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[1996] 1 C.F. 322

A-484-94

Procureur général du Canada (requérant)

c.

Enrique Hoefele (intimé)

A-491-94

Procureur général du Canada (requérant)

c.

Thomas D. Zaugg (intimé)

A-547-94

Procureur général du Canada (requérant)

c.

Peter Mikkelsen (intimé)

A-604-94

Procureur général du Canada (requérant)

c.

Dan Krall (intimé)

A-123-95

David Krull (requérant)

c.

Procureur général du Canada (intimé)

Répertorié : Canada (Procureur général) c. Hoefele (C.A.)

Cour d’appel, juges MacGuigan, Linden et Robertson, J.C.A. — Toronto, 7 septembre; Ottawa, 11 octobre 1995.

Impôt sur le revenu Calcul du revenu L’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire constitue-t-elle un avantage imposable aux fins des art. 6(1)a) et 80(4) de la Loi de l’impôt sur le revenuL’employeur des contribuables a exigé de ceux-ci qu’ils quittent Calgary pour s’établir à Toronto dans le cadre de la restructuration de l’entrepriseL’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire a été offerte pour compenser l’augmentation des frais d’intérêt due au coût plus élevé des maisons à TorontoJurisprudence relative à la signification du mot « avantage » — Une rentrée ne constitue un avantage imposable aux termes de l’art. 6(1)a) que si elle a pour effet d’améliorer la situation financière du contribuableLes contribuables n’ont réalisé aucun gain financier par suite du versement de l’aideAucune augmentation de la valeur netteL’art. 80.4(1) exige l’existence d’un lien étroit entre le prêt ou la dette et l’emploiAbsence d’un lien causal important en l’espèceAucun prêt ou dette contracté « en raison ou par suite » ou « en raison » de l’emploiL’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire ne constitue ni un avantage au sens de l’art. 6(1)a) ni un prêt ou une dette au sens de l’art. 80.4(1).

Il s’agit de demandes d’annulation de décisions de la Cour canadienne de l’impôt selon lesquelles une aide au paiement de l’intérêt hypothécaire ne constitue pas un avantage imposable au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. En 1991, l’employeur des cinq contribuables, Pétro-Canada, a exigé de ceux-ci qu’ils quittent Calgary pour s’établir dans la région de Toronto dans le cadre de la restructuration globale de l’entreprise. Pour compenser en partie le coût plus élevé du logement dans la région de Toronto et inciter les employés à accepter la réinstallation, Pétro-Canada a offert de prendre à sa charge toute majoration des frais d’intérêt hypothécaire afférents à leurs nouvelles maisons, jusqu’à concurrence d’un montant établi en fonction de l’écart entre les prix sur le marché de maisons comparables à Calgary et à Toronto. Cet écart s’établissait à 1,55 au moment de la réinstallation. L’aide était versée pendant au plus dix ans, sur une base dégressive, à raison de 100 p. cent la première année jusqu’à 50 p. cent la dixième; elle visait uniquement la majoration des frais d’intérêt, à l’exclusion du capital. La question était de savoir si cette aide constituait un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a) ou de l’article 80.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Arrêt (le juge Robertson, J.C.A., dissident) : il y a lieu de rejeter les demandes du ministère public et d’accueillir la demande du contribuable.

Le juge Linden, J.C.A. : Pour qu’un « avantage » soit imposable, la rentrée doit conférer un avantage économique à son bénéficiaire et accroître la valeur nette de son patrimoine. La question est de savoir si le contribuable a été rétabli dans sa situation financière antérieure ou s’il s’est enrichi. Si, dans le cadre de l’opération globale, la situation financière de l’employé n’est pas améliorée, c’est-à-dire s’il s’agit d’une opération où les différents éléments s’annulent lorsqu’on les considère dans leur ensemble, la rentrée n’est pas un avantage et, par conséquent, elle n’est pas imposable en vertu de l’alinéa 6(1)a). Vu l’absence de dispositions exhaustives concernant le traitement fiscal des frais engagés par un employé dans le cadre d’une réinstallation, la question doit souvent être tranchée selon les faits de l’espèce conformément aux principes généraux dégagés par la jurisprudence. La forme que revêt l’opération en cause importe aux fins d’assimiler la rentrée à un revenu ou à un « avantage ». Lorsqu’une entreprise verse une somme forfaitaire à un employé pour le dédommager de l’augmentation du coût du logement dans le cadre d’une réinstallation, la somme est imposable si la situation de l’employé s’en trouve améliorée. Par contre, l’aide financière qui consiste à dédommager de la perte d’un taux hypothécaire avantageux n’est pas imposable. Lorsqu’une entreprise rembourse les dépenses engagées par un employé en lui accordant une augmentation de salaire, le montant de l’augmentation est imposable. Le fait que différentes sortes d’opérations commandent des traitements différents n’est ni inéquitable ni équivalent au contournement inapproprié des dispositions fiscales. La majorité des juges de la Cour canadienne de l’impôt appelés à statuer dans les cinq affaires ont conclu à juste titre que l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire ne constitue pas un avantage imposable, principalement parce qu’elle n’a pas pour effet d’accroître la valeur réelle de la résidence des débiteurs hypothécaires. Les contribuables n’ont réalisé aucun gain financier en raison de l’aide, et la valeur nette de leur patrimoine ne s’est pas accrue. En ce qui concerne la question de savoir si l’aide au paiement de l’intérêt constitue un avantage imposable au sens du paragraphe 80.4(1) de la Loi, la question qui doit être tranchée est celle de savoir si la partie du prêt hypothécaire contracté par chacun des contribuables à l’égard d’une maison à Toronto et à laquelle l’aide au paiement de l’intérêt s’appliquait a été reçue « en raison » ou « par suite » de l’emploi. Le paragraphe 80.4(1) exige un lien étroit entre le prêt ou la dette et l’emploi, un lien beaucoup plus étroit que celui exigé à l’alinéa 6(1)a) entre l’avantage et l’emploi. Les faits de la présente affaire ne font pas ressortir l’existence d’un lien causal important. Les employés qui ont accepté l’aide au paiement de l’intérêt étaient tous propriétaires, avant leur réinstallation, d’une maison qu’ils ont remplacée par une autre comparable. Chacun a fait ce qui était nécessaire pour financer le remplacement et a obtenu le financement requis en grande partie sans le concours de l’employeur. Il ne s’agit pas d’un prêt ou d’une dette contracté « en raison ou par suite » ou « en raison » de l’emploi. Chacun des prêts a été reçu et chacune des dettes a été contractée afin de conserver la propriété d’une maison. L’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire n’était ni un avantage au sens de l’alinéa 6(1)a) ni un prêt ou une dette au sens du paragraphe 80.4(1).

Le juge Robertson, J.C.A. (dissident) : La jurisprudence fait ressortir deux tendances quant au traitement fiscal des sommes reçues par les employés qui doivent se réinstaller. Selon la première tendance, les sommes sont versées pour compenser le coût plus élevé du logement dans le nouveau lieu de travail. Ce cas est régi par la règle formulée dans M.R.N. c. Phillips, où la Cour a statué que la somme forfaitaire de 10 000 $ versée par un employeur à un employé pour indemniser ce dernier du coût plus élevé du logement dans la ville où se trouvait son nouveau lieu de travail, constitue un avantage imposable accordé à un employé au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. Suivant l’autre tendance, qui correspond à la règle dégagée dans Ransom, l’employé est remboursé des pertes financières réelles subies à l’occasion de la vente de sa résidence. Le jugement rendu dans Phillips et le raisonnement juridique qui le sous-tend s’appliquent également en l’espèce. La question qu’il convient de trancher est de savoir si l’aide a eu pour effet d’accroître la valeur globale du patrimoine des contribuables, c’est-à-dire si elle a conféré un « avantage économique » à ces derniers. C’est au moyen des versements en cause que Pétro-Canada a choisi d’indemniser ses employés relativement au coût de la vie plus élevé dans la région de Toronto, sans recourir à une augmentation de salaire. Ils visaient à compenser les frais de subsistance personnels des contribuables et leur conféraient de toute évidence un « avantage économique ». L’aide mensuelle au paiement de l’intérêt a accru la valeur nette du patrimoine des contribuables du fait que ces derniers n’ont pas eu à supporter le coût total de l’acquisition d’un actif de plus grande valeur. Il s’agissait d’une indemnité monétaire qui n’était pas incluse dans le traitement ou le salaire et, à ce titre, c’était un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. La forme que revêt le paiement effectué ne doit pas faire écran à la réalité juridique, c’est-à-dire que les contribuables ont bénéficié d’une aide financière visant à les indemniser de ce qui constitue, en fait, des frais de subsistance personnels. En ce qui concerne l’applicabilité de l’article 80.4 et des dispositions connexes, on peut dire que, s’ils n’avaient pas travaillé pour Pétro-Canada, les contribuables n’auraient pas eu droit à l’aide mensuelle au paiement de l’intérêt. Sans cette aide, et si Pétro-Canada n’avait pas payé le montant de celle-ci directement à La Confédération, les contribuables n’auraient pas obtenu un prêt hypothécaire dans le cadre duquel les mensualités étaient réduites grâce au montant de l’aide consentie par Pétro-Canada. Les contribuables ont obtenu un prêt à un taux d’intérêt réduit, ce que vise précisément l’article 80.4. L’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire accordée en l’espèce constitue un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a) de la Loi.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 6.

