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[1996] 2 F.C. 528

T-2022-89

Le chef Victor Buffalo agissant en son nom et au nom de tous les membres de la Nation et de la Bande des Indiens Samson et la Bande et la Nation des Indiens Samson (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre des Finances (défendeurs)

T-1386-90

Le chef Jerome Morin agissant en son nom et au nom de tous les membres de la Bande des Indiens Enoch et des résidents de la réserve no 135 de Stony Plain (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada (défenderesse)

T-1254-92

Le chef John Ermineskin, Lawrence Wildcat, Gordon Lee, Art Littlechild, Maurice Wolfe, Curtis Ermineskin, Gerry Ermineskin, Earl Ermineskin, Rick Wolfe, Ken Cutarm, Brian Lee, Lester Fraynn, respectivement chef et conseillers élus de la Bande et de la Nation des Indiens Ermineskin, agissant en leur nom et au nom de tous les membres de la Bande et de la Nation des Indiens Ermineskin (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, l’honorable Thomas R. Siddon, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, l’honorable Donald Mazankowski, ministre des Finances (défendeurs)

Répertorié : Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge MacKay— Calgary, 14 décembre 1995; Ottawa, 20 mars 1996.

Pratique Communications privilégiées Application d’une décision de la C.A.F. ([1995] 2 C.F. 762 sur une question de privilège dans le cadre d’actions pour violation d’obligations dans l’administration d’une fiducie intentées par les bandes indiennes relativement à la gestion par la Couronne de ressources de gaz et de pétrole qui lui avaient été cédées et de revenus tirés de ces ressourcesOrdonnance de production des documents à l’égard desquels la Couronne invoquait le privilège des conseils juridiques, compte tenu du rapport spécial de nature fiduciaire qui existait entre la Couronne et les demandeurs lorsque les documents renfermaient des conseils juridiques traitant précisément de questions touchant la fiducieConseils juridiques d’ordre général exclus de l’ordonnanceFardeau de la preuve du caractère privilégié des documentsL’affidavit de document doit être suffisamment détaillé pour appuyer la revendication de privilège.

Couronne Fiducies Peuples autochtonesL’intérêt des demandeurs en qualité de bénéficiaires d’arrangements particuliers de nature fiduciaire passés avec la Couronne justifie la communication de tout document qui est de la nature de conseils juridiques reçus par la Couronne relativement à la gestion des ressources de gaz et de pétrole qui lui ont été cédées et qui sont situées sur les terres des réserves.

Peuples autochtones Revendication d’un privilège par la Couronne dans le cadre d’actions pour violation d’obligations dans l’administration d’une fiducie intentées par les bandes indiennes relativement à la gestion par la Couronne de ressources de gaz et de pétrole qui lui ont été cédées et de revenus tirés de ces ressourcesOrdonnance de production des documents à l’égard desquels le privilège des conseils juridiques était invoqué, compte tenu du rapport spécial de nature fiduciaire qui existait entre la Couronne et les IndiensOrdonnance de production des documents ayant trait aux programmes et services offerts sous l’égide de la Couronne, dans lesquels il est fait référence aux ressources minérales de pétrole et de gaz, ou aux ressources financières en provenant.

Un privilège a été revendiqué, sur la base procureur-client, au sujet des documents mentionnés dans des affidavits de documents déposés dans des actions comportant une série d’allégations concernant des fautes qu’auraient commises la Couronne et ses représentants, sur une période de plus de 50 ans, et qui se seraient perpétuées jusqu’à aujourd’hui. Leurs éléments essentiels portaient sur la gestion et l’exploitation par la Couronne des ressources de pétrole et de gaz situées sur les terres des réserves que les trois bandes ont cédées à Sa Majesté dans les années 1940, sur la gestion par la Couronne des revenus tirés de ces ressources, et sur le financement par la Couronne de programmes et de services, financement qui aurait été inférieur à ce qu’il aurait dû être, selon les demandeurs, du fait que la Couronne a supposé que les bandes demanderesses avaient des ressources financières personnelles.

Les questions en litige étaient les suivantes : les documents au sujet desquels la Couronne revendiquait un privilège devaient-ils être produits, compte tenu du rapport spécial de nature fiduciaire qui existait entre la Couronne et les demandeurs; à quelle partie incombe la charge d’établir qu’un document est privilégié et quels renseignements devaient être communiqués pour chacun des documents à l’égard desquels un privilège était revendiqué.

Le juge MacKay avait ordonné que tous les documents à l’égard desquels un privilège avait été revendiqué soient produits, à l’exception des documents protégés par le privilège des communications entre avocat et client ayant pris la forme de conseils juridiques se rapportant à l’instance. La Cour d’appel a modifié cette décision dans un arrêt publié dans [1995] 2 C.F. 762 D’après les demandeurs, la décision de la Cour d’appel était favorable à l’étape de l’enquête préalable à une très large communication de documents, classés en l’espèce comme des conseils juridiques privilégiés à cause du rapport spécial de nature fiduciaire qui existait entre la Couronne et les demandeurs, et qui est reconnu dans la décision. De l’avis de la Couronne, aucun des aspects du rapport qui existait entre elle et les demandeurs ne justifiait une ordonnance de produire des documents à l’égard desquels un privilège était revendiqué. Les deux parties ont évité de définir les arrangements spéciaux de nature fiduciaire en cause.

La décision de la Cour d’appel justifiait que la présente Cour émette des directives qui tiennent compte de « la modification d’une fiducie visant des terres indiennes », qui a été créée par les cessions respectives des droits miniers des bandes demanderesses à Sa Majesté. Pour répondre aux questions qui se posent au stade de l’enquête préalable, ces arrangements particuliers de nature fiduciaire peuvent être réputés mettre à la charge de la Couronne la responsabilité de gérer les biens cédés, les droits miniers et les revenus tirés de ces cessions et droits au profit des bandes, qui étaient les seuls bénéficiaires des activités de gestion de la Couronne. Pour ce qui a trait, à tout le moins, à l’exécution des responsabilités de la Couronne relativement à ces arrangements de nature fiduciaire, les conseils juridiques qu’elle a demandés et reçus dans l’administration et l’exécution de ses devoirs de « fiduciaire » étaient des conseils à l’égard desquels les bandes demanderesses et leurs membres avaient un intérêt conjoint que la Couronne, à mon avis, ne pouvait nier et que personne d’autre ne pouvait revendiquer, c’est-à-dire un intérêt qui s’apparentait fort à celui du bénéficiaire d’une fiducie privée. Cet intérêt justifiait la communication de tout document qui était de la nature de conseils juridiques demandés ou reçus par la Couronne relativement à l’administration des biens, à la gestion des revenus tirés de leur exploitation ou aux décisions concernant des programmes et des services dont le financement a pu être inférieur à ce qu’il aurait dû être du fait de la valeur présumée des biens cédés et des revenus tirés de ces biens.

Lorsqu’un document à l’égard duquel un privilège était revendiqué ne référait qu’en partie aux arrangements particuliers de nature fiduciaire définis ci-dessus, la Cour aurait ordonné la production de cette portion du document, à l’exclusion du reste, à moins que cette portion n’ait aucune importance dans le contexte des questions soulevées dans les actions.

La directive ne devait aucunement porter atteinte aux conseils juridiques de nature générale, qui ne pouvaient être associés précisément aux bandes demanderesses, aux « biens » cédés ou aux revenus tirés de ces biens, non plus qu’aux conseils juridiques faisant référence à toute autre bande. Ne devaient être communiqués que les documents renfermant des conseils juridiques traitant précisément de l’administration des ressources minérales cédées, ou de la gestion des fonds provenant de l’exploitation de ces ressources, ou de programmes et de services dont la mise en œuvre ou la prestation a été discutée au regard des droits pétroliers et gaziers ou des redevances perçues sur ces droits et qui étaient administrés au profit des bandes demanderesses en vertu des fiducies relatives à des terres indiennes découlant des cessions de 1946.

Il est vrai que la charge de la preuve incombe à la partie qui revendique le privilège. Toutefois, cette partie peut généralement s’en acquitter en déposant un affidavit qui décrit avec suffisamment de détails les documents pertinents et qui énonce, pour chaque document, le fondement particulier de la revendication. La défenderesse, qui revendiquait le privilège, n’était pas tenue, au bout du compte, d’établir les motifs pour lesquels il ne fallait pas présumer qu’un document visé par la revendication devait être communiqué. Il n’y avait pas de présomption qui favorisait la divulgation de conseils juridiques demandés ou reçus par la Couronne du fait de ses rapports généraux avec les demandeurs. Il en était autrement des documents dont la production a été ordonnée et qui avaient trait aux arrangements spéciaux de nature fiduciaire découlant des cessions de 1946.

Enfin, le tribunal devait trancher une question concernant les renseignements que la Couronne devait être tenue de fournir relativement à chaque document à l’égard duquel un privilège était revendiqué. Un affidavit de documents, ou des affidavits connexes, doivent fournir un fondement factuel suffisant pour justifier le privilège revendiqué à l’égard de chaque document, c’est-à-dire indiquer si la partie qui revendique le privilège s’appuie sur le privilège des communications préparées principalement en vue de la poursuite d’une instance en cours ou envisagée, ou sur le privilège des conseils juridiques en ce sens que ce document est directement lié à la demande, à la formulation ou à la prestation de conseils juridiques dans le cadre d’une communication continue au cours de laquelle l’avocat fournit des conseils. Les renseignements fournis en l’espèce par la Couronne au sujet des documents à l’égard desquels un privilège était revendiqué répondaient aux exigences normales, à l’exception peut-être de la déclaration exposant le fondement de la revendication pour chacun d’eux. Le tribunal a ordonné à la Couronne de le faire si ce n’était déjà fait. Si les demandeurs contestaient le privilège revendiqué pour chaque document, la Cour examinerait ces documents au vu de la preuve, notamment au vu des affidavits de documents ou d’autres affidavits déposés à l’appui du privilège.

