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     T-1790-98

Alberta Wilderness Association, Fédération canadienne de la nature, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, Jasper Environmental Association et Pembina Institute for Appropriate Development (demandeurs)

c.

Cardinal River Coals Ltd. (défenderesse)

Répertorié: Alberta Wilderness Assn.c. Cardinal River Coals Ltd.(1re  inst.)

Section de première instance, juge Campbell" Edmonton, 1, 2, 3 et 26 mars; Ottawa, 8 avril 1999.

Environnement Contrôle judiciaire de l'autorisation accordée par le MPO de commencer les travaux de construction d'une mine de charbon à ciel ouvert près du parc national Jasper ainsi que du rapport de la commission conjointeDes millions de tonnes de stériles devaient être déposés dans les vallées de cours d'eau et ailleursL'art. 35(2) de la Loi sur les pêches exige qu'on obtienne une autorisation du ministre avant d'altérer, de perturber ou de détruire l'habitat du poissonUne évaluation environnementale doit être effectuée conformément à la LCCE avant que l'autorisation soit donnéeL'art. 16 énumère les éléments à prendre en compte; l'art. 34a) exige que des renseignements soient obtenus et que le public y ait accès; l'art. 35 impose l'obligation d'utiliser les pouvoirs conférés en ce qui concerne la production de la preuve dans la mesure nécessaire en vue d'obtenir tous les renseignements nécessaires à l'examen et de les faire connaîtreÉtant donné qu'un examen environnemental devait également être effectué en vertu de la législation de l'Alberta, un examen conjoint fédéral et provincial a été effectuéUne entente relative à la commission conjointe énonçait le mandat de la commissionConformément à la recommandation que la commission avait faite, le ministre avait donné l'autorisationPour satisfaire à l'obligation d'examen imposée à l'art. 16, la commission est tenue de faire preuve d'énormément de diligencePour effectuer l'examen environnemental, elle est tenue d'obtenir tous les renseignements disponiblesIl lui incombe d'exiger la production des renseignements qui, à sa connaissance, existent et qui se rapportent à un élément mentionné à l'art. 16La commission a violé l'obligation qui lui incombait d'obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations minières et forestières probables dans le voisinage de l'emplacement du projet, d'examiner ces renseignements du point de vue des effets cumulatifs, de tirer des conclusions et de faire des recommandationsLa simple identification dessolutions de rechangepossibles (sans traiter de l'exploitation d'une mine souterraine) ne satisfait pas aux exigences de l'art. 16(2)b)Une analyse comparative entre l'exploitation d'une mine à ciel ouvert et d'une mine souterraine était nécessaireÉtant donné que le projet ne peut pas être mis en œuvre tant qu'une évaluation environnementale n'est pas effectuée conformément à la LCEE, le ministre responsable est autorisé, en vertu de l'art. 24(2), d'ordonner à la commission de se réunir et de lui ordonner de faire ce qui est nécessaire pour que le rapport soit conforme à la LCEE.

Pêches Contrôle judiciaire de l'autorisation accordée par le MPO de commencer les travaux de construction d'une mine de charbon à ciel ouvert près du parc national Jasper ainsi que du rapport de la commission conjointeDes millions de tonnes de stériles devaient être déposés dans les vallées de cours d'eau et ailleursL'art. 35(1) de la Loi sur les pêches interdit la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poissonL'art. 35(2) prévoit que pareille détérioration, destruction ou perturbation n'est pas prohibée si elle est autorisée par le ministre ou par les règlements établis par le gouverneur en conseilL'art. 35 du Règlement sur les oiseaux migrateurs interdit de déposer des substances nocives pour les oiseaux migrateurs dans une région fréquentée par ces oiseauxLa commission conjointe a conclu que l'exploitation de la mine de charbon à ciel ouvert proposée aurait un effet négatif important sur les oiseaux migrateursMême si le ministre agit en vertu d'un pouvoir légitime en donnant une autorisation en vertu de l'art. 35(2) de la Loi sur les pêches en vue de permettre la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson, il est néanmoins tenu responsable en vertu de l'art. 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateursCompte tenu de cette responsabilité, la délivrance de l'autorisation estcontraire à la loiau sens de l'art. 18.1(4)f) de la Loi sur la Cour fédéraleÉtant donné que le ministre peut éviter toute responsabilité découlant de la violation de l'art. 35(1) en prenant les règlements appropriés, la Cour a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à interdire la délivrance d'autres autorisations.

Interprétation des lois L'art. 35 du Règlement sur les oiseaux migrateurs interdit de déposer du pétrole, des résidus de pétrole oud'autres substances nocivespour les oiseaux migrateurs dans une région fréquentée par ces oiseauxCompte tenu de l'objectif exprès de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, du Règlement qui a été pris, de la Convention qui a ainsi été mise en application et du pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil, le législateur avait clairement l'intention de fournir une protection étendue aux oiseaux migrateursPar conséquent, les motsd'autres substancesdoivent être interprétés d'une façon similaireToute substance, y compris le pétrole et les résidus de pétrole, peut être prohibée si elle estnocive— — La question de savoir ce qui estnocifpour les oiseaux migrateurs dépend des faits de chaque affaireLe dépôt de millions de tonnes de roches inertes dans le lit de cours d'eau constitue une menace pour la préservation des oiseaux migrateurs qui y font leur nidDans ces conditions, cela estnocifau sens de l'art. 35(1).

Compétence de la Cour fédérale Section de première instance L'art. 18.1(4)f) de la Loi sur la Cour fédérale permet à la Section de première instance de prendre des mesures si elle est convaincue que l'office fédéral a agid'une façon contraire à la loi— — L'art. 35 du Règlement sur les oiseaux migrateurs interdit le dépôt de substances nocives pour les oiseaux migrateurs dans une région fréquentée par ces oiseauxLa commission conjointe a conclu que l'exploitation de la mine de charbon à ciel ouvert proposée aurait un effet négatif important sur les oiseaux migrateursMême si le ministre agit en vertu d'un pouvoir légitime en donnant une autorisation en vertu de l'art. 35(2) de la Loi sur les pêches en vue depermettre la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson, il est néanmoins tenu responsable en vertu de l'art. 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateursCompte tenu de cette responsabilité, la délivrance de l'autorisation estcontraire à la loiau sens de l'art. 18.1(4)f)Étant donné que le ministre peut éviter toute responsabilité découlant de la violation de l'art. 35(1) en prenant les règlements appropriés, la Cour a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à interdire la délivrance d'autres autorisations.

Droit administratif Contrôle judiciaire Certiorari Le MPO avait autorisé des travaux de construction d'une mine de charbon à ciel ouvert près du parc national JasperLa commission conjointe a préparé un rapportLa Fédération canadienne de la nature a soutenu qu'elle s'attendait légitimement à ce que ses observations, qui avaient été acceptées pour examen, soient présentées à la commissionÉtant donné que les documents n'étaient pas mentionnés dans le rapport de la commission et qu'ils ne figuraient pas sur la liste de pièces, il a été présumé qu'ils n'avaient pas été soumis à la commission pour examenPar conséquent, il y a eu manquement à l'application régulière de la loi fondée sur des attentes légitimes et la commission a commis une erreur susceptible de révisionL'évaluation environnementale n'a pas été effectuée conformément aux exigences de la LCEE et le ministre a donné son autorisation sans avoir la compétence voulue, de sorte que l'autorisation a été annulée.

Il s'agissait de demandes de contrôle judiciaire en vue de contester l'autorisation, accordée par le ministère des Pêches et des Océans, de commencer les travaux de construction d'une mine de charbon à ciel ouvert près du parc national Jasper, situé dans une région qui est l'habitat de divers animaux sauvages, ainsi qu'en vue de contester le rapport de la commission conjointe. Le projet se rapporte à l'excavation d'au moins 30 carrières à ciel ouvert et à la construction de l'infrastructure associée, qui comprend des routes, des voies ferrées et l'installation d'une nouvelle ligne de transport d'énergie. Des millions de tonnes de stériles seront déposés sur les lieux, dans les vallées de cours d'eau et ailleurs. Il a été soutenu que la construction du projet et son exploitation auront des répercussions énormes sur l'environnement immédiat et voisin.

Le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches exige qu'on obtienne une autorisation du ministre avant d'altérer, de perturber ou de détruire l'habitat du poisson. Avant que le ministre des Pêches puisse donner une autorisation, une évaluation environnementale doit être effectuée conformément à l'alinéa 5(1)d) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la LCEE). Le paragraphe 2(1) de la LCEE définit l'expression "évaluation environnementale" comme étant une évaluation des effets environnementaux d'un projet, et l'expression "effets environnementaux" comme étant les changements que la réalisation d'un projet risque de causer à l'environnement. L'alinéa 4a ) prévoit que la Loi a pour objet de permettre aux autorités responsables de prendre des mesures à l'égard de tout projet susceptible d'avoir des effets environnementaux en se fondant sur un jugement éclairé quant à ces effets. L'article 16 énumère les éléments à prendre en compte dans toute étude approfondie (obligation d'examen), y compris une évaluation de tous les projets liés, notamment l'évaluation des effets cumulatifs et leur importance (alinéas 16(1)a), b)), les mesures d'atténuation (alinéa 16(1)d)), la nécessité du projet et de ses solutions de rechange (alinéa 16(1)e)) et les effets de ces solutions de rechange (alinéa 16(1)b)). De plus, l'alinéa 16(2)b) exige l'examen des solutions de rechange réalisables sur les plans technique et économique. L'alinéa 34a) exige que la commission conjointe veille à l'obtention des renseignements nécessaires à l'évaluation et veille à ce que le public y ait accès (obligation relative à l'obtention de renseignements). L'article 35 confère à la commission conjointe de larges pouvoirs l'autorisant à ordonner la production d'éléments de preuve et notamment d'éléments de preuve confidentiels. La commission conjointe est tenue de préparer un rapport auquel l'autorité responsable (le MPO) doit répondre, puis prendre une décision.

Étant donné qu'un examen environnemental devait également être effectué en vertu de la législation de l'Alberta, le ministre fédéral de l'Environnement et l'Alberta Energy and Utilities Board ont convenu d'effectuer un examen conjoint fédéral et provincial, et, à cette fin, ils ont signé une entente relative à la commission conjointe, énonçant le mandat de la commission. L'entente relative à la commission conjointe exigeait que les éléments énumérés aux alinéas 16(1)a) à e) ainsi qu'à l'alinéa 16(2)b) soient examinés. Elle prévoyait que la commission devait veiller à l'obtention de tous les renseignements nécessaires à son examen, et notamment tout autre renseignement disponible nécessaire à l'évaluation de l'importance des effets environnementaux, et devait également veiller à ce que le public y ait accès. Elle exigeait également que la commission justifie les recommandations qu'elle faisait pour l'application de la LCEE. De plus, le processus d'obtention des renseignements et le rapport devaient être transparents. En juin 1997, la commission conjointe a rendu public son rapport dans lequel on recommandait au ministre d'approuver le projet. La demande de contrôle judiciaire de ce rapport a été rejetée, mais en appel, l'affaire a été renvoyée à la Section de première instance pour décision au fond. En août 1998, le ministre a donné l'autorisation et en septembre, les demandeurs ont sollicité le contrôle judiciaire de cette autorisation. Il a été ordonné que les deux demandes de contrôle judiciaire soient entendues ensemble.

Les questions en litige étaient les suivantes: 1) La commission conjointe a-t-elle observé l'alinéa 4a) ainsi que les articles 16 et 34 de la LCEE et l'entente relative à la commission conjointe? 2) La commission conjointe a-t-elle tenu ses audiences publiques conformément aux principes d'équité procédurale et aux exigences procédurales de la LCEE et de l'entente relative à la commission conjointe ainsi qu'aux attentes légitimes des demandeurs? 3) Est-il interdit au ministre de donner des autorisations en vertu de la Loi sur les pêches à l'égard d'aspects du projet qui contreviennent au Règlement sur les oiseaux migrateurs?

Jugement: la demande a été accueillie et l'autorisation annulée, mais la Cour a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à prendre des mesures dans la demande concernant le rapport de la commission.

1) Pour satisfaire à l'obligation d'"examen" imposée à l'article 16 de la LCEE, la commission conjointe était tenue de faire preuve d'énormément de diligence. Il incombait à la commission et non à la défenderesse de rassembler les renseignements en vertu de l'alinéa 34a). Il incombait à la commission d'exiger la production des renseignements qui, à sa connaissance, existaient et qui se rapportaient apparemment à un élément mentionné à l'article 16 pour s'acquitter de l'obligation d'utiliser les pouvoirs qu'elle possédait en ce qui concerne la production de la preuve dans la mesure nécessaire en vue de faire connaître tous les renseignements nécessaires à son examen. Il ne suffisait pas de combler une lacune de la preuve au moyen d'un avis subjectif, même s'il est exprimé par un expert, lorsque l'on savait que les renseignements étaient disponibles. Pour s'acquitter de ses obligations en matière d'établissement de rapport, la commission devait clairement énoncer ses recommandations dans son rapport et notamment les éléments de preuve sur lesquels elle s'était fondée pour en arriver à chaque recommandation. Si la commission décidait de combler une lacune de la preuve à l'aide de son propre avis d'expert, elle devait clairement le dire et expliquer pourquoi il était nécessaire de le faire. Le décideur visé par la LCEE et le public seront ainsi en mesure de décider de l'importance à accorder à chaque recommandation.

La commission savait que l'examen des effets cumulatifs devait comprendre les opérations forestières et les autres opérations minières. Elle était tenue d'obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations forestières et minières probables à proximité de l'emplacement du projet, de tenir compte de ces renseignements à l'égard des effets cumulatifs, de tirer des conclusions et de faire des recommandations au sujet de ce facteur, et de justifier ces conclusions et recommandations dans son rapport. En ce qui concerne les opérations forestières, la commission a accepté la déclaration de la défenderesse selon laquelle elle ne pouvait pas obtenir les renseignements nécessaires d'autres sources industrielles et, en se fondant sur les mesures de rechange des effets probables des pratiques de foresterie contemporaines en ce qui concerne les taux de rejet et la qualité de l'eau, elle a constaté qu'il semblait y avoir peu d'effets. Par conséquent, la commission n'a pas obtenu les "renseignements nécessaires" au sujet des opérations forestières à proximité de l'emplacement du projet et elle a déterminé qu'elle n'était pas tenue d'obtenir ces renseignements. En fait, il existait des renseignements accessibles au sujet des opérations forestières futures probables à proximité de l'emplacement du projet. La preuve montrait d'une façon concluante que des opérations forestières et de construction de route étendues seraient probablement exercées à proximité de l'emplacement de la mine au moins au cours des sept années suivantes. La commission, tout en manifestant sa préoccupation à l'égard de l'habitat des ongulés dans la zone de la mine, s'est fondée sur l'hypothèse apparemment erronée selon laquelle la couverture forestière serait maintenue dans cette zone. La commission a violé l'obligation qui lui incombait d'obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations forestières probables dans le voisinage de l'emplacement du projet, d'examiner ces renseignements du point de vue des effets cumulatifs, de tirer des conclusions et de faire des recommandations au sujet de cet élément et de justifier ces conclusions et recommandations dans son rapport.

Les effets cumulatifs de l'exploitation d'une mine de charbon sur les carnivores constituaient une question primordiale. La commission a refusé d'ordonner la production de documents relatifs à la communication préliminaire pour un certain nombre d'autres mines proposées de charbon à ciel ouvert dans la zone parce qu'ils avaient été soumis à titre confidentiel et parce qu'il ne serait pas possible d'en déterminer la pertinence. Ce faisant, la commission a interprété d'une façon erronée son pouvoir à l'égard de la production d'éléments de preuve et elle n'a pas compris qu'elle était tenue de se prononcer sur la pertinence de ces éléments une fois qu'ils seraient produits. Par conséquent, la commission a violé l'obligation qui lui incombait d'obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations minières probables dans les environs de l'emplacement du projet, d'examiner ces renseignements à l'égard des effets cumulatifs, de tirer des conclusions et de faire des recommandations au sujet de cet élément et de justifier ces conclusions et recommandations dans son rapport.

Les exigences de l'alinéa 16(2)b) sont à juste titre limitées aux solutions de rechange par rapport à l'exploitation d'une mine à ciel ouvert, soit l'exploitation d'une mine souterraine. La commission a limité son examen de l'exploitation d'une mine souterraine à titre de solution de rechange à cause des préoccupations d'ordre pratique et économique de la défenderesse. La défenderesse avait demandé l'approbation réglementaire de l'Alberta à l'égard d'une mine de charbon à ciel ouvert, et la portée de l'évaluation des effets environnementaux était donc limitée en conséquence. Par suite de cette limitation, l'examen de la commission conjointe était lui aussi restreint. Dans son rapport, la commission a examiné d'une façon générale la solution de rechange qu'offre l'exploitation d'une mine souterraine, mais les effets de cette solution de rechange, comparativement aux effets de l'exploitation d'une mine à ciel ouvert, n'ont pas été examinés en détail. La simple identification des "solutions de rechange" possibles sans examen comparatif des effets environnementaux ne permettait pas aux décideurs d'avoir des renseignements utiles et ne satisfaisait pas aux exigences de l'alinéa 16(2)b ). Une analyse comparative entre l'exploitation d'une mine à ciel ouvert et d'une mine souterraine sur l'emplacement du projet était nécessaire en vue de satisfaire aux dispositions de l'alinéa 16(2)b).

