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[1997] 1 C.F. 235

A-329-95

Ronald Fook Shiu Li et Lo Hiu Weh Iren Li (appelants)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)

Répertorié : Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.)

Cour d’appel, juges Strayer et Robertson, J.C.A., juge suppléant Chevalier—Toronto, 4 juin; Ottawa, 7 août 1996.

Citoyenneté et Immigration Exclusion et renvoi Personnes non admissibles M. Li reconnu coupable sous le régime de la Prevention of Bribery Ordinance à Hong KongL’arbitre concluant que l’infraction punissable à Hong Kong et celle prévue à l’art. 426 du Code criminel étaient équivalentes, a déclaré l’appelant non admissible par application de l’art. 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigrationLe juge des requêtes a confirmé la décision de l’arbitre, concluant qu’il n’est nécessaire de comparer ni les moyens de défense ni la charge de la preuve dans les deux infractionsAppel accueilliLa comparaison des « éléments essentiels » requiert la comparaison de leurs définitions respectives, y compris les moyens de défenseLa dissection de ces infractions en « éléments constitutifs » et en « moyens de défense » ferait échec au but de cette disposition (exclusion des personnes coupables de transgressions graves)Les deux infractions ont la même définition si celle-ci prévoit les mêmes critères à observer pour prouver que l’infraction a été commise, que ces critères se traduisent par des « éléments constitutifs » ou par des « moyens de défense » — Il faut examiner la comparabilité des infractions, et non la comparabilité des possibilités de condamnationL’infraction punissable au Canada étant entendue dans un sens plus restrictif, une personne pourrait être reconnue coupable à Hong Kong, mais non au Canada, de la même infractionOn n’a pas prouvé que ce qu’a fait M. Li constitue aussi une infraction au CanadaIl n’est pas nécessaire de comparer la procédure pénale des deux ressortsLa Loi ne prévoit pas une nouvelle audition de la cause avec application des règles de justice canadiennes.

Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelle et pénales Appel contre le refus d’annuler la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, portant que les appelants ne sont pas admissibles au Canada par application de l’art. 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigrationM. Li reconnu coupable sous le régime de la Prevention of Bribery Ordinance à Hong KongL’arbitre et le juge des requêtes ont conclu que ces infractions étaient équivalentes à l’infraction prévue à l’art. 426 du Code criminelIls ont jugé qu’il n’est pas nécessaire de comparer ni les moyens de défense ni la charge de la preuveIl n’est pas nécessaire de décomposer les infractions en « éléments constitutifs » et en « moyens de défense » — La qualification d’un facteur comme élément essentiel ou moyen de défense n’a pas d’effet sur la présomption d’innocence que garantit l’art. 11d) de la CharteFaute de justification au regard de l’article premier de la Charte, l’accusé ne serait pas obligé de démontrer certains faits suivant la prépondérance des probabilités pour éviter d’être déclaré coupable.

Appel contre le refus d’annuler la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié portant que les appelants n’étaient pas admissibles au Canada par application du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigration, qui interdit l’admission au Canada de quiconque dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’il a été déclaré coupable d’une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de moins de dix ans. M. Li avait été reconnu coupable d’infractions par application de la Prevention of Bribery Ordinance de Hong Kong et condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans. Le paragraphe 9(1) de cette ordonnance prévoit que commet une infraction [traduction] « l’agent qui, sans y être légalement autorisé … accepte un avantage quelconque … à titre d’encouragement pour faire quelque chose … ayant un lien avec les affaires ou l’entreprise de son commettant ». L’article 24 impose à l’accusé la charge de la preuve de l’autorisation légale. Les appelants ont voulu entrer au Canada en 1994. L’arbitre a conclu que l’infraction pour laquelle M. Li avait été condamné est équivalente, eût-elle été commise au Canada, à l’infraction visée par le paragraphe 426(1) du Code criminel , aux termes duquel commet une infraction quiconque, par corruption, accepte un avantage quel qu’il soit pour faire un acte relatif aux affaires de son commettant. Ayant comparé les éléments essentiels des infractions respectives, il conclut que l’élément constitutif exprimé par les mots « par corruption » est équivalent à la qualification de l’acte accompli « sans autorisation légale ni excuse raisonnable ». Il rejette l’argument que les deux infractions ne seraient pas équivalentes puisque, au Canada, la charge de la preuve du défaut d’autorisation légale ou d’excuse raisonnable incombe au ministère public. Il rejette aussi l’argument que la charge inversée de la preuve appliquée à Hong Kong ne serait pas acceptable au Canada puisqu’elle irait à l’encontre de la Charte, car à son avis, celle-ci ne saurait être imposée à un pays étranger. Le juge des requêtes a conclu qu’il n’est pas nécessaire de comparer les moyens de défense. Il rejette aussi l’argument selon lequel les règles de droit canadiennes qui imposent au ministère public la charge de la preuve, particulièrement l’impératif de l’alinéa 11d ) de la Charte, qui porte présomption d’innocence, font que l’infraction punissable au Canada comporte des « éléments constitutifs » différents de ceux de l’infraction punissable à Hong Kong. Il conclut que la Charte ne saurait s’appliquer à la procédure observée à Hong Kong. Il échet d’examiner : (1) si le critère de l’équivalence entre une infraction punissable par la loi étrangère et une infraction punissable par la loi canadienne prescrit la comparaison à la fois de leurs éléments constitutifs et des moyens de défense respectivement prévus par la loi de chaque pays; et (2) si l’équivalence entre ces infractions est assujettie à l’équivalence de la charge de la preuve imposée dans leur jugement respectif.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

(1) La comparaison des « éléments essentiels » des infractions respectives requiert la comparaison de leurs définitions respectives, y compris les moyens de défense propres à ces infractions. La qualification d’un facteur comme élément essentiel ou moyen de défense ne devrait pas avoir d’effet sur la présomption d’innocence : faute de justification au regard de l’article premier de la Charte, l’accusé n’est pas obligé de « démontrer certains faits suivant la prépondérance des probabilités pour éviter d’être déclaré coupable ». Une interprétation correcte du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) ne nécessite pas non plus une dissection aussi méticuleuse de l’infraction punissable au Canada et de celle punissable dans le pays étranger en « éléments constitutifs » et en « moyens de défense ». D’ailleurs, la décision sur l’équivalence est le fait d’un arbitre dans une procédure quasi judiciaire, dont on ne peut guère s’attendre qu’il fasse des distinctions aussi subtiles dans le droit pénal canadien ou étranger. Cette disposition a pour objet d’exclure du Canada des personnes reconnues coupables à l’étranger d’infractions que la loi canadienne considère comme des transgressions graves. Ce serait faire échec à ce but que de poser pour règle que deux infractions ne sont pas équivalentes parce que l’existence d’une certaine intention est considérée comme un élément constitutif dans la loi étrangère, et son absence, comme un moyen de défense dans la loi canadienne. L’équivalence tient essentiellement à la similitude de définition des deux infractions. Une définition est similaire si elle prévoit les mêmes critères à observer pour prouver que l’infraction a été commise, que ces critères se traduisent par des « éléments constitutifs » (au sens restrictif) ou par des « moyens de défense » dans l’une ou l’autre loi. Il n’est pas nécessaire de comparer tous les principes généraux de responsabilité pénale dans les deux systèmes : ce qu’il faut examiner, c’est la comparabilité des infractions, et non la comparabilité des possibilités de condamnation dans les deux pays.