Pour faire avancer la situation, même avant l’expiration du délai d’appel, d’autres directives ont aussi été émises pour que les parties consultent la Cour au cours des entretiens préalables à l’instruction au sujet des points suivants : a) les défendeurs devaient-ils recevoir pour instructions de préparer une liste séparée qui inclurait tous les documents à l’égard desquels le privilège des communications liées à une instance était revendiqué; b) les défendeurs devaient-ils recevoir pour instructions de préparer une liste séparée pour les documents à l’égard desquels ils avaient revendiqué jusqu’alors le privilège des conseils juridiques; c) les demandeurs contestaient-ils l’allégation de non-pertinence avancée par la Couronne.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 5).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 448(5) (mod. par DORS/90-846, art. 15).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821; (1979), 105 D.L.R. (3d) 745; 50 C.C.C. (2d) 495; 16 C.R. (3d) 294; 30 N.R. 380; Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 R.C.S. 344; (1995), 130 D.L.R. (4th) 193; Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860; (1982), 141 D.L.R. (3d) 590; 70 C.C.C. (2d) 385; 28 C.R. (3d) 289; 1 C.R.R. 318; 44 N.R. 462; Creaser v. Warren and Warren (1987), 77 N.S.R. (2d) 429; 36 D.L.R. (4th) 147; 191 A.P.R. 429 (C.A.); Roy v. Krilow, [1995] 7 W.W.R. 130; (1995), 29 Alta. L.R. (3d) 272; 36 C.P.C. (3d) 58 (B.R.); Visa International Service Assn. v. Block Brothers Realty Ltd. (1983), 64 B.C.L.R. (2d) 390; 11 C.P.C. (3d) 147 (C.A.); Woreta v. Chang (1994), 156 A.R. 49; 26 C.P.C. (3d) 249 (B.R.); Walsh-Canadian Construction Company Limited v. Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited (1979), 23 Nfld. & P.E.I.R. 34; 61 A.P.R. 34; 9 C.P.C. 229 (C.S.).

DÉCISION EXAMINÉE :

Pocklington Foods Inc. v. Alberta (Provincial Treasurer) (1993), 135 A.R. 363; [1993] 5 W.W.R. 710; 8 Alta. L.R. (3d) 429; 15 C.P.C. (3d) 331; 33 W.A.C. 363 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Delta Electric Co. Ltd. v. Aetna Casualty Company of Canada, Taylor Contracting Limited and Morden & Helwig Limited (1984), 53 N.B.R. (2d) 406; 138 A.P.R. 406 (B.R.); Stamper v. Finnigan, Via Rail Canada Inc., Canadian National Railway Company and New Brunswick (1984), 57 N.B.R. (2d) 411; 148 A.P.R. 411; 1 C.P.C. (2d) 175 (B.R.); Procter & Gamble Co. c. Nabisco Brands Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 570; 97 N.R. 379 (C.A.F.).

ORDONNANCE accompagnée de directives en vue de régler le privilège revendiqué par les défendeurs, sur la base procureur-client, au sujet des documents mentionnés dans des affidavits de documents déposés dans trois actions intentées par les bandes indiennes demanderesses contre la Couronne, en application d’une décision de la Cour d’appel (Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762 (1995), 125 D.L.R. (4th) 294; 184 N.R. 139 (C.A.); modifiant Buffalo et al. c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) et al. (1994), 86 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.)).

AVOCATS :

James A. O’Reilly, François Joyal, Edward H. Molstad, c.r. et Judy D. MacLachlan pour la Bande des Indiens Samson, demanderesse.

L. Leighton Decore pour la Bande des Indiens Enoch, demanderesse.

Malcolm O. Maclean pour la Bande des Indiens Ermineskin, demanderesse.

Alan D. Macleod, c.r., Mary E. Comeau, Cara Stelmack et Barbara S. Ritzen pour les défendeurs.

PROCUREURS :

O’Reilly & Associés, Montréal, Parlee & McLaws, Edmonton et Rae & Company, Calgary, pour la Bande des Indiens Samson, demanderesse.

Biamonte, Cairo & Shortreed, Edmonton, pour la Bande des Indiens Enoch, demanderesse.

Blake, Cassels & Graydon, Vancouver, pour la Bande des Indiens Ermineskin, demanderesse.

Macleod Dixon, Calgary, et le sous-procureur général du Canada pour Sa Majesté la Reine et les autres défendeurs dans les trois actions.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge MacKay : Les présents motifs ont trait à une ordonnance maintenant émise et assortie de directives en vue de régler le privilège revendiqué par les défendeurs, sur la base procureur-client, au sujet des documents mentionnés dans des affidavits de documents déposés dans les trois actions. Les actions seront entendues conjointement, l’ouverture de l’instruction étant prévue pour le printemps de 1997, et sa préparation étant coordonnée par les responsables de la gestion des cas.

Ces actions comportent toute une série d’allégations concernant des fautes qu’auraient commises la Couronne et ses représentants, sur une période de plus de 50 ans, et qui se seraient perpétuées jusqu’à aujourd’hui. Au risque de simplifier à l’excès les actions, disons que leurs éléments essentiels portent sur la gestion et l’exploitation par la Couronne des ressources de pétrole et de gaz situées sur les terres des réserves que les trois bandes ont cédées à Sa Majesté au milieu des années 1940, sur la gestion par la Couronne des fonds perçus sous forme de redevances ou d’autres revenus tirés de la location ou de la vente des ressources de pétrole et de gaz ainsi cédées, et sur le financement par la Couronne de programmes et de services, financement qui aurait été inférieur à ce qu’il aurait dû être, selon les demandeurs, du fait que la Couronne a supposé que les bandes demanderesses avaient des ressources financières personnelles.

Production de documents et revendication de privilège

Le privilège a d’abord été revendiqué dans les premiers affidavits de documents déposés conformément aux directives de la Cour émises le 3 mars 1994 pour les questions relatives à la gestion des fonds, le 30 mars 1994 pour les questions touchant les ressources de pétrole et de gaz, et le 15 juin 1994 pour ce qui a trait aux programmes et services.

Par la suite, les parties n’ont pas réussi à régler leurs différends concernant, notamment, la production des documents et les questions de privilège invoquées au sujet des affidavits de documents déposés par les défendeurs (ci-après collectivement appelés la « Couronne »). Après avoir entendu les avocats des parties dans les trois actions, le 9 septembre 1994, j’ai ordonné que, compte tenu des circonstances de l’espèce, tous les documents à l’égard desquels un privilège avait été revendiqué soient produits, à l’exception des documents protégés par le privilège des communications entre avocat et client ayant pris la forme de conseils juridiques se rapportant à la présente instance[1].

La Cour d’appel a modifié cette décision[2] en accueillant un appel interjeté par la Couronne. En fait, le privilège des communications entre avocat et client applicable à des documents doit être reconnu pour toutes les communications entre un avocat et son client ou des tiers faites principalement dans le cadre de la préparation d’une instance en cours ou envisagée, en vertu du privilège des communications liées à une instance. Ce privilège est aussi reconnu pour toutes les communications entre un avocat et son client qui sont directement liées à la demande, à la formulation ou à la prestation de conseils juridiques, en vertu du privilège des conseils juridiques, sous réserve, peut-être, d’une exception dans les circonstances particulières de l’espèce. J’insiste sur le mot « peut-être » parce que les parties ne s’entendent pas sur l’interprétation ou l’application de la décision de la Cour d’appel, point sur lequel nous reviendrons ci-dessous. L’ordonnance, modifiée en appel, enjoignait à la Couronne de déposer un affidavit de documents modifié dressant des listes séparées, sous les annexes IIC et IIE, des documents indiqués ci-dessous :

Annexe IIC— Les documents à l’égard desquels on revendique le privilège des communications entre client et avocat au motif qu’ils ont été préparés principalement en vue de la poursuite d’une instance. Si une question ou un différend surgit, la Cour examinera chaque document et décidera s’il est protégé ou s’il doit être produit.

Annexe IIE— Les documents à l’égard desquels les défendeurs revendiquent le privilège des communications entre avocat et client au motif qu’ils sont protégés par le privilège des conseils juridiques. Si une question ou un différend surgit, la Cour examinera chaque document et elle tiendra compte du statut unique de la Couronne en sa qualité de « fiduciaire » et du rapport unique existant entre la Couronne et les Indiens pour décider s’il est protégé ou s’il doit être produit.

Je complète la description des documents dont la production est demandée dans les actions. Dans le cadre de la procédure continue de production de documents par la Couronne, certains documents qui ne figuraient pas à ce moment-là dans un affidavit de documents déposé à la Cour ont été produits. De même, conformément à des ordonnances de la Cour, d’autres affidavits ont été déposés. Ainsi, un affidavit de documents modifié a été déposé le 20 octobre 1994 et, selon les directives de la Cour, ne comprenait que les documents dont la liste avait été dressée antérieurement, ou qui avaient été produits subséquemment, et à l’égard desquels un privilège avait été revendiqué. L’ordonnance initiale enjoignait à la Couronne de dresser des listes séparées des documents, notamment l’annexe IIC pour les documents protégés par le privilège des communications liées à une instance aux fins de la préparation de la présente instance, et l’annexe IIE pour les documents protégés par le privilège des conseils juridiques. Les annexes IIC et IIE déposées en même temps que l’affidavit d’octobre 1994 ont été établies avant la décision de la Cour d’appel, dont il a été question ci-dessus, et qui a modifié l’ordonnance émise antérieurement par la présente Cour, comme nous l’avons vu. Pour autant que je sache, les annexes IIC et IIE, modifiées selon les directives de la Cour d’appel, n’ont pas encore été déposées.

