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[1997] 3 C.F. 29

A-464-93

Sa Majesté La Reine (appelante)

c.

La Banque Mercantile du Canada, La Banque Nationale du Canada (intimées)

A-607-94

Sa Majesté La Reine (appelante)

c.

La Banque Nationale du Canada (intimée)

Répertorié : Canada c. Banque Mercantile du Canada (C.A.)

Cour d’appel, juges Hugessen, Décary, J.C.A., et juge suppléant Chevalier—Montréal, 15 janvier; Ottawa, 10 mars, 1997.

Institutions financières BanquesLorsque des sûretés sont consenties à des banques par des fabricants titulaires de licence aux termes de l’art. 178 de la Loi sur les banques (connaissements et récipissés d’entrepôt), l’art. 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise ne peut recevoir application et permettre au M.R.N. de réclamer la taxe d’accise des banques en question.

Douanes et accise Loi sur la taxe d’accise L’art. 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise ne peut recevoir application et permettre au M.R.N. de réclamer la taxe d’accise des banques sur des marchandises de fabricants titulaires de licence à l’égard desquelles des sûretés ont été consenties à des banques aux termes de l’art. 178 de la Loi sur les banques.

Les banques appelantes ont accordé une marge de crédit aux fabricants intimés prenant en garantie des sûretés en vertu de l’article 178 de la Loi sur les banques (récipissés d’entrepôt et connaissements). Vu le défaut des fabricants, titulaires d’une licence émise sous l’autorité de la Loi sur la taxe d’accise, de payer leurs dettes, les banques ont décidé de réaliser leurs sûretés et ont donné instruction à leur agent de prendre possession de tous les biens visés par les sûretés, soit les matières premières, les inventaires de produits finis et les comptes recevables. À la même époque, s’autorisant du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, le ministre du revenu national a réclamé des banques un montant équivalant au montant de la taxe de vente selon lui payable quant aux marchandises vendues et livrées par les deux banques, suite à leur prise de possession des biens constituant les sûretés consenties. Éventuellement, les fabricants ont été déclarés en faillite et le Ministre a produit sa réclamation entre les mains du syndic. Ils s’agissait d’appels de décisions de la Section de première instance, qui, dans une affaire, (no du greffe A-464-93) a rejeté et dans l’autre affaire, (A-607-94) a accueilli la demande de l’appelante. Dans les deux affaires, la question était de savoir si, compte tenue de la nature spécifique de la sûreté consentie par les emprunteurs envers les institutions prêteuses, le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise pouvait recevoir application et permettre au ministre de réclamer la taxe d’accise des banques.

Arrêt (le juge Décary, J.C.A., étant dissident) : l’appel portant le no A-464-93 doit être rejeté mais l’appel portant le no A-607-94 doit être accueilli.

Le juge suppléant Chevalier : Aux termes de l’article 178 la Loi sur les banques, au cas de non-paiement de la dette par l’emprunteur, la banque a le droit absolu de vendre le bien objet de la sûreté et la somme qu’elle obtient en retour de cette vente lui appartient à l’encontre de tout autre créancier de l’emprunteur. Il paraît évident qu’il n’existe aucun rapport entre la dette active à laquelle réfère ce texte et le connaissement ou le récépissé d’entrepôt auxquels s’appliquent les articles 178 et 179 de la Loi sur les banques. Par voie de conséquence, le ministre, pas plus en cas d’insolvabilité du débiteur qu’au cas où il est en situation de faillite déclarée, ne peut exercer son recours ni contre la banque ni contre le syndic, sauf par le biais de l’alinéa 107(1)j). Une nette distinction doit être faite entre la sûreté résultant d’une cession de créance et celle que définit l’article 178. La première relève de la compétence provinciale sur la propriété et le droit civil alors que la seconde est une création exclusive d’une loi fédérale, la Loi sur les banques. En l’espèce, il convient d’examiner la Loi sur les banques pour déterminer le droit des parties et le ministre devra chercher ailleurs le recours qui peut lui être ouvert.

Les motifs du juge Décary (dissident) sont ceux prononcés dans Canada c. Banque Nationale du Canada, [1997] 3 C.F. 3 précité.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, ch. B-3, art. 49(2), 107(1)j).

Loi sur la taxe d’accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, art. 27(1)a)(i) (mod. par S.C. 1986, ch. 9, art. 16), 52(10).

Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46, art. 427.

Loi sur les banques, L.R.C. (1985), ch. B-1, art. 2 « connaissement », « récépissé d’entrepôt », 178, 179(1),(7),(14).

