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[1997] 3 C.F. 674

A-411-95

Sa Majesté la Reine (appelante) (intimée)

c.

Central Supply Company (1972) Limited (intimée) (appelante)

A-412-95

Sa Majesté la Reine (appelante) (intimée)

c.

Carousel Travel 1982 Inc. (intimée) (appelante)

Répertorié : Canada c. Central Supply Company (1972) Ltd. (C.A.)

Cour d’appel, juges Strayer, Linden et McDonald, J.C.A.—Toronto, 5, 6 et 7 février; Ottawa, 2 juin 1997.

Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Appel d’une décision par laquelle la Cour de l’impôt a autorisé des déductions en vertu de l’art. 66.1 de la Loi de l’impôt sur le revenuLes intimées ont acheté une participation dans des sociétés en commandite qui avaient financé un projet d’exploration de pétrole et de gaz (devant se révéler improductif) le dernier jour de l’exercice financier des sociétés en commanditeElles ont vendu leur participation dans les sociétés en commandite le lendemainL’art. 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu interdit toute déduction à l’égard d’un débours fait ou d’une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenuLes termes « factice » et « indue » renvoient à la réduction du revenu et non à la dépenseIl y a eu application de l’opinion majoritaire quant au rôle de l’art. 245 et des trois facteurs pertinents énoncés dans Canada c. Fording Coal Ltd.(1) Comme les intimées n’ont participé en aucune façon à l’entreprise que les dispositions relatives aux frais avaient pour but de promouvoir, elles n’étaient pas placées dans une situation qui respecte l’objet et l’esprit de la loi(2) Les opérations permettant aux intimées de réclamer des déductions au titre des frais cumulatifs d’exploration au Canada étaient bien loin des habitudes normales du commerce(3) Aucun objectif commercial n’était rattaché à la participation des intimées dans les sociétés en commanditeElles ont essayé d’éviter de l’impôt au moyen d’un stratagème illégal.

Il s’agissait d’un appel formé contre une décision de la Cour de l’impôt autorisant des déductions réclamées par les intimées. Ces dernières ont réclamé des déductions de 10 000 000 $ (Central Supply Company) et de 6 000 000 $ (Carousel) pour l’année d’imposition 1987 en vertu du paragraphe 66.1(3) et de l’alinéa 66.1(6)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le paragraphe 66.1(3) disposait à cette époque qu’un contribuable, à l’exclusion d’une corporation exploitant une entreprise principale, pouvait déduire un montant ne dépassant pas l’excédent de ses frais cumulatifs d’exploration au Canada (les FEC) à la fin de l’année. La déduction pour FEC est un ensemble cumulatif et continu de dépenses auxquelles sont ajoutés les frais d’exploration déterminés, comme les coûts d’exploration sismique et de forage, et desquelles sont déduits certains montants reçus ou à recevoir. Les « frais d’exploration au Canada » se rapportent généralement à des dépenses engagées aux fins du forage ou de l’essai d’un puits de pétrole ou de gaz. Les sommes qui sont déduites de « l’ensemble » comprennent des subventions du gouvernement du Canada auxquelles le contribuable a droit en vertu de la Loi sur le programme d’encouragement du secteur pétrolier, qui prévoit des versements de 80 % des « frais d’exploration admissibles » pour les « personnes admissibles » dans le cadre d’une stratégie visant à encourager les investissements dans ce secteur d’activités. L’alinéa 66.1(6)a) énonce les conditions en vertu desquelles un contribuable peut demander une déduction pour FEC.

Le 14 décembre 1987, les intimées ont acheté une participation dans quatre sociétés en commandite qui avaient financé un projet d’exploration de pétrole et de gaz, qui s’est révélé improductif, situé au large de la côte est du Canada, ce qui a entraîné pour elles la répartition des déductions. Après cela, les sociétés en commandite n’ont été engagées que dans des activités de fermeture. Le 14 décembre était le dernier jour de l’exercice financier de chacune de ces sociétés en commandite. Le lendemain, les intimées ont vendu leurs participations des sociétés en commandite. La Cour de l’impôt a accordé les déductions aux termes du paragraphe 245(1) au motif que ces déductions se rattachent à des frais légitimes qui ont été attribués aux intimées conformément aux exigences de la Loi. L’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu, selon son libellé de l’époque, interdisait toute déduction à l’égard d’un débours fait ou d’une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.

La question était de savoir si le paragraphe 245(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliquait pour refuser les déductions pour les frais d’exploration au Canada qui ont été réclamées en 1987.

Arrêt (le juge McDonald, J.C.A. dissident) : les appels sont accueillis.

Le juge Linden (avec l’appui du juge Strayer, J.C.A.) : Les outils anti-évitement créés par les tribunaux ont été utilisés avec parcimonie au Canada. Par conséquent, toute distinction significative entre les moyens légaux et illégaux d’éviter l’impôt doit provenir principalement des mesures anti-évitement d’origine législative. L’ancien paragraphe 245(1) faisait partie d’une série de mesures partielles anti-évitement comprises dans la Loi, dont le but était de prévenir certains types de stratagèmes ou d’opérations visant à éviter l’impôt, mesures qui ont toutes été abrogées en 1988 pour faire place à la nouvelle règle générale anti-évitement (RGAÉ). Elles indiquaient que, même avant l’adoption de la nouvelle RGAÉ, le législateur avait l’intention d’établir une distinction entre les mesures légales et illégales d’évitement fiscal. Il en résulte que, même si ce n’est peut-être pas le rôle des tribunaux canadiens d’appliquer les doctrines anti-évitement à titre de principes généraux d’interprétation, ils doivent quand même respecter l’existence de dispositions particulières d’évitement fiscal prévues dans la Loi.

Notre Cour a exposé deux visions contradictoires du rôle qu’est censé jouer le paragraphe 245(1). Dans l’arrêt Canada c. Fording Coal Ltd., le juge d’appel Strayer a énoncé trois facteurs pertinents à la question de savoir si un contribuable a réduit indûment ou de façon factice son revenu : il s’agit de savoir (1) si la déduction revendiquée était contraire à l’objet et à l’esprit de la disposition de la Loi; (2) si la déduction était fondée sur une opération ou convention échappant aux habitudes normales du commerce; et (3) si l’opération avait un objet commercial véritable. Le juge d’appel McDonald, dissident dans cet arrêt, a adopté une position beaucoup plus restrictive concernant l’application du paragraphe 245(1). Il a reconnu la pertinence de l’analyse fondée sur l’objet et l’esprit de la Loi, mais il a interprété l’objet et l’esprit des dispositions pertinentes selon le sens des mots ordinaires utilisés dans les dispositions elles-mêmes. Il a également conclu que, si l’opération qui y a donné lieu n’allait pas à l’encontre des dispositions applicables de la Loi, elle ne pouvait être jugée factice au regard du paragraphe 245(1). Malgré ce désaccord en Cour d’appel fédérale, l’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême a été refusée dans l’affaire. En l’absence de toute précision contraire de la Cour suprême, il fallait préférer le raisonnement du juge Strayer.

Les deux termes « factice » et « indue » renvoient à la réduction du revenu qui résulte de la déduction réclamée, et non à la dépense qui a donné lieu à la déduction. L’argument selon lequel une déduction qui découle d’une dépense réelle ne peut réduire indûment ou de façon factice un revenu ne tient pas compte de cette distinction. En allant au-delà de la manière dont la dépense a été engagée, et en mettant plutôt l’accent sur l’effet de la déduction sur le revenu du contribuable, les facteurs énoncés par le juge Strayer dans l’arrêt Fording évitent ce piège. La pierre angulaire du raisonnement du juge Strayer dans Fording s’appuyait sur la reconnaissance du fait que c’est la réduction indue ou factice du revenu, au regard de ce contribuable, qui est à l’examen, et non la légitimité de la dépense, de l’entente ou de la déduction qui en a résulté, considérée dans l’abstrait.

Dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, la Cour suprême du Canada n’a pas rejeté le critère de l’objet commercial qui, d’après le juge Strayer, est un facteur à prendre en compte dans l’application du paragraphe 245(1). Le juge Estey a déclaré que l’adoption du critère de l’objet commercial pouvait amener les tribunaux à rejeter des opérations qui étaient expressément prévues par le législateur dans le cadre d’une politique économique de plus grande envergure, mais en réponse seulement à l’argument selon lequel le critère de l’objet commercial devrait être utilisé comme un principe général d’interprétation. Il se préoccupait implicitement d’une intervention judiciaire inappropriée dans la sphère de la politique législative. Toutefois, lorsque le législateur fédéral a expressément donné instruction à la Cour d’examiner si une déduction particulière réduit indûment ou de façon factice le revenu, il est approprié que la Cour évalue la preuve portant sur l’objet commercial à titre d’indice de la légitimité de la déduction. Par conséquent, le critère de l’objet commercial est un facteur pertinent dans une analyse du paragraphe 245(1).

Le simple fait qu’une opération peut techniquement respecter les paramètres de la Loi ne signifie pas qu’elle ne peut pas indûment ou de façon factice réduire le revenu. Le paragraphe 245(1) s’applique dans le cas où, malgré l’authenticité des rapports de droit établis par le contribuable, une déduction faite au titre de pareille opération réduirait le revenu de façon indue ou factice. Le législateur fédéral a choisi d’adopter le paragraphe 245(1). En appliquant cette disposition à des cas appropriés, la Cour n’usurpe pas la volonté du législateur, elle s’y conforme. Bien que cette méthode puisse comporter un certain élément de discrétion dans l’application du paragraphe 245(1), cela ne peut pas être entièrement évité étant donné que l’évaluation de l’objet et de l’esprit de la loi, de la conformité aux habitudes normales du commerce et de l’objet commercial doit nécessairement se faire au cas par cas.

Les déductions demandées ont réduit indûment et de façon factice le revenu des intimées, aux termes du paragraphe 245(1). On est arrivé à un résultat différent de celui auquel le juge de la Cour de l’impôt est arrivé quand les trois facteurs énoncés dans Fording ont été appliqués. (1) La tentative d’utilisation par les intimées des dispositions relatives aux frais d’exploration ne respectait pas l’objet et l’esprit de ces dispositions. Les intimées n’ont participé d’aucune façon à l’entreprise que les dispositions relatives aux frais d’exploration avaient pour but de promouvoir. Aucun des objectifs de la politique tenant compte de ce type de convention d’émission d’actions accréditives n’a pu être atteint du fait de l’investissement éphémère des intimées à un moment où il n’y avait plus d’activités d’exploration ou minières effectuées ou envisagées. De plus, la disposition relative aux frais cumulatifs d’exploration au Canada avait pour but de permettre aux contribuables de déduire uniquement ce qu’ils avaient réellement engagé dans un projet d’exploration, et non le coût total d’un projet qui en fait a été financé à 80 % par le gouvernement. En l’espèce, parce que l’aide gouvernementale n’a pas été soustraite du total des frais cumulatifs d’exploration au Canada, les intimées ont réclamé une déduction de 100 % des frais d’exploration, malgré que le gouvernement ait finalement remboursé aux sociétés 80 % de leurs frais. Il en a en fait coûté au gouvernement plus de 100 % du coût réel de l’exploration. Le législateur ne peut pas avoir voulu un résultat aussi absurde quand il a adopté ces dispositions. En dernier lieu, la fin pour laquelle les intimées ont profité de cette pratique n’avait rien à voir avec la raison qui peut avoir amené l’Administration des PESP à l’accepter. Les intimées ne sont pas placées dans une situation qui respecte l’objet et l’esprit de la Loi. (2) Les opérations en vertu desquelles les intimées ont réclamé la déduction au titre des frais cumulatifs d’exploration au Canada étaient bien loin des habitudes normales du commerce. Au moment où les participations ont été achetées dans les sociétés en commandite, aucune possibilité de profit ne pouvait exister. Les activités d’exploration qui étaient la raison d’être des sociétés en commandite avaient depuis longtemps été abandonnées. Malgré cela, les intimées ont payé 1 800 000 $ et 1 080 000 $ chacune pour des participations qui, en moins de vingt-quatre heures, ont été vendues en vertu d’un contrat d’option de vente pour des montants de 137 $ et 228 $, respectivement. En outre, il est contraire aux habitudes normales du commerce de s’assurer, par l’entremise d’un contrat de vente, que les sociétés en commandite n’auront droit à une aide gouvernementale qu’après la date à laquelle il était prévu que les intimées exerceraient leurs droits en vertu du contrat et se retireraient des sociétés en commandite. Il s’agissait d’un plan d’évitement de l’impôt, et non d’une opération commerciale. (3) Aucun objet commercial n’était rattaché à la participation des intimées dans les sociétés en commandite. Ce que les intimées ont essayé de faire en l’espèce était un stratagème illégal d’évitement de l’impôt. Le paragraphe 245(1) doit être appliqué pour refuser les déductions demandées.

Le juge McDonald, J.C.A. (dissident) : L’opération ne tombait pas sous le coup du paragraphe 245(1).

La première étape de l’analyse consistait à évaluer si la déduction a réduit indûment ou de façon factice le revenu. Le point de comparaison approprié est le résultat de l’opération et non l’opération elle-même. Les contribuables ont été membres d’une société en commandite qui avait légitimement engagé des FEC par l’entremise de sa mandataire relativement à des opérations de forage au large de la côte est du Canada. En vertu du régime des FEC, seuls les associés d’une société en commandite toujours présents à la fin de l’exercice financier peuvent déduire les FEC. Les contribuables étaient des associées des sociétés en commandite à la fin de l’exercice financier. L’application des dispositions de la Loi a précisément entraîné l’attribution des FEC aux contribuables à titre d’associées des sociétés en commandite à la fin de l’exercice financier de ces dernières. Le paragraphe 245(1) ne peut être invoqué pour refuser des déductions lorsque celles-ci découlent d’une application expresse de la Loi. Les pertes subies par la société en commandite étaient réelles et ont résulté de véritables activités d’exploration et d’aménagement. Ces pertes ne proviennent pas d’une manipulation quelconque de la Loi de l’impôt sur le revenu. Lorsqu’une déduction découle de l’application expresse de la Loi, on ne dit pas qu’elle est factice ou indue. Si le législateur avait eu l’intention que le paragraphe 245(1) ait préséance sur les déductions qui sont autorisées par l’application expresse de la Loi de l’impôt sur le revenu, il se serait exprimé clairement à cette fin. En l’absence d’un tel libellé, on ne peut présumer que le législateur prétendait refuser dans une disposition ce qu’il a précisément autorisé dans d’autres. Les contribuables n’ont pas directement participé à l’exploration minière, mais les dispositions de la Loi n’exigent pas une participation directe. Le régime des actions accréditives dans la Loi de l’impôt sur le revenu a été créé pour autoriser des investissements par des parties qui n’auraient peut-être pas autrement participé à ce secteur d’activités. Les fonds versés pour se joindre aux sociétés en commandite sont allés à une société activement engagée dans l’exploration minière. Bien qu’il puisse sembler détestable que ces contribuables soient en mesure de récupérer le bénéfice de dépenses qu’elles n’ont pas directement engagées, leur position fiscale avantageuse découlait des dispositions mêmes de la Loi.

