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[1997] 2 C.F. 127

A-441-95

Mavis Baker (appelante)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)

Répertorié : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.)

Cour d’appel, juges Strayer, Robertson et McDonald, J.C.A. — Toronto, 9 octobre; Ottawa, 29 novembre 1996.

Citoyenneté et Immigration Exclusion et renvoi Renvoi de visiteurs L’appelante a des enfants nés à la Jamaïque et au CanadaAtteinte de troubles mentaux, elle a fait l’objet d’une mesure d’expulsionIl échet d’examiner si l’intérêt supérieur de l’enfant de citoyenneté canadienne doit être une considération primordiale dans l’examen du cas d’un requérant sous le régime de l’art. 114(2) de la Loi sur l’immigrationLa procédure visée à l’art. 114(2) concerne l’expulsion du père ou de la mère, non pas de l’enfant lui-mêmeLa Convention relative aux droits de l’enfant ne fait pas partie des lois internes du CanadaElle n’a pas pour effet de limiter le pouvoir discrétionnaire prévu à l’art. 114(2)La doctrine de l’attente légitime ne crée aucun droit matériel, elle n’est pas applicable.

Droit international Convention relative aux droits de l’enfantIl échet d’examiner si l’agent d’immigration ou le ministre, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qu’ils tiennent de l’art. 114(2), doivent reconnaître une certaine primauté à l’intérêt supérieur de l’enfant de citoyenneté canadienne dont le père ou la mère est en instance d’expulsionRecension de la jurisprudence en matière de conventions et de traitésLa Convention dont s’agit n’a pas été mise en vigueur par une loi canadienneElle n’est pas applicable en tant que loi interne du CanadaVu la séparation des pouvoirs, l’exécutif ne peut, en signant un traité, modifier les lois canadiennes ou empiéter sur la compétence provincialeLe principe voulant que les tribunaux interprètent les lois de façon à ne pas entraîner une violation par le Canada de ses obligations internationales ne saurait s’appliquer de façon à produire un résultat inconstitutionnel.

Appel interjeté de la décision de la Section de première instance qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire introduite contre la décision par laquelle un agent d’immigration avait refusé d’exercer le pouvoir discrétionnaire fondé sur les raisons d’ordre humanitaire, que prévoit le paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration. L’appelante, citoyenne de la Jamaïque, est arrivée à titre de visiteuse en août 1981 au Canada, où elle est restée depuis. Elle avait eu quatre enfants nés à la Jamaïque, et a eu quatre autres enfants depuis son arrivée au Canada. Après un traitement psychiatrique, elle a fait l’objet d’une mesure d’expulsion. Sa demande que cette mesure soit revue au titre des raisons d’ordre humanitaire a été rejetée par un agent d’immigration, dont la décision défavorable a été l’objet du contrôle judiciaire. Le juge des requêtes a rejeté la demande de contrôle judiciaire et, par la même occasion, a certifié une question concernant la Convention relative aux droits de l’enfant. Elle a conclu que les dispositions de la Convention ne s’appliquaient pas aux faits de la cause et qu’en tout cas, ce texte ne faisait pas partie des lois du Canada. Conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l’immigration, l’appel formé contre la décision du juge des requêtes est limité à la question certifiée, savoir si les autorités d’immigration fédérales doivent considérer l’intérêt supérieur de l’enfant de citoyenneté canadienne comme une considération primordiale dans l’examen du cas d’un requérant sous le régime du paragraphe 114(2) de la même loi.

Arrêt : l’appel doit être rejeté; la question certifiée appelle une réponse négative.