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 6(1)a) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 1), b), (6) (mod. par S.C. 1977-78, ch. 32, art. 1; 1985, ch. 45, art. 2), (9) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 1), 8, 62, 80.4 (édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 35; S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 44; 1984, ch. 45, art. 25; 1985, ch. 45, art. 38; 1986, ch. 6, art. 40; 1991, ch. 49, art. 60; 1993, ch. 24, art. 32), 110(1)j) (mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 49; 1986, ch. 6, art. 55; 1987, ch. 46, art. 38), 110.7 (édicté par S.C. 1986, ch. 55, art. 33; S.C. 1991, ch. 49, art. 82), 245, 248(1) « prêt à la réinstallation » (édicté par S.C. 1986, ch. 6, art. 126; S.C. 1991, ch. 49, art. 192).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428; [1983] CTC 393; (1983), 83 DTC 5409; 50 N.R. 321; Ransom, Cyril John v. Minister of National Revenue, [1968] 1 R.C.É. 293; [1967] C.T.C. 346; (1967), 67 DTC 5235; Huffman c. Canada (1990), 71 D.L.R. (4th) 385; [1990] 2 C.T.C. 132; 90 DTC 6405; 112 N.R. 78 (C.A.F.); Splane (R.O.J.) c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 199; (1990), 90 DTC 6442; 36 F.T.R. 35 (C.F. 1re inst.); conf. par La Reine c. Splane, R.O.J. (1991), 92 DTC 6021 (C.A.F.); Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; (1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983] 2 C.N.L.R. 89; [1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R. 41.

DISTINCTION FAITE AVEC :

M.R.N. c. Phillips, [1994] 2 C.F. 680 (1994), 2 C.C.P.B. 1; [1994] 1 C.T.C. 383, 94 DTC 6177; 167 N.R. 123 (C.A.), autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée par (1994), 5 C.C.P.B. 41n.

DÉCISIONS CITÉES :

Funnell (R.) c. M.R.N., [1991] 1 C.T.C. 2498; (1991), 91 DTC 787 (C.C.I.); Greisinger c. M.R.N. (1986), 15 C.C.E.L. 29; [1986] 2 C.T.C. 2441; 86 DTC 1802 (C.C.I.); Willick c. Willick, [1994] 3 R.C.S. 670; (1994), 119 D.L.R. (4th) 405; 125 Sask. R. 81; 173 N.R. 321; 6 R.F.L. (4th) 161; 81 W.A.C. 81; Hills c. Canada (Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 513; (1988), 48 D.L.R. (4th) 193; 88 CLLC 14,011; 84 N.R. 86; Friedberg (A.D.) c. Canada, [1992] 1 C.T.C. 1; (1991), 92 DTC 6031; 135 N.R. 61; MacDonald (R.M.) c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 48; (1994), 94 DTC 6262 (C.A.F.); Blanchard c. Canada, [1995] F.C.J. no 1045 (C.A.) (QL).

DOCTRINE

Krishna, V. « Taxation of Employee Benefits » (1986), 1 :35 Can. Curr. Tax C 173.

DEMANDES du ministère public visant l’annulation de décisions rendues par la Cour canadienne de l’impôt (Hoefele (E.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2177; (1994), 94 DTC 1878 (C.C.I.); Zaugg, T. D. c. La Reine (1994), 94 DTC 1882 (C.C.I.); Mikkelsen, P. c. La Reine (1994), 95 DTC 118 (C.C.I.); Krall (D.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2570; (1995), 95 DTC 411 (C.C.I.)) selon lesquelles l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire ne constitue pas un avantage imposable au sens de l’alinéa 6(1)a) ou de l’article 80.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu. DEMANDE du contribuable visant l’annulation de la décision de la Cour canadienne de l’impôt (Krull (D.) c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2204; (1995), 95 DTC 206 (C.C.I.)) selon laquelle l’aide constitue un avantage imposable. Demandes du ministère public rejetées, demande du contribuable accueillie.

AVOCATS :

Donald G. Gibson et Judith Sheppard pour le requérant dans les dossiers de la Cour portant les nos A-484-94, A-491-94, A-547-94, A-604-94, et pour l’intimé dans le dossier portant le no A-123-95.

Alan D. MacLeod et Edward A. Heakes pour les intimés dans les dossiers de la Cour portant les nos A-484-94, A-491-94, A-547-94, A-604-94, et pour le requérant dans le dossier portant le no A-123-95.

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour le requérant dans les dossiers de la Cour portant les nos A-484-94, A-491-94, A-547-94, A-604-94, et pour l’intimé dans le dossier portant le no A-123-95.

MacLeod, Dixon, Toronto, pour les intimés dans les dossiers de la Cour portant les nos A-484-94, A-491-94, A-547-94, A-604-94, et pour le requérant dans le dossier portant le no A-123-95.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Linden, J.C.A. : La seule question que soulèvent les cinq affaires dont la Cour est saisie est de savoir si l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire touchée par le contribuable, après sa réinstallation dans une région où le coût du logement est plus élevé, est imposable en application de l’alinéa 6(1)a) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 1] ou de l’article 80.4 [édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 35; S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 44; 1984, ch. 45, art. 25; 1985, ch. 45, art. 38; 1993, ch. 24, art. 32] de la Loi de l’impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63].

LES FAITS

Les faits pertinents ne sont pas contestés. En 1991, l’employeur des cinq contribuables, Pétro-Canada, a exigé de ceux-ci qu’ils quittent Calgary et s’établissent dans la région de Toronto dans le cadre de la restructuration globale de l’entreprise. La réinstallation était obligatoire, et les employés touchés avaient le choix entre déménager ou perdre leur emploi. La réinstallation était purement géographique, et le revenu des employés n’était aucunement modifié.

Afin d’inciter les employés touchés à accepter la réinstallation et pour compenser le coût plus élevé du logement dans la région de Toronto, Pétro-Canada a adopté des mesures d’encouragement à la réinstallation dont les modalités étaient les suivantes. Une société immobilière d’envergure nationale a été consultée afin de calculer l’écart entre le prix du marché d’une résidence à Calgary et celui d’une résidence comparable à Toronto. Au moment de la réinstallation, cet écart était de 1,55. Pétro-Canada a alors offert de supporter toute augmentation des frais d’intérêts hypothécaires afférents à une résidence au coût plus élevé à Toronto, jusqu’à concurrence d’un montant calculé sur la base de l’écart. Ainsi, la maison qui coûtait 100 000 $ à Calgary était réputée coûter 155 000 $ à Toronto. Le propriétaire d’une telle maison était admissible à une aide consentie par l’employeur pour le paiement de l’intérêt correspondant à l’augmentation du capital, c’est-à-dire 55 000 $. La brochure portant sur le programme de réinstallation qui a été remise aux employés dit ce qui suit au sujet de l’aide au paiement de l’intérêt :

[traduction] L’entreprise paiera l’intérêt afférent à une partie du financement hypothécaire. Cette partie correspond à l’écart entre les coûts du logement calculé par l’entreprise... L’aide équivaut aux frais d’intérêts hypothécaires courants, selon la méthode de l’amortissement dégressif, afférents à l’écart initial entre les coûts du logement ou au solde de votre prêt hypothécaire, selon le moins élevé des deux...

Comme précisé, l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire était versée pendant dix ans en fonction d’un pourcentage dégressif, soit 100 p. cent de l’écart entre les frais d’intérêts au cours de la première année pour atteindre progressivement 50 p. cent au cours de la dixième année. L’aide prenait fin en cas de cessation d’emploi. La mesure visait seulement à aider au paiement des frais d’intérêts accrus, à l’exclusion du capital.

Il importe également de signaler que les employés en cause devaient obtenir le financement hypothécaire en se pliant aux formalités habituelles. L’employeur ne leur venait aucunement en aide à cet égard, si ce n’est que le prêt hypothécaire ne pouvait être obtenu que de La Confédération, laquelle expédiait directement à Pétro-Canada le relevé de compte pour l’aide consentie chaque année.

L’AIDE AU PAIEMENT DE L’INTÉRÊT HYPOTHÉCAIRE EST-ELLE IMPOSABLE AUX TERMES DE L’ALINÉA 6(1)a)?

Voici le libellé de la disposition pertinente :

6. (1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments appropriés suivants :

a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages de quelque nature que ce soit qu’il a reçus ou dont il a joui dans l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi, ...

Quatre des cinq juges de la Cour canadienne de l’impôt [Hoefele (E.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2177; Zaugg, T. D. c. La Reine (1994), 94 DTC 1882; Mikkelsen, P. c. La Reine (1994), 95 DTC 118; Krall (D.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2570; Krull (D.) c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2204] ont tranché que l’aide au paiement de l’intérêt ne constituait pas un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a). Le débat a porté uniquement sur la question de savoir si l’aide reçue constituait un « avantage » au sens de cette disposition. Le fait qu’elle ait été ou non consentie « au titre », « dans l’occupation » ou « en vertu » d’un emploi n’a pas occasionné de difficultés, toutes les parties reconnaissant qu’elle était suffisamment liée à l’emploi.

Ainsi, la Cour doit tout d’abord déterminer si un « avantage » a été accordé.

