Conformément à la décision de la présente Cour dans l’arrêt Shaw c. Canada, [1993] 2 C.F. 190(C.A.), les intérêts ordinaires au montant de 181 319 $ ont été jugés imposables en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi. La somme restante, y compris les intérêts supplémentaires, a été jugée imposable en tant que revenu tiré d’une entreprise aux termes du paragraphe 9(1) de la Loi.

Le ministre n’a pas interjeté appel de la conclusion du juge de première instance selon laquelle les intérêts ordinaires accordés sont imposables conformément à l’alinéa 12(1)c) de la Loi. Il reste donc à trancher les deux principaux arguments soulevés par la contribuable.

Tout d’abord, elle fait valoir que les intérêts supplémentaires ont été accordés à titre de dommages-intérêts punitifs, et non pas à titre « d’intérêt » au sens strictement juridique du terme. En outre, les intérêts supplémentaires ne constituent pas une indemnité pour les terrains qui ont été expropriés et, par conséquent, ne peuvent faire partie du produit de la disposition. L’avocat de la contribuable admet que cette partie de son plaidoyer est affaibli par la décision E.R. Fisher Ltd. c. La Reine, [1986] 2 C.T.C. 114 (C.F. 1re inst.). Toutefois, il soutient que les faits de cette décision peuvent être distingués de ceux de l’espèce ou, subsidiairement, qu’elle ne fait plus autorité au vu de l’arrêt Shaw c. Canada, précité. Si ces arguments sont acceptés, alors, selon l’avocat, le paragraphe 9(1) de la Loi ne peut s’appliquer en l’espèce. Pour ce qui a trait à l’application de l’alinéa 3a), la contribuable s’appuie principalement sur l’arrêt R. c. Cranswick, [1982] 1 C.F. 813(C.A.). Cette affaire traitait de la notion de gains fortuits.

Comme argument subsidiaire, l’avocat de la contribuable fait valoir que si les intérêts supplémentaires sont réputés faire partie du produit de la disposition, alors ces intérêts devraient être traités comme un gain en capital, au même titre que l’indemnité de 377 015 $. Ceci nous amène au second argument de la contribuable, savoir que le produit de la disposition (moins les intérêts ordinaires) doit être imposé en tant que capital conformément au sous-alinéa 54h)(iv) de la Loi. La contribuable concède que, si elle avait vendu volontairement ses terrains, la vente aurait donné lieu à un revenu tiré d’une entreprise compte tenu de la définition élargie donnée au terme « entreprise » au paragraphe 248(1) [mod. par S.C. 1979, ch. 5, art. 66] de la Loi, qui englobe un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial. Toutefois, la contribuable insiste sur le fait que les sommes qu’elle a reçues ne sont pas de la nature d’un revenu étant donné qu’en vertu du sous-alinéa 54h)(iv) l’indemnité afférente aux biens pris en vertu d’une loi est réputée être le produit de disposition donnant lieu à un gain en capital. Je traiterai tout d’abord du dernier argument proposé.

La faiblesse de l’argument de la contribuable reposant sur la distinction entre capital et revenu se trouve dans son hypothèse selon laquelle, en vertu du sous-alinéa 54h)(iv), le produit de disposition résultant d’une expropriation est réputé être une rentrée de capital. À l’époque pertinente, le sous-alinéa 54h)(iv) et les sous-alinéas précédents étaient rédigés dans les termes suivants :

54. ...

h) « produit de disposition » d’un bien comprend

(i) le prix de vente du bien qui a été vendu,

(ii) toute indemnité pour biens pris illégalement,

(iii) toute indemnité afférente à la destruction de biens, et toute somme payable en vertu d’une police d’assurance du fait de la perte ou de la destruction de biens,

(iv) toute indemnité afférente aux biens pris en vertu d’une loi, ou le montant du prix de vente des biens vendus à une personne ayant donné un avis de son intention de les prendre en vertu d’une loi,