L’infraction punissable au Canada a un sens plus restrictif que ce n’est le cas pour l’infraction punissable à Hong Kong, puisqu’il a été jugé que « par corruption » signifie « faute de divulgation ». Dès qu’il y a divulgation en temps utile, l’acceptation de la récompense par l’agent ne peut plus être considérée comme l’ayant été « par corruption ». Sous le régime de l’ordonnance de Hong Kong, la simple divulgation ne déculpabilise pas l’acceptation du pot-de-vin ou de l’avantage. Des personnes pourraient donc être reconnues coupables à Hong Kong dans des circonstances telles qu’elles ne seraient pas déclarées coupables de la même infraction au Canada. Il n’y a eu lors des procès de Hong Kong aucune preuve permettant de conclure que les agissements de M. Li auraient constitué une infraction au sens plus restrictif de la loi canadienne. Ceci donne lieu à une autre question, celle de savoir qui a la charge de la preuve dans l’application du sous-alinéa 19(2)a.1)(i), mais comme cette question n’a pas été débattue, la Cour ne l’a pas tranchée.

(2) Pour examiner l’équivalence entre les deux infractions pour l’application du sous-alinéa 19(2)a.1)(i), il n’y a pas lieu pour l’arbitre de faire un parallèle entre les règles de preuve ou de procédure applicables dans les deux ressorts respectifs, lors même que les normes canadiennes sont imposées par la Charte. Ni le sens littéral du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) ni l’économie de la Loi ne requiert pareille comparaison. La Loi ne prévoit pas une nouvelle audition de la cause avec application des règles de preuve canadiennes. Elle ne prévoit pas non plus l’examen de la validité du verdict de culpabilité prononcé dans le pays étranger. Il est loisible aux tribunaux canadiens de reconnaître ou d’accepter la validité du système juridique d’autres pays abstraction faite de la Charte.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 10b), 11d),h), 32.

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 426(1), 429(2).

Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C-34, art. 283(1), 386(2), 389.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 8(1), 19(2)a.1) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), (3), 20 (mod., idem, art. 12), 83(1) (mod., idem, art. 73).

Prevention of Bribery Ordinance, Laws of Hong Kong, Revised edition 1987, ch. 201, art. 9(1),(4),(5), 24.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Brannson c. Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1981] 2 C.F. 141 (1980), 34 N.R. 411 (C.A.); Hill c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1987), 73 N.R. 315 (C.A.F.); Steward c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] 3 C.F. 487 (1988), 84 N.R. 236 (C.A.); R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3; [1988] 5 W.W.R. 26; (1988), 29 B.C.L.R. (2d) 273; 42 C.C.C. (3d) 97; 64 C.R. (3d) 123; 6 M.V.R. (2d) 138; 86 N.R. 328; R. c. Kelly, [1992] 2 R.C.S. 170; (1992), 92 D.L.R. (4th) 643; [1992] 4 W.W.R. 640; 9 B.C.A.C. 161; 68 B.C.L.R. (2d) 1; 73 C.C.C. (3d) 385; 14 C.R. (4th) 181; 137 N.R. 161; 19 W.A.C. 161; Canada c. Schmidt, [1987] 1 R.C.S. 500; (1987), 39 D.L.R. (4th) 18; 33 C.C.C. (3d) 193; 58 C.R. (3d) 1; 28 C.R.R. 280; 20 O.A.C. 161; 76 N.R. 12; R. c. Terry, [1996] 2 R.C.S. 207.

DÉCISIONS CITÉES :

Moore c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] F.C.J. no 34 (C.A.) (QL); Lilly c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 794; (1983), 147 D.L.R. (3d) 758; 34 C.R. (3d) 297.

DOCTRINE

Mewett & Manning on Criminal Law, 3rd ed. by Mewett, A. W. and M. Manning. Markham, Ont. : Butterworths, 1994.

Mewett, A. W. and M. Manning. Criminal Law, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1985.

Stuart, Don R. Canadian Criminal Law : A Treatise, 3rd ed. Toronto : Carswell, 1995.

APPEL contre le refus du juge des requêtes d’annuler la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, portant que les appelants ne sont pas admissibles au Canada par application du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigration (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 95 F.T.R. 298 (C.F. 1re inst.)) par ce motif que M. Li avait été reconnu coupable à Hong Kong d’infractions jugées équivalentes à l’infraction visée par l’article 426 du Code criminel. Appel accueilli.

AVOCATS :

Lorne Waldman pour les appelants.

Chico Korbee pour l’intimé.

PROCUREURS :

Lorne Waldman, Toronto, pour les appelants.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Strayer, J.C.A. :

Introduction

Il y a en l’espèce appel formé contre la décision en date du 11 mai 1995 de la Section de première instance [(1995), 95 F.T.R. 298], par laquelle le juge des requêtes a refusé d’annuler la décision en date du 14 septembre 1994 de la section d’arbitrage de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Par cette dernière décision, celle-ci avait jugé que les appelants n’étaient pas admissibles au Canada par application du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11)] et avait ordonné leur expulsion du pays. Après avoir rejeté la requête en annulation, le juge des requêtes a certifié quatre questions à soumettre à la Cour, ce qui rendait possible l’appel sous le régime du paragraphe 83(1) [mod., idem, art. 73] de la Loi sur l’immigration[1].

Les faits de la cause

L’appelant Ronald Fook Shiu Li, ancien président de la Bourse de Hong Kong, a été reconnu coupable en octobre 1990 de deux infractions par application de l’article 9 de la Prevention of Bribery Ordinance[2] de Hong Kong et condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans.

