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[1997] 2 C.F. 759

T-2419-93

L’honorable Sinclair Stevens (requérant)

c.

Le Premier ministre du Canada (le Conseil privé) (intimé)

Répertorié : Stevens c. Canada (Premier ministre) (1reinst.)

Section de première instance, juge Rothstein— Toronto, 8 janvier et 29 février 1997.

Pratique Communications privilégiées Le requérant a demandé au BCP de lui communiquer les relevés de services d’avocat requis par la commission d’enquêteCes relevés avaient été soumis à la commission qui les avait transmis au BCP pour règlementLe BCP lui a communiqué 336 pages de relevés, dont ont été occultés les passages descriptifs de 73 pages pour cause de secret des communications entre client et avocatUn relevé de services et une note de débours ont été communiqués par inadvertanceLes relevés de services d’avocat sont protégésLa commission est un ministère sur le plan de l’administration financièreLa transmission de renseignements protégés d’une institution fédérale à une autre ne vaut normalement pas renonciation au secret des communications entre client et avocatLe fait que les relevés étaient transmis au BCP résultait d’arrangements administratifs entre deux ministèresIl n’y a pas eu renonciation au secret des communications entre client et avocatLe décret de nomination faisant au commissaire obligation de transmettre ses dossiers au greffier du Conseil privé, la divulgation était obligatoireElle ne valait pas renonciationLa divulgation par inadvertance ne vaut pas renonciationIl est nécessaire de prendre en considération toutes les circonstances pour savoir si une divulgation partielle constitue une tentative d’induire en erreur de telle façon que la protection soit anéantie pour le document tout entierLa divulgation partielle s’expliquait par la croyance erronée que le renseignement en question n’était pas protégéIl n’y a eu tentative ni de désavantager une partie ni d’induire la Cour en erreurLa divulgation partielle ne valait pas renonciation.

Accès à l’information Le BCP a communiqué 336 pages de relevés de services d’avocat requis par la commission d’enquête, avec occultation des passages descriptifs de 73 pages pour cause de secret des communications entre client et avocat et en application de l’art. 23 de la Loi sur l’accès à l’informationLa mention de l’art. 23 dans la décision montre qu’il y a eu (1) décision que les renseignements en question étaient protégés par le secret des communications entre client et avocat; et (2) décision de ne pas les divulguerLa mention expresse que l’exemption fondée sur l’art. 23 est une exemption discrétionnaire permet de conclure que l’autorité responsable s’est référée à l’art. 23 et au fait qu’il prévoit l’exemption discrétionnaireLe responsable a pris la décision discrétionnaire de ne pas communiquerSauf disposition dans ce sens de la Loi, une décision n’est pas susceptible de contrôle judiciaire du seul fait qu’elle n’est pas motivéeDans le contexte de l’art. 23, la Cour n’est appelée qu’à décider si le responsable de l’institution fédérale est habilité à refuser la communication pour cause de secret des communications entre client et avocatLe motif de refus était clairIl n’était pas nécessaire de prendre d’autres motifs dans la décisionLe responsable de l’institution fédérale doit examiner s’il y a lieu de renoncer à tout ou partie du droit de préserver la confidentialité du renseignement protégé par le secret des communications entre client et avocat au sens de l’art. 23Aucune erreur n’entache l’exercice du pouvoir discrétionnaireLa requête, faite à l’audience par les avocats du requérant, en communication des renseignements occultés afin qu’ils puissent présenter des conclusions informées, est rejetée pour cause d’introduction tardive et par ce motif que cette décision ne porte pas sur le contenu spécifique des renseignements en question.

Recours en contrôle judiciaire de la décision du Commissaire à l’information, exercé en application de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information. Le requérant avait demandé au Bureau du Conseil privé (BCP) de lui communiquer tous les relevés de services d’avocat requis par la Commission d’enquête sur les allégations de conflit d’intérêts le concernant (parfois appelée commission Parker). Ces relevés avaient été soumis à la commission d’enquête qui les avait ensuite transmis au BCP pour règlement. Le requérant s’est vu communiquer 336 pages de relevés de services d’avocat, lesquels donnent le nom de l’avocat qui a effectué le service, la date de ce service et le temps qu’il y a consacré chaque jour. Les débours sont indiqués en détail, mais les passages descriptifs de 73 pages de relevés communiqués ont été occultés, en application de l’article 23, pour cause de secret des communications entre client et avocat. Un relevé de services d’avocat a été communiqué par inadvertance au requérant, ainsi qu’un relevé de débours donnant les noms des parties à une conversation téléphonique.

Il échet d’examiner si les passages descriptifs des relevés de services d’avocat sont protégés par le secret des communications entre client et avocat; s’il y a eu renonciation à cette protection soit du fait que la commission a divulgué ces relevés à une tierce partie en les transmettant au BCP pour règlement, soit du fait qu’ils ont été partiellement divulgués; et si le responsable du Bureau du Conseil privé a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément à la Loi sur l’accès à l’information.

Jugement : la demande doit être rejetée.

En l’espèce, les relevés de services d’avocat portent directement sur les consultations juridiques. Ils sont protégés par le secret des communications entre client et avocat. La protection des consultations juridiques est une règle de fond, dont le champ d’application n’est pas censé varier selon qu’on l’invoque dans le cadre de la Loi sur l’accès à l’information ou dans quelque autre contexte. Les relevés de services d’avocat sont protégés dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information comme dans tout autre contexte.

Le client en l’espèce était le commissaire Parker. Les rapports client-avocat étaient ceux qui existaient entre le commissaire Parker et ses conseillers juridiques, et si le secret professionnel de ces rapports doit être invoqué, c’est au commissaire Parker qu’il appartient de le faire. Le témoignage par affidavit du conseiller juridique en second de la commission, selon lequel le commissaire lui a fait savoir qu’il ne renoncerait pas au secret professionnel protégeant les documents visés par la demande de consultation, est suffisant pour prouver que le commissaire a revendiqué ce secret et qu’il n’y renoncerait pas.

La commission Parker est un ministère sur le plan de l’administration financière et en particulier du règlement, au moyen des deniers publics, des dépenses de la commission, y compris les honoraires d’avocat. En ce qui concerne le secret des communications entre client et avocat, que transmet une institution fédérale à une autre, la règle générale est que la divulgation par une institution de renseignements protégés à une autre ne vaut normalement pas renonciation au secret, puisqu’il s’agit là d’une action interne au sein de l’administration, qui est en fin de compte le bénéficiaire de cette protection. Le fait que la commission ait soumis les relevés de services de ses conseillers juridiques au BCP pour paiement ne signifie pas communication de ces relevés à une tierce partie, qui vaudrait renonciation à leur protection. Ce fait résulte d’arrangements administratifs entre un ministère, qu’est la commission Parker, et un autre ministère, savoir le BCP, pour règlement des dépenses du premier. Il n’y a donc pas eu renonciation à la protection des communications entre client et avocat du fait de la divulgation à une tierce partie.

Lorsque la loi prévoit la divulgation, la volonté n’y a aucune part et il n’y a pas renonciation tacite. Le décret de nomination faisait au commissaire obligation de transmettre ses dossiers au greffier du Conseil privé. La divulgation au BCP était donc obligatoire. À supposer que la communication au BCP puisse être interprétée comme étant la communication à une tierce partie, elle était obligatoire et ne valait pas renonciation.

La divulgation par inadvertance ne vaut pas nécessairement renonciation. La divulgation par inadvertance du relevé de services et de la note de débours ne vaut pas renonciation au secret des communications entre client et avocat.

En général, la renonciation au secret d’une partie de la communication sera tenue pour renonciation à l’égard de la communication tout entière. Il est cependant des circonstances où la divulgation d’une partie de la communication ne vaut pas renonciation à l’égard du tout. Il est nécessaire de prendre en considération toutes les circonstances pour savoir si une divulgation partielle constitue une tentative d’induire en erreur de telle façon que la protection soit anéantie pour le document tout entier. Le Bureau du Conseil privé a occulté les passages descriptifs parce que les fonctionnaires responsables les jugeaient protégés par le secret des communications entre client et avocat, et divulgué le restant du contenu des relevés en cause, parce que ces fonctionnaires les estimaient (à tort) exclus de cette protection. En matière de divulgation sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information, la divulgation partielle d’un renseignement protégé ne saurait représenter une tentative de désavantager une partie, ou d’induire en erreur le demandeur ou quelque juridiction que ce soit; d’ailleurs, rien n’indique qu’elle aurait cet effet. La divulgation de certaines parties des relevés de services d’avocat ne vaut pas renonciation au secret des communications entre client et avocat.