Il est manifeste que l’alinéa 54h) ne crée pas de présomption et, à cet égard, il y a lieu de faire la différence entre cette disposition et, par exemple, le paragraphe 39(4) [édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 16; S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 18] et l’article 54.2 [édicté par L.C. 1988, ch. 55, art. 32] de la Loi actuelle. Aux termes du paragraphe 39(4), la disposition de titres canadiens est réputée être la disposition d’un bien en immobilisation si le contribuable en fait le choix. En vertu de l’article 54.2, les actions reçues en contrepartie du transfert à une corporation de la totalité ou presque de l’actif qu’une personne utilisait dans une entreprise qu’elle exploitait activement sont réputées être des biens en immobilisation. Les sous-alinéas 54h)(iv) et (v), par ailleurs, ont été ajoutés à la Loi pour contrer l’effet de la décision rendue dans Kicking Horse Forest Products Ltd. v. British Columbia (Minister of Finance), [1973] 6 W.W.R. 343 (C.S.C.-B.); confirmée à (1974), 49 D.L.R. (3d) 149 (C.A.C.-B.); confirmée à [1976] 1 R.C.S. 711. Dans cette affaire, la Cour a statué qu’une expropriation ne constituait pas une vente aux termes de la Logging Tax Act, R.S.B.C. 1960, ch. 225, art. 2b). En l’absence du sous-alinéa 54h)(iv), il serait loisible à un contribuable d’affirmer que les biens pris par voie d’expropriation ne constituent pas une disposition et, par conséquent, qu’il ne peut y avoir de produit de disposition; voir B. J. Arnold, T. Edgar et J. Li, éditeurs, Materials on Canadian Income Tax, 10e éd. (Scarborough, Ont.) : Carswell, 1993), à la page 533, note 78.

À mon avis, l’analyse qui précède suffit pour régler la question relative à la distinction entre capital et revenu. Par conséquent, les 377 015 $ que la contribuable a touchés à titre d’indemnité pour les terrains expropriés sont imposables en tant que revenu tiré d’une entreprise aux fins du paragraphe 9(1) de la Loi. Sur ce point, la décision du juge de première instance doit être confirmée. La seule question qui reste à trancher est de déterminer si les intérêts supplémentaires sont un revenu au sens du paragraphe 9(1) ou de l’alinéa 3a) de la Loi. Je traiterai tout d’abord du revenu imposé aux termes du paragraphe 9(1) qui est formulé dans les termes suivants :

9. (1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

La jurisprudence ayant trait à l’imposition des sommes que des autorités d’expropriation versent à un contribuable comprend trois jugements de la présente Cour : Sani Sport Inc. c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 411 (C.F. 1re inst.); confirmée à [1990] 2 C.T.C. 15 (C.A.F.); Shaw c. Canada, précité, et E.R. Fisher Ltd. c. La Reine, précité.

Dans Sani Sport Inc., la Cour a statué qu’une somme payée à titre de dommages-intérêts pour perte d’activité commerciale potentielle devait être incluse dans le calcul du produit de la disposition aux termes du sous-alinéa 54h)(iv) de la Loi. La règle générale qui se dégage de cette décision établit que l’indemnité versée à l’égard de terrains expropriés sera traitée comme un tout. Dans certains cas, toutefois, certaines sommes seront ventilées et feront l’objet d’un traitement fiscal différent. Cette règle générale souffre une exception au chapitre de l’indemnité versée pour le préjudice subi. Une telle indemnité ne se rattache pas aux terrains qui ont été expropriés, mais plutôt à la diminution de valeur des terrains conservés par le contribuable à la suite de l’expropriation. Le sous-alinéa 54h)(v) de la Loi prévoit expressément le versement d’une indemnité afférente à des biens ayant subi un préjudice. On suppose généralement que les règles régissant la disposition partielle d’un bien, énoncées à l’article 43 [mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 17] et à l’alinéa 53(2)d) de la Loi, s’appliquent en pareilles circonstances : voir Arnold, précité, à la page 533, note 79.

