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[1997] 2 C.F. 17

T-111-96

Claudette F. Guibord (requérante)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le Conseil du Trésor (intimée)

Répertorié : Guibord c. Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge Noël—Ottawa, 18 et 22 novembre 1996.

Droits de la personne Contrôle judiciaire d’une décision de la CRTFP selon laquelle le refus d’autoriser la requérante à reprendre son emploi à temps partiel ne contrevient pas à l’obligation d’accommodementLa requérante est tombée malade après avoir été exposée à des vapeurs de produits chimiques à son lieu de travailSa demande de retour au travail à temps partiel a été refusée à cause des besoins opérationnels et des compressions budgétairesLa requérante a refusé l’offre de recyclage dans un autre poste au même taux de traitement dans un autre endroitL’arbitre a jugé que l’offre d’un autre emploi constituait une mesure d’accommodement raisonnable, et que la plaignante n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son refusLa demande est rejetéeL’employeur a l’obligation de proposer des accommodements à ses employés invalides dans la mesure où cela ne comporte pas de contrainte excessiveL’employé a l’obligation d’accepter un compromis raisonnableLes préoccupations formulées par l’employeur pour ne pas accepter le travail à temps partiel de la requérante figurent parmi les facteurs pertinents pour déterminer ce qu’il faut entendre par contrainte excessiveAucun élément de preuve n’indique que la requérante a communiqué ses préoccupations de nature médicale concernant l’autre lieu de travail proposéLa seule raison donnée était qu’elle n’accepterait rien d’autre que son posteL’arbitre était en droit de décider que la requérante avait manqué à son obligation d’exprimer ses préoccupations concernant l’effet préjudiciable pour sa santé qu’entraînerait l’exposition à son nouveau lieu de travail, ce qui a en fait empêché son employeur de trouver et de lui proposer une mesure d’accommodement acceptable.

Fonction publique Relations du travail GriefLa bibliothécaire a été exposée à des vapeurs provenant d’un détergent à tapis chimique au lieu de travailElle a développé une intolérance au milieuElle a pris un congé de maladie et a subi une bronchoscopieLe médecin a recommandé son retour au travail à temps partielElle s’est présentée au travail, mais son superviseur l’a renvoyée chez elleSa demande a été refusée en raison des besoins opérationnels, et des problèmes causés par les compressions budgétaires et la réduction des effectifsOn lui a offert un poste dans un autre lieu de travail au même traitementLa plaignante a refusé sans fournir de raisons validesL’arbitre n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a statué que l’employeur avait respecté son obligation d’accommodement.

Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans laquelle il a été statué que l’intimée n’avait pas manqué à son obligation d’accommodement envers la requérante en refusant de l’autoriser à reprendre son emploi de catalogueuse des documents de l’État à temps partiel. Après avoir été exposée à des vapeurs résultant de l’application d’un détergent à tapis chimique dans son aire de travail en juillet 1990, la requérante est tombée gravement malade et a dû subir une bronchoscopie. Elle avait apparemment développé une intolérance au milieu. En août 1991, la requérante a demandé à reprendre son travail à temps partiel, et a remis un certificat médical indiquant qu’elle ne pouvait reprendre le travail qu’à mi-temps jusqu’au 1er décembre, date à laquelle son état devrait être réévalué. Son médecin croyait que cela permettrait à son corps de s’adapter progressivement par l’exposition aux toxines dans l’air. Quand la requérante s’est présentée au travail, son superviseur lui a dit de retourner chez elle. Par la suite, son employeur a refusé sa demande de reprendre le travail à temps partiel, en donnant comme motifs les besoins opérationnels et les contraintes budgétaires. La requérante a contesté ce refus par voie de grief. L’employeur lui a offert de se recycler dans un autre poste au même niveau avec le même traitement, dans le même ministère, mais dans un autre lieu de travail. La requérante a refusé en indiquant clairement qu’elle n’accepterait rien d’autre que son poste. Le grief a été rejeté après que l’arbitre eut conclu que l’offre de l’employeur portant sur un autre poste dans un autre emplacement constituait une mesure d’accommodement raisonnable et que la plaignante n’avait avancé aucune explication raisonnable de son refus d’examiner cette offre.

La question est de savoir si l’employeur a manqué à son obligation d’accommodement envers la requérante.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Les employeurs ont l’obligation de fournir des mesures d’accommodement aux employés invalides dans la mesure où cela ne comporte pas de contrainte excessive. Les facteurs à prendre en compte dans l’évaluation des efforts déployés par un employeur pour fournir des adaptations comprennent le coût financier, l’atteinte à la convention collective, le moral du personnel et l’interchangeabilité des effectifs et des installations. L’importance de l’exploitation de l’employeur peut jouer sur l’évaluation de ce qui représente un coût excessif ou sur la facilité avec laquelle les effectifs et les installations peuvent s’adapter aux circonstances. Lorsque la sécurité est en jeu, l’ampleur du risque et l’identité de ceux qui le supportent sont des facteurs pertinents. C’est à l’employeur qu’il incombe de démontrer que des efforts légitimes ont été faits pour accommoder l’employé dans la mesure où cela ne comporte pas une contrainte excessive. C’est à l’employeur qu’il incombe de rechercher des mesures d’accommodement convenables et de les proposer à l’employé. L’employé a une obligation correspondante d’accepter un compromis raisonnable. Mais les obligations de l’employé se limitent à informer l’employeur de la situation qui mérite un examen attentif, à faciliter la mise en œuvre du compromis, et finalement à accepter ce qui est vu comme une mesure d’accommodement raisonnable.