Les appelants, M. Li et son épouse, ont voulu entrer au Canada en avril 1994. Un rapport a été établi en application de l’article 20 [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 12] de la Loi sur l’immigration au sujet de M. Li et une enquête s’est ouverte en présence d’un arbitre en août 1994. Les parties sont convenues que l’épouse, qui est l’autre appelant, serait comprise dans toute mesure prise à l’égard de M. Li. L’allégation faite contre ce dernier était qu’il faisait partie de la catégorie des personnes non admissibles visées au sous-alinéa 19(2)a.1)(i), qui prévoit ce qui suit :

19.

(2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :

a.1) sont des personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles ont, à l’étranger :

(i) soit été déclarées coupables d’une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d’une loi fédérale, par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de moins de dix ans, …

Voici les dispositions de la Prevention of Bribery Ordinance en application desquelles M. Li a été condamné :

[traduction] 9(1) Est coupable d’infraction l’agent qui, sans y être légalement autorisé ni justifier d’aucune excuse raisonnable, sollicite ou accepte un avantage quelconque, notamment à titre d’encouragement ou de récompense :

a) pour faire ou s’abstenir de faire quelque chose, ou pour avoir fait ou s’être abstenu de faire quelque chose, ayant un lien avec les affaires ou l’entreprise de son commettant …

(4) Si l’agent sollicite ou accepte l’avantage après que son commettant lui en a donné la permission dans les conditions prévues au paragraphe (5), ni lui ni la personne qui offre cet avantage n’est coupable de l’infraction prévue au paragraphe (1) ou (2).

(5) La permission visée au paragraphe (4) :

a) doit être donnée avant que l’avantage ne soit offert, sollicité ou accepté;

b) doit être demandée et donnée dès que raisonnablement possible, lorsque l’avantage a été offert ou accepté sans permission préalable;

dans les deux cas, le commettant ne donne la permission que compte tenu de toutes les circonstances dans lesquelles la demande en a été faite.

24. Il incombe à la personne poursuivie en justice sous le régime de la présente ordonnance de prouver que ses agissements sont légalement autorisés ou justifient d’une excuse raisonnable.

L’arbitre a conclu que l’infraction pour laquelle M. Li avait été condamné sous le régime de l’ordonnance susmentionnée est équivalente, eût-elle été commise au Canada, à l’infraction visée par le paragraphe 426(1) du Code criminel[3], qui prévoit ce qui suit :

426. (1) Commet une infraction quiconque, selon le cas :

a) par corruption :

(i) donne ou offre, ou convient de donner ou d’offrir, à un agent,

(ii) étant un agent, exige ou accepte ou offre ou convient d’accepter, de qui que ce soit,

une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque sorte à titre de contrepartie pour faire ou s’abstenir de faire, ou pour avoir fait ou s’être abstenu de faire, un acte relatif aux affaires ou à l’entreprise de son commettant ou pour témoigner ou s’abstenir de témoigner de la faveur ou de la défaveur à une personne quant aux affaires ou à l’entreprise de son commettant;

L’arbitre a jugé que M. Li ne tombait sous le coup du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) que si les éléments essentiels de l’infraction punie par le Code criminel étaient aussi requis par la loi applicable à Hong Kong pour les infractions pour lesquelles il y a été condamné. Voici la conclusion qu’il a tirée à ce propos :

[traduction] Il échet d’examiner et de comparer les éléments essentiels respectifs de l’infraction punissable à Hong Kong et de celle punissable au Canada. Il appert que l’infraction punissable à Hong Kong comporte les éléments essentiels suivants :

(1) Le contrevenant est l’agent d’un commettant.

(2) Il accepte ou sollicite un avantage à titre d’encouragement ou de récompense.

(3) L’acceptation ou la sollicitation a eu lieu sans autorisation légale ni excuse raisonnable.

(4) L’encouragement ou la récompense vise à obtenir du contrevenant qu’il fasse ou s’abstienne de faire quelque chose ayant un lien avec les affaires de son commettant.

L’infraction punissable au Canada, telle qu’en fait état l’agent chargé de présenter les cas, comporte les éléments essentiels suivants :

(1) Le contrevenant est l’agent d’un commettant.

(2) Il exige, accepte, offre ou convient d’offrir une récompense, un avantage ou un bénéfice.

(3) Il exige ou accepte par corruption.

(4) La récompense, l’avantage ou le bénéfice vise à obtenir du contrevenant qu’il fasse ou s’abstienne de faire quelque chose ayant un lien avec les affaires de son commettant[4].

Notant que selon l’avocat de M. Li, le troisième élément était suffisamment différent d’une analyse à l’autre pour que l’infraction pour laquelle ce dernier avait été condamné à Hong Kong ne constitue pas une infraction au Canada, l’arbitre conclut que l’élément constitutif exprimé dans le Code criminel par les mots « par corruption » est équivalent à la qualification donnée dans la Prevention of Bribery Ordinance de l’acte accompli « sans autorisation légale ni excuse raisonnable ». Il estime qu’il faut faire la preuve de la même intention coupable pour l’une et l’autre infractions. Alors qu’il est accepté au Canada qu’au regard de l’infraction en question, le fait d’agir « par corruption » revient essentiellement à accepter l’avantage sans en informer le commettant, l’arbitre estime que cet élément est équivalent à l’absence d’« excuse raisonnable ». Il rejette l’argument que l’article 24 de la Prevention of Bribery Ordinance imposant à l’accusé la charge de prouver l’autorisation légale ou l’excuse raisonnable, les deux infractions ne seraient pas équivalentes puisque, au Canada, la charge de la preuve incombe au ministère public. Aux yeux de l’arbitre, cette différence est d’« ordre procédural ». Il rejette aussi l’argument que la charge inversée de la preuve que prévoit la loi de Hong Kong ne serait pas acceptable au Canada puisqu’elle irait à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. À son avis, la Charte ne saurait « être imposée à un pays étranger ». Il conclut ainsi que M. Li tombait sous le coup du sous-alinéa 19(2)a. 1)(i) de la Loi sur l’immigration et était susceptible d’expulsion. L’arbitre se refuse par ailleurs à exercer son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe 19(3) de la même Loi pour accorder aux appelants le droit de séjourner quelques jours au Canada.

Les appelants ont exercé un recours en contrôle judiciaire contre ces décisions, mais le juge des requêtes a refusé de les annuler. C’est ce refus du juge des requêtes qui a été porté en appel devant la Cour. L’avis d’appel ne fait pas état du refus de l’arbitre d’exercer le pouvoir discrétionnaire qu’il tient du paragraphe 19(3), et ce point n’a fait l’objet d’aucune argumentation devant la Cour.