L’arrêt R. c. Savage de la Cour suprême du Canada[1] est l’arrêt clé aux fins de déterminer ce qu’est un avantage imposable. Dans cette affaire, le juge Dickson [citant R. v. Poynton, [1972] 3 O.R. 727, à la p. 738], tel était alors son titre, explique clairement et simplement ce qui distingue une rentrée imposable d’une rentrée non imposable :

S’il s’agit d’une acquisition importante qui confère au contribuable un avantage économique et qui ne fait pas l’objet d’une exemption comme, par exemple, un prêt ou un cadeau, elle est alors visée par la définition compréhensive de l’art. 3[2].

Par conséquent, selon la Cour suprême, pour qu’elle soit imposable à titre d’« avantage », une rentrée doit conférer un avantage économique. En d’autres termes, pour qu’elle soit imposable, la rentrée doit avoir pour effet d’augmenter la valeur nette du patrimoine du bénéficiaire. À l’inverse, la rentrée qui n’augmente pas celle-ci n’est pas un avantage et n’est pas imposable. Le remboursement d’une dépense n’est donc pas imposable, car la valeur nette du patrimoine du bénéficiaire ne s’en trouve pas accrue.

Notre jurisprudence accepte depuis longtemps que l’accent soit mis sur le gain net pour déterminer si une rentrée constitue un « avantage » et si elle est, par conséquent, imposable. Dans une décision rendue en 1967 par la Cour de l’Échiquier du Canada, Ransom, Cyril John v. Minister of National Revenue[3], le juge Noël applique la notion de gain net à des circonstances qui sont assez semblables à celles de la présente affaire. Un employé muté par son employeur dans une autre ville avait été remboursé par ce dernier des pertes subies lors de la vente de sa maison. Pour conclure que les sommes remboursées ne constituaient pas un revenu, le juge Noël dit ce qui suit :

[traduction] Si, comme en l’espèce, l’employé risque d’être déplacé d’un endroit à un autre, les montants qu’il doit lui-même payer à cause de ces déplacements doivent être traités exactement comme des frais de déplacement ordinaires. L’employé est désavantagé au point de vue financier à cause de cet aspect particulier de son contrat de travail. Quand son employeur lui rembourse la perte ainsi subie, le montant versé ne peut être considéré comme une rémunération, car si l’employé ne recevait rien d’autre en vertu de son contrat de travail, il n’aurait rien reçu pour ses services. Au point de vue économique, il n’aurait reçu que le montant qu’il a dû payer à cause de son emploi[4].

Il s’agit simplement d’une autre façon de formuler la notion de gain net selon laquelle une rentrée n’est pas imposable si elle n’a pas pour effet d’améliorer la situation financière du contribuable. Le seul remboursement d’une somme que l’employé aurait dû autrement « lui-même payer » ne constitue pas un « avantage ». Le juge assimile les frais de réinstallation à des frais de déplacement ordinaires. Selon le juge Noël, le remboursement de dépenses engagées en raison d’un déplacement ne peut être considéré comme un avantage, car il n’a pas vraiment pour effet d’améliorer la situation financière du bénéficiaire. Il ajoute ce qui suit :

[traduction] Il me semble bien clair que le remboursement d’une somme à un employé par un employeur au titre de dépenses engagées ou de pertes subies en raison de l’emploi (remboursement qui, comme l’a déclaré lord McNaughton dans l’affaire Tenant v. Smith [1892] A.C. 150, n’enrichit pas le bénéficiaire, mais le compense tout simplement) n’est pas une rémunération comme telle ni un avantage « de quelque nature que ce soit » ...[5]

Les principes formulés dans Savage et dans Ransom ont été appliqués par la Cour dans Huffman c. Canada[6] où la question en litige était de savoir si le remboursement d’une dépense vestimentaire à un policier en tenue civile constituait un avantage. Citant les propos tenus par le juge de la Cour canadienne de l’impôt et s’inspirant de l’analyse du juge Dickson dans Savage, le juge Heald, J.C.A. conclut que ce n’est pas le cas et énonce comme suit le critère applicable :

Il importe donc d’examiner les faits pour savoir si, en l’espèce, il y a eu acquisition importante ayant conféré au contribuable un avantage économique.

Puis, il ajoute [à la page 389] :

... il [le contribuable] avait simplement été rétabli dans la situation financière où il se trouvait avant que son employeur n’exige qu’il engage ces dépenses.

La Cour a de nouveau appliqué ce principe en confirmant la décision du juge Cullen dans Splane (R.O.J.) c. Canada[7]. Dans cette affaire, l’employé déplacé avait été remboursé des frais découlant de l’augmentation du taux d’intérêt hypothécaire. Arrivant à la conclusion que le remboursement n’équivalait pas à un avantage, le juge Cullen dit ce qui suit :

Le contribuable n’a pas ainsi fait d’argent supplémentaire. En effet, les paiements lui ont simplement permis de maintenir la situation dans laquelle il se trouvait avant sa mutation et l’ont empêché d’essuyer une perte en acceptant la mutation latérale[8].

Par ailleurs, pour qualifier les effets de la rentrée sur le plan financier[9], le juge Cullen explique qu’on « a tout simplement rétabli le demandeur dans la situation économique dans laquelle il se trouvait avant d’accepter d’aider son employeur en déménageant ».

La Cour doit donc trancher la question de savoir si, dans chacune des présentes affaires, le contribuable a été rétabli dans la situation où il se trouvait auparavant ou s’il a réalisé un gain. Bien qu’un certain nombre d’expressions puissent être utilisées à cet égard— comme rembourser, restituer, indemniser, dédommager, rétablir, soustraire à une dépense—le principe sous-jacent demeure le même. Si, dans le cadre de l’opération globale, la situation financière de l’employé n’est pas améliorée, c’est-à-dire s’il s’agit d’une opération où les différents éléments s’annulent lorsqu’on les considère dans leur ensemble, la rentrée n’est pas un avantage et, par conséquent, elle n’est pas imposable en vertu de l’alinéa 6(1)a). Peu importe que la dépense soit engagée relativement à des frais occasionnés par l’accomplissement du travail, un déplacement lié à l’emploi ou l’emménagement dans un nouveau lieu de travail, tant que l’employeur ne paie pas les dépenses quotidiennes ordinaires de l’employé.

De toute évidence, tant notre économie que notre régime fiscal favorisent l’établissement des employés et des citoyens en général dans les régions où l’économie est prospère. Dans la Loi de l’impôt sur le revenu, par exemple, l’employé peut déduire les frais de déménagement qu’il engage personnellement. L’intention du législateur n’était donc pas de nuire à la mobilité de la main-d’œuvre, mais bien de la favoriser. De fait, la liberté de circulation et d’établissement est constitutionnellement garantie dans la Charte, et les tribunaux doivent veiller à ce qu’il n’y soit pas porté atteinte[10]. Les décisions de la Cour suprême du Canada et de la Cour fédérale sont compatibles avec le respect de cette garantie reconnue à l’article 6 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], du fait que le remboursement des frais de déménagement et de réinstallation n’est pas imposable s’il n’a pas pour effet d’améliorer la situation de l’employé.

Même s’il ne lie certainement pas la Cour, le bulletin d’interprétation IT-470R de Revenu Canada, qui porte sur les avantages consentis aux employés, énonce une position qui reflète la jurisprudence. Le paragraphe 37 intitulé « Frais de déménagement » revêt un intérêt particulier :

37. Dans des circonstances normales, si un employeur rembourse à son employé une perte qu’il a subie lors de la vente de sa maison parce que l’employeur l’a obligé à s’installer dans une autre localité, ou parce qu’il a abandonné son emploi dans une région éloignée, le montant ainsi remboursé ne constitue pas un revenu de l’employé s’il n’est pas supérieur à la perte effective qu’il a subie, c’est-à-dire l’excédent de ce que lui a coûté la maison sur le prix de vente net qu’il a touché ...

La même interprétation est faite dans le bulletin d’interprétation IT-178R3, qui s’applique de pair, relativement aux frais de déménagement. Voici le libellé du paragraphe 4 :

4. ... Quand un employeur paie ou rembourse à un employé des frais de déménagement raisonnables qui ne donnent pas droit à la déduction de l’article 62, ce remboursement n’est pas considéré normalement comme un avantage imposable accordé à l’employé.

Ce texte fait ressortir l’opposition entre la volonté du législateur de favoriser la certitude en matière fiscale et l’immuable nécessité de trancher les litiges fiscaux sur le fondement de principes. Il y est reconnu que l’article 62 n’est pas exhaustif en ce qui concerne la déduction des frais de déménagement engagés par un travailleur dans le cadre d’une réinstallation. Il en est de même de l’article 8 et des déductions liées à l’emploi qu’il prévoit, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’une disposition exhaustive. Les rentrées qui ne sont pas expressément mentionnées dans ces articles doivent néanmoins être qualifiées aux fins de l’impôt; comme l’expliquent les tribunaux dans Ransom et dans Savage, elles doivent être visées à l’alinéa 6(1)a) pour être imposables. Même s’il est souhaitable que les règles d’imposition aient une portée à la fois claire et précise, de nombreuses questions fiscales doivent être tranchées suivant les faits de chaque espèce conformément aux principes généraux dégagés par la jurisprudence. De toute évidence, aucun énoncé définitif n’est susceptible de résoudre tous les cas, même si ce serait l’idéal.