En tout cas, l’objet et l’esprit de la loi étaient conformes à ce résultat. Pour évaluer l’objet et l’esprit d’une loi, la Cour peut examiner les habitudes normales du commerce, elle peut évaluer si l’opération avait un objet commercial légitime, et elle peut également rechercher l’intention du législateur. (1) Ces types d’arrangements de financement étaient une habitude normale de l’industrie à cette époque. (2) L’objet des opérations était d’acheter les pertes au titre des FEC pour les déduire du revenu. Les contribuables n’avaient aucune intention de participer activement au marché de l’exploration pétrolière et gazière. Elles ont réclamé la déduction en leur qualité d’associées dans une entité qui avait effectivement engagé légitimement les FEC et faisait activement de l’exploration pétrolière et gazière. Pour le commandité d’une société en commandite, l’opération avait un objet commercial valide et les contribuables ont pu faire leurs déductions grâce à leur participation à cette société en commandite. En outre, l’investissement des contribuables dans les sociétés en commandite a eu pour effet de fournir le capital requis. L’objet commercial de cette opération était de fournir des fonds à la compagnie minière. (3) Le législateur a créé le régime des actions accréditives dans le but d’inciter les investissements dans une entreprise risquée, pour les fins de la politique énergétique nationale. Il y avait également une certaine volonté politique d’encourager l’exploration au large de la côte est du Canada et, potentiellement, de ranimer une économie chancelante. Le gouvernement était au courant que la Loi autorisait ce type d’arrangements. Replacées dans leur contexte, les déductions sont conformes à la stratégie énergétique du Canada de l’époque. Les déductions des contribuables n’étaient ni factices ni indues, étant donné qu’elles découlaient de l’application expresse de la Loi et n’étaient pas incompatibles avec l’objet et l’esprit de l’article 66.1.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, art. 137(1).

Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, ch. 63), art. 20(1)c)(i), 55(1) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 24), 66.1(3) (édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 36; 1986, ch. 2, art. 17), (6)a) (édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 36; 1985, ch. 45, art. 126; 1986, ch. 55, art. 12; 1988, ch. 55, art. 42), b) (édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 36; 1976-77, ch. 4, art. 24; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 34; 1986, ch. 2, art. 17; ch. 55, art. 12; 1987, ch. 46, art. 19), (7) (édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 36; 1977-78, ch. 1, art. 30; 1980-81-82-83, ch. 45, art. 34), 88(1) (mod. par S.C. 1973-74, ch. 14, art. 27; 1974-75-76, ch. 26, art. 52; 1977-78, ch. 1, art. 43; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 48), 96(1) (mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 43), a), c), d) (mod. par S.C. 1987, ch. 46, art. 32), f), g), (2.5) (édicté par S.C. 1986, ch. 55, art. 25), 245(1), 247(1) (mod. par S.C. 1986, ch. 6, art. 125), (2) (mod., idem), 248(1) « contribuable ».

Loi sur le programme d’encouragement du secteur pétrolier, L.R.C. (1985), ch. P-13.

Partnership Act, R.S.A. 1980, ch. P-2, art. 1(d).

Règlement sur le programme d’encouragement du secteur pétrolier, DORS/82-666, art. 11 (mod. par DORS/83-639, art. 2; 83-683, art. 4; 84-77, art. 3; 84-296, art. 5; 84-861, art. 2; 85-354, art. 1; 85-636, art. 6; 86-32, art. 3; 86-459, art. 5).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Canada c. Fording Coal Ltd., [1996] 1 C.F. 518 [1996] 1 C.T.C. 230; (1995), 95 DTC 5672; 190 N.R. 186 (C.A.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [1996] 3 R.C.S. viii.

DISTINCTION FAITE AVEC :

R. c. Alberta and Southern Gas Co. Ltd., [1978] 1 C.F. 454 [1977] CTC 388; (1977), 77 DTC 5244 (C.A.); conf. par [1979] 1 R.C.S. 36; [1978] CTC 780; (1978), 78 DTC 6566; 23 N.R. 622; Edmonton Liquid Gas Ltd c La Reine, [1984] CTC 536; (1984), 84 DTC 6526; 56 N.R. 321 (C.A.F.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Inland Revenue Commissioners v. Westminster (Duke of), [1936] A.C. 1 (H.L.); Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; (1984), 10 D.L.R. (4th) 1; [1984] CTC 294; 84 DTC 6305; 53 N.R. 241; Furniss v. Dawson, [1984] A.C. 474 (H.L.); Snook v. London & West Riding Investments, Ltd., [1967] 1 All E.R. 518 (C.A.); Front & Simcoe Ltd. v. Minister of National Revenue, [1960] R.C.É 350; [1960] C.T.C. 123; (1960), 60 DTC 1081; Naiberg, I. v. M.N.R., [1969] Tax A.B.C. 492 (C.A.I.); Canada c. Continental Bank Leasing Corp., [1996] 3 C.F. 713 (1996), 25 B.L.R. (2d) 149; [1997] 1 C.T.C. 13; 96 DTC 6355; 199 N.R. 9 (C.A.); Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32; (1987), 36 D.L.R. (4th) 197; [1987] 1 C.T.C. 117; 87 DTC 5059; 25 E.T.R. 13; 71 N.R. 134; Commissioners of Inland Revenue v. Burmah Oil Co., [1981] T.R. 535 (H.L.); Ministre du Revenu national c. Leon, [1977] 1 C.F. 249 [1976] C.T.C. 532; (1976), 76 DTC 6299; 13 N.R. 420 (C.A.); Weston’s Settlements, In re, [1969] Ch. 233 (C.A.); Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312; [1994] 2 C.T.C. 25; (1994), 94 DTC 6314; 168 N.R. 16; Canada c. Mara Properties Ltd., [1995] 2 C.F. 433 [1995] 2 C.T.C. 86; (1995), 95 DTC 5168; 179 N.R. 363 (C.A.); inf. par [1996] 2 R.C.S. 161; [1996] 2 C.T.C. 54; (1996), 96 DTC 6309; 197 N.R. 308; Spur Oil Ltd. c. R., [1982] 2 C.F. 113 [1981] CTC 336; (1981), 81 DTC 5168; 42 N.R. 131 (C.A.); Canada c. Irving Oil Ltd., [1991] 1 C.T.C. 350; (1991), 91 DTC 5106; 126 N.R. 47 (C.A.F.); Howard de Walden (Lord) v. Inland Revenue Commissioners, [1942] 1 K.B. 389 (C.A.); La Reine c. Nova Corporation of Alberta (1997), 97 DTC 5229 (C.A.F.).

DÉCISIONS CITÉES :

La Reine c Daly (J J), [1981] CTC 270; (1981), 81 DTC 5197; 38 N.R. 494 (C.A.F.); Susan Hosiery Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 408; [1969] C.T.C. 533; (1969), 69 DTC 5346; Dominion Bridge Co Ltd c La Reine, [1975] CTC 263; (1975), 75 DTC 5150 (C.F. 1re inst.); Lagacé v. Minister of National Revenue, [1968] 2 R.C.É. 98; [1968] C.T.C. 98; (1968), 68 DTC 5143; Gregory v. Helvering, 293 U.S. 465 (1935); Ramsay (W. T.) Ltd. v. Inland Revenue Comrs., [1981] 2 W.L.R. 449 (H.L.); R c Esskay Farms Ltd, [1976] CTC 24; (1975), 76 DTC 6010 (C.F. 1re inst.); McKee (G) c La Reine, [1977] CTC 491; (1977), 77 DTC 5345 (C.F. 1re inst.); Shulman, Isaac v. Minister of National Revenue, [1961] R.C.É. 410; [1961] CTC 385; (1960), 61 DTC 1213; conf. par [1962] R.C.S. viii; Fell (D) Ltd et al c La Reine, [1981] CTC 363; (1981), 81 DTC 5282 (C.F. 1re inst.); Consolidated-Bathurst Ltd. c. Canada, [1987] 2 C.F. 3 [1987] 1 C.T.C. 55; (1986), 87 DTC 5001; 72 N.R. 147 (C.A.).

DOCTRINE

Arnold, B. J. and J. R. Wilson. « The General Anti-Avoidance Rule—Part 1 » (1988), 36 Rev. fiscale can. 829.

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APPEL d’une décision de la Cour de l’impôt accueillant la demande de déductions présentée par les contribuables en vertu de l’article 66.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Central Supply Co. c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2320; (1995), 95 DTC 434 (C.C.I.)). Appel accueilli.

AVOCATS :

Jagmohan S. Gill, Patricia Lee et Margaret J. Nott pour l’appelante.

Paul L. Schnier et Robert Jason pour les intimées.

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelante.

Fogler, Rubinoff, Toronto, pour les intimées.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Linden, J.C.A. : Le présent appel [[1995] 2 C.T.C. 2320 (C.C.I.)] porte sur l’effet possible de l’une des anciennes dispositions anti-évitement contenues dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Plus particulièrement, la question est de savoir si l’ancien paragraphe 245(1) devrait être appliqué pour annuler des déductions au titre de « frais cumulatifs d’exploration au Canada » réclamées pour l’année d’imposition 1987 par deux contribuables, soit Central Supply Company (1972) Limited (Central) et Carousel Travel 1982 Inc. (Carousel), aux termes du paragraphe 66.1(3) et de l’alinéa 66.1(6)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1]. Chacune des contribuables prétend être devenue associée de sociétés en commandite pendant vingt-quatre heures, le dernier jour de l’exercice financier de chacune de ces sociétés en commandite. Par suite de cette brève participation, de cet engagement transitoire ou éphémère, Central a réclamé une déduction de 10 000 000 $ et Carousel, une déduction de 6 000 000 $, qui ont toutes deux été contestées par le ministre au moyen de nouvelles cotisations. La Cour canadienne de l’impôt a admis les déductions. Comme on le verra ci-dessous, je ne peux accepter cette conclusion.

Le paragraphe 245(1), tel qu’il était rédigé à l’époque pertinente, disposait comme suit[2] :

245. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l’égard d’un débours fait ou d’une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.

Pour les fins du présent appel, il faut déterminer principalement comment cette disposition partielle anti-évitement doit être interprétée et appliquée aux faits de l’espèce. Les parties à l’appel ont des positions fondamentalement différentes sur la question. Le ministre, dans un bref résumé, prétend que le paragraphe 245(1) devrait être appliqué pour annuler les déductions qui, même si elles semblent autorisées par quelque disposition de la Loi, sont incompatibles avec l’objet et l’esprit de la disposition prévoyant la déduction, avec les habitudes ordinaires du commerce et ne révèlent aucun objet commercial. En résumé, les contribuables font valoir, à l’opposé, que le paragraphe 245(1) ne peut être invoqué lorsque la déduction demandée respecte l’objet et l’esprit de la disposition et qu’elle découle de l’application d’une disposition précise de la Loi.

I.          LE CONTEXTE

Avant 1988, le Canada n’avait aucune règle générale anti-évitement (RGAÉ), contrairement à de nombreux autres pays[3]. En outre, l’esprit de l’arrêt Inland Revenue Commissioners v. Westminster (Duke of)[4] exprimait l’attitude judiciaire prévalante à l’égard des stratagèmes d’évitement fiscal, à quelques exceptions restreintes près. Dans cette affaire, lord Tomlin de la Chambre des lords a statué que : [traduction] « [t]out homme a le droit, s’il le peut, de diriger ses affaires de façon que son assujettissement aux impôts prescrits par les lois soit moindre qu’il ne le serait autrement »[5]. Malgré que la Cour suprême, dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine[6], ait remplacé la méthode d’interprétation stricte et littérale adoptée dans Westminster par une méthode axée davantage sur la finalité qui tient compte de « l’objet et de l’esprit » de la Loi, elle est demeurée dans l’ensemble fidèle à la règle Westminster. La méthode dégagée dans l’arrêt Stubart est toujours la méthode appropriée pour interpréter les lois fiscales, mais elle ne jette aucun éclairage direct sur l’application du paragraphe 245(1) de la Loi. Le précurseur du paragraphe 245(1), le paragraphe 137(1) [S.R.C. 1952, ch. 148], n’a pas été débattu dans Stubart, même si le juge Estey y a fait référence à plusieurs reprises dans ses motifs. Par conséquent, l’interprétation et l’application du paragraphe 245(1) ne peuvent être beaucoup influencées par l’arrêt Stubart.

Un bref survol des exceptions à la doctrine Westminster qui ont été élaborées par les tribunaux nous aidera à comprendre le rôle que doit jouer le paragraphe 245(1) comme mesure législative visant à enrayer l’évasion fiscale. Malgré plusieurs tentatives en vue d’accroître la gamme des outils judiciaires pour limiter les plans d’évitement fiscal, deux de ces tentatives seulement ont été retenues au Canada; il s’agit de la doctrine des « opérations sans effet juridique » et la doctrine du « trompe-l’œil ». La doctrine des « opérations sans effet » s’applique aux déductions ou aux avantages fiscaux lorsque [traduction] « les résultats juridiques recherchés ne [sont] pas atteints »; en pareil cas, le contribuable doit être imposé en fonction du résultat juridique qui est véritablement obtenu[7]. En raison de leur inefficacité juridique, ces opérations [traduction] « ne sont pas considérées comme des trompe-l’œil ou des opérations factices parce que leur inefficacité les empêche même d’ouvrir la porte de la pièce où l’évitement fiscal est le sujet de discussion »[8]. En ce sens, il n’est peut-être pas tout à fait exact de qualifier l’interdiction judiciaire applicable aux opérations sans effet juridique de mesure anti-évitement. Il s’agirait plutôt du [traduction] « corollaire évident à la règle générale selon laquelle l’impôt est perçu en fonction des rapports de droit relatifs aux opérations et établis par les parties »[9].

Le trompe-l’œil est un concept différent de l’opération sans effet juridique. Une opération est qualifiée de trompe-l’œil lorsqu’un arrangement crée une apparence de droits et d’obligations qui masquent la véritable intention des parties en cause. Cela suppose habituellement un élément de tromperie ou même de fraude. La description classique du « trompe-l’œil » a été donnée par lord Diplock dans l’arrêt Snook v. London & West Riding Investments, Ltd.[10]; ce sont des actes ou documents qui [traduction] « visent à simuler … la création de droits et d’obligations juridiques différents des droits et obligations juridiques que les parties ont véritablement entendu créer (dans la mesure où elles ont voulu en créer) »[11]. Comme le trompe-l’œil a pour résultat de dissimuler une opération sous-jacente, la façon d’y remédier est de le remplacer par l’opération qui en constitue le véritable fondement. La doctrine du trompe-l’œil a été incorporée dans la common law du Canada. Dans l’arrêt Stubart, le juge Estey explique qu’en droit canadien l’élément de tromperie est « au cœur même du trompe-l’œil »[12]. Ce nécessaire élément de tromperie, toutefois, signifie que la doctrine du trompe-l’œil est rarement invoquée comme stratagème d’évitement fiscal par les tribunaux, bien qu’elle l’ait été à quelques reprises[13].

Contrairement aux doctrines de l’opération sans effet et du trompe-l’œil, les autres notions anti-évitement élaborées par les tribunaux ont eu peu de répercussions sur le courant jurisprudentiel. Mentionnons la règle « du fond par rapport à la forme », le critère de « l’objet commercial » et l’analyse de « l’opération étape par étape ». Tout d’abord, malgré le fait que le « fondement » économique ou commercial d’une opération soit souvent différent de sa forme juridique, les tribunaux canadiens ont statué dans bon nombre de cas que l’effet juridique d’une opération détermine son fondement. Dans Stubart, par exemple, la Cour suprême [traduction] « a accepté les formes juridiques (la vente et le mandat), bien que le fondement commercial de l’arrangement révélait que Stubart ne s’était pas défait de l’entreprise»[14]. Toutefois, dans d’autres cas, les tribunaux se sont montrés disposés à dépasser les formalités juridiques d’une opération afin de pouvoir la qualifier selon son fondement pour les fins fiscales[15]. En particulier, l’arrêt Bronfman Trust c. La Reine[16] constitue une exception importante à l’hésitation de la Cour suprême de procéder à une analyse du fond. Le juge en chef Dickson conclut en ce sens[17] :

Si, en appréciant les opérations des contribuables, on a présent à l’esprit les réalités commerciales et économiques plutôt que quelque critère juridique formel, cela aidera peut-être à éviter que l’assujettissement à l’impôt dépende, ce qui serait injuste, de l’habileté avec laquelle le contribuable peut se servir d’une série d’événements pour créer une illusion de conformité avec les conditions apparentes d’admissibilité à une déduction d’impôt.