La mention, à l’annexe, du secret professionnel entre client et avocat que consacre l’article 23 démontre qu’il y a eu deux décisions : décision que les documents en question sont protégés par le secret des communications entre client et avocat, et décision de ne pas divulguer les renseignements tenus pour protégés par ce secret. La mention expresse que l’exemption fondée sur l’article 23 est une exemption discrétionnaire permet de conclure que l’autorité responsable s’est référée à l’article 23 et au fait qu’il prévoit l’exemption discrétionnaire. Le responsable a pris la décision discrétionnaire de ne pas communiquer les renseignements en question.

Sauf disposition dans ce sens de la loi ou du règlement applicable, une décision n’est pas susceptible de contrôle judiciaire du seul fait qu’elle n’est pas motivée. Dans le contexte de l’article 23 de la Loi, la Cour n’est appelée qu’à décider si le responsable de l’institution fédérale est habilité à refuser la communication par ce motif que le ou les renseignements demandés sont protégés par le secret des communications entre client et avocat. Le motif de décision ressort clairement de l’article 23, et il n’est pas nécessaire d’aller plus loin. En refusant de communiquer les renseignements en question, le BCP n’était pas tenu de donner d’autres motifs que ceux mentionnés dans sa décision. Le responsable a exercé son pouvoir discrétionnaire de refuser la communication de bonne foi et pour la raison visée à l’article 23. On ne saurait prescrire par une règle générale les facteurs que doit prendre en considération le chef d’une institution fédérale lorsqu’il rend une décision sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou de la Loi sur l’accès à l’information. Ce qu’il doit prendre en considération, c’est la disposition même en application de laquelle il rend la décision ainsi que les circonstances de l’affaire. Dans l’application de l’article 23, tout ce que le responsable de l’institution fédérale doit examiner, c’est s’il y a lieu de renoncer à tout ou partie du droit de préserver la confidentialité du renseignement protégé par le secret des communications entre client et avocat. C’est ce qui a été fait en l’espèce. Aucune erreur n’entache l’exercice par le Bureau du Conseil privé de son pouvoir discrétionnaire en la matière.

Les avocats du requérant ont demandé à la Cour d’ordonner la communication des passages descriptifs des relevés en question afin qu’ils puissent présenter des conclusions informées à ce sujet; la Cour n’a pas accédé à cette requête en raison de son introduction tardive. Après avoir revu les documents confidentiels, la Cour a jugé qu’il n’était pas nécessaire de fixer la procédure pour entendre les conclusions des avocats du requérant sur des renseignements spécifiques, puisque cette décision ne porte pas sur le contenu spécifique des documents demandés.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 2, 19(1), 23, 41, 50, 53.

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 34 (mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 13).

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 19(1).

Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11, partie I.

Loi sur les juges, L.R.C. (1985), ch. J-1, art. 37.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Susan Hosiery Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 27; [1969] C.T.C. 353; (1969), 69 DTC 5278; Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821; (1979), 105 D.L.R. (3d) 745; 50 C.C.C. (2d) 495; 16 C.R. (3d) 294; 30 N.R. 380; Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860; (1982), 141 D.L.R. (3d) 590; 70 C.C.C. (2d) 385; 28 C.R. (3d) 289; 1 C.R.R. 318; 44 N.R. 462; International Minerals & Chemicals Corp. (Canada) Ltd. et al. v. Commonwealth Insurance Co. et al. (1991), 89 Sask. R. 1; 47 C.C.L.I. 196 (B.R.); Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1996] 1 C.F. 268 (1995), 102 F.T.R. 30 (1re inst.); Weiler c. Canada (Ministère de la Justice), [1991] 3 C.F. 617 (1991), 37 C.P.R. (3d) 1; 46 F.T.R. 163 (1re inst.); Lowry v. Can. Mountain Holidays Ltd. (1984), 59 B.C.L.R. 137 (C.S.); Kelly c. Canada (Solliciteur général) (1992), 6 Admin. L.R. (2d) 54; 53 F.T.R. 147 (C.F. 1re inst.); conf. par (1993), 13 Admin. L.R. (2d) 304; 154 N.R. 319 (C.A.F.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Directeur du Musée canadien de la nature), [1995] 3 C.F. 643 63 C.P.R. (3d) 449; 102 F.T.R. 7 (1re inst.); Great Atlantic Insurance Co v Home Insurance Co, [1981] 2 All ER 485 (C.A.).

DÉCISION EXAMINÉE :

S. & K. Processors Ltd. v. Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] 4 W.W.R. 762; (1983), 45 B.C.L.R. 218; 35 C.P.C. 146 (C.S.).

DÉCISIONS CITÉES :

Ontario Securities Commission and Greymac Credit Corp., Re (1983), 41 O.R. (2d) 328; 146 D.L.R. (3d) 73; 21 B.L.R. 37; 33 C.P.C. 270 (C. div.); Khoury c. Khoury (1991), 122 R.N.-B. (2e) 150; 306 A.P.R. 150 (B.R.); Law Society of Prince Edward Island v. Prince Edward Island (Attorney General) (1994), 123 Nfld. & P.E.I.R. 217; 382 A.P.R. 217 (C.S. 1re inst.); Russell & DuMoulin, Re (1986), 9 B.C.L.R. (2d) 265 (C.S.); Ontario (Attorney General) v. Fineberg and Doe (1996), 88 O.A.C. 318 (C. div.); Chant v. Brown (1851), 9 Hare 790; 68 E.R. 735; Turton v. Barber (1874), L.R. 17 Eq. 329; Mut. Life Assur. Co. of Can. v. Dep. A.G. of Can. (1984), 42 C.P.C. 61; 84 DTC 6177 (H.C. Ont.); Playfair Developments Ltd v D/MNR, [1985] 1 CTC 302; (1985), 85 DTC 5155 (C.S. Ont.); Taves (K.E.G.) v. Canada, [1995] 2 C.T.C. 347 (C.S.C.-B.); R. v. Bencardino and de Carlo (1974), 2 O.R. (2d) 351; 15 C.C.C. (2d) 342; 24 C.R.N.S. 173 (C.A.); Nova Scotia Pharmaceutical Society et al. v. R. (1988), 88 N.S.R. (2d) 70; 225 A.P.R. 70 (C.S. 1re inst.); Ioannidis v. Ioannidis, [1981] 4 W.W.R. 269; (1981), 27 B.C.L.R. 397; 22 R.F.L. (2d) 92 (C.A.); Canada (Ministre de l’Industrie et du Commerce) c. Central Cartage Company et autres (1987), 10 F.T.R. 225 (C.F. 1re inst.); Western Canada Invt. Co. Ltd. v. McDairmid (1922), 15 Sask. L.R. 142; 66 D.L.R. 457; [1922] 1 W.W.R. 257 (C.A.); Double-E, Inc. c. Positive Action Tool Western Ltd., [1989] 1 C.F. 163 (1988), 20 C.I.P.R. 109; 21 C.P.R. (3d) 195; 21 F.T.R. 121 (1re inst.); Terry c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1994), 30 Admin. L.R. (2d) 122; 86 F.T.R. 266 (C.F. 1re inst.); GE Capital Corporate Finance Group Ltd v Bankers Trust Co, [1995] 2 All ER 993 (C.A.); Power Consol. (China) Pulp Inc. v. B.C. Resources Invt. Corp., [1989] 2 W.W.R. 679; (1988), 32 B.C.L.R. (2d) 320 (C.A.); Mackin v. New Brunswick (Attorney General) (1996), 141 D.L.R. (4th) 352 (B.R.N.-B. 1re inst.); Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; (1978), 12 A.R. 449; 89 D.L.R. (3d) 161; 7 Alta. L.R. (2d) 370; 23 N.R. 565; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Premier ministre), [1993] 1 C.F. 427 (1992), 12 Admin. L.R. (2d) 81; 49 C.P.R. (3d) 79; 57 F.T.R. 180 (1re inst.); Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1995] 3 C.F. 199 (1995), 124 D.L.R. (4th) 553; 181 N.R. 139 (C.A.); Mackenzie c. Canada (Ministre, Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 31 Admin. L.R. (2d) 86; 59 C.P.R. (3d) 63; 88 F.T.R. 52 (C.F. 1re inst.); Hunter c. Canada (Ministère des Consommateurs et des Sociétés), [1991] 3 C.F. 186 (1991), 29 C.P.R. (3d) 321; 35 F.T.R. 75 (C.A.); Steinhoff c. Canada (Ministre des Communications) (1996), 114 F.T.R. 108 (C.F. 1re inst.).