Notre régime fiscal ne prévoit pas l’imposition de chaque dollar touché par le contribuable[11]. Pour qu’une rentrée soit imposable, elle doit être assimilée à un revenu ou à un « avantage ». Il est vrai que toute somme versée à l’employé est un « avantage », car ce dernier se trouve alors dans une situation meilleure que s’il n’avait touché aucune somme. Cependant, la question de savoir si, légalement, il s’agit d’un « avantage » au sens de l’alinéa 6(1)a) est une toute autre affaire dont l’issue dépend des faits de chaque cas.

Pour compliquer davantage les choses, la forme que revêt l’opération en cause importe aux fins de la qualification. Comme je l’ai déjà dit dans une autre affaire[12], la forme importe. Elle ne l’emporte pas sur le fond, mais elle compte. C’est pourquoi, on peut monter certaines opérations de façon à payer le moins d’impôt possible à l’égard de celles-ci. Il n’y a rien de mal là-dedans. Sous réserve de dispositions comme l’article 245, ce n’est ni illégal ni immoral. D’éminents juristes au Canada se consacrent exclusivement à cet exercice. L’obligation fiscale peut parfois être réduite lorsque certaines formalités sont remplies. C’est le cas dans le présent contexte, tout comme dans de nombreux autres. Ainsi, lorsqu’une entreprise verse une somme forfaitaire de 500 $ à un employé pour le dédommager de certains frais, sans exiger de récépissés, la somme est imposable[13]. Cependant, si des pièces justificatives sont exigées pour le remboursement, la somme peut ne pas être imposable. Lorsqu’une entreprise verse une somme forfaitaire à un employé pour le dédommager de l’augmentation du coût du logement dans le cadre d’une réinstallation, la somme est imposable si la situation de l’employé s’en trouve améliorée[14]. Par contre, l’aide financière qui consiste à dédommager de la perte d’un taux hypothécaire avantageux n’est pas imposable[15]. De même, lorsqu’une entreprise rembourse les dépenses engagées par un employé en lui accordant une augmentation de salaire, le montant de l’augmentation est de toute évidence imposable. Bien que l’objectif sous-jacent à chacun de ces différents modes de remboursement soit semblable, les différentes sortes d’opérations commandent des traitements différents, c’est-à-dire que certaines emportent l’imposition et d’autres pas. Ce n’est nullement inéquitable. Il ne s’agit pas d’un contournement inapproprié des dispositions fiscales. Les faits de chaque affaire sont uniques, et les tribunaux doivent trancher en conséquence. C’est donc le simple bon sens qui incite le contribuable à tenir compte des conséquences fiscales de ses opérations financières et à monter celles-ci de façon à réduire le plus possible son obligation fiscale.

Après avoir analysé les principes apparemment simples dégagés dans la décision Ransom et dans l’arrêt Savage, je dois maintenant m’engager dans les eaux troubles de l’avantage consenti à un employé aux fins de sa réinstallation et déterminer si, en l’espèce, les sommes versées dans le cadre du programme d’aide au paiement de l’intérêt sont imposables. Comme je le mentionne précédemment, quatre des cinq juges de la Cour canadienne de l’impôt appelés à statuer dans les cinq affaires dont la Cour est saisie ont tranché que l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire ne constituait pas un avantage imposable. La principale raison en est que le programme en cause n’a pas eu pour effet d’accroître la valeur nette réelle de la résidence pour le débiteur hypothécaire. Les contribuables n’ont réalisé aucun gain financier en raison de l’aide. La valeur nette de leur patrimoine ne s’est pas accrue. Ainsi, une exigence fondamentale de l’alinéa 6(1)a) n’est pas respectée. En l’absence d’un gain financier, la rentrée ne devrait pas être imposée. Le juge Sobier, de la Cour canadienne de l’impôt, justifie succinctement sa conclusion dans Hoefele :

L’avoir propre de l’appelant dans la nouvelle maison est resté le même. La maison de Toronto peut bien être un actif dont la valeur est beaucoup plus élevée, mais l’avoir propre de l’appelant dans cette maison n’a pas augmenté. L’avoir propre de l’appelant dans la maison de Calgary était de 98 600 $, et son avoir propre dans la maison de Toronto était encore de 98 600 $. La situation financière d’une personne ne progresse pas du fait que cette dernière maintient le même avoir propre dans un actif ayant une plus grande valeur. L’appelant a pris en charge tous les paiements au titre du principal accru. Ses paiements hypothécaires mensuels étaient effectivement plus élevés à Toronto qu’à Calgary. L’aide disparaissait en cas de cessation d’emploi ou si l’employé devait redéménager à Calgary. L’aide accordée à l’appelant ne représentait pas une manière détournée d’accroître la rémunération de ce dernier; il s’agit simplement d’un remboursement au titre d’une dépense engagée en raison de l’emploi[16].

Je suis totalement en accord avec cette conclusion parce qu’elle est parfaitement compatible avec la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et de notre Cour. Il s’agit aussi principalement d’une conclusion de fait, ce que la Cour ne peut modifier qu’en de rarissimes circonstances.

Selon moi, cette conclusion n’est pas incompatible avec l’arrêt Phillips[17]. Les faits de cette affaire où une somme forfaitaire a été versée à des employés qui ont ainsi clairement obtenu un avantage financier du fait de l’augmentation la valeur nette de leur patrimoine diffèrent de ceux de la présente espèce. Dans Phillips, j’ai souscrit au jugement rendu à partir de ces faits, lesquels ne sont pas identiques. En l’espèce, les employés ont simplement remplacé leur maison à Calgary par une maison semblable à Toronto. L’employeur a remboursé certains des frais supplémentaires engagés à cette fin, sans accroître la valeur nette réelle des maisons pour les propriétaires. Contrairement à la situation dans Phillips, la valeur nette de leur patrimoine ne s’est pas accrue.

Malgré les prétentions de l’avocat du ministère public, il n’est pas nécessaire d’infirmer la décision Splane. Il n’y a pas non plus de raison de dénigrer la décision Ransom ou d’en limiter la portée. Au contraire, Splane et Ransom demeurent valables en droit. Dans Ransom, le jugement a été rendu il y a quelque vingt-huit ans par un éminent juriste sur la base d’un principe tout à fait raisonnable. Depuis, il n’a pas été remis en question par la Cour. Le principe dégagé dans Ransom est compatible avec l’arrêt Savage. Il s’appuie sur le bon sens. Il est équitable. Il doit continuer de s’appliquer. Si le législateur souhaite supprimer le principe, libre à lui de le faire. Je ne vois pas pourquoi la Cour devrait le faire.

L’AIDE AU PAIEMENT DE L’INTÉRÊT HYPOTHÉCAIRE EST-ELLE IMPOSABLE AUX TERMES DES PARAGRAPHES 80.4(1) ET 6(9)?

La deuxième question en litige aux fins du présent appel est de savoir si l’aide au paiement de l’intérêt constitue un avantage imposable au sens du paragraphe 80.4(1), dont voici le libellé :

80.4 (1) Lorsqu’une personne ou une société reçoit un prêt ou contracte autrement une dette en raison ou par suite de l’emploi ou de la charge antérieur, actuel ou projeté d’un particulier ou en raison des services fournis ou à fournir par une corporation qui exploite une entreprise de prestations de services personnels, le particulier ou la corporation est réputé avoir reçu, au cours d’une année d’imposition, un avantage d’une valeur égale à l’excédent éventuel du total :

a) de la totalité des intérêts sur tous ces prêts et sur toutes ces dettes, calculés au taux prescrit sur chacun de ces prêts et chacune de ces dettes pour la période de l’année où le prêt ou la dette était impayé, et

b) du total de tous les montants dont chacun représente le montant des intérêts payés ou payables à l’égard de l’année sur ces prêts ou dettes par

(i) une personne ou une société (appelée au présent alinéa l’« employeur ») qui a employé ou a eu l’intention d’employer le particulier,

(ii) une personne (autre que le débiteur) liée à l’employeur, ou

(iii) une personne ou une société à qui ou pour qui les services ont été ou devaient être rendus ou exécutés par la corporation ou par une personne (autre que le débiteur) qui a un lien de dépendance avec cette personne ou un associé de cette société,

sur le total :

c) du montant des intérêts pour l’année payés sur tous ces prêts et sur toutes ces dettes au plus tard 30 jours après la fin de l’année, et

d) de toute partie du total déterminé pour l’année en vertu de l’alinéa b) qui est remboursée par le débiteur dans l’année ou dans les 30 jours suivant la fin de l’année à la personne ou entité qui a fait le paiement visé à l’alinéa b).

Le texte du paragraphe 6(9) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 1] est le suivant :

6. ...

(9) Lorsqu’une somme à l’égard d’un prêt ou d’une dette est réputée en vertu du paragraphe 80.4(1) être un avantage reçu dans une année d’imposition par un particulier, cette somme doit être incluse dans le calcul de son revenu pour l’année à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi.

Ainsi, pour l’année d’imposition 1992 et les suivantes, la rentrée doit correspondre à un prêt reçu ou à une dette contractée « en raison ou par suite » de l’emploi. Pour les années d’imposition antérieures à 1992[18], le prêt doit avoir été reçu ou la dette contractée « en raison » de l’emploi. Malgré la légère différence de libellé entre l’ancienne disposition et la nouvelle, il n’en résulte pas de conséquences importantes. D’ailleurs, dans les deux versions, l’accent est mis sur la dette, et non sur la rentrée. Ce n’est pas l’avantage qui doit être obtenu « en raison » ou « par suite » de l’emploi, mais bien le prêt ou la dette comme tel qui doit être reçu ou contracté « en raison » ou « par suite » de l’emploi. Vu les circonstances des présentes affaires, l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire peut bien avoir été touchée « en raison » ou « par suite » de l’emploi des contribuables. Mais ce n’est pas la question dont la Cour est saisie. La question qui doit être tranchée est celle de savoir si la partie du prêt hypothécaire contracté par chacun des contribuables à l’égard d’une maison à Toronto et à laquelle l’aide au paiement de l’intérêt s’appliquait a été reçue « en raison » ou « par suite » de l’emploi.