Se fondant sur les faits, le juge en chef Dickson a conclu que la Cour ne pouvait ignorer l’utilisation directe et inadmissible des fonds empruntés au profit de l’utilisation indirecte et admissible au regard de laquelle la contribuable cherchait à réclamer la déduction au titre d’intérêts prévue par le sous-alinéa 20(1)c)(i). Manifestement, ces vues divergentes sur l’analyse du fond par rapport à la forme signifie que l’efficacité de cette analyse comme moyen de réduire les tentatives d’évasion fiscale n’est pas très claire à l’heure actuelle.

Deuxièmement, malgré qu’il soit fréquemment discuté dans la jurisprudence en matière de fiscalité, le critère de « l’objet commercial » a été fermement rejeté comme principe général d’interprétation par la Cour suprême dans l’arrêt Stubart[18]. Par contraste, le critère de l’objet commercial est utilisé depuis longtemps et avec beaucoup de succès dans la jurisprudence américaine[19]. Plus récemment, le critère de l’objet commercial a également pris racine dans la jurisprudence de la Chambre des lords, plus particulièrement pour évaluer les opérations en plusieurs étapes. Le meilleur exemple en est Furniss v. Dawson[20], une décision de la Chambre des lords dans laquelle il a été statué que, lorsqu’une étape particulière d’une opération commerciale, qui en comporte plusieurs, n’a pas d’objet commercial, l’opération doit être traitée, pour les fins fiscales, comme si cette étape prise à des fins purement fiscales, n’avait pas eu lieu[21].

La décision de la présente Cour dans Ministre du Revenu national c. Leon[22] est la seule tentative sérieuse de donner au critère de l’objet commercial un rôle central dans l’éventail des réponses judiciaires canadiennes aux plans d’évitement fiscal. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Heald, J.C.A., a formulé la proposition suivante[23] :

La Cour doit examiner l’entente ou l’opération en question. Si elles ne poursuivent pas une fin commerciale authentique, il s’agit alors d’un trompe-l’œil.

Le juge Heald essayait d’élargir la doctrine traditionnelle du « trompe-l’œil » en y incorporant le concept de la fin commerciale authentique. Malgré l’acceptation de plus en plus répandue du critère de l’objet commercial devant d’autres tribunaux, toutefois, cet effort est resté vain. Le juge Estey a refusé, dans l’arrêt Stubart, d’incorporer le critère de l’objet commercial en droit canadien. Il déclare ceci[24] :

Je suis … d’avis de rejeter la proposition selon laquelle il est possible d’écarter une opération du point de vue fiscal uniquement parce que le contribuable l’a faite sans but commercial distinct ou véritable. Un critère strict d’objet commercial pourrait, dans certaines circonstances, aller à l’encontre de l’intention apparente du législateur qui, dans les lois fiscales modernes, peut viser deux objets. La législation en matière d’impôt sur le revenu, comme la loi fédérale de notre pays, n’est plus uniquement un simple moyen de prélever des revenus pour faire face aux dépenses gouvernementales. Le gouvernement utilise les prélèvements d’impôt pour réaliser certains objectifs déterminés de politique économique.

Depuis l’arrêt Stubart, le critère de l’objet commercial n’a plus été utilisé au Canada comme principe général d’interprétation. En outre, sans l’aide du critère de l’objet commercial, le potentiel d’utilisation de l’analyse de « l’opération étape par étape » qui a connu une évolution récente au Royaume-Uni, est considérablement amoindri. Bref, les outils anti-évitement créés par les tribunaux ont été utilisés avec parcimonie au Canada.

Par conséquent, toute distinction significative entre les moyens légaux et illégaux d’éviter l’impôt doit provenir principalement des mesures anti-évitement d’origine législative, et non de création judiciaire. Il faut garder ce fait à l’esprit quand on interprète les dispositions anti-évitement qui se trouvent dans la Loi, et que j’aborde maintenant.

L’ancien paragraphe 245(1) faisait partie d’une série de mesures partielles anti-évitement comprises dans la Loi, dont le but était de prévenir certains types de stratagèmes ou d’opérations visant à éviter l’impôt. Parmi ces mesures, on trouvait tout d’abord le paragraphe 55(1) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 24], qui restreignait les gains ou les pertes en capital ayant pour effet de réduire artificiellement ou indûment le revenu. Cette disposition anti-évitement, adoptée pour la première fois en 1972, est décrite par Arnold et Wilson comme [traduction] « la contrepartie du paragraphe 245(1) »[25]. Deuxièmement, l’ancien paragraphe 247(1) [mod. par S.C. 1986, ch. 6, art. 125] a été adopté afin de contrôler l’utilisation des plans de dépouillement de surplus dont le but était de réduire l’actif d’une société de sorte que l’impôt payable sur la répartition du revenu de la société à des contribuables particuliers s’en trouvait également réduit[26]. Troisièmement, le paragraphe 247(2) [mod., idem] conférait au ministre le pouvoir de qualifier deux sociétés « d’associées entre elles » dans une année d’imposition donnée si le ministre était d’avis que [traduction] « l’un des principaux motifs de l’existence distincte des sociétés était de réduire l’impôt payable par ailleurs »[27]. Quatrièmement, et finalement, le paragraphe 245(1) a été adopté afin d’empêcher la réduction fictive ou indue du revenu grâce à une déduction faite « à l’égard d’un débours ou d’une dépense ». Toutes ces dispositions anti-évitement ont été abrogées en 1988 [ch. 55] pour faire place à la nouvelle règle générale anti-évitement (RGAÉ).

Chacune de ces dispositions anti-évitement visait une catégorie particulière de plans d’évitement de l’impôt. Dans ce sens, et contrairement à la RGAÉ actuelle, elles peuvent être qualifiées de règles « partielles » anti-évitement[28]. Malgré leur caractère partiel, toutefois, elles indiquent sans aucune espèce de doute que, même avant l’adoption de la nouvelle RGAÉ, le législateur avait l’intention d’établir une distinction entre les mesures légales et illégales d’évitement fiscal. Il en résulte que, même si ce n’est peut-être pas le rôle des tribunaux canadiens d’appliquer les doctrines anti-évitement à titre de principes généraux d’interprétation, ils doivent quand même respecter l’existence de dispositions particulières d’évitement fiscal prévues dans la Loi. Le juge Estey a reconnu cette réalité dans Stubart[29]. Formulant ses observations sur le paragraphe 137(1), le prédécesseur du paragraphe 245(1), il a conclu[30] :

Cette disposition, comme le reste de la Loi, a aussi été adoptée pour guider les tribunaux dans l’application de l’économie de la Loi partout au pays. Les tribunaux peuvent, bien entendu, élaborer par leur interprétation de l’art. 137, des doctrines comme celle du critère de l’objet commercial véritable où une règle d’analyse des opérations étape par étape pour catégoriser les activités des contribuables visés par l’interdiction énoncée dans cette disposition générale relative à l’évitement de l’impôt.

Ces propos du juge Estey soulignent l’importance d’une application équitable par les tribunaux des restrictions d’origine législative concernant l’évitement fiscal. C’est là une tâche que les tribunaux doivent accomplir en gardant à l’esprit que, bien qu’elles soient certainement autorisées, [traduction] « les mesures d’évitement fiscal … ne sont pas encore une vertu »[31], comme l’affirmait lord Denning.

La doctrine Westminster ne donne aucun indice de la façon dont ce rôle judiciaire doit être accompli[32]. Comme la Chambre des lords l’a reconnu dans l’arrêt Commissioners of Inland Revenue v. Burmah Oil Co., l’opinion incidente énoncée dans Westminster[33] :

[traduction] … ne nous dit rien ou presque sur le mode d’organisation de ses affaires que les tribunaux reconnaîtront comme diminuant validement l’impôt qui serait autrement payable si les opérations avaient été faites de façon directe. L’arrêt Duke of Westminster visait une opération simple intervenue entre deux personnes physiques ayant chacune son intention propre … Les types de plans d’évitement de l’impôt soumis à l’analyse des tribunaux depuis quelques années comportent des opérations intimement liées faites entre des personnes morales, des sociétés à responsabilité limitée, sans volonté propre, mais dirigées par un seul maître d’œuvre.

Cela ne nous aide pas non plus dans notre façon d’aborder une disposition anti-évitement d’origine législative comme le paragraphe 245(1). Pour donner un sens au paragraphe 245(1), la Cour doit donc employer des concepts et des idées, comme l’indique le juge Estey dans Stubart, qui l’aideront à faire une distinction plus subtile entre les mesures légales et illégales d’évitement fiscal que ce que la doctrine Westminster, trop générale, lui permet de faire.

C’est dans ce contexte que j’aborde maintenant la loi en vigueur concernant l’interprétation et l’application du paragraphe 245(1).

II.         LA LOI

Bien que la Cour suprême ait récemment fait des observations sur l’interprétation de dispositions fiscales précises et qu’elle soit demeurée fidèle à la méthode énoncée dans Stubart[34], elle n’a pas encore décidé de la portée qu’aura l’application de certaines considérations lorsque le législateur a expressément prévu des mesures de contrôle contre les tentatives illégales d’évitement fiscal, comme il l’avait fait au moyen du paragraphe 245(1). L’arrêt récent Canada, c. Mara Properties Ltd.[35] n’appuie pas la proposition selon laquelle la Cour suprême a adopté une méthode d’interprétation stricte à l’égard du paragraphe 245(1). Dans l’arrêt Mara Properties, le juge Marceau, J.C.A. (aux motifs duquel a souscrit le juge Stone, J.C.A.) a statué que le bien-fonds acquis par un contribuable n’était pas passé dans son stock et ne pouvait donc, au moment de sa disposition, être traité comme une perte d’entreprise. Dans ses motifs dissidents, le juge McDonald s’est dit d’avis d’accueillir le plan du contribuable au motif qu’il n’allait à l’encontre ni du paragraphe 88(1) [mod. par S.C. 1973-74, ch. 14, art. 27; 1974-75-76, ch. 26, art. 52; 1977-78, ch. 1, art. 43; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 48] ni du paragraphe 245(1). D’après son raisonnement : « la perte subie … ne peut être factice, étant donné qu’elle résulte d’une disposition législative qui crée une présomption … et à laquelle on doit donner effet »[36]. En appel, la Cour suprême a accepté, dans des motifs prononcés verbalement, le résultat auquel en était arrivé le juge McDonald, J.C.A.[37]. Toutefois, la Cour n’a pas dit si elle était d’accord avec les motifs du juge McDonald concernant le paragraphe 88(1) ou concernant son interprétation du paragraphe 245(1). Il est important de noter également que le paragraphe 245(1) n’a pas été débattu devant la Cour suprême.

Cependant, la Cour a eu récemment l’occasion de réfléchir sur l’application du paragraphe 245(1) dans Canada c. Fording Coal Ltd.[38]. En appliquant le paragraphe 245(1) à des déductions faites par un contribuable pour des frais cumulatifs d’exploration au Canada (FCEC) et des frais cumulatifs d’aménagement au Canada (FCAC), le juge Strayer, J.C.A., s’exprimant en son nom et au nom du juge Décary, J.C.A., a énoncé trois facteurs pertinents à la question de savoir si un contribuable a réduit indûment ou de façon factice son revenu. Il s’agit de savoir tout d’abord si la déduction revendiquée est contraire à l’objet et à l’esprit de la disposition de la Loi; deuxièmement, si la déduction est fondée sur une « opération ou convention échappant aux habitudes normales du commerce » et, troisièmement, si l’opération a un objet commercial véritable[39]. Le juge Strayer, se conformant à Stubart, a pris soin de qualifier l’importance de l’objet commercial véritable en déclarant que, bien que ce fait ne constitue pas « le facteur déterminant du caractère factice de la déduction », il « doit certainement entrer en ligne de compte »[40].

S’appuyant sur ces trois facteurs, le juge Strayer, J.C.A., a conclu dans Fording que les déductions demandées au titre des FCEC et des FCAC avaient réduit indûment et de façon factice le revenu du contribuable aux termes du paragraphe 245(1). Le juge Strayer a donc annulé les déductions malgré le fait qu’elles avaient été expressément autorisées par la Loi. Pour justifier cette conclusion, il dit ceci[41] :

… si le paragraphe 245(1) ne s’applique pas aux déductions permises à d’autres égards par la Loi, je ne vois pas à quoi il peut bien servir. Il ne faut pas non plus y voir une disposition générale qui doit être considérée comme primée par des dispositions « spéciales » qui permettent la déduction dans certains cas. La Loi doit être envisagée comme un tout. Il faut présumer que le législateur a prévu que des déductions permises selon les critères spécifiés par d’autres dispositions de la Loi pourraient, dans certains cas, réduire le revenu de façon indue ou factice, auxquels cas elles seraient rejetées en application du paragraphe 245(1).

Ce raisonnement n’a cependant pas fait l’unanimité. Le juge McDonald, J.C.A., dissident dans l’affaire Fording, a adopté une position beaucoup plus restrictive concernant l’application du paragraphe 245(1). Tout d’abord, tout en reconnaissant la pertinence de l’analyse fondée sur l’objet et l’esprit de la Loi, le juge McDonald a interprété l’objet et l’esprit des dispositions pertinentes selon le sens des mots ordinaires utilisés dans les dispositions elles-mêmes[42]. Le deuxième aspect de cette position restrictive a été formulé par le juge McDonald dans les termes suivants[43] :

Pour savoir si une déduction opère réduction factice du revenu du contribuable, il est nécessaire d’examiner l’opération qui y a donné lieu. Si cette opération ne va pas à l’encontre des dispositions applicables ou de la Loi elle-même, elle ne peut être jugée factice au regard du paragraphe 245(1).

Cette position est conforme à la position que le juge McDonald avait adoptée antérieurement dans Mara Properties. Le juge Marceau, J.C.A., a également adopté une vue semblable du paragraphe 245(1) dans cette affaire, bien qu’il n’ait pas tranché la question en s’appuyant sur le paragraphe 245(1)[44].

Malgré ce désaccord, l’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême a été refusée dans l’affaire Fording [[1996] 3 R.C.S. viii]. Par conséquent, dans le présent appel, je suis aux prises avec deux visions contradictoires du rôle qu’est censé jouer le paragraphe 245(1). En l’absence de toute précision contraire de la Cour suprême, je préfère le raisonnement du juge Strayer, J.C.A. qui, à mon avis, saisit mieux la fin pour laquelle cette disposition a été adoptée par le législateur.

Dans l’arrêt Spur Oil Ltd. c. R., le juge Heald, J.C.A., a défini le terme « indu » selon le sens de « excessif », que donnent les dictionnaires, et le terme « factice » selon le sens de « simulé » ou « fictive »[45]. Ces définitions ont été subséquemment adoptées par le juge Mahoney, J.C.A., dans Canada c. Irving Oil Ltd.[46]. Le terme « indu » peut de plus être entendu comme synonyme de « exagéré » et « exorbitant ». Le mot « factice » peut aussi être expliqué par l’utilisation d’adjectifs comme « artificiel », « non authentique », « combiné », « anormal », « non naturel », « fabriqué », « imité », « inventé » et « insincère ». Point n’est pas besoin d’aller aussi loin que « trompeur », « fictif », « fourbe », « falsifié », « faux » ou « frauduleux », qui sont les concepts utilisés pour déterminer s’il y a un « trompe-l’œil », mais ces notions seraient certainement comprises dans l’idée d’artifice. Une comparaison de ces deux groupes de synonymes fait ressortir que la réduction « factice » du revenu établit un seuil plus élevé pour l’application du paragraphe 245(1) que ce qui est exigé par la réduction « indue » du revenu. La raison en est que le terme « factice » suppose un élément de fabrication qui n’est pas présent dans le terme « indu ». Abstraction faite de cette différence, toutefois, ces deux termes renvoient à la réduction du revenu qui résulte de la déduction réclamée, et non à la dépense qui a donné lieu à la déduction. Cette distinction est, à mon avis, essentielle pour bien comprendre l’objet du paragraphe 245(1). L’argument souvent invoqué selon lequel une déduction qui découle d’une dépense réelle ne peut réduire indûment ou de façon factice un revenu ne tient pas compte de cette distinction. En allant au-delà de la manière dont la dépense a été engagée, et en mettant plutôt l’accent sur l’effet de la déduction sur le revenu du contribuable, les facteurs énoncés par le juge Strayer, J.C.A., dans l’arrêt Fording évitent ce piège.