Une des catégories de documents dont la liste devait être dressée séparément et produite avec l’affidavit du 20 octobre 1994, concernait des documents dont la Cour ne pouvait contraindre la production aux termes de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada[3] et une attestation établie en vertu de cet article a été déposée le 16 décembre 1994. Cette attestation a fait l’objet d’une requête, de plaidoiries et d’une décision distinctes.

Finalement, je note que le ou vers le 15 décembre 1995, d’autres affidavits de documents ont été déposés par toutes les parties conformément aux directives de la Cour. Les annexes jointes à ces affidavits, particulièrement celles déposées au nom de la Couronne, sont assez volumineuses. Cela n’a pas mis fin pour autant à la production des documents par la Couronne, qui se poursuit toujours.

Dans les premiers affidavits déposés en mai et juin 1994, un privilège était revendiqué pour au moins 1 000 documents. La plupart de ces documents, que l’avocat de la Couronne décrit comme des documents tirés des dossiers juridiques ayant trait à des communications entre les avocats du ministère de la Justice ou d’ailleurs et les responsables du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) ou d’autres ministères, ont été classés comme privilégiés par la Couronne sans autre forme d’examen ou d’analyse. Par la suite, après les avoir passés en revue, l’avocat de la Couronne a fait valoir que bon nombre des documents figurant dans les listes originales portaient sur des questions étrangères aux questions soulevées dans les présentes actions et qu’ils n’avaient donc aucune pertinence en l’espèce. Près de la moitié des documents classés comme privilégiés dans les premiers affidavits sont ainsi décrits, c’est-à-dire qu’ils n’auraient rien à voir avec les présentes actions, dans l’une des annexes séparées jointes à l’affidavit modifié déposé le 20 octobre 1994. Il reste néanmoins dans l’affidavit du 20 octobre 1994 un bon nombre de documents pertinents et privilégiés qui n’ont pas encore été communiqués aux demandeurs, et qui ne sont pas assujettis à l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. L’affidavit de documents supplémentaire déposé à la mi-décembre 1995 par la Couronne mentionne bon nombre d’autres documents à l’égard desquels un privilège est revendiqué.

La Cour a indiqué que, si les parties ne s’entendent pas sur la pertinence d’un document initialement classé comme privilégié et ensuite écarté par la Couronne comme n’étant pas pertinent aux questions soulevées en l’espèce, elle examinera le document et tranchera la question. De la même façon, la Cour reconnaît la responsabilité mentionnée par la Cour d’appel[4], dont le principe a été énoncé par le juge Dickson, alors juge puîné, dans l’arrêt Solosky c. La Reine[5], selon laquelle « le privilège ne peut être invoqué que pour chaque document pris individuellement ». En cas de différend au sujet d’une revendication de privilège, la Cour ne peut reconnaître le privilège invoqué qu’après avoir examiné le ou les documents en question.

Il n’y a pas de véritable divergence de principe entre les parties au sujet du privilège revendiqué pour les documents ayant trait aux communications entre avocat et client dans le cadre de la préparation d’une instance en cours ou envisagée. La seule différence se trouve peut-être dans les renseignements descriptifs que la Couronne devrait être tenue de communiquer aux demandeurs pour leur permettre d’évaluer s’il y a lieu de contester le privilège ainsi revendiqué. Ces renseignements descriptifs pourraient fonder jusqu’à un certain point le refus de la Cour d’examiner des documents s’il lui semble qu’une contestation du privilège des communications liées à une instance n’est pas justifiée, ou alors, si une telle contestation justifie l’examen du document, l’affidavit énonçant le fondement du privilège des communications liées à une instance constituerait un élément de preuve dont la Cour pourrait tenir compte pour déterminer si le document doit être considéré comme privilégié[6]. Étant donné que le détail des renseignements à fournir pour chacun des documents à l’égard desquels le privilège est revendiqué fait partie des points en litige, je me propose d’en traiter après avoir fait référence à la décision de la Cour d’appel au sujet du privilège invoqué en l’espèce.

Les questions en litige

Les parties soulèvent trois questions fondamentales au sujet des répercussions de la décision de la Cour d’appel. Elles se demandent, premièrement, si les documents au sujet desquels la Couronne revendique un privilège doivent être produits au vu du rapport spécial de nature fiduciaire qui existe entre la Couronne et les demandeurs; deuxièmement, à quelle partie incombe la charge d’établir qu’un document est privilégié; et troisièmement, quels renseignements doivent être communiqués en l’espèce pour chacun des documents énumérés dans la liste des documents à l’égard desquels un privilège a été revendiqué.

La décision de la Cour d’appel

Dans sa décision, la Cour d’appel déclare en partie ce qui suit[7] :

De fait, devant nous, les intimés qui appuient l’ordonnance du juge des requêtes l’ont défendue essentiellement en invoquant le « principe de la fiducie ».

Selon nous, le principe de la fiducie ne peut s’appliquer au stade de l’enquête préalable, dans une action pour violation d’une obligation dans l’administration d’une fiducie, que si deux conditions sont respectées : le prétendu rapport fiduciaire doit être établi à première vue et les documents qui appartiendraient aux bénéficiaires doivent être des documents obtenus ou préparés par le fiduciaire dans l’administration de la fiducie et dans le cours de l’exécution de ses devoirs de fiduciaire. En l’espèce, la première condition ne pose pas vraiment de problème. C’est plutôt la deuxième qui nous préoccupe.

Compte tenu du rapport très particulier qui lie la Couronne aux Indiens (voir : Guerin et autres c. La Reine et autres, [1984] 2 R.C.S. 335) et du fait que la Couronne doit être tenue au respect « d’une norme élevée—celle d’agir honorablement—dans ses rapports avec les peuples autochtones du Canada, comme le laisse entendre l’arrêt Guerin et autres c. La Reine et autres » (voir : R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, à la p. 1109), nous sommes disposés à reconnaître que, peu importe la nature exacte du rapport existant entre la Couronne et les Indiens, il pourrait être considéré à première vue comme un rapport de nature fiduciaire aux fins de l’application du principe de la fiducie à l’étape de l’enquête préalable.

Cela dit, il ne s’ensuit toutefois pas que les règles et les pratiques établies relativement aux fiducies privées s’appliquent automatiquement aux « fiducies » de la Couronne, telle celle alléguée en l’espèce.

Si l’on se reporte aux motifs du juge Lederman dans l’affaire Re Ballard Estate, le fondement du principe de la fiducie est la présupposition, dans le cas des fiducies privées, que les conseils juridiques demandés par le fiduciaire appartiennent aux bénéficiaires « parce que la véritable raison pour laquelle les services de l’avocat ont été retenus et ses conseils ont été reçus par les fiduciaires était la bonne administration de la succession, dans l’intérêt de tous les bénéficiaires qui bénéficient ou peuvent bénéficier du testament ou de la fiducie. » ([Re Ballard Estate (1994), 20 O.R. (3d) 350 (Div. gén.)], supra, … à la p. 353)

Cette présupposition ne peut s’appliquer aux « fiducies » de la Couronne. La Couronne ne saurait être un « fiduciaire » ordinaire. Elle agit à plusieurs titres et elle représente de nombreux intérêts, dont certains sont nécessairement opposés. Non seulement agit-elle au nom ou dans l’intérêt des Indiens, mais encore doit-elle rendre compte à l’ensemble de la population canadienne. Elle participe, à de nombreux égards, à des litiges en instance. Elle doit toujours tenir compte des négociations juridiques et constitutionnelles en cours et à venir, avec les Indiens ou avec les gouvernements provinciaux, et on peut soutenir que ces négociations peuvent, à notre époque, être assimilées à des litiges en instance. Les conseils juridiques en cause peuvent très bien ne pas avoir été demandés, ni obtenus, dans l’intérêt exclusif ou principal des Indiens, et encore moins dans celui des trois bandes qui sont parties à l’instance. Il se peut très bien que ces conseils juridiques soient liés à des décisions en matière de politique, dans une grande diversité de secteurs qui n’ont que peu ou pas de liens avec l’administration des « fiducies ». Il est peu probable que le paiement des opinions juridiques données à la Couronne ait été prélevé sur les fonds « privés » des « fiducies » qu’elle administre…

Compte tenu des nombreux « clients » ou « bénéficiaires » possibles, des nombreux motifs pour lesquels la Couronne a pu demander des conseils juridiques, des nombreux effets possibles, dans une grande variété de secteurs, des conseils juridiques obtenus, il est tout simplement impossible à ce stade de l’instance de présumer de façon générale que tous les documents en cause sont, en tout ou en partie, des documents qui ont été obtenus ou préparés par la Couronne dans l’administration des « fiducies » particulières alléguées par les intimés et dans l’exécution, par la Couronne, de ses devoirs de « fiduciaire » au profit des intimés.