Bien entendu, la règle générale ne peut s’appliquer à l’indemnité classée dans la catégorie des intérêts ordinaires. Dans l’arrêt Shaw c. Canada, précité, la présente Cour devait déterminer si les intérêts ordinaires payables en vertu de la Expropriation Act, à l’égard d’un bien en immobilisation, devaient être qualifiés d’intérêts imposables aux termes de l’alinéa 12(1)c) ou être inclus dans le produit de la disposition conformément au sous-alinéa 54h)(iv) et, en conséquence, être traités comme une rentrée de capital. La Cour a statué que ces sommes étaient imposables en vertu de la première disposition au motif que les intérêts ordinaires ne constituent pas une indemnité afférente aux biens expropriés, mais plutôt une indemnité pour la perte de rendement des sommes non versées à la date d’effet de l’expropriation. Ainsi, les intérêts ordinaires ont été soustraits de la composante « capital » prévue dans l’entente relative à l’expropriation.

Si l’on applique le raisonnement énoncé dans l’arrêt Shaw aux faits de l’espèce, il est clair que les intérêts supplémentaires ne constituent pas une indemnité pour les terrains qui ont été pris, non plus qu’une indemnité pour la perte de rendement des sommes accordées. Pour déterminer la véritable nature d’une telle somme, il suffit d’examiner la décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’arrêt Mannix v. The Queen, précité. À la page 310, le juge d’appel Stevenson (tel était alors son titre) déclare que les intérêts accordés conformément au paragraphe 66(4) [traduction] « l’ont manifestement été à titre pénal, et non pas à titre d’indemnisation ou de dédommagement ». En outre, il indique que les intérêts supplémentaires ont pour but de dissuader les offres de paiements symboliques ou irréalistes et qu’un propriétaire foncier n’a pas le droit de réclamer une telle somme à titre d’indemnisation.

Je ne pense pas qu’il soit possible de nier qu’il existe une distinction valide entre les intérêts ordinaires et les intérêts supplémentaires. Les intérêts ordinaires représentent [traduction] « une indemnité pour l’usage ou la rétention, par une personne, d’une somme d’argent appartenant à … quelqu’un d’autre » (Attorney-General for Ontario v. Barfried Enterprises Ltd., [1963] R.C.S. 570, à la page 575). Les sommes accordées à titre d’intérêts supplémentaires ne servent pas ces fins. Elles servent plutôt les mêmes fins que des dommages-intérêts punitifs : voir Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 1085; et Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130. Par conséquent, la somme en question ne peut être traitée, aux fins fiscales, de la même manière que l’indemnité accordée aux différents chapitres énoncés au paragraphe 42(2) de la Expropriation Act. Bref, les intérêts supplémentaires ne doivent pas servir au calcul d’un gain ou d’une perte provenant de la disposition d’un bien, conformément au paragraphe 9(1) de la Loi. Ceci m’amène à examiner la décision de la Section de première instance dans E.R. Fisher Ltd. c. La Reine, précitée. De toute évidence, cette décision n’appuie pas ma conclusion.

Dans E.R. Fisher Ltd., les faits sont, à toutes fins pratiques, identiques à ceux de l’espèce. Dans cette affaire, la contribuable avait droit à des intérêts supplémentaires par suite d’une expropriation de biens en immobilisation, aux termes d’une disposition comparable énoncée à l’alinéa 33(3)b) de la Loi sur l’expropriation, S.R.C. 1970, (1er Supp.), ch. 16. La contribuable a fait valoir que les intérêts supplémentaires constituaient un gain fortuit non imposable. Le ministre a établi une nouvelle cotisation au motif que la somme faisait partie du produit de la disposition et constituait donc un gain en capital imposable. L’appel interjeté par la contribuable devant la Section de première instance de la présente Cour a été rejeté, entre autres choses, pour le motif suivant : « Le paiement [des intérêts supplémentaires] constituait une contrepartie partielle ou la reconnaissance du droit qu’avait la [contribuable] sur l’immeuble » (à la page 121). Au vu de la décision subséquente rendue dans l’arrêt Shaw et du fait qu’une somme accordée à titre d’intérêts supplémentaires constitue des dommages-intérêts punitifs, la décision E.R. Fisher Ltd. ne peut plus être considérée comme faisant autorité. Ainsi, il me reste à déterminer si les intérêts supplémentaires sont inclus à titre de « revenu ... dont la source » au sens de l’alinéa 3a) de la Loi. Cette question nous amène à examiner la notion fondamentale de revenu, au sens où ce terme est employé dans la Loi, et la notion connexe de gain fortuit.