Les préoccupations formulées par l’employeur pour ne pas accepter la proposition de la requérante de travailler à temps partiel se retrouvent parmi les facteurs pertinents pour déterminer ce qu’il faut entendre par contrainte excessive. Aucun élément de preuve n’indique que la requérante a communiqué à l’employeur ses préoccupations de nature médicale pour ce qui concerne le lieu de travail que son employeur lui avait proposé en remplacement. La seule raison donnée était que la requérante n’accepterait rien d’autre que son poste. L’arbitre n’a pas ignoré la preuve en concluant que la requérante n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son refus. Si la requérante avait des raisons de croire que l’exposition à son nouveau milieu de travail ne lui serait non seulement d’aucune utilité, mais qu’en fait cela serait préjudiciable à son état de santé, elle avait l’obligation de le faire savoir à son employeur. L’arbitre était en droit de conclure que la requérante avait manqué à son obligation, empêchant ainsi l’employeur de trouver et de lui proposer une mesure d’accommodement acceptable.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons-Sears Ltd. et autres, [1985] 2 R.C.S. 536; (1985), 52 O.R. (2d) 799; 23 D.L.R. (4th) 321; 17 Admin. L.R. 89; 9 C.C.E.L. 185; 7 C.H.R.R. D/3102; 64 N.R. 161; 12 O.A.C. 241; Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Human Rights Commission), [1990] 2 R.C.S. 489; (1990), 111 A.R. 241; 72 D.L.R. (4th) 417; [1990] 6 W.W.R. 193; 76 Alta. L.R. (2d) 97; 12 C.H.R.R. D/417; 90 CLLC 17,025; 113 N.R. 161; Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970; [1992] 6 W.W.R. 193; (1992), 71 B.C.L.R. (2d) 145; 13 B.C.A.C. 245; 141 N.R. 185.

DOCTRINE

Ginsburg, Marilyn and Catherine Bickley. « Accommodating the Disabled : Emerging Issues under Human Rights Legislation » (1993), 1 Can. Lab. L.J. 72.

Lepofsky, David. « The Duty to Accommodate : A Purposive Approach » (1993), 1 Can. Lab. L.J. 1.

DEMANDE de contrôle judiciaire concernant la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans laquelle il a été statué que l’intimée n’avait pas manqué à son obligation d’accommodement envers la requérante en refusant de l’autoriser à reprendre son emploi à temps partiel et en lui offrant un poste dans un autre lieu au même taux de traitement (Guibord et Conseil du Trésor (Transports Canada), [1995] C.R.T.F.P.C. no 114 (QL)). Demande rejetée.

AVOCATS :

Andrew J. Raven et David Yazbeck, pour la requérante.

Roger R. Lafrenière, pour l’intimée.

PROCUREURS :

Raven, Jewitt & Allen, Ottawa, pour la requérante.

Le sous-procureur général du Canada, pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Noël : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique rendue le 8 décembre 1995 [Guibord et le Conseil du Trésor (Transports Canada), [1995] C.R.T.F.P.C. no 114 (QL)], dans lequel il a été statué que l’intimée n’avait pas manqué à son obligation d’accommodement envers la requérante en refusant de l’autoriser à reprendre son emploi à temps partiel.

I.          LES FAITS[1]

A)        La maladie de la requérante

La requérante travaillait à Transports Canada (le Ministère ou l’employeur), comme catalogueuse des documents de l’État, à la bibliothèque de Place de Ville, Tour C, à Ottawa.

Après avoir été exposée à des vapeurs résultant de l’application d’un détergent à tapis chimique dans son aire de travail en juillet 1990, la requérante est tombée gravement malade. Peu après cette première exposition, elle a dû quitter son poste de travail. Elle a immédiatement ressenti des sensations de brûlure au nez, aux yeux et aux poumons et elle avait de la difficulté à respirer. Quand la requérante est revenue au travail le lendemain, elle a noté que son aire de travail était déserte. Ce matin-là, elle avait des étourdissements, de la difficulté à respirer et elle se sentait si mal qu’elle a dû consulter l’infirmière. La requérante a travaillé toute la journée et, dans la soirée, elle a vu une tache de détergent à tapis sur le plancher.

La requérante a essayé de continuer à travailler, mais elle a constaté qu’elle faisait des erreurs et qu’elle n’arrivait pas à inscrire correctement ses données à l’ordinateur. Elle a également ressenti des douleurs cuisantes aux yeux et des maux d’oreille et elle sentait que ses poumons étaient congestionnés. Le 22 août 1990, elle a eu des saignements de nez abondants qui ont été cautérisés le lendemain. Dans la nuit du 23 août 1990, la requérante n’arrivait pas à dormir à cause d’une toux constante accompagnée de mucus jaune. Du 29 août au 21 septembre 1990, elle a souffert à plusieurs reprises de saignements, de toux, de vomissements, de diarrhée et de troubles respiratoires. Jusqu’à la fin de l’automne 1990, la requérante a reçu des soins médicaux à Toronto et à Ottawa.