Comme l’a précisé le juge Dickson (alors juge puîné) dans Solosky (supra [[1980] 1 R.C.S. 821], à la p. 837), « le privilège ne peut être invoqué que pour chaque document pris individuellement ». Nous n’avons pas vu les documents en cause; nous ne connaissons pas la plaidoirie, ni l’orientation de la plaidoirie que les parties pourraient élaborer, le cas échéant, relativement à chaque document et, peut-être, à une catégorie de documents. De plus, nous ne pouvons nous en remettre en pratique à aucun précédent, car la façon d’aborder le droit des privilèges en l’espèce est particulière aux rapports entre les Indiens et la Couronne, dont la nature n’a pas encore été établie. Il n’est pas possible de trancher hors contexte le conflit qui oppose le prétendu droit de la Couronne à un privilège et le prétendu droit des intimés à la divulgation, si ce n’est conformément à l’arrêt Descôteaux (supra [Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860]) de la Cour suprême, c’est-à-dire en faveur du respect du privilège.

Malgré l’existence d’une ordonnance de confidentialité, une cour d’appel serait mal avisée d’ordonner aveuglément, dans les circonstances, la production par la Couronne des documents énumérés dans la catégorie E. Nous préférons pécher par excès de prudence, plus particulièrement si l’on tient compte que les intimés auront la possibilité de contester la revendication du privilège pour chaque document pris individuellement devant un juge des requêtes.

La Cour énonce ensuite les conditions modifiées relativement aux annexes IIC et IIE de l’ordonnance antérieure.

La position des parties

Au nom des demandeurs, on fait valoir, en s’appuyant sur la première partie de ce passage de la décision de la Cour, plus particulièrement les quatre premiers paragraphes, que la Cour d’appel reconnaît le rapport de nature fiduciaire qui existe entre la Couronne et les demandeurs en tant que peuples autochtones et bandes indiennes, et qu’en raison de ce rapport la Couronne est liée par des obligations fiduciaires semblables à celles qui incombent à un fiduciaire dans l’administration de la fiducie et dans le cours de l’exécution de ses devoirs dans l’intérêt des demandeurs qui en sont les bénéficiaires. Les demandeurs prétendent avoir un intérêt conjoint avec la Couronne pour ce qui concerne les conseils juridiques qu’elle a demandés ou qui lui ont été fournis dans l’exécution des ses devoirs de fiduciaire au profit des demandeurs. Un privilège ne peut donc être revendiqué à l’égard de ces conseils juridiques donnés aux défendeurs.

Selon les demandeurs, cette position est renforcée par la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Apsassin[8] le jour même où cette question a été débattue. Dans cet arrêt, le juge Gonthier, s’exprimant au nom de la majorité, les juges La Forest, L’Heureux-Dubé et Sopinka souscrivant à ses motifs, déclare[9] en partie ce qui suit, relativement à la cession des terres des réserves indiennes à la Couronne en 1945 :

La bande comprenait, d’une part, qu’en acceptant la cession de 1945 elle transférerait à la Couronne, en fiducie, tous les droits qu’elle avait dans la R.I. 172, et, d’autre part, que la Couronne vendrait ou louerait ces droits au profit de la bande.

Il conclut que les droits miniers étaient inclus dans la cession et poursuit (le soulignement apparaît dans le texte original publié par la Cour suprême le 14 décembre 1995) :

… je crois que la meilleure façon de décrire la nature véritable des opérations de 1945 est de les qualifier de modification d’une fiducie visant des terres indiennes. En effet, en 1940, la bande a transféré à la Couronne, en fiducie, les droits miniers afférents à la R.I. 172, exigeant de cette dernière qu’elle les loue au profit de la bande. L’accord de 1945 visait également une fiducie, dans laquelle la bande cédait à la Couronne tous les droits qu’elle détenait sur la R.I. 172 à des fins de vente ou de location. L’accord de 1945 subsumait celui de 1940, et il en élargissait la portée à deux points de vue : premièrement, alors que la cession de 1940 ne visait que les droits miniers, celle de 1945 englobait tous les droits afférents à la R.I. 172, y compris les droits miniers et les droits de superficie; deuxièmement, tandis que la cession de 1940 constituait une fiducie [traduction] « aux fins de […] location », celle de 1945 conférait à la Couronne, en qualité de fiduciaire, le pouvoir discrétionnaire « de vendre ou de louer » les terres visées. Cette double modification de l’acte de fiducie de 1940 conférait à la Couronne un pouvoir beaucoup plus grand d’agir à titre de fiduciaire pour le compte de la bande. Certes, compte tenu des conditions de la fiducie et du rôle de fiduciaire qu’assumait la Couronne lorsqu’elle effectuait des opérations, le MAI était tenu d’exercer ses pouvoirs élargis dans l’intérêt de la bande.

Je tiens à ajouter qu’il ne faut pas interpréter mes motifs comme ayant pour effet d’assimiler les fiducies visant des terres indiennes aux fiducies en common law. Je suis bien conscient que cette question n’a pas été tranchée dans Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, et je ne désire pas le faire en l’espèce. Cependant, notre Cour a, dans cet arrêt, reconnu que des obligations et principes « semblable[s] à [ceux d’]une fiducie » étaient pertinents dans le cadre de l’analyse d’une cession visant des terres indiennes. Dans le présent cas, tant la cession de 1940 que celle de 1945 étaient conçues comme des fiducies, et les parties avaient en conséquence l’intention de créer des rapports semblables à ceux créés par une fiducie. En conséquence, à défaut d’un meilleur qualificatif, j’estime approprié d’appeler ces cessions des fiducies visant des terres indiennes.

Dans l’arrêt Apsassin, Mme le juge McLachlin, s’exprimant au nom de la minorité, n’accepte pas la manière dont le juge Gonthier décrit l’arrangement contesté en l’espèce, qu’il qualifie de « modification d’une fiducie visant des terres indiennes » ou de « fiducie visant des terres indiennes », et préfère considérer cet arrangement comme un droit sui generis de la bande au vu des dispositions de la Loi des Indiens [S.R.C. 1927, ch. 98], plutôt que de le qualifier par analogie avec d’autres domaines du droit. Néanmoins, elle accepte que la Couronne, à son avis du fait de la cession des droits miniers en 1940, avait une obligation de fiduciaire à l’égard de la bande concernant ces droits miniers qui, selon les termes de la cession, devaient être loués au profit de la bande[10].

De l’avis des demandeurs en l’espèce, les cessions des droits miniers concernant le pétrole et le gaz sur les terres des réserves s’apparentent aux cessions de droits semblables dont il est question dans l’arrêt Apsassin et, dans cette cause comme en l’espèce, les cessions ont créé des arrangements de nature fiduciaire que le juge Gonthier qualifie de modifications d’une fiducie visant des terres indiennes ou de fiducies visant des terres indiennes. Bien qu’à ce stade la Cour ne soit saisie d’aucun élément de preuve concernant la nature des cessions consenties dans ces affaires, les plaidoiries indiquent clairement, à mon avis, que les allégations des demandeurs concernant les arrangements de nature fiduciaire qui ont créé des obligations fiduciaires pour la Couronne, l’obligeant à gérer les droits cédés au profit des bandes[11], constituent le fondement de leurs actions. La défense nie de façon générale les faits allégués, de même que la teneur des obligations que lui attribuent les demandeurs, et elle nie également qu’il y ait eu faute ou négligence de sa part dans l’exécution de ses responsabilités. D’après ce que je comprends de la défense, la Couronne ne conteste pas qu’elle a des responsabilités dont elle doit s’acquitter au profit des bandes, bien que ces responsabilités ne soient pas telles qu’elles sont alléguées par les demandeurs, et elle nie que ces responsabilités doivent être acquittées au profit exclusif de ces bandes.

Pour la Couronne, la partie importante de la décision de la Cour d’appel, citée précédemment, se trouve dans la dernière portion, c’est-à-dire les quatre derniers paragraphes. Elle fait donc valoir que la reconnaissance d’un rapport de nature fiduciaire en l’espèce ne signifie pas que les principes du droit des fiducies privées s’appliquent, et en particulier que le principe selon lequel les conseils juridiques demandés par le fiduciaire appartiennent conjointement aux bénéficiaires et au fiduciaire ne s’applique pas en l’espèce comme ce serait le cas s’il s’agissait d’une fiducie privée. Elle fait valoir que le client qui a demandé et accepté des conseils juridiques, c’est la Couronne agissant à plusieurs titres; ce ne sont ni la bande ni les Indiens. La Couronne ne demande pas ce genre de conseils, ou ne les accepte pas, simplement en sa qualité de fiduciaire pour ces trois bandes mais, comme elle agit simultanément à plusieurs titres, elle doit s’acquitter de ses responsabilités de multiples façons, au profit non seulement des demandeurs, mais de l’ensemble de la population autochtone et en fait de la population canadienne. La Couronne demande des conseils juridiques aux avocats du ministère de la Justice ou à d’autres avocats dont les services ont été retenus pour des fins particulières ou continues, et ces conseils sont demandés et fournis en toute confidentialité.