Loi sur les banques, S.R.C. 1970, ch. B-1, art. 88.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Landry Pulpwood Co. v. Banque Canadienne Nationale, [1927] R.C.S. 605; [1928] 1 D.L.R. 493; Banque Canadienne Nationale c. Lefaivre et Right Electronics Co. Ltd. (1950), 32 C.B.R. 1; [1951] C.S. Qué. 75; Banque de Montréal c. Hall, [1990] 1 R.C.S. 121; (1990), 65 D.L.R. (4th) 361; [1990] 2 W.W.R. 193; 82 Sask. R. 120; 46 B.L.R. 161; 104 N.R. 110; 9 P.P.S.A.C. 177; B.C.I.C. c. R. (1984), 52 C.B.R. (N.S.) 145; [1985] CTC 442; 8 C.E.R. 4; 84 DTC 6426 (C.F. 1re inst.); Flintoft v. Royal Bank of Canada, [1964] R.C.S. 631; (1964), 47 D.L.R. (2d) 141; 49 W.W.R. 301; 7 C.B.R. (N.S.) 78.

DISTINCTION FAITE AVEC :

Canada c. Banque Nationale du Canada, [1993] 2 C.F. 206 (1993), 18 C.B.R. (3d) 35; [1993] 2 C.T.C. 149; 63 F.T.R. 9 (1re inst.).

APPELS contre des décisions de la Section de première instance (Canada c. Banque Mercantile du Canada, [1993] A.C.F. no 214 (1re inst.) (QL) (no du greffe A-464-93) et Ministre du Revenu national c. Banque Nationale du Canada (1994), 85 F.T.R. 143 (C.F. 1re inst.) (no du greffe A-607-94)) qui, dans la première affaire, a rejeté, et, dans la deuxième, a accueilli l’action en recouvrement de l’appelant aux termes du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, de la taxe d’accise contre les banques. L’appel est rejeté dans l’affaire portant le no du greffe A-464-93 et accueilli dans l’affaire portant le no du greffe A-607-94.

AVOCATS :

Maria G. Bittichesu pour l’appelante.

Michel Legendre pour l’intimée.

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelante.

Desjardins Ducharme Stein Monast, Montréal, pour l’intimée.

NOTE DE L’ARRÊTISTE

Les motifs du jugement du juge Décary, J.C.A. (dissident) dans Canada c. Banque Nationale du Canada, [1997] 3 C.F. 3 précité, s’appliquent également aux présents appels.

* * *

Voici les motifs du jugement rendus en français par

Le juge suppléant Chevalier : Il s’agit ici d’appels de jugements rendus, l’un par le juge Pinard (dossier A-464-93), Canada c. Banque Mercantile du Canada[1] et l’autre par le juge Nadon (dossier A-607-94), Ministre du Revenu national c. Banque Nationale du Canada[2] qui ont fait l’objet d’une audition commune en appel.

LES FAITS

Dans le dossier A-464-93

Par l’émission de lettres patentes supplémentaires, la Banque Nationale du Canada et la Banque Mercantile du Canada ont été constituées en une seule personne morale sous la raison sociale de Banque Nationale du Canada.

Elles ont accordé une marge de crédit à Admiral Corporation Ltd. (ci-après « Admiral »), un fabricant titulaire d’une licence émise sous l’autorité de la Loi sur la taxe d’accise[3] laquelle, à son sous-alinéa 27(1)a)(i) [mod. par S.C. 1986, ch. 9, art. 16], oblige un tel fabricant à payer à l’appelante une taxe de vente sur le prix de toutes marchandises livrées à un acheteur éventuel.

Pour garantir le remboursement des avances faites, Admiral a consenti des sûretés en vertu de l’article 178 de la Loi sur les banques[4] (anciennement l’article 88 [S.R.C. 1970, ch. B-1] et maintenant l’article 427 [L.C. 1991, ch. 46, art. 427]).

Vu le défaut de la débitrice de payer sa dette (40 000 000 $), les banques ont décidé de réaliser leurs sûretés et ont donné instruction à leur agent de prendre possession de tous les biens visés par les sûretés, soit les matières premières, les inventaires de produits finis et les comptes recevables.

À la même époque, s’autorisant du paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise, le ministre du revenu national a réclamé de la Banque Nationale du Canada une somme de 302 009 17 $, équivalant au montant de la taxe de vente selon lui payable quant aux marchandises vendues et livrées par les deux banques, suite à leur prise de possession des biens constituant les sûretés consenties.