Dans son refus d’annuler la mesure d’expulsion, le juge des requêtes a essentiellement souscrit aux conclusions de l’arbitre. À son avis, il n’est pas nécessaire, dans l’analyse des éléments constitutifs des deux infractions, de comparer les moyens de défense respectivement prévus dans les deux ressorts. Il rejette aussi l’argument selon lequel les règles de droit canadiennes qui imposent au ministère public la charge de la preuve, particulièrement l’impératif de l’alinéa 11d) de la Charte[5], font que l’infraction punissable au Canada comporte des « éléments constitutifs » différents de ceux de l’infraction punissable à Hong Kong. Il conclut que la Charte ne saurait s’appliquer à la procédure observée à Hong Kong.

Bien qu’il ait rejeté la demande de contrôle judiciaire, le juge des requêtes a certifié les quatre questions suivantes à la demande de l’avocat de l’intimé [à la page 307] :

1. Le critère de l’équivalence des infractions prévue à l’art. 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigration, tel qu’il a été défini par la Cour d’appel fédérale dans les décisions Moore, Steward, Hill et Brannson, requiert la comparaison des « éléments essentiels » de l’infraction. La comparaison des « éléments essentiels » requiert-elle à son tour la comparaison des moyens de défense prévus par la loi à l’égard de cette infraction dans l’un et l’autre pays?

2. La comparaison des « éléments essentiels » de l’infraction requiert-elle la comparaison de tous les moyens de défense prévus par les lois respectives?

3. La comparaison des « éléments essentiels » de l’infraction requiert-elle la comparaison de la charge de la preuve prévue par les lois respectives?

4. La comparaison des « éléments essentiels » de l’infraction requiert-elle la comparaison des moyens de défense fondés sur la Charte et permis par les lois respectives, y compris le moyen de l’inconstitutionnalité de la charge inversée de la preuve?

L’avocat des appelants engage la Cour à répondre par l’affirmative à chacune de ces questions. Il soutient en effet qu’il doit y avoir, du moins collectivement, équivalence entre les « éléments constitutifs » (strictement définis) et les moyens de défense prévus pour l’une et l’autre infractions. Il soutient en outre qu’il doit y avoir équivalence pour ce qui est des questions comme la charge de la preuve, eu égard en particulier à la différence résultant de la Charte entre l’issue d’un procès au Canada et celle d’un procès tenu à Hong Kong sous le régime de l’ordonnance susmentionnée telle qu’elle était en vigueur. De son côté, l’intimé soutient qu’il ne faut pas prendre en compte les moyens de défense respectifs pour déterminer si les deux infractions sont équivalentes, et qu’il n’est pas nécessaire, pour établir l’équivalence, de démontrer que les règles de preuve, y compris la charge de la preuve, sont les mêmes dans les deux ressorts, même si la procédure observée dans le pays où le verdict de culpabilité a été prononcé n’est pas, en raison de la Charte, acceptable devant une juridiction canadienne.

Les points litigieux

Puisque les parties n’ont pas sérieusement soutenu que dans l’examen des critères d’équivalence des deux infractions, il faille distinguer les moyens de défense prévus par la loi et les autres, je conclus que les questions 1 et 2 peuvent être examinées ensemble. De même, il me semble que les questions 3 et 4 demandent l’une et l’autre si la charge inversée de la preuve qui se pratique dans le pays étranger empêche qu’un verdict de culpabilité prononcé dans ce pays soit équivalent au verdict de culpabilité prononcé sous le régime de la loi fédérale canadienne. Elles portent donc essentiellement sur un point litigieux, savoir l’applicabilité des normes de preuve canadiennes (qu’elles soient fondées ou non sur la Charte) pour juger de l’équivalence du verdict de culpabilité prononcé dans un pays étranger qui observe d’autres normes. On peut donc répondre en même temps aux questions 3 et 4.

Les points litigieux à trancher sont donc à mon avis les suivants :

(1) Le critère de l’équivalence entre une infraction punissable par la loi étrangère et une infraction punissable par la loi canadienne prescrit-il la comparaison à la fois de leurs éléments constitutifs et des moyens de défense respectivement prévus par la loi de chaque pays?

(2) L’équivalence entre ces infractions est-elle assujettie à l’équivalence de la charge de la preuve imposée dans leur jugement respectif?

Il y a lieu d’ajouter que la question 4, dans la mesure où elle touche aux « moyens de défense fondés sur la Charte » en général, ne peut avoir réponse en l’espèce car l’affaire en instance ne soulève pas pareille question générale. Elle ne soulève que la question de la comparaison de la charge de la preuve applicable sous deux systèmes de droit différents, question qui, au Canada, est régie en dernier ressort par la Charte.

Analyse

Les moyens de défense sont-ils un critère

Il convient, pour examiner cette question, de se reporter aux termes mêmes du sous-alinéa 19(2)a.1)(i), selon lequel ne peuvent être déclarées non admissibles sous son régime que les personnes :

19. (2) …

(i) … déclarées coupables d’une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction [qui pourrait être punissable, aux termes d’une loi fédérale, par mise en accusation]. [Non souligné dans l’original.]

Il est généralement reconnu que cette disposition pose pour condition « l’équivalence » entre l’infraction punissable dans le pays étranger et l’infraction punissable au Canada, et le juge des requêtes a correctement adopté ce vocabulaire dans les questions certifiées. La mention dans ces questions des « éléments essentiels » à titre de critère d’équivalence s’explique par des décisions antérieures de la Cour. Pour autant que je sache, la jurisprudence de notre Cour n’a jamais abordé expressément la question à trancher en l’espèce, savoir si les « éléments essentiels » à comparer recouvrent aussi les moyens de défense prévus dans l’un et l’autre cas. On peut cependant en dégager certains principes directeurs. Dans Brannson c. Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration[6], affaire portant sur une disposition semblable de la Loi sur l’immigration, le juge d’appel Ryan, prononçant le jugement majoritaire, a fait l’observation suivante au sujet de la comparaison entre l’infraction pour laquelle une personne a été condamnée sous le régime de la loi étrangère et une infraction punissable par une loi fédérale du Canada :

Quels que soient les termes employés pour désigner ces infractions ou pour les définir, il faut relever les éléments essentiels de l’une et de l’autre et s’assurer qu’ils correspondent. Naturellement, il faut s’attendre à des différences dans le langage employé pour définir les infractions dans les différents pays. [Non souligné dans l’original.]