La pierre angulaire du raisonnement du juge Strayer dans Fording s’appuie toutefois sur la reconnaissance du fait que c’est la réduction indue ou factice du revenu, au regard de ce contribuable, qui est à l’examen, et non la légitimité de la dépense, de l’entente ou de la déduction qui en a résulté, considérée dans l’abstrait. Le juge Mahoney, J.C.A., formule cette idée dans Irving Oil quand il déclare que, pour tomber sous le coup du paragraphe 245(1), « une opération ou une entente doit avoir pour effet de réduire indûment ou de façon factice le revenu; le caractère factice de l’opération ou de l’entente comme telle ne résout pas la question »[47]. Selon les mots du juge Strayer, « [l]a question centrale est le caractère indu ou factice de la réduction du revenu, pas le caractère factice de l’opération en question »[48]. Les outils utilisés pour explorer cette « question centrale » sont une analyse de l’objet et de l’esprit de la disposition particulière, une analyse permettant de déterminer si l’opération est conforme aux habitudes normales du commerce et si elle a un objet commercial identifiable.

Le législateur a indiqué sa volonté d’imposer des limites à l’étendue acceptable des plans d’évitement fiscal en adoptant l’ancien paragraphe 245(1) et d’autres dispositions anti-évitement similaires. Les critères particuliers adoptés par le juge Strayer, J.C.A., pour évaluer la réduction indue ou factice du revenu constituent un mécanisme approprié permettant aux tribunaux de respecter cet objectif législatif. Comme il en a été question ci-dessus, les termes « indu » et « factice » mettent l’accent sur une conduite qui est « excessive » ou « exagérée » au mieux, ou qui est « simulée », « artificielle » ou « imitée » au pire. En adoptant des dispositions anti-évitement comme le paragraphe 245(1), le législateur a indiqué qu’il ne pouvait pas, dans la rédaction de dispositions fiscales précises, prévoir toutes les façons imaginables de manipuler le texte de cette disposition. Les stratagèmes d’évitement qui sont inventés pour tirer parti du texte littéral des dispositions fiscales sont notoirement difficiles à détecter précisément parce qu’ils ne cherchent pas à respecter l’objet ou l’esprit de la disposition, et qu’ils ne sont pas justifiés par une logique ou un objet commercial. Pour cette raison, ils se trouvent souvent en dehors des limites de ce que pouvait raisonnablement envisager le législateur quand il a adopté une disposition particulière de la Loi. Dans l’évaluation des plans d’évitement fiscal au regard de ces trois facteurs, toutefois, les tribunaux peuvent effectivement limiter les genres d’ententes qui donnent lieu à des dépenses ou à des déductions prévues par la Loi à celles qui peuvent raisonnablement avoir été voulues par le législateur ou, autrement dit, à celles qui ne réduisent pas indûment ou de façon factice le revenu.

Il est faux de dire que le critère de l’objet commercial qui, d’après le juge Strayer, J.C.A., est un facteur à prendre en compte dans l’application du paragraphe 245(1), a été rejeté dans l’arrêt Stubart. Dans cette affaire, dans laquelle une contribuable avait mis au point un plan pour profiter des pertes d’une filiale mal en point, l’article 137 de la Loi (actuellement l’article 245) n’a précisément pas été débattu par le procureur général. S’inspirant de la méthode américaine, le ministère public a plutôt présenté le critère de l’objet commercial comme un principe général d’interprétation. C’est en réponse à cet argument que le juge Estey a déclaré que l’adoption du critère de l’objet commercial pouvait amener les tribunaux à rejeter des opérations qui étaient expressément prévues par le législateur dans le cadre d’une politique économique de plus grande envergure[49]. Il se préoccupait implicitement d’une intervention judiciaire inappropriée dans la sphère de la politique législative. Toutefois, lorsque le législateur a expressément donné instruction à la Cour d’examiner si une déduction particulière réduit indûment ou de façon factice le revenu, il est approprié que la Cour évalue la preuve portant sur l’objet commercial à titre d’indice, du moins partiel, de la légitimité de la déduction. Le juge Estey a précisément reconnu ce point dans l’opinion incidente qu’il donne pour aider à interpréter l’article 137 de la Loi[50] :

1.   Si les faits ne révèlent l’existence d’aucun objet commercial véritable dans l’opération, l’art. 137 peut s’appliquer, mais il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce.

Par conséquent, souscrivant aux propos du juge Strayer dans Fording, je suis d’avis que le critère de l’objet commercial est manifestement un facteur pertinent dans une analyse du paragraphe 245(1).

Abordant maintenant une autre controverse sous-jacente concernant le paragraphe 245(1), je ne suis pas convaincu que, du simple fait qu’une opération peut techniquement respecter les paramètres de la Loi, elle ne peut indûment ou de façon factice réduire le revenu. L’efficacité juridique est l’un des trois principes d’interprétation reconnus par la Chambre des lords dans l’affaire Westminster[51]. Certainement, l’efficacité juridique d’une opération est indispensable pour établir l’à-propos d’une déduction découlant de cette opération. Dans les cas où le texte de la disposition fiscale précise est clair et non équivoque, cela peut même être suffisant, comme ce fut le cas dans Stubart. Toutefois, laisser entendre que l’efficacité juridique permet également à un contribuable d’éviter l’application du paragraphe 245(1) viderait cette disposition de tout son sens. Le juge Strayer a correctement expliqué le droit en vigueur dans l’arrêt Fording quand il déclare ceci[52] :

… [ce paragraphe] s’applique dans le cas où, malgré l’authenticité des rapports de droit établis par le contribuable, une déduction faite au titre de pareille opération réduirait le revenu de façon indue ou factice.

La conclusion du juge Strayer sur ce point est inévitable. En fait, conclure autrement contreviendrait au raisonnement même qui a amené le juge Estey à rejeter le critère de l’objet commercial ou toutes autres doctrines judiciaires anti-évitement comme étant les grands principes d’interprétation dans Stubart.

Une comparaison du droit canadien avec celui d’autres pays appuie également la position selon laquelle le paragraphe 245(1) peut être appliqué pour refuser une déduction malgré que celle-ci soit littéralement visée par une disposition spécifique de la Loi. Dans l’arrêt Stubart, le juge Estey a adopté une attitude prudente à l’égard des doctrines judiciaires anti-évitement en reconnaissant qu’au Canada « le législateur a réagi devant la nécessité d’avoir une réglementation générale pour combattre les pratiques flagrantes d’évasion fiscale » en adoptant diverses dispositions relatives à l’évitement de l’impôt[53]. Cette attitude, fait-il observer, est en opposition marquée avec d’autres ressorts comme les États-Unis et le Royaume-Uni, où de telles dispositions législatives ont été adoptées. En l’absence de mécanismes de contrôle d’origine législative, les doctrines anti- évitement créées par les tribunaux sont compréhensibles[54]. La conclusion qui s’en dégage implicitement, c’est que l’hésitation de la Cour suprême à endosser l’utilisation de doctrines anti-évitement créées par les tribunaux comme principes généraux d’interprétation vient de ce que les mesures anti-évitement sont déjà en place dans le régime législatif et que l’utilisation de telles doctrines devrait principalement se faire dans les limites de ces dispositions. Appliquer cette attitude d’hésitation à l’interprétation du paragraphe 245(1) minerait sérieusement le fondement même qui permet de le justifier.

La comparaison avec le droit international fait ressortir que, même si seulement quelques pays appliquent rigoureusement des règles anti-évitement d’origine législative autant que judiciaire, la plupart des pays ont activement recours aux unes ou aux autres. Selon Arnold et Wilson[55] :

[traduction] Bien que les deux méthodes ne s’excluent pas mutuellement (par exemple, les Pays-Bas ont une règle générale d’évitement d’origine législative et ils appliquent également la doctrine de l’abus de droit), la plupart des pays n’ont retenu qu’une seule méthode. Par exemple, le Royaume-Uni et les États-Unis ont élaboré des doctrines judiciaires très larges, mais n’ont adopté aucune règle générale anti-évitement dans leurs lois. Par contraste, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont adopté des règles d’origine législative, mais n’ont pas élaboré des doctrines générales anti-évitement de nature judiciaire.

En conclusion, je répète simplement que le législateur a choisi d’adopter le paragraphe 245(1). En appliquant cette disposition à des cas appropriés, la Cour n’usurpe pas la volonté du législateur, elle s’y conforme.

Finalement, je reconnais que la méthode que je prône peut comporter un certain élément de discrétion dans l’application du paragraphe 245(1). Cela ne peut être entièrement évité étant donné que l’évaluation de l’objet et de l’esprit de la loi, de la conformité aux habitudes normales du commerce et de l’objet commercial doit nécessairement se faire au cas par cas. Cette analyse individuelle est souvent critiquée à cause de son manque de certitude, particulièrement par ceux dont les structures fiscales brillantes sont jugées illégales par les tribunaux. Comme un auteur américain le signale, toutefois, une certaine incertitude est [traduction] « un élément inévitable des régimes fiscaux modernes »[56]. En outre, cette incertitude existe principalement lorsque les contribuables essaient de mettre à l’épreuve les limites extrêmes de la distinction qui existe entre les mesures d’évitement acceptables et non acceptables. Au vu de ce qui précède, comme le signale lord Green dans Howard de Walden (Lord) v. Inland Revenue Commissioners, [traduction] « le contribuable qui joue avec le feu peut difficilement se plaindre de s’être brûlé les doigts »[57]. Au jeu de dés, on ne gagne pas toujours; il arrive aussi que l’on perde.

III.        L’ENTENTE DES INTIMÉES

En l’espèce, les dispositions relatives aux frais sur lesquelles les intimées se sont appuyées pour réclamer des déductions de 10 000 000 $ et de 6 000 000 $ chacune sont le paragraphe 66.1(3) et l’alinéa 66.1(6)b) de la Loi. Le paragraphe 66.1(3) disposait à cette époque qu’un contribuable, à l’exclusion d’une corporation exploitant une entreprise principale, pouvait déduire dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition un montant ne dépassant pas l’excédent de ses frais cumulatifs d’exploration au Canada à la fin de l’année. Les frais cumulatifs d’exploration au Canada (les FCEC) sont définis à l’alinéa 66.1(6)b). Le juge de la Cour de l’impôt [à la page 2335] a défini la déduction comme « un ensemble cumulatif et continu de dépenses auxquelles sont ajoutés les frais d’exploration déterminés, comme les coûts d’exploration sismique et de forage, et desquelles sont déduits certains montants reçus ou à recevoir ». Les frais d’exploration au Canada (FEC) sont définis à l’alinéa 66.1(6)a) [édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 36; 1985, ch. 45, art. 126; 1986, ch. 55, art. 12; 1988, ch. 55, art. 42] de la Loi et se rapportent généralement à des dépenses engagées aux fins du forage ou de l’essai d’un puits de pétrole ou de gaz. Les sommes qui sont déduites de « l’ensemble » comprennent des subventions du gouvernement du Canada auxquelles le contribuable a droit en vertu de la Loi sur le programme d’encouragement du secteur pétrolier [L.R.C. (1985), ch. P-13] (le PESP) qui prévoit des versements de 80 % des « frais d’exploration admissibles » pour les « personnes admissibles » dans le cadre d’une stratégie visant à encourager les investissements dans ce secteur d’activités[58].

L’alinéa 66.1(6)a)[59] énonce les conditions en vertu desquelles un contribuable peut demander une déduction pour FEC dans les termes suivants :

66.1 (6)a) …

(iv) sous réserve de l’article 66.8, sa part d’une dépense visée à l’un des sous-alinéas (i), (i.1), (ii), (ii.1), (iii) ou (iii.1) qu’une société a engagée au cours d’un de ses exercices financiers, s’il était un associé à la fin de cet exercice,

(v) une dépense visée à l’un des sous-alinéas (i) à (iii.1) et engagée par le contribuable conformément à une convention écrite conclue avec une corporation avant 1987 par laquelle le contribuable n’engage la dépense qu’en paiement d’actions de la corporation« à l’exclusion des actions visées par règlement »émises en sa faveur ou de droits afférents à de telles actions,

il est entendu toutefois que sont exclues

(vi) une contrepartie donnée par le contribuable pour une action ou un droit y afférent, sauf dans le cas prévu au sous-alinéa (v),

(vii) une dépense visée au sous-alinéa (v) et engagée par un autre contribuable dans la mesure où cette dépense consistait, selon le cas, en

(A) frais d’exploration au Canada engagés par cet autre contribuable en vertu de ce sous-alinéa,

Les mesures que les intimées ont utilisées et en vertu desquelles elles prétendent être visées par le paragraphe 66.1(3) et l’alinéa 66.1(6)b) afin de réclamer les déductions considérables sont assez complexes. Le 14 décembre 1987, les intimées ont acheté une participation dans quatre sociétés en commandite qui s’étaient engagées à financer un projet d’exploration de pétrole et de gaz appelé « puits Northcor et al. Narwhal F-99 », qui s’est révélé improductif, situé au large de la côte est du Canada[60]. Le certificat de société en commandite déposé pour chacune précisait que les sociétés en commandite avaient été formées pour un certain nombre de fins commerciales, notamment l’acquisition, l’exploration, l’aménagement, l’exploitation et la vente de pétrole, de gaz naturel et d’autres produits pétroliers. Les sociétés en commandite ont conclu chacune une « convention de souscription d’actions » qui autorisait Northcor Energy Limited (Northcor), une petite société d’exploration, à faire du forage comme mandataire de la société en commandite et aux frais de celle-ci. Chaque société en commandite a accepté de financer 20 % des frais d’exploration engagés par Northcor, et a de plus accepté de céder ses droits à une aide gouvernementale[61]. La cession des droits à l’aide gouvernementale devait couvrir les 80 % de frais d’exploration restants. Toute aide gouvernementale demandée et reçue par Northcor par suite de cette cession serait versée aux sociétés en commandite[62]. En contrepartie, chaque société en commandite obtenait le droit d’acheter des actions de Northcor[63]. Finalement, les conventions précisaient que les sociétés en commandite engageraient les frais d’exploration aux fins du sous-alinéa 66.1(6)a)(v) de la Loi[64]. La répartition des profits et pertes, englobant les FEC et les PESP, devait être déterminée à la fin de l’exercice financier conformément à une quote-part de 99,9 % accordée aux commanditaires et répartie proportionnellement au nombre de participations de chacun[65].