L’affidavit de Bernard Hanssens, avocat au ministère de la Justice pour le compte des Services juridiques du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), et chargé de fournir des conseils juridiques à ce ministère, décrit les fonctions générales et de conseiller que lui-même et d’autres personnes assument relativement à la prestation de conseils juridiques au MAINC. Selon lui, il est entendu et certain que ces conseils sont demandés et acceptés en fonction du principe que les communications entre l’avocat et le Ministère sont confidentielles. Les coûts et le financement de ces conseils sont pris en charge par le gouvernement fédéral, et non par les bandes. L’affidavit indique en partie ce qui suit :

[traduction] 6. En ce qui a trait au MAINC, il arrive que les avis ou conseils demandés au ministère de la Justice, et fournis par lui, traitent spécialement de l’application de la loi ou des politiques ayant trait à une bande indienne ou à un Indien en particulier et peuvent en fait découler d’une demande de renseignements présentée par cette bande ou cette personne. En pareils cas, comme dans tous les autres cas, le ministère de la Justice reçoit, dans le cours normal de ses activités, une demande d’avis juridique du ministère ou du responsable intéressé et fournit une opinion à cette personne ou à ce ministère qui peut également en tenir compte dans l’application et l’exécution de la loi et des politiques relativement à d’autres bandes indiennes et à d’autres questions. Comme dans tous les autres cas, ces avis ne sont jamais fournis directement par le ministère de la Justice à la bande ou à la personne intéressée et ne sont jamais payés par la bande ou la personne intéressée. De même, comme dans tous les autres cas, les communications entre les avocats du ministère de la Justice et le responsable ou le ministère intéressé s’appuient sur l’entente et l’assurance que ces renseignements demeureront confidentiels et ne seront communiqués à personne.

L’avocat fait brièvement référence à la politique du MAINC qui, d’après une directive d’orientation révisée en 1975, indique clairement que le texte ou la teneur d’un avis juridique ne peut être communiqué à aucune personne extérieure au Ministère. Cette directive n’a pas été déposée formellement devant la Cour comme élément de preuve et je fais observer que les demandeurs n’ont pas eu la possibilité de contre-interroger M. Hanssens au sujet de son affidavit.

Je respecte le rôle et la fonction des conseillers juridiques de Sa Majesté. Toutefois, le fait que les avocats et le ministère concernés puissent traiter leur échange de correspondance de façon confidentielle, et le fait que le financement de ces services provienne des fonds ordinaires du gouvernement ne sont pas en eux-mêmes des éléments qui permettent de déterminer si les conseils juridiques demandés ou obtenus dans toutes les circonstances applicables en l’espèce sont privilégiés et ne peuvent être communiqués. Je ne suis pas non plus convaincu, abstraction faite de la fin pour laquelle les conseils sont demandés, que, puisque Sa Majesté est le client qui demande et reçoit les conseils juridiques, la totalité de ces conseils à l’égard desquels un privilège est revendiqué dans une liste de documents pertinents, ne doit pas être communiquée. Si ces facteurs étaient déterminants, comme le prétend essentiellement la Couronne, les observations de la Cour d’appel concernant la possibilité que des documents soient communiqués à l’étape de l’enquête préalable, compte tenu du rapport spécial de nature fiduciaire qui existe en l’espèce entre les demandeurs et la Couronne, seraient vides de sens.

L’interprétation différente que les parties donnent de la décision de la Cour d’appel se reflètent également sur les arguments qu’elles font valoir à propos de la charge qui incombe à la Couronne d’établir l’application du privilège qu’elle invoque; elles ne s’entendent pas non plus sur les détails ou les renseignements qui doivent être fournis au sujet de chaque document à l’égard duquel le privilège est invoqué. Je reviendrai sur ces différends après avoir traité de la question fondamentale, c’est-à-dire la question de savoir s’il convient d’ordonner que soient produits les documents à l’égard desquels un privilège est revendiqué, en application du principe, par analogie, que la Couronne et les bandes demanderesses ont un intérêt conjoint en ce qui concerne les conseils juridiques demandés ou reçus par la Couronne, de sorte que les documents renfermant ces conseils ne peuvent pas être soustraits à la connaissance des bandes demanderesses parce qu’elles sont les bénéficiaires du rapport de nature fiduciaire qui existe entre elles et la Couronne.

Je résume les opinions des parties sur la question de la communication de certains documents. D’après les demandeurs, la décision de la Cour d’appel est favorable à l’étape de l’enquête préalable à une très large communication de documents, classés en l’espèce comme des conseils juridiques privilégiés à cause du rapport spécial de nature fiduciaire qui existe entre la Couronne et les demandeurs, et qui est reconnu dans la décision. De l’avis de la Couronne, aucun des aspects du rapport qui existe entre elle et les demandeurs ne justifie une ordonnance de produire des documents à l’égard desquels un privilège est revendiqué. Les deux parties évitent de définir les arrangements spéciaux de nature fiduciaire en cause, bien que les demandeurs fassent valoir que l’arrêt Apsassin constitue le fondement permettant de conclure à l’existence d’une fiducie découlant des cessions de 1946. À moins que ces arrangements fiduciaires ne soient définis d’une manière quelconque, la Cour dispose de peu d’éléments pour déterminer, soit à ce stade, soit au cours de l’examen des documents, lesquels parmi l’ensemble des documents en cause « sont, en tout ou en partie, des documents qui ont été obtenus ou préparés par la Couronne dans l’administration des « fiducies » particulières alléguées par les [demandeurs] et dans l’exécution, par la Couronne, de ses devoirs de « fiduciaire » au profit des [demandeurs] », pour reprendre le texte de la Cour d’appel[12].

Les cessions et une modification d’une fiducie visant des terres indiennes

À mon avis, la décision de la Cour d’appel justifie que la présente Cour émette des directives qui tiennent compte de la « modification d’une fiducie visant des terres indiennes », pour reprendre l’expression utilisée par le juge Gonthier dans l’arrêt Apsassin, qui a été créée par les cessions respectives des droits miniers des bandes demanderesses à Sa Majesté. Pour répondre aux questions qui se posent au stade de l’enquête préalable, concernant la communication des documents et leur examen, ces arrangements particuliers de nature fiduciaire peuvent être réputés mettre à la charge de la Couronne la responsabilité de gérer les biens cédés, les droits miniers et les revenus tirés de ces cessions et droits au profit des bandes. Les bandes et leurs membres intéressés dans chacune des actions sont dans ce sens les bénéficiaires des activités de gestion de la Couronne, et il n’y a pas, du moins à ce stade, d’autres bénéficiaires connus ou présumés. Pour ce qui a trait, à tout le moins, à l’exécution des responsabilités de la Couronne relativement à ces arrangements de nature fiduciaire, les conseils juridiques qu’elle a demandés et reçus dans l’administration et l’exécution de ses devoirs de « fiduciaire » étaient des conseils à l’égard desquels les bandes demanderesses et leurs membres ont un intérêt conjoint que la Couronne, à mon avis, ne peut nier et que personne d’autre ne peut revendiquer, c’est-à-dire un intérêt qui s’apparente fort à celui du bénéficiaire d’une fiducie privée.

Cet intérêt des demandeurs à titre de bénéficiaires d’arrangements particuliers de nature fiduciaire passés avec la Couronne justifie la communication de tout document qui est de la nature de conseils juridiques demandés ou reçus par la Couronne relativement à l’administration des biens, à la gestion des revenus tirés de leur exploitation ou aux décisions concernant des programmes et des services dont le financement a pu être inférieur à ce qu’il aurait dû être du fait de la valeur présumée des biens cédés et des revenus tirés de ces biens.

Pour cette raison, j’émets une ordonnance enjoignant à la Couronne de produire tous les documents constituant des communications de la nature de conseils juridiques, ou faisant référence à ce type de communications, selon la définition de l’ordonnance, qui concernent en tout ou en partie l’administration de biens particuliers, c’est-à-dire les droits miniers sur les terres des réserves cédées à Sa Majesté, ou qui concernent l’administration et la gestion des redevances provenant de la location, de la vente ou de l’exploitation de ces biens. L’ordonnance porte sur la communication des documents pour les fins de l’enquête préalable. Le paragraphe 448(5) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663 (mod. par DORS/90-846, art. 15)] dispose que la divulgation d’un document à ce stade « ne constitue pas une reconnaissance de son authenticité ou de son admissibilité dans le cadre de l’action ».

En outre, l’ordonnance enjoint à la Couronne de produire des documents ayant trait aux programmes et services offerts sous l’égide de la Couronne, dans lesquels il est fait référence aux ressources minérales de pétrole et de gaz, ou aux ressources financières en provenant, et qui résultent des cessions. Dans la mesure où ces ressources ont été prises en compte dans l’examen des programmes ou des services à offrir aux bandes demanderesses, les conseils juridiques fournis ont trait à l’administration des responsabilités de fiduciaire de la Couronne et constituent donc une question à l’égard de laquelle les demandeurs ont un intérêt conjoint à titre de bénéficiaires. Dans sa défense à la déclaration modifiée dans les présentes actions, la Couronne fait valoir qu’elle s’est acquittée de toutes les obligations qui lui incombaient en vertu de traités, de lois ou autrement envers les bandes et que [traduction] « toute distinction entre les demandeurs et les autres peuples aborigènes pour ce qui a trait à la mise en œuvre de programmes et la prestation de services a été faite dans le cadre du financement, des programmes et des services discrétionnaires. En pareils cas, le financement, les programmes et les services discrétionnaires ont été accordés en plus grande quantité aux peuples aborigènes qui en avaient le plus besoin ». À mon avis, les demandeurs ont le droit d’avoir accès à tous les conseils juridiques qui ont été obtenus par la Couronne relativement à des programmes et à des services, lorsque les conseils font référence aux ressources minérales cédées par ces bandes ou aux fonds qui en proviennent. À titre de fiduciaire pour les bandes demanderesses, la Couronne avait certaines responsabilités. Les conseils juridiques, s’il en est, qui ont été obtenus pour lui permettre de s’acquitter de ses responsabilités et de toutes les responsabilités peut-être incompatibles incombant à la Couronne en tant que responsable de la mise en œuvre de programmes et la prestation de services aux termes de traités et de lois devraient à mon avis être communiqués aux demandeurs auxquels la Couronne devait rendre compte puisqu’ils sont les bénéficiaires des arrangements de nature fiduciaire résultant des cessions de 1946.