En avril 1991, elle est allée consulter un spécialiste, le Dr J. Molot. Le Dr Molot a témoigné devant l’arbitre à titre de témoin expert dans le domaine de l’intolérance au milieu. Ses qualités en tant que témoin expert n’ont pas été contestées. L’arbitre a résumé le témoignage de Dr Molot dans les termes suivants :

Le Dr Molot a vu Mme Guibord à Ottawa le 4 avril 1991. Elle avait toute une gamme de symptômes, y compris des troubles respiratoires, depuis son exposition au détergent à tapis en juillet 1990. De plus, elle avait une toux et souffrait de maux de gorge, de congestion nasale et de maux aux oreilles. Elle avait aussi saigné du nez, fait de la diarrhée, vomi et fait de la fièvre. Le Dr Molot avait noté soigneusement les antécédents médicaux de Mme Guibord et lui avait fait subir un examen physique, incluant des prises de sang qu’il avait fait analyser par un laboratoire en Californie. Les analyses de sang avaient révélé une intolérance au milieu. Des changements, notamment une déficience dans la production d’anticorps immuns s’étaient produits dans son corps. Les analyses, en combinaison avec l’examen physique et les antécédents médicaux obtenus de Mme Guibord, l’ont amené à conclure que celle-ci avait subi une exposition grave à des produits chimiques[2].

De juillet 1990 à août 1991, la requérante a été malade de façon sporadique. On a considéré qu’elle avait été en congé de maladie non rémunéré jusqu’au 21 août 1991.

B)        Efforts déployés en vue d’offrir des mesures d’accommodement

1)         Travail à temps partiel

En mai 1991, la requérante a subi une bronchoscopie. Par la suite, ses troubles respiratoires ont beaucoup diminué. En juillet 1991, la requérante se sentait beaucoup mieux. Le Dr Molot lui a donc conseillé d’essayer de reprendre le travail. Le 13 août 1991, elle a téléphoné à son superviseur, M. Ekins, pour savoir si elle pouvait reprendre le travail à temps partiel.

Le 14 août 1991, M. Ekins a adressé la note de service suivante à Karl Cornwall, directeur de la Gestion de l’information :

[traduction] Par suite de ma conversation téléphonique d’hier avec Claudette Guibord, je comprends qu’elle a l’intention de reprendre le travail le lundi 19 août 1991, mais à temps partiel seulement jusqu’à ce qu’elle soit apte à travailler à plein temps.

À cet égard, j’ai rencontré Y. Thouin et R. Malo des Relations de travail.

Afin d’établir clairement son statut auprès du Ministère, M. Thouin a proposé que Claudette retourne voir son médecin en vue d’obtenir un certificat médical confirmant les renseignements suivants :

1. elle est maintenant apte à travailler;

2. elle ne peut travailler qu’à temps partiel, c’est-à-dire un certain nombre d’heures par semaine;

3. la durée approximative de cette période de travail à temps partiel avant qu’elle soit en mesure de reprendre le travail à plein temps.

Ensuite, quand nous aurons examiné le certificat du médecin, nous pourrons décider si nous pouvons en accepter les conditions. Par exemple, s’il estime que la période de travail à temps partiel doit durer un mois ou deux, cela serait acceptable. Par ailleurs, si le médecin est d’avis que cette période de travail à temps partiel durera probablement indéfiniment, alors je crois que cela serait inacceptable compte tenu des besoins opérationnels de la bibliothèque.

Je pense que la suggestion de M. Thouin est valable dans la mesure où elle fait du retour de Claudette au travail une décision médicale et non une décision que Claudette elle-même n’a pas la compétence de prendre[3].

Peu après, la requérante a remis un certificat médical signé par le Dr Molot indiquant ce qui suit :

[traduction] … mi-temps jusqu’au 1er décembre 1991—à réévaluer à ce moment-là[4].

Le certificat est daté du 19 août 1991, et la date probable de retour au travail est également le 19 août 1991. En plus de lui remettre un certificat médical, le Dr Molot a prescrit un masque pour filtrer les gaz. Comme l’arbitre l’indique dans ses motifs :

Le Dr Molot estimait qu’il était préférable de permettre à Mme Guibord de retourner au travail avec un masque et, lors de son retour initial, de ne l’exposer au milieu de travail que des demi-journées à la fois afin de permettre à son corps de s’adapter par l’exposition aux toxines dans l’air. Ses tests, plus la volonté de la fonctionnaire de retourner au travail, lui laissaient entrevoir un bon pronostic à long terme. C’est pourquoi le Dr Molot estimait que le travail à temps partiel serait bon pour elle. Il a retenu la date du 2 décembre parce qu’il voulait voir comment elle se sentirait sur une période de plusieurs mois[5].

Le Dr Molot a effectué d’autres tests sanguins en 1992, qui ont confirmé la nature de la maladie de la requérante et l’avantage du travail à temps partiel. Voici ce qui ressort de sa déposition :

La sensibilité aux produits chimiques multiples dont souffrait Mme Guibord s’est améliorée en réduisant les niveaux d’exposition. Le témoin a conclu qu’elle était capable de travailler à temps partiel pourvu qu’on surveillât son état et qu’elle prît les précautions voulues. Il s’agissait pour elle de se réadapter progressivement au milieu de travail[6].