La Cour a conclu dans l’affaire susmentionnée que la définition de l’infraction pour laquelle l’intéressé avait été condamné aux États-Unis était plus large que celle de la soi-disant infraction équivalente, que prévoit le Code criminel du Canada. Le juge d’appel Ryan a conclu que dans ce cas, il y aurait lieu d’autoriser la production de la preuve des détails de l’infraction pour laquelle l’intéressé avait été condamné afin que l’arbitre pût décider si cette infraction correspondait à l’infraction punissable au Canada. Il semblait indiquer que la preuve de ce que l’intéressé avait vraiment fait serait admissible pour ce qui était de juger si ses agissements constitueraient une infraction au Canada. Par motifs concordants, le juge d’appel Urie voyait les choses un peu différemment. À son avis [à la page 144], il fallait comparer les éléments essentiels (il employait, dans le jugement rendu en anglais, les termes « essentiel ingredients » et non les termes « essentiel elements » qu’employait le juge d’appel Ryan), mais il fallait aussi qu’il y ait la preuve des faits qui justifiaient les poursuites dans le pays étranger, cette preuve pouvant être la preuve authentique (par exemple des détails du chef d’accusation formulé aux États-Unis) ou le témoignage de vive voix concernant la manière dont l’infraction avait été commise. C’est de cette façon qu’il serait possible de décider si, bien que l’infraction en question ait pu faire l’objet d’une définition plus large aux États-Unis, les agissements pour lesquels l’intéressé y avait été condamné l’auraient rendu coupable d’une infraction au Canada.

La Cour d’appel n’a pas été appelée à aller bien au-delà de cette analyse dans les causes subséquentes. Dans Hill c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration[7], le juge d’appel Hugessen a conclu qu’il n’y avait pas équivalence prouvée entre les dispositions d’une loi du Texas en matière de vol et le paragraphe 283(1) du Code criminel [S.R.C. 1970, ch. C-34] en vigueur à l’époque. Alors qu’aux termes de la loi canadienne, « [c]ommet un vol, quiconque prend frauduleusement et sans apparence de droit », il n’a pas été prouvé que le texte de loi du Texas pose pour condition le fait de prendre sans apparence de droit. Dans cette affaire, l’arbitre avait été saisi de la preuve qui aurait pu corroborer l’assertion d’apparence de droit. Dans son jugement (rendu en anglais), le juge d’appel Hugessen, outre le terme « elements », emploie aussi le terme « ingredients » pour conclure que le défaut d’apparence de droit est « un élément essentiel de l’infraction de vol au Canada »[8]. Dans ses motifs concordants, le juge d’appel Urie a employé les termes « essentiel ingredients » tout comme il l’avait fait dans la cause Brannson. Il a également clarifié le mode d’établissement de l’équivalence en ces termes [à la page 320] :

Il me semble que, étant donné la présence des termes « qui constitue … un infraction … au Canada », l’équivalence peut être établie de trois manières : tout d’abord, en comparant le libellé précis des dispositions de chacune des lois par un examen documentaire et, s’il s’en trouve de disponible, par le témoignage d’un expert ou d’experts du droit étranger pour dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions respectives; en second lieu, par l’examen de la preuve présentée devant l’arbitre, aussi bien orale que documentaire, afin d’établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l’infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs d’instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d’une combinaison de cette première et de cette seconde démarches.

Cette méthodologie a été adoptée par la Cour dans des causes subséquentes[9]. Il ressort de la jurisprudence que la deuxième méthode d’établissement de l’équivalence, telle que l’a définie le juge d’appel Urie, est particulièrement utile quand il n’y a pas suffisamment de preuves sur la qualification juridique de l’infraction punissable dans le pays étranger ou quand il appert que l’infraction punissable au Canada est plus étroitement définie. Dans pareil cas, il est loisible à l’arbitre de prendre en compte les preuves relatives aux actes qu’avait effectivement commis l’intéressé et pour lesquels il avait été condamné à l’étranger[10]. Cette deuxième méthode approuvée fait également ressortir le critère fondamental de l’équivalence, savoir si les actes commis à l’étranger et pour lesquels l’intéressé y a été condamné seraient punissables chez nous.

Le juge des requêtes a conclu en l’espèce que pour se prononcer sur l’équivalence, la Cour n’a qu’à comparer les « éléments constitutifs » des infractions respectives, et non les « moyens de défense » possibles dans l’un et l’autre cas. Il en conclut qu’il n’est pas nécessaire de comparer les moyens de défense du droit canadien avec les moyens de défense ou les éléments constitutifs de l’infraction punissable dans le pays étranger. Je suppose que ce que lui-même et l’avocat du ministre avaient à l’esprit fût la distinction entre « éléments constitutifs » et « moyens de défense », distinction qui, par le passé, avait été considérée comme pertinente pour ce qui était de la charge de la preuve[11].

S’opposant à l’argument, fondé sur cette distinction, que les « éléments constitutifs » des infractions respectives sont le seul facteur déterminant, les appelants soutiennent que dans sa décision Steward[12], cette Cour avait refusé, en raison de la différence des moyens de défense, de conclure à l’équivalence entre l’infraction visée par une loi de l’Oklahoma et le crime d’incendie prévu à la disposition qui était l’article 389 du Code criminel. La Cour s’était fondée entre autres sur la disposition qui était à l’époque le paragraphe 386(2) du Code criminel et qui prévoyait ce qui suit :

386.

(2) Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction visée aux articles 387 à 402 s’il prouve qu’il a agi avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit.

La Cour a conclu dans cette cause que les « éléments essentiels » respectifs de l’infraction punissable dans l’Oklahoma et de celle punissable au Canada n’étaient pas les mêmes puisque la loi de l’Oklahoma ne disait rien de l’apparence de droit. Prononçant le jugement de la Cour, le juge d’appel Heald a fait la constatation suivante :

Une comparaison du libellé précis de chacune des lois ne révèle pas la présence d’éléments essentiels communs[13].

Les appelants en l’espèce concluent que les moyens de défense font partie intégrante des « éléments » à prendre en considération. Le juge des requêtes interprète cependant l’arrêt Steward comme voyant dans l’apparence de droit, non pas un moyen de défense, mais un élément spécifique de l’infraction. Il en conclut que notre Cour s’était limitée à comparer les « éléments constitutifs » et non les moyens de défense dans son analyse de l’équivalence.