La détermination des rentrées de fonds qui constituent un revenu aux fins de l’imposition est essentielle à l’économie de la Loi. Pris isolément, le terme revenu prête à des interprétations extrêmement divergentes. Interprété de façon stricte, le revenu peut être restreint uniquement aux sommes que touchent les contribuables de façon périodique. Interprété de façon large, le revenu peut englober tout ce qui contribue à accroître la richesse. Il est probable que les contribuables canadiens préféreront la première définition. La deuxième approche reflète la préoccupation des économistes qui cherchent à établir l’équité horizontale et verticale dans un régime fiscal. Ils ont donc tendance à interpréter largement les rentrées de fonds qui devraient être incluses dans le revenu. Cette perspective se retrouve dans le Rapport de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité. À partir de la définition de revenu de Haig-Simon, cette Commission recommandait l’établissement d’une assiette fiscale modifiée mais complète. Si cette recommandation était devenue loi, nous aurions assisté, par exemple, à l’imposition des dons et des legs. Au lieu de cela, la notion de revenu est demeurée sans définition dans la Loi, à l’exception du fait que ce revenu doit provenir d’une source quelconque.

Il ne fait aucun doute que la doctrine relative à la source du revenu sert à restreindre la portée des dispositions de la Loi imposant une responsabilité, de façon que certaines rentrées de fonds puissent échapper au fisc, notamment les dons et les legs. Il existe une question plus difficile, cependant, et c’est de définir la portée précise de la doctrine et les critères juridiques qui doivent s’appliquer pour déterminer si une rentrée de fonds particulière est imposable. L’origine de la doctrine elle-même se trouve bien entendu à l’article 3 de la Loi qui constitue le fondement à partir duquel le revenu d’un contribuable peut être déterminé dans une année d’imposition donnée pour les fins de la Partie I de la Loi. La notion de revenu tiré d’une source est énoncée à l’alinéa 3a) :

3. Le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l’année, déterminé selon les règles suivantes :

a) en calculant le total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien), dont la source se situe à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, y compris, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien. [Non souligné dans l’original.]

Les origines historiques de cette doctrine sont bien connues et méritent d’être soulignées par contraste avec la manière dont elles ont été reformulées dans l’alinéa ci-dessus. La notion de source du revenu remonte aux lois fiscales anglaises du 19e siècle, qui exigeaient que les contribuables produisent une déclaration d’impôt pour chaque source de revenu. L’objectif du législateur était de s’assurer qu’aucun fonctionnaire ne connaisse le revenu total d’une personne. Plus important encore, la doctrine de la source du revenu faisait une distinction entre le revenu provenant d’une source et la disposition de la source elle-même. Dans une société agraire, la terre est considérée comme la source du revenu. Les bénéfices sont tirés des récoltes annuelles et représentent le revenu. La disposition de la terre elle-même, c’est-à-dire du capital, est vue comme une opération de nature différente et, par conséquent, la distinction entre le revenu et le capital est cruciale. Cette distinction est aussi importante aujourd’hui qu’elle l’était dans les siècles passés.

Le régime fiscal anglais a retenu la notion de source du revenu, maintenant connue sous l’expression de système de liste. À moins de pouvoir être classée dans l’une des six listes désignées, une rentrée de fonds n’est tout simplement pas imposable. Ainsi donc, les dons, les legs et les gains fortuits, ne découlant pas une source désignée, sont traités comme des rentrées de fonds non imposables. La distinction établie entre le revenu et le capital est préservée et, ainsi, les gains en capital sont exonérés d’impôt.