Éventuellement, Admiral a été déclarée en faillite et le ministre a produit sa réclamation entre les mains du syndic.

Dans l’affaire en litige, les banques ont été poursuivies pour ne pas avoir donné suite à la mise en demeure du ministre de payer sa réclamation.

Dans le dossier A-607-94

Les faits, dans l’affaire précédente, sont les mêmes que ceux qui sont survenus ici, sauf que la Banque Nationale du Canada était la seule institution prêteuse, les sommes dues par l’emprunteur King Seagrave (1982) Inc. étaient différentes (995 433 $) et la réclamation du ministre était de 113 506 70 $.

LES JUGEMENTS a quo

Dans le dossier A-464-93

Le juge Pinard a rejeté la demande de l’appelante. Il n’a pas explicité ses motifs, se contentant de référer les parties à un jugement rendu dans une autre instance, Canada c. Banque Nationale du Canada[5]. À signaler qu’en ce faisant, il n’a pas traité du véritable problème qui d’ailleurs, ne se posait pas de la même façon dans cette autre affaire, puisque l’article 178 de la Loi sur les banques n’y était pas impliqué.

Dans le dossier A-607-94

Le juge Nadon a accueilli la demande. Il a traité la réclamation comme si elle constituait une taxe de vente fédérale. Il a également conclu que le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise était applicable à la sûreté détenue par la banque en vertu de la Loi sur les banques.

ANALYSE

Je suis d’avis que l’appel devrait être rejeté dans le dossier A-464-93 et qu’au contraire il devrait être accueilli dons le dossier A-607-94.

Dans les deux cas en instance, le problème véritable qui se posait était de déterminer si, compte tenue de la nature spécifique de la sûreté consentie par les emprunteurs envers les institutions prêteuses, le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise pouvait recevoir application et permettre au ministre de réclamer la taxe d’accise des banques en question.

Les parties ont produit des déclarations identiques sur un point précis. Les sûretés consenties par les emprunteurs l’ont été dans la forme et teneur de ce que prescrit l’article 178 (à l’époque) de la Loi sur les banques.

Dans sa partie pertinente, cet article se lit comme suit :

178. (1) La banque peut consentir des prêts ou avances de fonds :

b) à toute personne faisant des affaires en qualité de fabricant, moyennant garantie portant sur les effets, denrées ou marchandises qu’elle fabrique ou produit, ou qui sont acquis à cette fin, ainsi que sur les effets, denrées ou marchandises servant à leur emballage;

la garantie peut être accordée par le donneur de garantie ou pour son compte, au moyen d’un document signé, remis à la banque et établi selon le modèle figurant à l’annexe VI ou VII ou selon un modèle produisant les mêmes effets.

(2) La remise à une banque d’un document lui accordant, en vertu du présent article, une garantie sur des biens dont le donneur de garantie :

a) est propriétaire à l’époque de la remise dudit document;

b) devient propriétaire avant l’abandon de la garantie par la banque, que ces biens existent ou non à l’époque de cette remise,

confère à la banque, en ce qui concerne les biens visés, les droits et pouvoirs suivants :

c) s’il s’agit d’une garantie donnée soit en vertu des alinéas (1)a),b),e),f) ou i), … les mêmes droits que si la banque avait acquis un récépissé d’entrepôt ou un connaissement visant ces biens;

Il y a également lieu de citer le paragraphe 179(1) de la même loi :

179. (1) Tous les droits de la banque sur les biens mentionnés ou visés dans un récépissé d’entrepôt ou de connaissement qu’elle a acquis ou détient, ainsi que ses droits sur les biens affectés à une garantie reçue en vertu de l’article 178, et qui équivalent aux droits découlant d’un récépissé d’entrepôt ou de connaissement visant ces biens, priment, sous réserve du paragraphe 178(4) et des paragraphes (3) à (6) du présent article, tous les droits subséquemment acquis sur ces biens, ainsi que la créance de tout vendeur impayé.

Dans ce dernier texte, il y a lieu de retenir la référence au mot « connaissement » et à l’expression « récépissé d’entrepôt ». Tous deux sont définis dans la Loi (article 2) :

2. (1) …

« connaissement » Sont assimilés aux connaissements tous reçus d’effets, denrées ou marchandises accompagnés d’un engagement :

a) soit de les déplacer, par un moyen quelconque, du lieu de leur réception à un autre;

b) soit de les livrer à un lieu autre que celui de leur réception en quantité équivalente de la même espèce ou qualité.