Je ne pense cependant pas qu’il soit possible de tirer pareille conclusion sur la jurisprudence de notre Cour que ce soit de l’arrêt Steward ou des autres causes citées. Il y a lieu de noter tout d’abord que dans aucune de ces causes, la Cour n’a expressément expliqué qu’elle employait le terme « élément » dans un sens restrictif, par contraste à « moyen de défense ». En effet, comme nous le verrons plus loin, la Cour n’a pas employé le terme (anglais) « element » de façon constante, mais a fréquemment fait état (dans les jugements rendus en anglais) des « ingredients » de l’infraction. Qui plus est, dans Hill comme dans Steward, elle a vu dans le défaut d’apparence de droit une condition essentielle du verdict de culpabilité. L’apparence de droit a été normalement considérée comme un moyen de défense en matière pénale[14]. Dans l’affaire Hill, on pourrait soutenir que le défaut d’apparence de droit était considéré comme un élément constitutif du vol, dont la définition prévoit que commet cette infraction quiconque « prend frauduleusement et sans apparence de droit ». Mais dans l’affaire Steward que citent l’avocat du ministre et le juge des requêtes, la condition de l’apparence de droit était prévue, non pas dans la définition de l’incendie criminel, mais dans une autre disposition, le paragraphe 386(2) susmentionné, qui excluait la déclaration de culpabilité si l’accusé « prouve qu’il a agi avec … apparence de droit » (non souligné dans l’original). La formulation était clairement celle d’un moyen de défense, avec charge de la preuve incombant à l’accusé. Cette disposition répond au critère classique du moyen de défense : c’est le facteur que le défendeur doit faire valoir après que la poursuite aura prouvé que, n’eût été ce moyen de défense, il serait coupable[15]. Je ne partage donc pas la conclusion du juge des requêtes que, dans Steward, notre Cour voyait dans le défaut d’apparence de droit un « élément constitutif » de l’infraction, et non pas dans sa présence un « moyen de défense ». Rien dans cette décision n’oblige à cette interprétation et pareille conclusion est contraire au principe. Je conclus donc que la jurisprudence de notre Cour ne pose pas pour règle la distinction entre les « éléments constitutifs » de l’infraction et les « moyens de défense » y afférents, sans que ces derniers entrent en ligne de compte pour établir l’équivalence. En effet, la distinction entre « éléments constitutifs » et « moyens de défense » a encore moins d’importance en droit pénal canadien depuis que la présomption d’innocence est constitutionnellement garantie par l’alinéa 11d) de la Charte[16]. Dans R. c. Whyte[17], la Cour suprême du Canada a jugé que la qualification d’un facteur comme élément essentiel ou moyen de défense ne devrait pas avoir d’effet sur la présomption d’innocence : faute de justification au regard de l’article premier de la Charte, l’accusé ne serait pas obligé de « démontrer certains faits suivant la prépondérance des probabilités pour éviter d’être déclaré coupable »[18].

Je ne pense pas non plus qu’une interprétation correcte du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigration nécessite une dissection aussi méticuleuse de l’infraction punissable au Canada et de celle punissable dans le pays étranger en « éléments constitutifs » et en « moyens de défense ». Il faut tenir compte du contexte institutionnel. La décision sur l’équivalence est le fait d’un arbitre dans une procédure quasi judiciaire. On ne peut guère s’attendre que cet arbitre fasse des distinctions aussi subtiles dans le droit pénal canadien, et encore moins dans le droit pénal étranger. Cette disposition a de toute évidence pour objet d’exclure du Canada des personnes qui ont commis à l’étranger des infractions pour lesquelles elles ont été condamnées et que la loi canadienne considère comme des transgressions graves. Ce serait faire échec à ce but que de poser pour règle que deux infractions ne sont pas équivalentes parce qu’un facteur est considéré comme un élément constitutif dans la loi étrangère, mais comme un moyen de défense dans la loi canadienne.

Je pense qu’il serait tout à fait conforme à l’objectif de la loi, et à la jurisprudence de notre Cour, de conclure que ce que signifie l’équivalence, c’est essentiellement la similitude de définition des deux infractions. Une définition est similaire si elle prévoit les mêmes critères à observer pour prouver que l’infraction a été commise, que ces critères se traduisent par des « éléments constitutifs » (au sens restrictif) ou par des « moyens de défense » dans l’une ou l’autre loi. À mon avis, la définition d’une infraction embrasse les éléments constitutifs et les moyens de défense propres à cette infraction, voire à cette catégorie d’infractions[19]. Dans l’application du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigration, il n’est pas nécessaire de comparer tous les principes généraux de responsabilité pénale dans les deux systèmes : ce qu’il faut examiner, c’est la comparabilité des infractions, et non la comparabilité des possibilités de condamnation dans les deux pays.

Il s’ensuit qu’on ne peut donner aux questions 1 et 2 une simple réponse affirmative ou négative. La réponse à chacune d’elles doit par contre être la suivante :

La comparaison des « éléments essentiels » de l’une et l’autre infractions requiert la comparaison de leurs définitions respectives, y compris les moyens de défense propres à ces infractions ou aux catégories dont elles relèvent.

Le juge des requêtes ayant conclu qu’il n’était pas nécessaire de prendre en compte les moyens de défense, nous devons examiner si la réponse ci-dessus à ces questions conduit à l’accueil de l’appel. J’ai conclu que oui. Pour l’arbitre, la condition posée par l’alinéa 426(1)a) du Code criminel que le pot-de-vin ou l’avantage soit accepté « par corruption » est équivalente à la condition posée par l’alinéa 9(1)(a) de la Prevention of Bribery Ordinance que l’agent ait accepté la récompense [traduction] « sans y être légalement autorisé ni justifier d’aucune excuse raisonnable ». Je ne pense pas que pareille interprétation soit conforme à la jurisprudence établie quant au sens de la locution « par corruption » figurant à l’alinéa 426(1)a) du Code criminel. Dans R. c. Kelly[20], la Cour suprême du Canada a conclu par décision majoritaire que dans ce contexte, « par corruption » signifiait « faute de divulgation » au commettant. Pour que la divulgation puisse constituer un moyen de défense, il faut qu’elle soit faite avec suffisamment de détails et en temps voulu, mais dès qu’elle est faite, l’acceptation de la récompense par l’agent ne peut plus être considérée comme l’ayant été « par corruption ». Ce facteur donne à l’infraction punissable au Canada un sens plus restrictif que ce n’est le cas pour l’infraction punissable à Hong Kong. Il ressort de la phraséologie de l’ordonnance de Hong Kong que la simple divulgation ne déculpabilise pas l’acceptation du pot-de-vin ou de l’avantage. L’alinéa 9(1)(a) de cette ordonnance crée une infraction quand l’agent accepte un avantage ou une récompense [traduction] « sans y être légalement autorisé ni justifier d’aucune excuse raisonnable ». Il est facile de concevoir qu’un agent à Hong Kong puisse informer son commettant qu’il a reçu un avantage, mais si ce commettant ne lui en donne pas « l’autorisation légale », l’agent aura quand même commis l’infraction. Les termes du paragraphe 9(5) de l’ordonnance, cité supra, soulignent l’importance de la permission donnée en temps voulu par le commettant et prescrivent qu’il doit s’agir là d’une permission donnée en connaissance de cause. Il est donc manifeste que des personnes pourraient être reconnues coupables à Hong Kong dans des circonstances telles qu’elles ne seraient pas déclarées coupables de la même infraction au Canada, étant donné l’existence du moyen de défense tiré du sens plus restrictif de la locution « par corruption », tel que le prescrit la Cour suprême.