La question constitutionnelle relative à la validité du paragraphe 83(1) n’a pas été régulièrement soumise à la Cour en ce qu’elle n’a pas été certifiée conformément à cette disposition. Il n’y a pas, en matière d’immigration, droit d’appel au sujet d’un point quelconque qui ne fait pas l’objet d’une question certifiée. Il convient essentiellement d’examiner si la Convention fait à l’agent ou au ministre exerçant le pouvoir discrétionnaire qu’ils tiennent du paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration, l’obligation de reconnaître une certaine primauté à l’intérêt supérieur de l’enfant de citoyenneté canadienne lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a lieu de rapporter la mesure d’expulsion déjà prise contre son père ou sa mère. La question qui se pose implicitement, sinon explicitement, est de savoir si la règle de droit pose que l’intérêt supérieur des enfants l’emporte sur un grand nombre d’autres facteurs. « Considération primordiale » doit s’entendre au sens de « facteur plus important » et non pas du simple fait de prendre en considération l’intérêt des enfants. La question porte sur le fond, et non la procédure, de la décision de savoir si des raisons d’ordre humanitaire justifient d’exempter l’intéressé de l’expulsion. D’importants principes se sont dégagés d’arrêts récents de la Cour d’appel fédérale. En premier lieu, un enfant ne peut faire valoir lui-même aucun droit qu’il tiendrait de la Constitution contre l’expulsion de son père ou de sa mère et en conséquence, il n’a nullement le droit de se faire entendre lors de la procédure d’expulsion. En deuxième lieu, la question de savoir si les enfants seront séparés ou non de leurs parents qui doivent être expulsés relève de la décision de ces derniers et des autorités en matière de protection de l’enfance. Enfin, ce qui est en jeu dans une expulsion, ce sont les droits du père ou de la mère et non pas de l’enfant, puisque les familles ne tiennent pas de la Constitution le droit de rester ensemble dans n’importe quelle circonstance.

La question certifiée présente deux facettes : la Convention impose-t-elle directement aux autorités l’obligation de considérer en priorité le meilleur intérêt des enfants, ou le fait-elle indirectement en créant l’attente légitime que cette priorité sera accordée? Un traité signé par l’exécutif n’a pas d’effet juridique sur les droits et obligations à l’intérieur du Canada, s’il n’a pas été mis en vigueur par une loi adoptée à cet effet. La Convention relative aux droits de l’enfant n’a jamais été adoptée par une loi fédérale ou provinciale au Canada. Le principe voulant que les tribunaux interprètent les lois de façon à ne pas entraîner une violation par le Canada de ses obligations internationales ne saurait s’appliquer de façon à produire un résultat inconstitutionnel. L’exécutif ne peut accorder des pouvoirs ou créer des droits ou obligations au Canada, sans s’autoriser de la prérogative traditionnelle, de la common law, ou d’une loi fédérale ou provinciale. Il s’ensuit que par application du principe de la séparation des pouvoirs, il ne saurait par ce moyen indirect modifier une loi fédérale qui a conféré un pouvoir discrétionnaire pratiquement absolu, et qui laisse au ministre ou à son délégué le soin de décider si une personne se trouvant illégalement dans ce pays doit être exemptée des prescriptions normales de la loi, et ce pour des raisons d’ordre humanitaire. Par ces motifs d’ordre constitutionnel, les dispositions de la Convention ne sauraient avoir pour effet juridique de limiter le pouvoir discrétionnaire conféré par une loi fédérale. Il y a aussi des motifs de droit administratif pour ne pas permettre à l’exécutif d’entraver, par la ratification d’un traité, le pouvoir discrétionnaire que le ministre tient du paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration. La faiblesse fondamentale de l’argument de l’appelante tient à ce que les normes de la Convention qu’elle invoque ne s’appliquent pas, d’après leurs termes mêmes, aux faits de la cause. L’article 3, paragraphe 1, de la Convention prévoit que « [d]ans toutes les décisions qui concernent les enfants … , l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Une procédure touchant l’expulsion du père ou de la mère n’est pas plus une décision concernant les enfants qu’elle n’est une décision concernant le conjoint, les parents ou les frères et sœurs de la personne à expulser. Ce n’est qu’en cas d’expulsion de l’enfant lui-même que le réexamen pour raisons d’ordre humanitaire entraîne une décision qui le « concerne ». La procédure devant l’agent d’immigration était, au mieux, une procédure « intéressant » les enfants de l’appelante, et non une procédure les « concernant ». Il n’est pas possible, sur le plan du droit constitutionnel, d’interpréter la Convention comme ayant pour effet d’imposer aux tribunaux judiciaires, au moyen d’une mesure prise par le pouvoir exécutif fédéral, une obligation que ne prévoit pas la loi. En ce qui concerne l’attente légitime, l’appelante soutient qu’elle découle de l’engagement pris par le pouvoir exécutif fédéral, en ratifiant la Convention, de conduire l’ensemble de l’administration publique conformément aux prescriptions de ce texte. La doctrine de l’attente légitime, qui ne crée aucun droit matériel, n’a pas application en l’espèce. La Convention, n’ayant pas été mise en vigueur par voie législative au Canada, ne saurait, du point de vue du droit constitutionnel, créer des droits ou des obligations quant au mode d’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu par le paragraphe 114(2) de la Loi.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 15, 24(1).

Convention relative aux droits de l’enfant, signée par le Canada le 28 mai 1990, [1992] R.T. Can. no 3.