DOCTRINE

Anthony, R. J. and A. R. Lucas. A Handbook on the Conduct of Public Inquiries in Canada. Toronto : Butterworths, 1985.

Canada. Commission d’enquête sur les faits reliés à des allégations de conflit d’intérêts concernant l’honorable Sinclair Stevens. Rapport. Ottawa : Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1987 (Commissaire : William D. Parker).

Manes, Ronald D. and Michael P. Silver. Solicitor-Client Privilege in Canadian Law. Markham, Ont. : Butterworths, 1993.

McNairn, Colin H. H. and C. D. Woodbury. Government Information : Access and Privacy. Scarborough, Ont. : Carswell, 1992.

Sopinka, J. « The Role of Commission Counsel » in A. Paul Pross et al., eds. Commissions of Inquiry. Toronto : Carswell, 1990.

Wigmore, John Henry. Evidence in Trials at Common Law. McNaughton Revision, vol. 8. Boston : Little, Brown & Co., 1961.

DEMANDE de contrôle judiciaire du refus, fondé sur le secret des communications entre client et avocat, de communiquer des parties des relevés de services d’avocats relatifs à une commission d’enquête sur des allégations de conflit d’intérêts concernant le requérant. Demande rejetée.

AVOCATS :

Peter R. Jervis et Stephen G. A. Pitel pour le requérant.

Claire A. Le Riche pour l’intimé.

PROCUREURS :

Lerner & Associates, Toronto, pour le requérant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Rothstein : Il y a en l’espèce demande introduite sous le régime de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, et tendant au contrôle judiciaire d’une décision du Commissaire à l’information. Le requérant avait demandé au Bureau du Conseil privé de lui communiquer :

[traduction] Tous les relevés de services d’avocat soumis après le 15 février 1987 jusqu’à cette date [le 9 décembre 1992] par David W. Scott du cabinet Scott et Aylen, par Edward P. Belobaba du cabinet Gowling et Henderson, et par Marlys Edwardh du cabinet Ruby et Edwardh, ainsi que toutes les demandes et autorisations de chèque y afférentes, dans le cadre de la Commission d’enquête sur les allégations de conflit d’intérêts concernant M. Sinclair Stevens, laquelle commission, qui a commencé ses travaux le lundi 16 juin 1986, et parfois appelée Commission Parker.

Le requérant s’est vu communiquer quelque 336 pages de relevés de services d’avocat, de reçus et autres pièces connexes. Dans l’ensemble, ces relevés donnent le nom de l’avocat qui a effectué le service, la date de ce service et le temps que cet avocat y a consacré chaque jour. Les débours sont indiqués en détail. Cependant, les passages descriptifs de 73 pages de relevés mis à la disposition du requérant ont été occultés pour cause de secret des communications entre client et avocat[1]. L’article 23 de la Loi sur l’accès à l’information prévoit ce qui suit :

23. Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client.

C’est le refus de communiquer les passages descriptifs des relevés susmentionnés qui donne lieu à la présente demande. Le requérant invoque les moyens suivants :

1. Les passages descriptifs des relevés de services d’avocat ne sont pas protégés par le secret des communications entre client et avocat, et doivent être communiqués;

2. Subsidiairement, quand bien même ces passages descriptifs seraient protégés, l’intimé a renoncé à cette protection et ils doivent être communiqués; et

3. Subsidiairement, le responsable du Bureau du Conseil privé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire conformément à la Loi sur l’accès à l’information; il faut donc lui renvoyer l’affaire pour réexamen.

Secret professionnel

L’article 2 de la Loi sur l’accès à l’information prévoit qu’en principe, les documents de l’administration fédérale sont accessibles au public. Les exceptions nécessaires au droit d’accès doivent être précises et limitées. Selon le requérant, ces principes font que la Cour doit interpréter de façon limitative le droit à la protection des communications entre client et avocat, revendiqué au titre de l’article 23 de la Loi.

Cette Loi ne définit pas le « secret professionnel qui lie un avocat à son client ». Dans les affaires d’accès à l’information, les juridictions saisies ont eu recours à la définition qui se dégage en common law d’un corps de droit substantiel, encore que parfois incertain. Le requérant s’appuie sur un courant jurisprudentiel pour soutenir que le relevé de services d’avocat n’est pas protégé en common law, et qu’il faut distinguer entre la consultation juridique, qui est protégée, et les actes accomplis par les avocats et les relevés relatifs à ces actes (que les passages descriptifs de ces relevés sont censés divulguer), qui ne le sont pas : Ontario Securities Commission and Greymac Credit Corp., Re (1983), 41 O.R. (2d) 328 (C. div.); Khoury c. Khoury (1991), 122 R.N.-B. (2e) 150 (B.R.); Law Society of Prince Edward Island v. Prince Edward Island (Attorney General) (1994), 123 Nfld. & P.E.I.R. 217 (C.S. 1re inst.); et Russell & DuMoulin, Re (1986), 9 B.C.L.R. (2d) 265 (C.S.).

Les avocats du requérant soutiennent que la Cour aura tout au plus à examiner les relevés en question pour voir s’ils renferment des consultations juridiques. Si tel est le cas (ce qui est peu probable à leur avis), seuls ces passages sont protégés par le secret professionnel. Toujours à ce propos, ils citent enfin l’ordonnance P-624, appel P-9300242, en date du 8 février 1984, et l’ordonnance P-676, appel P-9300343 en date du 11 mai 1994 du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario[2], d’où il ressort que la règle de common law n’est pas claire pour ce qui est de savoir si les relevés de services d’avocat jouissent, en tout ou en partie, de la protection des communications entre client et avocat. Le cheminement suivi par le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario est expliqué comme suit à la page 7 de l’ordonnance P-676 :

[traduction] … un relevé de services d’avocat ne jouit de l’exemption de l’article 19 de la Loi que si son contenu se rapporte directement et de façon tangible à une ou des consultations juridiques.

Du point de vue pratique, cette condition est remplie si la divulgation de l’information contenue dans le relevé dévoile le ou les sujets sur lesquels il y a eu consultation, la stratégie utilisée à l’égard des questions à résoudre, les détails de la consultation donnée ou l’issue de ces investigations. Cette conception s’explique du fait que certains renseignements renfermés dans le relevé de services peuvent se rattacher à la consultation juridique; elle permet aussi l’application méthodique du principe de divisibilité du dossier.

Une autre tendance jurisprudentielle présente une conception exhaustive du secret des communications entre client et avocat. Dans un arrêt de la Cour de l’Échiquier qui fait école en la matière, Susan Hosiery Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 27, deux principes ont été posés, l’un touchant à la nature confidentielle des rapports entre l’avocat et son client, l’autre à la préparation des conclusions de l’avocat dans le cadre du litige. Le premier principe, qui nous intéresse en l’espèce, est défini à la page 33 en ces termes :

[traduction]

a)   toutes communications de caractère confidentiel, orales ou écrites, entre le client et l’avocat et qui se rapportent aux consultations, conseils et services juridiques (y compris les notes y afférentes de l’avocat) sont protégées…

Le secret des communications entre client et avocat est tenu pour règle de fond, et non seulement cantonné dans le domaine des règles de preuve, par la Cour suprême du Canada dans Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, à la page 839 :

On peut s’écarter de la notion actuelle du privilège et aborder l’affaire dans une optique plus large, savoir, … le droit de communiquer en confidence avec son conseiller juridique est un droit civil fondamental, fondé sur la relation exceptionnelle de l’avocat avec son client …

Dans Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, le juge Lamer (actuellement juge en chef) a développé, aux pages 872 et 873, la conception du secret professionnel en tant que droit. Il a approuvé la démarche suivie par Wigmore (Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, révision McNaughton, vol. 8, paragraphe 2292), telle qu’elle s’exprime en ces termes, aux pages 872 et 873 :

[traduction] Les communications faites par le client qui consulte un conseiller juridique ès qualité, voulues confidentielles par le client, et qui ont pour fin d’obtenir un avis juridique font l’objet à son instance d’une protection permanente contre toute divulgation par le client ou le conseiller juridique, sous réserve de la renonciation à cette protection.