La méthode canadienne est semblable à celle adoptée par le régime anglais, mais uniquement dans la mesure où la définition de revenu est circonscrite par la doctrine de la source du revenu. La distinction essentielle entre ces deux méthodes repose sur le fait que l’alinéa 3a) fait d’abord référence à un revenu provenant de n’importe quelle source et identifie ensuite les sources traditionnelles : le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien. L’alinéa 3a) indique clairement que les sources désignées ne sont pas exhaustives et, ainsi, que le revenu peut provenir d’autres sources non identifiées. Bref, le Parlement a choisi de définir le revenu en faisant référence à une doctrine restrictive, mais en le formulant d’une manière propre à atteindre des fins plus larges. Toutefois, les auteurs s’entendent pour dire que l’alinéa 3a) continue d’être interprété de façon restrictive : voir Arnold, précité, à la page 48 et suivantes; V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 4e éd., (Scarborough, Ont : Carswell, 1992), aux pages 129 et 130; et J. A. Rendall, « Defining the Tax Base », dans B. G. Hansen, V. Krishna et J. A. Rendall, éditeurs, Canadian Taxation (Toronto : Richard De Boo, 1981), à la page 59.

L’interprétation restrictive imposée à l’alinéa 3a) remonte, du moins en partie, au principe antérieur à 1984 selon lequel les ambiguïtés relevées dans les articles des lois fiscales imposant des responsabilités« à cause de leur caractère pénal—devaient être interprétées en faveur du contribuable : voir British Columbia Railway c La Reine, [1979] CTC 56 (C.F. 1re inst.). Cette opinion traditionnelle n’a jamais été contestée avant la décision de la Cour suprême du Canada dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536. Dans cet arrêt, la Cour suprême a remplacé la règle de l’interprétation stricte par l’approche contextuelle relative à l’interprétation des lois prônée par E. A. Driedger dans son ouvrage classique, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1983) où, à la page 87, l’auteur fait observer ce qui suit :

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

Récemment, la Cour suprême a eu l’occasion de résumer les principes applicables à l’interprétation des lois dans l’arrêt Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3. Les principes de l’approche « téléologique » sont maintenant fermement établis dans notre jurisprudence. Pour les fins de l’espèce, il suffit de souligner le principe résiduel suivant : « Seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d’interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable » (le juge Gonthier s’exprimant au nom de la Cour, à la page 20). Je mentionne cette règle d’interprétation particulière parce qu’elle a été appliquée par la Cour suprême dans une affaire portant sur l’alinéa 3a) de la Loi. Cette affaire sera examinée ultérieurement.

La règle de l’interprétation stricte peut expliquer l’hésitation des tribunaux à reconnaître de nouvelles sources de revenu. Malheureusement, même l’application des approches contextuelle et téléologique à l’interprétation des lois ne permet pas de préciser la portée de la doctrine de la source du revenu. L’examen de deux dispositions connexes de la Loi nous permet de constater que le législateur a choisi d’inclure dans le revenu, et d’en exclure, certains éléments sans se soucier de savoir si leur traitement fiscal porte atteinte à la doctrine de la source du revenu. L’article 12 de la Loi prescrit une multitude de sommes à inclure comme revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien. La liste des sommes exclues du calcul du revenu, qui se trouve à l’article 81, est encore plus longue. Il est possible de penser que plusieurs de ces éléments recevraient un traitement fiscal différent en vertu de la doctrine de la source du revenu en l’absence de ces deux articles de la Loi. Je reconnais que le législateur doit nécessairement inclure dans le revenu, et en exclure, certains éléments afin de promouvoir différents objectifs sociaux et économiques. Toutefois, le résultat démontre qu’il est vain de chercher à appliquer l’approche contextuelle ou téléologique pour interpréter l’alinéa 3a). Les paramètres de la doctrine de la source du revenu ne peuvent être extraits de dispositions qui ont pour but de contredire les fondements même de cette doctrine.

Dans ce contexte, les tribunaux doivent décider des éléments qui, d’après eux, sont exclus de la portée de l’alinéa 3a). Je commencerai par les catégories d’exclusion reconnues : les gains tirés du jeu, les dons et les legs, et la catégorie résiduelle des gains fortuits. Je traiterai brièvement des deux premières catégories, étant donné qu’elles constituent le fondement de la troisième.