« récépissé d’entrepôt » Sont compris parmi les récépissés d’entrepôt :

a) les récépissés ou reçus donnés par toute personne pour des effets, denrées et marchandises en sa possession réelle, publique et continue, à titre de dépositaire de bonne foi de ces effets et non comme propriétaire;

Enfin, quant aux droits et recours conférés à une banque et découlant de cette sûreté, ils sont consignés aux paragraphes 179(7) et (14) :

179.

(7) En cas de non-paiement d’une dette, d’un engagement, d’un prêt ou d’une avance, pour lesquels la banque a acquis et détient un récépissé d’entrepôt ou un connaissement ou une garantie prévue à l’article 178, la banque peut vendre la totalité ou une partie des biens en question pour se rembourser en principal, intérêts et frais, en remettant tout surplus au donneur de la garantie.

(14) La banque peut céder tout ou partie de ses droits sur les biens affectés à une garantie qui lui a été donnée aux termes des alinéas 178(1)f),g),h),i) ou j); le cessionnaire possède les droits que la garantie conférait à la banque.

En ce qui a trait aux dispositions pertinentes au débat contenues dans la Loi sur la taxe d’accise, son paragraphe 27(1) commence par dire qu’il s’agit d’une taxe de consommation ou de vente sur le prix de vente de toute marchandises :

27. (1) …

a) produites ou fabriquées au Canada,

i) payable … par le producteur ou fabricant à l’époque où les marchandises sont livrées à l’acheteur ou à l’époque où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces date qui est antérieure à l’autre …

Par la suite, le paragraphe 52(10) de la même loi édicte que :

52.

(10) Lorsque le Ministre sait qu’une personne a reçu d’un titulaire de licence la cession d’une dette active ou de tout titre négociable de propriété à pareille dette, il peut, par lettre recommandée, exiger que cette personne verse au receveur général, à même les derniers qu’elle a reçus à compte de cette dette, après réception de cet avis, une somme équivalente au moment de toute taxe imposée par la présente Loi sur l’opération donnant lieu à la dette cédée.

Une jurisprudence déterminante nous renseigne sur la nature précise des droits conférés par l’article 178 précité.

Elle nous dit d’abord que l’effet d’un lien créé par cette disposition doit être déterminé uniquement en application de la Loi sur les banques[6].

Elle énonce ensuite, qu’en l’occurrence, il s’agit d’un droit de propriété sui generis[7]. Le « legal title » est aussi complet que celui que possédait l’emprunteur sur les biens objets de la sûreté, qu’ils existent au moment où elle a été consentie ou qu’ils viennent en sa possession subséquemment[8].

Au cas de non-paiement de la dette par l’emprunteur, la banque a le droit absolu de vendre le bien objet de la sûreté et la somme qu’elle obtient en retour de cette vente lui appartient à l’encontre de tout autre créancier de l’emprunteur. C’est ce qu’affirmait le juge La Forest dans Banque de Montréal c. Hall[9], lorsqu’il citait en l’approuvant l’opinion du juge Muldoon dans B.C.I.C. c. R.[10] :

Dans l’interprétation de la sûreté de la Loi sur les banques donnée par la Cour suprême du Canada, et plus tard par le juge suppléant Grant, on retiendra la grande utilité commerciale et l’importance primordiale, inhérentes à la sûreté que voulait ainsi créer le législateur. La banque acquiert et peut exercer sur les marchandises et le produit de leur réalisation un droit qui est opposable à tous, si ce n’est au législateur lui-même qui, seul, conserve le pouvoir de le restreindre ou de le modifier. [Soulignement ajouté par le juge La Forest.]

On a vu que le paragraphe 52(10) de la Loi sur la taxe d’accise permet au ministre de réclamer cette taxe d’« une personne [qui] a reçu d’un titulaire de licence la cession d’une dette active ou de tout titre négociable de propriété à pareille dette ». (Soulignements ajoutés).

Il paraît évident qu’il n’existe aucun rapport entre la dette active à laquelle réfère ce texte et le connaissement ou le récépissé d’entrepôt auxquels s’appliquent les articles 178 et 179 de la Loi sur les banques. Il me paraît indiscutable que, par voie de conséquence logique, le ministre, pas plus en cas d’insolvabilité du débiteur qu’au cas où il est en situation de faillite déclarée, ne peut exercer son recours ni contre la banque ni contre le syndic, sauf par le biais de l’alinéa 107(1)j) :

107. (1) Sous réserve des droits des créanciers garantis, les montants réalisés provenant des biens d’un failli doivent être distribués d’après l’ordre de priorité … suivant :

j) les réclamations, non précédemment mentionnées au présent article, de la Couronne du chef du Canada ou d’une province du Canada, … nonobstant tout privilège statutaire à l’effet contraire.