Le juge Lamer a ensuite défini comme suit, à la page 875, la règle de fond régissant le secret des communications entre client et avocat :

1.   La confidentialité des communications entre client et avocat peut être soulevée en toutes circonstances où ces communications seraient susceptibles d’être dévoilées sans le consentement du client;

2.   À moins que la loi n’en dispose autrement, lorsque et dans la mesure où l’exercice légitime d’un droit porterait atteinte au droit d’un autre à la confidentialité de ses communications avec son avocat, le conflit qui en résulte doit être résolu en faveur de la protection de la confidentialité;

3.   Lorsque la loi confère à quelqu’un le pouvoir de faire quelque chose qui, eu égard aux circonstances propres à l’espèce, pourrait avoir pour effet de porter atteinte à cette confidentialité, la décision de le faire et le choix des modalités d’exercice de ce pouvoir doivent être déterminés en regard d’un souci de n’y porter atteinte que dans la mesure absolument nécessaire à la réalisation des fins recherchées par la loi habilitante;

4.   La loi qui en disposerait autrement dans les cas du deuxième paragraphe ainsi que la loi habilitante du paragraphe trois doivent être interprétées restrictivement. [Non souligné dans l’original.]

On peut conclure de cette formulation du droit en question qu’il y a lieu de concevoir le secret des communications entre client et avocat de façon libérale, et non pas restrictive[3]. Le conflit entre le droit à la divulgation et le droit au secret des communications entre client et avocat doit être résolu en faveur du second. Celui-ci doit être préservé à moins qu’il ne soit « absolument nécessaire » d’y porter atteinte. C’est ce qu’a rappelé le juge Halvorson dans International Minerals & Chemicals Corp. (Canada) Ltd. et al. v. Commonwealth Insurance Co. et al. (1991), 89 Sask. R. 1 (B.R.) [à la page 8] :

[traduction] Pour revendiquer la protection des communications entre client et avocat, il faut prouver que la communication a été faite ou le document établi en vue d’une consultation juridique. Cet objectif doit être interprété de façon libérale. Dans le cas où il y a continuum de communications ou de rencontres entre l’avocat et le client, et que des informations passent de l’un à l’autre afin que les deux soient tenus au courant et que la consultation soit de ce fait possible, ces communications et documents seront protégés[4]… [Non souligné dans l’original.]

L’arrêt Descôteaux nous éclaire également sur les types de communications et de documents protégés par le secret des communications entre client et avocat, parce qu’il y est question de la divulgation d’une demande d’aide juridique. Personne ne dit que pareille demande renferme une consultation juridique. En fait, elle renseigne sur l’aptitude du client à payer. Le juge Lamer a conclu en ces termes, aux pages 876 et 877 :

Les renseignements que requiert un avocat d’une personne pour décider s’il acceptera de la conseiller ou de la représenter sont tout autant de communications faites dans le but d’obtenir un avis juridique que ceux qui lui seront communiqués après.

Ce qui signifie, là encore, qu’il faut interpréter de façon libérale le secret professionnel en question pour ce qui est des types de documents ou de renseignements qu’il protège. Plus spécifiquement, il ressort d’un courant jurisprudentiel, contraire aux précédents cités par le requérant, que les relevés de services d’avocat ou les mémoires de frais sont protégés; voir Chant v. Brown (1851), 9 Hare 790; 68 E.R. 735; Turton v. Barber (1874), L.R. 17 Eq. 329; Mut. Life Assur. Co. of Can. v. Dep. A.G. of Can. (1984), 42 C.P.C. 61 (H.C. Ont.); Playfair Developments Ltd v D/MNR, [1985] 1 CTC 302 (C.S. Ont.); Taves (K.E.G.) v. Canada, [1995] 2 C.T.C. 347 (C.S.C.-B.). À mon avis, cette jurisprudence est dans le droit fil de la règle de fond régissant le secret des communications entre client et avocat, qu’ont définie la Cour suprême du Canada dans Descôteaux et la Cour de l’Échiquier par son observation incidente dans Susan Hosiery. En l’espèce donc, les relevés de services d’avocat portent directement sur les consultations, conseils et services juridiques, et sont protégés par le secret des communications entre client et avocat.

Le requérant soutient que dans la mesure où le secret des consultations juridiques se prête à une interprétation à la fois restrictive et libérale, dans les affaires soumises à la Loi sur l’accès à l’information, l’article 2 de cette Loi prescrit qu’il faut préférer l’interprétation restrictive. Je ne peux en convenir. La protection des consultations juridiques est une règle de fond, dont le champ d’application n’est pas censé varier selon qu’on l’invoque dans le cadre de la Loi sur l’accès à l’information ou dans quelque autre contexte. Plus spécifiquement, j’interprète la règle de droit comme posant que les relevés de services d’avocat sont protégés, et cette règle s’applique dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information comme dans tout autre contexte.

Renonciation

Le requérant soutient que quand bien même le secret des communications entre client et avocat s’étendrait aux passages descriptifs des relevés de services d’avocat, l’intimé y a renoncé. En premier lieu, dit-il, à supposer que ce droit soit en jeu en l’espèce, il porte sur les communications entre le commissaire Parker qui présidait une commission d’enquête indépendante [Commission d’enquête sur les faits reliés à des allégations de conflit d’intérêts concernant l’honorable Sinclair M. Stevens] et ses conseillers juridiques. Le fait que le commissaire Parker envoie ces relevés au Bureau du Conseil privé signifie qu’ils ont été divulgués à une tierce partie, ce qui constitue une renonciation au droit. En deuxième lieu, le type de renseignements inclus dans les passages descriptifs que l’intimé ne tient pas à communiquer a été déjà divulgué. Par exemple, un relevé complet dont rien n’a été occulté a été divulgué qui indique la nature des services effectués. Dans un autre cas, un relevé téléphonique donnant le nom de l’interlocuteur de l’avocat a été communiqué. Selon le requérant, cela vaut renonciation partielle et, de ce fait, les principes de cohérence et d’équité exigent que tous les documents protégés soient divulgués maintenant. Enfin, la divulgation des passages des relevés où figure le nom de l’avocat effectuant les services, les dates où il les a effectués, et le temps qu’il y a consacré chaque jour, constitue une renonciation partielle, et là encore, cela exige que les relevés soient intégralement divulgués.

Les arguments du requérant soulèvent un certain nombre de questions :

1. Quelles sont les parties aux communications entre client et avocat dont le secret a été revendiqué? Initialement, durant les débats, il y avait quelque doute sur la question de savoir si le Bureau du Conseil privé était une partie aux rapports entre client et avocat en question. Il ressort cependant des preuves produites, y compris les relevés de services d’avocat en cause, que le client en l’espèce était le commissaire Parker et non le Bureau du Conseil privé. À l’audience, l’intimé a fait valoir que le client était le commissaire Parker, ce que ne contestait pas le requérant. Cette position est conforme au statut des conseillers juridiques de commission d’enquête en général, ainsi que l’a fait observer le juge Sopinka dans « The Role of Commission Counsel » dans Commissions of Inquiry, à la page 77 :

[traduction] Bien que la jurisprudence n’ait guère défini le statut juridique du conseiller juridique de commission d’enquête, il est généralement reconnu qu’il est le conseiller juridique du commissaire, et c’est cette conception qui doit caractériser ses moindres faits et gestes.

Je conclus qu’en l’espèce, les rapports client-avocat étaient ceux qui existaient entre le commissaire Parker et ses conseillers juridiques, et que si le secret professionnel de ces rapports doit être invoqué, c’est au commissaire Parker qu’il appartient de le faire.