Le 1er octobre 1987, après que 17 500 000 $ eurent été engagés au nom des sociétés en commandite, il a été déterminé que le forage au puits Narwhal F-99 n’avait pas porté fruit et les opérations d’abandon ont commencé. Après cela, les sociétés en commandite n’ont été engagées que dans des activités de fermeture. Le 10 décembre 1987, Encee, la propriétaire de Northcor, a racheté 20 000 participations des sociétés en commandite dans les quatre sociétés visées. Le 14 décembre 1987, ces participations ont été vendues à 747942 Ontario Limited (747942) et une partie a été revendue aux intimées le même jour. Chaque fois, les certificats de société en commandite ont été modifiés pour indiquer le nom des nouveaux propriétaires des participations. La « convention d’achat-vente » qui a été conclue entre Encee et 747942 prévoyait que les sociétés en commandite n’auraient droit à aucune subvention gouvernementale avant le 15 décembre 1987[66]. Au moment même où le contrat d’achat-vente a été conclu entre Encee et 747942, un contrat d’option de vente a également été conclu et accordait à 747942 le droit d’obliger une filiale sous le contrôle d’Encee (NRI Holdings Ltd.) à acheter la totalité des participations à n’importe quel moment jusqu’au 31 décembre 1987, à 0 01 $ l’unité[67]. Les conventions subséquentes entre 747942 et Carousel et Central, intitulées chacune « Accord de cession et de novation concernant la convention d’achat-vente » ratifiaient la vente aux intimées des parties des participations détenues par 747942 le dernier jour de l’exercice financier de 1987 des sociétés en commandite[68].

Carousel a acheté suffisamment de participations dans les sociétés en commandite pour avoir droit de déduire 6 000 000 $ de FEC à la fin de son exercice financier de 1987, pour un prix d’achat de 1 080 000 $. Central a obtenu des participations dans les sociétés en commandite qui lui permettrait de déduire 10 000 000 $ de FEC à la fin de son exercice financier de 1987, pour un montant de 1 800 000 $.

Le 15 décembre 1987, les contribuables intimées ont exercé leurs droits en vertu du contrat d’option de vente et ont cédé leurs participations dans les sociétés en commandite à NRI au prix unitaire désigné. Leurs noms ont été supprimés des certificats de société en commandite vingt-quatre heures après y avoir été inscrits. Les PESP qui avaient été différés ont par la suite été payés à NRI qui avait suffisamment de pertes pour que ce revenu soit totalement exonéré d’impôt.

Le juge de la Cour de l’impôt a admis les déductions réclamées par les contribuables. Il motive brièvement sa décision dans la conclusion suivante [à la page 2363] :

En résumé, les appelantes sont devenues des associées de quatre sociétés en commandite le dernier jour de l’exercice 1987 de ces dernières, exercice au cours duquel ces sociétés ont engagé des frais d’exploration. Leurs participations dans les sociétés en commandite étaient des « intérêts exonérés » au sens de la Loi. Les opérations n’étaient pas un trompe-l’œil. La Loi prévoyait expressément la déduction des dépenses d’un associé à la fin d’un exercice d’une société de personnes. Comme personne d’autre n’y avait droit, et comme une déduction est clairement envisagée dans la Loi, la déduction demandée était conforme à l’objet des dispositions incitatives en question. Les sociétés en commandite n’étaient pas en droit de recevoir et n’ont pas reçu de PESP au cours de l’exercice 1987. Les déductions faites par les appelantes n’ont pas eu pour effet de réduire indûment ou de façon factice leur revenu. Chaque appelante a déclaré le gain en capital résultant de la disposition de sa participation dans les quatre sociétés en commandite.

Le sens qu’il faut dégager des motifs du juge de la Cour de l’impôt, c’est que la déduction d’une dépense qui est réellement et légitimement demandée ne peut être contraire au texte clair ou à l’objet et à l’esprit de la Loi, même si la déduction est réclamée par un contribuable différent par suite d’un plan, ayant pour seul objet d’éviter de payer l’impôt, créé spécialement à cette fin.

C’est dans ce contexte que la réclamation des intimées portant sur des déductions de 10 000 000 $ et de 6 000 000 $ au titre des frais d’exploration engagés dans le puits Narwhal F-99 doit être examinée.

IV.       LES MOYENS INVOQUÉS EN APPEL

Le ministre appelant soutient devant la Cour que le plan des contribuables n’a pas abouti au résultat prévu pour trois motifs principaux et trois motifs subsidiaires. Tout d’abord, il fait valoir que les sous-alinéas 66.1(6)a)(iv) et (v) ne s’appliquent pas aux intimées. Le sous-alinéa 66.1(6)a)(iv), bien qu’il fasse référence à des sociétés en commandite, ne peut être lu comme une « disposition visant la répartition » d’une dépense engagée en vertu du sous-alinéa 66.1(6)a )(v). À l’appui de sa position, il cite le fait que le sous-alinéa 66.1(6)a)(iv) ne fait aucune référence aux dépenses engagées selon le sous-alinéa 66.1(6)a)(v), le fait que ce sous-alinéa précède plutôt qu’il ne suit le sous-alinéa 66.1(6)a)(v) et le fait qu’il est séparé du sous-alinéa 66.1(6)a)(v) par la conjonction disjonctive anglaise « or ». Il soutient que le sous-alinéa 66.1(6)a)(iv) traite des dépenses engagées directement par une société plutôt qu’en vertu d’un contrat avec une société d’exploration, comme c’est le cas en l’espèce. Selon le ministre, les intimées n’ont pas non plus droit aux déductions prévues au sous-alinéa 66.1(6)a)(v), étant donné que ce sous-alinéa fait référence aux « contribuables » et qu’une société en commandite n’est pas un contribuable en vertu de la Loi. Le revenu et la perte d’une société en commandite sont inclus comme revenu et perte pour chacun des associés aux termes des alinéas 96(1)a), f) et g). Plus précisément, en l’espèce, l’alinéa 96(1)d) [mod. par S.C. 1987, ch. 46, art. 32] exige que le revenu ou la perte de la société en commandite soit calculé sans tenir compte des FEC. Ce revenu ou cette perte est traité, aux fins fiscales, comme s’il avait été engagé directement par les associés à la fin de l’année.

Deuxièmement, il fait valoir que les contribuables ne sont pas devenues des associées des sociétés en commandite le 14 décembre 1987, parce qu’elles n’ont pas exploité une entreprise en commun en vue de faire des bénéfices. La position de l’appelant est la suivante : même si la partie 2 de la Partnership Act de l’Alberta établit la responsabilité limitée de certains associés en restreignant leur capacité de contrôler activement la société, elle n’exclut pas autrement l’obligation pour ces personnes de respecter la définition d’une société de personnes donnée à l’alinéa 1d) de la Partnership Act. Dans cette mesure, selon le ministre, une société en commandite est l’équivalent d’une société de personnes ordinaire et chaque nouvel associé doit, à son entrée dans la société, satisfaire à la condition relative à l’exploitation d’une entreprise commune en vue de faire des bénéfices. Tel n’a pas été le cas en l’espèce, selon la prétention du ministre, et c’est pourquoi les intimées n’ont pas le droit de récupérer les encouragements fiscaux qui ont été accordés à l’entreprise qui avait été exploitée par ces sociétés en commandite.

Troisièmement, le ministre soutient que le paragraphe 245(1) devrait être appliqué pour refuser les déductions au motif qu’elles ont indûment ou de façon factice réduit le revenu des contribuables. Il s’appuie sur l’arrêt Fording pour faire valoir en l’espèce que la participation des intimées aux sociétés en commandite pendant vingt-quatre heures est contraire à l’objet et à l’esprit de l’article 66.1, qu’elle n’avait pas d’objet commercial et qu’elle était contraire aux habitudes normales du commerce. Cela est établi, selon l’appelant, par le fait que les intimées n’avaient pas l’intention d’exploiter une entreprise en commun avec d’autres parties en vue de faire des bénéfices et ne pouvaient s’attendre à ce que leur participation aux sociétés en commandite se traduise par une possibilité quelconque de bénéfices. L’appelant soutient que les déductions prises par les intimées sont contraires à l’objet et à l’esprit de la loi parce qu’elles coûtent au gouvernement plus de 100 % des coûts réels d’exploration et parce que la brève association des intimées aux sociétés en commandite pendant la phase de liquidation ne peut être considérée comme un investissement dans une petite compagnie de l’industrie des ressources, comme le veut la loi.

Quatrièmement, et subsidiairement, le ministre fait valoir que les sociétés ne pouvaient engager plus de 20 % des frais d’exploration associés au puits Narwhal F-99 parce que Northcor n’avait pas de recours contre les sociétés au sujet du paiement des autres 80 % de frais d’exploration et, même si elle avait eu de tels recours, la responsabilité des sociétés au titre de ces frais était conditionnelle à l’obtention des PESP. Cinquièmement, et subsidiairement, le ministre fait valoir que les contribuables étaient en « droit de recevoir » des PESP conformément au sous-alinéa 66.1(6)b)(ix) pendant l’exercice de 1987, et que ceux-ci auraient dû réduire la déduction des frais cumulatifs d’exploration au Canada demandée malgré le fait que les paiements n’avaient pas encore été reçus. Sixièmement, et c’est le dernier motif subsidiaire, le ministre fait valoir que les participations des contribuables ne sont pas des « intérêts exonérés » au sens du paragraphe 96(2.5) [édicté par S.C. 1986, ch. 55, art. 25] de la Loi et donc que les déductions que les intimées pouvaient demander étaient limitées au montant « risqué ».

Les contribuables intimées, en résumé, prétendent qu’elles devraient être autorisées à réclamer les déductions de frais cumulatifs d’exploration au Canada (FCEC) parce que leur situation est visée par le texte du paragraphe 66.1(3) et de l’alinéa 66.1(6)b), du fait qu’elles ont acheté et revendu un jour plus tard leurs participations dans des sociétés en commandite qui avaient encore d’importants frais d’exploration à déduire le dernier jour de l’exercice financier au cours duquel ces frais avaient été engagés. Elles maintiennent que leur admissibilité aux FCEC découle des conditions énoncées au sous- alinéa 66.1(6)a)(iv) ou (v). À l’appui de leur position, elles font valoir tout d’abord qu’une société de personnes est une contribuable au sens de la Loi étant donné qu’un contribuable est défini au paragraphe 248(1) comme toute « personne », qu’elle soit tenue ou non de payer l’impôt, et que les alinéas 96(1)a) et c) qualifient expressément une société de « personne » distincte pour les fins du calcul du revenu d’un membre de la contribuable. Revenu Canada a pris l’habitude de traiter une société comme un contribuable pour les fins précises du sous-alinéa 66.1(6)a)(v), soutiennent les contribuables, afin d’adapter les règles des FEC à une situation dans laquelle une société a conclu une convention d’émission d’actions accréditives. Que le sous-alinéa 66.1(6)a)(v) s’applique ou non aux sociétés en commandite, toutefois, les intimées font valoir en second lieu qu’elles ont droit à une part des FEC des sociétés en commandite en raison de l’application directe du sous-alinéa 66.1(6)a)(iv). Cette admissibilité, selon elles, ne dépend pas de la capacité de la société d’engager des frais d’exploration à titre de contribuable aux termes du sous-alinéa 66.1(6)a)(v).

Pour justifier la validité de leur participation aux sociétés en commandite, les intimées prétendent, pour ce qui a trait à l’application de la partie 2 de la Partnership Act, que l’exigence d’exploiter une entreprise en vue de faire des bénéfices ne s’applique qu’au commandité au moment où la société en commandite est établie. La partie 2 de la Partnership Act, selon elles, prévoit expressément une procédure pour assurer la continuité des sociétés en commandite, de sorte que ni la partie 1 de la Partnership Act ni la common law ne s’appliquent pour décider de l’effet que peut avoir un changement d’associés. Le seul facteur pertinent en l’espèce, selon les intimées, c’est qu’elles ont respecté les exigences légales de l’Alberta pour devenir associées dans une société en commandite le 14 décembre 1987.

Finalement, en réponse à la position du ministre concernant le paragraphe 245(1), les intimées ne prétendent pas qu’il y avait un objet commercial légitime pour les opérations qui ont entraîné les déductions au titre des frais d’exploration. Les opérations de forage dans lesquelles les sociétés ont investi et le puits Narwhal F-99 avaient déjà été abandonnés quand les contribuables ont acheté leurs participations. Elles font plutôt valoir que la raison d’être de cet arrangement, même s’il s’agit purement d’un motif d’évitement fiscal, est peu pertinente tant et aussi longtemps que les exigences de la Loi sont respectées et que le plan est compatible avec l’objet et le but des dispositions relatives aux frais d’exploration.

Il n’est pas nécessaire que je décide si les intimées avaient techniquement le droit de réclamer la déduction en vertu des sous-alinéas 66.1(6)a)(iv) ou (v) parce que, contrairement au juge de la Cour de l’impôt, je suis d’avis que les déductions demandées, même si elles peuvent avoir découlé initialement de dépenses légitimes, ont réduit indûment et de façon factice le revenu des intimées, aux termes du paragraphe 245(1). Je n’ai pas non plus à me prononcer sur les questions complexes touchant le droit albertain des sociétés de personnes pour déterminer si les intimées sont devenues des associées valides des sociétés en commandite le 14 décembre 1987. De même, je n’ai à me prononcer sur aucune des questions soulevées comme motifs subsidiaires par le ministre.

V.        APPLICATION DU PARAGRAPHE 245(1) AUX FAITS DE L’ESPÈCE

Le juge de la Cour de l’impôt a refusé de rejeter les déductions aux termes du paragraphe 245(1) au motif que ces déductions se rattachent à des frais légitimes qui ont été attribués aux intimées conformément aux exigences de la Loi. À l’appui de cette conclusion, il énonce le raisonnement suivant [aux pages 2352 et 2353] :

Les frais n’ont pas été créés par un plan illusoire quelconque. On avait l’intention de les engager, ils ont effectivement été engagés, puis ont été attribués aux appelantes précisément de la manière prévue dans les contrats de société en commandite, devenant ainsi leur « part » au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iv). La Loi est conçue de manière à ce que ces montants, que les [intimées] cherchent à déduire, ne puissent être déduit par personne d’autre.

Ces motifs présentent bon nombre des caractéristiques de la méthode d’interprétation stricte du paragraphe 245(1) qui, contrairement à la volonté du législateur, nie à ce paragraphe tout rôle comme mesure anti-évitement. On arrive à un résultat très différent quand les trois facteurs énoncés dans Fording pour aider à faire la distinction entre les mesures légales et illégales d’évitement de l’impôt sont appliqués aux faits de l’espèce, selon l’intention du législateur.

Tout d’abord, je conclus que la tentative d’utilisation par les intimées des dispositions relatives aux frais d’exploration ne respecte pas l’objet et l’esprit de ces dispositions. Les intimées ont fait valoir, essentiellement, que leur participation de vingt- quatre heures dans des sociétés en commandite qui n’étaient plus engagées dans l’aménagement ou l’exploration de quelque ressource que ce soit, dans le seul but d’utiliser les FEC engagés par ces sociétés à leur avantage fiscal, était conforme à l’objectif du législateur visant à accroître les activités d’exploration et d’aménagement au Canada. Le recours à des sociétés en commandite afin de profiter des avantages fiscaux est peut-être une pratique répandue qui ne cause pas, par et en elle-même, de problème[69].

[traduction] Dans ses efforts pour mettre en œuvre des politiques économiques particulières en ayant recours au régime fiscal, le gouvernement fédéral a à l’occasion offert des encouragements fiscaux particuliers … dont l’objet est de favoriser, par exemple, l’exploration pétrolière et gazière, le tournage de films canadiens, la construction d’immeubles résidentiels à logements multiples (IRLM) et des activités de recherche et de développement dans les domaines scientifiques et technologiques. L’encouragement fondamental de ces plans consiste à autoriser un amortissement rapide, à des fins fiscales, du coût de certains éléments qui auraient dû autrement être capitalisés et compensés à même le revenu sur une période beaucoup plus longue, et à autoriser que toutes les pertes fiscales qui en résultent compensent le revenu du contribuable tiré d’autres sources. Bien qu’une société puisse utiliser ultérieurement de telles déductions si elle n’a pas le revenu suffisant pour profiter totalement de ces amortissements spéciaux, habituellement une société en commandite les utilisera directement en les attribuant à ses associés. Ce traitement évite les pertes à cause de la valeur temporelle de l’argent, et fait en sorte que les pertes sont véritablement utilisées au lieu de courir le risque qu’elles ne puissent l’être à cause des restrictions imposées à leur période d’utilisation.