Les gains tirés du jeu ne sont pas imposables pourvu que le contribuable ne fasse pas le commerce du jeu : voir Graham v. Green, [1925] 2 K.B. 37; Minister of National Revenue v. Walker, William S., [1952] R.C.É. 1; Morden, Harry Edgar v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.É. 29. La raison classique invoquée pour exclure ces sommes du revenu vient du fait qu’un « pari » se fonde sur un « contrat irrationnel ». Il serait plus convaincant de les exclure parce que les gains tirés du jeu ne proviennent pas d’une source productive, c’est-à-dire d’une source propre à produire un revenu : voir F. E. LaBrie, The Principles of Canadian Income Taxation, (Don Mills (Ont.) : CCH Canadian Ltd., 1965), à la page 25.

Il n’est pas nécessaire de citer des autorités favorables à l’exonération des dons et des legs. Il est bien accepté que ces éléments représentent des sommes exceptionnelles et un transfert du patrimoine. Le postulat selon lequel le revenu suppose la création d’une nouvelle richesse est l’un des éléments qui sous-tendent la doctrine de la source du revenu. Les dons ne proviennent donc pas d’une source productive de revenu. Lorsqu’un don provient de ce qui est par ailleurs considéré comme une source productive, par exemple l’emploi d’un contribuable, alors il y a lieu de se demander s’il s’agit d’un salaire ou d’avantages cachés accordés à un employé (voir l’article 6 de la Loi). Pour qu’il y ait don, il doit y avoir transfert de biens à titre volontaire et gratuit. Il ne doit donc pas y avoir de contrepartie. Par conséquent, un paiement versé à titre de compensation ne sera pas considéré comme un don.

La portée précise de la catégorie résiduelle que constituent les gains fortuits pose problème. Au mieux, on peut soutenir qu’un paiement inattendu ou imprévu et exceptionnel sera selon toute probabilité considéré comme un gain fortuit. Mais comme pour bien des généralisations, cette affirmation doit être examinée à la loupe. J’analyse maintenant la jurisprudence qui se rapporte raisonnablement à la question.

Tout d’abord, on pourrait penser que la décision de la Commission d’appel de l’impôt dans l’arrêt Cartwright and Sons Ltd. v. Minister of National Revenue (1961), 61 DTC 499 (C.A.I.) a réglé définitivement la question. Dans cette affaire, le tribunal a statué que des dommages-intérêts punitifs ne sont pas imposables au motif que la somme versée au contribuable [traduction] « ne présentait aucune des caractéristiques du revenu » (à la page 501). La Commission ne pousse pas plus loin son raisonnement juridique. L’arrêt R. c. Cranswick, précité, fait une analyse plus détaillée de l’alinéa 3a). Dans cet arrêt, la présente Cour devait déterminer si un paiement imprévu fait à un actionnaire minoritaire par l’actionnaire majoritaire d’une compagnie canadienne constituait un revenu. L’actionnaire majoritaire était la société mère américaine de la société canadienne. Le paiement avait été effectué pour tuer dans l’œuf toute contestation possible découlant de la vente d’une partie de l’actif de la société canadienne pour une somme inférieure à la valeur comptable. La Cour conclut que le paiement en question n’était pas imposable parce qu’il « revêt un caractère inhabituel et inattendu, et l’on ne peut chercher délibérément à se l’assurer à titre de revenu tiré d’actions » (à la page 820). La Cour fait également référence à plusieurs éléments qui pourraient s’appliquer pour déterminer si une rentrée de fonds constitue un revenu provenant d’une source. Toutefois, la Cour a pris bien soin de stipuler que, même si chacun des éléments suivants peut être pertinent, aucun d’eux n’est déterminant pour décider si un paiement représente un gain fortuit ou imprévisible (aux pages 818 et 819) :

[traduction] a) [Le contribuable] ne possédait aucun droit d’action à l’égard de ce paiement;

b) [Le contribuable] n’a fait aucun effort soutenu pour obtenir ce paiement;

c) [Le contribuable] n’a ni recherché ni sollicité ce paiement de quelque façon que ce soit;

d) [Le contribuable] ne s’attendait pas à recevoir ce paiement ni expressément, ni selon l’usage;

e) Il n’a nullement été prévu que ce paiement aurait une suite;

f) Ce paiement ne venait pas d’une source habituelle de revenus pour [le contribuable];

g) Ce paiement ne constituait ni la contrepartie ni la reconnaissance de biens, de services ou de quoi que ce fût, fournis ou à fournir par [le contribuable]; il n’a pas été gagné par [le contribuable] par suite de quelque activité ou poursuite de profit, ni de quelque autre manière.