Pour résoudre la question, il convient tout d’abord de remarquer que le paragraphe 80.4(1), qu’il s’agisse de l’ancienne ou de la nouvelle version, exige un lien étroit entre le prêt ou la dette et l’emploi, un lien beaucoup plus étroit que celui exigé à l’alinéa 6(1)a) entre l’avantage et l’emploi. Dans ce dernier cas, l’avantage peut être touché simplement « au titre » d’un emploi. L’expression « au titre [de] » n’implique qu’une relation ténue entre deux éléments et traduit l’intention du législateur de conférer une très large portée à la disposition. Dans Nowegijick c. La Reine, la Cour suprême du Canada dit ce qui suit concernant une expression équivalente à « au titre [de] » (en anglais, in respect of) :

À mon avis, les mots « quant à » [in respect of] ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, « concernant », « relativement à » ou « par rapport à ». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui est la plus large[19].

Par contre, les expressions employées dans la version modifiée du paragraphe 80.4(1), « en raison » ou « par suite », de même que dans la version antérieure, « en raison », exigent un lien causal important. Je vois peu de différence de portée, et même aucune, entre « en raison ou par suite » et « en raison ». Chaque expression implique un lien causal important entre les sujets en cause, et non simplement un rapport ténu.

Les faits de la présente affaire ne font pas ressortir l’existence d’un lien causal important. Les employés qui ont accepté l’aide au paiement de l’intérêt étaient tous propriétaires d’une maison avant leur réinstallation. Ils ont dû contracter un prêt hypothécaire afin de couvrir les frais engagés pour remplacer leur maison à Calgary par une maison semblable dans la région de Toronto. Le fait qu’il s’agissait simplement d’augmenter le capital d’un prêt hypothécaire déjà existant ou de contracter un nouveau prêt hypothécaire pour la somme supplémentaire n’a pas d’importance aux fins de l’application du paragraphe 80.4(1). Chacun des contribuables devait simplement faire ce qu’il avait à faire. Chacun d’eux possédait une maison avant la réinstallation et l’a remplacée par une autre semblable dans son nouveau lieu de travail. Chacun a fait ce qui était nécessaire pour financer le remplacement et a obtenu le financement requis en grande partie sans le concours de l’employeur. Chacun devait établir sa solvabilité selon sa situation personnelle. Et chacun, en fin de compte, a obtenu une aide au paiement de l’intérêt pendant dix ans, sur le solde décroissant, pour couvrir une partie de l’augmentation des frais d’intérêts. Je ne vois pas comment il pourrait s’agir d’un prêt reçu ou d’une dette contractée « en raison ou par suite » ou « en raison » de l’emploi. Aucun employé n’a troqué un statut de locataire contre un statut de débiteur hypothécaire, et aucun n’a remplacé une résidence principale par une résidence non principale. Chacun des prêt ou dettes a donc été reçu ou contracté, en l’espèce, afin de conserver la propriété d’une maison, et non « en raison ou par suite » ou « en raison » de l’emploi[20].

Pour conclure, l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire n’était donc ni un avantage au sens de l’alinéa 6(1)a) ni un prêt ou une dette au sens du paragraphe 80.4(1). Les appels sont tranchés en faveur des employés. Les quatre appels interjetés par le ministère public sont rejetés avec dépens. L’appel du contribuable est accueilli avec dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre en vue d’un nouvel examen conforme aux présents motifs.

Le juge MacGuigan, J.C.A. : Je souscris.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Robertson, J.C.A. (dissident) : Dans M.R.N. c. Phillips, [1994] 2 C.F. 680[21], la Cour statue que la somme forfaitaire de 10 000 $ versée par un employeur à un employé, pour indemniser ce dernier du coût plus élevé du logement dans la ville où se trouve son nouveau lieu de travail, constitue un avantage imposable accordé à un employé au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). L’une des principales questions que soulèvent les cinq affaires est de savoir si l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire (dont le montant varie entre 3 000 $ et 12 000 $ par année), versée à la même fin par un employeur au prêteur hypothécaire d’un employé constitue, également un avantage imposable.

Dans quatre des décisions rendues en première instance, le juge de la Cour canadienne de l’impôt conclut que l’aide n’est pas imposable. Le raisonnement juridique repose en grande partie sur l’applicabilité de l’arrêt La Reine c. Splane, R.O.J. (1991), 92 DTC 6021 (C.A.F.); confirmant [1990] 2 C.T.C. 199 (C.F. 1re inst.) et, également, de la décision Ransom, Cyril John v. Minister of National Revenue, [1968] 1 R.C.É. 293. Une distinction est établie avec l’arrêt Phillips pour une multitude de motifs. S’appuyant essentiellement sur le raisonnement juridique tenu dans Phillips et sur l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428, le cinquième juge tire une conclusion différente : se reporter à Hoefele (E.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2177 (C.C.I.); à Mikkelsen, P. c. La Reine (1994), 95 DTC 118 (C.C.I.); à Zaugg, T.D. c. La Reine (1994), 94 DTC 1882 (C.C.I.); à Krall (D.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2570 (C.C.I.); et à Krull (D.) c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2204 (C.C.I.).

Le juge Linden, J.C.A. conclut que l’aide au paiement de l’intérêt n’est pas un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a) ou de l’article 80.4 de la Loi, ce à quoi le juge MacGuigan, J.C.A. souscrit. À mon humble avis, le jugement rendu dans Phillips et le raisonnement juridique qui le sous-tend s’appliquent également en l’espèce, en sorte que l’aide en cause constitue un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. De plus, pareille conclusion est compatible avec l’arrêt Savage de la Cour suprême.

L’alinéa 6(1)a) de la Loi assimile au revenu d’emploi les « avantages de quelque nature que ce soit » reçus par le contribuable « au titre, dans l’occupation ou en vertu » de son emploi. Dans l’arrêt Savage, la Cour suprême du Canada conclut qu’il convient d’attribuer une portée très large au terme « avantage ». Dans un jugement unanime, le juge Dickson (alors juge puîné) conclut ce qui suit aux pages 440 et 441 :

Les mots « avantages de quelque nature que ce soit » ont nettement un sens très large; en l’espèce, le paiement de la somme de 300 $ tombe facilement dans la catégorie des « avantages ». De plus, notre loi parle d’un avantage « au titre » de la charge ou de l’emploi. Dans l’arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, cette Cour affirme ce qui suit, à la p. 39 :

À mon avis, les mots « quant à » ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, « concernant », « relativement à » ou « par rapport à ». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui a la portée la plus large.

Je partage l’avis du juge Evans de la Cour d’appel de l’Ontario qui, à la p. 738 de l’arrêt R. v. Poynton, [1972] 3 O.R. 727, affirme au sujet des avantages qu’une personne a reçus ou dont elle a joui au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi :

... S’il s’agit d’une acquisition importante qui confère au contribuable un avantage économique et qui ne fait pas l’objet d’une exemption comme, par exemple, un prêt ou un cadeau, elle est alors visée par la définition compréhensive … [Non souligné dans l’original.]

On peut également conclure qu’une aide au paiement de l’intérêt hypothécaire est imposable sur le fondement de l’article 80.4 de la Loi et des dispositions connexes. Cet article et le paragraphe 6(9) ont pour effet d’inclure dans le revenu toute somme qui est réputée constituer un avantage aux fins de la Loi. Un tel avantage existe lorsqu’un employé reçoit un prêt à un taux d’intérêt inférieur à celui qui a cours sur le marché « en raison ou par suite » de son emploi. En résumé, la Loi vise à faire en sorte que l’employé paie de l’impôt sur la partie du prêt pour laquelle il touche une aide de la part de son employeur. En même temps, la Loi prévoit que lorsque le prêt constitue un « prêt à la réinstallation », suivant la définition qui figure au paragraphe 248(1) [édicté par S.C. 1986, ch. 6, art. 126; mod. par L.C. 1991, ch. 49, art. 192], l’employé/contribuable peut avoir droit à une déduction calculée en application de l’alinéa 110(1)j) de la Loi. Ensemble, ces dispositions font en sorte que le contribuable, à l’intérieur de certaines limites, n’est pas tenu de payer de l’impôt sur le montant total de l’aide.

À quelques exceptions près, la Loi ne tient pas compte des écarts entre les différentes régions du pays en ce qui a trait au coût de la vie. L’article 110.7 [édicté par S.C. 1986, ch. 55, art. 33; L.C. 1991, ch. 49, art. 82] fait exception et prévoit que certains frais de déplacement et de logement peuvent être déduits par les particuliers qui habitent des « régions éloignées » au Canada. Une autre exception figure au paragraphe 6(6) [mod. par S.C. 1977-78, ch. 32, art. 1; 1985, ch. 45, art. 2] (communément appelé déduction pour résidents des régions nordiques), lequel prévoit que certaines allocations touchées par un employé sur un chantier particulier ou en un endroit éloigné ne sont pas comprises dans le revenu.