Le problème concernant la participation des intimées aux sociétés en commandite dans le but de se prévaloir de cet avantage fiscal, c’est, à mon avis, que les intimées n’ont participé d’aucune façon à l’entreprise que les dispositions relatives aux frais d’exploration avaient pour but de promouvoir. L’industrie pétrolière et gazière et ses consommateurs n’ont tiré aucun avantage du soi-disant « investissement » des intimées dans les sociétés en commandite. Les intimées s’appuient sur une déclaration du ministère des Finances, remontant à 1994, qui énonce les objectifs tripartites de ce type de convention d’émission d’actions accréditives. Ce sont les suivants[70] :

a) favoriser la réalisation d’autres activités d’exploration et d’aménagement au Canada;

b) favoriser les investissements de capitaux dans les sociétés minières et pétrolières;

c) aider les petites sociétés d’exploration (habituellement non imposables) dont l’accès limité à d’autres sources de financement est peut-être limité.

Je ne vois pas comment ces objectifs ont pu être atteints du fait de l’investissement éphémère des intimées à un moment où il n’y avait plus d’activités d’exploration ou minières effectuées ou envisagées.

La nature de la participation des intimées aux sociétés en commandite est encore plus éloignée du but si l’on tient compte du fait que les conventions de société en commandite renfermaient une condition visant à suspendre la délivrance des avis d’admissibilité aux subventions gouvernementales demandées par les société en commandite jusqu’après la fin de l’exercice financier 1987. La disposition relative aux frais cumulatifs d’exploration au Canada avait manifestement pour but de permettre aux contribuables de déduire uniquement ce qu’ils avaient réellement engagé dans un projet d’exploration, et non le coût total d’un projet qui en fait a été financé à 80 % par le gouvernement. Le sous-alinéa 66.1(6)b)(ix) l’indique clairement :

66.1(6)b) …

(ix) un montant à titre d’aide qu’il a reçu ou est en droit de recevoir concernant des frais d’exploration au Canada engagés après 1980, ou qui peut raisonnablement se rapporter à des activités d’exploration au Canada postérieures à 1980, dans la mesure où ce montant n’a pas réduit les frais d’exploration au Canada du contribuable à cause de l’alinéa (9)g).

En l’espèce toutefois, parce que l’aide gouvernementale n’a pas été soustraite du total des frais cumulatifs d’exploration au Canada, les intimées ont réclamé une déduction de 100 % des frais d’exploration associés au puits Narwhal F-99, malgré que le gouvernement ait finalement remboursé aux sociétés 80 % de leurs frais. L’appelant a fait valoir qu’il en a en fait coûté au gouvernement plus de 100 % du coût réel de l’exploration. Un résultat aussi absurde ne peut avoir été voulu par le législateur quand il a adopté ces dispositions.

En outre, que le report des subventions gouvernementales ait ou non été conforme à la pratique normale de l’industrie pour attirer les investisseurs pendant les premières phases d’un projet en préservant le fond de roulement, comme le font valoir les intimées, la fin pour laquelle les intimées ont profité de cette pratique n’a rien à voir avec la raison qui peut avoir amené l’Administration des PESP à l’accepter. J’ajouterais également que le simple fait que d’autres contribuables essaient de tirer le même avantage fiscal en manipulant cette disposition d’encouragement ne légitimise pas la pratique et n’influence en aucune façon l’interprétation de l’objet et de l’esprit de la disposition.

Essentiellement, les intimées cherchent à utiliser la loi d’une façon qui permette de déduire les FEC du revenu imposable de leurs sociétés tout en s’assurant que les remboursements effectués par le gouvernement au titre de ces frais soient crédités à un autre société (NRI) qui a accumulé suffisamment de pertes pour exonérer ce revenu de l’impôt. Le juge de la Cour de l’impôt décrit le plan dans les mots suivants : [à la page 2335] :

Dans le domaine pétrolier et gazier, un contribuable, autre qu’une corporation dont l’entreprise principale est liée au pétrole et au gaz, peut déduire, dans le calcul de son revenu, un montant ne dépassant pas ses « frais cumulatifs d’exploration au Canada ». Il s’agit d’un ensemble cumulatif et continu de dépenses auxquelles sont ajoutés des frais d’exploration déterminés, comme les coûts d’exploration sismique et de forage, et desquelles sont déduits certains montants reçus ou à recevoir. Toute subvention reçue en vertu de la Loi sur le PESP figurait au nombre des montants devant être déduits pour l’année d’imposition dont il s’agit en l’espèce. Bref, le contribuable ajoutait tous les frais d’exploration à ses frais cumulatifs d’exploration et en déduisait les montants prévus par la loi. Si le montant des frais cumulatifs d’exploration à la fin de l’année était positif, le contribuable pouvait le déduire. Si ce montant était négatif, il était tenu de l’inclure dans son revenu.

En l’espèce toutefois, le plan en question ne parle pas d’un « ensemble » : les frais ont été attribués uniquement à un contribuable qui avait besoin de pertes fiscales et les remboursements des PESP ont été attribués uniquement à un autre contribuable qui avait suffisamment de pertes pour exonérer ce revenu de l’impôt. Le juge de la Cour de l’impôt a correctement décrit l’intention du législateur, mais il n’a pas démontré comment ce plan pouvait respecter cette intention.

Pour ces raisons, l’espèce peut être distingués des arrêts R. c. Alberta and Southern Gas Co. Ltd. et Edmonton Liquid Gas Ltd. c La Reine[71], deux affaires jugées par la présente Cour dans lesquelles il a été statué que les plans des contribuables qui leur accordaient un avantage fiscal respectaient également l’esprit et la lettre des politiques économiques adoptées par le législateur au moyen de la Loi. Dans l’arrêt Alberta and Southern Gas, le juge en chef Jackett a statué, au nom de la Cour, qu’une contribuable était autorisée à ne pas inclure 4 000 000 $ dans son revenu imposable conformément à un accord « sur mesure » portant sur des investissements dans des « avoirs miniers canadiens » aux termes de la Loi. Conformément à cet accord, la contribuable a investi 4 000 000 $ pour la cession d’une « participation active » dans des terrains pétrolifères à l’égard desquels elle avait déjà le droit d’acheter du gaz naturel aux termes d’un contrat antérieur. La contribuable devait conserver sa participation dans les terres jusqu’à ce qu’elle reçoive 4 000 000 $ majorés des intérêts ou des produits pétroliers de même valeur. La contribuable a touché les 4 000 000 $ majorés des intérêts un an plus tard. Malgré que l’accord « sur mesure » comportait un avantage fiscal évident, le juge en chef a conclu que le plan fiscal respectait néanmoins l’esprit et la lettre des dispositions relatives aux avoirs miniers. Il déclare ceci[72] :

Les dispositions concernant la déduction et l’imposition des montants de capital me semblent destinées à encourager les contribuables à investir à long terme dans de tels avoirs miniers. Ceci étant ce que les dispositions semblent vouloir encourager, on ne peut dire, je crois, qu’une affaire qui rencontre l’objet et l’économie de l’article 66, réduit indûment ou de façon factice le revenu simplement parce que le contribuable a été alléché par les avantages fiscaux lorsqu’il s’est lancé dans cette affaire.

L’arrêt Alberta and Southern Gas est semblable au cas en l’espèce dans ce sens que le plan de la contribuable avait pour but d’éviter de payer l’impôt. Toutefois, il peut s’en distinguer parce que, contrairement au plan dont il était question dans Alberta and Southern Gas, aucun des éléments du plan d’évitement fiscal des intimées n’était conforme à l’objectif visant à promouvoir l’exploration des ressources au Canada.

De même, dans Edmonton Liquid Gas, le juge MacGuigan, J.C.A., a refusé d’appliquer le paragraphe 245(1) de la Loi à une déduction prise par un contribuable qui avait versé de l’argent en 1974 à un foreur, pour des opérations de forage qui, dans le cas d’un puits en particulier, n’ont commencé que l’année suivante. Le juge MacGuigan a conclu que le contribuable devait avoir le droit de déduire le plein montant versé au foreur dans l’année au cours de laquelle l’argent avait été dépensé parce que la preuve faisait ressortir que le contribuable avait véritablement l’intention de faire de l’exploration. Il conclut en ces termes[73] :

Rien dans cette initiative de la société n’était machiné ou factice. Elle ne faisait que répondre de bonne foi à ce qui était en fait une nouvelle politique gouvernementale ou, à tout le moins, une politique gouvernementale reconduite contre toute attente; elle était en tout point conforme à l’objet et à des dispositions permettant la déduction.

En l’espèce, les intimées n’avaient pas la même intention de bonne foi d’investir dans l’exploration des ressources. Par conséquent, à mon avis, les intimées ne sont pas placées dans une situation qui respecte l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi relatives à la déduction des frais d’exploration.

Deuxièmement, les opérations en vertu desquelles les intimées ont réclamé la déduction au titre des frais cumulatifs d’exploration au Canada sont, à mon avis, bien loin des habitudes normales du commerce. Manifestement, au moment où les participations ont été achetées dans les sociétés en commandite, aucune possibilité de profit ne pouvait exister. Les activités d’exploration qui étaient la raison d’être des sociétés en commandite avaient depuis longtemps été abandonnées. Malgré cela, les intimées ont payé 1 800 000 $ et 1 080 000 $ chacune pour des participations qui, en moins de vingt-quatre heures, ont été vendues en vertu d’un contrat d’option de vente pour des montants de 137 $ et 228 $, respectivement. En outre, comme le fait valoir l’appelant, il est contraire aux habitudes normales du commerce de s’assurer, par l’entremise d’un contrat de vente, que les sociétés en commandite n’auront droit à une aide gouvernementale qu’après la date à laquelle il était prévu que les intimées exerceraient leurs droits en vertu du contrat d’option de vente et se retireraient des sociétés en commandite.

Dans l’arrêt Irving Oil, le juge Mahoney, J.C.A., a statué que, bien qu’une entente ait été conçue sur pied uniquement afin de profiter d’un avantage fiscal, elle était néanmoins conforme aux habitudes normales du commerce et ne tombait pas sous le coup du paragraphe 245(1). Dans cette affaire, la contribuable avait mis en œuvre un plan en vertu duquel sa filiale en toute propriété achèterait du pétrole brut à un prix inférieur et le revendrait à la contribuable à la juste valeur marchande. Le ministre a refusé la déduction de la contribuable pour le coût d’achat du pétrole parce que celui-ci dépassait le coût payé par la filiale. Le juge Mahoney a rejeté [à la page 360] la cotisation au moyen du raisonnement suivant : « Comme l’intimée a payé à l’Irvcal la juste valeur marchande, on ne pourrait dire que ce paiement a entraîné une réduction excessive du revenu ». D’après les faits de la cause en appel, toutefois, les opérations qui sont à l’origine de la tentative des intimées de déduire les FEC n’ont aucune des caractéristiques qui permettraient de les considérer comme une habitude normale du commerce. Il s’agissait manifestement d’un plan d’évitement de l’impôt, et non d’une opération commerciale.

Troisièmement, et finalement, l’appelant fait valoir, ce qu’ont virtuellement reconnu les intimées, qu’aucun objet commercial n’était rattaché à la participation des intimées dans les sociétés en commandite. Cette absence d’objet commercial confirme à son tour également la conclusion qui est déjà bien établie par d’autres indices : les déductions des frais cumulatifs d’exploration au Canada en 1987 réclamés par les intimées ont réduit indûment et de façon factice leurs revenus et, par conséquent, elles ne peuvent être admises.

Ces trois facteurs pris ensemble mènent inexorablement à la conclusion que ce que les intimées ont essayé de faire en l’espèce est un stratagème illégal d’évitement de l’impôt. Il est difficile d’imaginer une situation qui tombe plus manifestement sous le coup du paragraphe 245(1). Tout autre résultat ferait fi de l’intention du législateur d’imposer une limite raisonnable au principe selon lequel un contribuable a le droit « de diriger ses affaires de façon que son assujettissement aux impôts … soit moindre qu’il ne le serait autrement ». Je dois donc conclure que, même si les intimées avaient pu être considérées comme des membres valides des sociétés en commandite qui ont engagé les frais d’exploration et, partant, avaient pu être visées par le texte des sous-alinéas 66.1(6)a)(iv) ou (v), le paragraphe 245(1) doit être appliqué pour refuser les déductions demandées. Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens et d’infirmer la décision du juge de la Cour de l’impôt.

Le juge Strayer, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge McDonald, J.C.A. (dissident) : J’ai eu l’avantage de lire les motifs de mon collègue le juge Linden, J.C.A. et, en toute déférence, je ne peux y souscrire. Je suis d’avis que cette opération ne tombe pas sous le coup du paragraphe 245(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu et que la décision du juge de la Cour de l’impôt devrait être maintenue.

Comme les faits ont été exposés en détail dans la décision du juge Linden, je ne les reprendrai pas. Il est clair que cette série d’opérations était un plan d’évitement fiscal. En fait, Northcor a vendu à perte afin d’obtenir du capital. Les contribuables désignées dans cette affaire ont acheté des participations dans les sociétés en commandite afin de profiter des pertes qu’avaient subies les sociétés par l’entremise de leur mandataire. Je crois comprendre qu’aucun de ces faits n’est contesté par les parties. La question en litige est de savoir si ce type d’opération, malgré qu’il soit autorisé par les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, tombe sous le coup du paragraphe 245(1). Comme je l’expliquerai ci-dessous, je suis d’avis que le paragraphe 245(1) ne s’applique pas de manière à priver les contribuables des déductions qu’elles ont réclamées.

Comme je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises, l’évitement fiscal n’est pas un crime. Chaque contribuable a le droit de diriger ses affaires de façon à minimiser l’impôt qu’il doit payer. J’irai même plus loin en affirmant que l’évitement de l’impôt, dans les paramètres de la Loi de l’impôt sur le revenu, est nécessaire au fonctionnement efficace du régime fiscal. Le rôle du contribuable est de minimiser son obligation fiscale, alors que le rôle du percepteur est de maximiser l’impôt payable. D’après mon interprétation, le rôle des tribunaux est de veiller à ce que les contribuables et les percepteurs respectent les règles.

En l’espèce, la question est de savoir si le paragraphe 245(1) peut être appliqué pour refuser des déductions, alors que ces déductions sont expressément autorisées par la Loi et ne sont pas incompatibles avec l’objet et l’esprit des dispositions pertinentes. Mon collègue le juge Linden en est venu à la conclusion que même si ces déductions peuvent être autorisées par les dispositions de la Loi, elles doivent être refusées parce qu’elles sont « factices ou indues » aux termes du paragraphe 245(1). Pour parvenir à cette conclusion, le juge Linden signale qu’il n’y avait pas d’objet commercial et conclut également que les opérations sont incompatibles avec l’objet et l’esprit des dispositions. Comme on le verra ci-dessous, j’en arrive à la conclusion opposée.

1.         Le paragraphe 245(1)

Pour plus de commodité, je reproduis le texte de ce qui était à l’époque le paragraphe 245(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu :

245. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l’égard d’un débours fait ou d’une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.

La première étape de l’analyse consiste à évaluer si la déduction a réduit indûment ou de façon factice le revenu. La décision de la présente Cour dans Canada c. Irving Oil Ltd., [1991] 1 C.T.C. 350 (C.A.F.), fait ressortir que le point de comparaison approprié est le résultat de l’opération et non l’opération elle-même, c’est-à-dire que le caractère factice potentiel de l’opération ne résout pas la question.