Il aurait pu être possible de démontrer, à la lumière des détails des chefs d’accusation formulés à Hong Kong ou des preuves administrées lors des procès qui y ont eu lieu, qu’en fait les agissements de M. Li auraient constitué une infraction au sens quelque peu plus restrictif des dispositions du Code criminel. Rien n’indique cependant que l’arbitre ait été saisi de preuves de ce genre. Ce qui donne lieu à une autre question qui n’a pas été débattue en l’espèce et que par conséquent la Cour n’a pas été appelée à trancher, savoir celle de la charge de la preuve dans l’application du sous-alinéa 19(2)a.1)(i). Il faut noter en tout premier lieu que le paragraphe 8(1) de la Loi sur l’immigration prévoit ce qui suit :

8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu’il en a le droit ou que le fait d’y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

L’alinéa 19(2)a.1) s’applique aux

19. (2) …

a.1) … personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles ont, à l’étranger :

(i) soit été déclarées coupables d’une infraction …

(ii) soit commis un fait …

[punissable par voie d’acte d’accusation sous le régime d’une loi fédérale]. [Non souligné dans l’original.]

Que doit faire le ministre dans ces conditions pour faire valoir les motifs raisonnables d’une telle croyance? Suffirait-il, par exemple, d’un certificat de verdict de culpabilité étranger qui permette de conclure à la similarité avec un acte criminel au regard de la loi canadienne? Le paragraphe 8(1) fait-il à celui qui cherche à entrer au Canada l’obligation de démontrer que l’infraction dont il a été reconnu coupable n’est pas similaire que ce soit sur le plan des faits ou sur le plan de la qualification juridique? Je ne me prononce pas sur cette question puisqu’elle n’a été expressément posée ni en l’espèce ni dans les causes antérieures, bien qu’il y ait dans une certaine mesure présomption qu’il incombe au ministre de prouver l’équivalence[21].

Cependant, à la lumière du dossier soumis à la Cour, l’appel doit être accueilli.

La charge de la preuve est-elle un facteur à prendre

Telle est la substance des questions 3 et 4.

Aux termes de l’article 24, cité supra, de la Prevention of Bribery Ordinance de Hong Kong [traduction] « [i]l incombe à la personne poursuivie en justice [sous son régime] de prouver que ses agissements sont légalement autorisés ou justifient d’une excuse raisonnable ». Les appelants soutiennent que par application de l’alinéa 11d) de la Charte, qui porte présomption d’innocence jusqu’à ce que l’inculpé soit reconnu coupable en justice, la personne poursuivie sous le régime de l’article correspondant du Code criminel ne peut être tenue à la charge de la preuve. Leur avocat présente cet argument essentiel dans son mémoire comme suit :

[traduction] Le principe fondamental qui sous-tend la règle de l’équivalence est que l’arbitre ne peut déclarer une personne non admissible que s’il est convaincu que les faits qui ont conduit au verdict de culpabilité à Hong Kong conduiraient, par déduction nécessaire, à une déclaration de culpabilité au Canada.

De ce principe, il conclut que si dans le jugement d’infractions similaires, la charge de la preuve incombe à l’accusé selon la loi de Hong Kong, mais au ministère public selon la loi canadienne, ces infractions ne peuvent être équivalentes.

Il convient à cet égard de revenir sur le texte du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigration, qui pose pour condition que l’intéressé ait été déclaré coupable à l’étranger « d’une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction [punissable par une loi fédérale par voie d’acte d’accusation] ». Ainsi que l’a fait remarquer l’arbitre à M. Li :

[traduction] La question se pose, monsieur Li, de savoir s’il y a au Canada une infraction équivalente à celle dont vous avez été déclaré coupable à l’extérieur de ce pays, et non pas de savoir si vous auriez été condamné au Canada pour cette infraction[22].

Je partage cette analyse du texte de loi. Comme noté supra, le sous-alinéa 19(2)a.1)(i) vise à interdire l’entrée aux personnes qui ont été déclarées coupables à l’étranger d’actes qui, eussent-ils été commis au Canada, auraient été réprouvés au moyen d’une poursuite par voie d’accusation. Ce qu’il faut comparer, ce sont les faits et la qualification juridique qui caractérisent l’infraction au Canada et dans le pays étranger. Il n’est pas nécessaire de comparer la procédure par laquelle un verdict de culpabilité pourrait être prononcé ou non dans chaque pays. Le sens littéral de l’alinéa 19(2)a.1) ne requiert pas pareille comparaison, laquelle n’est pas conforme non plus à l’économie de la Loi sous le régime de laquelle l’équivalence doit être établie. La Loi ne prévoit pas un nouveau jugement de la cause avec application des règles de preuve canadiennes. Elle ne prévoit pas non plus l’examen de la validité du verdict de culpabilité prononcé dans le pays étranger[23]. Il en est ainsi peu importe que l’on invoque la Charte, une loi écrite ou la common law pour faire valoir les normes canadiennes de procédure ou de preuve. Il est bien entendu que littéralement, la Charte ne peut s’appliquer aux institutions publiques de Hong Kong, lesquelles ne sont pas couvertes par son article 32. S’il est indiscutable qu’au Canada les procédures relatives à la Loi sur l’immigration doivent se dérouler conformément à la Charte, il est loisible aux tribunaux canadiens de reconnaître ou d’accepter la validité du système juridique d’autres pays abstraction faite de la Charte. C’est ainsi que dans Canada c. Schmidt[24], la Cour suprême du Canada a, par jugement majoritaire, refusé de dénier l’extradition aux États-Unis malgré l’argument que l’extradition signifierait que l’accusée serait jugée deux fois pour la même infraction, contrairement à la garantie de l’alinéa 11h) de la Charte. Le juge La Forest a tiré à ce propos la conclusion suivante : 

… selon moi, il n’est pas injuste de livrer à un pays étranger une personne accusée d’y avoir commis un crime pour qu’elle y soit jugée en conformité de son système judiciaire simplement parce que ce dernier diffère sensiblement du nôtre et comporte des mécanismes différents. Le processus judiciaire d’un pays étranger ne doit pas être soumis à des évaluations minutieuses en fonction des règles applicables aux voies judiciaires canadiennes. Un système judiciaire n’est pas, par exemple, foncièrement injuste, en fait, sur le plan pratique, il peut être aussi juste que le nôtre, parce qu’il repose sur un mode d’enquête auquel la présomption d’innocence est étrangère ou, d’une manière générale, parce que ses mesures protectrices en matière de procédure ou de preuve n’ont pas la même rigueur que celles de notre système.