2) La preuve soumise pour le compte de la Fédération canadienne de la nature établissait que l'on s'attendait légitimement à ce que les observations de celle-ci soient présentées à la commission conjointe pour examen. Étant donné que ni l'un ni l'autre document n'était mentionné dans le rapport de la commission ou ne figurait sur la liste de pièces, ni l'un ni l'autre document n'a, selon la prépondérance des probabilités, été soumis à la commission pour examen. Par conséquent, par suite d'un manquement à l'application régulière de la loi fondée sur des attentes légitimes, la commission a commis une erreur susceptible de révision en ce sens qu'elle n'a pas tenu compte des renseignements qu'elle avait acceptés pour examen. Le ministre avait donné son autorisation sans avoir la compétence voulue et l'autorisation devait être annulée.

Conformément à l'alinéa 24(1)a), le projet ne peut pas être mis en œuvre tant que la commission conjointe n'aura pas effectué une évaluation environnementale conformément à la LCEE. Par conséquent, en vertu du paragraphe 24(2), le ministre est autorisé à ordonner à la commission conjointe de se réunir et est tenu de le faire, et de lui ordonner de faire ce qui est nécessaire pour apporter des ajustements à son rapport de façon que l'évaluation environnementale puisse être jugée conforme à la LCEE.

3) Bien que l'autorisation ait été annulée, de façon que la question pourrait être considérée comme théorique, la question de savoir si le ministre pouvait donner une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches à l'égard d'aspects du projet qui contreviennent au Règlement sur les oiseaux migrateurs constitue un "litige concret" et il faut répondre à la question.

Le paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs interdit de déposer du pétrole, des résidus de pétrole ou d'autres substances nocives pour les oiseaux migrateurs dans une région fréquentée par ces oiseaux. S'il est tenu compte de l'objectif exprès de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs en vertu de laquelle le Règlement a été pris, de la Convention que la Loi mettait en application et du pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil, le législateur avait clairement l'intention de fournir une protection étendue aux oiseaux migrateurs. Par conséquent, les mots "d'autres substances" doivent être interprétés d'une façon similaire. Des substances, y compris le pétrole et les résidus de pétrole, peuvent être prohibés s'ils sont "nocifs". En ce qui concerne la question de savoir quelles substances sont "nocives" pour les oiseaux migrateurs, l'interprétation de ce mot dépend des faits de chaque affaire. La roche peut être inerte, mais le dépôt de millions de tonnes de roches dans le lit de cours d'eau constitue une menace pour la préservation des oiseaux migrateurs qui y font leur nid et, dans ces conditions, cela est "nocif" au sens du paragraphe 35(1) du Règlement.

Le paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs vise toute personne qui dépose des substances nocives ou en permet le dépôt. Même si le ministre agit en vertu d'un pouvoir légitime, en donnant une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches en vue de permettre "la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson", il est néanmoins tenu responsable en vertu du paragraphe 35(1) du Règlement. Compte tenu de cette responsabilité, la délivrance de l'autorisation est "contraire à la loi" au sens de l'alinéa 18.1(4)f ) de la Loi sur la Cour fédérale, qui permet à la Section de première instance de prendre des mesures si l'office fédéral a agi d'une façon "contraire à la loi". Cependant, étant donné que le ministre peut éviter toute responsabilité découlant de la violation du paragraphe 35(1) en prenant les règlements appropriés, la Cour a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à interdire la délivrance d'autres autorisations. En l'absence d'un règlement, toute autre autorisation serait assujettie au contrôle judiciaire.

    lois et règlements

        Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 2(1) "effets environnementaux", "évaluation environnementale", "mesures d'atténuation", 4a ) (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 19), 5(1)d), 11(1), 16 (mod., idem, art. 22), 24 (mod., idem, art. 27; L.C. 1994, ch. 46, art. 2), 34, 35, 41 (mod. par L.C. 1998, ch. 25, art. 164), 42 (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 33).

        Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22, art. 4, 12, ann.

        Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(3)b) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), (4)f) (édicté, idem).

        Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, art. 35(2).

        Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035, art. 35(1),(2).

    jurisprudence

        décisions appliquées:

        Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans),[1999] 1 C.F. 483 (C.A.); Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1997), 26 C.E.L.R. (N.S.) 238; 146 F.T.R. 19 (C.F. 1re inst.); Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1998), 27 C.E.L.R. (N.S.) 293; 146 F.T.R. 257 (C.F. 1re inst.); Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd. (1996), 137 D.L.R. (4th) 177; 42 Admin. L.R. (2d) 296; 201 N.R. 336 (C.A.F.); Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1998] 4 C.F. 340; (1998), 150 F.T.R. 161 (1re inst.); Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110.

        décisions examinées:

        Alberta Wilderness Association et al. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) et al. (1998), 152 F.T.R. 49 (C.F. 1re inst.); Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; (1984), 10 D.L.R. (4th) 1; [1984] CTC 294; 84 DTC 6305; 53 N.R. 241; Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346; [1985] 2 CTC 79; (1985), 85 DTC 5310; 60 N.R. 321 (C.A.); Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029; (1990), 74 D.L.R. (4th) 197; 50 C.C.L.I. 1; [1990] I.L.R. 1-2663; 115 N.R. 42; 32 Q.A.C. 25; [1990] R.D.I. 715.

    doctrine

        Agence canadienne d'évaluation environnementale. Loi canadienne sur l'évaluation environnementale: Guide des autorités responsables. Hull: Agence canadienne d'évaluation environnementale, 1994.

        Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto: Butterworths, 1983.

        Sullivan, Ruth. Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. Toronto: Butterworths, 1994.

DEMANDES de contrôle judiciaire visant à contester l'autorisation accordée par le ministère des Pêches et des Océans de commencer les travaux de construction d'une mine de charbon à ciel ouvert près du parc national Jasper ainsi qu'à contester le rapport de la commission conjointe. Demande accueillie dans la mesure où l'autorisation est annulée, mais la Cour a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à prendre des mesures dans la demande concernant le rapport de la commission.

    ont comparu:

    Stewart A. G. Elgie et Jerry V. DeMarco pour les demandeurs.

    Dennis R. Thomas, c.r. et Allan E. Domes pour la défenderesse Cardinal River Coals Ltd.

    James A. Baird et Mary L. King pour le ministre des Pêches et des Océans, défendeur, dans le dossier T-2354-97.

    Robert D. Heggie pour la Commission chargée du projet Cheviot Coal, intervenante, dans le dossier T-2354-97.

    avocats inscrits au dossier:

    Sierra Legal Defence Fund, Toronto, pour les demandeurs.

    Fraser Milner, Edmonton, pour Cardinal River Coals Ltd., défenderesse.

    Le sous-procureur général du Canada pour le ministre des Pêches et des Océans, défendeur, dans le dossier T-2354-97.

    Alberta Energy & Utilities Board, Calgary, pour la Commission chargée du projet Cheviot Coal, intervenante, dans le dossier T-2354-97.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Campbell: En mars 1996, Cardinal River Coals Ltd. (CRC) a présenté des demandes en vue d'obtenir de l'Alberta et du ministère fédéral des Pêches et des Océans (le MPO) les autorisations réglementaires nécessaires en vue de construire une mine de charbon à ciel ouvert d'une longueur de 23 km et d'une largeur de 3,5 km dans la zone de permis, à 2,8 km à l'est de la limite du parc national Jasper.

Les demandeurs ont exprimé de graves préoccupations au sujet du projet Cheviot Coal (le projet) et ont demandé le contrôle judiciaire en vue de contester l'autorisation de commencer les travaux relatifs au projet (l'autorisation) que le MPO avait donnée. On conteste l'autorisation elle-même ainsi que l'évaluation environnementale, qui est une condition essentielle de sa délivrance, dans l'intention de faire rouvrir le processus d'évaluation environnementale publique de façon à assurer l'examen des questions environnementales qui, est-il soutenu, n'ont pas été prises en compte de la façon régulière.

    I.  Historique et questions en litige

Le projet se rapporte à l'excavation d'une série d'au moins 30 carrières à ciel ouvert et à la construction de l'infrastructure associée, qui comprend des routes, des voies ferrées et l'installation d'une nouvelle ligne de transport d'énergie. L'entreprise générera des millions de tonnes de stériles qui seront déposés sur les lieux, dans les vallées de cours d'eau et ailleurs.

Le projet, qui est réalisé sur le versant est des montagnes Rocheuses, près de la limite est du parc national Jasper, est situé dans une région riche du point de vue de l'environnement qui est l'habitat de divers animaux sauvages. Il est soutenu que la construction du projet et son exploitation, d'une durée prévue de 20 ans, auront des répercussions énormes sur l'environnement immédiat et voisin.

Le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches1 fédérale exige qu'on obtienne une autorisation du ministre avant d'altérer, de perturber ou de détruire l'habitat du poisson. En mai 1996, CRC a demandé au MPO les autorisations appropriées nécessaires à l'égard du projet en vertu de la Loi sur les pêches. Toutefois, avant que le ministre des Pêches et des Océans (le ministre) puisse donner une autorisation à l'égard d'un projet conformément à la Loi sur les pêches, une évaluation environnementale doit être effectuée conformément à l'alinéa 5(1)d) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale2 (la LCEE). Le ministre est donc devenu l'autorité responsable à l'égard du projet conformément au paragraphe 11(1) de la LCEE.

Une étude approfondie a été entreprise, mais avant qu'elle soit terminée, le ministre a conclu que le projet pouvait avoir des effets environnementaux négatifs importants et qu'il devait donc être renvoyé à une commission en vertu de la LCEE. Étant donné qu'un examen environnemental devait également être effectué en vertu de la législation de l'Alberta, le ministre fédéral de l'Environnement et l'Alberta Energy and Utilities Board (l'EUB) ont convenu d'effectuer un examen conjoint fédéral et provincial tel que le prévoit la LCEE et, à cette fin, ils ont signé l'"Entente concernant le projet Cheviot Coal" datée du 24 octobre 1996 (l'entente relative à la commission conjointe).

L'entente relative à la commission conjointe énonçait le mandat de la commission conjointe EUB-LCEE (la commission conjointe), et notamment les éléments qui devaient être pris compte aux fins de l'évaluation environnementale.

Le projet a été renvoyé à la commission conjointe à l'automne 1996 et les audiences ont eu lieu du 13 janvier au 20 février 1997 ainsi que le 10 avril 1997.

Le 17 juin 1997, la commission conjointe a rendu publics son rapport et ses recommandations: Report of the EUB-CEAA Joint Review Panel: Cheviot Coal Project, Mountain Park Area, Alberta (le rapport de la commission conjointe) dans lequel on recommandait au ministre d'approuver le projet en donnant à CRC les autorisations réglementaires nécessaires en vertu de la Loi sur les pêches.

Le 2 octobre 1997, le ministre, avec l'agrément du gouverneur en conseil, a publié la Federal Government Response to the Environmental Assessment Report of the AEUB-CEAA Joint Review Panel on the Cheviot Coal Project (la réponse fédérale), énonçant la réponse donnée par le gouvernement du Canada au rapport de la commission conjointe et faisant savoir que les autorisations nécessaires seraient données en vertu de la Loi sur les pêches3.

Le 31 octobre 1997, les demandeurs ont présenté une demande de contrôle judiciaire du rapport de la commission conjointe (T-2354-97). À ce moment-là, le ministre n'avait pas encore pris de décision conformément aux recommandations figurant dans ce rapport4.

La demande de contrôle judiciaire du rapport de la commission conjointe a été entendue devant le juge McKeown les 29 et 30 avril 1998. Dans une décision datée du 12 juin 1998 [(1998), 152 F.T.R. 49 (C.F. 1re inst.)], le juge McKeown a rejeté la demande de contrôle judiciaire pour le motif que le fait que les demandeurs n'avaient pas contesté la réponse fédérale faisait obstacle à la demande de contrôle judiciaire du rapport de la commission conjointe. Les demandeurs ont interjeté appel contre cette décision.

Le 17 août 1998, conformément au paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, le ministre a donné l'autorisation, soit la première d'une série d'autorisations nécessaires à l'égard du projet. On autorisait CRC à commencer à construire le corridor d'accès.

Les demandeurs ont demandé que l'autorisation soit ajoutée au dossier dans l'appel qu'ils avaient interjeté contre la décision rendue par le juge McKeown dans le dossier T-2354-97. Dans une ordonnance datée du 4 septembre 1998, le juge en chef adjoint Isaac a rejeté la demande pour le motif que l'autorisation avait été donnée après que le juge McKeown eut rendu sa décision et qu'elle ne pouvait donc pas faire partie de l'appel interjeté contre cette décision.

Le 16 septembre 1998, les demandeurs ont présenté la demande de contrôle judiciaire de l'autorisation ici en cause (T-1790-98) et ont demandé que l'autorisation soit annulée et qu'il soit interdit de donner d'autres autorisations5.

Le 1er décembre 1998 [[1999] 1 C.F. 483 (C.A.)], la Section d'appel de cette Cour (dans le dossier A-430-98) a annulé la décision du juge McKeown (T-2354-97) et a ordonné que l'affaire soit renvoyée à la Section de première instance "pour décision au fond"6. Le 8 février 1999, le juge en chef adjoint Richard a accordé au ministre le statut d'intervenant et a en outre ordonné que la demande de contrôle judiciaire qui avait été présentée dans le dossier T-2354-97 soit entendue avec la demande de contrôle judiciaire relative au dossier T-1790-987.

Les demandeurs ont formulé les trois questions suivantes:

    (i)    La commission conjointe a-t-elle commis une erreur de droit et de compétence en tentant d'effectuer l'évaluation environnementale relative au projet sans observer l'alinéa 4a) [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 19] ainsi que les articles 16 [mod., idem, art. 22] et 34 de la LCEE et l'entente relative à la commission conjointe?

Avant d'examiner cette question fort importante, nous établirons d'abord les fonctions de la commission conjointe et nous déterminerons ensuite s'il y a eu manquement à une obligation.

    (ii)    La commission conjointe a-t-elle tenu ses audiences publiques conformément aux principes d'équité procédurale et aux exigences procédurales de la LCEE et de l'entente relative à la commission conjointe ainsi qu'aux attentes légitimes des demandeurs?

La question en litige se rapporte à l'omission apparente de la commission conjointe d'examiner l'exposé que la Fédération canadienne de la nature avait déposé.

    (iii)    Est-il interdit au ministre de donner des autorisations en vertu de la Loi sur les pêches à l'égard d'aspects du projet qui contreviennent au Règlement sur les oiseaux migrateurs8?

Il s'agit dans ce dernier cas de savoir si une autorisation apparemment légitime est fondamentalement en conflit avec certaines dispositions réglementaires.

    II.  Le contexte juridique

A.  Les dispositions de la LCEE

Un aperçu des fonctions9 prévues par la LCEE est donné ci-dessous pour plus de commodité:

" Rassemblement de renseignements: la commission veille à l'obtention de tous les renseignements nécessaires à l'évaluation et veille à ce que le public y ait accès (al. 34a)) et tient des audiences de façon à encourager la participation du public (al. 34b)).

" Examens: la commission effectue une évaluation environnementale (EE) du projet, qui comprend entre autres une évaluation de toutes les opérations connexes (art. 15) et l'examen des effets cumulatifs et de leur importance (al. 16(1)a) et b)), des mesures d'atténuation (al. 16(1)d)), de la nécessité du projet et de ses solutions de rechange (al. 16(1)e)), des solutions de rechange réalisables et de leurs effets environnementaux (al. 16(2)b)) et de la capacité des ressources renouvelables touchées de répondre aux besoins présents et futurs (al. 16(2)d)).

" Rapport: la commission établit un rapport assorti de sa justification, de ses conclusions et recommandations au sujet des questions examinées dans le cadre de l'EE ainsi qu'un énoncé, sous la forme d'un résumé, des observations reçues du public (al. 34c)).

" Décision: l'autorité responsable (l'AR) donne suite au rapport avec l'agrément du gouverneur en conseil (al. 37(1.1)a)). Puis, l'AR (soit dans ce cas-ci le ministre des Pêches et des Océans) prend une décision en vertu du paragraphe 37(1). Si le projet est susceptible d'avoir des effets environnementaux négatifs importants, l'AR ne peut approuver le projet que si ses effets sont "justifiables dans les circonstances" (al. 37(1)a ))10.

