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     A-686-96

John R. Singleton (appelant)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié: Singletonc. Canada (C.A.)

Cour d'appel, juges Linden, Rothstein et McDonald, J.C.A."Vancouver, 26 avril; Ottawa, 11 juin 1999.

Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Déductibilité, en vertu de l'art. 20(1)c) de la LIR, des intérêts sur un emprunt bancaire qu'un associé d'un cabinet d'avocats a contracté en vue de remplacer les fonds qu'il a retirés d'un compte de capital du cabinet pour s'acheter une maison, les deux opérations ayant été conclues le même jourLes opérations doivent être considérées d'une façon indépendante, non pas comme une série d'opérations liéesL'art. 20(1)c) n'exclut pas le refinancement, par emprunt, du capital que l'associé a engagé dans son cabinet et qu'il a retiré à des fins non admissiblesDoctrine de l'utilisation directe appliquéeLe fait que l'expressionsérie d'opérations, qui figure 41 fois dans la LIR, n'est pas utilisée à l'art. 20(1)c), laisse entendre que le législateur n'avait pas l'intention d'incorporer lecritère relatif à la série d'opérations.

L'appelant, qui est un associé dans un cabinet d'avocats, a retiré 300 000 $ de son compte de capital pour s'acheter une maison et, le même jour, a contracté un emprunt bancaire pour regarnir le compte de capital. En vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, les intérêts sur l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu (l'investissement de capitaux par un associé dans un cabinet d'avocats, par exemple) sont déductibles. Le ministre et la Cour canadienne de l'impôt ont tous les deux conclu que, peu importe le point de vue adopté, on peut dire de façon réaliste que l'argent emprunté a été utilisé non pas en vue de tirer un revenu, mais pour l'achat d'une maison. Il s'agit d'un appel de la décision de la Cour de l'impôt selon laquelle les intérêts sur l'argent emprunté ne sont pas déductibles en vertu de l'alinéa 20(1)c).

Arrêt (le juge Linden, J.C.A, étant dissident): l'appel doit être accueilli.

Le juge Rothstein, J.C.A. (le juge McDonald, J.C.A., y souscrivant): La question de savoir de quelle façon il convient de traiter les opérations pour l'application de l'alinéa 20(1)c), c'est-à-dire d'une façon indépendante ou comme faisant partie d'une série d'opérations liées, est une question de droit parce qu'elle comporte la détermination du critère juridique permettant d'apprécier les opérations qui ont en fait été conclues. Comme il s'agit d'une question de droit, une cour d'appel a le droit de la réexaminer.

Les opérations doivent en l'espèce être considérées d'une façon indépendante. Le compte de capital était financé à l'aide des propres fonds de l'appelant; il n'était pas financé à l'aide d'un emprunt personnel. Lorsque les 300 000 $ ont été retirés du compte, les actifs du cabinet auraient diminué et ses dettes auraient augmenté si le cabinet avait dû emprunter de l'argent pour verser à l'appelant ses 300 000 $. Afin de remplacer les actifs du cabinet ou d'éviter que le cabinet ait à s'endetter encore plus par suite du retrait d'argent du compte de capital, l'appelant a emprunté l'argent à la banque et versé 300 000 $ au cabinet. Rien ne laisse entendre que le cabinet n'ait pas eu besoin de la somme que l'appelant lui a versée pour remplacer la somme retirée du compte. On ne laisse pas non plus entendre que les opérations n'étaient pas de véritables opérations. Si les opérations sont considérées d'une façon indépendante, il est clair que l'argent que l'appelant a utilisé en vue d'acheter la maison était de l'argent qui lui appartenait et qu'il avait retiré du compte de capital et que l'argent que l'appelant a utilisé en vue de regarnir son compte de capital avait été emprunté à la banque.

L'investissement initial de capitaux (ou le refinancement ultérieur de celui-ci) par un associé dans un cabinet d'avocats peut être financé à l'aide d'un emprunt à l'égard duquel les intérêts payables sont déductibles. Le ministre n'a donné aucun motif logique en vue d'expliquer pourquoi, si un associé investit ses propres fonds dans son cabinet, il ne peut pas les retirer pour les utiliser à des fins personnelles et refinancer son investissement à l'aide d'un emprunt à l'égard duquel les intérêts sont déductibles. L'alinéa 20(1)c) exige que l'argent emprunté soit utilisé en vue de produire un revenu. Son application n'est pas limitée à l'investissement initial ou au remplacement de sommes préalablement empruntées. Son application n'exclut pas le refinancement par emprunt du capital que l'associé a engagé dans son cabinet et qu'il a retiré à des fins non admissibles. À condition que les opérations soient structurées d'une façon régulière et qu'il n'y ait pas de trompe-l'œil, il n'y aucun motif pour lequel des opérations qui sont conclues le même jour ne devraient pas être considérées d'une façon indépendante et se voir chacune attribuer un sens.

Deux conditions énoncées dans l'arrêt Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32, à l'égard de la déductibilité des intérêts sont pertinentes en l'espèce. Premièrement, le contribuable doit établir que les fonds empruntés ont été utilisés à une fin identifiable ouvrant droit à la déduction. En l'espèce, les fonds emprunté à la banque ont été utilisés en vue de renflouer le compte de capital de l'appelant. La seconde condition se rapporte à l'utilisation directe de la somme empruntée. En l'espèce, l'argent emprunté a directement été utilisé en vue de renflouer le compte de capital de l'appelant.

Il est difficile de concilier les remarques incidentes qui ont été faites dans Bronfman Trust (à savoir que le contribuable devrait se voir refuser la déduction lorsque la fin directe satisfait aux exigences de l'alinéa 20(1)c), mais que la fin indirecte n'y satisfait pas) et la ratio decidendi de cet arrêt. En outre, l'application des remarques incidentes en l'espèce serait également incompatible avec les prononcés plus récents de la Cour suprême, selon lesquels en l'absence d'un trompe-l'œil ou d'une opération factice, le contribuable ne devrait pas se voir refuser l'avantage des dispositions de la LIR auxquelles il se conforme, même s'il le fait uniquement aux fins de la planification fiscale.

Enfin, dans le contexte de la LIR, où l'expression "série d'opérations" figure 41 fois, le fait que cette expression n'est pas employée à l'alinéa 20(1)c ) laisse entendre que le législateur n'avait pas l'intention d'incorporer dans cette disposition le critère relatif à la série d'opérations ou, en d'autres termes, de réunir une série d'opérations individuelles comme s'il s'agissait d'une seule opération.

Le juge Linden, J.C.A. (dissident): l'appel doit être rejeté.

La détermination des fins auxquelles l'argent emprunté a été utilisé est avant tout une détermination factuelle qu'une cour d'appel ne doit pas modifier. La déduction des intérêts a toujours par le passé été refusée lorsque des opérations telles que celles-ci étaient conclues. Les derniers paragraphes de l'arrêt Bronfman Trust sont fondés en droit, comme les décisions Robitaille c. R., [1997] 3 C.T.C. 3031 (C.C.I.), et Zwaig, M. v. MNR, [1974] C.T.C. 2172 (C.R.I.). Finalement, il incombe à cette cour d'examiner la "situation dans son ensemble", c'est-à-dire les réalités commerciales et économiques sous-tendant l'opération, afin de déterminer si l'argent emprunté a été utilisé "en vue de produire un revenu". Si la production d'un revenu ne constitue pas la fin visée, on ne saurait retenir une approche qui vise à assurer grâce à la forme des opérations la déductibilité d'intérêts qui ne sont pas par ailleurs déductibles. Il faut examiner la situation dans son ensemble. On ne saurait chercher à savoir quelles sont les "réalités commerciales et économiques" ou la "fin réelle" d'une opération en se limitant à une étape ou à plusieurs étapes de l'opération. On omettrait ainsi d'attribuer un sens à l'alinéa 20(1)c ) et l'on permettrait aux contribuables habiles de "créer une illusion de conformité avec les conditions apparentes d'admissibilité à une déduction d'impôt", et ce, d'une façon irrégulière. Il est difficile d'imaginer une opération qui ne pourrait pas être organisée de façon à être conforme aux mots "utilisé en vue de tirer un revenu" si l'utilisation effective directe de l'argent emprunté était l'unique élément dont il faut tenir compte.

Aucune règle stricte n'exige que des opérations complexes soient considérées comme des étapes distinctes ou comme une seule opération. Il s'agit ici de découvrir la réalité économique et commerciale de l'opération afin de déterminer si l'argent emprunté a été utilisé en vue de produire un revenu. En l'espèce, la réalité économique est que l'argent emprunté par le contribuable a été utilisé en vue d'acheter une maison. Cet emprunt contracté à des fins personnelles n'a absolument rien généré sur le plan des capitaux engagés.

Il a été soutenu que le contribuable aurait pu organiser ses affaires de façon à se conformer à la Loi et qu'il ne devrait pas être pénalisé pour avoir choisi un mécanisme différent en vue d'atteindre ses objectifs. Toutefois, il faut examiner ce que le contribuable a réellement fait, et non ce qu'il aurait pu ou ce qu'il aurait dû faire. Lorsque la fin visée par le contribuable qui emprunte de l'argent est contraire au but de l'alinéa 20(1)c), la fin réelle ne peut pas viser à la production d'un revenu. La Loi et la jurisprudence enseignent que la restructuration du capital peut donner lieu à une déduction uniquement si l'argent emprunté est utilisé en vue de produire un revenu. L'alinéa 20(1)c) n'est pas destiné à favoriser le refinancement de la dette. Il est destiné à favoriser l'accumulation du capital, d'où l'exigence selon laquelle l'argent emprunté doit être "utilisé en vue de tirer un revenu".

    lois et règlements

        Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1948, ch. 52, art. 11.

        Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 20(1)c).