Lorsqu’un document à l’égard duquel un privilège est revendiqué ne réfère qu’en partie aux arrangements particuliers de nature fiduciaire définis ci-dessus, la Cour ordonne la production de cette portion du document, à l’exclusion du reste, à moins que cette portion n’ait aucune importance dans le contexte des questions soulevées dans les présentes actions.

L’avocat de la Couronne insiste sur le fait que la plupart des documents classés dans la catégorie des documents privilégiés portent sur des conseils juridiques généraux, ne faisant pas précisément référence aux bandes qui ont intenté les présentes actions, ni à l’exécution des responsabilités particulières de la Couronne ayant trait aux bandes ou à leurs intérêts. Je note que l’affidavit de Bernard Hanssens, dont il a été question précédemment, mentionne la possibilité que ces conseils, fournis au sujet d’une bande en particulier, soient adaptés à la situation d’une autre bande. La présente directive ne portera aucunement atteinte aux conseils juridiques de nature générale, qui ne peuvent être associés précisément aux bandes demanderesses, aux « biens » ou aux revenus tirés de ces biens, non plus qu’aux conseils juridiques faisant référence à toute autre bande. Ne doivent être communiqués que les documents renfermant des conseils juridiques qui traitent précisément de l’administration des ressources minérales cédées, c’est-à-dire les droits pétroliers et gaziers administrés pour les bandes demanderesses en vertu des cessions respectives, ou de la gestion des fonds provenant de l’exploitation de ces ressources, ou de programmes et de services dont la mise en œuvre ou la prestation est discutée au regard des droits pétroliers et gaziers ou des redevances perçues sur ces droits et qui sont administrés au profit des bandes demanderesses en vertu des fiducies relatives à des terres indiennes qui découlent des cessions de 1946.

Pour les fins de la communication de ces documents, les bandes et nations demanderesses seront traitées de façon comparable aux bénéficiaires d’une fiducie privée et elles pourront avoir accès aux conseils juridiques qui ont été obtenus par la Couronne à titre de « fiduciaire ». La raison en est qu’en tant que bénéficiaires d’une modification d’une fiducie visant des terres indiennes, les demandeurs ont intérêt à prendre connaissance de ces conseils, au même titre que la Couronne qui est responsable de l’administration et de la gestion des ressources minérales et des revenus tirés de ces ressources au profit exclusif des bandes et nations demanderesses.

Les demandeurs font également valoir que le rapport fiduciaire général qui lie les Indiens et la Couronne, au vu des responsabilités de cette dernière découlant des traités, de lois ou de contrats, comporte des devoirs de nature fiduciaire qui justifient un examen minutieux de toute revendication de privilège touchant des documents pertinents. Je ne suis pas convaincu à ce stade que le rapport général qui existe entre les parties, abstraction faite des rapports qui découlent de la modification spécifique d’une fiducie visant des terres indiennes créée par les cessions des ressources naturelles, et les responsabilités qui découlent de ces cessions justifient l’émission d’une ordonnance de portée plus générale que la présente concernant la production de documents.

La charge incombant aux défendeurs qui revendiquent un privilège

Les demandeurs font valoir que la décision de la Cour d’appel reconnaît que, pour les fins de l’interrogatoire préalable, le rapport spécial qui existe entre la Couronne et les bandes demanderesses est un rapport de fiducie. En outre, ils prétendent que, pour ce qui a trait aux documents que les défendeurs prétendent être pertinents, c’est à la Couronne qu’il incombe d’établir qu’ils n’ont pas d’intérêt conjoint à connaître l’objet de ces communications et que les documents n’ont pas été obtenus ou préparés par la Couronne dans l’exécution de ses devoirs de fiduciaire ou de ses responsabilités envers les demandeurs. Autrement, ces derniers font valoir que l’ordonnance devrait enjoindre à la Couronne de produire ces documents.

Il est vrai que la charge de la preuve incombe à la partie qui revendique le privilège. Toutefois, cette partie peut généralement s’en acquitter en déposant un affidavit qui décrit avec suffisamment de détails les documents pertinents et qui énonce, pour chaque document, le fondement particulier de la revendication[13]. Cet affidavit constitue un élément de preuve produit devant la Cour. Si la partie adverse conteste cet affidavit par une contre-preuve, que ce soit au moyen du contre-interrogatoire de l’auteur de l’affidavit de documents ou autrement, la Cour doit examiner le document en question. Ce faisant, elle doit soupeser les éléments de preuve et s’il existe un doute dans son esprit, elle doit déterminer si le document est privilégié d’après la prépondérance des probabilités et au vu des principes énoncés par le juge Lamer, maintenant juge en chef, dans l’arrêt Descôteaux et autre c. Mierzwinski[14], comme l’a fait la Cour d’appel[15]. À mon avis, la défenderesse, qui revendique le privilège en l’espèce, n’est pas tenue, au bout du compte, d’établir les motifs pour lesquels il ne faut pas présumer qu’un document visé par la revendication doit être communiqué. Il n’y a pas de présomption qui favorise la divulgation de conseils juridiques demandés ou reçus par la Couronne du fait de ses rapports généraux avec les demandeurs. Il en est autrement, selon moi, des documents dont j’ai ordonné la production et qui ont trait aux arrangements spéciaux de nature fiduciaire découlant des cessions de 1946.

Renseignements concernant les documents visés par la revendication de privilège

Du fait également du rapport spécial qui existe entre les parties et qui, selon les demandeurs, a été reconnu par la Cour d’appel, ces derniers prétendent que dans les circonstances de l’espèce la Couronne devrait être tenue de fournir un peu plus que les détails habituels pour décrire chaque document à l’égard duquel un privilège est revendiqué, de façon à ce qu’ils disposent d’un fondement approprié pour évaluer ce privilège et s’y opposer lorsqu’il leur semble approprié de le faire.

Les demandeurs prétendent que les détails suivants devraient être fournis au sujet de chaque document visé par la revendication. Comme les défendeurs n’acceptent pas que les renseignements demandés devraient être fournis, certains éléments de la liste ci-dessous ont été soulignés pour identifier facilement les points sur lesquels les parties ne s’entendent pas.

1.   La date du document.

2.   Une description du document.

3.   Une description détaillée de la revendication de privilège, notamment le fondement factuel sur lequel elle repose.

4.   La raison pour laquelle les conseils juridiques ont été demandés ou fournis.

5.   Le nom et le titre de la personne qui a préparé le document.

6.   Le nom et le titre de la personne qui a signé le document.

7.   Le nom et le titre de la personne à qui le document a été envoyé.

8.   Si le document renferme des conseils juridiques, le nom et le titre de la personne qui a fourni ces conseils.

9.   La raison pour laquelle le document ou les conseils juridiques ont été demandés ou reçus.

10. Le sujet général du document ou des conseils juridiques.

11. La ou les personnes au profit desquelles les conseils juridiques ont été obtenus.

12. Si les conseils juridiques ont été obtenus par la Couronne relativement à la gestion des fonds, des droits pétroliers et gaziers, ou des programmes et services ayant trait aux bandes demanderesses ou à toute autre bande indienne.

13. Si les conseils juridiques ont été obtenus par la Couronne à titre de fiduciaire des bandes demanderesses ou de toute autre bande indienne. Dans la négative, à quel titre la Couronne a obtenu ces conseils juridiques.

14. Si les bandes demanderesses avaient ou ont un intérêt conjoint avec la Couronne relativement à l’objet de la communication.

15. Si les conseils juridiques ont été obtenus par la Couronne dans le cours de l’exécution de ses devoirs de fiduciaire relativement aux bandes demanderesses ou à toute autre bande indienne.

16. Si les conseils juridiques ont été fournis aux fins d’une instance en cours ou envisagée et, dans l’affirmative, une description de l’instance.

17. Des détails précisant si, à la date à laquelle les documents ont été préparés, les parties avaient l’intention qu’ils demeurent confidentiels ou qu’ils soient communiqués en totalité ou en partie à l’une ou l’autre des bandes demanderesses ou à toute autre bande indienne.

18. Si le document ou les renseignements contenus dans le document ont été donnés à l’une ou l’autre des bandes demanderesses ou à toute autre bande indienne.

Les défendeurs prétendent que les points 4, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15 auraient pour effet de divulguer des renseignements considérés comme privilégiés ou, dans certains cas, les obligeraient à porter un jugement ou à tirer une conclusion sans disposer de normes ou d’une définition appropriées; pour ce qui est du point 3, la Couronne fournirait une description « adéquate »; quant au point 5, il pourrait être impossible de s’y conformer lorsque la personne qui a préparé les documents et le signataire, dont il est question au point 6, ne sont pas la même personne; le point 16, dans lequel on demande une description de l’instance, porte sur des renseignements privilégiés étant donné qu’ils sont préparés en vue d’une instance; les points 17 et 18 pourraient être impossibles à déterminer puisqu’ils portent sur des renseignements privilégiés; qui plus est, dans la mesure où les renseignements qu’ils contiennent ont été fournis aux bandes demanderesses, celles-ci sont les mieux placées pour le savoir.