Il y a un aspect de l’arrêt Cranswick qui ne semble pas avoir été contesté en appel. On peut se demander si, dans cette affaire, le contribuable a reçu le paiement en échange de la renonciation à son droit d’être indemnisé pour les pertes subies du fait de la vente à un prix désavantageux. Il semble que cette question ait dû être abandonnée étant donné que l’exposé conjoint des faits stipulait que le paiement en question n’avait pas été fait en rapport avec un droit d’action que les actionnaires minoritaires auraient pu faire valoir à l’encontre de la société canadienne. Cette concession de la part du ministre ne peut être ignorée étant donné que le droit actuel reconnaît que les sommes payées en échange de la renonciation à un droit prévu par la loi, aussi contestable soit-il, peut constituer un revenu entre les mains du contribuable. C’est l’un des enseignements qui se dégagent de l’arrêt Mohawk Oil Co. c. Canada, précité.

Finalement, deux arrêts de la Cour suprême du Canada doivent être cités. Le premier est Curran v. Minister of National Revenue, [1959] R.C.S. 850. Dans cette affaire, le contribuable avait reçu 250 000 $ d’un tiers pour l’inciter à quitter son emploi. La convention entre le contribuable et le tiers stipulait que le paiement était versé [traduction] « en contrepartie de la perte des droits à une pension, des chances d’avancement, et des possibilités de réembauchage » (à la page 853). La Cour suprême a reconnu à la majorité que la source du paiement était l’emploi du contribuable auprès du tiers. Le paiement de 250 000 $ versé au contribuable a été considéré comme un revenu au sens de la disposition qui constitue maintenant l’alinéa 3a) de la Loi.

L’autre arrêt de la Cour suprême dont il faut tenir compte est Canada c. Fries, [1990] 2 R.C.S. 1322. Dans cette affaire, la Cour suprême a statué que l’allocation de grève ne constitue pas un « revenu ... dont la source » au sens de l’alinéa 3a). Le contribuable avait reçu de son syndicat une allocation hebdomadaire de grève équivalant à son salaire net normal pendant qu’il était en grève. Le fonds de grève du syndicat était constitué des cotisations déductibles d’impôt payées par ses membres. Au moment où les syndiqués ont voté en faveur de la grève, ils étaient au courant d’une recommandation syndicale selon laquelle ils seraient remboursés pour la perte de leur salaire et autres avantages en échange de leur appui à la grève. En annulant le jugement de la Cour d’appel fédérale, la Cour suprême a rétabli la décision de la Commission de révision de l’impôt. L’analyse fournie par la Cour suprême se limite à la conclusion selon laquelle « ce doute doit profiter aux contribuables » (à la page 1323), voir [1989] 3 C.F. 362(C.A.); confirmant [1985] 2 C.F. 378(1re inst.); révisant [1983] CTC 2124 (C.R.I.).

Je ne crois pas nécessaire d’invoquer la présomption résiduelle pour en arriver à la conclusion que des dommages-intérêts punitifs constituent un gain fortuit. Je ne suis pas non plus disposé à fonder ma décision sur le fait que le paiement d’intérêts supplémentaires est, ce qui est défendable, une forme de revenu exceptionnelle, imprévue ou inhabituelle. De façon générale, j’accepte que les sommes versées par des autorités d’expropriation à un contribuable constituent un revenu tiré d’une source productive. De même, j’accepte que le contribuable peut faire valoir son droit à des intérêts supplémentaires une fois que la Commission conclut qu’il y a eu faute de la part des autorités d’expropriation. En outre, il n’est pas nécessaire que le contribuable ait activement cherché à se faire payer des intérêts supplémentaires. Le facteur essentiel est que les dommages-intérêts punitifs qui ont été octroyés ne découlent ni de l’exécution d’une opération commerciale, ni du manquement à une telle opération. Bien entendu, il n’y a pas lieu d’établir une distinction entre les échanges commerciaux volontaires et involontaires.