L'expression "évaluation environnementale" est définie comme suit au paragraphe 2(1) de la LCEE:

2. (1) [. . .]

"évaluation environnementale" Évaluation des effets environnementaux d'un projet effectuée conformément à la présente loi et aux règlements.

La définition d'"effets environnementaux" figurant au paragraphe 2(1) de la LCEE et les fonctions importantes de la commission conjointe énoncées à l'alinéa 4a ) ainsi qu'aux paragraphes 16(1) et 16(2) de la LCEE constituent le nœud du litige. Ces dispositions sont ainsi libellées:

2. (1) [. . .]

"effets environnementaux" Tant les changements que la réalisation d'un projet risque de causer à l'environnement que les changements susceptibles d'être apportés au projet du fait de l'environnement, que ce soit au Canada ou à l'étranger; sont comprises parmi les changements à l'environnement les répercussions de ceux-ci soit en matière sanitaire et socio-économique, soit sur l'usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones, soit sur une construction, un emplacement ou une chose d'importance en matière historique, archéologique, paléontologique ou architecturale.

    [. . .]

4. La présente loi a pour objet:

    a) de permettre aux autorités responsables de prendre des mesures à l'égard de tout projet susceptible d'avoir des effets environnementaux en se fondant sur un jugement éclairé quant à ces effets;

    [. . .]

16. (1) L'examen préalable, l'étude approfondie, la médiation ou l'examen par une commission d'un projet portent notamment sur les éléments suivants:

    a) les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence d'autres ouvrages ou à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement;

    b) l'importance des effets visés à l'alinéa a);

    c) les observations du public à cet égard, reçues conformément à la présente loi et aux règlements;

    d) les mesures d'atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, des effets environnementaux importants du projet;

    e) tout autre élément utile à l'examen préalable, à l'étude approfondie, à la médiation ou à l'examen par une commission, notamment la nécessité du projet et ses solutions de rechange,"dont l'autorité responsable ou, sauf dans le cas d'un examen préalable, le ministre, après consultation de celle-ci, peut exiger la prise en compte.

(2) L'étude approfondie d'un projet et l'évaluation environnementale qui fait l'objet d'une médiation ou d'un examen par une commission portent également sur les éléments suivants:

    a) les raisons d'être du projet;

    b) les solutions de rechange réalisables sur les plans technique et économique, et leurs effets environnementaux;

    c) la nécessité d'un programme de suivi du projet, ainsi que ses modalités;

    d) la capacité des ressources renouvelables, risquant d'être touchées de façon importante par le projet, de répondre aux besoins du présent et à ceux des générations futures.

B.  Interprétation judiciaire des dispositions de la LCEE

Deux décisions définissent clairement l'importance juridique de l'évaluation environnementale et la norme à appliquer pour déterminer si cette évaluation est suffisante.

    1.  La décision rendue par la Cour d'appel dans le dossier A-430-98 au sujet du dossier T-2354-9711

Les points qui ressortent de la décision du juge d'appel Sexton, adaptés au cas qui nous occupe, sont les suivants: l'évaluation environnementale effectuée par la commission conjointe conformément à la LCEE est une condition essentielle de la délivrance de l'autorisation; l'évaluation doit être effectuée conformément à la LCEE et notamment aux exigences de l'article 16; toute évaluation doit être effectuée conformément à la LCEE. J'interprète cette dernière remarque comme voulant dire qu'une évaluation qui n'est pas effectuée conformément à la LCEE comporte une erreur de droit.

    2.  Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd.12

Le principe selon lequel une évaluation environnementale peut être contestée et jugée non conforme à la LCEE sur un point de droit a déjà été établi dans la décision Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd.

Les points qui ressortent de la décision du juge d'appel Hugessen, adaptés au cas qui nous occupe, sont les suivants: l'omission de la commission conjointe de satisfaire à une exigence de l'article 16 de la LCEE peut constituer une erreur de droit; il est important de caractériser de la façon appropriée une présumée omission de satisfaire à pareille exigence, à savoir s'il s'agit d'une question de droit ou simplement d'une contestation de la "qualité" de la preuve et, par conséquent, le "bien-fondé" des conclusions tirées à partir de cette preuve; si une présumée omission appartient à la dernière catégorie, aucune question de droit ne se pose et il ne faut donc pas modifier à la légère les conclusions que la commission conjointe a tirées en se fondant sur des connaissances spéciales non contestées des questions environnementales; déterminer l'"importance" d'un effet environnemental en vertu de l'alinéa 16(1)b ) de la LCEE comporte une détermination subjective de la part de la commission conjointe et ne comporte pas une interprétation menant à une erreur de droit possible; les "solutions de rechange" à envisager en vertu de l'alinéa 16(2)b ) dépendent de la portée de l'évaluation environnementale prévue par l'entente relative à la commission conjointe; les mesures d'atténuation et les effets environnementaux sont à juste titre examinés ensemble.

Il importe de noter que dans l'arrêt Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd., la Cour d'appel a conclu que la commission conjointe, dans ce cas-là, avait procédé à une "évaluation environnementale approfondie et complète". Il s'agit donc d'une conclusion qualitative qui, en pratique, a contribué au rejet des arguments fondés sur la suffisance du rapport de la commission. En effet, la Cour d'appel a conclu que la commission s'était acquittée des obligations légales qui lui incombait d'obtenir des renseignements et de faire rapport.

Par conséquent, il s'agit principalement de savoir si en l'espèce la commission conjointe s'est acquittée de ses obligations légales en ce qui concerne l'obtention de renseignements et l'établissement d'un rapport. S'il est conclu à la violation d'une obligation, par exemple, dans le cas d'une interprétation erronée d'une exigence légale, il s'agit d'une erreur de droit. Il n'est pas contesté que si pareille conclusion est tirée, la norme de contrôle de l'erreur est celle de la justesse13.

    III.  La commission conjointe: obligations

A.  Les processus d'approbation de l'Alberta et du gouvernement fédéral

L'extrait suivant du rapport de la commission conjointe énonce le processus d'approbation réglementaire qui s'applique en Alberta:

[traduction]

1.2 Processus d'approbation

En Alberta, la mise en valeur d'une mine de charbon est fondée sur un processus d'approbation comportant deux étapes. La première étape de l'approbation provinciale (l'étape de l'autorisation) s'applique principalement aux plans conceptuels relatifs au projet d'exploitation minière dans son ensemble. Cette étape est réalisée en vertu des exigences de la politique de mise en valeur du charbon de l'Alberta en matière de communication, des exigences relatives à l'EEE [Évaluation des effets environnementaux] de l'Alberta Environmental Protection (l'AEP) et des exigences relatives aux permis de l'EUB [Alberta Energy and Utilities Board]. Dans le cas du projet Cheviot Coal, l'approbation fédérale du MPO est également nécessaire. Ces divers processus sont décrits plus à fond ci-dessous.

La seconde étape du processus d'approbation, qui est en général appelée l'étape de la délivrance du permis, est destinée à permettre d'examiner les composantes du projet sur une base individuelle et d'une façon beaucoup plus approfondie. Cela comprend les permis accordés par l'EUB à l'égard de carrières individuelles et de dépotoirs ainsi que des approbations plus précises de l'AEP à l'égard des émissions dans l'atmosphère et dans l'eau et des plans de récupération.

Le processus d'approbation à deux étapes s'appliquant aux projets d'exploitation aux mines de charbon vise à permettre d'examiner en premier lieu d'une façon générale toute la gamme des questions environnementales et techniques associées au projet qui sont susceptibles de se poser et, partant, à établir les limites générales de scénarios de mise en valeur acceptables. La seconde étape vise à permettre d'apporter des changements propres à l'emplacement aux plans conceptuels plus généraux qui ont été approuvés au cours de la première étape. La seconde étape montre jusqu'à quel point il est difficile pour une société d'en arriver à une conception optimale à l'égard des carrières, des parois, des dépotoirs et du programme de récupération avant d'établir avec exactitude l'étendue et la distribution réelles des ressources charbonnières. L'étape de délivrance de permis aide à optimiser la conservation des ressources et la protection de l'environnement d'une façon qui n'est pas possible à l'étape de l'autorisation.

1.2.1  Politique de mise en valeur du charbon de l'Alberta (1976)

La politique de mise en valeur du charbon de l'Alberta vise à ce que la population de l'Alberta bénéficie le plus possible des ressources charbonnières de la province. Selon un principe fondamental qui sous-tend cette politique, aucun projet n'est autorisé à moins que le gouvernement de l'Alberta ne soit convaincu que ce projet puisse être réalisé sans causer de préjudice irréparable à l'environnement et en assurant une récupération satisfaisante des terres perturbées.

La politique de mise en valeur du charbon range les terres provinciales en quatre catégories en fonction de leur vulnérabilité environnementale relative, de la gamme des autres affectations de terres, des ressources charbonnières possibles et de la mesure dans laquelle des emplacements urbains sont mis en valeur ou dans laquelle il existe des facilités de transport.

La politique de mise en valeur du charbon prévoit également un processus d'examen préalable et d'approbation à quatre étapes à l'égard des mines de charbon, lequel comprend:

    (1) une communication préliminaire au gouvernement;

    (2) une communication au public par le demandeur;

    (3) l'examen d'une demande formelle au moyen d'une audience publique;

    (4) une décision définitive de la part du gouvernement.

CRC a effectué une communication préliminaire au gouvernement de l'Alberta conformément à la politique de mise en valeur du charbon, et, en décembre 1985, elle a obtenu une approbation de principe lui permettant de passer à l'étape suivante du processus d'approbation.

1.2.2  Alberta Environmental Protection

Le projet Cheviot Coal comprend une mine de charbon à ciel ouvert dont la production annuelle projetée est de 3,2 millions de tonnes ainsi qu'une usine de traitement du charbon. Par conséquent, il s'agit d'un projet obligatoire au sens du Environmental Assessment Regulations de l'AEPEA et il faut donc préparer une EEE.

Une ébauche du mandat relatif à l'EEE a été élaborée conjointement par les gouvernements fédéral et provincial ainsi que par CRC. Elle a été mise à la disposition du public pour examen en octobre 1994. Les commentaires une fois reçus, le mandat a été arrêté et publié par le directeur, Évaluation environnementale, de l'Alberta le 23 janvier 1995. CRC a soumis l'EEE à l'EUB en mars 1996, dans le cadre de sa demande. À la suite de l'examen de l'EEE, le directeur, Évaluation environnementale, de l'AEP a informé l'EUB le 18 septembre 1996 que l'EEE satisfaisait aux exigences de l'article 47 de l'AEPEA et du mandat définitif. Le directeur a également fait savoir à l'EUB que le rapport d'EEE était complet conformément à l'article 51 de l'AEPEA.

1.2.3  Alberta Energy and Utilities Board

En vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Coal Conservation Act, personne ne peut mettre en valeur une mine sans d'abord demander, et obtenir, un permis de l'EUB. De même, en vertu de l'alinéa 23(1)a) de la Coal Conservation Act, personne ne peut construire une nouvelle usine de traitement du charbon ou commencer à exploiter pareille usine sans demander et obtenir l'approbation de l'EUB. Il faut également détenir un permis et une licence de l'EUB en vertu des articles 12, 14 et 17 de la Hydro and Electric Energy Act afin de construire et d'exploiter une nouvelle ligne de transport d'énergie et d'exploiter une nouvelle sous-station.

Les demandes présentées à l'EUB sont traitées conformément aux exigences de l'Energy Resources Conservation Act (l'ERCA) et aux règles de pratique y afférentes. Le paragraphe 29(2) de l'ERCA exige que, s'il semble à l'EUB que sa décision puisse directement porter atteinte aux droits d'une personne, l'EUB donne: (1) un avis de la demande; (2) la possibilité de connaître les faits; et (3) la possibilité de contre-interroger le demandeur et de présenter des éléments de preuve et des plaidoiries.

Les règles de pratique indiquent la procédure à suivre et prévoient notamment la signification d'un avis et la présentation d'observations par les intervenants et par d'autres personnes. Conformément à une entente conclue entre l'EUB et l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (l'ACEE), les règles de pratique de l'EUB régissaient la procédure que la commission a suivie lorsqu'elle a examiné les demandes ici en cause.

1.2.4    Ministère fédéral des Pêches et des Océans

    Ministère fédéral de l'Environnement

    Agence canadienne d'évaluation environnementale

En vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, il faut obtenir une autorisation du ministre des Pêches et des Océans avant de détériorer, de détruire ou de perturber l'habitat du poisson. En vertu de la LCEE, une évaluation environnementale du projet doit au préalable être effectuée. À la suite d'un avis donné par CRC au sujet de son intention de demander l'autorisation susmentionnée, le MPO, en sa qualité d'autorité responsable en vertu de la LCEE, a entamé un examen du projet proposé. Dans une lettre datée du 26 août 1996 adressée au ministre de l'Environnement, le ministre des Pêches et des Océans a déclaré qu'à la suite d'un examen des renseignements de nature environnementale donnés par CRC, il avait conclu que le projet pouvait avoir des effets environnementaux négatifs importants. Pour accélérer le processus d'examen, le ministre des Pêches et des Océans recommandait le renvoi du projet Cheviot Coal au ministre de l'Environnement pour examen par une commission et il recommandait en outre, dans l'esprit de l'accord d'harmonisation, aux fins de l'évaluation environnementale conclu entre le Canada et l'Alberta en 1993, que l'examen soit effectué par une commission conjointe conformément à la LCEE dans le cadre de l'audience exigée par l'EUB.

Les articles 40 et 41 de la LCEE prévoient la constitution d'une commission conjointe et les éléments que la commission conjointe doit prendre en compte14.

B.  Obligation relative aux prises de décisions et aux recommandations

Comme on peut le constater, les deux processus réglementaires distincts de l'Alberta et du gouvernement fédéral énoncent des obligations différentes de la part de la commission conjointe. C'est ce qui ressort clairement du passage suivant du rapport de la commission conjointe:

[traduction] Il existe des différences importantes qu'il est bon de mentionner en ce qui concerne le rôle de la commission dans un processus conjoint provincial et fédéral de prise de décision. En vertu des lois de l'Alberta, la commission est chargée de déterminer si un projet proposé en matière énergétique est conforme à l'intérêt public. À cette fin, la commission doit prendre en compte une gamme d'éléments, notamment la question de la conservation des ressources, la sécurité, les effets économiques et sociaux du projet ainsi que les effets sur l'environnement. La décision ainsi que les motifs sont consignés dans un rapport.

En vertu de la LCEE, la commission est tenue de présenter au ministre de l'Environnement et à l'autorité responsable (soit dans ce cas-ci le MPO) un rapport assorti de sa justification, de ses conclusions et recommandations relativement à l'évaluation environnementale du projet, et notamment aux mesures d'atténuation et au programme de suivi. La commission ne prend aucune décision au sujet d'une question fédérale. L'article 37 de la LCEE autorise l'autorité responsable à exercer ses attributions de façon à permettre la mise en œuvre d'un projet si, après avoir pris en compte le rapport d'une commission et les mesures d'atténuation, ses effets environnementaux négatifs sont jugés peu importants ou, s'ils sont importants, s'ils sont justifiables dans les circonstances.

Conformément à l'entente EUB-LCEE, la commission a l'intention de ne publier qu'un seul rapport destiné à satisfaire aux exigences des deux paliers de gouvernement15.

En l'espèce, la Commission conjointe a donc deux rôles: à savoir, elle doit prendre une décision pour l'Alberta et faire des recommandations au palier fédéral. Les textes législatifs pertinents indiquent cette différence. Selon le texte de la loi de l'Alberta, la décision de la commission conjointe constitue la dernière étape d'un processus dans le cadre duquel on a d'abord déterminé si l'évaluation des effets environnementaux (l'EEE) préparée par CRC comportait des lacunes alors que selon le processus fédéral, la recommandation de la commission conjointe vient en premier lieu, la décision devant être prise par la suite. En vertu de la LCEE, on ne détermine pas au préalable, avant l'examen effectué par la commission conjointe, si l'évaluation est suffisante sauf quant à la question de savoir si le projet peut avoir des effets environnementaux négatifs importants16.

Par conséquent, le point essentiel est que, pour satisfaire aux exigences du ministre, on peut raisonnablement s'attendre à ce que l'enquête visant à l'obtention de renseignements menée en vertu de la LCEE aille plus loin que ce qui est nécessaire en vue de satisfaire aux exigences de l'Alberta.

C.  Obligations relatives à l'examen, à l'obtention de renseignements et à l'établissement d'un rapport prévues par la LCEE et par l'entente relative à la commission conjointe

    1.  Obligation d'examen

L'obligation générale est énoncée comme suit aux paragraphes 16(1) et (2):

16. (1) L'examen préalable, l'étude approfondie, la médiation ou l'examen par une commission d'un projet portent notamment sur les éléments suivants:

    [. . .]