Les faits pertinents peuvent être résumés comme suit. Chacun des cinq contribuables a été muté de Calgary à la région de Toronto par son employeur, Pétro-Canada. Chacun avait droit à l’aide financière prévue par le programme de réinstallation de Pétro-Canada, y compris une aide mensuelle au paiement de l’intérêt hypothécaire. Cette aide visait à compenser en partie l’augmentation des frais d’intérêts découlant de l’obligation de contracter un prêt hypothécaire plus élevé pour acheter une maison « comparable », mais plus chère, dans le nouveau lieu de travail.

Conformément au programme de réinstallation des employés, un tiers a établi un écart mathématique quant à la différence entre le coût ou la valeur de la maison de l’employé à Calgary et d’une maison « comparable » à Toronto. Cet écart était d’environ 1,50 au moment de la réinstallation. Une fois la maison de l’employé à Calgary vendue, l’écart était multiplié par le prix de vente pour obtenir le prix d’une maison comparable à Toronto. L’écart entre le prix de vente de la maison de l’employé à Calgary et le prix d’une maison comparable à Toronto permettait de déterminer l’écart hypothécaire maximum à l’égard duquel l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire pouvait être consentie. L’aide était versée pendant au plus dix ans, sur le solde décroissant (de 100 p. cent la première année à 50 p. cent la dernière). Le tableau suivant, qui figure à la page 112 du dossier de demande du requérant, dans Hoefele, précité, montre dans quelle mesure l’aide pouvait être obtenue :

Année du

programme

Pourcentage de

l’écart donnant droit à l’aide

Écart

hypothécaire donnant droit

à l’aide1

Aide mensuelle versée par Pétro-

Canada

Estimation de l’avantage mensuelle2

imposable

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

100 %

97 %

94 %

90 %

85 %

80 %

75 %

70 %

60 %

50 %

100,000 $

97,000 $

94,000 $

90,000 $

85,000 $

80,000 $

75,000 $

70,000 $

60,000 $

50,000 $

896 $

869 $

843 $

807 $

762 $

717 $

672 $

627 $

538 $

448 $

550 $

525 $

500 $

475 $

450 $

600 $

550 $

500 $

450 $

375 $

1 Compte tenu d’un taux d’intérêt de 11 %.

2 Il est tenu pour acquis que l’aide versée donne droit à la déduction relative au prêt à la réinstallation et correspond à un taux d’intérêt de 9 %.

Les conditions du programme de réinstallation exigeaient de l’employé qu’il affecte en totalité le produit de la vente de sa maison initiale au paiement du prix d’achat de sa nouvelle maison. En outre, l’aide n’était offerte qu’à l’employé qui était en mesure d’obtenir un prêt hypothécaire de La Confédération. L’employé incapable de satisfaire aux critères de solvabilité n’avait pas droit à l’aide. Pétro-Canada ne jouait aucun rôle dans cette partie de l’opération, et elle ne participait pas non plus à l’administration du prêt. Si le prêt était accordé, La Confédération transmettait directement à Pétro-Canada un relevé de compte pour le montant de l’aide mensuelle au paiement de l’intérêt. L’employé qui était muté à nouveau à Calgary, qui vendait sa maison ou qui cessait de travailler pour Pétro-Canada n’avait plus droit à l’aide.

Dans sa brochure concernant le volet du programme de réinstallation relatif à l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire, Pétro-Canada informe ses employés que l’aide au paiement de l’intérêt constitue un avantage imposable, mais qu’ils ont droit à la déduction afférente à la réinstallation. À cette fin, Pétro-Canada a remis aux employés un feuillet T4 supplémentaire renfermant l’information nécessaire à l’établissement de leurs déclarations de revenus. Dans le calcul de leur revenu d’emploi pour les années d’imposition pertinentes, les contribuables ont inclus le montant intégral versé par Pétro-Canada à La Confédération à titre d’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire. Simultanément, ils ont réclamé la déduction prévue à l’alinéa 110(1)j) pour le motif que l’avantage imposable se rapportait à un prêt à la réinstallation, consenti à un employé, au sens du paragraphe 248(1) de la Loi.

Le ministère du Revenu national a établi une cotisation à l’égard de chacun des contribuables sur le fondement des renseignements fournis dans le feuillet T4 supplémentaire. Peu après, la décision a été rendue en première instance dans l’affaire Splane. S’appuyant sur celle-ci, chacun des contribuables a saisi le ministre d’une opposition. D’entrée de jeu, ce dernier a soutenu que l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire constituait un avantage imposable aux termes de l’alinéa 6(1)a) et de l’article 80.4, et que chacun des contribuables avait droit à la déduction afférente au prêt à la réinstallation prévue à l’alinéa 110(1)j) de la Loi.

S’il est fait abstraction, momentanément, de la portée juridique des arrêts Splane et Ransom, la question qu’il convient de trancher dans l’immédiat est de savoir si le ratio decidendi, dans l’arrêt Phillips, s’applique également en l’espèce. À mon sens, tel est le cas. Dans Phillips, l’employeur avait versé au contribuable la somme de 10 000 $ pour l’aider à faire l’acquisition d’une maison à Winnipeg en remplacement de celle qu’il avait vendue à Moncton après la fermeture des ateliers de l’employeur dans cette ville. Il avait été convenu que le prix moyen d’une maison comparable à Winnipeg était d’au moins 23 000 $ plus élevé qu’à Moncton. La Cour a conclu que le paiement constituait un avantage imposable parce qu’il ne satisfaisait pas aux paramètres applicables aux avantages non imposables qui avaient été formulés dans les décisions Savage, Ransom et Splane. M’exprimant au nom de la Cour (le juge Stone, J.C.A. souscrivant aux motifs et le juge Linden, J.C.A. au jugement), je conclus ce qui suit à la page 688 : « À mon avis, le paiement de cette somme de 10 000 $ n’a pas rétabli l’intimé dans sa situation financière antérieure, mais a plutôt accru sa valeur nette de 10 000 $ ». En somme, dans cette affaire, le contribuable avait 10 000 $ de plus en poche le jour suivant le déménagement que le jour précédent. Le paiement n’a pas eu pour effet de le rétablir dans sa situation financière antérieure, mais il a plutôt accru la valeur nette de son patrimoine, et ce, même si sa nouvelle maison à Winnipeg pouvait être qualifiée de « comparable » à celle de Moncton.

En ce qui concerne les présentes affaires, l’argumentation des contribuables est, à toutes fins utiles, identique à celle avancée dans Phillips. On prétend en l’espèce que l’aide financière ne constitue pas un « avantage économique », car elle n’a pas pour effet de garnir davantage les goussets des contribuables. L’aide a plutôt permis à ceux-ci d’acheter des maisons comparables et, ce faisant, les a rétablis dans leur situation financière antérieure, avant qu’ils n’emménagent dans la région de Toronto. En d’autres termes, l’aide n’a pas eu pour effet d’accroître la valeur nette du patrimoine des contribuables et devrait être assimilée au remboursement de frais de déménagement. Je ne puis être d’accord.

L’argumentation des contribuables ne saurait tenir, car elle se fonde sur l’hypothèse erronée que le contribuable a droit à un logement comparable dans le nouveau lieu de travail. La question n’est pas de savoir si l’aide a eu pour effet de maintenir le niveau de vie qu’avait le contribuable avant la réinstallation. Il faut plutôt se demander si l’aide a eu pour effet d’accroître la valeur globale du patrimoine des contribuables, c’est-à-dire si elle a conféré un « avantage économique » à ces derniers. Comme je le précise dans Phillips aux pages 700 et 701 :

... l’article 6 de la Loi cherche à restreindre l’évitement fiscal dans le cas de l’octroi d’indemnités monétaires ou autre, non incluses dans le traitement ou salaire.

Un autre objectif important et dominant ... est d’assurer que... « les employés qui reçoivent une indemnité en espèces soient sur un pied d’égalité avec ceux dont l’indemnité en espèces ne représente qu’une partie de ce qui est reçu ».

Les versements en cause constituent la façon dont Pétro-Canada a choisi d’indemniser ses employés relativement au coût de la vie plus élevé dans la région de Toronto, sans recourir à l’augmentation de salaire. Ils visent à compenser les frais de subsistance personnels et confèrent de toute évidence un « avantage économique » aux contribuables. En somme, l’aide financière est une indemnité monétaire non incluse dans le traitement ou le salaire et, à ce titre, il s’agit d’un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a) de la Loi.

Les contribuables ont tenté d’établir une distinction avec l’arrêt Phillips en invoquant une foule de motifs dont un seul a été retenu. Dans quelques affaires, le contribuable a eu gain de cause en faisant valoir que même si sa maison à Toronto pouvait avoir une valeur beaucoup plus grande que celle qu’il possédait à Calgary, la « valeur nette réelle » demeurait la même et, par conséquent, il ne pouvait y avoir d’augmentation de la valeur nette de son patrimoine. À mon avis, ce raisonnement ne tient pas compte de l’effet continu de l’aide au paiement de l’intérêt consentie par Pétro-Canada. Même si la situation financière des contribuables ne s’est pas améliorée au lendemain de la réinstallation, dès que Pétro-Canada a fait parvenir à La Confédération le premier versement mensuel, la situation financière des contribuables s’est améliorée d’autant et ce, même si leur niveau de vie est demeuré inchangé. Voici une brève explication.