Je note que, conformément aux directives contenues dans l’ordonnance émise aux termes des présentes, certains des renseignements réclamés par les demandeurs, aux points 12, 13, 14 et 15, seraient produits si les conseils juridiques demandés ou reçus ont trait à l’administration des fiducies visant des terres indiennes créées par les cessions de 1946, des ressources provenant de ces cessions ou des programmes et services financés en fonction de la valeur de ces biens ou de ces ressources. Toutefois, si les demandeurs cherchent à obtenir, sous l’un ou l’autre de ces points, des conseils juridiques ayant trait à toute autre bande indienne, à moins qu’une partie de ces conseils n’ait trait précisément aux demandeurs, les conseils seraient généraux et iraient au-delà de la portée de l’ordonnance.

Au sujet des renseignements qu’elle fournit relativement aux documents privilégiés, la Couronne prétend s’être conformée aux conditions établies par la jurisprudence, c’est-à-dire qu’elle a numéroté les documents, en a décrit la nature, en a désigné l’auteur et le destinataire et a indiqué le fondement du privilège revendiqué. Elle signale que l’affidavit de M. Hanssens précise que les documents visés par le privilège des conseils juridiques ont trait à la fourniture de conseils juridiques dans le cadre des relations continues des avocats avec la Couronne et elle fait également référence à l’affidavit (maintenant déposé) de Lynda J. Sturney, conseillère en recherche responsable de l’analyse et de la production des documents de la Couronne, qui décrit la procédure suivie, les ministères visés par les recherches et le pourcentage de documents produits par le MAINC. Conformément à la Règle 448 [mod., idem] de la Cour, son affidavit comporte une annexe II dressant la liste des documents pertinents à l’égard desquels un privilège est revendiqué, soit le privilège des communications liées à une instance ou le privilège des conseils juridiques. La Couronne aurait obtenu tous les avis juridiques dont la liste est dressée dans cette annexe des avocats du ministère de la Justice dans l’exercice normal de leurs fonctions.

L’avocat de la Couronne prétend qu’une liste des avocats du ministère de la Justice qui ont conseillé le MAINC ou d’autres personnes a été remise aux avocats des demandeurs et qu’à tout le moins le nom des avocats qui ont donné ces conseils figure à l’annexe II. À mon avis, la Couronne ne refuse pas de donner le nom et le titre ou le poste de toute personne qui a envoyé ou reçu les documents énumérés dans la liste. Toutefois, elle refuse de donner des renseignements plus détaillés que ceux qui ont été fournis jusqu’ici au motif qu’il s’agit de renseignements tirés de documents privilégiés, et donc qu’il s’agit de renseignements qui ne peuvent être divulgués à moins que la Cour statue que le document en question n’est pas privilégié. Prenant des listes au hasard, la Couronne indique que chaque document à l’égard duquel elle revendique un privilège est assorti d’une date, d’un nom de dossier, d’un numéro de repère, d’une courte description (p. ex. note de service, avis juridique, lettre), et du nom du destinataire et de l’auteur du document.

De toute évidence, certaines descriptions s’appliquent à plus d’un document. Des liasses de documents semblables peuvent être répertoriées comme un seul document si « les documents sont tous de même nature [et que] la liasse est décrite avec suffisamment de détail, pour qu’une autre partie puisse en comprendre facilement le contenu »[16]. Une description des « avis juridiques » tous répertoriés sous le nom de dossier « Pouvoir de signer—Délégation de pouvoirs », faisant partie de la liste d’échantillons fournie par la Couronne, peut en être un exemple. Je note cependant que, dans l’arrêt Creaser v. Warren and Warren[17], la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a statué qu’une liste de documents enliassés ne respecte pas entièrement l’exigence, en vertu des règles applicables dans cette province, concernant l’énumération de chaque document.

D’après la jurisprudence citée par les avocats et examinée par la Cour[18], je suis convaincu que les renseignements fournis en l’espèce par la Couronne au sujet des documents à l’égard desquels un privilège est revendiqué répondent aux exigences normales, à l’exception peut-être de la déclaration exposant le fondement de la revendication pour chacun d’eux. Si cela n’a pas encore été fait au sujet des documents à l’égard desquels un privilège a été revendiqué dans les premiers affidavits qui ont été déposés au printemps de 1994 ou dans ceux qui ont été déposés en décembre 1995, ce fondement devrait être énoncé sans délai, conformément à l’alinéa 448(2)b) des Règles.

Le rapport spécial qui existe entre la Couronne et les demandeurs en l’espèce justifie-t-il la communication d’autres renseignements? Les demandeurs prétendent que tel est le cas et qu’ils devraient être en mesure de faire valoir, pour chaque document pris individuellement s’il y a lieu, que les documents visés par la revendication ne doivent pas être considérés comme privilégiés. Ils font valoir que la décision de la Cour d’appel signifie en fait que le privilège ne peut être reconnu de façon générale, mais uniquement pour chaque document pris individuellement. J’accepte cet argument, du moins pour ce qui a trait aux documents visés par la revendication de privilège qui sont contestés par les demandeurs. Cela ne signifie pas, à mon avis, que les renseignements détaillés que réclament en l’espèce les demandeurs devraient être fournis pour tous les documents à l’égard desquels un privilège est revendiqué.

Un affidavit de documents, ou des affidavits connexes, doivent fournir un fondement factuel suffisant pour justifier le privilège revendiqué à l’égard de chaque document[19], c’est-à-dire indiquer si la partie qui revendique le privilège s’appuie sur le privilège des communications préparées principalement en vue de la poursuite d’une instance en cours ou envisagée, ou sur le privilège des conseils juridiques en ce sens que ce document est directement lié à la demande, à la formulation ou à la prestation de conseils juridiques dans le cadre d’une communication continue au cours de laquelle l’avocat fournit des conseils. C’est dans ce dernier contexte que l’affidavit de M. Hanssens, décrivant le rôle des avocats qui ont conseillé le MAINC, a été produit en l’espèce.

Si le fondement factuel du privilège revendiqué est adéquatement énoncé dans l’affidavit, il peut être contesté, comme toute autre preuve par affidavit, par une contre-preuve des demandeurs, soit au moyen d’éléments de preuve portés à leur attention de quelque autre façon, soit par le contre-interrogatoire de l’auteur de l’affidavit qui fera ressortir les éléments qui remettent en question ce qui est énoncé dans son affidavit. De toute évidence, en l’espèce, les demandeurs seront quelque peu désavantagés pour s’opposer au privilège revendiqué. La décision finale établissant qu’un document contesté est privilégié est une décision qui doit, au bout du compte, être tranchée par la Cour d’après la preuve dont elle est saisie. L’affidavit doit énoncer [traduction] « des faits suffisants pour permettre à un juge de déclarer que, si les faits sont authentiques, alors, en droit, les documents sont privilégiés »[20]. Comme dans tous les autres cas où la Cour s’appuie sur une preuve par affidavit, elle compte sur la diligence raisonnable des avocats, en leur qualité d’auxiliaires de la Cour, pour informer leur client des documents qui doivent être communiqués intégralement et de ceux à l’égard desquels un privilège peut être revendiqué, avec les motifs pertinents, dans un affidavit de documents.

Dans l’arrêt Pocklington Foods Inc.[21], traitant d’une revendication de privilège touchant des documents du Cabinet de l’Alberta, et non pas d’une revendication de privilège touchant les communications entre avocat et client, le juge Côté fait les observations suivantes :

[traduction] … la loi n’exige pas du juge en chambre qu’il fasse un examen en s’appuyant sur le principe qu’il doit ensuite fournir une réponse sans plus. Par exemple, bon nombre de documents ne contiennent aucun élément permettant de déterminer la raison pour laquelle ils ont été préparés, ou la date à laquelle ils l’ont été. En eux-mêmes, ces documents ne peuvent justifier ou contredire le privilège revendiqué. C’est pourquoi la loi a toujours exigé que les affidavits de documents, de même que les affidavits ou les attestations déposés par les ministres responsables, énoncent les faits servant de fondement au privilège. C’est pourquoi le droit actuel autorise la partie qui s’oppose au privilège à contre-interroger et à produire ses propres éléments de preuve. Il n’est jamais nécessaire que le document en lui-même démontre, et encore moins prouve, le privilège qui est invoqué à son égard. Quand il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve extrinsèques pour justifier un privilège, la Cour ne se rend pas à l’étape de l’examen. Celui-ci n’est effectué que lorsqu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour établir le privilège, soit par un affidavit approprié, soit par une attestation adéquate fournie par le ministre. Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui revendique le privilège. Donc, si elle ne dépose pas une attestation ou un affidavit suffisant, il n’est pas nécessaire de procéder à un examen. Le document devra tout simplement être produit puisqu’il n’y a pas de preuve justifiant qu’il ne le soit pas.

Pourquoi les juges procèdent-ils quelquefois à l’examen des documents? Simplement pour éviter la possibilité que l’affidavit ou d’autres éléments de preuve en faveur du privilège ne soient pas exacts, à cause soit d’une erreur administrative, soit d’un acte malhonnête ou d’une mauvaise interprétation de la loi. Par exemple, supposons que la Couronne revendique un privilège (l’immunité) pour les actes minutaires du Cabinet et les exposés de principes de haut niveau qui s’y rapportent, et que parmi ces documents, le juge en chambre trouve les dossiers de pesée d’un bureau régional de la police routière pour un mois. Très certainement, il en conclurait que quelque chose ne vas pas. Les nouveaux éléments de preuve révélés par l’examen contrediraient fortement l’affidavit ou l’attestation.