À ce sujet, le juge Judson s’est exprimé comme suit dans Flintoft v. Royal Bank of Canada[11] :

[traduction] L’article 88 constitue une forme unique de sûreté. Je ne connais aucune juridiction où cette forme existe. L’article permet à certaines catégories de personne qui n’ont nullement le caractère de gardiens, en l’espèce un manufacturier, de grever leurs propres effets d’une sûreté avec les conséquences définies ci-dessus. En dépit de cela, du consentement de la banque, celui qui donne la sûreté peut vendre les biens dans le cours ordinaire de ses affaires et donner bon et valable titre à ses acheteurs. Mais cela ne veut pas dire que les dettes comptables lui appartiennent une fois vendus les effets. Pour moi l’erreur de l’opinion dissidente réside dans la présomption qu’une fois les effets vendus les dettes comptables appartiennent au client de la banque et que celle-ci ne peut ainsi recouvrer ces dettes comptables que si elles lui ont été cédées.

Nous ne nous intéressons pas ici aux droits de l’acheteur contre valeur du produit de la réalisation de la sûreté de la banque qui n’a pas réalisation de la sûreté de la banque qui n’a pas été avisé. Il est vrai que l’article 63 de la Loi sur la faillite contourne au profit du syndict la cession de créances de la banque pour cause d’enregistrement irrégulier. Mais, sous cette réserve, le syndict n’a pas plus de droits que le failli dont il obtient la saisine des biens uniquement comme un ayant-droit et non à titre de tiers acheteurs contre valeur qui n’a pas été avisé. Il a la saisine des biens du failli sous la réserve de la fiducie expresse créée par l’accord précité qui, à mon avis, ne saurait être qualifiée de cession de dettes comptables inhabituelle. Lorsque ces dettes, le produit de la vente de la garantie de l’article 88, sont créées, elles sont soumises à l’accord entre la banque et le client. Entre ceux-ci, le client n’a rien à céder à la banque. La cession réelle de dettes comptables qui a été signée ne fait qu’en faciliter le recouvrement. Toute autre cession, générale ou particulière, par le client à un tiers, de ces dettes, serait de bonne foi pour valeur reçue sans avoir connaissance de la cession.

En somme, une nette distinction doit être faite entre la sûreté résultant d’une cession de créance et celle que définit l’article 178. La première relève de la compétence provinciale sur la propriété et le droit civil alors que la seconde est une création exclusive d’un statut fédéral, celui de la Loi sur les banques. C’est à ce statut qu’il faut s’adresser pour déterminer les droits des parties et, ici, il me paraît clair que pour réclamer son dû, le ministre devra chercher ailleurs le recours qui peut lui être accessible.

Compte tenu de cette conclusion, je ne crois pas utile d’aborder la discussion des autres moyens invoqués par les parties en cause dans chacun des appels en instance.

Pour ces motifs, je suis d’avis que, dans l’appel numéro A-607-94, le pourvoi devrait être accueilli et la demande de l’intimée devrait être rejetée avec dépens des deux cours.

Dans l’appel numéro A-464-93, le pourvoi devrait être rejeté avec dépens et le jugement de première instance confirmé.

Le juge Hugessen, J.C.A. : J’y souscris.



[1] [1993] A.C.F. no 214 (1re inst.) (QL).

[2] (1994), 85 F.T.R. 143 (C.F. 1re inst.).

[3] S.R.C. 1970, ch. E-13.

[4] L.R.C. (1985), ch. B-1.

[5] [1993] 2 C.F. 206(1re inst.).

[6] Landry Pulpwood Co. c. Banque Canadienne Nationale, [1927] R.C.S. 605, à la p. 615.

[7] Banque Canadienne Nationale c. Lefaivre et Right Electronics Co. Ltd. (1950), 32 C.B.R. 1 (C.S. Qué.), à la p. 16.

[8] Banque de Montréal c. Hall, [1990] 1 R.C.S. 121.

[9] À la p. 143.

[10] (1984), 52 C.B.R. (N.S.) 145 (C.F. 1re inst.), à la p. 159.

[11] [1964] R.C.S. 631, aux p. 634 et 635.

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