L’arbitre a résumé le reste de la déposition du Dr Molot concernant la maladie de la requérante dans les termes suivants :

Le cerveau et le système immunitaire interagissent de manière à supprimer ou activer le système immunitaire. Des changements subtils se produisent dans le système immunitaire en réaction au stress que subit le cerveau. Le résultat est quelque chose qui est plus grand que la somme des deux parties. Les gens ne sont pas tous sensibles au même degré aux facteurs de stress. Lorsque le cerveau subit un stress, il y a une libération d’énergie. Si le cerveau reçoit de faibles doses répétées des substances provoquant le stress, il s’adaptera. L’exposition aux produits chimiques peut causer un tel stress au cerveau, soit une exposition importante, soit une exposition faible mais répétée. Le cerveau peut devenir sensibilisé aux produits chimiques en tant qu’agent stressant[7].

Conformément au certificat de son médecin, la requérante est revenue au travail à 13 h 30 le 19 août 1991. Après 10 ou 15 minutes, son superviseur, M. Ekins, lui a dit de retourner chez elle. Aucune raison ne lui a été fournie à ce moment pour expliquer le refus de l’employeur concernant son retour au travail à temps partiel. La requérante est revenue le lendemain après-midi et son superviseur lui a de nouveau dit de rentrer chez elle et d’attendre d’autres instructions. Finalement, la requérante a été obligée de prendre des congés non rémunérés pendant près de deux ans.

Dans une lettre en date du 20 août 1991, signée par le directeur intérimaire de la bibliothèque et des services d’information, le Ministère répondait par écrit à la demande présentée par la requérante pour reprendre le travail à temps partiel :

[traduction] Nous avons examiné le certificat médical du Dr J. Molot en date du 19 août 1991, et avons discuté du cas avec les Relations de travail de Transports Canada. Veuillez prendre note qu’en raison des besoins opérationnels il est inacceptable que vous occupiez votre poste à mi-temps pendant une période indéterminée. En outre, nous ne pouvons affecter un autre employé à temps partiel qui posséderait la formation et l’expérience exigées pour combler la différence. Finalement, les contraintes budgétaires ne nous permettent pas de faire effectuer le travail par plus d’une personne, c’est-à-dire vous-même et un autre employé temporaire à plein temps.

Pour les motifs précités, le ministère ne peut accepter cette proposition de travail à temps partiel.

Veuillez donc m’informer de la date à laquelle vous serez en mesure de répondre aux besoins opérationnels du poste, c’est-à-dire de la date à laquelle votre médecin estimera que vous êtes apte à travailler à plein temps ou presque à plein temps[8].

Devant l’arbitre, M. Cornwall a confirmé qu’il était au courant de l’intolérance au milieu dont souffrait la requérante et de sa demande de travail à temps partiel. Toutefois, il a expliqué que le Ministère était en voie de réduire ses effectifs de sorte que la charge de travail était toujours là, « mais pas le personnel ». À son avis, les fonctions de catalogage de la requérante devaient être accomplies à plein temps[9].

M. Ekins a également indiqué que l’embauchage d’un employé à temps partiel pour partager le poste de Mme Guibord alourdirait la « charge de gestion ». Bien qu’à son avis une période de travail à temps partiel limitée, par exemple trois mois, eut pu être acceptable, cette solution ne pouvait être acceptée sur une période indéterminée[10].

Compte tenu de la réponse du Ministère, la requérante a déposé un grief, en date du 27 août 1991, dans lequel elle allègue que son employeur

[traduction] a refusé de m’autoriser à reprendre mon travail à temps partiel, conformément à la demande du 19 août 1991[11].

2)         Transfert dans un autre lieu de travail

Entre 1991 et octobre 1993, l’employeur était au courant que la requérante était disposée à travailler à mi-temps. Elle a présenté des demandes de travail dans d’autres lieux de travail, y compris au 344, rue Slater à Ottawa, qui est situé à proximité[12].

En plus de sa déposition résumée par l’arbitre, le Dr Molot a confirmé qu’après avoir développé cette intolérance au milieu, par suite d’une première exposition à un certain produit, une personne peut développer une intolérance à des substances nouvelles et différentes auxquelles elle sera exposée dans l’avenir, même si ces substances ne l’avaient pas dérangée auparavant. Par conséquent, le Dr Molot s’attendait à ce que l’intolérance au milieu dont souffrait la requérante lui cause des difficultés dans un autre lieu de travail. En fait, à son avis, exposer la requérante à un autre lieu de travail à Place de Ville aurait été préjudiciable à sa santé[13].

Les demandes de transfert présentées par la requérante ont été refusées en raison des « besoins opérationnels du Ministère ». Selon les propres mots de l’arbitre, M. Ekins a indiqué dans sa déposition « qu’elle ne devrait pas pouvoir travailler à un autre emplacement à cause de la nécessité de supervision et de la difficulté de la consulter. La fonctionnaire aurait par ailleurs éprouvé de la difficulté si elle avait eu des questions »[14].