Loi sur la journée de l’enfant, L.C. 1993, ch. 18.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 83 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 73), 114(2), (mod., idem, art. 102).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 474 (mod. par DORS/79-57, art. 14).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Langner c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1995), 29 C.R.R. (2d) 184; 184 N.R. 230 (C.A.F.); autorisation de pourvoi en C.S.C. refusée, Langner c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1995] 3 R.C.S. vii; (1995), 30 C.R.R. (2d) 188; 193 N.R. 400; Alouache c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 197 N.R. 305 (C.A.F.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 1152 (C.F. 1re inst.) (QL); Huynh c. Canada, [1995] 1 C.F. 633 (1994), 88 F.T.R. 60 (1re inst.); Naredo et Arduengo c. Ministre de l’emploi et de l’immigration (1995), 184 N.R. 352 (C.A.F.); autorisation de pourvoi en C.S.C. refusée [1996] 1 R.C.S. viii; Tavita v Minister of Immigration, [1994] 2 NZLR 257 (C.A.); Minister for Immigration and Ethnic Affairs v Teoh (1995), 128 ALR 353 (H.C. Aust.).

DÉCISIONS CITÉES :

Huynh c. Canada, [1996] 2 C.F. 976 (1996), 134 D.L.R. (4th) 612; 36 C.R.R. (2d) 93; 197 N.R. 62 (C.A.); Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.); National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324; (1990), 74 D.L.R. (4th) 449; 45 Admin. L.R. 161; 114 N.R. 81; Attorney-General for Canada v. Attorney-General for Ontario, [1937] A.C. 326 (P.C.); Yhap c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 1 C.F. 722 (1990), 9 Imm. L.R. (2d) 243; 34 F.T.R. 26 (1re inst.); Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525; (1991), 83 D.L.R. (4th) 297; [1991] 6 W.W.R. 1; 58 B.C.L.R. (2d) 1; 127 N.R. 161.

DOCTRINE

Hogg, Peter. Constitutional Law of Canada, 3rd ed., Scarborough : Carswell, 1992.

Piotrowicz, Ryszard. « Unincorporated Treaties in Australian Law », [1996] Public Law 190.

Sullivan, Ruth. Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. Toronto : Butterworths, 1994.

APPEL interjeté d’une décision de la Section de première instance ((1995), 101 F.T.R. 110; 31 Imm. L.R. (2d) 150) qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire introduite contre la décision par laquelle un agent d’immigration avait refusé d’exercer le pouvoir discrétionnaire fondé sur les raisons d’ordre humanitaire, que prévoit le paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration. Appel rejeté.

AVOCATS :

Roger Rowe pour l’appelante.

Cheryl D. E. Mitchell et Kathryn A. Hucal pour l’intimé.

PROCUREURS :

Roger Rowe, Toronto, pour l’appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Strayer, J.C.A. :

Introduction

Il s’agit en l’espèce d’un appel interjeté contre la décision d’un juge des requêtes de la Section de première instance [(1995), 101 F.T.R. 110], qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire introduite contre la décision en date du 18 avril 1994 par laquelle un agent d’immigration avait refusé d’exercer le pouvoir discrétionnaire fondé sur les raisons d’ordre humanitaire, que prévoit le paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 102)]. Conformément au paragraphe 83(1) (mod., idem, art. 73) de la même Loi, l’appel contre la décision du juge des requêtes est limité à la question qu’elle a certifiée en ces termes [à la page 118] :

Vu que la Loi sur l’immigration n’incorpore pas expressément le langage des obligations internationales du Canada en ce qui concerne la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, les autorités d’immigration fédérales doivent-elles considérer l’intérêt supérieur de l’enfant né au Canada comme une considération primordiale dans l’examen du cas d’un requérant sous le régime du paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration?

Dans ce contexte, il faut présumer qu’il s’agit de l’intérêt supérieur de l’enfant né au Canada et dont le père ou la mère est le requérant visé au paragraphe 114(2).