(2) L'étude approfondie d'un projet et l'évaluation environnementale qui fait l'objet d'une médiation ou d'un examen par une commission portent également sur les éléments suivants: [Je souligne.]

L'article 41 [mod. par L.C. 1998, ch. 25, art. 164] de la LCEE exige qu'un accord relatif à une commission conjointe prenne en compte les éléments prévus aux paragraphes 16(1) et (2), et prévoit également que des "exigences" supplémentaires peuvent être énoncées. Cette disposition se lit comme suit:

41. Les accords conclus aux termes des paragraphes 40(2) ou (3) et les documents visés au paragraphe 40(2.1) contiennent une disposition selon laquelle l'évaluation des effets environnementaux du projet prend en compte les éléments prévus aux paragraphes 16(1) et (2) et est effectuée conformément aux exigences et modalités supplémentaires qui y sont contenues ainsi que les conditions suivantes:

    a) le ministre nomme le président, ou approuve sa nomination, ou nomme le coprésident et nomme au moins un autre membre de la commission;

    b) les membres de la commission sont impartiaux, non en conflit d'intérêts avec le projet et pourvus des connaissances et de l'expérience voulues touchant les effets environnementaux prévus du projet;

    c) le ministre fixe ou approuve le mandat de la commission;

    d) les pouvoirs prévus à l'article 35 sont conférés à la commission;

    e) le public aura la possibilité de participer à l'examen;

    f) dès l'achèvement de l'examen, la commission lui présentera un rapport;

    g) le rapport sera publié.

En ce qui concerne l'étendue de l'examen que la commission conjointe doit effectuer, l'alinéa 41c) de la LCEE exige que le ministre "fixe ou approuve le mandat de la commission". En l'espèce, l'annexe 1 jointe à l'entente relative à la commission conjointe intitulée: [traduction ] "Mandat de la commission chargée du projet Cheviot Coal", énonce le mandat et exige ce qui suit:

[traduction] 2. La commission prendra en compte, dans son examen du projet Cheviot Coal, les éléments énoncés à l'appendice 1 et en fera état dans son rapport final17.

En ce qui concerne les éléments que la commission conjointe doit prendre en compte en vertu de l'article 16 de la LCEE, il n'est pas contesté que, même s'il est libellé d'une façon légèrement différente, l'appendice 1 joint à l'annexe 1 de l'entente relative à la commission conjointe exige que les éléments énumérés dans les dispositions suivantes de la LCEE soient examinés par la commission conjointe: alinéa 16(1)a): les effets environnementaux y compris les effets cumulatifs; alinéa 16(1)b): l'importance des effets; l'alinéa 16(1)c): les observations du public; alinéa 16(1)d): les mesures d'atténuation; alinéa 16(1)e): la nécessité du projet et ses solutions de rechange; et alinéa 16(2)b): les solutions de rechange18.

De plus, le début de l'appendice 1 joint à l'entente relative à la commission conjointe prévoit ce qui suit:

[traduction] Aux fins de l'EUB, la commission déterminera si le projet Cheviot Coal est conforme à l'intérêt public, compte tenu des effets sociaux et économiques du projet ainsi que ses effets sur l'environnement et elle prendra notamment en compte les éléments énumérés ci-dessous. La Commission examinera également ces éléments en élaborant et en justifiant ses conclusions et recommandations à l'intention des décideurs fédéraux: [. . .]19

Je conclus qu'en l'espèce, étant donné que le ministre a conclu que [traduction] "le projet peut avoir des effets environnementaux négatifs importants"20 et compte tenu de la nécessité dont il a été fait mention d'obtenir des renseignements afin de satisfaire aux exigences de la LCEE, par opposition aux exigences de l'Alberta, pour satisfaire à l'obligation d'"examen" imposée à l'article 16 de la LCEE, la commission conjointe est tenue de faire preuve d'énormément de diligence.

    2.  Obligation relative à l'obtention de renseignements

L'alinéa 34a) énonce une exigence obligatoire de l'évaluation environnementale prévue par la LCEE:

34. La Commission, conformément à son mandat et aux règlements pris à cette fin:

    a) veille à l'obtention des renseignements nécessaires à l'évaluation environnementale d'un projet et veille à ce que le public y ait accès; [Je souligne.]

Toutefois, l'annexe 1 de l'entente relative à la commission conjointe prévoit ceci:

[traduction] 4. La commission veillera à l'obtention de tous les renseignements nécessaires à son examen et veillera à ce que le public y ait accès, ce qui comprendra notamment:

    a) les renseignements techniques, environnementaux ou autres existants se rapportant à l'examen, et notamment les documents soumis à l'EUB à l'égard des demandes nos 960313 et 960314 ainsi que les commentaires et observations s'y rapportant;

    b) les renseignements supplémentaires, et notamment une description de tout programme de consultation publique, de sa nature et de sa portée, des questions soulevées, des engagements pris et des questions en litige;

    c) le mandat du 23 janvier 1995 concernant l'EEE du projet Cheviot Coal et les documents produits par le promoteur et par d'autres intéressés en réponse à ce mandat21,

    d) tout autre renseignement disponible nécessaire à l'évaluation de l'importance des effets environnementaux22. [Je souligne.]

Je conclus que les mots soulignés du paragraphe 4 de l'annexe 1 ont pour effet d'élargir la portée des exigences prévues à l'alinéa 34a) de la LCEE et de créer pour la commission conjointe en l'espèce une obligation évidente et rigoureuse d'obtenir des éléments de preuve, soit l'obligation d'obtenir tous les renseignements disponibles nécessaires à l'évaluation environnementale.

En ce qui concerne l'emploi de l'expression "tous les renseignements nécessaires" figurant au paragraphe 4 en ce qui concerne l'obligation imposée à la commission conjointe en vertu de la LCEE, je conclus que par "nécessaire", on entend ce qui satisfait à la norme de diligence susmentionnée à l'égard de l'examen des éléments prévus à l'article 16 et de l'obligation rigoureuse d'obtention d'éléments de preuve qui incombe à la commission conjointe23 .

Je conclus également que l'obligation relative à l'obtention de renseignements qui incombe à la commission conjointe ne dépend pas du succès que le promoteur du projet a eu lorsqu'il s'est agi d'obtenir les renseignements et ne dépend pas non plus du succès qu'un intervenant ou un intéressé a eu à cet égard. Il incombe à la commission conjointe de s'acquitter de cette obligation.

La commission conjointe possède de larges pouvoirs l'autorisant à ordonner la production d'éléments de preuve. L'article 35 de la LCEE se lit comme suit:

35. (1) La commission a le pouvoir d'assigner devant elle des témoins et de leur ordonner de:

    a) déposer oralement ou par écrit;

    b) produire les documents et autres pièces qu'elle juge nécessaires en vue de procéder à l'examen dont elle est chargée.

(2) La commission a, pour contraindre les témoins à comparaître, à déposer et à produire des pièces, les pouvoirs d'une cour d'archives.

(3) Les audiences de la commission sont publiques sauf si elle décide, à la suite d'observations faites par le témoin, que la communication des éléments de preuve, documents ou objets qu'il est tenu de présenter au titre du présent article lui causerait directement un préjudice réel et sérieux.

(4) Si la commission conclut que la communication d'éléments de preuve, de documents ou d'objets causerait directement un préjudice réel et sérieux au témoin, ces éléments de preuve, documents ou objets sont protégés; la personne qui les a obtenus en vertu de la présente loi ne peut sciemment les communiquer ou permettre qu'ils le soient sans l'autorisation du témoin.

(5) Aux fins de leur exécution, les assignations faites et ordonnances rendues aux termes du paragraphe (1) sont, selon la procédure habituelle, assimilées aux assignations ou ordonnances de la Cour fédérale.

(6) Les membres d'une commission d'examen sont soustraits aux poursuites et autres procédures pour les faits"actes ou omissions"censés accomplis dans le cadre d'un examen par la commission.

    3.  Obligation relative à l'établissement d'un rapport

Le début de l'appendice 1 joint à l'entente relative à la commission conjointe précitée prévoit que [traduction] "la commission [conjointe] examinera également [les éléments énumérés à l'appendice 1] en élaborant et en justifiant ses conclusions et recommandations à l'intention des décideurs fédéraux" [soulignement ajouté]. Cela étant, il est donc à mon avis raisonnable de conclure que la commission conjointe est tenue de justifier les recommandations qu'elle fait pour l'application de la LCEE.

De plus, le mandat dont la commission conjointe doit s'acquitter, en vertu des paragraphes 2 et 4 de l'annexe 1 jointe à l'entente relative à la commission conjointe susmentionnée, exige que le processus d'obtention des renseignements soit transparent. De même, étant donné que le rapport de la commission conjointe doit faire état des éléments que la commission conjointe a pris en compte en vertu de l'article 16, je conclus que le rapport doit également être transparent.

De toute évidence, le rapport de la commission conjointe vise plusieurs buts sur le plan de la consultation. Premièrement, le public a le droit de connaître le fondement des recommandations qui sont faites afin de savoir comment y répondre sur le plan juridique ou politique; de même, les décideurs fédéraux doivent connaître les éléments de preuve sur lesquels est fondée toute recommandation qui est faite afin d'être en mesure de juger de leur importance en formulant une réponse appropriée.

Bien sûr, il se pourrait que la preuve comporte des lacunes en ce qui concerne les effets cumulatifs. En pareil cas, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale: Guide des autorités responsables24 prévoit à juste titre que les connaissances spéciales des membres de la commission peuvent servir à combler les lacunes.

Toutefois, à mon avis, l'idée selon laquelle les lacunes de la preuve peuvent être comblées par l'avis des experts s'applique uniquement lorsque la preuve n'est pas disponible, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas de preuve ou qu'il est impossible d'y avoir accès.

Conformément aux dispositions de l'article 35 de la LCEE, qui confère des pouvoirs en ce qui concerne la production de la preuve et notamment une preuve confidentielle, je conclus que la commission conjointe est tenue d'utiliser ces pouvoirs dans la mesure nécessaire en vue d'obtenir et de faire connaître "tous les renseignements nécessaires à son examen" comme le prévoit le paragraphe 4 de l'annexe 1.

Je conclus que pour s'acquitter de cette obligation, il incombe à la commission conjointe d'exiger la production des renseignements qui, à sa connaissance, existent et qui se rapportent apparemment à un élément mentionné à l'article 16. À mon avis, il ne suffit pas, pour se soustraire à cette obligation, de combler une lacune de la preuve au moyen d'un avis subjectif, même s'il est exprimé par un expert, lorsque l'on sait que les renseignements sont disponibles.

Pendant l'audience, CRC a soutenu que le "rapport de la commission conjointe" est une combinaison du rapport lui-même et de tous les éléments de preuve obtenus dans le cadre de l'évaluation environnementale. Par conséquent, est-il soutenu, il n'est pas nécessaire que dans son rapport la commission conjointe énonce en détail les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée, mais il suffit qu'elle tire des conclusions et qu'elle dise que ces conclusions sont fondées sur ces éléments de preuve, en comblant les lacunes au moyen de l'avis des experts au besoin. Je ne retiens pas cet argument.

Je conclus que pour s'acquitter de ses obligations en matière d'établissement de rapport, la commission conjointe doit clairement énoncer ses recommandations dans son rapport et notamment les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée pour en arriver à chacune de ses recommandations. Je conclus également que si la commission conjointe décide de combler une lacune de la preuve à l'aide de son propre avis d'expert, elle doit clairement le dire et expliquer pourquoi il est nécessaire de le faire. Le décideur visé par la LCEE et le public seront ainsi en mesure de décider de l'importance à accorder à chaque recommandation.

D.  L'approche adoptée par la commission conjointe en ce qui concerne l'observation de l'article 16 de la LCEE

Dans l'arrêt Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd.25, il a été soutenu que les éléments énumérés à l'article 16 devraient être examinés l'un à la suite de l'autre et que les effets environnementaux devaient donc être pris en compte avant les mesures d'atténuation. Cet argument a été rejeté pour le motif essentiellement que l'analyse de l'expert exige l'application des connaissances de l'expert et que l'article 16 n'exige pas une analyse et qu'il appartient donc à la commission de décider de l'approche à adopter. Toutefois, quelle que soit l'approche, il ressort clairement des dispositions de la LCEE et de l'entente relative à la commission conjointe que les éléments mentionnés à l'article 16 doivent néanmoins être "examinés" comme je l'ai conclu.

La commission conjointe a approuvé l'approche que CRC avait adoptée dans son EEE en évaluant l'importance de tout effet environnemental négatif que pouvait avoir le projet26. En ce qui concerne la question de l'approche, le demandeur s'oppose à ce que les éléments suivants soient pris en compte. Je rejette ces objections pour les motifs énoncés.

    1.  Composantes environnementales valorisées (CEV)

La commission conjointe a approuvé l'approche que CRC avait adoptée à l'égard des effets environnementaux en examinant [traduction] "les attributs environnementaux associés à la réalisation du projet proposé qui ont été jugés importants pour le public, le gouvernement ou les milieux professionnels"27. À mon avis, la décision de mettre l'accent sur l'examen des effets environnementaux à la lumière des composantes physiques, biologiques et socio-économiques de l'environnement relève clairement des connaissances spéciales de la commission conjointe. Toutefois, le choix de cette approche ne restreint pas pour autant l'obligation qui incombe à la commission conjointe de satisfaire aux exigences de l'article 16.

    2.  Importance des effets environnementaux

L'alinéa 16(1)a) de la LCEE exige un examen des effets environnementaux du projet et l'alinéa 16(1)b) exige que la commission conjointe tire des conclusions au sujet de l'importance des effets ainsi examinés. À mon avis, la commission conjointe est d'abord tenue de définir et de décrire les effets environnementaux, puis de tirer une conclusion au sujet de l'importance à accorder à chaque effet ou, comme le dit la disposition, de tenir compte de l'"importance" de chaque effet28 .

Aux fins de l'évaluation de l'importance à accorder aux effets environnementaux, l'atténuation d'un effet est un élément important à prendre en considération29. En vertu de l'alinéa 16(1)d), la commission conjointe est tenue de prendre en compte les mesures "réalisables, sur les plans technique et économique" en vue d'atténuer tout effet environnemental négatif important. À mon avis, l'emploi du mot "important" dans cette disposition exige que l'on porte un jugement différent de celui qui est porté dans le cas de l'alinéa 16(1)b ). En effet, si un effet environnemental défini et décrit est considéré comme "négatif" et "important", l'atténuation de cet effet par des mesures pratiques est une considération importante. Une fois que la chose a été prise en considération, la conclusion tirée devient un aspect de l'effet environnemental et une décision peut être prise au sujet de l'importance à lui accorder dans le processus décisionnel gouvernemental.

Je conclus que l'approche utilisée par la commission conjointe à l'égard de l'importance des effets et des mesures d'atténuation relève de ses connaissances spéciales et est en accord avec les exigences de l'article 16 de la LCEE.

    IV.   La commission conjointe: Y a-t-il eu

    manquement à une obligation? Effets cumulatifs

A.  Étendue de l'obligation d'examiner les effets cumulatifs

    1.  Les exigences de la LCEE et de l'entente relative à la commission conjointe

L'obligation prévue par la LCEE figure à l'alinéa 16(1)a), qui se lit comme suit:

16. (1) L'examen préalable, l'étude approfondie, la médiation ou l'examen par une commission d'un projet portent notamment sur les éléments suivants:

    a) les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence d'autres ouvrages ou à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement [dans la version anglaise] in combination with other projects or activities that have been or will be carried out]; [Je souligne.]

De plus, le paragraphe 3 de l'appendice 1 joint à l'entente relative à la commission conjointe se lit comme suit:

[traduction] Les effets environnementaux du projet Cheviot Coal, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence actuelle ou éventuelle d'autres ouvrages ou à la réalisation actuelle ou éventuelle d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement. [Je souligne.]

Si l'on compare les deux dispositions précitées, on constate que l'entente relative à la commission conjointe élargit les exigences de la LCEE, c'est-à-dire qu'en vertu de la LCEE, les effets cumulatifs que le projet peut avoir doivent être examinés avec les autres projets qui ont été ou seront réalisés, [je souligne] comme le prévoit la version anglaise, alors que selon l'entente, les effets cumulatifs doivent être examinés avec "la réalisation actuelle ou éventuelle [je souligne] d'autres projets". Par conséquent, l'entente relative à la commission conjointe exige que certains projets qui n'ont pas encore été approuvés soient examinés.

    2.  Préoccupations fédérales

Dans les observations qu'il a présentées à la commission conjointe, le MPO a clairement dit que l'une de ses préoccupations, en ce qui concerne le projet, se rapporte à [traduction] "la perte d'habitat lotique ou la dégradation de l'habitat lotique par suite de la mise en valeur de la mine qui, combinée à la création de multiples puits de carrière dans la zone touchée, pourrait influer sur la fonction et sur l'intégrité des écosystèmes aquatiques en cause"30. En particulier, le MPO a mentionné en tant qu'effet de la perte ou de l'altération de l'habitat lotique les effets cumulatifs des [traduction] "multiples projets (par exemple, le projet d'exploitation minière proposé et les opérations forestières)"31.