En contre-interrogatoire, M. Ekins a déclaré qu’il n’aurait « pas été pratique » d’autoriser la requérante à travailler ailleurs et de lui envoyer les documents dont elle avait besoin par messager. Il n’a pas répondu à la question de savoir si elle pouvait être supervisée de façon appropriée à cet autre endroit[15].

3)         Emploi de substitution

L’employeur a offert à la requérante de se recycler au Bureau des documents ou dans un autre poste au même niveau, avec le même traitement, ailleurs au Ministère, mais dans un autre lieu de travail. La requérante a refusé en indiquant clairement qu’elle n’accepterait rien d’autre que son poste. L’arbitre a noté dans ses motifs que, son refus ayant été très émotif, il n’a plus jamais été question de cette offre[16].

II.         LA QUESTION EN LITIGE

L’arbitre a-t-il commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’il a statué que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation d’accommodement envers la requérante?

III.        ANALYSE

A)        L’obligation d’accommodement

1)         Définition générale et objet

Il est bien établi que les employeurs ont l’obligation de fournir des mesures d’accommodement aux employés invalides dans la mesure où cela ne comporte pas de contrainte excessive. La raison de principe qui sous-tend cette obligation est la suivante :

[traduction] … respecter les objectifs généraux de la législation relative aux droits de la personne, notamment assurer la protection du principe d’égalité des chances pour tous les habitants du Canada afin que ceux-ci participent pleinement à de nombreuses activités socio-économiques, notamment en travaillant, en ayant accès à des biens, à des services, à des installations, à des logements, en concluant des contrats et ainsi de suite. Ces lois ont pour but d’assurer une protection maximale de la dignité et de la valeur de la personne, en lui permettant de croire qu’elle est et en fait d’être véritablement un participant égal et à part entière dans la société canadienne[17].

Les tribunaux ont reconnu l’existence d’une obligation générale visant à protéger les personnes contre les effets de la discrimination[18]. Dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons-Sears Ltd. et autres[19], la Cour suprême du Canada a reconnu l’existence de cette obligation dans le contexte des rapports entre employeur et employé :

Même si aucun droit ne saurait être considéré comme absolu, une conséquence naturelle de la reconnaissance d’un droit doit être l’acceptation sociale de l’obligation générale de le respecter et de prendre des mesures raisonnables afin de le protéger. Dans toute société, les droits d’une personne entreront inévitablement en conflit avec les droits d’autrui. Il est alors évident que tous les droits doivent être limités afin de préserver la structure sociale dans laquelle chaque droit peut être protégé sans porter atteinte indûment aux autres. Cela est particulièrement important lorsque des rapports spéciaux existent, en l’espèce les rapports entre employeur et employé. Dans le présent cas, conformément aux dispositions et à l’objet du Code ontarien des droits de la personne, le droit de l’employé exige que l’employeur prenne des mesures d’accommodement raisonnables[20].

2)         Les obligations de l’employeur

L’obligation de l’employeur à ce titre n’est pas sans limite, et elle variera selon le cas. La Cour suprême a reconnu ces divergences et a fixé la limite des mesures d’accommodement à la contrainte excessive :

L’obligation dans le cas de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, fondée sur la religion ou la croyance, consiste à prendre des mesures raisonnables pour s’entendre avec le plaignant, à moins que cela ne cause une contrainte excessive : en d’autres mots, il s’agit de prendre les mesures qui peuvent être raisonnables pour s’entendre sans que cela n’entrave indûment l’exploitation de l’entreprise de l’employeur et ne lui impose des frais excessifs[21].

Qu’entend-on par contrainte excessive? Comment peut-on déterminer si un employeur a essayé de s’entendre avec l’employé à un point tel que tout autre effort constituerait une contrainte excessive? Dans l’arrêt Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Human Rights Commission)[22], la Cour suprême a répondu en partie à ces questions en établissant une liste de facteurs à prendre en compte dans l’évaluation des efforts déployés par un employeur pour fournir des adaptations :

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de définir de façon exhaustive ce qu’il faut entendre par contrainte excessive mais j’estime qu’il peut être utile d’énumérer certains facteurs permettant de l’apprécier. J’adopte d’abord à cette fin les facteurs identifiés par la commission d’enquête en l’espèce—le coût financier, l’atteinte à la convention collective, le moral du personnel et l’interchangeabilité des effectifs et des installations. L’importance de l’exploitation de l’employeur peut jouer sur l’évaluation de ce qui représente un coût excessif ou sur la facilité avec laquelle les effectifs et les installations peuvent s’adapter aux circonstances. Lorsque la sécurité est en jeu, l’ampleur du risque et l’identité de ceux qui le supportent sont des facteurs pertinents. Cette énumération ne se veut pas exhaustive et les résultats qu’on obtiendra en mesurant ces facteurs par rapport au droit de l’employé de ne pas faire l’objet de discrimination varieront nécessairement selon le cas[23].

La Cour note également que c’est à l’employeur qu’il incombe de démontrer que des efforts légitimes ont été faits pour accommoder l’employé, dans la mesure où cela ne comporte pas une contrainte excessive[24]. Plus récemment, la Cour suprême a confirmé que c’est à l’employeur qu’il incombe de rechercher des mesures d’accommodement convenables et de les proposer à l’employé :

Bien que le plaignant puisse être en mesure de faire des suggestions, l’employeur est celui qui est le mieux placé pour déterminer la façon dont il est possible de composer avec le plaignant sans s’ingérer indûment dans l’exploitation de son entreprise[25].