2. A-t-on la preuve que le secret professionnel a été revendiqué? Le requérant soutient qu’il n’y a aucune indication directe de la part du commissaire Parker qu’il revendiquait ce secret. La seule preuve à cet effet se trouve dans l’affidavit de Peter Doody, le conseiller juridique en second de la Commission. Voici ce qu’on peut lire aux paragraphes 3, 4 et 5 de cet affidavit :

[traduction] 3. En août 1989, j’ai appris du Commissaire à l’information qu’il y avait une demande, faite sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information, de consultation de documents du Bureau du Conseil privé, relatifs à la Commission. Et que cette demande visait les relevés de services soumis par les conseillers juridiques de la Commission, David Scott, Marlys Edwardh et Edward Belobaba, dans le cadre du travail qu’ils faisaient pour celle-ci.

4. En septembre 1989, j’en ai parlé par téléphone avec l’honorable W.D. Parker, qui m’a fait savoir qu’il ne renoncerait pas au secret professionnel pour ce qui est des documents visés par la demande de consultation. Par lettre en date du 8 septembre 1989, j’en ai informé le Commissaire à l’information.

5. Ces instructions sont demeurées inchangées.

Les avocats du requérant soutiennent que le témoignage de M. Doody constitue du ouï-dire et que, si son affidavit est admissible pour prouver que le commissaire Parker a tenu ces propos, il n’est pas admissible pour faire foi de leur véracité. En l’espèce, la véracité de ces propos n’est pas en cause. Le problème n’est pas que M. Doody rapporte ce que le commissaire Parker a dit au sujet de certains faits qui se seraient produits. La question qui se pose est tout simplement de savoir si celui-ci revendique le secret des communications entre client et avocat et s’il y aurait renoncé. Je considère que l’affidavit de M. Doody est suffisant pour prouver que le commissaire Parker a revendiqué ce secret et qu’il n’y renoncerait pas.

3. Quelle est la nature des rapports entre le commissaire Parker et le Bureau du Conseil privé? Selon les preuves administrées, les relevés en question ont été soumis à la Commission Parker, qui les a ensuite transmis au Bureau du Conseil privé pour paiement. Si celui-ci est une tierce partie, la divulgation à cette tierce partie vaut renonciation à la protection des communications entre client et avocat. Ce principe de la renonciation par suite de la divulgation à une tierce partie a été expliqué par Manes et Silver dans Solicitor-Client Privilege in Canadian Law (Markham, Ont. : Butterworths, 1993), à la page 207 :

[traduction] Essentiellement, lorsque le client autorise son avocat à révéler une communication entre les deux, cela signifie soit que cette communication n’a pas été faite en confidence soit que le client a renoncé à son droit à la confidentialité. Dans les deux cas, il n’y a pas volonté de confidentialité, il n’y a donc pas protection. Par exemple, il a été jugé que les documents établis en vue d’être communiqués à une tierce partie, ou qui sont manifestement adressés à une tierce partie, ne sont pas protégés.

Voir aussi R. v. Bencardino and de Carlo (1974), 2 O.R. (2d) 351 (C.A.); Nova Scotia Pharmaceutical Society et al. v. R. (1988), 88 N.S.R. (2d) 70 (C.S. 1re inst.), aux pages 72 à 75; et Ioannidis v. Ioannidis, [1981] 4 W.W.R. 269 (C.A.C.-B.), à la page 271.

L’intimé soutient que le Bureau du Conseil privé n’est pas une tierce partie, du fait que la Commission Parker et celui-ci sont tous deux des organismes gouvernementaux, et que la divulgation susmentionnée de l’une à l’autre ne vaut pas divulgation à une tierce partie.

Il y a deux décrets concernant la Commission Parker. Le premier, C.P. 1986-1139, autorisait, en application de l’article 37 de la Loi sur les juges, S.R.C. 1970, ch. J-1 [maintenant L.R.C. (1985), ch. J-1], et de la partie I de la Loi sur les enquêtes, S.R.C. 1970, ch. I-13 [maintenant L.R.C. (1985), ch. I-11], le juge en chef Parker à enquêter, pour en rendre compte, sur les faits reliés à des allégations de conflit d’intérêts concernant le requérant. Ce décret habilitait le commissaire :

b)   à recourir à des avocats ou à toute autre personne dont la contribution lui paraîtra essentielle ou souhaitable, le traitement et les indemnités à verser auxdites personnes devant d’abord être approuvés par le Conseil du Trésor;

Le Comité recommande enfin qu’il soit enjoint au commissaire de soumettre dès que possible au gouverneur en conseil un rapport dans les deux langues officielles, et de transmettre ses dossiers au greffier du Conseil privé, dans un délai raisonnable, une fois que l’enquête sera terminée. [Non souligné dans l’original.]

Le second décret, C.P. 1986-1362, prévoyait qu’au regard de la Loi sur l’administration financière, S.R.C. 1970, ch. F-10 [maintenant Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11], la Commission Parker avait statut de ministère :

a)   en vertu de l’alinéa b) de la définition de « ministère » à l’article 2 de la Loi sur l’administration financière, de désigner la Commission d’enquête sur les faits reliés à des allégations de conflit d’intérêts concernant l’honorable Sinclair M. Stevens comme ministère aux fins de ladite loi; et

b)   en vertu de l’alinéa b) de la définition de « ministre compétent » à l’article 2 de la Loi sur l’administration financière, de désigner le Premier ministre à titre de ministre compétent à l’égard de la Commission d’enquête sur les faits reliés à des allégations de conflit d’intérêts concernant l’honorable Sinclair M. Stevens.

Je conclus que par l’effet du décret C.P. 1986-1362, la Commission Parker est un ministère sur le plan de l’administration financière et en particulier du règlement, au moyen des deniers publics, des dépenses de la Commission, y compris les honoraires d’avocat. Cette conclusion ne diminue en rien l’indépendance de la Commission dans l’exercice de son mandat. Elle ne fait que prendre acte que sur le plan pratique, le gouvernement, en constituant la Commission, était tenu d’en assumer les dépenses au moyen des deniers publics et, à cette fin, d’observer la Loi sur l’administration financière[5]. L’usage qui consiste à préserver l’indépendance d’une commission tout en l’obligeant à observer les règles applicables à la conservation des dossiers comptables, a été analysé par Anthony et Lucas dans A Handbook on the Conduct of Public Inquiries in Canada (Toronto : Butterworths, 1985), à la page 42 :

[traduction] Le commissaire est certes tenu d’observer les lignes directrices du gouvernement pour ce qui est des impératifs de vérification et de comptabilité, mais il est seul à décider si une dépense quelconque est justifiée, au stade de la décision initiale comme tout au long de la durée de la commission. Toute autre conception reviendrait à permettre aux contrôles budgétaires d’entraver l’indépendance de la commission d’enquête et de compromettre son aptitude à remplir son mandat.

C’est dans ce sens limité de l’observation de la Loi sur l’administration financière que la Commission est un ministère.

En ce qui concerne le secret des communications entre client et avocat, que transmet une institution fédérale à une autre, la règle générale est que [traduction] « la divulgation par une institution de renseignements protégés à une autre ne vaut normalement pas renonciation au secret, puisqu’il s’agit là d’une action interne au sein de l’administration, qui est en fin de compte le bénéficiaire de cette protection » voir : McNairn et Woodbury, Government Information : Access and Privacy (Scarborough, Ont. : Carswell, 1992), à la page 3-36.

Dans Weiler c. Canada (Ministère de la Justice), [1991] 3 C.F. 617 (1re inst.), à la page 624, il a été jugé que la protection des communications entre client et avocat s’étend aux communications professionnelles confidentielles entre les organismes gouvernementaux et les conseillers juridiques à leur service. Dans cette affaire, le client était « la branche exécutive du gouvernement du Canada », et il a été jugé à la page 624 que celle-ci « comprend les divers ministères tel le ministère de l’Agriculture ». Voir aussi Canada (Ministre de l’Industrie et du Commerce) c. Central Cartage Company et autres (1987), 10 F.T.R. 225 (C.F. 1re inst.), aux pages 236 à 238. En l’espèce, les rapports entre la Commission Parker et le Bureau du Conseil privé étaient particulièrement étroits puisque le Premier ministre était le ministre responsable de l’un et de l’autre.