Il faut se souvenir que les contribuables en l’espèce ont été membres, ne serait-ce que brièvement, d’une société en commandite qui avait légitimement engagé des frais d’exploration au Canada (FEC) par l’entremise de sa mandataire. Le sous-alinéa 66.1(6)a)(ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu dispose que les FEC doivent être déduits par la personne qui les a engagés. En l’espèce, il ne fait aucun doute que la société en commandite a engagé les FEC par l’entremise de sa mandataire relativement à des opérations de forage au large de la côte est du Canada.

Laissant de côté la question de savoir si une société peut à bon droit être considérée comme une contribuable[74], nous pouvons présumer que dans le cours ordinaire des affaires, le régime des FEC permettrait à l’entité qui les a engagés de les déduire à titre de dépenses. En l’espèce, l’entité qui a engagé les frais était une société en commandite. En vertu des dispositions de la Loi, cependant, le revenu (comme les pertes) d’une société ne peut être réclamé par la société en commandite, mais il doit être attribué aux associés individuels : paragraphe 96(1) [mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 43]. En vertu du régime des FEC, seuls les associés d’une société en commandite toujours présents à la fin de l’exercice financier peuvent déduire les FEC : paragraphe 66.1(7) [édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 36; 1977-78, ch. 1, art. 30; 1980-81-82-83, ch. 45, art. 34].

En l’espèce, les contribuables étaient des associées des sociétés en commandite à la fin de l’exercice financier. L’application des dispositions de la Loi a précisément entraîné l’attribution des FEC aux contribuables à titre d’associées des sociétés en commandite à la fin de l’exercice financier de ces dernières. À l’exception du fait qu’elles se sont jointes aux sociétés en commandite immédiatement avant la fin de l’exercice, les contribuables n’ont rien fait pour créer cette situation, étant donné que l’attribution résulte de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cette situation est semblable à celle dont était saisie la Cour dans l’affaire Canada c. Mara Properties Ltd., [1995] 2 C.F. 433 (C.A.), dans laquelle j’ai exprimé que les déductions ne pouvaient être considérées comme factices ou indues parce qu’elles découlaient expressément de l’application précise de la Loi. Sur ce point, mon collègue le juge Marceau, J.C.A. et moi-même étions d’accord.

La Cour a récemment eu la possibilité de revoir la question de savoir si les opérations peuvent être considérées comme factices ou indues lorsqu’elles découlent d’une application expresse de la Loi dans l’affaire La Reine c. Nova Corporation of Alberta (1997), 97 DTC 5229 (C.A.F.). Dans cette affaire, la Cour devait examiner l’application du paragraphe 55(1) qui refuse des pertes qui ont « indûment ou de façon factice » réduit le revenu. La Cour a conclu à la majorité que lorsque les pertes d’un contribuable découlent de l’application expresse de la Loi, elles ne peuvent être considérées comme factices ou indues.

Comme l’a signalé mon collègue le juge Linden J.C.A., la décision majoritaire dans Canada c. Fording Coal Ltd., [1996] 1 C.F. 518 (C.A.), adopte une position différente. Dans cet arrêt, mon collègue le juge Strayer, J.C.A., s’exprimant au nom de la majorité, s’est dit d’avis que même si les opérations respectaient les conditions formelles de la Loi, les déductions créées étaient « factices ou indues ». En dissidence, j’ai de nouveau exprimé l’avis que le paragraphe 245(1) ne peut être invoqué pour refuser des déductions lorsque celles-ci découlent d’une application expresse de la Loi. Je ne suis pas convaincu que mon raisonnement était erroné.

Je suis de plus convaincu par l’argument de l’avocat de l’intimée qui a cherché à faire une distinction avec la décision majoritaire dans Fording Coal. L’avocat prétend que, dans Fording Coal, il n’y avait pas de pertes véritables, c’est-à-dire que, dans Fording Coal, les pertes étaient le résultat de l’opération et n’étaient pas des pertes tangibles et réelles. Dans la présente affaire, au contraire, les pertes subies par la société en commandite étaient réelles et ont résulté de véritables activités d’exploration et d’aménagement. Ces pertes ne proviennent pas d’une manipulation quelconque de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il n’est pas contesté qu’il y a eu de véritables activités d’exploration en l’espèce, et que des pertes réelles ont été subies par la société en commandite. Je suis convaincu qu’il s’agit là d’une distinction suffisante d’avec les faits de Fording Coal pour conclure que la décision majoritaire dans cette affaire-là ne s’applique pas directement au cas en l’espèce.

Les faits de l’espèce m’amènent inexorablement à appliquer le raisonnement de la Cour dans Mara Properties et plus récemment dans Nova Corporation : lorsqu’une déduction découle de l’application expresse de la Loi, on ne peut dire qu’elle est factice ou indue. Ces contribuables étaient des associées d’une société en commandite qui a engagé des FEC. En vertu de la Loi, les FEC ont ensuite été attribués aux contribuables en leur qualité d’associés. Je ne vois pas comment ce résultat peut être qualifié d’indu ou de factice.

Mon collègue le juge Linden prétend qu’accepter ce raisonnement aurait pour effet de « vider de son sens » le paragraphe 245(1). En toute déférence, je suis d’avis que si le législateur avait eu l’intention que le paragraphe 245(1) ait préséance sur les déductions qui sont autorisées par l’application expresse de la Loi de l’impôt sur le revenu, alors il se serait exprimé clairement à cette fin. En l’absence d’un tel libellé, je ne peux présumer que le législateur prétend refuser dans une disposition ce qu’il a précisément autorisé dans d’autres.

Je conviens que les contribuables n’ont pas directement participé à l’exploration minière. Les dispositions de la Loi n’exigent pas une participation directe. En fait, le régime des actions accréditives dans la Loi de l’impôt sur le revenu a été créé pour autoriser des investissements par des parties qui n’auraient peut-être pas autrement participé à ce secteur d’activités[75].

En l’espèce, les contribuables ont acheté des participations dans les sociétés en commandite avant la fin de l’exercice financier. Les fonds versés pour se joindre aux sociétés en commandite sont allés à Northcor, une société activement engagée dans l’exploration minière. À mon avis, le système a fonctionné comme prévu. Bien qu’il puisse sembler détestable que ces contribuables soient en mesure de récupérer le bénéfice de dépenses qu’elles n’ont pas directement engagées, leur position fiscale avantageuse découle des dispositions mêmes de la Loi.

Ayant conclu que les déductions des contribuables sont autorisées par le texte clair et l’application de la Loi, il n’est guère nécessaire d’aller plus loin pour évaluer si le résultat de l’opération respecte l’objet et l’esprit lettre de la loi. À mon avis, le paragraphe 245(1) ne peut être invoqué pour refuser les déductions lorsque les déductions découlent de l’application expresse de la Loi. Toutefois, si je fais erreur sur ce point, je suis d’avis que l’objet et l’esprit de la loi sont conformes à ce résultat.

2.         L’objet et l’esprit de la Loi

Il y a plusieurs facteurs dont un tribunal peut tenir compte pour évaluer l’objet et l’esprit d’une loi. La Cour peut examiner les habitudes normales du commerce, elle peut évaluer si l’opération avait un objet commercial légitime, et elle peut également rechercher l’intention du législateur. Ce sont, entre autres, des facteurs qui sont importants à examiner quand on cherche à dégager l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Le programme d’encouragement du secteur pétrolier et le régime des FEC avaient pour but d’encourager les opérations minières et d’exploration. À l’époque, le gouvernement était d’avis que les encouragements fiscaux, souvent jumelés à des subventions directes aux sociétés d’exploration, étaient la façon la plus efficace d’encourager l’exploration des ressources énergétiques naturelles du Canada. La stratégie énergétique du Canada a servi de toile de fond à toutes les opérations visées en l’espèce. Les fluctuations marquées des prix du pétrole dans les années 1970 et 1980 ont donné une impulsion à la recherche de l’autonomie du Canada dans sa production énergétique. En éliminant la nécessité de recourir à des sources d’énergie étrangères, croyait-on, le Canada pouvait assurer son avenir et son autonomie[76]. On croyait que les encouragements fiscaux comme le régime d’émission d’actions accréditives seraient des outils efficaces pour attirer les investisseurs dans le secteur de l’exploration, où les risques étaient très élevés. En fait, le programme des actions accréditives a eu l’effet prévu. Dans un communiqué en date du 10 novembre 1994, le ministère des Finances notait que les actions accréditives profitaient « principalement aux petites sociétés d’exploration » et elles leur ont permis d’obtenir un financement important aux fins de l’exploration.

a)         Les habitudes normales du commerce

Après avoir entendu la preuve dont il était saisi, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que le montage d’opérations semblables à celles qui sont visées en l’espèce est une habitude normale du commerce. Bien que le recours à des sociétés en commandite n’ait pas été très répandu, il n’était pas rare non plus, et il s’était révélé un mécanisme efficace pour encourager les investissements dans de petites compagnies d’exploration minière. Dans les mots mêmes du juge de la Cour de l’impôt [à la page 2356] :

En ce qui concerne les industries d’exploitation de ressources, l’objet de la Loi est manifestement de fournir des déductions visant à encourager les activités d’exploration et d’aménagement. Les mécanismes créés par l’industrie pétrolière et gazière pour tirer avantage de ces déductions sont le fruit de mesures législatives permettant expressément ces mécanismes. Voilà ce qui a donné lieu aux arrangements dont il s’agit en l’espèce. L’avocat de l’intimée mentionne les « mesures inhabituelles » qui ont été prises. Elles sont inhabituelles en ce sens que d’autres industries ne peuvent y recourir, mais elles ne sont pas inhabituelles dans l’industrie de l’exploitation de ressources.

Ayant examiné les pièces présentées à l’instruction et la documentation sur les complexités de la planification fiscale relative au régime des FEC, j’en arrive à la même conclusion que le juge de la Cour de l’impôt : ces types d’arrangements de financement étaient une habitude normale de l’industrie à cette époque.

b)         L’objet commercial

Je dirai dès le début que j’hésite à mettre trop d’accent sur l’application du critère de l’objet commercial. Comme le note mon collègue le juge Linden, le critère de l’objet commercial a été fermement rejeté comme principe général d’interprétation par la Cour suprême du Canada dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536. Il n’en reste pas moins qu’on peut certainement examiner, parmi les facteurs à prendre en considération, si les opérations faites par le contribuable avaient un objet commercial légitime.

Pour les contribuables en l’espèce, l’objet manifeste des opérations était d’acheter les pertes au titre des FEC pour les déduire du revenu. Les contribuables n’avaient aucune intention de participer activement au marché de l’exploration pétrolière et gazière. Cela ne fait pas échec à la thèse des contribuables. Comme l’a statué le juge en chef Jackett dans R. c. Alberta and Southern Gas Co. Ltd., [1978] 1 C.F. 454 (C.A.), aux pages 462 et 463, confirmé à [1979] 1 R.C.S. 36, et cité avec approbation par la majorité de la Cour suprême du Canada dans Stubart (précité),

… on ne peut dire … qu’une affaire qui rencontre l’objet et l’économie [d’un article donné de la Loi] réduit indûment ou de façon factice le revenu simplement parce que le contribuable a été alléché par les avantages fiscaux lorsqu’il s’est lancé dans cette affaire.

Ce qui est le plus important en l’espèce, c’est que les contribuables ont réclamé la déduction en leur qualité d’associées. L’entité dans laquelle elles étaient associés avait légitimement engagé les FEC et faisait activement de l’exploration pétrolière et gazière. Les fonds que ces contribuables ont dépensé pour acquérir une participation dans les sociétés en commandite ont été versés à Northcor. Le but poursuivi par Northcor dans la vente des sociétés en commandite était, on peut le croire, de réunir le capital nécessaire au financement d’autres activités d’exploration. Pour le commandité d’une société en commandite, l’opération avait un objet commercial valide. La société en commandite avait donc un objet commercial légitime, et les contribuables ont pu faire leurs déductions grâce à leur participation à cette société en commandite. En outre, l’investissement des contribuables dans les sociétés en commandite a eu pour effet de fournir le capital dont Northcor avait besoin. L’objet commercial de cette opération était clair : la compagnie minière voulait lever des fonds, et les contribuables les lui ont donnés.

c)         L’intention du législateur

Il est toujours très difficile de remonter le temps afin de vérifier ce qu’était l’intention du législateur à une certaine époque donnée. En rétrospective, il est tentant d’imposer ses propres vues à ce que l’intention du législateur aurait dû être, plutôt que ce qu’elle était réellement. En l’espèce, il est difficile d’accepter que le gouvernement fédéral autorisait les contribuables à faire d’énormes déductions au titre de l’exploration pétrolière et gazière, alors que ces contribuables ne participaient pas activement à l’industrie. Mais, à mon avis, c’est là une conséquence naturelle du régime des actions accréditives.

Les petites compagnies d’exploration minière ont engagé d’énormes frais dans leurs activités d’exploration pétrolière et gazière. Sans revenus importants, ces frais ne pouvaient être utilisés de façon productive. Devant des pertes certaines et considérables, il est peu probable que beaucoup de petites sociétés d’exploration auraient pu continuer d’explorer la côte est du Canada. Se rendant compte de cette situation, le législateur a créé le régime des actions accréditives qui permettait à ces petites compagnies minières de transférer leurs frais à des contribuables qui étaient en mesure de les utiliser. En échange, les petites compagnies minières obtenaient le capital dont elles avaient un besoin urgent.

Le législateur s’est par la suite rendu compte que ce régime avait fait son temps, et les dispositions ont été modifiées pour resserrer le système. Toutefois, avant cette prise de conscience, le régime avait pour but d’inciter les investissements dans une entreprise risquée, pour les fins de la politique énergétique nationale. Si l’on ajoute à cette situation une certaine volonté politique d’encourager l’exploration au large de la côte est du Canada et, potentiellement, de ranimer une économie chancelante, il ne semble plus impossible que le législateur ait pu autoriser les déductions par des contribuables qui n’avaient joué aucun rôle réel dans l’industrie. Il faut se rappeler qu’il s’agissait d’un programme d’encouragement.

Il a été amplement établi devant le juge de la Cour de l’impôt et devant la présente Cour que le gouvernement était au courant que la Loi autorisait ce type d’arrangements et, en fait, que ces arrangements étaient un moyen reconnu pour que les petites sociétés d’exploration minière puissent obtenir du capital. Replacées dans leur contexte, les déductions sont conformes à la stratégie énergétique du Canada de l’époque.

Par ces motifs, je suis d’avis de rejeter l’appel. Les déductions des contribuables ne sont ni factices ni indues, étant donné qu’elles découlent de l’application expresse de la Loi et elles ne sont pas incompatibles avec l’objet et l’esprit de l’article 66.1.



[1] S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, ch. 63), art. 66.1(3) (édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 36; 1986, ch. 2, art. 17), (6)b) (édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 36; 1976-77, ch. 4, art. 24; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 34; 1986, ch. 2, art. 17; ch. 55, art. 12; 1987, ch. 46, art. 19).

[2] L’art. 245 a été remplacé, le 13 septembre 1988, par une règle générale anti-évitement plus exhaustive, L.C. 1988, ch. 55, art. 185.

[3] Des dispositions législatives anti-évitement très générales existent en Israël, aux Pays-Bas, en Suède, en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Hong Kong; Brian J. Arnold et James R. Wilson, « The General Anti-Avoidance Rule—Part 1 » (1988), 36 Rev. fiscale can. 829, aux p. 872 à 887.

[4] [1936] A.C. 1 (H.L.).

[5] Ibid., à la p. 19. Toutefois, lord Atkin a rédigé des motifs dissidents très convaincants qui mettent l’accent sur le « fond » de l’opération, savoir le paiement d’une rémunération par le duc de Westminster à ses domestiques, plutôt qu’un engagement prévoyant le paiement d’une somme forfaitaire qui pouvait être déduite à titre de rente en vertu des lois fiscales britanniques. Au Royaume-Uni, la doctrine Westminster a été sérieusement atténuée dans l’arrêt Furniss v. Dawson, [1984] A.C. 474, dans lequel la Chambre des lords a refusé de reconnaître les conséquences fiscales d’une « étape » faisant partie d’une opération qui n’avait pas d’« objet commercial » et qui avait été incorporée dans le but unique de réduire l’impôt payable.