        Loi modifiant la Loi de l'Impôt de guerre sur le Revenu, 1917, S.C. 1923, ch. 52, art. 2.

    jurisprudence

        décisions appliquées:

        Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; (1997), 144 D.L.R. (4th) 1; 50 Admin. L.R. (2d) 199; 71 C.P.R. (3d) 417; 209 N.R. 20; Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32; (1987), 36 D.L.R. (4th) 197; [1987] 1 C.T.C. 117; 87 DTC 5059; 25 E.T.R. 13; 71 N.R. 134; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312; (1994), 94 DTC 6314; 168 N.R. 16; Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298; (1998), 163 D.L.R. (4th) 385; [1998] 4 C.T.C. 119; 98 DTC 6505; 229 N.R. 58; Neuman c. M.R.N., [1998] 1 R.C.S. 770; (1998), 159 D.L.R. (4th) 1; [1998] 3 C.T.C. 177; 98 DTC 6297; 225 N.R. 190.

        décisions examinées:

        R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507; (1996), 137 D.L.R. (4th) 289; [1996] 9 W.W.R. 1; 23 B.C.L.R. (3d) 1; 80 B.C.A.C. 81; 109 C.C.C. (3d) 1; [1996] 4 C.N.L.R. 177; 50 C.R. (4th) 1; 200 N.R. 1; 130 W.A.C. 81; Zwaig, M v. MNR, [1974] C.T.C. 2172; (1974), 74 DTC 1121 (C.R.I.); Robitaille c. R., [1997] 3 C.T.C. 3031; [1998] 2 C.T.C. 2047; 97 DTC 1286 (C.C.I.); Mark Resources Inc. c. Canada, [1993] 2 C.T.C. 2259; (1993), 93 DTC 1004 (C.C.I.); Les Entreprises Ludco Ltée et al. c. La Reine (1999), 99 DTC 5153 (C.A.F.); Canada c. Shell Canada Ltée, [1998] 3 C.F. 64; (1998), 157 D.L.R. (4th) 655; [1998] 2 C.T.C. 207; 98 DTC 6177; 223 N.R. 122 (C.A.).

        décisions citées:

        Ryan c. Victoria (Ville), [1999] 1 R.C.S. 201; (1999), 168 D.L.R. (4th) 513; 117 B.C.A.C. 103; 44 C.C.L.T. (2d) 1; 50 M.P.L.R. (2d) 1; 40 M.V.R. (3d) 1; 234 N.R. 201; In re Estate of Smith & Hogan, Ltd., [1932] R.C.S. 661; [1932] 4 D.L.R. 145; (1932), 14 C.B.R. 20; Wildenburg Holdings Ltd. v. Ontario (Minister of Revenue), [1999] 2 C.T.C. 161; (1998), 98 DTC 6462; 67 O.T.C. 179 (Div. gén. Ont); R.P.M. Tech Inc. v. Harvey & Co. (1993), 111 Nfld. & P.E.I.R. 12; 105 D.L.R. (4th) 746; 348 A.P.R. 12 (C.S. 1re inst. T.-N.); Milos Equipment Ltd. v. Insurance Corp. of Ireland (1988), 34 C.C.L.I. 102; [1989] I.L.R. 1-2395 (C.S.C.B.); inf. par [1990] 5 W.W.R. 757; (1990), 47 B.C.L.R. (2d) 296; 45 C.C.L.I. 25; [1990] I.L.R. 1-2630 (C.A.); Singleton c. R., [1996] 3 C.T.C. 2873; (1996), 96 DTC 1850 (C.C.I.); Tennant c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 305; (1996), 132 D.L.R. (4th) 1; [1996] 1 C.T.C. 290; 96 DTC 6121; 192 N.R. 365; Douglas Chisholm, Harvey Chisholm et Paul Chisholm c. R., [1999] 1 C.T.C. 2498; (1998), 99 DTC 150 (C.C.I.); Chase Manhattan Bank of Canada c. R., [1997] 2 C.T.C. 3097; (1997), 97 DTC 349 (C.C.I.); Gibson Petroleum Co. c. R., [1997] 3 C.T.C. 2453; (1997), 97 DTC 1420 (C.C.I.); Garneau (J.V.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2978 (C.C.I.); Mara Properties Ltd. c. Canada, [1993] 2 C.T.C. 3189; (1993), 93 DTC 1449 (C.C.I.); Ludmer c. Ministre du Revenu national, [1998] 2 C.T.C. 104; (1997), 98 DTC 6045; 139 F.T.R. 241 (C.F. 1re inst.); Canada Safeway Limited v. The Minister of National Revenue, [1957] R.C.S. 717; (1957), 11 D.L.R. (2d) 1; [1957] C.T.C. 335; 57 DTC 1239; Canwest Broadcasting Ltd. c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2780; (1995), 96 DTC 1375 (C.C.I.); 74712 Alberta Ltd. c. M.R.N., [1997] 2 C.F. 471; [1997] 2 C.T.C. 30; (1997), 97 DTC 5126; 208 N.R. 348 (C.A.); Canada c. Fording Coal Ltd., [1996] 1 C.F. 518; [1996] 1 C.T.C. 230; (1995), 95 DTC 5672; 190 N.R. 186 (C.A.).

    doctrine

        Felesky, Brian A. and Sandra E. Jack "Is there Substance to "Substance Over Form" in Canada?" in Report of Proceedings of the Forty-fourth Tax Conference, 1992 . Toronto: Association canadienne d'études fiscales, 1992.

        Krishna, Vern. The Fundamentals of Canadian Income Tax, 5th ed. Toronto: Carswell, 1995.

APPEL de la décision de la Cour canadienne de l'impôt de refuser la déduction, en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, des intérêts sur un emprunt bancaire qu'un associé d'un cabinet d'avocats a contracté en vue de remplacer les fonds qu'il a retirés d'un compte de capital du cabinet pour s'acheter une maison, lorsque les deux opérations ont été conclues le même jour. Appel accueilli.

    ont comparu:

    John H. Saunders pour l'appelant.

    Donald G. Gibson pour l'intimée.

    avocats inscrits au dossier:

    Davis & Company, Vancouver, pour l'appelant.

    Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[]Le juge Linden, J.C.A. (dissident): Avec égards, je ne souscris pas aux motifs prononcés par mes estimés collègues.

Introduction

[]Un homme retire 300 000 $ de son cabinet d'avocats et achète une maison. Le même jour, il emprunte 300 000 $ à la banque et dépose cette somme à son cabinet pour remplacer le montant retiré. Il cherche à déduire les intérêts payés sur l'argent emprunté conformément à l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63] (la LIR ou la Loi), qui se lit comme suit:

20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)(a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant:

    [. . .]

    (c) une somme payée dans l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu), en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur

        (i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien [. . .]

[]Il s'agit en l'espèce de savoir si les intérêts à payer à l'égard du prêt sont déductibles. Plus précisément, il s'agit de savoir si l'argent emprunté a été utilisé en vue de produire un revenu.

[]Les faits de l'espèce sont résumés d'une façon adéquate par mon collègue et par le juge Bowman, de la Cour canadienne de l'impôt1. Contrairement à mes collègues, je suis arrivé à la conclusion selon laquelle le juge de la Cour de l'impôt a eu raison de décider que dans ce cas-ci l'argent emprunté ne donnait pas lieu à une déduction en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi, et ce, pour les motifs suivants:

1. La détermination des fins auxquelles l'argent emprunté a été utilisé est avant tout une détermination factuelle qui ne doit pas être modifiée.

2. La déduction des intérêts a toujours par le passé été refusée lorsque des opérations telles que celles-ci étaient conclues.

3. Il incombe à la Cour, en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi, d'examiner les réalités commerciales et économiques sous-tendant l'opération en vue de déterminer si l'argent emprunté a été "utilisé en vue de tirer un revenu", ce qui, à mon avis, n'était pas le cas en l'espèce.

J'aimerais donner des explications sur chacun de ces points, tels qu'ils s'appliquent à la présente affaire.

1.    La détermination des fins auxquelles l'argent emprunté a été utilisé est avant tout une détermination factuelle qui ne doit pas être modifiée

[]En vertu de l'alinéa 20(1)c) de la LIR, les tribunaux doivent déterminer si le montant en question est de "l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu". La question de savoir si les intérêts peuvent être déduits en vertu de l'alinéa 20(1)c ) de la Loi est une question de fait et de droit, mais la détermination des fins auxquelles l'argent emprunté a été utilisé, soit l'un des éléments constitutifs de la question plus générale de la déductibilité, est principalement une question de fait. Le juge Marceau, J.C.A., est arrivé à cette conclusion dans l'arrêt récent Les Entreprises Ludco Ltée et al. c. La Reine2, où il a fait la remarque suivante, à la page 5156:

Et je m'empresse de souligner tout de suite que, pour moi, cette conclusion,"soit que le but véritable des appelants, en investissant dans les deux compagnies telles que structurées, était de différer l'impôt et de transformer les revenus en gains en capital"est une conclusion de fait.

[]Je suis d'accord avec le juge Marceau. Les juges de la Cour de l'impôt entendent les témoins, apprécient leur crédibilité, examinent les documents et soupèsent la preuve avant d'arriver à une conclusion. La conclusion concernant la déductibilité exige l'analyse des faits à la lumière d'un critère juridique, ce qui constitue donc plus qu'une simple question de fait, mais la détermination des faits eux-mêmes incombe au juge des faits. En l'espèce, le juge Bowman, de la Cour canadienne de l'impôt, a soupesé la preuve dont il disposait et a conclu ce qui suit:

Peu importe le point de vue adopté, on ne peut dire de façon réaliste en l'espèce que l'argent emprunté a été utilisé aux fins d'un apport de capital dans la société. L'objectif fondamental était l'achat d'une maison, et l'échange de chèques qui s'est produit le 27 octobre 1988 n'y change rien3. [Je souligne.]

[]Cette conclusion est fondée sur la conclusion que le juge de la Cour de l'impôt a tirée au sujet des fins visées par le contribuable au moment où il a conclu l'opération, ce qui est une conclusion de fait4. La Cour suprême a dit à maintes reprises qu'en l'absence d'une erreur manifeste et dominante, il est peu judicieux pour les cours d'appel d'infirmer les conclusions de fait. Ainsi, dans l'arrêt R. c. Van der Peet, le juge en chef Lamer a fait les remarques suivantes au nom de la Cour:

Selon un principe juridique bien établi, lorsqu'une cour d'appel examine la décision du juge du procès, elle doit faire montre d'une retenue considérable à l'égard des conclusions de fait du juge, en particulier lorsque ces conclusions de fait sont fondées sur son appréciation des témoignages et de la crédibilité des témoins. Dans l'arrêt Stein c. Le navireKathy K—, [. . .] le juge Ritchie, au nom de la Cour, a conclu, à la p. 808, que, en l'absence d'"erreur manifeste et dominante" ayant faussé l'appréciation des faits par le juge du procès, une cour d'appel ne doit pas substituer ses propres conclusions sur les faits à celles tirées par ce dernier:

    On ne doit pas considérer que ces arrêts signifient que les conclusions sur les faits tirées en première instance sont intangibles, mais plutôt qu'elles ne doivent pas être modifiées à moins qu'il ne soit établi que le juge du procès a commis une erreur manifeste et dominante qui a faussé son appréciation des faits. Bien que la Cour d'appel ait l'obligation de réexaminer la preuve afin de s'assurer qu'aucune erreur de ce genre n'a été commise, j'estime qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation de la prépondérance des probabilités aux conclusions tirées par le juge qui a présidé le procès.

Ce principe a également été suivi dans des arrêts plus récents de notre Cour: Beaudoin-Daigneault c. Richard [. . .]; Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville) [. . .]; Hodgkinson c. Simms [. . .]. Dans l'arrêt récent Schwartz c. Canada [. . .], le juge La Forest a, au par. 32, fait l'observation suivante, à laquelle je souscris, au sujet de la retenue dont doivent faire montre les cours d'appel à l'égard des conclusions de fait:

    Une intervention illimitée des cours d'appel ferait augmenter considérablement le nombre et la durée des appels en général. D'importantes ressources sont mises à la disposition des tribunaux de première instance pour qu'ils puissent évaluer les faits. Il faut préserver l'autonomie et l'intégrité du procès en faisant preuve de retenue à l'égard des conclusions de fait des tribunaux de première instance; [. . .] Cela explique pourquoi la règle s'applique non seulement lorsque la crédibilité des témoins est en cause, quoiqu'elle puisse alors s'appliquer plus strictement, mais également à toutes les conclusions de fait tirées par le juge de première instance [. . .]

Je souligne également qu'il a été décidé que le principe de la retenue par les cours d'appel s'applique aussi aux conclusions de fait du juge de première instance qui sont fondées sur son appréciation de la crédibilité des témoignages d'experts: N.V. Bocimar S.A. c. Century Insurance Co. of Canada5 [. . .] [Renvois omis.]