Je ne vois donc pas comment le fait que la Commission soumet les relevés de services de ses conseillers juridiques au Bureau du Conseil privé pour paiement peut valoir communication de ces relevés à une tierce partie, ce qui vaudrait renonciation à leur protection. Je présume que le fait qu’ils ont été transmis au Bureau du Conseil privé résulte d’arrangements administratifs entre un ministère, qu’est la Commission Parker, et un autre ministère, savoir le Bureau du Conseil privé, pour règlement des dépenses du premier. Il n’y a donc pas eu renonciation à la protection des communications entre client et avocat du fait de la divulgation à une tierce partie.

Ce qui ajoute à la complexité de l’affaire, c’est que si le Bureau du Conseil privé n’est pas le client à proprement parler, c’est à lui que la demande de consultation a été faite et c’est lui qui a refusé la communication pour cause de secret des communications entre client et avocat. Cependant, j’ai conclu que le commissaire Parker avait droit à cette protection et il a fait savoir qu’il ne voulait pas y renoncer. Le Bureau du Conseil privé s’est conformé aux instructions du commissaire Parker afin de protéger le secret professionnel.

4. La divulgation est-elle obligatoire et cette obligation exclut-elle la renonciation? Au cas où, contrairement à ma conclusion, la transmission des relevés de services d’avocat vaudrait communication à une tierce partie, les intimés soutiennent que cette transmission est obligatoire et, que de ce fait, il n’y a pas eu renonciation tacite.

Dans S. & K. Processors Ltd. v. Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] 4 W.W.R. 762 (C.S.C.-B.), Mme le juge McLachlin (qui siège maintenant à la Cour suprême du Canada) a fait l’observation suivante, aux pages 765 et 766 :

[traduction] Dans les cas où il est jugé que l’équité impose la renonciation tacite, il y a toujours une certaine manifestation de la volonté de renoncer à la protection, ne serait-ce que dans certaines limites.

C’est ainsi que [traduction] « lorsque la loi prévoit la divulgation, par exemple, d’un rapport, la volonté n’y a aucune part et il n’y a pas renonciation tacite » (voir : Manes et Silver, Solicitor-Client Privilege in Canadian Law, supra, à la page 191).

En général, les dossiers comptables des commissions d’enquête [traduction] « font partie en dernière analyse des dossiers de l’administration ou sont soumis à sa vérification » (Anthony et Lucas dans A Handbook on the Conduct of Public Inquiries in Canada, supra, à la page 41). Le décret C.P. 1986-1139 fait au commissaire l’obligation « de transmettre ses dossiers au greffier du Conseil privé, dans un délai raisonnable, une fois que l’enquête sera terminée ». La divulgation au Bureau du Conseil privé était donc obligatoire.

On ne sait pas exactement si les relevés en question ont été soumis au Bureau du Conseil privé dans le cours ou après la clôture de l’enquête. Il semble qu’ils aient été soumis périodiquement pour paiement. En l’espèce cependant, le moment où ils ont été transmis au Bureau du Conseil privé ne présente aucune importance. La Commission était tenue à l’obligation générale de les soumettre tôt ou tard; leur divulgation au Bureau du Conseil privé était donc obligatoire.

Le requérant cite la décision Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Directeur du Musée canadien de la nature), [1995] 3 C.F. 643(1re inst.), où il a été jugé que le Musée canadien de la nature a renoncé au secret en divulguant volontairement des renseignements au vérificateur général. Il n’y a rien de commun entre les deux causes, non seulement parce que j’ai conclu que la divulgation au Bureau du Conseil privé était obligatoire, mais aussi en raison du statut juridique à part des vérificateurs comptables. Dans l’affaire citée, le juge Noël a tiré la conclusion suivante à la page 652 :

En raison de l’obligation de premier ordre à laquelle ils sont tenus envers les actionnaires, les vérificateurs externes doivent faire état des renseignements dont ils prennent connaissance dans la mesure où ils peuvent avoir un effet sur l’exactitude des états financiers qui font l’objet de la vérification et ce nonobstant tout privilège dont pourrait se réclamer le client. Il ressort de ceci que toute communication de ce type de renseignement par un client à son vérificateur constitue de fait un abandon par le client de son droit au secret professionnel à l’égard du renseignement en question.

Le vérificateur général est aux termes de la loi, le vérificateur du Musée. À ce titre ses responsabilités et ses fonctions sont essentiellement les mêmes que celles d’un vérificateur externe. Il agit à titre de « gardien public » qui exige en retour qu’il conserve une indépendance totale en tout temps.

Le requérant soutient que le vérificateur général est « indépendant » et que le fait pour le Musée canadien de la nature de lui communiquer des renseignements s’apparente à la communication des renseignements par la Commission Parker au Bureau du Conseil privé, mais j’ai déjà noté que du point de vue de la gestion des finances publiques, cette Commission est un ministère. Sur ce plan, les rapports entre la Commission Parker et le Bureau du Conseil privé ne sont pas caractérisés par la même indépendance que celle dont jouit le vérificateur général. Je conclus donc que si la communication au Bureau du Conseil privé peut être interprétée comme étant la communication à une tierce partie, elle était obligatoire et ne valait pas renonciation.

5. La divulgation par inadvertance de certains renseignements vaut-elle renonciation? Il y a dans les documents en question un relevé de services d’avocat qui est entré en la possession du requérant. Voici ce qu’on peut y lire :

[traduction] Objet : Enquête Sinclair Stevens

POUR TOUS SERVICES PROFESSIONNELS EFFECTUÉS du 30 mai 1987 au 29 juin 1987 inclusivement.

Pour recherches effectuées sur instructions du juge en chef Parker.

SOMME DUE : 24 662 50 $

Il y a aussi un relevé de débours donnant les noms des parties à une conversation téléphonique. Le requérant soutient que cette divulgation partielle vaut renonciation. Il n’en est rien. Il est manifeste que la divulgation a été faite par inadvertance.

Il ressort d’une jurisprudence abondante que la divulgation par inadvertance ne vaut pas nécessairement renonciation; voir Western Canada Invt. Co. Ltd. v. McDairmid (1922), 15 Sask. L.R. 142 (C.A.); Double-E, Inc. c. Positive Action Tool Western Ltd., [1989] 1 C.F. 163 (1re inst.); et Terry c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1994), 30 Admin. L.R. (2d) 122 (C.F. 1re inst.). D’ailleurs, je partage l’avis de Manes et Silver qui, dans Solicitor-Client Privilege in Canadian Law (supra, à la page 201), ont adopté une position claire sur le cas de l’avocat de la partie adverse qui invoque la communication par inadvertance pour faire valoir la renonciation au secret des communications entre client et avocat :

[traduction] … il serait éminemment injuste de permettre à l’avocat de la partie adverse de tirer profit du renseignement qu’il a obtenu, en particulier en tolérant pareil acte par ce motif qu’il y a eu renonciation à la protection puisque le renseignement a perdu de son caractère confidentiel.

Nous estimons que si une communication manifestement protégée est, par inadvertance, portée à l’attention des avocats de la partie adverse et qu’ils cherchent à en tirer profit, la décision qui s’impose consiste à conclure qu’il n’y a pas eu renonciation au secret…

Je conclus en l’espèce que la divulgation par inadvertance du relevé de services et de la note de débours ne vaut pas renonciation au secret des communications entre client et avocat.

6. La divulgation des montants et des heures de travail ainsi que du détail des débours vaut-elle renonciation? Le requérant soutient que le Bureau du Conseil privé, en révélant une partie des documents demandés (les montants et les heures de travail ainsi que le détail des débours), a renoncé au secret de l’ensemble (c’est-à-dire de l’intégralité des relevés, y compris les passages descriptifs occultés). Il cite à l’appui la jurisprudence représentée par S. & K. Processors, supra, où Mme le juge McLachlin a fait l’observation suivante, aux pages 764 et 765 :

[traduction] La renonciation au secret est normalement établie par la preuve que le titulaire du droit : (1) connaît l’existence du droit et (2) manifeste volontairement l’intention d’y renoncer. Cependant, la renonciation peut aussi se faire sans qu’il y ait expression de l’intention de renoncer, lorsque l’équité et la logique l’exigent. C’est ainsi que la renonciation au secret d’une partie de la communication sera tenue pour renonciation à l’égard de la communication tout entière.

Il est cependant des circonstances où la divulgation d’une partie de la communication ne vaut pas renonciation à l’égard du tout.