Dans son rapport, la commission conjointe reconnaît que Parcs Canada s'inquiétait de ce que [traduction] "le projet Cheviot Coal, sous la forme proposée, risque clairement d'avoir des effets négatifs sur l'intégrité écologique du parc national Jasper". À cet égard, Parcs Canada a recommandé que [traduction ] "l'évaluation des effets cumulatifs et de la zone centrale soit élargie de façon à inclure les autres activités humaines envisagées ou prévisibles (par exemple, la récolte du bois, les travaux d'exploration et de développement se rapportant aux minerais ainsi qu'au pétrole et au gaz, les activités de loisirs, etc.) dans la zone plus étendue visée par l'analyse"32.

Par conséquent, la commission conjointe savait certainement que l'examen des effets cumulatifs devait comprendre les opérations forestières et les autres opérations minières. Compte tenu de l'analyse qui a été faite ci-dessus au sujet des exigences de la LCEE et de l'entente relative à la commission conjointe, je conclus que la commission conjointe était tenue d'obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations forestières et minières probables à proximité de l'emplacement du projet, de tenir compte de ces renseignements à l'égard des effets cumulatifs, de tirer des conclusions et de faire des recommandations au sujet de ce facteur, et de justifier ces conclusions et recommandations dans son rapport.

B.  Exécution de l'obligation

    1.  Opérations forestières

En ce qui concerne les opérations forestières dans les environs de l'emplacement du projet, la commission conjointe a fait la remarque suivante:

[traduction] La commission note également qu'en tentant d'évaluer les effets cumulatifs possibles (l'EEC), CRC a déclaré qu'elle ne pouvait pas obtenir les renseignements nécessaires d'autres sources industrielles, en particulier de l'industrie forestière. La commission se rend bien compte des problèmes que cela pose au demandeur. Étant donné que l'EEC est une exigence tant dans le cadre du processus d'EEE provincial que du processus fédéral, la commission croit que le gouvernement est tenu de veiller à ce que les données nécessaires puissent être obtenues ou subsidiairement à ce que la législation actuelle soit modifiée de façon à reconnaître les limitations que le manque de coopération entre différents secteurs industriels ou les sociétés au sein d'un secteur peuvent imposer à l'égard d'une EEC. Dans ce cas particulier, la commission note que CRC a pu utiliser les données du bassin hydrographique Tri-Creeks comme mesure de rechange des effets probables des pratiques de foresterie contemporaines tant en ce qui concerne les taux de rejet que la qualité de l'eau et qu'elle a constaté qu'il semblait y avoir peu d'effets. La commission ne s'attend donc pas à ce que les effets cumulatifs de l'exploitation d'une mine de charbon et des opérations forestières aux niveaux actuels ou prévus aient des effets importants sur les ressources halieutiques régionales, ou réduisent leur capacité en tant que ressources renouvelables, de satisfaire aux besoins actuels et futurs33.

Je conclus que cette déclaration prouve deux choses: la commission conjointe n'a pas obtenu les "renseignements nécessaires" et elle a déterminé qu'elle n'était pas tenue d'obtenir ces renseignements.

En fait, il existe des renseignements accessibles au sujet des opérations forestières futures probables à proximité de l'emplacement du projet. À la suite de l'audition de la demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-2354-97 devant le juge McKeown, la Cour d'appel a autorisé la production de nouveaux éléments de preuve sur ce point34. Les mêmes éléments de preuve ont été présentés dans la demande dont je suis ici saisi35. La preuve montre d'une façon concluante que des opérations forestières et de construction de route étendues seront probablement exercées au nord-est, à l'est et au sud-est de l'emplacement de la mine, du moins au cours des sept prochaines années.

En ce qui concerne les ongulés, voici ce que la commission conjointe a conclu:

[traduction] Compte tenu de la preuve, la commission est prête à reconnaître comme étant raisonnables les estimations que CRC a faites au sujet des effets prévus résultant de la mise en valeur et de l'exploitation de la mine à ciel ouvert et de l'usine de traitement du charbon sur les ongulés. La commission reconnaît qu'aux étapes du nettoyage du terrain, de l'installation de la mine et de la construction de l'usine ainsi que de l'exploitation de la mine et de l'usine, il y aura perte d'habitat et déplacement des ongulés. En outre, les déplacements normaux des ongulés à travers l'emplacement de la mine seront perturbés, peut-être dans une large mesure. On peut s'attendre à ce que certains effets se produisent après la durée d'exploitation de la mine (d'une vingtaine d'années), mais la commission croit que les populations d'ongulés peuvent être rétablies graduellement dans un délai raisonnable, de sorte que les effets seront amoindris, étant donné en particulier l'engagement que CRC a pris à l'égard de l'amélioration. La commission croit également que les ongulés en général pourront, à condition de ne pas être harcelés, s'adapter aux activités humaines dans les zones d'exploitation minière plus facilement que certaines autres espèces sauvages comme les loups et les grizzlis. Par conséquent, la commission croit que, pendant que la mine sera activement exploitée, les prévisions de CRC selon lesquelles les ongulés continueront à utiliser l'habitat non perturbé à la périphérie de l'emplacement de la mine à ciel ouvert et sur l'emplacement même de la mine sont raisonnables, à condition que ces zones soient bien gérées.

    [. . .]

Une quatrième source d'effets influant sur la réussite du programme de CRC visant à atténuer les effets sur les ongulés se rapporterait à l'effet cumulatif résultant de la perte de couverture forestière dans les zones voisines de l'emplacement de la mine. La commission croit que la préservation de ces zones, tant qu'une couverture forestière adéquate ne sera pas établie sur l'emplacement de la mine lui-même, constituera probablement un élément crucial aux fins du succès du rétablissement des populations d'ongulés. La commission note que dans une certaine mesure, CRC n'exerce aucun contrôle direct sur les quatre sources susmentionnées ayant des effets sur les ongulés (c'est-à-dire les activités humaines dans les zones non visées par le bail pendant que la mine est exploitée, les effets du déplacement des activités humaines qui étaient exercées sur l'emplacement de la mine, le rétablissement des activités humaines sur l'emplacement de la mine une fois les opérations minières terminées, et la perte de l'habitat des ongulés dans les environs de l'emplacement de la mine)36. [Je souligne.]

Il ressort de ces déclarations que la commission conjointe, tout en manifestant sa préoccupation à l'égard de l'habitat des ongulés dans la zone de la mine, s'est fondée sur l'hypothèse apparemment erronée selon laquelle la couverture forestière serait maintenue dans cette zone.

Je conclus donc que la commission conjointe a violé l'obligation qui lui incombait d'obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations forestières probables dans le voisinage de l'emplacement du projet, d'examiner ces renseignements du point de vue des effets cumulatifs, de tirer des conclusions et de faire des recommandations au sujet de cet élément, et de justifier ces conclusions et recommandations dans son rapport37.

    2.  Opérations minières

Les effets cumulatifs de l'exploitation d'une mine de charbon sur les carnivores constituent une question primordiale en l'espèce. La région géographique touchée s'appelle la zone de planification "Coal Branch", qui est une région étendue située sur le versant est des montagnes Rocheuses renfermant la zone visée par l'"évaluation des effets cumulatifs sur les carnivores" du projet, laquelle renferme de son côté l'emplacement de la mine.

Les renseignements du gouvernement de l'Alberta décrivent comme suit l'exploitation d'une mine de charbon dans la Coal Branch:

[traduction] Charbon"La mise en valeur du charbon dans la Coal Branch remonte au tournant du siècle et a augmenté jusqu'aux années 1950, lorsque les chemins de fer ont commencé à utiliser du carburant diesel. De gros projets d'exploitation du charbon ont alors été réalisés au fur et à mesure que la demande de charbon métallurgique et thermal a augmenté à la fin des années 1960 et au cours des années 1970. La production de charbon en 1984 était d'un peu moins de huit millions de tonnes (se répartissant moitié-moitié entre le charbon métallurgique et le charbon thermal). Les gisements houillers prouvés à l'heure actuelle dans la zone de planification renferment au total près de trois milliards de tonnes de charbon. Les droits relatifs au charbon ont en bonne partie été accordés. À l'heure actuelle, trois mines de charbon sont exploitées dans la Coal Branch. Des permis d'exploitation ont été délivrés à l'égard de deux autres projets et l'on attend que le marché international et le marché national charbonniers prennent de l'essor et se stabilisent. Le gouvernement a reconnu que des communications préliminaires au sujet de six projets d'exploitation de mines de charbon sont conformes aux politiques ou intentions gouvernementales pour ces zones. Compte tenu des travaux d'exploration, les gisements houillers les plus prometteurs sont prouvés et les réserves augmentent.

La région de la Coal Branch est importante aux fins de la mise en valeur de charbon de grande qualité à cause de la géologie et de l'infrastructure existante38.

En ce qui concerne l'intérêt manifesté à l'égard de la mise en valeur du charbon dans la Coal Branch et les deux permis qui ont été délivrés dans la zone, les demandeurs présentent la preuve suivante:

[traduction] 7. La planification intégrée des ressources, soit le processus qui a entraîné l'élaboration du Coal Branch Sub-Regional Integrated Resource Plan (l'IRP) est le mécanisme au moyen duquel la politique relative au versant est est mise en œuvre au moyen d'affectations plus détaillées et complètes de terres et de directives y afférentes. Selon l'IRP, six (6) "approbations de principe" ont été données par le gouvernement de l'Alberta à l'égard de nouveaux projets d'exploitation du charbon dans la zone visée par la planification où se trouve l'emplacement du projet Cheviot Coal proposé. En outre, selon l'IRP, trois mines de charbon sont exploitées dans la zone et des permis ont déjà été délivrés à l'égard de deux autres mines qui n'ont pas commencé à être exploitées (p. 9). Une copie du passage pertinent de l'IRP est jointe aux présentes sous la cote "3".

8. Les deux projets à l'égard desquels des permis ont déjà été délivrés sont des initiatives de Manalta Coal Ltd. Ils sont connus sous le nom de projets McLeod River et Mercoal. Au moment où la commission a effectué l'évaluation environnementale, ces deux mines n'étaient pas encore exploitées. Toutefois, des renseignements sur la nature des projets proposés et sur leur emplacement étaient disponibles au moment où la commission a tenu une audience à l'égard du projet Cheviot Coal étant donné que les demandeurs sont tenus, dans le cadre du processus de communication préliminaire, de soumettre des renseignements au sujet de l'étendue des effets environnementaux et du moment où ces effets doivent se produire et donner un aperçu de ces effets pour obtenir une "approbation de principe" (qui précède l'étape de l'autorisation) (voir la pièce "1", politique relative à la mise en valeur du charbon, p. 32). Étant donné que ces projets avaient été approuvés, leurs effets cumulatifs, combinés aux effets environnementaux du projet Cheviot Coal, sur l'écosystème aquatique et terrestre et sur les composantes environnementales valorisées de la zone visée auraient dû être examinés dans le rapport de la commission, mais ils ne l'ont pas été39 .

Le projet et une autre mine de CRC sont visés par les six approbations de principe. En ce qui concerne les cinq autres, les demandeurs ont soumis la preuve suivante:

[traduction] 12. La Coalition AWA a demandé à la commission d'enjoindre au gouvernement de l'Alberta de produire les "approbations de principe" se rapportant aux cinq (5) autres projets d'exploitation minière envisagés de façon qu'elle puisse en tenir compte dans son examen. Au minimum, la Coalition AWA voulait que la commission exige du moins la divulgation du nom des sociétés, de l'emplacement des mines de charbon et des quantités de charbon qui devaient être produites. La Coalition AWA croyait que ces renseignements étaient pertinents et nécessaires aux fins de l'évaluation environnementale effectuée par la commission en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale40 .

En ce qui concerne la demande visant à la production des "approbations de principe", voici ce que la commission conjointe a dit:

[traduction] La Coalition AWA a demandé à la commission d'enjoindre au gouvernement de l'Alberta de produire des copies des documents relatifs à la communication préliminaire, préparés en vertu des exigences de la politique relative à la mise en valeur du charbon de l'Alberta, pour un certain nombre d'autres mines de charbon à ciel ouvert qui avaient été proposées dans la zone. Le gouvernement de l'Alberta a informé la commission qu'à son avis, ces documents avaient été soumis à titre confidentiel et qu'ils ne pouvaient donc pas être communiqués, sauf peut-être à la suite d'une demande fondée sur la Freedom of Information and Protection of Privacy Act. Le gouvernement a également fait remarquer que les documents étaient désuets et que certains d'entre eux avaient été soumis au milieu des années 1970, et qu'en l'absence d'une personne qui était en mesure d'en parler, il ne serait pas possible de déterminer si les diverses propositions étaient encore pertinentes.

La commission a conclu qu'étant donné que les personnes en cause s'attendaient à ce que les documents soient soumis à titre confidentiel et, fait encore plus important, que personne, y compris le demandeur, n'était en mesure de déterminer si ces documents étaient pertinents, elle n'était pas prête à tenter d'ordonner que les documents soient soumis à l'audience41.

Je conclus que cette déclaration établit que la commission conjointe n'a pas ordonné la production de renseignements relatifs à la mine parce qu'elle a interprété d'une façon erronée son pouvoir à cet égard et qu'elle n'a pas compris qu'elle était tenue de se prononcer sur leur pertinence une fois qu'ils seraient produits.

Par conséquent, en ce qui concerne les deux projets à l'égard desquels des permis ont été délivrés et des cinq projets qui ont fait l'objet d'approbations de principe, je conclus que la commission conjointe a violé l'obligation qui lui incombait d'obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations minières probables dans les environs de l'emplacement du projet, d'examiner ces renseignements à l'égard des effets cumulatifs, de tirer des conclusions et de faire des recommandations au sujet de cet élément et de justifier ces conclusions et recommandations dans son rapport.

    V.  La commission conjointe: Y a-t-il eu

    manquement à une obligation? Solution de rechange

A.  Étendue de l'obligation d'examiner les solutions de rechange

L'alinéa 16(2)b) prévoit ce qui suit:

16. [. . .]

(2) L'étude approfondie d'un projet et l'évaluation environnementale qui fait l'objet d'une médiation ou d'un examen par une commission portent également sur les éléments suivants:

    [. . .]

    b) les solutions de rechange réalisables sur les plans technique et économique, et leurs effets environnementaux;

En l'espèce, en ce qui concerne la méthode d'exploitation, je conclus que les exigences de cette disposition sont limitées aux solutions de rechange par rapport à l'exploitation d'une mine à ciel ouvert, soit l'exploitation d'une mine souterraine. Au sujet de cet élément, la commission a fait les remarques suivantes:

[traduction] En ce qui concerne les opérations minières existantes, la commission est prête à retenir la prétention de CRC selon laquelle l'exploitation de la mine Luscar tire à sa fin et que, pour que CRC puisse continuer à exercer ses activités dans la région de Hinton, une autre source de charbon métallurgique sera nécessaire. La commission croit également que CRC a fait un effort raisonnable en vue d'évaluer et d'apprécier les solutions de rechange réalisables. La commission note qu'aucun autre titulaire de bail ne s'est présenté aux audiences en vue de faire savoir qu'il était prêt à donner à CRC l'accès à une autre source de charbon ou de proposer une solution de rechange. La commission tient également compte de la réticence de CRC et des employés de CRC à exploiter une mine souterraine ou, compte tenu des préoccupations exprimées par le hameau de Cadomin, à mettre en valeur la zone Cadomin Est en ce moment, compte tenu en particulier des réserves relativement peu abondantes qui y sont en cause. La commission note également que la mise en valeur des autres baux d'exploitation d'une mine de charbon actuellement détenus par CRC, même si elle est rentable, poserait également des problèmes environnementaux et sociaux connexes. Malgré la prétention de la Coalition AWA, la commission estime avoir obtenu suffisamment d'éléments de preuve pour être en mesure de déterminer si les solutions de rechange proposées étaient réalisables sur les plans technique et environnemental.42

    [. . .]

En ce qui concerne la nécessité du projet Cheviot Coal et ses solutions de rechange, la commission conclut que CRC a établi que, sous réserve de l'obtention des approbations fédérales et provinciales nécessaires, elle a le droit de procéder à l'extraction des ressources charbonnières dans la zone de permis visée. La commission croit que CRC a tenu compte d'une façon adéquate des autres sources possibles de charbon métallurgique et que le projet Cheviot Coal fournit à CRC, au point de vue économique, une combinaison optimale de réserves de charbon, de charbon de qualité et d'accès à l'infrastructure. La commission conclut également que, selon des hypothèses économiques raisonnables, le projet Cheviot Coal est économiquement viable et conférera des avantages économiques importants tant à la région qu'à la province43.