Grâce à l’aide mensuelle au paiement de l’intérêt, les contribuables n’ont pas à supporter le coût total de l’acquisition d’un actif de plus grande valeur. Le coût total inclut non seulement le capital du prêt hypothécaire, mais également l’intérêt échu. N’eût été de l’aide, chacun des contribuables aurait dû affecter des dollars après impôt au remboursement du volet du prêt hypothécaire constitué de l’intérêt. Grâce à l’aide, les contribuables sont en mesure de dépenser ces dollars après impôt comme bon leur semble. C’est en ce sens que la valeur nette du patrimoine des contribuables s’est accrue. Comme je le dis précédemment, l’argumentation des contribuables se fonde sur la croyance erronée qu’ils ont droit à un logement comparable dans la région de Toronto. L’aide en question peut fort bien avoir pour effet de préserver le niveau de vie dont jouissaient les contribuables avant qu’ils n’emménagent dans la région de Toronto. Toutefois, de ce fait même, l’aide a amélioré la situation financière des contribuables.

C’est faire fi de la réalité que de laisser entendre que l’aide ne vise que l’augmentation des frais d’intérêts hypothécaires, et non le capital, de sorte que les sommes versées par l’employeur des contribuables n’ont pas pour effet d’augmenter la valeur nette du patrimoine de ces derniers. Dans l’arrêt Phillips, je fais allusion au fait qu’aucune distinction valable ne peut être établie entre une somme forfaitaire affectée à la réduction du capital d’un prêt et une somme affectée directement au paiement de l’intérêt échu. Il en est ainsi parce que la réduction du capital d’un prêt, au moyen d’une somme forfaitaire, emporte nécessairement la diminution du montant de l’intérêt dû par la suite. En d’autres termes, la forme que revêt le paiement effectué ne doit pas faire écran à la réalité juridique, c’est-à-dire que les contribuables ont bénéficié d’une aide financière pour les indemniser de ce qui constitue, en fait, des frais de subsistance personnels.

En plaidoirie, les avocats des contribuables ont reconnu qu’on ne pouvait faire indirectement ce qui n’est pas permis de faire directement, mais ils se sont rabattus sur un passage des motifs concordants du juge Linden, J.C.A., dans Phillips selon lesquels la mise sur pied de programmes de versement d’indemnités non imposables à l’intention des employés qui doivent être mutés demeure possible dans la mesure où le tout est fait « légalement » (à la page 686). Ils soutiennent maintenant que tel est le cas du programme d’aide de Pétro-Canada. Cet argument ne peut tenir non plus. Premièrement, on ne peut assimiler à une planification fiscale professionnelle la transformation d’une somme forfaitaire en versements d’intérêts mensuels. La forme, comme telle, ne l’emporte pas sur le fond. Deuxièmement, la planification fiscale intervenue à l’égard du programme de réinstallation de Pétro-Canada se fondait sur la croyance que l’aide constituait un avantage imposable et, suivant mon interprétation, visait précisément à tirer avantage de la déduction afférente au prêt à la réinstallation.

Il reste toutefois à déterminer si ma conclusion selon laquelle l’aide au paiement de l’intérêt constitue un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a) est compatible ou non avec les décisions rendues dans les affaires Splane et Ransom. Dans l’arrêt Phillips, je me suis penché sur l’incertitude qui plane de plus en plus sur l’imposition de la rémunération et des avantages de l’employé dans le contexte de versements relatifs à la réinstallation. J’ai tenté de montrer que la jurisprudence en matière fiscale faisait ressortir deux tendances quant à la façon de traiter les sommes reçues par les employés qui doivent se réinstaller. Selon la première tendance, des sommes sont versées pour compenser le coût plus élevé du logement dans le nouveau lieu de travail. Ce cas est régi par la règle formulée dans Phillips. Suivant l’autre tendance, l’employé est remboursé des pertes financière réelles subies à l’occasion de la vente de sa résidence. Dans ce cas, la règle dégagée dans Ransom s’applique et, à ce stade-ci, il est opportun de revenir sur celle-ci.

Dans la décision Ransom, le tribunal conclut que la somme versée à un employé pour l’indemniser des pertes réelles subies en raison de la réinstallation n’est pas imposable. Dans cette affaire, l’employé avait vendu sa maison à un prix moindre que celui qu’il avait payé, essuyant ainsi une perte en capital (voir l’arrêt Phillips à la page 698). Le remboursement des pertes financières réelles a été jugé non imposable parce qu’il avait simplement pour effet de rétablir le contribuable dans sa situation financière antérieure. Dans l’arrêt Phillips, l’avocat du ministre a soutenu que la règle établie dans Ransom ne s’appliquait pas à la somme de 10 000 $ malgré la conclusion à l’effet contraire du juge de première instance. À titre subsidiaire, il a fait valoir que, si la règle dégagée dans Ransom s’appliquait, elle n’était plus fondée en droit en raison de la décision subséquente rendue par la Cour suprême dans Savage. Aucun des juges appelés à statuer dans Phillips n’était disposé à écarter la règle établie dans Ransom. À la page 702, je conclus ce qui suit :

Au cours des 27 années qui se sont écoulées depuis la décision Ransom, la Loi a subi d’importantes révisions à l’égard des questions soulevées en l’espèce. Cependant, aucune de ces révisions ne vient contredire l’application de la règle formulée dans Ransom. Certaines révisions viennent même compléter cette règle : voir par exemple l’alinéa 62(3)d) de la Loi, qui porte sur la perte subie par un locataire-employé à la suite de la résiliation d’un bail. Par ailleurs, notre Cour a appliqué la décision Ransom à plusieurs reprises. À mon avis, cette décision est devenue tellement associée à notre conception des avantages imposables qu’il appartient à la Cour suprême ou au législateur d’en écarter la logique.

Cela étant dit, je n’étais pas disposé à élargir la règle établie dans Ransom et ce, pour les motifs suivants (aux pages 702 à 704) :

L’élargissement du principe formulé dans Ransom comme mécanisme intérimaire de péréquation au titre du coût de la vie pourrait également contrecarrer l’effet d’autres dispositions de la Loi. Le Parlement a explicitement reconnu et examiné les injustices possibles découlant des variations importantes du coût de la vie entre les diverses régions au Canada : voir le Rapport du Groupe de travail sur l’indemnisation fiscale des localités isolées et du Nord (Ottawa : Approvisionnements et Services Canada, 1989). Par exemple, l’article 110.7 [édicté par S.C. 1986, ch. 55, art. 33] de la Loi permet à des contribuables dans des régions données du Canada de faire, dans le calcul de leur revenu imposable, des déductions spéciales au titre des frais d’hébergement et de déplacement. De même, l’article 80.4 [édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 35; mod. par 1980-81-82-83, ch. 140, art. 44; 1984, ch. 45, art. 25; 1985, ch. 45, art. 38; 1986, ch. 6, art. 40] inclut dans le revenu l’avantage obtenu lorsqu’un employeur consent à un employé un prêt dont le taux d’intérêt est inférieur à celui en vigueur, sous réserve d’une déduction prévue à l’alinéa 110(1)j) [édicté par S.C. 1986, ch. 6, art. 55; mod. par 1987, ch. 46, art. 38]. Compte tenu des répercussions que peut entraîner un élargissement de la règle formulée dans Ransom, un commentateur a jugé utile de se demander si ce ne serait pas un moyen de contourner la politique sous-jacente des règles en matière de taux d’intérêt théorique, formulées à l’article 80.4 de la Loi : voir V. Krishna, « Taxation of Employee Benefits », précité, à la page C 175. Après tout, un paiement de 10 000 $ peut facilement servir à payer les frais d’intérêt par anticipation de façon à réduire le principal du prêt hypothécaire.

Le motif peut-être le plus convaincant pour ne pas élargir l’application de la règle formulée dans Ransom est le suivant : l’élargissement de cette règle aurait pour effet de rendre non imposables toute une série de dépenses. L’intimé soutient en fait que tout paiement reçu d’un employeur pour compenser le prix plus élevé du logement à un nouveau lieu de travail ne vise qu’à empêcher qu’un employé subisse un préjudice. Comme nous l’avons vu, ce raisonnement est erroné. Par ailleurs, rien n’empêche d’appliquer ce raisonnement fautif à d’autres achats, comme par exemple celui de nouvelles voitures ou de nouveaux appareils, effectués dans des provinces où le coût de la vie est plus élevé.

Je tiens aussi à faire remarquer que le problème de l’indemnisation aux fins de la péréquation fiscale intéresse apparemment les fiscalistes qui connaissent la pratique que les multinationales américaines ont de « majorer » les salaires des dirigeants mutés au Canada : J. D. Bradley « Measuring Employee Benefits », Report of Proceedings of the Forty-Third Tax Conference (Canadian Tax Foundation, 1991) 8 :56, à la page 8 :59; et R. B. Thomas et T. E. McDonnell, précité, aux pages 941 et 942. Qu’en est-il de la situation des employés qui déménagent dans une province où le taux marginal d’impôt est plus élevé? Pourquoi ne devrait-il pas être en mesure de réclamer également un avantage non imposable, si son employeur est disposé à lui verser une indemnité? À mon avis, il est évident que la décision du tribunal de première instance permettrait à ceux qui le veulent de mettre sur pied des programmes de versement d’indemnités non imposables à l’intention des employés qui doivent être mutés dans des villes où le coût de la vie est de beaucoup plus élevé. [Non souligné dans l’original.]