La règle fondamentale a été définie en ces termes par le lord juge Templeman dans Great Atlantic Insurance Co v Home Insurance Co, [1981] 2 All ER 485 (C.A.), en page 490 :

[traduction] À mon avis, la règle la plus simple, la plus sûre et la plus directe est que si un document est protégé, le droit au secret, si droit il y a, doit être affirmé à l’égard de l’ensemble du document à moins que celui-ci ne comprenne des sujets distincts tels qu’il peut être divisé en deux documents séparés, dont chacun est complet par lui-même.

Il appert que la règle dégagée dans Great Atlantic a été réservée aux cas où la divulgation partielle a eu lieu dans le cours d’un procès. (Voir, par exemple, GE Capital Corporate Finance Group Ltd v Bankers Trust Co, [1995] 2 All ER 993 (C.A.).) Il y a aussi un courant jurisprudentiel selon lequel il est nécessaire de prendre en considération toutes les circonstances pour savoir si une divulgation partielle constitue une tentative d’induire en erreur de telle façon que la protection soit anéantie pour le document tout entier. Dans Lowry v. Can. Mountain Holidays Ltd. (1984), 59 B.C.L.R. 137 (C.S.), le juge Finch a tiré la conclusion suivante, aux pages 142 et 143 :

[traduction] Je ne pense pas qu’il soit conforme à la justice d’acculer les parties ou leurs avocats à ce moyen ou à d’autres pour se soustraire à l’effet de la règle du « sujet unique » pour ce qui est de la question de la renonciation au secret. Que le document se rapporte à un sujet unique ou non, il vaut mieux prendre en considération toutes les circonstances de la cause et se demander si en divulguant cette partie du rapport qui porte sur les faits, les défendeurs cherchent à induire en erreur soit la Cour soit une autre partie, de telle façon qu’il faille conclure qu’ils ont abandonné leur droit au secret à l’égard du restant du rapport. [Non souligné dans l’original.]

La décision Lowry a été suivie par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Power Consol. (China) Pulp Inc. v. B.C. Resources Invt. Corp., [1989] 2 W.W.R. 679, et plus récemment dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information, par la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, Section de première instance, dans Mackin v. New Brunswick (Attorney General) (1996), 141 D.L.R. (4th) 352.

À mon avis, la démarche adoptée par le juge Finch dans Lowry est celle qui convient pour examiner, dans les cas soumis à l’application de la Loi sur l’accès à l’information, si la divulgation d’une partie vaut renonciation à l’égard du tout. Bien qu’il soit impossible d’exclure que dans certaines circonstances, la question de manœuvres trompeuses et déloyales puisse se poser dans le cadre de la Loi sur l’accès à l’information, je suis d’avis que pareille question ne doit pas être soulevée souvent vu le rôle de surveillance exercé par le Commissaire à l’information et par la Cour.

En l’espèce, le Bureau du Conseil privé a occulté les passages descriptifs parce que les fonctionnaires responsables les jugeaient protégés par le secret des communications entre client et avocat, et divulgué le restant du contenu des relevés en cause, parce que ces fonctionnaires les estimaient (à tort à mon avis) exclus de cette protection. Il est indiscutable qu’en matière de divulgation sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information, la divulgation partielle d’un renseignement protégé ne saurait représenter une tentative de désavantager une partie, ou d’induire en erreur le demandeur ou quelque juridiction que ce soit; d’ailleurs, rien n’indique qu’elle aurait cet effet. Je conclus en conséquence que la divulgation de certaines parties des relevés de services d’avocat ne vaut pas renonciation au secret des communications entre client et avocat.

Exercice du pouvoir discrétionnaire

Sur ce point, les avocats du requérant font valoir que la décision du Bureau du Conseil privé ou du Commissaire à l’information ne cite aucun motif à l’appui de l’exercice par le premier de son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer les renseignements protégés. Puisque le Bureau du Conseil privé n’a pris aucun motif, disent-ils, il est impossible de savoir si le pouvoir discrétionnaire dont l’article 23 de la Loi sur l’accès à l’information investit le responsable du Bureau du Conseil privé a été exercé conformément aux principes. De surcroît, le requérant a une raison particulièrement impérieuse de demander communication en l’espèce, et cette raison aurait dû être prise en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire

[6]. Ils soutiennent que s’il est jugé que les passages descriptifs des relevés en question sont protégés, mais que le pouvoir discrétionnaire en la matière n’a pas été convenablement exercé, il faudra renvoyer l’affaire au responsable du Bureau du Conseil privé pour réexamen.

Les arguments du requérant soulèvent trois questions :

1. Y a-t-il eu décision discrétionnaire? Ainsi que l’a fait observer le juge Strayer à la page 58 de Kelly c. Canada (Solliciteur général) (1992), 6 Admin. L.R. (2d) 54 (C.F. 1re inst.), confirmée par (1993), 13 Admin. L.R. (2d) 304 (C.A.F.) :

Comme on peut le voir, ces exemptions exigent que le responsable d’un établissement prenne deux décisions : 1) une décision de fait sur la question de avoir si les renseignements en question correspondent à la description de renseignements susceptibles de ne pas être divulgués; et 2) une décision discrétionnaire sur la question de savoir s’il convient néanmoins de divulguer lesdits renseignements.

La décision rendue en l’espèce est consignée dans une formule imprimée ayant pour titre « Rapport de décision ». Les inscriptions qui nous intéressent sont brèves :

[traduction] Communiquer sauf exemptions indiquées dans l’annexe jointe.

Divulguer version détachée.

Exemption discrétionnaire, art. 23 de la Loi.

L’annexe jointe porte ce qui suit :

[traduction]

Article 23—Secret professionnel entre client et avocat

Les renseignements dont la divulgation révélerait les communications protégées entre client et avocat doivent être exemptés aux pages suivantes : [énumération de 73 pages]

Les renseignements exemptés portent sur les services effectués par les conseillers juridiques.

Le requérant a été informé de cette décision par lettre en date du 28 mai 1993, où on peut lire notamment ce qui suit :

[traduction] Certains renseignements ont été occultés conformément à l’article 25 (prélèvements) de la Loi sur l’accès à l’information. Ces renseignements sont exemptés en application du paragraphe 19(1) et de l’article 23 de la Loi.

Les avocats en présence conviennent que cette lettre ne constitue pas en soi la décision, mais ne fait que notifier celle-ci.

Il ressort du Rapport de décision et de l’annexe jointe qu’il y a eu en l’espèce décisions des deux catégories relevées dans la jurisprudence Kelly. La mention, à l’annexe, du secret professionnel entre client et avocat que consacre l’article 23 démontre que le Bureau du Conseil privé a conclu que les documents en question sont protégés par le secret des communications entre client et avocat et que l’article 23 s’applique en la matière. Il appert aussi qu’il y a eu décision de ne pas divulguer les renseignements tenus pour protégés par ce secret.

Le Rapport de décision indique expressément que l’exemption fondée sur l’article 23 est une exemption discrétionnaire. On peut raisonnablement en conclure que l’autorité responsable s’est référée à l’article 23 et au fait qu’il prévoit l’exemption discrétionnaire. Dans ce contexte, je conclus que le responsable a pris la décision discrétionnaire de ne pas communiquer les renseignements en question.

2. Le responsable est-il tenu de motiver sa décision? Sauf disposition dans ce sens de la loi ou du règlement applicable, une décision n’est pas susceptible de contrôle judiciaire du seul fait qu’elle n’est pas motivée; voir Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684, à la page 705.

Il ne s’agit pas en l’espèce d’une affaire qui mette en jeu les dispositions de la Loi sur l’accès à l’information par application desquelles la Cour est appelée à juger s’il y avait des motifs raisonnables pour refuser de divulguer les documents en question. Dans une affaire de ce type, la Cour demande à voir les motifs de refus, que ce soit sous forme de décision ou de preuves produites devant elle, afin d’être en mesure de décider si le responsable de l’institution fédérale avait des motifs raisonnables pour refuser la communication; voir l’article 50 de la Loi sur l’accès à l’information, et aussi Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Premier ministre), [1993] 1 C.F. 427 (1re inst.).