En ce qui concerne les solutions de rechange, les passages cités du rapport établissent que la commission conjointe a limité son examen à cause des préoccupations d'ordre pratique et économique de CRC et par conséquent les conditions de sa proposition. Comme il en a ci-dessus été fait mention, CRC a demandé l'approbation réglementaire de l'Alberta à l'égard d'une mine de charbon à ciel ouvert, et la portée de l'EEE était donc limitée en conséquence. Il semble que par suite de cette limitation, l'examen de la commission conjointe était lui aussi restreint44.

La commission conjointe examine d'une façon générale dans son rapport la solution de rechange qu'offre l'exploitation d'une mine souterraine, mais les effets de cette solution de rechange, comparativement aux effets de l'exploitation d'une mine à ciel ouvert, ne sont pas examinés en détail. Je souscris à l'argument du demandeur selon lequel la simple identification des "solutions de rechange" possibles sans examen comparatif des effets environnementaux ne permet pas aux décideurs d'avoir des renseignements utiles et ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa 16(2)b ) de la LCEE.

Il est vrai que, comme l'affirme la commission conjointe45, CRC a le droit de procéder à l'extraction des ressources charbonnières dans la zone de permis visée, mais je conclus qu'elle n'a pas le droit de le faire en exploitant une mine à ciel ouvert46.

Je conclus donc qu'une analyse comparative entre l'exploitation d'une mine à ciel ouvert et l'exploitation d'une mine souterraine sur l'emplacement du projet est nécessaire en vue de satisfaire aux dispositions de l'alinéa 16(2)b).

À l'audience, l'avocat de CRC a souligné avec tact qu'avant que la commission conjointe ait examiné le projet en vertu de la LCEE, toutes les approbations réglementaires de l'Alberta menant à une décision définitive avaient été données. Il a été souligné que cela étant, la préoccupation du ministre et par conséquent les exigences de la LCEE sont accessoires à ce processus presque complet. Je réponds à cette assertion en disant que la LCEE ainsi que la législation de l'Alberta en matière de ressources et de protection de l'environnement servent les intérêts de la population de l'Alberta et que les dispositions y afférentes doivent donc être observées telles qu'elles sont libellées.

    VI.  La commission conjointe: Y a-t-il eu

    manquement à une obligation? L'équité procédurale

Le seul argument fondé sur l'équité procédurale qui a été invoqué en l'espèce découle de ce qui semble être un oubli de la part du secrétariat de la commission conjointe.

La preuve soumise pour le compte de la Fédération canadienne de la nature établit à ma satisfaction que l'on s'attendait légitimement à ce que le secrétariat de la commission conjointe présente à cette dernière pour examen les observations intitulées: "The Canadian Nature Federation's Response to the Environmental Impact Assessment of the Proposed Cheviot Mine Project" et "The Canadian Nature Federation's Response to Norwest's Overview of Rock Waste Disposal Cheviot Mine Plan". Étant donné que ni l'un ni l'autre document n'est mentionné dans le rapport de la commission conjointe ou ne figure sur la liste de pièces de la commission conjointe, je conclus qu'il est indirectement possible de présumer selon la prépondérance des probabilités que ni l'un ni l'autre document n'a été soumis à la commission conjointe pour examen47 .

Je conclus donc que, par suite d'un manquement à l'application régulière de la loi fondée sur des attentes légitimes, la commission conjointe a commis une erreur susceptible de révision en ce sens qu'elle n'a pas tenu compte des renseignements qu'elle avait acceptés pour examen.

    VII.  Conclusion relative aux sections II à VI

A.  En ce qui concerne la présente demande T-1790-98:

Pour les motifs énoncés, je conclus qu'étant donné que la commission conjointe a violé ses obligations et qu'elle a commis une erreur en ce qui concerne l'application régulière de la loi, l'évaluation environnementale n'a pas été effectuée en l'espèce conformément aux exigences de la LCEE et que le ministre a donc donné son autorisation sans avoir la compétence voulue. Par conséquent, l'autorisation est annulée.

B.  En ce qui concerne le dossier T-2354-97:

En ce qui concerne l'inobservation des exigences de la LCEE qu'il est possible de constater dans le rapport de la commission conjointe, de nombreux avis ont été exprimés dans le cadre des plaidoiries au sujet de la question de savoir si le rapport de la commission conjointe, ou du moins les conclusions et recommandations qui y sont énoncées, peut être annulé et renvoyé à la commission conjointe pour qu'un autre examen soit effectué conformément à l'alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)]48. Les précédents mentionnés ci-dessus ne donnent aucune directive claire sur ce point.

De plus, au cours de la présentation des plaidoiries, j'ai exprimé l'avis selon lequel, s'il est conclu que la commission conjointe n'a pas effectué l'évaluation environnementale conformément aux exigences de la LCEE, l'approche la moins contraignante serait adoptée pour assurer l'observation.

À mon avis, l'approche la plus appropriée en vue d'assurer l'observation est celle que l'avocat du ministre a proposée, laquelle est fondée sur les dispositions de l'article 24 [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 27; 1994, ch. 46, art. 2] de la LCEE, qui se lit comme suit:

24. (1) Si un promoteur se propose de mettre en œuvre, en tout ou en partie, un projet ayant déjà fait l'objet d'une évaluation environnementale, l'autorité responsable doit utiliser l'évaluation et le rapport correspondant dans la mesure appropriée pour l'application des articles 18 ou 21 dans chacun des cas suivants:

    a) le projet n'a pas été mis en œuvre après l'achèvement de l'évaluation;

    b) le projet est lié à un ouvrage à l'égard duquel le promoteur propose une réalisation différente de celle qui était proposée au moment de l'évaluation;

    c) les modalités de mise en œuvre du projet ont par la suite été modifiées;

    d) il est demandé qu'un permis, une licence ou une autorisation soit renouvelé, ou qu'une autre mesure prévue par disposition réglementaire soit prise.

(2) Dans les cas visés au paragraphe (1), l'autorité responsable veille à ce que soient apportées au rapport les adaptations nécessaires à la prise en compte des changements importants de circonstances survenus depuis l'évaluation et de tous renseignements importants relatifs aux effets environnementaux du projet.

Compte tenu des conclusions que j'ai tirées, conformément à l'alinéa 24(1)a), il est clair que le projet ne peut pas être mis en œuvre tant que la commission conjointe n'aura pas effectué une évaluation environnementale conformément à la LCEE. Par conséquent, comme l'a soutenu l'avocat du ministre, en vertu du paragraphe 24(2), le ministre est à mon avis autorisé à ordonner à la commission conjointe de se réunir et est tenu de le faire et, compte tenu de mes conclusions, de lui ordonner de faire ce qui est nécessaire pour apporter des ajustements à son rapport de façon que l'évaluation environnementale puisse être jugée conforme à la LCEE. À mon avis, pour assurer ce résultat, il faut satisfaire aux directives suivantes:

(1) Obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations forestières probables dans les environs de l'emplacement du projet, examiner ces renseignements au point de vue des effets cumulatifs, tirer les conclusions et faire les recommandations qui s'imposent au sujet de cet élément et justifier ces conclusions et recommandations dans le rapport;

(2) Obtenir tous les renseignements disponibles au sujet des opérations minières probables dans les environs de l'emplacement du projet, examiner ces renseignements au point de vue des effets cumulatifs, et tirer les conclusions et faire des recommandations qui s'imposent au sujet de cet élément, et justifier ces conclusions et recommandations dans le rapport;

(3) En ce qui concerne les solutions de rechange, effectuer une analyse comparative entre l'exploitation d'une mine à ciel ouvert et l'exploitation d'une mine souterraine à l'emplacement du projet en vue de déterminer la faisabilité comparative sur les plans technique et économique et les effets environnementaux comparatifs de chaque genre d'exploitation, examiner ces renseignements, tirer des conclusions et faire des recommandations au sujet de cet élément, et justifier ces conclusions et recommandations dans le rapport;

(4) Examiner les documents intitulés: "The Canadian Nature Federation's Response to the Environmental Impact Assessment of the Proposed Cheviot Mine Projet" et "The Canadian Nature Federation's Response to Norwest's Overview of Rock Waste Disposal Cheviot Mine Plan".

Étant donné les conclusions que j'ai tirées et l'ordonnance que j'ai rendue dans cette demande (T-1790-98), je refuse ici d'exercer mon pouvoir discrétionnaire de façon à accorder un redressement dans le dossier T-2354-97.

    VIII.  Dossier T-1790-98:

    L'autorisation est-elle "contraire à la loi"

    au sens de l'alinéa 18.1(4)f) de la

    Loi sur la Cour fédérale49?

Étant donné que l'autorisation est annulée, la réponse à cette question pourrait être considérée comme théorique. Toutefois, les demandeurs et le défendeur m'ont demandé de répondre à la question parce qu'il faudra certainement donner une réponse au sujet des autorisations qui, contrairement à celle qui est ici en cause, permettront le dépôt de roches dans le lit de cours d'eau.

Le critère qui s'applique lorsqu'il s'agit de savoir si la question est théorique et, dans l'affirmative, si je dois néanmoins y répondre a été énoncé comme suit par le juge Sopinka dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général)50, à la page 353:

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer. J'examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d'exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot "théorique" (moot ) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre. Pour être précis, je considère qu'une affaire est "théorique" si elle ne répond pas au critère du "litige actuel". Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient. [Je souligne.]

Je conclus qu'il existe un "litige concret" à ce sujet et je dois donc répondre à la question.

Dans cette contestation de l'autorisation donnée par le ministre, il s'agit de savoir quelle interprétation il convient de donner au libellé du paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs (le Règlement sur les DM)51 tel qu'il a été pris en vertu de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs (la Loi sur la COM)52. En ce qui concerne cette question, les plaidoiries écrites du demandeur sont fort claires et précises et, pour exposer les questions à trancher, je ne puis faire mieux que de les citer, sans les renvois:

[traduction]

Question 1: Est-il interdit au MPO de donner des autorisations en vertu de la Loi sur les pêches à l'égard d'aspects du projet qui contreviennent au Règlement sur les OM?

32. La Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (la LCF) prévoit ce qui suit:

    18.1(4)f) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas: [. . .] a agi de toute autre façon contraire à la loi.

33. En donnant les autorisations à l'égard du projet Cheviot Coal en vertu de la Loi sur les pêches, le MPO permettrait le dépôt de millions de tonnes de stériles et de matériaux dans des régions fréquentées par les oiseaux migrateurs, en particulier les canards arlequins: Cela serait "contraire à la loi". Le Règlement sur les OM prévoit ce qui suit:

    35.(1) Sous réserve du paragraphe (2), il est interdit de déposer ou de permettre que soient déposés du pétrole, des résidus de pétrole ou d'autres substances nocives pour les oiseaux migrateurs dans des eaux ou une région fréquentées par ces oiseaux.

    (2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas au dépôt d'une substance de la sorte, de la quantité et dans les conditions autorisées par

        a) les règlements légalement établis par le gouverneur en conseil dans les eaux où s'appliquent ces règlements; ou

        b) le ministre, à des fins scientifiques.

34. Le rapport de la commission énonce les conclusions de fait suivantes au sujet du projet et de ses effets sur les canards arlequins ainsi que sur d'autres oiseaux migrateurs:

    (i) Le projet, tel qu'il a été proposé et tel qu'il a été approuvé par le MPO et par le gouverneur en conseil, prévoit expressément le dépôt de grosses quantités de stériles dans des régions fréquentées par les oiseaux migrateurs. Dans le cadre de l'exploitation de la mine on enlèvera des millions de tonnes de stériles, de débris et d'autres matériaux, qui seront en bonne partie déposés dans les vallées de cours d'eaux, sur l'emplacement du projet. Le dépôt de ces stériles aura pour effet d'enterrer d'une façon permanente au moins trois cours d'eau et fonds de vallées qui constituent un habitat important que les canards arlequins et d'autres oiseaux migrateurs utilisent pour y faire leur nid, y élever leurs petits et à d'autres fins.

    (ii) De l'aveu même de CRC, les opérations minières proposées "entraîneraient la perte permanente de deux zones de nids probables [pour les canards arlequins] (soit les ruisseaux Cheviot et Thornton) et certaines parties du ruisseau MacKenzie [qui est également désigné comme étant un emplacement de nids] et d'un de ses tributaires. De plus, le ruisseau Harris, qui est un emplacement possible de nids, serait modifié". Par suite de la perte de ces zones de nids, la commission a conclu que "certaines réductions de la population actuelle d'oiseaux nicheurs [des canards arlequins] [. . .] se produiront et en outre qu'il existe un risque important que la population ne puisse pas se rétablir à cause de la perte permanente d'habitat". Ces réductions de populations "peuvent avoir une importance au niveau local, régional ou même provincial".

    (iii) Les canards arlequins sont en danger et leur nombre est en forte baisse partout où ils se trouvent en Amérique du Nord, et la destruction d'habitat est une cause majeure de leur déclin.

    (iv) Les canards arlequins sont une espèce "loyale au nid", c'est-à-dire qu'ils retournent au même endroit chaque année pour y faire leur nid. Ils sont "particulièrement touchés par les perturbations".

    (v) La population de canards arlequins dans les environs de la mine Cheviot (la population de la rivière McLeod) est importante sur le plan régional et constitue la deuxième population la plus importante de arlequins jusqu'à maintenant en Alberta.

    (vi) La diversité des autres espèces d'oiseaux migrateurs dans la région où est située la mine Cheviot proposée est également "fort importante". De nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs qui utilisent l'emplacement Cheviot sont en baisse en Alberta, en particulier à cause de la perte de l'habitat riverain (au bord des cours d'eau).

    (vii) La commission a conclu que "la réalisation du projet Cheviot Coal aura un effet négatif important" sur de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs qui utilisent cette région.

35. Compte tenu des conclusions claires qui figurent dans le rapport de la commission et de la preuve présentée par Environnement Canada (soit l'organisme spécialisé responsable des oiseaux migrateurs), la délivrance d'autorisations en vertu de la Loi sur les pêches à l'égard des opérations minières proposées entraînera le dépôt de substances nocives dans des régions fréquentées par les oiseaux migrateurs. Les mesures prises par le MPO seront donc "contraires à la loi" (art. 35 du Règlement sur les OM ) et assujetties au contrôle judiciaire en vertu de l'alinéa 18.1(4)f) de la LCF53.

A.  Qu'entend-on par "d'autres substances nocives pour les oiseaux migrateurs"?

Il s'agit essentiellement d'établir l'intention du législateur. Le défendeur soutient qu'il est possible d'établir cette intention au moyen de la règle d'interprétation législative ejusdem generis et que l'application de la règle entraînera une interprétation stricte des mots "d'autres substances", à savoir "d'autres substances semblables à du pétrole"54.

La règle est énoncée dans l'arrêt Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris55, où le juge La Forest dit ceci à la page 1040:

Quel que soit le document particulier qui est interprété, lorsque l'on trouve une clause qui énonce une liste de termes précis suivie d'un terme général, il conviendra normalement de limiter le terme général au genre de l'énumération restreinte qui le précède. [Je souligne.]

Il est intéressant de noter que le juge La Forest emploie le mot "normalement". À mon avis, cela veut dire qu'une règle générale d'interprétation est utile à moins que l'intention du législateur ne soit par ailleurs claire. Je conclus que tel est ici le cas et je n'accorde donc aucune importance à l'argument du défendeur.

L'objectif de la Loi sur la COM est énoncé comme suit à l'article 4:

4. La présente loi a pour objet la mise en œuvre de la convention par la protection des oiseaux migrateurs et de leurs nids.

La convention mentionnée à l'article 4, qui a été conclue en 1916, figure à l'annexe à la Loi sur la COM; son préambule se lit comme suit:

Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande et des Dominions britanniques d'outre-mer, Empereur des Indes, et les États-Unis d'Amérique, désireux de sauver du massacre général les oiseaux migrateurs qui sont utiles à l'homme ou inoffensifs, et d'assurer la conservation de ces oiseaux, ont décidé d'adopter un système uniforme de protection qui accomplira cet objet d'une façon efficace, et afin de pouvoir conclure une convention dans ce sens, ont nommé comme leurs plénipotentiaires respectifs:

En ce qui concerne le Règlement sur les OM, l'article 12 de la Loi sur la COM précise que le gouverneur en conseil peut prendre les règlements nécessaires pour assurer la réalisation des objectifs et dispositions de la Loi sur la COM et de la Convention, et notamment:

12. (1) [. . .]

    h) viser l'interdiction de tuer, de capturer, de blesser, de prendre ou de déranger des oiseaux migrateurs, ou d'endommager, de détruire, d'enlever ou de déranger leurs nids;

    i) établir des zones de protection pour les oiseaux migrateurs et leurs nids et en prévoir la surveillance et la gestion;

Je conclus, en me fondant sur ces dispositions, que le législateur a clairement exprimé son intention de fournir une protection étendue aux oiseaux migrateurs et que les mots en question doivent donc être interprétés d'une façon similaire. Je conclus donc que toute substance, y compris le pétrole et les résidus de pétrole, peut être prohibée si elle est "nocive".