On peut dégager deux principes qui ont application en l’espèce. Dans l’affaire susmentionnée, la Cour suprême a refusé d’appliquer la Charte bien que l’extradition signifiât que la justice canadienne avait permis de soumettre une personne se trouvant dans ce pays (en fait elle était citoyenne canadienne) à un procès possible au résultat inconnu aux États-Unis où certaines normes imposées par la Charte dans notre pays ne seraient peut-être pas respectées. Il s’agit là d’une question plus grave encore que celle qui se pose dans l’affaire en instance, où le système juridique canadien est invoqué pour exclure quelqu’un de ce pays, non pas pour le livrer à un pays étranger pour poursuite en justice, mais parce que ses agissements à l’étranger ont démontré qu’il serait indésirable comme visiteur ou résident au Canada. En second lieu, le passage cité reconnaît expressément qu’un système juridique étranger qui ne connaît pas les garanties de notre système en matière de preuves peut toujours être, dans les faits, fondamentalement juste.

Plus récemment, la Cour suprême du Canada a jugé que la Charte n'a pas application à l'étranger, dans le cas même où des actes commis par des agents de police étrangers à l'encontre de ce texte ont produit des preuves à administrer devant une juridiction canadienne. Dans R. c. Terry[25], un individu recherché pour meurtre par les autorités canadiennes a été arrêté aux États-Unis par la police américaine en vertu d'un mandat fondé sur des renseignements émanant de la police canadienne. Il a eu le bénéfice des avertissements donnés conformément à la loi américaine, mais n'a pas été informé sur-le-champ de son droit de consulter un avocat, comme l'aurait requis l'alinéa 10b) de la Charte s'il avait été arrêté au Canada. N'empêche que les déclarations qu'il a fait à la police sans avoir été informé de ce droit, ont été jugées admissibles lors de son procès subséquent au Canada. La Cour a jugé que la Charte ne pouvait régir la conduite d'agents de police étrangers agissant dans leur propre pays. Il doit en être certainement de même d'un tribunal étranger jugeant une personne soumise à sa compétence. De même, tout comme la Cour suprême a noté les difficultés pratiques d'une application de la Charte à la conduite d'un service de police étranger[26], je pense qu'un arbitre ou un tribunal canadien buterait contre le même obstacle pour appliquer la Charte dans l'affaire en instance. Par exemple, à supposer même que l'article 24 de la Prevention of Bribery Ordinance restreigne le droit prévu à l'alinéa 11d) de la Charte, comment un arbitre ou un juge canadien pourrait-il examiner si cette restriction serait justifiable au regard de l'article premier de la Charte, vu les mécanismes d'application des lois dans le pays étranger?, je pense qu’un arbitre ou un tribunal canadien buterait contre le même obstacle pour appliquer la Charte dans l’affaire en instance. Par exemple, à supposer même que l’article 24 de la Prevention of Bribery Ordinance restreigne le droit prévu à l’alinéa 11d) de la Charte, comment un arbitre ou un juge canadien pourrait-il examiner si cette restriction serait justifiable au regard de l’article premier de la Charte, vu les mécanismes d’application des lois dans le pays étranger?

Je conclus donc que pour examiner l’équivalence entre les deux infractions pour l’application du sous-alinéa 19(2)a.1)(i), il n’y a pas lieu pour l’arbitre de faire un parallèle entre les règles de preuve ou de procédure applicables dans les deux ressorts respectifs. La réponse aux questions 3 et 4 est donc négative.

Décision

La réponse aux questions 1 et 2 doit être la suivante :

La comparaison des « éléments essentiels » de l’une et l’autre infractions requiert la comparaison de leurs définitions respectives, y compris les moyens de défense propres à ces infractions ou aux catégories dont elles relèvent.

Les questions 3 et 4 appellent une question négative. Vu la suite réservée aux deux premières questions et attendu que le point litigieux qu’elles soulèvent justifie l’annulation de la mesure d’expulsion, celle-ci est annulée. L’appel sera donc accueilli et il est ordonné, ainsi que le juge des requêtes aurait dû le faire, que l’affaire soit renvoyée à l’arbitre pour nouvelle décision par ce motif que l’appelant Ronald Fook Shiu Li n’est pas une personne tombant sous le coup du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l’immigration.

Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris aux motifs ci-dessus.

Le juge suppléant Chevalier : Je souscris aux motifs ci-dessus.



[1] L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2] Laws of Hong Kong (Revised edition 1987), ch. 201.

[3] L.R.C. (1985), ch. C-46.

[4] D.A., vol. I, aux p. 75 et 76.

[5] Voici ce que prévoit cette disposition :

11. Tout inculpé a le droit :

d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable;

[6] [1981] 2 C.F. 141(C.A.), aux p. 152 et 153.

[7] (1987), 73 N.R. 315 (C.A.F.).

[8] Id., à la p. 318.

[9] Voir par exemple Steward c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] 3 C.F. 487(C.A.), à la p. 493; Moore c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] F.C.J. no 34 (C.A.) (QL), à la p. 4.

[10] Voir par exemple Moore, ibid.

[11] Voir par exemple Mewett et Manning, Criminal Law (2e éd., 1985), aux p. 193 à 195.

[12] Supra, note 9.

[13] Ibid., à la p. 493.

[14] Voir par exemple Stuart, Canadian Criminal Law : A Treatise (3e éd., 1995), aux p. 306 à 308; Lilly c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 794, aux p. 798 à 800.

[15] Voir Mewett et Manning, supra, note 11, à la p. 193.

[16] Cité dans la note 5, supra.

[17] [1988] 2 R.C.S. 3, à la p. 18.

[18] Voir l’exposé du principe général dans Mewett & Manning on Criminal Law (3e éd., 1994), à la p. 355.

[19] Voir par exemple l’art. 429(2) du Code criminel qui prévoit certains moyens de défense à l’égard de diverses infractions contre les biens.

[20] [1992] 2 R.C.S. 170.

[21] Voir par exemple Hill, supra, note 7.

[22] D.A., vol. I, à la p. 77.

[23] Voir l’affaire Brannson, supra, note 6, à la p. 145.

[24] [1987] 1 R.C.S. 500, aux p. 522 et 523.

[25] [1996] 2 R.C.S. 207.

[26] Id., aux p. 215 à 217.

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