[]En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt a entendu et soupesé la preuve présentée par les parties et a tiré une conclusion de fait décisive, à savoir que dans ce cas-ci l'argent emprunté avait été utilisé en vue d'acheter une maison. À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas commis d'erreur manifeste ou dominante en tirant cette conclusion, et je n'interviendrais donc pas.

2.    La déduction des intérêts a toujours par le passé été refusée lorsque des opérations telles que celles-ci étaient conclues

[]Des affaires dont les faits étaient semblables à ceux de la présente espèce ont déjà donné lieu à des décisions défavorables au contribuable. La première décision, Robitaille c. R., est identique quant aux faits à la présente espèce6. Dans cette affaire-là, le contribuable avait retiré, le 12 juin 1985, 100 000 $ du compte d'associé qu'il avait à son cabinet d'avocats et le 13 juin 1985 il avait acheté une résidence personnelle à l'aide de cette somme. Le même jour, il avait grevé cette résidence d'une hypothèque de 100 000 $; le 14 juin 1985, il avait remis la somme en question dans son compte d'associé. Le ministre avait rejeté la déduction relative aux intérêts hypothécaires demandée par M. Robitaille et ce dernier a porté l'affaire en appel.

[]Après avoir souscrit à l'analyse effectuée par le juge Bowman, de la Cour canadienne de l'impôt, dans la décision Mark Resources Inc. c. Canada, [1993] 2 C.T.C. 2259 (C.C.I.) le juge Dussault, de la Cour canadienne de l'impôt, a principalement fondé sa conclusion sur les remarques finales bien connues qui ont été faites dans l'arrêt [Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32]. Il a fourni les explications suivantes:

J'estime que les faits de la présente affaire sont en substance suffisamment semblables à ceux décrits par le juge en chef Dickson pour être lié par ses propos. Dans chaque cas, il y a, sur une courte période, réaffectation de fonds initialement utilisés pour produire un revenu à une fin personnelle puis un emprunt dont le produit est aussitôt affecté à l'usage productif initial.

Si l'aspect contraignant d'un obiter énoncé sous forme d'une simple remarque en passant peut être discutable, il en est tout autrement lorsqu'une opinion motivée est exprimée à l'égard de transactions spécifiquement décrites. L'aspect contraignant d'un obiter le devient évidemment davantage lorsqu'une telle opinion sans équivoque est exprimée dans un jugement unanime de la Cour suprême du Canada7.

[]Dans les motifs qu'il a prononcés en l'espèce, mon collègue dit que les derniers paragraphes bien connus de l'arrêt Bronfman Trust ne s'appliquent pas dans ce cas-ci, étant donné que le trompe-l'œil n'est pas allégué. Mon collègue omet ainsi de tenir compte du raisonnement qui a été fait dans la décision Robitaille, supra. À mon avis, cela n'est pas correct parce que selon la décision du juge en chef Dickson, le trompe-l'œil constitue uniquement l'un des motifs pour lesquels une cour rejetterait avec raison une opération telle que celle qui est ici en cause. Voici ce que le juge en chef Dickson a dit:

Quoi qu'il en soit, j'avoue que j'ai des doutes sur la prémisse admise par Sa Majesté. Si, par exemple, la fiducie avait dans un court laps de temps vendu un bien précis productif de revenu, payé le prélèvement sur le capital à la bénéficiaire et racheté le même bien, les tribunaux auraient bien pu estimer que la vente et le rachat constituaient une formalité ou un simulacre conçu pour dissimuler le caractère essentiel de l'opération, c'est-à-dire que de l'argent a été emprunté et utilisé pour financer le paiement d'un prélèvement sur le capital à la bénéficiaire. Sur ce point, voir l'affaire Zwaig c. Ministre du Revenu national [. . .] dans laquelle le contribuable a vendu des titres, s'est servi du produit pour acheter une police d'assurance-vie, puis a emprunté sur la police pour racheter les titres. Or, suivant le sous-al. 20(1)c)(i), l'affectation d'argent emprunté à l'achat d'une police d'assurance-vie n'est pas une utilisation ouvrant droit à une déduction au titre d'intérêts. C'est donc à bon droit que la Commission de révision de l'impôt a refusé d'accorder la déduction réclamée à l'égard de l'intérêt payé, quoique la forme des opérations du contribuable ait été de nature à créer une apparence de conformité avec les exigences de la disposition prévoyant la déduction au titre d'intérêts. Les contribuables ne sont pas toujours favorisés quand on qualifie leurs opérations selon leur véritable caractère commercial et pratique. En l'espèce, la fiducie-contribuable demande à cette Cour de lui donner le bénéfice d'une qualification fondée sur le prétendu caractère commercial et pratique de ses opérations. En même temps, toutefois, elle veut que ce caractère commercial et pratique soit déterminé par référence à une qualification hypothétique qui est la quintessence du formalisme. Je ne puis admettre qu'elle réussisse8. [Je souligne.]

[]Dans ce passage, la Cour suprême a expressément approuvé la décision rendue dans l'affaire Zwaig, M c. MRN9, qui est l'autre affaire dont les faits sont semblables à ceux de la présente espèce et dans laquelle la déduction avait été rejetée.

[]Dans l'affaire Zwaig, le contribuable avait vendu des titres productifs de revenu à une maison de courtage et, à l'aide du produit, il avait acheté une police d'assurance-vie d'un montant nominal d'environ 560 000 $ moyennant le paiement en espèces d'une prime unique d'environ 250 000 $. Après avoir acheté ce bien non déductible, le contribuable avait emprunté de l'argent à la compagnie d'assurance et, à l'aide de cet argent, il avait racheté les titres qu'il avait vendus à la maison de courtage. Par conséquent, dans l'affaire Zwaig, le contribuable avait liquidé les actions et avait acheté une police d'assurance-vie. Il avait ensuite emprunté l'argent à la banque et avait racheté les actions. De toute évidence, cette affaire est semblable à celle qui nous occupe10. La Commission de révision de l'impôt a rejeté la déduction que le contribuable avait demandée à l'égard des intérêts. L'affaire Zwaig n'a pas été tranchée sur la base de la doctrine du trompe-l'œil. Voici ce que la Commission de révision de l'impôt a dit:

[traduction] Selon la preuve, il semble que M. Dunn ait toujours eu l'intention de conserver ses titres et, ce faisant, le contrôle de ses sociétés. Il semble également qu'il ait voulu acheter un bien personnel, à savoir une police d'assurance-vie, et il a donc vendu des titres d'une valeur d'environ 250 000 $.

    [. . .]

En l'espèce, l'argent emprunté n'a pas servi à l'achat d'un bien authentique, il n'a pas en partie servi à payer les stocks ou les salaires, ou encore à acquérir des biens de production et à payer les dépenses courantes. Au contraire, quant à la forme de l'opération, il a été utilisé aux fins du rachat des titres qui venaient d'être vendus et, quant à l'essence de l'opération, aux fins du rachat d'une police d'assurance-vie.

    [. . .]

En l'espèce, le produit de la vente des titres n'a pas été utilisé en vue de produire un revenu d'entreprise. Dans l'affaire Trans-Prairie Pipelines (supra), les actions privilégiées ont été utilisées dans l'entreprise en vue de produire un revenu. Par conséquent, lorsque M. Dunn a emprunté de l'argent sur sa police d'assurance-vie, ce n'était pas en vue de combler le vide laissé par le rachat des actions privilégiées, comme dans l'affaire Trans-Prairie Pipelines. Au contraire, l'entreprise a été privée d'une somme d'environ 250 000 $ qui aurait permis de générer un revenu parce que la police d'assurance-vie n'a pas contribué de quelque façon que ce soit à accroître les chances pour l'entreprise de générer un revenu additionnel.

    [. . .]

Il faut examiner la situation dans son ensemble pour découvrir l'essence de l'opération et, ce faisant, pour déterminer si l'argent emprunté a été utilisé en vue de produire un revenu d'entreprise.

Il est évident en soi que l'argent emprunté n'a pas été réinvesti dans l'entreprise pour produire un revenu, mais qu'il a servi à l'achat d'une police d'assurance-vie. Par conséquent, l'appel est rejeté11. [Je souligne.]

[]À mon avis, les derniers paragraphes de l'arrêt Bronfman Trust sont fondés en droit, comme les décisions Robitaille et Zwaig. Finalement, il incombe à cette Cour d'examiner la "situation dans son ensemble", c'est-à-dire les réalités commerciales et économiques sous-tendant l'opération, afin de déterminer si l'argent emprunté a été "utilisé en vue de tirer un revenu". Si la production d'un revenu ne constitue pas la fin visée, on ne saurait retenir une approche qui vise à assurer sous la forme d'opérations la déductibilité d'intérêts qui ne sont pas par ailleurs déductibles.

[]Par conséquent, des opérations semblables à celles que le contribuable a conclues en l'espèce ont été examinées et rejetées dans l'arrêt Bronfman Trust, supra, dans la décision Zwaig, supra, et dans la décision Robitaille, supra, et la question de la déductibilité des intérêts dans des affaires telles que celle-ci a été réglée.

3.    Il incombe à la Cour, en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi, d'examiner les réalités commerciales et économiques sous-tendant l'opération en vue de déterminer si l'argent emprunté a été "utilisé en vue de tirer un revenu"

[]Dans un monde où les opérations sont régulièrement conclues en plusieurs étapes, le tribunal qui se demande si l'argent emprunté a été "utilisé en vue de tirer un revenu" ne saurait omettre de tenir compte de la réalité de l'opération en examinant uniquement l'une des étapes préalables à l'utilisation en question. La Cour suprême a dit à deux reprises qu'en déterminant si l'alinéa 20(1)c ) de la LIR a été observé, les tribunaux doivent "[tenir] compte de la réalité économique de la situation"12. Il faut examiner la situation dans son ensemble. On ne saurait chercher à savoir quelles sont les "réalités commerciales et économiques"13 ou la "fin réelle"14 d'une opération en se limitant à une étape ou à plusieurs étapes de l'opération. On omettrait ainsi d'attribuer un sens au mot "purpose" [but] figurant dans la version anglaise de l'alinéa 20(1)c ) de la LIR et l'on permettrait aux contribuables habiles de "créer une illusion de conformité avec les conditions apparentes d'admissibilité à une déduction d'impôt"15, et ce, d'une façon irrégulière.

[]Afin de réduire la possibilité d'une ambiguïté, j'aimerais énoncer clairement la nature de la tâche que le législateur a confiée aux tribunaux lorsqu'il s'agit d'interpréter l'alinéa 20(1)c).

3.1    Qu'entendons-nous par "but"?

[]Il va sans dire qu'en l'absence de l'alinéa 20(1)c), les intérêts afférents aux capitaux engagés ne seraient pas du tout déductibles. Selon le raisonnement initial interdisant la déduction des intérêts, l'accumulation de capitaux est par définition imputable au capital et ne peut pas être déduite du revenu. Cette thèse découle de la conviction passée selon laquelle une personne devait organiser son entreprise à l'aide de ses propres capitaux, les sociétés qui ne disposaient pas des fonds nécessaires pour créer une entreprise n'ayant pas droit à des déductions à cet égard16. La déductibilité des intérêts a initialement été autorisée sous une forme restreinte en 1923, la déduction de l'argent emprunté qui était utilisé pour produire un revenu étant autorisée à condition que le taux stipulé soit raisonnable17. La disposition relative à la déductibilité des intérêts a été modifiée en 194818, et la disposition qui est en vigueur de nos jours est presque identique à la disposition qui s'appliquait en 1948, puisqu'il est expressément fait mention de "l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu".