En l’espèce, les intérêts supplémentaires ne proviennent pas des autorités d’expropriation. Cet organisme est uniquement celui qui les a payés. La véritable source de ces intérêts est la Expropriation Act qui dicte, à titre de politique publique, que les autorités d’expropriation sont tenues de payer une somme à titre pénal dans les cas où leur comportement ne respecte pas une norme établie. Le paiement d’intérêts supplémentaires prévu au paragraphe 66(4) de la Expropriation Act n’est pas lié à la question de la juste indemnité versée pour les terrains expropriés. Cet aspect est traité de façon exhaustive à l’article 42 et au paragraphe 66(2). À certains égards, le paiement d’intérêts supplémentaires possède les attributs d’un don. Le contribuable est le bénéficiaire, non pas des largesses des autorités d’expropriation, mais de la volonté du législateur d’assurer le respect de normes minimales régissant le comportement en matière commerciale. Le gain dont profite le contribuable est une perte pour les autorités d’expropriation. Le paiement en question ne découle pas d’une entente expresse ou implicite entre les parties. Il n’y a pas d’élément d’échange ou de compromis. Il n’y a pas de contrepartie. Il n’y a pas de contre-prestation de la part du contribuable. Le paiement est simplement un gain fortuit et, par conséquent, ne peut constituer un revenu au sens de l’alinéa 3a) de la Loi.

En arrivant à la conclusion précitée, je n’ai pas perdu de vue le fait que le paiement de ces intérêts supplémentaires est prévu dans la loi au même titre que le paiement de l’indemnité pour les terrains expropriés. Toutefois, dans le cas de l’expropriation, la possibilité d’obtenir des intérêts supplémentaires ne se serait pas matérialisée et, par conséquent, il est possible de soutenir que nous ne devrions pas isoler le paiement de sommes spécifiques des dispositions d’indemnisation dont elles font partie intégrante. Pour autant que ce raisonnement plaise à certains, je ne le trouve pas convaincant.

À mon avis, on ne peut traiter une somme qui n’est pas payée à titre d’indemnisation de la même façon qu’une somme payée à titre d’indemnisation simplement parce que le paiement de ces deux sommes provient de la même opération. Selon le droit actuel, nous devons examiner la nature et la fin d’un paiement particulier au moment d’évaluer comment cette somme sera traitée du point de vue fiscal. Cela est certainement vrai lorsqu’il s’agit du traitement fiscal des sommes octroyées ou des règlements découlant de réclamations en matière contractuelle ou délictuelle. Ces sommes ne sont pas traitées automatiquement comme un tout. Pour ce qui est des réclamations en matière de préjudice corporel, le traitement fiscal réservé aux dommages-intérêts généraux et spéciaux par le ministre n’est pas le même que celui qui s’applique au dédommagement pour la perte d’un revenu tiré d’un emploi : voir le bulletin d’interprétation IT-365R2 et IT-183. Dans les cas de violation de contrat, la répartition peut être faite selon le type des pertes à l’égard desquelles l’indemnité a été payée : voir Mohawk Oil Co. c. Canada, précité. La même approche s’applique à une rentrée de fonds qui est qualifiée de dommages-intérêts punitifs.

Pour les motifs énoncés ci-dessus, j’accueillerais l’appel en partie, j’annulerais la partie de la décision de la Section de première instance en date du 7 juillet 1994 concluant que la somme de 114 272 $ représentant des intérêts supplémentaires devait être considérée comme un revenu et je renverrais la question au ministre pour l’établissement d’une nouvelle cotisation tenant compte des présents motifs. À tous autres égards, l’appel sera rejeté. La contribuable a droit à ses frais dans le présent appel.

Le juge Stone, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge Décary, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.