En ce qui concerne la question de savoir quelles substances sont "nocives" pour les oiseaux migrateurs, je conclus que l'interprétation de ce mot dépend des faits de chaque affaire. La roche peut de fait être inerte, comme le défendeur le soutient, mais je souscris à l'argument du demandeur selon lequel le dépôt de millions de tonnes de roche dans le lit des cours d'eau constitue une menace pour la préservation des oiseaux migrateurs qui y font leur nid et que, dans ces conditions, cela est donc "nocif" au sens du paragraphe 35(1) du Règlement sur les OM.

B.  Application du paragraphe 35(1) du Règlement sur les OM au ministre

Le paragraphe 35(1) vise toute personne qui dépose des substances nocives ou en permet le dépôt. Il se pourrait fort bien que même si le ministre agit en vertu d'un pouvoir légitime en donnant une autorisation en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches en vue de permettre "la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson", comme l'autorisation le permet en l'espèce56 , il soit néanmoins tenu responsable en vertu du paragraphe 35(1) du Règlement sur les OM.

Je souscris à l'argument des demandeurs selon lequel, compte tenu de cette responsabilité, la délivrance de l'autorisation est "contraire à la loi" au sens de l'alinéa 18.1(4)f ) de la Loi sur la Cour fédérale.

Cependant, il existe une façon d'éviter ce résultat, qui découle de dispositions législatives apparemment contradictoires. En vertu du paragraphe 35(2) du Règlement sur les OM, cité plus haut dans les arguments des demandeurs, le ministre peut éviter toute responsabilité découlant de la violation du paragraphe 35(1) du Règlement sur les OM en prenant les règlements appropriés. Si, en l'espèce, l'autorisation était donnée dans le cadre de la compétence du ministre et si les règlements avaient été pris en vertu du paragraphe 35(2) avant que l'autorisation soit donnée, l'argument du demandeur ne pourrait pas être retenu.

J'ai répondu à la question, mais je refuse d'exercer mon pouvoir discrétionnaire de façon à rendre un jugement déclaratoire ou à interdire la délivrance des autorisations visées par la Loi sur les pêches étant donné que le ministre peut facilement bénéficier de la protection réglementaire nécessaire en vue d'éviter toute responsabilité. De toute évidence, en l'absence de pareille protection, toute autre autorisation qui serait donnée serait assujettie au contrôle judiciaire et à une ordonnance, au gré de la Cour.

1 Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14.

2 Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37.

3 Lorsque j'ai entendu cette demande, j'ai conclu que la réponse fédérale n'a rien à voir avec les questions à trancher.

4 Le ministre et CRC, au moyen d'avis de requête distincts déposés les 18 et 26 novembre 1997, ont demandé la radiation de l'avis de requête introductive d'instance des demandeurs, entre autres pour le motif qu'il avait été déposé en dehors du délai en ce qui concerne le rapport de la commission conjointe. Au moyen d'une requête incidente déposée le 27 novembre 1997, les demandeurs ont demandé une prorogation du délai de 30 jours. Le 2 décembre 1997 [(1997), 26 C.E.L.R. (N.S.) 238 (C.F. 1re inst.)], M. le juge Hugessen a rejeté les requêtes du ministre et de CRC. Le 24 mars 1998, j'ai accordé le statut d'intervenant à Wayne Roan (agissant pour son propre compte) et à tous les autres membres du Smallboy Camp et le 15 avril 1998, le protonotaire Hargrave a accordé le statut d'intervenant aux Premières nations visées par le traité no 8 [(1998), 27 C.E.L.R. (N.S.) 293 (C.F. 1re inst.)]. Le Smallboy Camp et les Premières nations visées au traité no 8 ont participé à l'audition initiale de la demande de contrôle judiciaire, mais ils n'ont pas participé à la nouvelle audience qui a par la suite été tenue devant moi.

5 La demande présentée dans le dossier T-1790-98 vise à l'obtention d'un redressement à l'égard de cette autorisation [traduction] "et à toute autre autorisation ou approbation qui peut être donnée par le ministre des Pêches et des Océans à l'égard de tout ou partie du projet Cheviot Coal avant l'audition de cette affaire". Le 29 septembre 1998, une autre autorisation a été donnée et dans leurs plaidoiries écrites, les demandeurs ont sollicité un redressement à cet égard également. Toutefois, dans ses plaidoiries orales, l'avocat des demandeurs a fait savoir qu'il n'insisterait pas sur cette question; je refuse donc de reconnaître ma compétence à l'égard de l'autorisation du 29 septembre 1998.

6 Pendant l'audience, CRC a soutenu que je devrais examiner l'argument selon lequel les demandeurs avaient présenté tardivement leur demande dans le dossier T-2354-97 et qu'ils ne peuvent donc pas invoquer l'argument fondé sur la suffisance du rapport de la commission conjointe, lequel est une condition essentielle de l'autorisation dans les deux demandes de contrôle judiciaire. J'ai rejeté cet argument à l'audience étant donné qu'il avait été invoqué devant la Cour d'appel dans le dossier T-2354-97; je conclus, compte tenu des remarques suivantes que le juge Sexton a faites, que cet argument n'a pas été retenu [aux p. 494 et 495]:

    [ . .] je crois que pour les raisons pratiques mentionnées par les appelants, l'affaire doit être renvoyée à la Section de première instance et être entendue avec la demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier T-1790-98. Ces affaires soulèvent les mêmes questions et sont fondées sur les mêmes faits. Nous remarquons qu'à l'audition de l'appel, les appelants ont convenu d'accélérer l'audition de l'affaire T-1790-98 si cette Cour était prête à entendre les demandes ensemble comme ils l'avaient proposé. Telle est la procédure qu'il convient de suivre, étant donné qu'elle aurait pour effet d'atténuer le préjudice causé à l'intimé par suite du retard.

    L'appel est accueilli, la décision du juge qui a entendu la demande est annulée et l'affaire est renvoyée à la Section de première instance pour décision au fond. [Je souligne.]

Je conclus donc que la compétence est complète tant dans le dossier T-2354-97 que dans le dossier T-1790-98.

7 Lorsque j'ai entendu la demande, l'avocat a soutenu que l'affaire T-1790-98 devrait être entendue en premier étant donné que toute décision concernant la LCEE qui y est rendue aura pour effet de régler le litige dans le dossier T-2354-97.

8 Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035.

9 Comme il en sera ci-dessous fait mention, les obligations d'une commission qui effectue une évaluation environnementale exclusivement en vertu de la LCEE sont les mêmes que celles qui incombent en l'espèce à la commission conjointe lorsqu'elle effectue une évaluation environnementale en vertu de la LCEE et de la législation de l'Alberta.

10 Dossier de demande des demandeurs (mémoire des faits et du droit): T-1790-98, à la p. 22.

11 Les passages pertinents de cette décision sont joints à l'appendice 1.

12 Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd. (1996), 137 D.L.R. (4th) 177 (C.A.F.).

13 Dans Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1998] 4 C.F. 340 (1re inst.), à la p. 360, le juge Gibson a tiré une conclusion similaire. En ce qui concerne l'exercice du pouvoir discrétionnaire, il a conclu que la norme de contrôle est celle du caractère raisonnable. En l'espèce, le défendeur soutient que la norme de contrôle qui s'applique aux décisions discrétionnaires devrait être celle du caractère manifestement déraisonnable, compte tenu en partie de l'argument selon lequel l'art. 42 [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 33] de la LCEE, qui se lit comme suit, constitue une clause privative:

     42. Dans le cas où le ministre constitue la commission visée au paragraphe 40(1), l'examen effectué par celle-ci est réputé satisfaire aux exigences de la présente loi et des règlements en matière d'évaluation environnementale effectuée par une commission.

Je rejette cet argument parce que l'art. 42 ne peut pas être ainsi interprété; il s'agit d'une disposition qui établit simplement qu'une évaluation effectuée par une commission conjointe satisfait aux exigences législatives qui s'appliquent aux évaluations effectuées par des commissions non conjointes. Cette disposition n'établit aucune norme de contrôle. Quoi qu'il en soit, comme le montrera l'analyse effectuée ci-dessous, l'examen en l'espèce se rapporte uniquement à des erreurs de droit.

14 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, aux p. 582 à 584.

15 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 586.

16 Cela est tout à fait contraire à ce qui se passe dans le cadre du processus réglementaire de l'Alberta qui, comme il en a ci-dessus été fait mention, exige en premier lieu un grand nombre d'approbations gouvernementales. La preuve sur ce point est tirée du témoignage qui a été présenté devant la commission conjointe par M. Robert L. Stone, directeur, Évaluation environnementale, Alberta Environmental Protection, qui dans une lettre datée du 18 septembre 1996 a dit ceci: [traduction] "À mon avis, le rapport d'évaluation des effets environnementaux [l'EEE] [de CRC] est complet conformément à l'article 51 de l'Environmental Protection and Enhancement Act." (Dossier de demande du défendeur, vol. I: T-2354-97, à la p. 373.) En ce qui concerne le sens de cette approbation, le président de la commission conjointe a posé la question suivante à M. Stone pendant les audiences publiques: [traduction ] "puis-je conclure que l'AEP croit que Cardinal River Coals a traité d'une façon adéquate des effets cumulatifs de son projet dans son évaluation environnementale?" ce à quoi M. Stone a répondu: [traduction ] "Oui, vous le pouvez." (Id ., à la p. 136.)

17 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 767.

18 Id., à la p. 768.

19 Ibid.

20 Id., à la p. 584.

21 Lors de l'audition de la présente demande, CRC a soutenu que le mandat concernant l'évaluation environnementale effectuée en vertu de la LCEE a été établi au moyen du processus par lequel le mandat se rapportant à l'EEE est établi, c'est-à-dire qu'il n'y a qu'un seul mandat et que l'évaluation environnementale est donc limitée à l'examen des effets d'une mine de charbon à ciel ouvert. Il est clair que cet argument doit être rejeté parce que l'alinéa 4c) du [traduction] "Mandat de la commission chargée du projet Cheviot Coal" définit le mandat relatif à l'EEE comme ne constituant qu'un élément d'information à prendre en considération.

22 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 797.

23 Au cours de l'audition de la présente affaire, en ce qui concerne en particulier les "solutions de rechange", l'avocat de CRC a soutenu que la portée des éléments à examiner était celle qui était énoncée à l'égard de l'EEE et qu'en ce qui concerne les "solutions de rechange", la portée de l'évaluation devait donc être considérée comme étant limitée à une mine à ciel ouvert. Je rejette cet argument étant donné que le libellé de l'entente relative à la commission conjointe ne prévoit aucune restriction de ce genre et de fait prévoit que l'évaluation a une portée aussi large que possible.

24 Loi canadienne sur l'évaluation environnementale: Guide des autorités responsables, Agence canadienne d'évaluation environnementale, Hull, nov. 1994. Le passage pertinent se lit comme suit:

    [traduction] "Lorsqu'il n'existe pas suffisamment de renseignements au sujet d'activités ou de projets futurs, aux fins de l'évaluation des effets cumulatifs que le projet proposé pourra avoir, il faut se fonder sur son jugement professionnel" (Recueil de jurisprudence des demandeurs, vol. II: T-1790-98, onglet 81, à la p. 138.)

25 Supra, note 12.

26 La description de cette approche par la commission conjointe est jointe à titre d'appendice 2.

27 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 589.

28 L'avocat des demandeurs a essentiellement souscrit à cette interprétation pendant l'audience, mais il restait à savoir s'il fallait tenir compte des "mesures d'atténuation" en déterminant l'importance à accorder à chaque effet.

29 L'expression "mesures d'atténuation" est définie comme suit à l'art. 2(1) de LCEE:

    2. (1) [. . .]

    "mesures d'atténuation" Maîtrise efficace, réduction importante ou élimination des effets environnementaux négatifs d'un projet, éventuellement assortie d'actions de rétablissement notamment par remplacement ou restauration; y est assimilée l'indemnisation des dommages causés.

En ce qui concerne les mesures d'atténuation, les demandeurs soutiennent qu'en ce qui concerne l'examen par la commission conjointe des effets environnementaux sur les carnivores, la mise en œuvre d'un programme de surveillance portant sur les carnivores n'est pas une mesure d'atténuation au sens de la loi. Je n'accorde aucune importance à cet argument étant donné que je conclus, en me fondant sur les faits de l'affaire, que la surveillance est une mesure de contrôle.

30 Observations du ministère des Pêches et des Océans, dossier de demande des demandeurs, vol. I: T-2354-97, à la p. 500.

31 Id., à la p. 501.

32 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 663.

33 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 636.

34 Affidavit de Dianne Pachal, 19 février 1998: dossier supplémentaire de demande des demandeurs, vol. III: T-2354-97, à la p. 1.

35 Affidavit de Dianne Pachal, 13 octobre 1998: dossier de demande des demandeurs (documents et preuve): T-1790-98, à la p. 20.

36 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, aux p. 679 et 681.

37 Lorsque le défendeur a présenté sa preuve dans cette demande, il a été fait mention d'éléments de preuve, figurant dans l'EEE et ailleurs, concernant les opérations forestières dans la zone du projet. Toutefois, comme il a été conclu ci-dessus, même s'il existe certains renseignements, cela ne veut pas dire que la commission conjointe est libérée de l'obligation d'en tenir compte, ou de tenir compte des autres renseignements disponibles, dans l'exécution de ses obligations en matière d'établissement d'un rapport. Même si certains renseignements n'ont pas été présentés, cela ne change rien au fait que tous les renseignements disponibles n'ont pas été rassemblés et le fait que la commission conjointe a utilisé une [traduction] "mesure de rechange dont les effets étaient similaires" ne remédie pas à cette lacune.

38 Dossier de demande des demandeurs (documents et preuve): T-1790-98, à la p. 48.

39 Id., à la p. 22.

40 Id., à la p. 23.

41 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 595.

42 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 600.

43 Id., à la p. 736.

44 Les demandeurs soutiennent également que la commission conjointe n'a pas examiné d'une façon adéquate les effets environnementaux du système de transport et de services publics et de l'usine de traitement du charbon, mais étant donné les conclusions tirées aux p. 26 et 29 du rapport (dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, aux p. 607 et 609), je conclus que l'on conteste la qualité de la preuve qui a été examinée et que cela n'a donc rien à voir avec une erreur susceptible de révision.

45 Dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, à la p. 600.

46 Les demandeurs se sont fondés sur l'assertion mentionnée à l'appui de l'argument selon lequel la commission conjointe a omis de satisfaire aux exigences de l'art. 16(1)e), mais je n'y accorde aucune importance. La nécessité du projet au point de vue public et privé a été établie par les approbations réglementaires de l'Alberta qui avaient été données avant que la commission conjointe effectue son examen et, cela étant, la commission conjointe a tiré des conclusions motivées selon lesquelles CRC avait établi la nécessité du projet Cheviot Coal. (Voir le dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, aux p. 600 et 601). Je conclus donc que la commission conjointe s'est acquittée de l'obligation que lui imposait l'art. 16(1)e).

47 Cette conclusion est fondée sur l'affidavit d'Anne Kendrick du 4 février 1998: Dossier de demande du défendeur, vol. I: T-2354-97, aux p. 15 et 16.

48 L'art. 18.1(3) b) de la Loi sur la Cour fédérale se lit comme suit:

    18.1 [. . .]

    (3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut:

    [. . .]

    b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

49 L'art. 18.1(4)f) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale se lit comme suit:

    18.1 [. . .]

    (4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas:

    [. . .]

    f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

50 ;Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342.

51 Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035; recueil de jurisprudence des demandeurs, vol. I: T-1790-98, onglet 12.

52 Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22; recueil de jurisprudence des demandeurs, vol. I: T-1790-98, onglet 11.

53 Dossier de demande des demandeurs (mémoire des faits et du droit): T-1790-98, aux p. 10 à 12.

54 En ce qui concerne l'objectif, la "règle moderne" d'interprétation législative a été énoncée comme suit par E. A. Driedger dans Construction of Statutes (2e éd., Toronto: Butterworths, 1983), à la p. 87:

    [traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Ce principe a été adopté par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 563, à la p. 578, juge Estey, et par la Cour d'appel fédérale (l'examen des termes dans leur contexte global) dans l'arrêt Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346 (C.A.), à la p. 352, où le juge MacGuigan, qui prononçait le jugement au nom de la Cour, a conclu ceci:

    Il ressort semble-t-il clairement de ces arrêts qu'il ne faut dorénavant jamais plus se fier inconditionnellement à ces anciens précédents. Le seul principe d'interprétation reconnu aujourd'hui consiste à examiner les termes dans leur contexte global en vue de découvrir l'objet et l'esprit des dispositions fiscales.