[6] [1984] 1 R.C.S. 536. Dans Stubart, le juge Estey a expliqué la règle moderne d’interprétation à la p. 578 en citant le passage suivant de l’ouvrage de E. A. Driedger [dans Construction of Statutes, 2e éd., 1983] : [traduction] « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». Toutefois, lorsque les termes utilisés dans la disposition ne révèlent aucune ambiguïté, cette règle aboutit à une interprétation stricte et littérale du texte de la disposition. Arnold et Wilson font observer à la p. 869 que [traduction] « bien que la méthode stricte et formaliste d’interprétation des lois fiscales ne soit plus acceptable, Stubart n’a pas été utilisé pour justifier les incursions dans la législation judiciaire … Lorsque la disposition fiscale pertinente ne comporte pas d’ambiguïté ni d’incertitude dans son application, les tribunaux hésitent à faire plus que donner leur sens aux mots utilisés ». Précité, renvoi 3.

[7] Arnold et Wilson, précité renvoi 3, à la p. 852. Voir, par exemple, La Reine c Daly (J J), [1981] CTC 270 (C.A.F.).

[8] D. Y. Timbrell, « Of Shams and Simulacra » (1973), 21 Rev. fiscale can 529, à la p. 530.

[9] Peter W. Hogg et Joanne E. Magee, Principles of Canadian Income Tax Law. (Scarborough, Ont. : Carswell, 1995), à la p. 456.

[10] [1967] 1 All E.R. 518 (C.A.).

[11] Ibid., à la p. 528.

[12] Voir renvoi 6, précité, à la p. 573.

[13] La doctrine du trompe-l’œil a été utilisée dans Susan Hosiery Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 408, et dans Dominion Bridge Co Ltd c La Reine, [1975] CTC 263 (C.F. 1re inst.).

[14] Hogg et Magee, précité, renvoi 9, à la p. 455.

[15] Voir Front & Simcoe Ltd. v. Minister of National Revenue, [1960] R.C.É. 350, dans lequel un versement unique effectué par un locataire a été considéré comme une forme de revenu pour le locateur plutôt que du capital étant donné que le versement était en fait un paiement préalable de loyer; voir également Naiberg, I. v. M.N.R., [1969] Tax A.B.C. 492 (C.A.I.), dans lequel la Cour a statué qu’un contribuable, qui avait transféré des biens à l’épouse d’une autre personne en contrepartie de la cession d’un bien de cette personne à l’épouse du contribuable, avait essentiellement cédé un bien-fonds à son épouse, et était donc assujetti aux règles d’attribution. Plus récemment, voir Canada c. Continental Bank Leasing Corp., [1996] 3 C.F. 713 (C.A.), dans lequel la Cour a adopté, à la p. 726, l’opinion déjà exprimée par la Cour suprême selon laquelle « pour décider si une opération déterminée fait tomber une personne sous le coup de la Loi de l’impôt sur le revenu, on doit tenir compte du fond plutôt que la forme de cette opération » (Dominion Taxicab Assn. v. Minister of National Revenue, [1954] R.C.S. 82, à la p. 85).

[16] [1987] 1 R.C.S. 32.

[17] Ibid, à la p. 53.

[18] La pertinence d’un « objet commercial » pour déterminer les répercussions fiscales d’une opération particulière a été soulevée pour la première fois au Canada dans une décision de 1968 du président Jackett (tel était alors son titre) : Lagacé v. Minister of National Revenue, [1968] 2 R.C.É. 98.

[19] La notion de l’objet commercial a été reconnue pour la première fois dans Gregory v. Helvering, 293 U.S. 465, une décision de la Cour suprême des États-Unis remontant à 1935. À cette époque, comme c’est encore le cas aujourd’hui, le U.S. Internal Revenue Code ne renfermait aucune disposition relative à l’évitement de l’impôt semblable à l’art. 245(1) ou à ses prédécesseurs. Depuis, le critère de l’objet commercial est devenu un élément permanent de la jurisprudence américaine. Confirmant ce fait, Arnold et Wilson écrivent à la p. 882 que [traduction] « bien que le critère de l’objet commercial et les autres doctrines anti-évitement judiciaires aux États-Unis soient loin d’être parfaits et laissent les contribuables dans une certaine incertitude, ils sont généralement acceptés et reconnus par les fiscalistes américains comme un élément nécessaire du régime fiscal des États-Unis ». Précité, renvoi 3.

[20] Précité, renvoi 5.

[21] Furniss a été précédé de deux autres décisions dans laquelle la Chambre des lords a exposé un raisonnement semblable : Commissioners of Inland Revenue v. Burmah Oil Co., [1981] T.R. 535 (H.L.); et Ramsay (W.T.) Ltd. v. Inland Revenue Comrs., [1981] 2 W.L.R. 449 (H.L.).

[22] [1977] 1 C.F. 249(C.A.).

[23] Ibid., à la p. 256.

[24] Stubart, précité, renvoi 6, à la p. 575.

[25] Précité, renvoi 3, à la p. 842.

[26] Cette disposition a également été modifiée en 1986 afin de tenir compte de la nouvelle exemption à vie pour gains en capital. Voir Arnold et Wilson, ibid., à la p. 848.

[27] Ibid.

[28] En raison de son caractère partiel, par exemple, il a été statué que l’art. 245(1) était inapplicable dans les cas où la déduction réclamée par le contribuable ne répondait pas à la définition de « débours ou dépense ». Voir R c Esskay Farms Ltd, [1976] CTC 24 (C.F. 1re inst.); McKee (G) c La Reine, [1977] CTC 491 (C.F. 1re inst.).

[29] Stubart, précité, renvoi 6, à la p. 573.

[30] Ibid., à la p. 574.

[31] Weston’s Settlements, In re, [1969] 1 Ch. 223 (C.A.), à la p. 245.

[32] Au vu de l’influence envahissante de l’arrêt Westminster sur l’attitude canadienne à l’égard de l’évitement fiscal jusqu’ici, les propos de lord Roskill dans l’affaire Furniss sont instructifs, du moins si l’on tente de redonner vie à une disposition anti-évitement d’origine législative. Il déclare ceci à la p. 515 : [traduction] « le spectre du Duke of Westminster et de son opération … a hanté l’administration de cette branche du droit pendant trop longtemps ». Précité, renvoi 5.

[33] Précité, renvoi 21, à la p. 536, par lord Diplock.

[34] Voir, par exemple, Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, dans lequel le juge Iacobucci a statué comme suit à la p. 328 : « En l’absence d’une preuve que l’opération est un trompe-l’œil ou qu’elle représente un abus des dispositions de la Loi, il n’appartient pas à un tribunal de déterminer si elle rend le contribuable admissible à une déduction. Si les conditions de l’article sont remplies, le contribuable peut l’invoquer et il est loisible au législateur de lui interdire expressément de les invoquer à l’avenir dans de telles situations. »

[35] [1995] 2 C.F. 433 (C.A.). L’interprétation la plus exacte est celle qui est tirée de Meghji et Grenon dans « An Analysis of Recent Avoidance Cases », article non publié. Les auteurs indiquent, à la p. 23, que [traduction] « les observations de la Cour suprême dans Mara ne portent pas sur l’application de l’ancien paragraphe 245(1) ».

[36] Ibid., à la p. 452.

[37] R. c. Mara Properties Ltd. [1996] 2 R.C.S. 161.

[38] [1996] 1 C.F. 518(C.A.).

[39] Ibid., à la p. 527. Le concept de la « conformité aux habitudes normales du commerce » a été soulevé, comme le note le juge Strayer, J.C.A., dans plusieurs causes antérieures. Voir, par exemple, Shulman, Isaac v. Minister of National Revenue, [1961] R.C.É. 410, confirmé sans motif par la C.S.C., [1962] R.C.S. viii; Fell (D) Ltd et al c La Reine, [1981] CTC 363 (C.F. 1re inst.); et Consolidated-Bathurst Ltd. c. Canada, [1987] 2 C.F. 3 (C.A.).

[40] Ibid.

[41] Ibid., à la p. 528. Ces propos font écho au raisonnement du juge en chef Jackett dans R. c. Alberta and Southern Gas Co. Ltd., [1978] 1 C.F. 454 (C.A.), aux p. 459 et 460, confirmé à [1979] 1 R.C.S. 36. Dans cette affaire, bien que le juge en chef Jackett eût refusé d’appliquer l’art. 245(1) parce que la déduction respectait l’objet et l’esprit de la Loi, il a rejeté le raisonnement du juge de première instance selon lequel une disposition générale ne peut être utilisée pour empêcher une déduction s’appuyant sur une disposition précise de la Loi.

[42] Ibid., aux p. 541 et 542.

[43] Ibid., à la p. 544.

[44] Le juge Marceau, J.C.A., a exposé son raisonnement aux p. 437 et 438 dans les termes suivants : « J’accepte également le fait que le paragraphe 245(1) de la Loi, qui concerne les opérations factices, n’a aucun rôle à jouer dans le contexte factuel de la présente affaire … Il s’agissait d’opérations véritables qui ne dissimulaient rien. Même si le paragraphe 88(1) a pour effet de permettre à l’intimée de considérer la différence entre le coût réputé et le produit effectif de la vente comme une perte subie dans le cadre de son entreprise, on ne saurait dire que cette perte est « factice » ou « indue » étant donné qu’elle résulte de l’application spécifique de la Loi » [soulignement ajouté]. Précité, renvoi 35.

[45] [1982] 2 C.F. 113 (C.A.), à la p. 125. Bien que cette définition ait été donnée pour les termes « undue » (indûment) et « artificial » (factice) dans le contexte de l’ancien art. 137(1) de la Loi, elles sont, je crois, tout aussi applicables à l’art. 245(1), dont la formulation est identique.

[46] [1991] 1 C.T.C. 350 (C.A.F.), à la p. 360.

[47] Ibid.

[48] Précité, renvoi 38, à la p. 527.

[49] Stubart, précité, renvoi 6, à la p. 575.

[50] Ibid., à la p. 579.

[51] Les deux autres étaient le principe de l’interprétation stricte et littérale de la disposition fiscale, dont on a parlé ci-dessus, et le principe selon lequel une opération ne doit pas nécessairement avoir un objet commercial pour avoir un effet.

[52] Précité, renvoi 38, à la p. 528.

[53] Stubart, précité, renvoi 6, à la p. 573.

[54] Ibid., aux p. 557 et 558, 560 et 563.

[55] Précité, renvoi 3, à la p. 887.

[56] Kenneth Gideon et Ruth Kent, « Mrs. Gregory’s Northern Tour : Canadian Proposals To Adopt the Business Purpose Rule and the Step Transaction Doctrine » dans Report of Proceedings of the Thirty-Ninth Tax Conference, 1987 Conference Report, Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1988, à la p. 7 :14.

[57] [1942] 1 K.B. 389 (C.A.), à la p. 397.

[58] Les frais d’exploration admissibles sont définis à l’art. 11 du Règlement sur le PESP [Règlement sur le programme d’encouragement du secteur pétrolier, DORS/82-666 (mod. par DORS/83-639, art. 2; 83-683, art. 4; 84-77, art. 3; 84-296, art. 5; 84-861, art. 2; 85-354, art. 1; 85-636, art. 6; 86-32, art. 3; 86-459, art. 5)] comme des frais qui sont des frais d’exploration au Canada au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[59] Les parties ne s’entendent pas sur la version appropriée de l’art. 66.1(6)a)(iv) devant être utilisée pour les fins du présent appel. Je m’appuie sur la même version que celle qui a été utilisée par le juge de première instance. Au vu de ma conclusion dans cet appel, toutefois, ce désaccord n’a aucun effet sur l’issue de la cause.

[60] Les sociétés en commandite ont été constituées en vertu de la Partnership Act, R.S.A. 1980, ch. P-2, de l’Alberta et ses modifications, par suite de l’émission d’un certificat de société en commandite émis le 31 décembre 1986. Les sociétés en commandite portaient les raisons sociales suivantes : Northcor Exploration Program 1987-4 (Programme d’exploration Northcor 1987-4), Northcor Exploration Program 1987-5 (Programme d’exploration Northcor 1987-5), Northcor Exploration Program 1987-6 (Programme d’exploration Northcor 1987-6) et Northcor Exploration Program 1987-7 (Programme d’exploration Northcor 1987-7). Voir, par exemple, le dossier d’appel, Appendice I, vol. II, à la p. 261.

[61] Par. 4b) de la convention de souscription d’actions, ibid., vol. III, à la p. 455.

[62] Par. 6b) de la convention de souscription d’actions, ibid., à la p. 456.

[63] Par. 2 de la convention de souscription d’actions, ibid., à la p. 454.

[64] Ibid., à la p. 453.

[65] La répartition des profits et pertes est précisée dans le certificat de société en commandite au paragraphe intitulé « Participation aux profits et aux pertes ». Ibid., vol. II, à la p. 263.

[66] Par. 3.1(v). Ibid., vol. III, à la p. 543. Par conséquent, les paiements en vertu de la Loi sur le PESP d’environ 14 000 000 $ n’ont en fait été reçus par les sociétés en commandite qu’après le 15 décembre 1987.

[67] Ibid., à la p. 566.

[68] Ibid., vol. IV, aux p. 584 et 622. Carousel et Central ont également signé des accords de novation concernant le contrat d’option de vente entre 747942, Encee et NRI Holdings Ltd. . Ibid., vol. IV, aux p. 660 et 675.

[69] Jacob S. Ziegel et al., Cases and Materials on Partnerships and Canadian Business Corporations, 3e éd., vol. I (Scarborough, Ont. : Carswell, 1994), aux p. 85 et 86.

[70] Ministère des Finances—Publication, 94-106, 10 novembre 1994.

[71] [1984] 1 CTC 536 (C.A.F.).

[72] Alberta and Southern Gas, précité, renvoi 41, aux p. 462-463.

[73] Edmonton Liquid Gas, précité, renvoi 71, à la p. 547.

[74] Je note que les plaidoiries verbales se sont longuement étendues sur la question de savoir si une société en commandite peut à bon droit être qualifiée de contribuable. En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, le contribuable est toute personne, qu’elle soit tenue ou non de payer l’impôt. Généralement, les sociétés en commandite ne seraient pas considérées comme des personnes, mais les éléments dont la Cour est saisie font ressortir que Revenu Canada traite de façon constante les sociétés en commandite comme des contribuables : voir, par exemple, Window on Canadian Tax Commentary 9209540. De toute évidence, les dispositions traitant de l’imposition des sociétés en commandite indiquent que l’impôt d’une telle société doit être calculé comme si la société était une contribuable. Cela suppose que, pour les fins du calcul de l’impôt, on doit présumer qu’une société en commandite est une contribuable.

[75] Voir, par exemple, John A. Brussa, « The New Environment for Investment in the Oil and Gas Industry : Income Tax Aspects of Investment » dans Report of Proceedings of the Thirty-Seventh Tax Conference, 1985 Conference Report. Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1986, à la p. 37 :19 et suivantes; Michael A. Carten, « Flow-Through Share Financing », dans Income Tax Considerations in Corporate Financing, 1986 Corporate Management Tax Conference, Toronto : Association canadienne d’étude fiscale, 1987; James G. McKee, « The Income Tax Implications of Flow-Through Shares », [1988] Canadian Petroleun Tax Journal 107; Évaluation des actions accréditives par le ministère des Finances, 10 novembre 1994.

[76] Le programme énergétique national, 1980; Énergie, Mines et Ressources Canada. Voir, par exemple, aux p. 47 à 50.

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