3) Les obligations de l’employé

Depuis 1985, soit depuis la décision O’Malley, la Cour suprême reconnaît que l’obligation d’accommodement comporte une obligation correspondante de la part de l’employé d’accepter un compromis raisonnable :

L’employeur doit, à cette fin, prendre des mesures raisonnables qui seront susceptibles ou non de réaliser le plein accommodement. Cependant, lorsque ces mesures ne permettent pas d’atteindre complètement le but souhaité, le plaignant, en l’absence de concessions de sa propre part, comme l’acceptation en l’espèce d’un emploi à temps partiel, doit sacrifier soit ses principes religieux, soit son emploi[26].

Cette obligation a été réitérée dans Renaud[27]; la Cour suprême y souligne le rôle qui revient à l’employé pour parvenir à un compromis :

Pour faciliter la recherche d’un compromis, le plaignant doit lui aussi faire sa part. À la recherche d’un compromis raisonnable s’ajoute l’obligation de faciliter la recherche d’un tel compromis. Ainsi, pour déterminer si l’obligation d’accommodement a été remplie, il faut examiner la conduite du plaignant.

Cela ne signifie pas qu’en plus de porter à l’attention de l’employeur les faits relatifs à la discrimination, le plaignant est tenu de proposer une solution. Bien que le plaignant puisse être en mesure de faire des suggestions, l’employeur est celui qui est le mieux placé pour déterminer la façon dont il est possible de composer avec le plaignant sans s’ingérer indûment dans l’exploitation de son entreprise. Lorsque l’employeur fait une proposition qui est raisonnable et qui, si elle était mise en œuvre, remplirait l’obligation d’accommodement, le plaignant est tenu d’en faciliter la mise en œuvre. Si l’omission du plaignant de prendre des mesures raisonnables est à l’origine de l’échec de la proposition, la plainte sera rejetée. L’autre aspect de cette obligation est le devoir d’accepter une mesure d’accommodement raisonnable. C’est cet aspect que le juge McIntyre a mentionné dans l’arrêt O’Malley. Le plaignant ne peut s’attendre à une solution parfaite. S’il y a rejet d’une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances, l’employeur s’est acquitté de son obligation.

Les obligations de l’employé se limitent donc à informer l’employeur de la situation qui mérite un examen attentif, à faciliter la mise en œuvre du compromis, et finalement à accepter ce qui est vu comme une mesure d’accommodement raisonnable.

B)        Décision

Après avoir examiné la preuve, l’arbitre a conclu que l’offre de l’employeur portant sur un autre poste dans un autre emplacement constituait une mesure d’accommodement raisonnable et a décidé de rejeter le grief de la requérante. L’essentiel de son raisonnement se trouve dans le passage suivant :

Lorsque M. Cornwall a offert à la fonctionnaire de lui trouver un autre poste au même niveau et avec le même traitement à l’intérieur du Ministère mais à un autre emplacement, celle-ci a refusé de considérer l’offre. Comme l’incapacité de la fonctionnaire avait été causée par un renversement de produits chimiques dans la bibliothèque, j’estime que l’offre constituait une tentative d’accommodement raisonnable de la part de l’employeur. La fonctionnaire n’a avancé aucune explication raisonnable de son refus d’examiner cette offre. À la lumière de ces faits, je ne puis conclure que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation d’accommodement[28].

Selon la requérante, l’arbitre a commis une erreur de droit en rejetant le grief pour ce motif. La requérante fait valoir que la solution qu’elle a proposée était la plus appropriée dans les circonstances. Elle soutient que son état de santé aurait dû être un facteur prédominant pour déterminer si l’employeur avait respecté son obligation d’accommodement et que son médecin avait identifié le travail à temps partiel comme la solution appropriée. La requérante soutient également qu’au départ le compromis recherché devrait avoir pour but premier de réintégrer l’employé à son poste. Ce n’est que lorsqu’une telle mesure d’accommodement n’est pas réalisable qu’il faut envisager la possibilité d’offrir un autre emploi[29].

À cet égard, je note que la possibilité de réintégrer la requérante dans son premier emploi en vertu des deux scénarios qu’elle propose a été envisagée par l’employeur, mais que cette solution n’a pas été examinée plus avant en raison des nécessités du service. Quant à la proposition de reprendre son poste à temps partiel pendant une période d’essai de trois mois[30], les objections sur le plan opérationnel ont été résumées dans les termes suivants :

Le catalogage qu’effectuait Mme Guibord devait se faire à temps complet. Si on lui avait permis de travailler à mi-temps, le Ministère aurait été obligé d’engager quelqu’un d’autre pour l’autre moitié du temps pour une période d’environ trois mois, ce qui était impossible. Il aurait fallu un mois pour former la personne qu’on aurait pu trouver. La philosophie générale qu’il devait appliquer en tant que gestionnaire à l’époque, c’était qu’il fallait « faire plus avec moins ». Il y avait un arriéré considérable et le Ministère était en période de restructuration. « Je devais pouvoir compter sur l’apport de tous les membres de l’équipe », a-t-il ajouté[31].