Mais bien souvent, le texte même d’un document n’offre pas de véritable indice en faveur du privilège revendiqué. Le résultat qui s’ensuit ne tient pas du mystère. Cela signifie simplement que le juge qui se prononce sur le privilège revendiqué doit s’appuyer sur l’affidavit ou l’attestation dans lequel le privilège est invoqué, et sur tout autre élément de preuve extrinsèque produit par les deux parties. L’examen auquel se livre le juge est semblable à un examen physique externe effectué par un médecin. C’est une vérification utile. Mais cela ne remplace pas un interrogatoire minutieux ou des tests de laboratoire, et les manifestations et bruits externes ne mènent bien souvent à aucune conclusion significative.

À mon avis, la jurisprudence indique clairement que l’affidavit de documents dans lequel un privilège est revendiqué doit énoncer le fondement factuel de ce privilège à l’égard de chaque document visé. L’objectif premier de cet aspect de l’affidavit est de fournir à la Cour les éléments de preuve à partir desquels elle pourra évaluer le privilège revendiqué en cas de contestation. Les demandeurs et la Cour se fient au bout du compte à la préparation adéquate de l’affidavit d’après les conseils donnés par l’avocat de la Couronne en sa qualité d’auxiliaire de la Cour, de la même façon que la Couronne et la Cour doivent pouvoir le faire à l’égard des affidavits produits par les demandeurs.

Conclusion

Les demandeurs font valoir que la procédure serait accélérée si la Cour ordonnait que les détails qu’ils réclament soient fournis pour chacun des documents à l’égard desquels le privilège est revendiqué. Je suis convaincu qu’en agissant ainsi je porterais atteinte au privilège revendiqué par la Couronne puisqu’en fait des renseignements, qui sont à bon droit protégés contre la communication parce qu’ils sont privilégiés, seraient divulgués.

Si mes directives ne vont pas dans ce sens, les demandeurs prétendent que deux autres lignes de conduite pourraient accélérer le règlement des questions concernant les documents privilégiés. D’abord, la Cour pourrait examiner tous les documents à l’égard desquels le privilège est revendiqué et qui sont contestés par les demandeurs, ou alors, elle pourrait examiner les documents contestés par les demandeurs après que les auteurs des affidavits déposés en l’espèce par la Couronne auront été interrogés. Bien entendu, les demandeurs peuvent interroger les auteurs des affidavits. Il se peut que cette façon d’agir fournisse peu d’éléments de preuve, parce que l’auteur de l’affidavit peut refuser de répondre à des questions au sujet des documents privilégiés si l’avocat qui l’interroge cherche à obtenir des renseignements qui vont au-delà de ce qui a été fourni dans l’affidavit de documents. La situation pourrait avancer plus rapidement si la Cour procédait à un examen des documents contestés et décidait de ceux qui doivent être considérés, en tout ou en partie, comme privilégiés.

La tâche peut être allégée si les défendeurs acceptent les directives leur enjoignant de produire certains documents, ou si ces directives sont confirmées en appel. En outre, l’examen des documents à l’égard desquels un privilège est revendiqué ne doit être effectué, à mon avis, que lorsque le privilège est contesté par les demandeurs. S’il ne l’est pas, la Cour, comme dans toute autre situation normale, n’est aucunement tenue d’effectuer, de sa propre initiative, un examen des documents. Il est vrai que l’arrêt Solosky[22] indique que le privilège ne peut être invoqué que pour chaque document pris individuellement, et que la Cour d’appel dans Procter & Gamble Co. c. Nabisco Brands Ltd.[23], s’appuyant sur Solosky, a statué que le privilège ne pouvait être reconnu si la Cour n’examinait pas tout d’abord les documents visés par la revendication. Dans les deux cas, la revendication de privilège avait été contestée. Si, en l’espèce, les demandeurs contestent le privilège revendiqué pour chaque document, la Cour examinera ces documents au vu de la preuve, notamment au vu des affidavits de documents ou d’autres affidavits déposés à l’appui du privilège.

Pour faire avancer la situation, même avant l’expiration du délai d’appel, d’autres directives sont aussi émises pour que les parties consultent la Cour au cours des entretiens préalables à l’instruction au sujet des points suivants :

1) Pour savoir si la Cour devrait donner instruction aux défendeurs de préparer une liste séparée, comparable à l’annexe IIC dont la production a été discutée et ordonnée par la Cour d’appel, qui inclurait tous les documents à l’égard desquels le privilège des communications liées à une instance a été revendiqué, et qui devrait être déposée à une date qui n’est pas encore fixée. Toute opposition au privilège invoqué touchant une partie ou la totalité des documents figurant sur la liste pourrait être examinée par la Cour dès qu’il lui sera possible de le faire;

2) Pour savoir s’il faut donner instruction aux défendeurs de préparer une liste séparée pour les documents à l’égard desquels elle a revendiqué jusqu’ici le privilège des conseils juridiques et qui serait produite si le présent ordre de production est accepté par les défendeurs ou confirmé en appel. Si les défendeurs décident de ne pas interjeter appel, la liste séparée pourrait être déposée après l’expiration du délai d’appel, et les documents faisant partie de la liste seraient ensuite remis sans délai aux demandeurs. Si cette liste est préparée, le reste des documents visés par le privilège, c’est-à-dire ceux qui seraient classés à l’annexe IIE, selon l’analyse qui en a été faite par la Cour d’appel, devraient également faire l’objet d’une liste séparée, et l’examen par la Cour de tout document figurant sur cette liste, lorsque le privilège est contesté par les demandeurs, pourrait commencer aussitôt que la liste aura été déposée après l’expiration du délai d’appel relatif à l’ordonnance présentement émise;

3) Pour faire savoir si les demandeurs contestent l’allégation de non-pertinence avancée par la Couronne, après qu’elle aura examiné le bien-fondé du privilège invoqué dans les premiers affidavits de documents, ces documents étant inclus dans une liste produite sous l’annexe IID jointe à l’affidavit de Gregor MacIntosh, déposé le 20 octobre 1994.

L’ordonnance maintenant émise inclut des directives conformes aux présents motifs.



[1] Buffalo et al. c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) et al. (1994), 86 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.).

[2] Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762(C.A.).

[3] L.R.C. (1985), ch. C-5, mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. II, no 5.

[4] Précité, note 2, à la p. 775.

[5] [1980] 1 R.C.S. 821, à la p. 837.

[6] Voir le juge Côté, J.C.A., dans Pocklington Foods Inc. v. Alberta (Provincial Treasurer) (1993), 135 A.R. 363 (C.A.), à la p. 370, reproduit ci-dessous à la note 21.

[7] Précité, note 2, aux p. 773 à 776.

[8] C.-à-d. Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 R.C.S. 344.

[9] Idem, aux p. 360 à 362.

[10] Idem, aux p. 394 à 396.

[11] La déclaration modifiée la plus spécifique à cet égard est peut-être celle qui a été déposée dans l’action de la Bande et de la Nation des Indiens Samson (T-2022-89) qui énonce, aux paragraphes 27A et 28, les conditions explicites qui auraient été formulées expressément et implicitement en vertu des cessions des ressources naturelles par la bande sur les terres de la réserve en 1946, conditions qui auraient été acceptées par la Couronne par le décret en conseil C.P. 2662-1946, le 28 juin 1946. Dans sa défense à la déclaration modifiée, la Couronne nie l’ensemble des allégations qui y sont avancées. Elle ne traite pas spécifiquement des paragraphes 27A et 28 de la déclaration des demandeurs, mais déclare que le rapport qui existe entre elle et la bande des Indiens Samson, et l’étendue des obligations qui en découlent, ne sont pas celles qui sont alléguées par les demandeurs. Elle prétend de plus qu’elle n’est nullement obligée de tenir compte des intérêts de la bande Samson à l’exclusion de toutes autres considérations dans l’exercice de ses fonctions. Néanmoins, la Couronne reconnaît qu’il y a eu cession des minéraux en 1946 et reprend, apparemment d’après le texte de l’acte de cession lui-même, l’obligation qui est faite à la Couronne de détenir les ressources minérales « en fiducie » selon les conditions que le gouvernement du Canada peut juger les plus appropriées pour assurer le bien-être des membres de la bande.

[12] Précité, note 2, à la p. 775.

[13] Pocklington Foods Inc., précité, note 6.

[14] [1982] 1 R.C.S. 860, à la p. 875.

[15] Précité, note 2, aux p. 770 et 775.

[16] Règle 448(3) des Règles de la Cour fédérale.

[17] (1987), 77 N.S.R. (2d) 429 (C.A.).

[18] Voir : Roy v. Krilow, [1995] 7 W.W.R. 130 (B.R. Alb.); Visa International Service Assn. v. Block Brothers Realty Ltd. (1983), 64 B.C.L.R. (2d) 390 (C.A.); Woreta v. Chang (1994), 156 A.R. 49 (B.R.).

[19] Delta Electric Co. Ltd. v. Aetna Casualty Company of Canada, Taylor Contracting Limited and Morden & Helwig Limited (1984), 53 N.B.R. (2d) 406 (B.R.), à la p. 410; Stamper v. Finnigan, Via Rail Canada Inc., Canadian National Railway Company and New Brunswick (1984), 57 N.B.R. (2d) 411 (B.R.), à la p. 422.

[20] Le juge Goodridge (tel était alors son titre) dans Walsh-Canadian Construction Company Limited v. Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited (1979), 23 Nfld & P.E.I.R. 34 (C.S.), à la p. 41.

[21] Précité, note 6.

[22] Précité, note 5.

[23] (1989), 24 C.P.R. (3d) 570 (C.A.F.).

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