[]De nombreux adjectifs ont été utilisés pour décrire ce que signifie le mot "purpose" figurant dans la version anglaise de l'alinéa 20(1)c ) de la LIR. Que cherchent exactement les juges? En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt a parlé de l'"objectif fondamental"19 et de "ce qui s'est réellement produit"20. Dans l'arrêt récent Les Entreprises Ludco, supra, on a utilisé de nombreux adjectifs pour décrire le genre de fin recherchée. À la page 5157, le juge d'appel Marceau a dit ce qui suit:

[. . .] personne ne saurait douter que ce à quoi le législateur se réfère est l'intention réelle, véritable et non simulée ou seulement prétendue. [Je souligne.]

[]À la page 5160, le juge Desjardins, J.C.A., a fait une observation similaire, en faisant remarquer ce qui suit:

Je suis d'accord avec mon collègue, le juge Létourneau, lorsqu'il affirme qu'il ne peut souscrire à la prétention de l'intimée selon laquelle l'obtention d'un revenu à partir des sommes empruntées doit être le but dominant de l'investisseur pour que la condition maîtresse du sous-alinéa 20(1)c)(i) soit satisfaite et que les intérêts soient déductibles.

[]Le juge Létourneau n'était pas d'accord; il était dissident sur ce point. À son avis, toute fin visant à produire un revenu constitue un motif suffisant pour conclure à la déductibilité en vertu de l'alinéa 20(1)c). À la page 5167, voici ce qu'il a dit:

Comme je l'ai déjà mentionné, le sous-alinéa 20(1)c)(i) ne stipule pas que l'argent emprunté doit être utilisé "principalement" dans le but de tirer un revenu de biens. La déduction des intérêts vise à inciter et permettre l'acquisition d'un capital potentiellement générateur de revenus. C'est la conclusion à laquelle nous conduisent les mots "utilisé en vue de tirer un revenu de biens". Dès lors, il suffit que l'investisseur ait , au moment de faire son investissement avec de l'argent emprunté, une expectative raisonnable de revenus. Il n'est pas nécessaire qu'il ait une expectative de revenus raisonnables. [Soulignement ajouté.]

[]Dans l'arrêt Les Entreprises Ludco, supra, il s'agissait de savoir si le but qu'il faut rechercher en analysant la question de la déductibilité des intérêts est le but "réel", "véritable" ou "dominant" de l'opération. Ces adjectifs montrent que les tribunaux cherchent à découvrir le but visé à la lumière de la réalité commerciale et économique des opérations. Si la dissidence exprimée dans l'arrêt Les Entreprises Ludco est exacte, et si tout but acceptable satisfait aux exigences de l'alinéa 20(1)c) de la LIR, cette disposition perd de sa force. Il est difficile de concevoir un emprunt qui ne pourrait pas être organisé de façon à donner lieu à une déduction, selon l'avis exprimé par la minorité dans l'arrêt Les Entreprises Ludco. En outre, dans l'arrêt Les Entreprises Ludco, le juge dissident interprète l'alinéa 20(1)c) comme s'il était question de l'utilisation "dans l'intention de tirer un revenu". En pareil cas, les fins accessoires visant à la production d'un revenu satisferaient aux exigences de l'alinéa 20(1)c ), comme c'est le cas pour une société. Toutefois, la version anglaise de la disposition en question n'utilise pas l'article indéfini "a", mais plutôt l'article défini "the"; par conséquent, l'argent emprunté est uniquement déductible, en vertu de l'alinéa 20(1)c ), s'il est utilisé dans le but de produire un revenu.

[]Si l'argent emprunté est divisé et utilisé en vue de produire un revenu et à des fins personnelles, est-il possible de soutenir que le montant dans son ensemble pourrait être déduit, étant donné que l'un des buts de l'utilisation était acceptable? Il ne pourrait en être ainsi. Selon le libellé de la version anglaise de la disposition en question, l'argent emprunté doit être utilisé "for the purpose of earning income", et non "for a purpose to earn income". Si l'argent emprunté est divisé et utilisé à plus d'une fin, une déduction ne peut être effectuée que dans la mesure où l'argent est utilisé en vue de produire un revenu. De toute évidence, l'argent qui est utilisé à des fins non productives de revenu ne peut donner lieu à une déduction. En outre, si les fonds sont mélangés et utilisés à différentes fins, il se peut qu'aucune déduction ne soit autorisée21 .

[]Si les tribunaux devaient uniquement tenir compte de l'utilisation effective directe de l'argent emprunté, l'alinéa 20(1)c) autoriserait la déduction de toutes sortes d'emprunts contractés à des fins personnelles. Il est difficile d'imaginer une opération qui ne pourrait pas être organisée de façon à être conforme aux mots "utilisé en vue de tirer un revenu" si l'utilisation effective directe de l'argent emprunté était l'unique élément dont il faut tenir compte22 . Pareille interprétation stricte de l'alinéa 20(1)c) est peu soutenable.

[]Il ne s'agit pas simplement d'une question de sémantique. La Loi dit que l'argent emprunté doit être "utilisé en vue de tirer un revenu". Le législateur voulait donc que l'argent emprunté soit utilisé en vue de produire un revenu. Les tribunaux ont remarqué la chose: la Cour suprême a demandé à deux reprises aux tribunaux de rechercher la "réalité commerciale et économique" de l'opération afin de déterminer si l'argent emprunté a été utilisé en vue de produire un revenu. Il est impossible de savoir quelles sont les réalités commerciales et économiques d'une situation si on limite l'analyse aux deux dernières étapes d'une opération donnée. Les tribunaux doivent tenir compte de l'opération dans son ensemble et découvrir le but véritable dans lequel l'argent emprunté a été utilisé.

3.2    Il n'existe pas de règle stricte en ce qui concerne la séparation des étapes d'une opération relative à un emprunt

[]En l'espèce, on a insisté sur la question de savoir si le tribunal qui cherche le "but" visé doit considérer les opérations telles que celle qui est ici en cause comme deux opérations distinctes ou s'il doit les considérer comme une seule opération. Un problème similaire s'est posé dans l'affaire Shell Canada , sur laquelle cette Cour a récemment statué23. Dans cette affaire-là, la Cour a considéré l'opération en tenant compte d'une façon adéquate et exacte des réalités économiques qui la sous-tendaient. La Cour devait tirer une conclusion au sujet de la réalité économique sous-tendant une série fort complexe d'opérations au moyen desquelles Shell avait contracté des emprunts à un taux d'intérêt élevé (à l'étranger) et avait conclu des contrats à terme de devise moyennant un taux à terme escompté tout aussi élevé (à l'étranger). Shell avait donc répondu à ses besoins financiers en contractant un emprunt à un taux d'intérêt élevé, en obtenant, une fois l'opération conclue, un gain égal à la différence entre le taux d'intérêt à l'étranger et le taux d'intérêt interne à la date de l'opération. La Cour a décidé de décrire les réalités économiques de cette opération en considérant l'émission obligataire et les contrats à terme comme des opérations distinctes et en appliquant la théorie de la parité des taux d'intérêt pour examiner le véritable taux d'intérêt applicable à l'opération24.

[]Aucune règle stricte n'exige que des opérations complexes soient considérées comme des étapes distinctes ou comme une seule opération. Il s'agit ici de découvrir la réalité économique et commerciale de l'opération afin de déterminer si l'argent emprunté a été utilisé en vue de produire un revenu.

[]En l'espèce, la réalité économique est que l'argent emprunté par le contribuable a été utilisé en vue d'acheter une maison. Cet emprunt contracté à des fins personnelles n'a absolument rien généré sur le plan des capitaux engagés. Comme le juge de la Cour de l'impôt l'a conclu, l'achat d'une maison constituait l'objectif fondamental. Je ne ferais pas de l'alinéa 20(1)c) de la LIR un pas de deux. Je préfère voir le ballet au complet et en arriver à une opinion plus subtile et réaliste. En l'espèce, c'est l'approche que le juge de la Cour de l'impôt a suivie et je ne modifierais pas sa décision.

3.3    Il faut examiner ce que le contribuable a réellement fait, et non ce qu'il aurait pu ou ce qu'il aurait dû faire

[]Comme dans toute affaire de déduction des intérêts dont cette Cour est saisie, il a été soutenu que le contribuable aurait pu organiser ses affaires de façon à se conformer à la Loi et qu'il n'aurait pas dû être pénalisé pour avoir choisi un mécanisme différent en vue d'atteindre ses objectifs. On affirme que si l'appelant avait masqué sa conduite et avait attendu un certain temps pour acheter la maison ou s'il avait emprunté un autre montant ou encore s'il avait fait autre chose, la déduction aurait peut-être été admise. Dans l'arrêt Bronfman Trust, le juge en chef Dickson a répondu d'une façon exhaustive à cet argument en faisant remarquer que la Cour n'a pas à statuer sur ce que le contribuable aurait pu faire, mais sur ce qu'il a réellement fait:

Avant de terminer, je veux aborder un dernier argument invoqué par l'avocat de la fiducie. On a soutenu"et Sa Majesté en a généreusement convenu"que la fiducie aurait obtenu une déduction au titre d'intérêts si elle avait vendu des biens en vue de payer les prélèvements sur le capital et avait ensuite emprunté pour remplacer ces biens. Par conséquent, selon ce point de vue, on ne devrait pas refuser à la fiducie une déduction au titre d'intérêts simplement parce qu'elle a obtenu le même résultat sans les formalités d'une vente et d'un rachat de biens. Il suffit pour répondre à cet argument d'invoquer le principe selon lequel les tribunaux doivent tenir compte de ce que le contribuable a réellement fait et non pas de ce qu'il aurait pu faire25 [. . .] [Soulignement ajouté.]

[]En l'espèce, le contribuable a emprunté 300 000 $ à la banque et a investi cet argent dans son cabinet d'avocats le jour même où il a retiré 300 000 $ de son cabinet d'avocats et acheté une maison. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que l'argent emprunté avait été utilisé en vue d'acheter une maison. À mon avis, on ne saurait soutenir qu'il ne faut pas tenir compte de l'utilisation personnelle de l'argent parce qu'une meilleure planification fiscale aurait pu donner lieu à une déduction d'intérêts qui était admissible en vertu de la Loi.

3.4    Lorsque la fin visée par le contribuable qui emprunte de l'argent est contraire au but de l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la fin réelle ne peut pas viser à la production d'un revenu

[]La Cour suprême a statué à deux reprises que "[l]a disposition permettant la déduction des intérêts a pour but de favoriser l'accumulation de capitaux productifs de revenus imposables"26. En l'espèce, aucun capital générant un revenu imposable n'a été accumulé. L'appelant a retiré de l'argent de son cabinet d'avocats et a acheté une maison. Le seul capital accumulé l'a été à des fins personnelles. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que l'opération visait l'achat d'une maison. Étant donné que le comportement du contribuable dans ce cas-ci contredit le but visé par la disposition, on ne saurait raisonnablement dire que le contribuable [a convaincu] la Cour que la "fin réelle qu'il visait en utilisant les fonds était de gagner un revenu"27.