Dans une affaire relevant de l’article 23 de la Loi, la Cour n’est appelée qu’à décider si le responsable de l’institution fédérale est habilité à refuser la communication par ce motif que le ou les renseignements demandés sont protégés par le secret des communications entre client et avocat. Le motif de décision ressort clairement de l’article 23, et il n’est pas nécessaire d’aller plus loin. Je conclus qu’en refusant de communiquer les renseignements en question, le Bureau du Conseil privé n’était pas tenu de donner d’autres motifs que ceux mentionnés dans sa décision.

3. Dans sa décision discrétionnaire, le responsable doit-il prendre en considération des éléments tels que le caractère déjà vieux des documents en question, le fait que la Commission Parker a terminé ses travaux depuis quelques années déjà, et les raisons pour lesquelles le requérant veut consulter ces documents? Dans Kelly, supra, le juge Strayer s’est prononcé en ces termes, à la page 58 :

Le second type de décision est purement discrétionnaire. À mon sens, en révisant une telle décision la Cour ne devrait pas tenter elle-même d’exercer de nouveau le pouvoir discrétionnaire, mais plutôt examiner le document en question et les circonstances qui l’entourent et se demander simplement si le pouvoir discrétionnaire semble avoir été exercé de bonne foi et pour un motif qui se rapporte de façon logique à la raison pour laquelle il a été accordé.

Les avocats du requérant se fondent sur cette conclusion pour soutenir que dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en la matière, le responsable de l’institution fédérale doit prendre en considération les « circonstances » de la demande.

En l’espèce, il ressort à l’évidence que le Bureau du Conseil privé a examiné les documents demandés, en a occulté les éléments qu’il jugeait protégés par le secret des communications entre client et avocat, et a communiqué le reste. Ce sont là les circonstances de l’affaire. Compte tenu de la nature des documents en cause et à la lumière de la jurisprudence relative au secret des communications entre client et avocat, je conclus qu’en l’espèce, le responsable a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et pour la raison visée à l’article 23.

Les avocats du requérant citent Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1995] 3 C.F. 199 (C.A.), et Mackenzie c. Canada (Ministre, Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 31 Admin. L.R. (2d) 86 (C.F. 1re inst.), pour soutenir que le Bureau du Conseil privé était tenu de considérer les raisons pour lesquelles le requérant demandait à consulter ces documents, en particulier que celui-ci a introduit un recours sérieux en contrôle judiciaire au sujet du Rapport de la Commission Parker, et que les renseignements dont il demande communication sont nécessaires à cette fin.

On ne saurait prescrire par une règle générale les facteurs que doit prendre en considération le chef d’une institution fédérale lorsqu’il rend une décision sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, ou de la Loi sur l’accès à l’information. Ce qu’il doit prendre en considération, c’est la disposition même en application de laquelle il rend la décision ainsi que les circonstances de l’affaire. Dans certains cas, par exemple dans le cas où le paragraphe 19(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels est en jeu, il se peut que le responsable ait à mettre dans la balance l’intérêt public que représente la divulgation et l’intérêt privé que représente la protection de la vie privée. Une affaire de ce genre appelle une décision de portée plus large que la décision visée à l’article 23 de la Loi sur l’accès à l’information.

Si rien n’empêche un demandeur d’expliquer au responsable de l’institution fédérale pourquoi il faudrait divulguer les renseignements demandés dans son cas particulier, et que rien n’empêche ce responsable de prendre cette explication en considération, il n’est tenu à aucune obligation de ce genre. Dans l’application de l’article 23, tout ce qu’il doit examiner, c’est s’il y a lieu de renoncer à tout ou partie du droit de préserver la confidentialité du renseignement protégé par le secret des communications entre client et avocat. C’est ce qui a été fait en l’espèce.

Je conclus qu’aucune erreur n’entache l’exercice par le Bureau du Conseil privé de son pouvoir discrétionnaire en la matière.

Requête en divulgation aux fins d’argumentation juridique

Vers la fin de leur argumentation, les avocats du requérant ont demandé à la Cour d’ordonner la communication des passages descriptifs des relevés en question afin qu’ils puissent présenter des conclusions informées à ce sujet. Il va sans dire que dans un litige ordinaire, les avocats des deux parties doivent avoir accès à tous les documents produits devant la Cour. Cela n’est cependant pas possible lorsque le litige porte précisément sur l’accès à ces renseignements, du moins initialement. C’est pourquoi la Cour a fixé une procédure grâce à laquelle, sur demande introduite en temps voulu, l’intégralité ou l’essentiel de l’information demandée est communiqué aux avocats en vue de leur argumentation; voir par exemple Hunter c. Canada (Ministère des Consommateurs et des Sociétés), [1991] 3 C.F. 186(C.A.), à la page 205; Steinhoff c. Canada (Ministre des Communications) (1996), 114 F.T.R. 108 (C.F. 1re inst.).

Vu l’introduction tardive de la requête susmentionnée, je n’y ai pas accédé. J’ai cependant fait savoir que si, après avoir revu les documents confidentiels, il est nécessaire ou souhaitable d’entendre les conclusions des avocats du requérant sur des renseignements spécifiques, je fixerai la procédure d’audition de ces conclusions. Je n’ai pas eu à le faire puisque cette décision ne porte pas sur le contenu spécifique des documents demandés.

CONCLUSION

Je conclus que les passages descriptifs que le Bureau du Conseil privé a occultés des relevés de services d’avocat sont protégés par le secret des communications entre client et avocat. Il n’y a eu renonciation ni expresse ni tacite à cette protection, ni défaut du Bureau du Conseil privé d’exercer son pouvoir discrétionnaire en la matière, ni erreur dans l’exercice de ce pouvoir.

Au cas où l’une ou l’autre partie souhaiterait présenter des conclusions quant aux frais et dépens au regard de l’article 53 de la Loi sur l’accès à l’information, elle pourrait se mettre en rapport avec le greffe de la Cour dans les 14 jours de la date de la présente ordonnance, faute de quoi, il n’y aura pas d’adjudication des dépens.

La demande est rejetée.



[1] Certains autres renseignements ont été aussi occultés par ce motif qu’il s’agit de renseignements personnels protégés en application de l’art. 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information, mais le requérant n’en avait pas demandé communication; ils ne sont donc pas en cause.

[2] L’ordonnance P-676 a été infirmée, mais par d’autres motifs; voir Ontario (Attorney General) v. Fineberg and Doe (1996), 88 O.A.C. 318 (C. div.).

[3] Le juge Lamer souligne à la p. 873 de l’arrêt Descôteaux que le secret des communications entre client et avocat connaît quelques exceptions, en ce que la consultation doit être donnée par l’avocat dans l’exercice de sa profession, et que les communications ne peuvent servir à commettre un crime ou une fraude. Ces exceptions n’ont pas application en l’espèce.

[4] Cette conclusion tirée par le juge Halvorson dans International Minerals a été adoptée dans Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1996] 1 C.F. 286 (1re inst.), à la p. 294, par le juge suppléant Heald, pour qui l’emploi de l’expression « continuum de communications » vise à souligner

… l’importance du fait que « toutes les communications … qui sont échangées entre l’avocat et son client et qui se rapportent directement à la consultation de l’avocat ou aux conseils ou services juridiques que l’avocat donne » sont protégées par le secret professionnel qui lie un avocat à son client.

[5] L’art. 34 (mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 13) de la Loi sur l’administration financière (actuellement intitulée Loi sur la gestion des finances publiques) prévoit ce qui suit :

34. (1) Tout paiement d’un secteur de l’administration publique fédérale est subordonné à la remise des pièces justificatives et à une attestation de l’adjoint ou du délégué du ministre compétent selon laquelle :

a) en cas de fournitures, de services ou de travaux :

b) en tout autre cas, le bénéficiaire est admissible au paiement.

(2) Le Conseil du Trésor peut établir les règles et méthodes à suivre concernant l’attestation et la détermination de l’admissibilité visées au paragraphe (1).

[6] Le requérant a saisi la Cour d’un recours en contrôle judiciaire contre le Rapport de la Commission Parker pour cause d’iniquité, en partie par ce motif que le conseiller juridique de la Commission aurait participé à la rédaction du Rapport, malgré l’engagement qu’aurait pris à ce sujet le commissaire Parker. Le requérant soutient que les passages descriptifs des relevés de services d’avocat révéleraient si le conseiller juridique a participé à la rédaction du Rapport.

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