Pour ce qui a trait à la proposition que la requérante reprenne son travail à un autre endroit, les objections sur plan opérationnel ont été résumées de la façon suivante :

Mme Guibord travaille avec des documents. Elle les organise, les catalogue et les classifie selon un ensemble de procédures. M. Ekins estimait qu’elle ne devrait pas pouvoir travailler à un autre emplacement à cause de la nécessité de supervision et de la difficulté de la consulter[32].

Il est bien possible que la requérante n’accepte pas la justesse des motifs fournis par l’employeur pour refuser ses propositions, mais on ne peut prétendre que ces motifs ne tiennent pas compte de véritables questions d’ordre opérationnel. La requérante prétend que, compte tenu de la rapidité avec laquelle l’employeur a fourni sa réponse, il est « inconcevable » qu’il ait évalué pleinement la teneur de son obligation d’accommodement avant de soumettre sa proposition[33]. Je ne crois pas que le délai de réponse soit incompatible avec le fait que l’employeur a respecté son obligation d’accommodement.

La requérante prétend de plus que l’employeur aurait dû ignorer les nécessités du service afin de donner effet à sa proposition. Selon elle, ces préoccupations n’étaient pas suffisamment valides pour permettre à l’arbitre de soutenir qu’en refusant sa demande l’employeur avait néanmoins offert un compromis jusqu’à la limite de la contrainte excessive[34]. Toutefois, d’après mon interprétation de la décision de la Cour suprême dans Central Alberta Dairy Pool[35], les préoccupations formulées par l’employeur se retrouvent parmi les facteurs pertinents pour déterminer ce qu’il faut entendre par contrainte excessive. C’est effectivement dans ce contexte que l’arbitre a analysé l’offre de l’employeur et conclu que la requérante avait à tout le moins l’obligation d’examiner l’accommodement qui lui était proposé alors qu’elle n’a donné aucune explication raisonnable pour justifier son refus.

La requérante conteste cette dernière conclusion au motif qu’il n’était pas loisible à l’arbitre, d’après la preuve dont elle était saisie, de conclure qu’elle n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son refus. Elle soutient que son refus se fondait sur des raisons médicales valides. La requérante s’appuie à cet égard sur l’affidavit de Derek Dagger qui la représentait à l’audience devant l’arbitre et qui déclare que le Dr Molot, en plus de sa déposition qui a été résumée par l’arbitre dans sa décision, a affirmé ce qui suit :

[traduction] 8. En plus de cette preuve, le Dr Molot a déclaré que la solution la meilleure et celle qui offrait le plus de sécurité pour la requérante était de la réintégrer graduellement dans son ancien milieu de travail de façon à ce qu’elle soit en mesure de tolérer ce milieu. Par conséquent, il a remis un certificat médical, produit sous la pièce G-9, indiquant qu’elle devrait retourner au travail à mi-temps. D’après le Dr Molot, cette solution offrait les meilleures possibilités d’un retour réussi au travail à temps plein.

9. Le Dr Molot a déclaré qu’après avoir développé une intolérance au milieu, par suite de son exposition à une certaine substance, une personne peut également devenir sensible à des substances nouvelles et différentes auxquelles elle est exposée dans l’avenir, même si ces substances ne lui causaient aucun malaise auparavant. Le Dr Molot a déclaré qu’il s’attendait à ce que l’intolérance au milieu dont souffrait la requérante lui cause des difficultés ailleurs. Il a de plus indiqué que l’on pouvait s’attendre à ce que l’exposition à un autre emplacement situé à Place de Ville soit préjudiciable à l’état de santé de la requérante.

10. La preuve dont était saisie l’arbitre confirme que l’emploi qui a été offert par le Ministère était situé dans une autre tour de Place de Ville. La preuve confirme également que l’immeuble du 344, rue Slater, est situé à proximité de Place de Ville.

De façon plus significative, l’auteur de l’affidavit déclare au paragraphe 11 :

[traduction] 11. La requérante a indiqué qu’elle avait refusé l’offre d’emploi du ministère sur les conseils de Dr Molot, comme il est indiqué aux paragraphes 8 et 9 ci-dessus.

Par conséquent, la requérante prétend que la conclusion de l’arbitre indiquant qu’elle n’a fourni aucune explication raisonnable justifiant son refus d’examiner l’offre d’accommodement que lui a faite l’employeur n’avait aucun fondement.

La difficulté de cette prétention vient de ce que, même si le paragraphe 11 de l’affidavit de Dagger prouve que la requérante avait à l’esprit les préoccupations exprimées par le Dr Molot quand elle a refusé l’offre d’emploi, il n’établit pas que ces préoccupations ont été communiquées à l’employeur. À cet égard, les seuls éléments de preuve qui traitent précisément des raisons que la requérante aurait communiquées à son employeur à l’époque pertinente est l’affidavit de Don Johns qui assistait également à l’audience et une note de service rédigée peu après le refus de la requérante. Dans son affidavit, Don Johns indique qu’au cours de son témoignage à l’audience, M. Cornwall a déclaré ce qui suit :

[traduction] … la seule raison que la requérante lui a fournie pour refuser son offre … était qu’elle voulait reprendre son emploi à la bibliothèque et qu’elle n’envisagerait pas le poste qui lui avait été offert au greffe »[36]. [Non souligné dans l’original.]