[]Mon collègue soutient que les personnes qui ont une participation dans des bureaux ou dans des entreprises doivent être en mesure de refinancer cette participation au moyen d'un emprunt. Je suis d'accord. Cependant, je ne suis pas d'accord lorsqu'il s'agit de savoir si le présent appelant peut refinancer sa participation en capital de cette façon compte tenu des faits et s'il peut déduire les intérêts sur l'argent emprunté en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi. À mon avis, une opération qui ne vise pas à la production d'un revenu ira toujours à l'encontre des dispositions de l'alinéa 20(1)c) de la LIR parce que, comme le juge en chef Dickson l'a dit:

Il me semble qu'à tout le moins, le contribuable doit convaincre la Cour que la fin réelle qu'il visait en utilisant les fonds était de gagner un revenu28. [Je souligne.]

Le juge en chef Dickson répond pleinement au point soulevé par mon collègue. Le contribuable, dans cette opération, ne peut pas convaincre la Cour que la fin réelle qu'il visait en utilisant les fonds était de gagner un revenu.

[]Le raisonnement que le juge en chef Dickson a fait au sujet de l'historique législatif de la disposition en question répond également à l'avis exprimé par mon collègue, à savoir que le refinancement doit être autorisé. Le juge en chef Dickson a fait remarquer que la déductibilité résulte d'une seule des utilisations possibles de l'argent emprunté:

Je partage l'avis du juge Marceau quant au but de la disposition permettant la déduction d'intérêts. Le législateur a conçu le sous-al. 20(1)c)(i) et lui a donné effet nonobstant l'al. 18(1)b) pour favoriser l'accumulation de capitaux productifs de revenus imposables. Ce ne sont pas tous les intérêts qui sont déductibles. L'intérêt sur l'argent emprunté pour produire un revenu exempt d'impôt ne l'est pas. L'intérêt sur l'argent emprunté pour acheter des polices d'assurance-vie ne l'est pas. L'intérêt sur les emprunts utilisés à des fins non productives de revenu, telles que la consommation personnelle ou la réalisation de gains en capital, ne l'est pas non plus. La déduction prévue par la loi exige donc qu'on détermine si l'argent emprunté a été utilisé en vue de tirer un revenu imposable d'une entreprise ou d'un bien, ce qui constitue une utilisation admissible, ou s'il a été affecté à quelqu'une des possibles utilisations inadmissibles. Il incombe au contribuable d'établir que les fonds empruntés ont été utilisés à une fin identifiable ouvrant droit à la déduction. Par conséquent, si le contribuable mélange des fonds utilisés à différentes fins, dont une partie seulement est admissible, il peut ne pas pouvoir réclamer la déduction29 [. . .] [Je souligne.]

[]La Loi et la jurisprudence nous enseignent que la restructuration du capital peut uniquement donner lieu à une déduction si l'argent emprunté est utilisé en vue de produire un revenu. Il est parfaitement possible de refinancer sa participation au moyen d'un emprunt, mais les intérêts y afférents peuvent uniquement être déduits si l'argent emprunté est "utilisé en vue de tirer un revenu". Le libellé adopté par le législateur n'a rien d'ambigu. L'alinéa 20(1)c ) de la Loi n'est pas destiné à favoriser le refinancement de la dette. Il est destiné à favoriser l'accumulation du capital, d'où l'exigence selon laquelle l'argent emprunté doit être "utilisé en vue de tirer un revenu". En l'espèce, aucun nouveau capital n'a été accumulé. Dans ce cas-ci, l'appelant a contracté un emprunt à des fins personnelles. M. Singleton a retiré 300 000 $ de son cabinet d'avocats et a acheté une maison le jour même où il a emprunté 300 000 $ à la banque pour rembourser son cabinet. Les intérêts sur l'argent emprunté en vue d'acheter une maison ne sont pas déductibles.

Dispositif

[]Pour les motifs susmentionnés, je rejetterais l'appel, les dépens étant adjugés à l'intimée.

    * * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Rothstein, J.C.A.:

La question en litige

[]Il s'agit d'un appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt concernant la question de savoir si des intérêts sont déductibles en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, dans sa forme modifiée. Le sous-alinéa 20(1)c)(i) permet la déduction de:

20. (1) [. . .]

    c) une somme payée dans l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu), en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur

        (i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien [. . .]

Il s'agit de savoir si l'appelant a utilisé l'argent qu'il avait emprunté en vue de tirer un revenu de son cabinet d'avocats ou s'il l'a utilisé en vue de financer l'achat d'une maison. Dans un cas, les intérêts sont déductibles; dans l'autre, ils ne le sont pas.

Les faits

[]Le 27 octobre 1988, l'appelant était l'un de deux associés chez Singleton Urquhart, un cabinet d'avocats ayant des bureaux à Vancouver et à Calgary. En plus des deux associés, le cabinet avait à son service onze avocats et divers autres employés. Le 27 octobre 1988, le compte de capital de l'appelant chez Singleton Urquhart renfermait au moins 300 000 $. Ce jour-là, Singleton Urquhart a versé à l'appelant une somme de 300 000 $ prélevée sur son compte de capital. L'appelant a utilisé cette somme pour acheter une maison qui a été enregistrée au nom de sa conjointe.

[]Plus tard, le 27 octobre 1988, l'appelant a emprunté 298 750 $ à la Bank of British Columbia et, avec une somme de 1 250 $ qui lui appartenait, il a remis en tout 300 000 $ dans son compte de capital chez Singleton Urquhart30.

[]L'appelant a payé des intérêts s'élevant à 3 688,52 $ en 1988 et à 27 415,46 $ en 1989 et il a déduit les intérêts dans ses déclarations de revenu de ces années-là. Le ministre a établi une nouvelle cotisation par laquelle il rejetait la déduction des intérêts. L'appelant a porté l'affaire en appel devant la Cour canadienne de l'impôt.

[]Essentiellement, le juge de la Cour de l'impôt a conclu qu'à la fin de la journée du 27 octobre 1988, l'appelant avait financé l'achat d'une maison et s'était endetté envers la Bank of British Columbia. En considérant l'affaire sous cet angle, il a conclu que les fonds empruntés par l'appelant avaient été utilisés aux fins de l'achat de la maison. Les passages suivants des motifs du juge expliquent son analyse des faits [aux pages 2876 à 2879]:

Le 27 octobre 1988, un montant d'argent a été obtenu de la banque, il a transité par le cabinet pour aboutir immédiatement entre les mains de l'appelant et servir à l'achat de la maison. Sans donner à entendre qu'il y a eu trompe-l'œil ou dissimulation, c'est ce qui s'est réellement produit.

    [. . .]

Peu importe le point de vue adopté, on ne peut dire de façon réaliste en l'espèce que l'argent emprunté a été utilisé aux fins d'un apport de capital dans la société. L'objectif fondamental était l'achat d'une maison, et l'échange de chèques qui s'est produit le 27 octobre 1988 n'y change rien.

    [. . .]

Pour utiliser les fonds aux fins véritables pour lesquelles ils avaient été empruntés, il a fallu que se produisent une série d'événements secondaires et accessoires. En théorie, dans une série liée d'événements menant à une conclusion prédéterminée, on pourrait poser comme postulat que le but de chaque événement dans la séquence est l'atteinte du résultat qui suit immédiatement, mais, pour déterminer le "but" de l'emprunt au sens de l'alinéa 20(1)c), la Cour est confrontée à des considérations pratiques qui n'intéressent pas le théoricien pur.

    [. . .]

Ce que l'appelant a cherché à faire, il l'a fait. Je conclus ainsi du fait que, même si l'on accepte la validité en droit des mesures prises et que l'on traite l'objectif fiscal manifeste comme étant sans importance, on ne peut nier le fait que la véritable fin économique à laquelle l'argent emprunté a été utilisé était l'achat d'une maison, et non pas l'accroissement de la capacité productive du cabinet au moyen d'un apport de capital [. . .]

Les appels sont rejetés avec frais.

Norme de contrôle

[]Le juge de la Cour de l'impôt a employé les termes "on ne peut nier le fait" [soulignement ajouté] en parlant de la "véritable fin économique à laquelle l'argent emprunté a été utilisé" [soulignement ajouté]. Selon un principe de droit bien établi, en l'absence d'erreur manifeste et dominante ayant faussé l'appréciation des faits par le juge du procès, une cour d'appel ne doit pas substituer ses propres conclusions sur les faits à celles tirées par ce dernier. Voir R. c. Van der Peet31 .

[]Dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc.32, le juge Iacobucci a expliqué la différence entre les questions de droit, les questions de fait et les questions de droit et de fait:

En résumé, les questions de droit concernent la détermination du critère juridique applicable; les questions de fait portent sur ce qui s'est réellement passé entre les parties; et, enfin, les questions de droit et de fait consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique.

Lorsqu'une distinction est faite entre les questions de droit et les questions de droit et de fait, il faut notamment se demander si le point litigieux met en cause un principe général et s'il est possible qu'il soit de nouveau soulevé dans des affaires futures. Dans l'affirmative, il s'agit d'une question de droit.

[]En l'espèce, les faits se rapportent à des opérations qui ont été conclues le 27 octobre 1988. La question de la crédibilité ne se pose pas. Ces faits ne sont pas contestés. Le litige porte ici sur la façon dont les opérations doivent être analysées pour l'application de l'alinéa 20(1)c). À coup sûr, si toutes les opérations que l'appelant a conclues le 27 octobre 1988 sont considérées comme une seule opération ou comme une série d'opérations liées, on arrivera à la conclusion tirée par le juge de première instance. Toutefois, si chaque opération est traitée d'une façon indépendante (c'est-à-dire le retrait de fonds du compte de capital d'une part et le remplacement de ces fonds d'autre part), il sera conclu que l'argent emprunté à la banque a été utilisé en vue de remplacer les capitaux engagés par l'appelant dans le cabinet d'avocats.

[]La question de savoir de quelle façon il convient de traiter les opérations pour l'application de l'alinéa 20(1)c), c'est-à-dire d'une façon indépendante ou comme faisant partie d'une série d'opérations liées, est à mon avis une question de droit parce qu'elle comporte la détermination d'un critère juridique permettant d'apprécier les opérations qui ont en fait été conclues. Étant donné que le litige porte sur une question de droit, il est opportun pour cette Cour de réexaminer la conclusion que le juge de la Cour de l'impôt a tirée au sujet des fins auxquelles l'appelant avait contracté l'emprunt en question.

Analyse

A.    Motifs pour lesquels les opérations sont considérées d'une façon indépendante

[]Comme je l'ai déjà dit, il s'agit ici de savoir si les opérations en l'espèce doivent être considérées d'une façon indépendante ou comme faisant partie d'une série d'opérations liées. À mon avis, les opérations doivent en l'espèce être considérées d'une façon indépendante. C'est uniquement de cette façon qu'il est possible de tenir compte de la situation véritable de l'appelant et de ce qu'il a réellement fait. L'appelant avait versé son propre argent dans le compte de capital du cabinet et il a retiré cet argent en vue de l'utiliser pour acheter une maison. Il a contracté un emprunt pour regarnir le compte de capital. Si l'achat de la maison et l'emprunt sont considérés comme ne constituant qu'une seule opération ou comme faisant partie d'une série d'opérations liées, les faits n'ont aucun sens. Un examen plus approfondi des opérations démontre pourquoi il serait inexact de ne pas attribuer de sens aux opérations individuelles qui ont été conclues en l'espèce.