Dans Driedger on the Construction of Statutes, (R. Sullivan, 3e éd., Toronto: Butterworths, 1994), à la p. 131, l'auteur a donné les précisions suivantes au sujet de la règle moderne:

    [traduction] Il n'existe qu'une seule règle d'interprétation moderne, les tribunaux sont tenus d'interpréter un texte législatif dans son contexte global, en tenant compte de l'objet du texte en question, des conséquences des interprétations proposées, des présomptions et des règles spéciales d'interprétation, ainsi que des sources acceptables d'aide extérieure. Autrement dit, les tribunaux doivent tenir compte de tous les indices pertinents et acceptables du sens d'un texte législatif. Cela fait, ils doivent ensuite adopter l'interprétation qui est appropriée. L'interprétation appropriée est celle qui peut être justifiée en raison a) de sa plausibilité, c'est-à-dire sa conformité avec le texte législatif; b) de son efficacité, dans le sens où elle favorise la réalisation de l'objet du texte législatif; et c) de son acceptabilité, dans le sens où le résultat est raisonnable et juste.

55 ;Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029.

56 Dossier de demande des demandeurs (documents et preuve): T-1790-98, à la p. 10.

    Appendice 1

Voici les passages pertinents de la décision que le juge Sexton a rendue dans l'affaire Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1999] 1 C.F. 483 (C.A.), aux pages 492 à 494:

Le nœud du litige se rapporte à la question de savoir si le fait que la réponse fédérale n'a pas été contestée doit empêcher les appelants de solliciter une ordonnance interdisant au ministre de délivrer des autorisations dans l'avenir. À mon avis, le juge qui a entendu la demande a commis une erreur en retenant l'argument des intimés selon lequel la réponse l'emporte sur le rapport.

Dans une requête préliminaire [(1997), 26 C.E.L.R. (N.S.) 238 (C.F. 1re inst.)] qui a été présentée avant le présent appel, les intimés ont sollicité la radiation de la demande initiale des appelants pour le motif qu'elle était prescrite. Le juge Hugessen, au paragraphe 4, pages 240 à 242, a fait les remarques suivantes:

    J'estime plutôt que le rapport devrait être considéré comme une étape préliminaire essentielle, prévue par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui précède la décision du ministre de donner son autorisation en vertu de l'article 35 de la Loi sur les pêches.

    Or, cette décision n'a pas encore été prise et j'estime que le fait de considérer que l'avis de requête introductive d'instance des requérants vise principalement à empêcher le ministre de rendre cette décision au motif que le rapport de la commission est irrémédiablement vicié constitue une interprétation raisonnable de celui-ci.

    L'interdiction (telle le mandamus et le quo warranto) est une réparation expressément visée par l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale et, à l'instar de ceux-ci, son exercice ne dépend pas de l'existence préalable d'une décision ni d'une ordonnance.

Je souscris à l'avis exprimé dans ce passage, qui a été adopté par le juge Gibson dans l'affaire Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [1998] 4 C.F. 340 (1re inst.), à la page 352, note 7.

La thèse selon laquelle le rapport de la commission est une condition légale essentielle de la délivrance des autorisations est étayée par les arrêts antérieurs. Je souscris aux décisions qui ont été rendues dans les affaires Bowen c. Canada (Procureur général), [1998] 2 C.F. 395 (1re inst.); Friends of West Country, supra; et Union of Nova Scotia Indians c. Canada (Procureur général), [1997] 1 C.F. 325 (1re inst.), où il a été statué qu'une évaluation environnementale doit avoir été effectuée conformément à la LCEE avant qu'une décision comme l'autorisation du ministre en l'espèce puisse être prise. Cette thèse est renforcée par la décision rendue dans l'affaire Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, qui confirmait que les lignes directrices qui ont précédé la LCEE (le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467) étaient de nature impérative plutôt que directive et que l'omission de les observer aurait donc pour effet d'enlever à l'autorité responsable la compétence voulue pour agir.

Les exigences de la LCEE sont des directives légiférées qui exigent expressément qu'une évaluation environnementale soit effectuée avant que le ministre prenne une décision. Il est clair que le ministre n'a pas compétence pour délivrer des autorisations en l'absence d'une évaluation environnementale. Il est également clair que toute évaluation doit être effectuée conformément à la LCEE, y compris par exemple, l'exigence imposée à l'article 16 de la LCEE. Le fait qu'une réponse fédérale a été donnée et n'a pas été contestée ne change rien à ces exigences. Les appelants ont donc le droit de débattre le bien-fondé de leur cause.

Les appelants ont le droit de solliciter une ordonnance d'interdiction contre le ministre pour le motif que le rapport de la commission est défectueux sur des points importants. Le fait que la réponse fédérale n'a pas été contestée n'a rien à voir avec la demande des appelants. À mon avis, la réponse fédérale ne l'emporte pas sur le rapport de la commission, et contrairement à ce que les intimés soutiennent, elle ne peut pas remédier aux vices du rapport de la commission. Il s'agit de mesures législatives distinctes dont les fonctions et buts sont différents.

En vertu de l'article 37 de la LCEE, le ministre examine le rapport de la commission avant de prendre une décision. L'alinéa 34c) établit que ce rapport doit énoncer "sa justification, ses conclusions et recommandations relativement à l'évaluation environnementale du projet". L'alinéa 34d ) dit clairement que c'est ce rapport renfermant les résultats de l'évaluation environnementale qui est soumis au ministre. Enfin, l'article 2 définit l'"évaluation environnementale" comme étant une "[é]valuation des effets environnementaux d'un projet effectuée conformément à la présente loi". Le rapport qui est soumis au ministre conformément à l'alinéa 34d ) doit donc renfermer, conformément à l'alinéa 34c) et au paragraphe 2(1), les résultats de l'évaluation environnementale effectuée conformément aux exigences de la LCEE.

En somme, l'effet combiné des alinéas 34c) et d) ainsi que le paragraphe 2(1) et l'article 37 est qu'avant de prendre une décision, le ministre tient compte de l'évaluation environnementale qui a été effectuée conformément à la LCEE. Les appelants ont donc le droit de remettre en question le rapport et ils ne sont pas préclus de le faire parce qu'ils n'ont pas contesté la réponse fédérale.

Je crois que le juge qui a entendu la demande aurait dû, en supposant qu'une évaluation environnementale conforme à la LCEE soit une condition essentielle de la délivrance d'une autorisation par le ministre, analyser les arguments avancés par les appelants afin de décider si une évaluation environnementale appropriée avait été effectuée par la commission conjointe.

    Appendice 2

Voici une description de l'approche que la commission conjointe a adoptée pour examiner les éléments prévus aux paragraphes 16(1) et 16(2) de la LCEE, telle qu'elle figure dans le rapport de la commission conjointe (dossier de demande des demandeurs, vol. II: T-2354-97, aux p. 588 à 592):

[traduction]

1.5.2  Processus d'évaluation environnementale

L'accord EUB-LCEE (appendice B) donne un bref aperçu des questions qui doivent être examinées par la commission. Toutefois, un certain nombre de termes (par exemple, les limites spatiales et temporelles des effets environnementaux; les effets cumulatifs; l'importance des effets environnementaux) ne sont pas définis. Dans sa demande, CRC a énoncé d'une façon passablement détaillée l'approche qu'elle avait adoptée en évaluant l'importance de tout effet environnemental négatif que pourrait avoir le projet Cheviot Coal ainsi que ses limites temporelles et spatiales et les effets cumulatifs du projet proposé, combiné aux autres activités exercées dans la région. À l'audience, divers intervenants ont remis en question un grand nombre des opinions et hypothèses de CRC. De plus, dans son EEE, CRC a utilisé le concept des Composantes environnementales valorisées (les CEV) en analysant les effets environnementaux. Pour que la façon dont la commission a interprété ces concepts soit bien comprise, il a été jugé opportun d'en parler brièvement.

Il importe de noter que la commission ne croit pas que l'exposé figurant ci-dessous puisse ou doive lier les tribunaux futurs chargés d'examiner des questions d'intérêt public. La commission croit que l'approche qui est ici adoptée est valable en ce qui concerne le projet Cheviot Coal, mais d'autres approches permettant d'évaluer les effets environnementaux d'un projet peuvent clairement être tout aussi valables, sinon plus appropriées.

Les Composantes environnementales valorisées

CRC a défini les CEV comme étant "les attributs environnementaux associés à la réalisation du projet proposé qui, juge-t-on, ont un intérêt pour le public, pour le gouvernement ou pour les milieux professionnels". CRC a inclus les composantes physiques (par exemple, l'eau souterraine, la qualité de l'air), biologiques (par exemple, le poisson, la végétation, les ongulés) et socio-économiques (par exemple, la foresterie, la santé publique, les loisirs) de l'environnement en choisissant les CEV, et ce, en partie en raison, comme elle l'a fait remarquer, de la définition de portée générale des effets environnementaux figurant dans la législation provinciale et dans la législation fédérale. L'utilisation des CEV visait à ce que le processus d'EEE mette l'accent sur les questions pertinentes.

La commission croit qu'il est opportun d'utiliser les CEV pour le projet Cheviot Coal. En particulier, la commission reconnaît que leur utilisation permet d'éviter que l'on déploie des efforts inutiles en vue d'évaluer des questions qui sont probablement peu pertinentes et d'assurer que le demandeur, la population intéressée et les organismes gouvernementaux chargés de l'examen mettent l'accent sur les questions cruciales. En outre, il y a raisonnablement lieu de s'attendre à ce que le résultat de l'analyse des CEV, si cette analyse est effectuée de la façon appropriée, s'applique à une gamme plus étendue de paramètres environnementaux.

Limites spatiales et temporelles

CRC a fait remarquer que le projet Cheviot Coal peut influer sur diverses CEV à certaines distances des sources réelles de perturbation et sur un certain nombre de périodes plus ou moins longues. En préparant l'EEE, CRC a fait savoir qu'elle avait d'une façon générale tenté de décrire l'étendue aérienne d'un effet prévu (c'est-à-dire la limite spatiale) ainsi que la période pendant laquelle pareils effets se produiraient selon elle (c'est-à-dire la limite temporelle). La commission note que CRC a initialement tenté de définir d'une façon plus générale ces deux expressions, mais il ressort de l'EEE que les limites spatiales et temporelles des effets environnementaux avaient en fin de compte tendance à être fort précises: premièrement, les composantes actuelles du projet Cheviot Coal (par exemple, les voies de transport et des services publics, l'usine de traitement du charbon ou la mine à ciel ouvert): deuxièmement, la phase de réalisation du projet (par exemple, la construction, l'exploitation ou le déclassement); troisièmement, la CEV en cause (par exemple, la qualité de l'eau, la végétation ou les carnivores). La commission n'a donc pas non plus tenté d'énoncer des définitions générales à l'égard des limites spatiales ou temporelles des effets environnementaux, mais elle a plutôt examiné la preuve telle qu'elle avait été présentée à l'égard de chaque CEV.

Importance des effets environnementaux

Tout en reconnaissant qu'elle simplifie quelque peu les choses, la commission croit que les effets environnementaux découlant du projet Cheviot Coal peuvent être rangés, à toutes fins utiles, dans l'une de trois catégories générales:

(1) les changements en ce qui concerne le nombre des organismes, y compris la flore et la faune, qui se trouvent dans l'environnement et leurs proportions relatives les uns par rapport aux autres;

(2) les changements afférents aux propriétés physiques, y compris l'eau, l'air, le sol, de l'environnement et leurs effets mutuels;

(3) les changements pour l'utilisation humaine de l'environnement, à des fins esthétiques, spirituelles, récréatives, économiques ou autres;

Pour chacune de ces trois catégories, les paramètres qui définissent les circonstances dans lesquelles un effet environnemental est important sont clairement différentes. En déterminant si un effet environnemental du projet Cheviot Coal est important, la commission a utilisé, le cas échéant, les critères généraux suivants:

(1) En ce qui concerne les organismes, un effet environnemental a généralement été considéré comme important lorsque les changements résultant de la réalisation du projet Cheviot Coal excèdent la gamme normale des variations naturelles de la taille de la population de cet organisme ou de ce groupe d'organismes et que les effets sur la population se poursuivront dans un avenir prévisible une fois qu'il aura été mis fin au projet Cheviot Coal. Le terme "population" est fondé sur la définition biologique de la population, c'est-à-dire un assemblage géographiquement distinct de membres d'une espèce, habituellement capable de se reproduire avec succès.

(2) En ce qui concerne les propriétés physiques de l'environnement, un effet environnemental du projet Cheviot Coal serait normalement considéré comme important si la valeur moyenne de la propriété physique ou sa variabilité normale est modifiée au point d'entraîner une capacité réduite d'absorption de l'environnement pour les CEV biologiques, ou un risque pour la santé humaine ou la sécurité.

(3) Quant à l'utilisation humaine, un effet environnemental résultant du projet Cheviot Coal serait habituellement considéré comme important s'il entraîne une perte permanente d'une zone ou d'une région dans laquelle une activité a été exercée par le passé et si d'autres régions comparables ne peuvent pas y être substituées.

Lorsque certaines questions particulières n'appartenaient clairement pas à l'une des catégories susmentionnées, la commission s'est fondée sur son jugement d'expert pour évaluer l'importance des effets environnementaux. Ainsi, un effet environnemental peut être jugé important s'il empêche certains organismes de retourner dans une région où ils se trouvaient auparavant ou encore s'il empêche une utilisation humaine future raisonnablement probable. À coup sûr, il faut faire preuve de plus de jugement lorsque l'on se demande si ces événements pourront raisonnablement se produire et quelle est leur importance le cas échéant. Il vaut la peine de noter que tous les effets environnementaux susmentionnés entraînent des effets négatifs, mais le même modèle peut être utilisé lorsque les effets environnementaux entraînent des changements nets positifs.

Dans sa demande, CRC a déclaré avoir examiné les effets de ses mesures d'atténuation avant de déterminer la question de l'importance environnementale, soit une approche que certaines parties ont remise en question à l'audience. En évaluant le projet Cheviot Coal, la commission croit que l'importance des effets environnementaux peut uniquement être déterminée d'une façon réaliste après que les mesures d'atténuation ont été incorporées dans la conception du projet. Dans ce cas-ci, cela comprendrait les mesures d'atténuation exigées par la commission et par les autres organismes de réglementation en plus de celles qui sont proposées par CRC.

Effets environnementaux cumulatifs

La législation provinciale et la législation fédérale en matière d'EEE exigent dans les deux cas que le promoteur évalue les effets cumulatifs du projet proposé. Au cours des dernières années, la façon de définir et d'évaluer les effets environnementaux a fait l'objet de nombreux débats, mais un certain nombre de questions se posent encore. Dans ce cas-ci, l'approche que CRC a utilisée en vue d'examiner les effets cumulatifs a été également contestée par certains intervenants.

Aux fins de cet examen, la Commission croit qu'idéalement, afin d'évaluer les effets cumulatifs du projet Cheviot Coal, il faut d'abord avoir une certaine connaissance de la situation passée en ce qui concerne chaque CEV qui peut être touchée par le projet (c'est-à-dire quelle était sa distribution et son existence par le passé et si ces attributs étaient stables ou variables). La deuxième étape consiste à comprendre la situation actuelle (c'est-à-dire si la distribution et l'existence ont changé et si ces attributs sont plus ou moins variables). La troisième étape consiste à déterminer la cause de ces changements le cas échéant, (c'est-à-dire s'ils sont causés par des processus biologiques, physiques ou sociaux normaux ou s'ils sont attribuables à des forces anthropiques ou à d'autres forces uniques en leur genre).

Compte tenu de la description des conditions existantes, la quatrième étape du processus consiste à estimer les effets différentiels probables du projet proposé sur les CEV, tant en termes absolus qu'au point de vue de leur degré de variabilité. L'étape finale consiste à définir tout autre élément raisonnable, en particulier les autres projets qui, s'ils sont réalisés, auront également un effet sur les CEV et à déterminer quels seraient leurs effets différentiels isolément ou ensemble.

Dans son examen, la commission a expressément ou implicitement appliqué les critères susmentionnés aux renseignements que CRC avait fournis dans sa demande. Lorsque les données de base étaient incomplètes ou d'une qualité contestable, la commission s'est fondée sur son jugement d'expert le cas échéant. La commission a ensuite tenté d'évaluer, compte tenu de la gamme complète des avantages liés au projet et des coûts,

(1) si les changements différentiels relatifs à une CEV créés par le projet Cheviot Coal sont importants;

(2) dans l'affirmative, s'ils sont justifiés du point de vue de l'intérêt public;

(3) dans l'affirmative, si par suite des changements différentiels relatifs à CEV, il pourrait être nécessaire de renoncer à d'autres possibilités de mise en valeur.

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