Il m’apparaît évident que la règle formulée dans Ransom ne s’applique pas à des faits semblables à ceux de l’affaire Phillips, non plus qu’en l’espèce. La seule décision susceptible de poser des difficultés est celle rendue dans l’affaire Splane. Malheureusement, dans ce cas, le juge de première instance ne fait pas le récit complet des faits. Au moment où la plaidoirie a eu lieu dans l’affaire Phillips, il n’était pas clair si, compte tenu des faits, la règle formulée dans Ransom ou celle dégagée dans Phillips s’appliquait à l’affaire Splane. Vu l’absence de précisions factuelles, la question de savoir si l’arrêt Splane avait force obligatoire ou constituait une décision de principe n’a pas dû être abordée dans l’affaire Phillips, et la Cour en a fait fi à dessein (voir l’arrêt Phillips, à la page 697). Cette lacune a depuis lors été comblée.

Le dossier de la Cour fait état des modalités de l’aide à la réinstallation à laquelle M. Splane, un fonctionnaire fédéral, avait droit. Nous savons désormais qu’il n’a touché aucune indemnité relativement à ses frais de logement au nouveau lieu de travail. Il a plutôt été dédommagé de la perte d’un taux d’intérêt hypothécaire avantageux lors de la vente de sa maison. Au moment de la réinstallation, le taux d’intérêt hypothécaire était de 1,75% supérieur à celui afférent au prêt hypothécaire contracté par M. Splane. Aux termes du programme de réinstallation du gouvernement fédéral, M. Splane ne pouvait récupérer que la somme équivalant à l’écart entre le taux prévu à l’égard du prêt hypothécaire et celui offert au moment de la réinstallation, sur la base du capital impayé au moment de la mainlevée de l’hypothèque, pour la durée non expirée du prêt hypothécaire. Vu ces faits, il est clair que la règle établie dans Ransom s’applique à l’affaire Splane. Sur le plan financier, le contribuable ne se trouvait pas dans une meilleure situation au lendemain de la réinstallation que la veille.

À mon avis, l’arrêt Splane ne bat pas en brèche ni ne contredit la règle formulée dans l’arrêt Phillips non plus que le raisonnement qui y est tenu, et vice versa. Toutefois, vu la décision rendue par mes collègues en l’espèce, le jugement prononcé dans Phillips devient davantage problématique. Selon moi, rien ne justifie la conclusion selon laquelle M. Phillips doit payer de l’impôt sur les sommes qu’il a touchées si, en l’occurrence, les contribuables ne sont pas tenus de le faire. Je suis également inquiet de ce que la décision majoritaire pave la voie à d’autres avantages non imposables visant à compenser l’écart entre le coût de la vie dans une région du Canada et le coût de la vie dans une autre. La décision rendue aujourd’hui offre au fiscaliste astucieux une foule de possibilités. Un réexamen en profondeur de la jurisprudence relative à l’alinéa 6(1)a) de la Loi s’impose. La recherche de moyens rationnels d’établir des distinctions entre les décisions n’a plus de sens lorsque, en fait, aucun courant doctrinal ne les lie entre elles.

À strictement parler, il est inutile que je donne mon avis sur l’applicabilité de l’article 80.4 et des dispositions connexes. La position du ministre est la suivante. S’il est statué que l’aide au paiement de l’intérêt est imposable aux termes de l’alinéa 6(1)a) ou de l’article 80.4, les contribuables ont droit à la déduction afférente au prêt à la réinstallation prévue à l’alinéa 110(1)j) de la Loi. Il en est ainsi malgré le fait que les contribuables ont prétendu échapper à l’application de l’article 80.4 et, par conséquent, ne pas avoir droit à la déduction. J’entends me prononcer brièvement sur le bien-fondé de l’argument des contribuables, car si cette prétention n’est pas rejetée, je crains que l’article 80.4 ne soit rendu inopérant; voir V. Krishna, « Taxation of Employee Benefits » (1986) 1 :35 Can. Curr. Tax C 173, à la page C 175.

Dans sa version actuelle, l’article 80.4 prévoit que, lorsqu’une « personne ...reçoit un prêt...en raison ou par suite de l’emploi », cette personne est réputée avoir reçu un avantage d’une valeur égale au montant de l’aide au paiement de l’intérêt. Avant 1992, cette disposition renfermait l’expression « en raison ... de l’emploi », mais la modification apportée ne revêt aucune importance selon moi. L’argument avancé par les contribuables est simple. Ceux-ci prétendent qu’ils n’ont pas obtenu un prêt hypothécaire de La Confédération « en raison ou par suite » de leur emploi au sein de Pétro-Canada, mais plutôt parce qu’ils répondaient aux critères de solvabilité du prêteur. L’existence de l’aide n’aurait donc eu aucune incidence sur les exigences liées à l’approbation du prêt hypothécaire et à la garantie de celui-ci.

Je suis d’avis que l’argument des contribuables peut être écarté facilement. S’ils n’avaient pas travaillé pour Pétro-Canada, les contribuables n’auraient pas eu droit à l’aide mensuelle au paiement de l’intérêt. Sans cette aide, et si Pétro-Canada n’avait pas payé le montant de celle-ci directement à La Confédération, les contribuables n’auraient pas obtenu un prêt hypothécaire dans le cadre duquel les mensualités étaient réduites grâce au montant de l’aide consentie par Pétro-Canada : voir Hoefele, précité, dossier de demande du requérant, à la page 94. Les contribuables ont en effet obtenu un prêt à un taux d’intérêt réduit, ce que vise précisément l’article 80.4.

Pour conclure, j’estime que l’aide au paiement de l’intérêt hypothécaire constitue un avantage imposable aux fins de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. Par conséquent, les demandes portant les numéros A-484-94, A-491-94, A-547-94 et A-604-94 devraient être accueillies, les jugements respectifs de la Cour canadienne de l’impôt devraient être annulés et les affaires devraient être renvoyées en vue d’un réexamen fondé sur le fait que les appels des contribuables à la Cour canadienne de l’impôt devraient être rejetés. Les contribuables qui sont à l’origine des demandes susmentionnées ont droit à des frais et débours qui sont à la fois raisonnables et appropriés en l’espèce. La demande portant le numéro A-123-95 devrait être rejetée.



[1] [1983] 2 R.C.S. 428.

[2] Ibid., à la p. 441.

[3] [1968] 1 R.C.É. 293.

[4] Ibid., à la p. 310.

[5] Ibid., à la p. 311.

[6] (1990), 71 D.L.R. (4th) 385 (C.A.F.), à la p. 388. Se reporter également à Funnell (R.) c. M.R.N., [1991] 1 C.T.C. 2498 (C.C.I.), à la p. 2501; et à Greisinger c. M.R.N. (1986), 15 C.C.E.L. 29 (C.C.I.), à la p. 35.

[7] [1990] 2 C.T.C. 199 (C.F. 1re inst.), à la p. 204; conf. dans (1991), 92 DTC 6021 (C.A.F.).

[8] Ibid.

[9] Ibid., à la p. 203.

[10] Se reporter généralement à Willick c. Willick, [1944] 3 R.C.S. 670; voir également Hills c. Canada (Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 513.

[11] M.R.N. c. Phillips, [1994] 2 C.F. 680(C.A.), à la p. 686.

[12] Friedberg (A.D.) c. Canada, [1992] 1 C.T.C. 1 (C.A.F.), à la p. 2, le juge Linden, J.C.A.

[13] Une « allocation » au sens de l’art. 6(1)b). Se reporter à MacDonald (R.M.) c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 48 (C.A.F.).

[14] M.R.N. c. Phillips, [1994] 2 C.F. 680(C.A.).

[15] Splane (R.O.J.) c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 199 (C.F. 1re inst.); conf. dans (1991), 92 DTC 6021 (C.A.F.).

[16] Le juge Sobier, J.C.C.I., dans Hoefele (E.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2177, à la p. 2184; se reporter également, pour des propos semblables, aux motifs du juge O’Connor, J.C.C.I., dans Zaugg, T. D. c. La Reine (1994), 94 DTC 1882, à la p. 1885.

[17] Supra, note 11, aux p. 695 et 696.

[18] C’est l’année d’imposition 1991 qui est en cause dans les affaires Hoefele, Mikkelsen et Zaugg.

[19] [1983] 1 R.C.S. 29, à la p. 39, le juge Dickson. Se reporter également aux propos du juge Linden, J.C.A., dans la décision Blanchard c. Canada, [1995] F.C.J. no 1045 (C.A.) (QL).

[20] Bien que cela ne lie aucunement la Cour, signalons que, avant ces cinq affaires, le Ministère a réglé plusieurs cas semblables en tenant pour acquis que les paiements d’intérêts effectués par Pétro-Canada ne constituaient pas des avantages imposables. Se reporter aux pièces A-8, A-9 et A-10. De plus, dans l’affaire Zaugg, l’argument fondé sur l’art. 80.4 a été abandonné. Se reporter à la p. 97 de la transcription. En outre, l’employeur a considéré que l’aide au paiement de l’intérêt était imposable, sous réserve de la déduction prévue à l’art. 110(1)j) de la Loi [mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 49; 1986, ch. 6, art. 55; 1987, ch. 46, art. 38] pour le prêt à la réinstallation.

[21] Autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée le 13 octobre 1994 (1994), 5 C.C.P.B. 41 n (C.S.C.).

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