[]Au début de la journée du 27 octobre 1988, l'appelant avait plus de 300 000 $ dans son compte de capital. Selon lui, le compte de capital était financé à l'aide de ses propres fonds, c'est-à-dire qu'il n'était pas financé à l'aide d'un emprunt personnel. Il n'est pas possible de savoir exactement à quoi servaient ces 300 000 $ à un moment donné, mais cet argent serait généralement utilisé en vue de financer des actifs du cabinet comme l'encaisse, les investissements à court terme, le mobilier, les agencements et l'équipement, les comptes clients et peut-être d'autres actifs qui n'étaient pas financés au moyen d'un emprunt ou du capital de l'autre associé. Lorsque les 300 000 $ étaient retirés du compte, les actifs du cabinet (soit selon toute probabilité l'encaisse) diminuaient et ses dettes augmentaient si le cabinet devait emprunter de l'argent pour verser à l'appelant ses 300 000 $. Afin de remplacer les actifs du cabinet ou d'éviter que le cabinet ait à s'endetter encore plus par suite du retrait d'argent du compte de capital, l'appelant a emprunté une somme de 298 750 $ à la banque et, avec une somme de 1 250 $ qui lui appartenait, il a versé 300 000 $ au cabinet. À la fin de la journée du 27 octobre 1988, le compte de capital de l'appelant s'élevait au même montant qu'au début de la journée. Toutefois, les fonds étaient maintenant refinancés à l'aide d'un prêt bancaire personnel consenti à l'appelant.

[]Rien ne laisse entendre que le cabinet n'ait pas eu besoin de la somme que l'appelant lui avait versée pour remplacer la somme retirée du compte de capital. De fait, il est évident que le cabinet en avait besoin puisque la somme a été remplacée le même jour. On ne laisse pas non plus entendre que les opérations n'étaient pas de véritables opérations, c'est-à-dire qu'il s'agissait d'un trompe-l'œil visant à montrer qu'il se passait quelque chose alors qu'en réalité, ce n'était pas le cas33. Selon la preuve, les fonds qui ont été versés au cabinet le 27 octobre 1988 provenaient de l'emprunt contracté à la Bank of British Columbia, à l'égard duquel l'appelant avait une obligation légale de payer des intérêts.

[]Si les opérations sont considérées d'une façon indépendante, il est donc clair que l'argent que l'appelant a utilisé en vue d'acheter la maison était de l'argent qui lui appartenait et qu'il avait retiré du compte de capital et que l'argent que l'appelant a utilisé en vue de regarnir son compte de capital avait été emprunté à la Bank of British Columbia.

[]Si les opérations ne sont pas considérées d'une façon indépendante, il existe une incohérence inexpliquée. L'investissement initial de capitaux par un associé dans un cabinet d'avocats peut être financé à l'aide d'un emprunt à l'égard duquel les intérêts payables sont déductibles. Cet investissement peut également être refinancé par la suite à l'aide d'un emprunt à l'égard duquel les intérêts sont déductibles, par exemple si l'associé change de banque. Le ministre n'a donné aucun motif logique en vue d'expliquer pourquoi, si un associé investit ses propres fonds dans son cabinet, il ne peut pas les retirer pour les utiliser à des fins personnelles et refinancer son investissement à l'aide d'un emprunt à l'égard duquel les intérêts sont déductibles. Pourtant, tel est le résultat si les opérations sont considérées comme ne formant qu'une seule opération ou comme une série d'opérations liées dans lesquelles l'utilisation non admissible des fonds retirés est liée au refinancement par emprunt. L'alinéa 20(1)c) exige que l'argent emprunté soit utilisé en vue de produire un revenu. Son application n'est pas limitée à l'investissement initial ou au remplacement de sommes préalablement empruntées. Son application n'exclut pas le refinancement par emprunt du capital que l'associé a engagé dans son cabinet et qu'il a retiré à des fins non admissibles.

[]Au cours des plaidoiries, l'avocat du ministre a soutenu que s'il y avait un laps de temps entre le moment où l'argent est retiré du cabinet à des fins non admissibles et le moment où une somme empruntée est versée au cabinet pour remplacer l'argent retiré, l'utilisation de la somme empruntée pourrait être considérée comme visant à produire un revenu, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas de lien entre l'utilisation non admissible des fonds retirés et l'argent emprunté. Toutefois, je ne puis voir comment cela a quelque chose à voir avec la question. À coup sûr, le fait qu'il s'est écoulé un certain temps pourrait rendre moins évident le but dans lequel les fonds retirés ont été utilisés, mais cela ne saurait servir de fondement justifié permettant de conclure que l'argent emprunté en vue de remplacer les fonds retirés a été utilisé ou n'a pas été utilisé en vue de produire un revenu pour l'application de l'alinéa 20(1)c). Bien sûr, si toutes les opérations sont conclues le même jour, le contribuable risque davantage de ne pas structurer les opérations de façon à assurer que l'emprunt satisfasse aux exigences de l'alinéa 20(1)c), c'est-à-dire qu'il "prendra des raccourcis". Toutefois, à condition que les opérations soient structurées d'une façon régulière et qu'il n'y ait pas de trompe-l'œil, je ne vois pas pourquoi des opérations qui sont conclues le même jour ne devraient pas être considérées d'une façon indépendante et se voir chacune attribuer un sens.

B.    Bronfman Trust"Ratio decidendi

[]Deux conditions énoncées dans l'arrêt Bronfman Trust c. La Reine34 à l'égard de la déductibilité des intérêts sont pertinentes en l'espèce. La première se rapporte à la possibilité de remonter à la source de l'opération. Aux pages 45 et 46, le juge en chef Dickson dit ceci:

Il incombe au contribuable d'établir que les fonds empruntés ont été utilisés à une fin identifiable ouvrant droit à la déduction.

En l'espèce, il peut être établi que les fonds empruntés à la Bank of British Columbia ont été utilisés à une fin identifiable admissible, soit le refinancement du compte de capital de l'appelant. La somme en question est physiquement passée de la Bank of British Columbia au compte de capital de l'appelant. De fait, le ministre a concédé qu'il ne s'agit pas ici de remonter à la source de l'opération.

[]La seconde condition se rapporte à l'utilisation directe de la somme empruntée. À la page 48, le juge en chef Dickson dit ceci:

À mon avis, ni la Loi de l'impôt sur le revenu ni la jurisprudence n'autorisent les tribunaux à ne pas tenir compte de l'usage direct qu'un contribuable fait d'argent emprunté.

Dans l'arrêt Bronfman Trust, supra, l'argent emprunté a été utilisé en vue de verser aux bénéficiaires des montants prélevés sur le capital:

Il n'y a aucune contestation concernant l'usage immédiat et direct qu'on a fait des fonds empruntés. On s'en est servi pour payer à la bénéficiaire les montant prélevés sur le capital et non pas pour acheter des biens productifs de revenu35.

La fiducie avait soutenu qu'en contractant un emprunt en vue de verser des montants prélevés sur le capital aux bénéficiaires, elle pouvait conserver les biens productifs de revenu. Le résultat serait le même que dans le cas où des biens sont vendus en vue de verser les sommes en question, de l'argent étant ensuite emprunté pour remplacer ces biens. Cet argument a été rejeté pour le motif que l'utilisation directe est une utilisation non admissible, et ce, même si l'utilisation indirecte est admissible.

[]Si l'appelant, en l'espèce, avait directement utilisé l'argent emprunté pour financer l'acquisition de la maison et avait ensuite soutenu que le résultat serait le même que s'il avait utilisé aux fins de l'acquisition le capital qu'il avait engagé dans le cabinet et l'avait remplacé à l'aide d'un emprunt, il serait dans la même situation que le contribuable dans l'affaire Bronfman Trust, supra, et il n'aurait pas le droit de déduire les intérêts. Toutefois, ce n'est pas ce qui a été fait dans ce cas-ci.

[]En l'espèce, l'argent emprunté a directement été utilisé en vue de renflouer le compte de capital de l'appelant. En considérant l'argent emprunté comme s'il était utilisé pour financer l'achat de la maison, on ne tient pas compte de ce que l'appelant a réellement fait, à savoir qu'il a utilisé l'argent emprunté pour remplacer les fonds qui devaient être dans son compte de capital. Comme l'a dit le juge en chef Dickson dans l'arrêt Bronfman Trust, la Cour ne peut pas omettre de tenir compte de l'usage direct que l'appelant a fait des fonds empruntés.

C.    Bronfman Trust"remarques incidentes

[]J'ai également tenu compte des remarques incidentes suivantes qui ont été faites dans l'arrêt Bronfman Trust36:

Si, par exemple, la fiducie avait dans un court laps de temps vendu un bien précis productif de revenu, payé le prélèvement sur le capital à la bénéficiaire et racheté le même bien, les tribunaux auraient bien pu estimer que la vente et le rachat constituaient une formalité ou un simulacre conçu pour dissimuler le caractère essentiel de l'opération, c'est-à-dire que de l'argent a été emprunté et utilisé pour financer le paiement d'un prélèvement sur le capital à la bénéficiaire. Sur ce point, voir l'affaire Zwaig c. Ministre du Revenu national, [1974] C.T.C. 2172 (C.R.I.), dans laquelle le contribuable a vendu des titres, s'est servi du produit pour acheter une police d'assurance-vie, puis a emprunté sur la police pour racheter les titres. Or, suivant le sous-al. 20(1)c)(i), l'affectation d'argent emprunté à l'achat d'une police d'assurance-vie n'est pas une utilisation ouvrant droit à une déduction au titre d'intérêts. C'est donc à bon droit que la Commission de révision de l'impôt a refusé d'accorder la déduction réclamée à l'égard de l'intérêt payé, quoique la forme des opérations du contribuable ait été de nature à créer une apparence de conformité avec les exigences de la disposition prévoyant la déduction au titre d'intérêts.

[]En l'espèce, le ministre ne soutient pas qu'il y a eu trompe-l'œil ou dissimulation.

[]Néanmoins, si l'on considère ces remarques incidentes isolément et si l'on tient compte du fait que le juge en chef Dickson souscrivait apparemment au résultat obtenu dans l'affaire Zwaig [Zwaig c. Ministre du Revenu national, [1974] CTC 2172 (C.R.I.)], on pourrait être porté à conclure que même en l'absence de trompe-l'œil, l'appelant dans ce cas-ci ne devrait pas être autorisé à déduire les intérêts payés. Cette Cour et la Cour suprême du Canada n'ont pas eu l'occasion d'examiner les remarques incidentes ou des affaires semblables à l'affaire Zwaig depuis qu'une décision a été rendue dans l'affaire Bronfman Trust. Toutefois, selon certains commentaires, il est difficile de concilier la ratio decidendi de la Cour suprême et les remarques incidentes qui ont été faites dans l'arrêt Bronfman Trust. Ainsi, Brian A. Felesky et Sandra E. Jack, dans leur article intitulé "Is there Substance to "Substance over Form" in Canada?"37 soutiennent que les remarques incidentes qui ont été faites dans l'arrêt Bronfman Trust ne sont pas conformes à l'approche qui a en fin de compte été adoptée dans la décision. Selon eux, l'application de la doctrine de l'utilisation directe est incompatible avec les remarques incidentes que la Cour a faites, à savoir que le contribuable devrait se voir refuser la déduction lorsque la fin directe satisfait aux exigences de l'alinéa 20(1)c), mais que la fin indirecte n'y satisfait pas. Voici ce qu'ils disent:

[traduction] De fait, il est intéressant, sinon surprenant, de noter qu'après avoir souscrit à une interprétation large au sujet de la réalité commerciale, la Cour suprême a adopté une approche stricte à l'égard de l'alinéa 20(1)c). Seule la fin directe a finalement été adoptée, mais non la fin indirecte. Cela n'est pas conforme aux jugements des tribunaux d'instance inférieure et à de nombreuses autres décisions, y compris celles qui sont mentionnées dans les remarques incidentes. Il est possible de soutenir que cela est également incompatible avec la conclusion que la Cour a elle-même tirée au sujet du résultat qui devrait être obtenu dans des circonstances différentes"à savoir lorsque la fin directe visée par le contribuable satisfait aux exigences de l'alinéa 20(1)c), mais que la fin indirecte n'y satisfait pas. [Je souligne.]