La note de service ultérieure qui a été rédigée par M. Cornwall dans le but évident de consigner la raison fournie par la requérante pour justifier son refus indique ce qui suit :

[traduction] Vous avez indiqué que vous n’étiez pas intéressée à être affectée à d’autres fonctions tant que vous ne seriez pas en mesure de reprendre le travail à plein temps. Vous m’avez également informé que, pour évaluer les effets du milieu de travail sur votre système immunitaire, vous deviez être exposée graduellement au milieu de travail que l’on retrouve à la bibliothèque[37].

Aucun élément de preuve n’indique que la requérante a communiqué quoi que ce soit d’autre à son employeur à l’époque pertinente et, plus précisément, qu’elle a exprimé ses préoccupations de nature médicale pour ce qui concerne le lieu de travail que son employeur lui avait proposé en remplacement. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, on ne peut prétendre que l’arbitre a ignoré la preuve en concluant qu’elle n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son refus.

Selon le raisonnement de l’arbitre, comme l’offre faite par l’employeur était, à première vue, raisonnable, la requérante devait y répondre d’une façon ou d’une autre. Le poste offert dans un autre endroit avait l’avantage de changer la requérante de milieu, la soustrayant ainsi au milieu qui l’avait rendue malade. À première vue, il s’agissait d’une solution qui tenait compte de son état de santé. Si, à l’époque pertinente, la requérante avait des raisons de croire que l’exposition à son nouveau milieu de travail ne lui serait, non seulement d’aucune utilité, mais qu’en fait cela serait préjudiciable à son état de santé[38], elle avait l’obligation de le faire savoir à son employeur. D’après le dossier, l’arbitre était en droit de conclure que la requérante avait manqué à son obligation, empêchant ainsi l’employeur de trouver et de lui proposer une mesure d’accommodement acceptable.

Pour ces motifs, la requête est rejetée.



[1] Les faits résumés dans cette partie sont essentiellement ceux qui sont exposés dans le mémoire de la requérante, dossier de la demande, vol. II, à la p. 152 et suivantes.

[2] Motifs de la décision [aux p. 16 et 17 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 16.

[3] Dossier de la demande, vol. I, à la p. 45.

[4] Dossier de la demande, vol. I, à la p. 125.

[5] Motifs de la décision [à la p. 31 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 22.

[6] Motifs de la décision [aux p. 17 et 18 (QL)], dossier de la demande, à la p. 16.

[7] Motifs de la décision [aux p. 15 et 16 (QL)], dossier de la demande, à la p. 15.

[8] Dossier de la demande, vol. I, à la p. 130.

[9] Motifs de la décision [aux p. 22 et 23 (QL)], dossier de la demande, vol. I, aux p. 19 et 21; affidavit de Don Johns, dossier de la demande, vol. I, à la p. 147.

[10] Motifs de la décision [à la p. 22 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 18.

[11] Grief, dossier de la demande, vol. I, à la p. 101.

[12] Motifs de la décision [à la p. 12 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 14.

[13] Affidavit de Derek Dagger, dossier de la demande, vol. I, à la p. 7.

[14] Motifs de la décision [à la p. 21 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 18.

[15] Motifs de la décision [à la p. 21 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 18.

[16] Motifs de la décision [à la p. 24 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 19.

[17] David Lepofsky, « The Duty to Accommodate : A Purposive Approach » (1993), 1 Can. Lab. L.J. 1, aux p. 5 et 6.

[18] En l’espèce, nous traitons de la discrimination fondée sur la déficience physique.

[19] [1985] 2 R.C.S. 536 (ci-après O’Malley).

[20] Ibid., aux p. 554 et 555.

[21] Ibid., à la p. 555.

[22] [1990] 2 R.C.S. 489 (ci-après Central Alberta Dairy Pool).

[23] Ibid., aux pages 520 et 521.

[24] Ibid., à la p. 520.

[25] Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, à la p. 994 (ci-après Renaud).

[26] O’Malley, précité, note 19, à la p. 555.

[27] Renaud, précité, note 25, aux p. 994 et 995.

[28] Motifs de la décision [aux p. 37 et 38 (QL)], dossier de la demande, à la p. 25.

[29] Voir Marilyn Ginsburg et Catherine Bickley, « Accommodating the Disabled : Emerging Issues under Human Rights Legislation » (1993), 1 Can. Lab. L.J. 72, à la p. 91.

[30] Période qui devait ensuite être réévaluée par le Dr Molot.

[31] Motifs de la décision [aux p. 23 et 24 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 19.

[32] Motifs de la décision [à la p. 21 (QL)], dossier de la demande, vol. I, à la p. 18.

[33] Mémoire de la requérante, par. 47.

[34] Mémoire de la requérante, par. 42.

[35] Précité, note 22.

[36] Dossier de la demande, affidavit de Don Johns, par. 9, vol. I, à la p. 147.

[37] Note de service de Karl Cornwall à Claudette Guibord en date du 28 novembre 1991, dossier de la demande, vol. 1, à la p. 46.

[38] Comme l’a laissé entendre le Dr Molot au cours de sa déposition, voir l’affidavit de Derek Dagger, par. 9, in fine, dossier de la demande, vol. 1, à la p. 147.

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