[]Dans cet appel, la fin directe visée par l'appelant satisfait aux exigences de l'alinéa 20(1)c), mais la fin indirecte n'y satisfait pas. En appliquant les remarques incidentes aux faits de l'espèce on omet de reconnaître l'approche fondée sur l'utilisation directe établie par la Cour suprême dans l'arrêt Bronfman Trust. En outre, l'application des remarques incidentes en l'espèce serait également incompatible avec les prononcés plus récents de la Cour suprême, selon lesquels en l'absence d'un trompe-l'œil ou d'une opération factice, le contribuable ne devrait pas se voir refuser l'avantage des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu auxquelles il se conforme, même s'il le fait uniquement aux fins de la planification fiscale. Dans l'arrêt Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, supra, le juge Bastarache, qui était dissident quant au résultat, mais qui a parlé au nom de la Cour à l'unanimité sur ce point, a adopté l'approche préconisée par le juge Iacobucci dans l'arrêt Canada c. Antosko38; il a énoncé trois principes de droit importants qui sont pertinents en l'espèce. Premièrement, le contribuable qui se conforme aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ne devrait pas se voir refuser le bénéfice de ces dispositions simplement parce que l'opération en cause était motivée par des considérations de planification fiscale. Deuxièmement, en l'absence d'une preuve que l'opération est un trompe-l'œil ou qu'elle représente un abus des dispositions de la Loi, et lorsque le libellé de la Loi est clair, il n'appartient pas à un tribunal de statuer sur l'affaire en se fondant sur son opinion au sujet de la question de savoir si le contribuable a droit à une déduction. Troisièmement, la Cour commet une erreur en ne tenant pas compte de la réalité juridique et commerciale d'une opération.

[]Dans l'arrêt Continental Bank, aux pages 328 à 330, voici ce que le juge Bastarache dit:

Le contribuable qui se conforme à tous égards aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ne devrait pas se voir refuser le bénéfice de ces dispositions simplement parce que l'opération en cause était motivée par des considérations de planification fiscale. Dans Stubart Investments, précité, notre Cour a rejeté à l'unanimité le "critère de l'objet commercial" et confirmé qu'un contribuable peut se prévaloir des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu pour monter une opération dont l'unique objet est de réduire l'impôt à payer. De même, dans Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, le juge Iacobucci, qui a rendu le jugement unanime de notre Cour, a tiré la conclusion suivante à la p. 328:

    En l'espèce, même si elle concède que ces éléments factuels sont présents, l'intimée demande à la Cour d'examiner et d'évaluer l'opération elle-même et de conclure qu'elle est d'une manière ou d'une autre hors de la portée de la disposition en question. En l'absence d'une preuve que l'opération est un trompe-l'œil ou qu'elle représente un abus des dispositions de la Loi, il n'appartient pas à un tribunal de déterminer si elle rend le contribuable admissible à une déduction. Si les conditions de l'article sont remplies, le contribuable peut l'invoquer et il est loisible au législateur de lui interdire expressément de les invoquer à l'avenir dans de telles situations.

Il a ajouté ce qui suit, à la p. 330:

    De toute évidence, l'opération ici en cause n'était pas un trompe-l'œil. Les conditions de la disposition ont été remplies d'une manière qui n'était pas artificielle. En l'absence d'ambiguïté des termes de la disposition, il n'appartient pas à notre Cour de conclure que les appelants devraient se voir refuser une déduction parce qu'ils ne méritent pas une "aubaine", comme l'intimée le soutient. En l'absence d'une ambiguïté qui forcerait le tribunal à examiner les résultats de l'opération pour déterminer l'intention du législateur, l'évaluation normative des conséquences de l'application d'une disposition donnée relève du législateur et non des tribunaux.

Après avoir conclu que l'opération n'était pas un trompe-l'œil, la Cour d'appel n'aurait pas dû arriver à la conclusion que les parties n'avaient pas l'intention requise pour former une société en nom collectif valide simplement parce que l'opération était motivée par l'avantage fiscal en découlant. La Cour d'appel a tenu pour acquis que la prédominance d'objectifs d'ordre fiscal ou l'absence d'un objet commercial concomitant autorise ou oblige le tribunal à faire abstraction de la forme juridique de l'opération que les parties entendaient réaliser.

En l'espèce, la réalité juridique et commerciale est que Leasing entendait créer et a effectivement créé avec Central une société en nom collectif au sens de l'art. 2 de la Loi sur les sociétés en nom collectif. La Cour d'appel a commis une erreur en ne tenant pas compte de l'essence d'une opération opposable en droit. [Je souligne.]

[]Quant au premier point, il est certain que dans ce cas-ci l'appelant cherchait uniquement à réduire son obligation fiscale. Il a délibérément et sans avoir recours à la tromperie, structuré les opérations conclues le 27 octobre 1988 de façon que son emprunt et son obligation légale de payer des intérêts soient visés par l'alinéa 20(1)c). Le motif qui l'animait ne l'empêche pas de bénéficier des dispositions de l'alinéa 20(1)c), puisqu'il se conformait à tous les égards aux dispositions de cet alinéa. Comme le juge Iacobucci l'a dit dans l'arrêt Neuman c. M.R.N.39, les contribuables ont le droit d'organiser leurs affaires, et notamment les opérations avec lien de dépendance qu'ils concluent, dans le seul but de se trouver dans une situation favorable sur le plan fiscal:

Cependant, comme nous l'avons vu, les contribuables ont le droit d'organiser leurs affaires dans le seul but de se trouver dans une situation favorable sur le plan fiscal et, pour appliquer ce principe, aucune distinction ne doit être établie entre les opérations effectuées sans lien de dépendance et celles effectuées avec lien de dépendance (voir Stubart, précité). La LIR comporte de nombreuses dispositions et règles anti-évitement particulières qui régissent le traitement des opérations effectuées avec lien de dépendance. Nous ne devrions pas nous empresser de rehausser la disposition en cause ici, alors qu'il est loisible au législateur d'être précis quant aux méfaits à éviter.

Rien ne permet de refuser à l'appelant la déduction des intérêts sur cette base.

[]Quant au deuxième point, le ministre ne soutient pas que ce qui s'est passé dans ce cas-ci était un trompe-l'œil ou qu'il y a eu dissimulation; il ne soutient pas non plus que le libellé de l'alinéa 20(1)c) est ambigu. L'emprunt contracté par l'appelant satisfaisait aux exigences de l'alinéa 20(1)c) d'une manière qui n'était pas factice. Il ne conviendrait pas de trancher la question de la déductibilité des intérêts en se fondant sur la question de savoir si, de l'avis de la Cour, l'appelant pouvait déduire les intérêts.

[]Enfin, la réalité juridique et commerciale de cette opération est que l'appelant a retiré ses propres fonds de son cabinet d'avocats en vue d'acheter une maison. Le même jour, il a emprunté de l'argent pour remplacer les fonds qui devaient être dans son compte de capital, au cabinet. Dans l'arrêt Bronfman Trust, la Cour a adopté une approche qui obligeait le contribuable à établir que les fonds empruntés avaient été utilisés à une fin identifiable directe ouvrant droit à la déduction prévue à l'alinéa 20(1)c). Comme je l'ai déjà conclu dans ces motifs, l'appelant a satisfait à ces exigences. Il ne conviendrait pas d'omettre de tenir compte de l'essence d'un emprunt opposable en droit qui a été contracté à des fins productives de revenu dans le présent appel.

D.    Interprétation de l'alinéa 20(1)c)

[]Je crois qu'il existe un autre motif permettant de conclure que l'approche fondée sur la série d'opérations liées doit être rejetée. Dans l'ouvrage intitulé The Fundamentals of Canadian Income Tax, supra40, le professeur Krishna fait les remarques suivantes:

[traduction] Le jugement Mark Resources laisse néces-sairement entendre que lorsque des dispositions sont prises en plusieurs étapes, la déductibilité des frais engagés au titre des intérêts dépend du but véritable de la "série d'opérations" et non du but de l'utilisation directe immédiate des fonds. Toutefois, rien ne permet d'incorporer l'approche fondée sur une série d'opérations dans l'alinéa 20(1)c) de la Loi. L'expression "série d'opérations", qui figure 41 fois dans la Loi, n'est pas utilisée à l'alinéa 20(1)c). Lorsque la Loi emploie l'expression "série d'opérations", cette série est réputée inclure toutes les opérations liées qui ont été conclues ou tous les événements liés qui se sont produits en prévision de la conclusion de la série d'opérations. Puisque cette expression ne figure pas à l'alinéa 20(1)c), il est raisonnable d'inférer que le législateur n'avait pas l'intention d'incorporer dans cette disposition le critère relatif à la série d'opérations.

Je souscris à l'avis exprimé par le professeur Krishna. Dans le contexte de la Loi de l'impôt sur le revenu, où l'expression "série d'opérations" figure 41 fois, le fait que cette expression n'est pas employée à l'alinéa 20(1)c ) laisse entendre que le législateur n'avait pas l'intention d'incorporer dans cette disposition le critère relatif à la série d'opérations ou, en d'autres termes, de réunir une série d'opérations individuelles comme s'il s'agissait d'une seule opération, comme le ministre cherche à le faire en l'espèce.

Dispositif

[]L'appel est accueilli, le jugement de la Cour canadienne de l'impôt est infirmé ainsi que la nouvelle cotisation établie par le ministre. Le ministre établira une nouvelle cotisation conformément à ces motifs. L'appelant a droit aux dépens dans cette Cour et à la Cour canadienne de l'impôt.

Le juge McDonald, J.C.A.: Je souscris à cet avis.

1 Les motifs du juge de la Cour de l'impôt sont publiés à [1996] 3 C.T.C. 2873.

2 Les Entreprises Ludco Ltée et al. c. La Reine (1999), 99 DTC 5153 (C.A.F.). Cette décision sera examinée plus à fond ci-dessous.

3 Motifs en appel, à la p. 2876.

4 Voir, par ex., In re Estate of Smith & Hogan, Ltd., [1932] R.C.S. 661, à la p. 673 ([traduction]: "Toutefois, à mon avis, la signature des contrats de vente conditionnelle est tout aussi compatible avec le fait d'avoir l'intention d'accepter une garantie sur les voitures par suite des avances consenties, tout en ayant une idée erronée de l'effet juridique qu'aurait pareille garantie, qu'avec l'intention de la part des appelantes d'acheter les voitures. Il s'agit de savoir quelle est l'intention des parties, ce qui est une question de fait au sujet de laquelle deux tribunaux ont tiré des conclusions concourantes."); voir également Wildenburg Holdings Ltd. v. Ontario (Minister of Revenue) , [1999] 2 C.T.C. 161 (Div. gén. Ont.), à la p. 166 ([traduction]: "Il est bien établi que la question de savoir si un bien particulier utilisé dans une société est un bien ne dépend pas de la façon dont le titre est détenu, mais qu'il s'agit d'une question de fait fondée sur l'intention des parties."); R.P.M. Tech Inc. v. Harvey & Co. (1993), 111 Nfld. & P.E.I.R. 12 (C.S. 1re inst. T.-N.), juge Wells, à la p. 22 ([traduction]: "La question de savoir quelle était l'intention des parties est à mon avis une question de fait et la Cour doit faire de son mieux pour déterminer cette intention."); Milos Equipment Ltd. v. Insurance Corp. of Ireland (1988), 34 C.C.L.I. 102 (C.S.C.B.), à la p. 108 inf. pour d'autres motifs [1990], 5 W.W.R. 757 (C.A.C.B.) ([traduction]: "Étant donné que la question de savoir quelle était l'intention des parties est essentiellement une question de fait, la jurisprudence est peu pertinente à cet égard.").

5 ;R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507, au par. 81, aux p. 564 à 566. J'aimerais faire remarquer que la Cour suprême a réitéré ce principe dans l'un de ses jugements les plus récents: voir Ryan c. Victoria (Ville), [1999] 1 R.C.S. 201, au par. 57, p. 239.

6 Les motifs de la décision Robitaille sont publiés à [1997] 3 C.T.C. 3031 (C.C.I.).

7 [1997] 3 C.T.C. 3031, à la p. 3041.

8 Bronfman Trust, supra, à la p. 55.

9 Zwaig, M c. MRN, [1974] C.T.C. 2172 (C.R.I.).

10 Et, compte tenu de ces similarités frappantes, l'appelant ne tente pas de faire une distinction, mais il a plutôt décidé de soutenir devant cette Cour que la décision Zwaig est erronée.

11 Supra, note 9, aux p. 2174 et 2175.

12 Voir Tennant c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 305, au par. 26, p. 322; Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32, aux p. 52 à 55.

13 Bronfman Trust, supra, aux p. 52 et 53.

14 Bronfman Trust, supra, à la p. 54.

15 Bronfman Trust, supra, à la p. 53.

16 Voir par ex., Canada Safeway Limited v. The Minister of National Revenue, [1957] R.C.S. 717, à la p. 727.

17 Voir Loi modifiant la Loi de l'Impôt de guerre sur le Revenu, 1917, S.C. 1923, ch. 52, art. 2.

18 Voir Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1948, ch. 52, art. 11.

19 Motifs en appel, à la p. 2876.

20 Ibid.

21 Voir, Bronfman Trust, supra, à la p. 45, cité ci-dessous, note 29, juge en chef Dickson.

22 Au par. 63 de ses motifs, mon collègue retient le raisonnement que Vern Krishna a fait dans ses écrits, à savoir que la décision Mark Resources Inc. c. Canada, [1993] 2 C.T.C. 2259 (C.C.I.) est erronée. Je ne suis pas d'accord. Il est largement reconnu que la décision Mark Resources est fondée en droit en ce qui concerne l'analyse des opérations. Cette décision est régulièrement citée par la Cour canadienne de l'impôt sur ce point: voir par ex. Douglas Chisholm, Harvey Chisholm et Paul Chisholm c. R., [1999] 1 C.T.C. 2498 (C.C.I.), à la p. 2510; Chase Manhattan Bank of Canada c. R., [1997] 2 C.T.C. 3097 (C.C.I.), à la p. 3102 ([traduction]: "C'était la nature pratique et commerciale des opérations en cause."); Gibson Petroleum Co. c. R. , [1997] 3 C.T.C. 2453 (C.C.I.), aux par. 32 à 35, p. 2465 à 2466; Robitaille c. R., [1997] 3 C.T.C. 3031 (C.C.I.), aux p. 3036 et 3037; Canwest Broadcasting Ltd. c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2780 (C.C.I.), aux p. 2791 à 2794; Garneau (J.V.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2978, (C.C.I.), aux p. 2979 et 2980; Mara Properties Ltd. c. Canada, [1993] 2 C.T.C. 3189 (C.C.I.), aux p. 3199 et 3202. La décision Mark Resources a été citée avec approbation sur ce point par la Cour fédérale (Section de première instance) dans Ludmer c. Ministre du Revenu national, [1998] 2 C.T.C. 104 (C.F. 1re inst.), à la p. 126. Mark Resources a été cité à trois reprises avec approbation par cette Cour: voir par ex. Canada c. Shell Canada Ltd., [1998] 3 C.F. 64 (C.A.), au par. 43, p. 88; voir également 74712 Alberta Ltd. c. M.R.N., [1997] 2 C.F. 471 (C.A.), à la p. 509, juge Robertson, J.C.A. (qui souscrivait à l'avis de la majorité quant au résultat); Canada c. Fording Coal Ltd., [1996] 1 C.F. 518 (C.A.), à la p. 537, juge MacDonald, J.C.A. (dissident). À mon avis, le raisonnement qui a été fait dans Mark Resources est compatible avec la tâche primordiale qui incombe aux tribunaux, à savoir, déterminer les réalités commerciales et économiques de l'opération en cause. Le fait que le législateur n'a pas mentionné l'analyse d'une "série d'opérations" importe peu, étant donné en particulier que la Cour suprême a clairement dit qu'il fallait rechercher les réalités commerciales et économiques de l'affaire en cause tout en tenant compte de la disposition en question, qui prévoit que l'argent emprunté doit être "utilisé en vue de tirer un revenu" [soulignement ajouté].

23 ;Canada c. Shell Canada Ltée, [1998] 3 C.F. 64 (C.A.).

24 Toutefois, le résultat aurait été le même s'il avait été considéré que l'émission obligataire et les contrats à terme constituaient une seule opération et si l'on avait calculé le taux d'intérêt véritable en tenant compte des documents dans leur ensemble. En pareil cas, le taux d'intérêt serait a) les intérêts sur la dette contractée à l'étranger moins; b) le taux à terme escompté obtenu grâce aux contrats à terme, ce qui donnerait bien sûr le taux d'intérêt interne au moment de cette opération unique ne comportant pas de risques, et ce, parce que le prix des contrats à terme de devise est fondé sur la différence entre les taux d'intérêt en vigueur dans les deux ressorts. Ainsi, l'achat de contrats à terme de devise dans un ressort étranger où les taux d'intérêt sont élevés donne une prime égale à la différence entre le taux d'intérêt en vigueur dans le ressort où ce taux est élevé et celui qui est en vigueur dans le ressort où ce taux est peu élevé. Il faut également noter que le gain futur ne comportait pas de risques: le risque dans les achats de contrats à terme est lié au taux d'intérêt; or, dans l'affaire Shell Canada, ce risque a été éliminé au moyen de l'émission obligataire effectuée simultanément. Par conséquent, s'il est considéré sous un angle différent, le taux d'intérêt approprié dans cette affaire-là serait encore le taux interne (moins élevé).

25 Bronfman Trust, supra, aux p. 54 et 55.

26 Tennant, supra, au par. 16, p. 316. Voir également Bronfman Trust, supra, à la p. 45 ("Je partage l'avis du juge Marceau quant au but de la disposition permettant la déduction d'intérêts. Le législateur a conçu le sous-al. 20(1)c )(i) [. . .] pour favoriser l'accumulation de capitaux productifs de revenus imposables. Ce ne sont pas tous les intérêts qui sont déductibles").

27 Bronfman Trust, supra, à la p. 54.

28 Ibid. Je ferais également remarquer que ces déclarations, qui ont été faites dans le contexte de l'art. 20(1)c) de la LIR, ont pour effet de limiter l'applicabilité du soi-disant principe du "duc de Westminster" dans les affaires de déductibilité des intérêts. Il est de droit constant que le duc de Westminster peut arranger ses affaires de façon à minimiser son revenu imposable, mais il est également de droit constant que, ce faisant, il ne peut pas omettre de tenir compte des lois édictées par le législateur. Dans le contexte de la déductibilité des intérêts, le duc devrait "convaincre la Cour que la fin réelle qu'il visait en utilisant les fonds était de gagner un revenu".

29 Bronfman Trust, supra, aux p. 45 et 46. J'ai examiné l'historique législatif de la question de la déduction des intérêts dans l'arrêt Shell Canada, supra, en faisant remarquer au par. 30, p. 81, que le législateur considérait les intérêts comme une dépense légitime dans la mesure où il s'agit d'une dépense d'entreprise visant à la production d'un revenu imposable. Voir Shell Canada, supra, aux par. 28 à 33, p. 80 à 83.

30 Le montant réellement emprunté s'élevait à 400 000 $, mais seule la somme de 298 750 $ est ici en cause. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que c'était la conjointe de l'appelant qui avait emprunté l'argent à la Bank of British Columbia, en fournissant apparemment une garantie sur une maison existante. Toutefois, il a conclu que l'appelant avait signé l'hypothèque en sa qualité de covenantant et qu'il était légalement tenu de payer le principal et les intérêts y afférents, et ce, non à titre de garant, mais à titre de débiteur principal. La preuve ne montre pas pourquoi M. Singleton a uniquement utilisé un montant de 298 750 $ sur l'argent emprunté pour regarnir son compte de capital, plutôt qu'un montant de 300 00 $. Cela importe peu. La preuve montre clairement qu'une somme de 300 000 $ a été retirée du compte de capital de l'appelant avant que cette somme soit remplacée par un montant de 298 750 $ provenant de l'argent emprunté et par un montant de 1 250 $ provenant des propres fonds de l'appelant.

31 [1996] 2 R.C.S. 507, au par. 81, p. 564 à 566.

32 [1997] 1 R.C.S. 748, au par. 35, p. 766 et 767.

33 Dans Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, le juge Bastarache (qui était dissident quant au résultat) exprime l'avis de la Cour à l'unanimité dans le passage suivant, figurant à la p. 316, par. 20:

    La théorie du trompe-l'œil ne s'applique qu'en présence d'un élément de tromperie dans la façon dont une opération a été conçue ou réalisée. Cette exigence a été énoncée ainsi par le juge Estey, dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, aux pp. 545 et 546:

    Le trompe-l'œil: cette expression nous vient de décisions du Royaume-Uni et signifie, de façon générale (non sans ambiguïté), une opération assortie d'un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l'opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu'elle sert à masquer.

Dans l'ouvrage intitulé The Fundamentals of Canadian Income Tax, 5e éd., Toronto: Carswell, 1995, le professeur Vern Krishna, à la p. 1371, définit le trompe-l'œil comme suit: [traduction] "Un arrangement qui en fait ne crée pas les droits et obligations qui sont censés être créés est un "trompe-l'œil" et l'on peut omettre d'en tenir compte aux fins de la détermination des effets fiscaux."

34 [1987] 1 R.C.S. 32.

35 À la p. 37.

36 À la p. 55.

37 Report of Proceedings of the Forty-fourth Tax Conference, 1992. Toronto: Association canadienne d'études fiscales, 1992, à la p. 50:33.

38 [1994] 2 R.C.S. 312.

39 [1998] 1 R.C.S. 770, à la p. 793, par. 63.

40 À la p. 1274.

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