Les faits de la cause

L’appelante, citoyenne de la Jamaïque, est arrivée à titre de visiteuse en août 1981 au Canada, où elle est restée depuis sans avoir jamais obtenu le statut de résidente permanente. Il ressort de son affidavit déposé devant la Section de première instance qu’elle avait eu quatre enfants nés à la Jamaïque avant qu’elle ne quitte ce pays; ils y sont toujours. Depuis son arrivée au Canada, elle a eu quatre autres enfants, qui sont citoyens canadiens. Elle a subvenu à ses propres besoins pendant quelque 11 ans au Canada avant d’être atteinte de schizophrénie paranoïde. Depuis lors, elle vit de l’assistance sociale et a subi un traitement dans un centre psychiatrique de Toronto. Le 29 décembre 1992, une mesure d’expulsion a été prise contre elle. À sa demande, cette mesure a été revue au titre des raisons d’ordre humanitaire et, le 18 avril 1994, l’agent d’immigration Caden a rendu une décision défavorable, qui était l’objet du contrôle judiciaire.

Après avoir examiné la documentation dont était saisi l’agent Caden, et qui comprenait des informations concernant les enfants, dont une lettre de la Société d’aide à l’enfance, le juge des requêtes a conclu que ces documents mettaient l’accent sur l’importance des enfants de la requérante et que ceux-ci « constituaient un important facteur dans le processus décisionnel[1] ». Le juge des requêtes présumait, comme elle était en droit de le faire, que pour parvenir à sa décision défavorable, l’agent Caden avait pris en considération tous les documents dont il était saisi. Elle a rejeté l’argument que dans l’exercice du contrôle judiciaire, la Cour ne pouvait présumer la bonne foi de la part de l’agent instruisant l’affaire sous l’angle des raisons d’ordre humanitaire, qu’il y avait parti pris de la part de ce dernier, et que l’agent Caden avait rendu sa décision au mépris des preuves produites. L’appelante a voulu soulever les mêmes points en appel, mais la Cour a refusé d’en connaître par ce motif qu’ils ne se dégagent pas de la question certifiée et que de ce fait, la Cour ne pourrait pas les entendre sous le régime du paragraphe 83(1) de la Loi sur l’immigration.

Les arguments touchant à la question certifiée et proposés devant la Cour étaient fondés sur les articles 3 et 9 de la Convention relative aux droits de l’enfant [[1992] R.T. Can. no 3], ratifiée par le Canada en 1991 et appliquée à l’égard de ce pays depuis le 12 janvier 1992. L’appelante soutient que pour décider s’il y a lieu de surseoir à l’expulsion du père ou de la mère pour des raisons d’ordre humanitaire, le meilleur intérêt des enfants doit être une « considération primordiale ». Le juge des requêtes a conclu que les dispositions de la Convention ne s’appliquaient pas aux faits de la cause et qu’en tout cas, ce texte ne faisait pas partie des lois du Canada. L’appelante fait encore valoir l’attente légitime que dans ces circonstances, le meilleur intérêt des enfants serait une considération primordiale. Cet argument est manifestement un corollaire de l’argument fondé sur la Convention, l’attente légitime tenant à ce que le gouvernement a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant. Le juge des requêtes a rejeté cet argument par des motifs semblables, savoir que la Convention ne donnait nullement lieu à pareille attente et ne saurait avoir cet effet juridique au Canada sans une loi en conséquence.

Ce sont ces arguments que la Cour a examinés dans le présent appel puisque les points qu’ils font valoir sont les seuls qui aient été soulevés en bonne et due forme dans la question certifiée.

La question constitutionnelle

Comme noté supra, le juge des requêtes a rejeté la demande de contrôle judiciaire le 26 juin 1995, en même temps qu’elle a certifié la question concernant la Convention relative aux droits de l’enfant. L’appel contre sa décision a été dûment formé et, le 28 juin 1996, c’est-à-dire un an après, la date du 9 octobre 1996 a été fixée pour l’audition du présent appel. Le 5 septembre 1996, soit plus de deux mois après que la date d’audition a été fixée, l’avocat de la requérante a saisi de nouveau le juge des requêtes pour lui demander de revoir sa décision du 26 juin 1995, et ce, afin de lui faire certifier deux autres questions. Ces questions se rapportaient à la conclusion par le juge des requêtes que faute de preuve contraire, elle devait présumer que l’agent Caden agissait de bonne foi et avait rendu une décision impartiale sur le fondement des documents soumis à son examen. Le 9 septembre 1996 [[1996] A.C.F. no 1152 (1re inst.) (QL)], elle a rejeté la requête en réexamen, concluant que les deux nouvelles questions proposées à la certification tenaient à une mauvaise interprétation des motifs de sa décision et que par conséquent, elles ne découlaient pas de cette décision. Ayant tiré cette conclusion, elle n’a pas examiné si, sur le plan de la procédure, il aurait été indiqué de certifier ces deux questions en cet état de la cause.

N’ayant pas réussi à faire certifier de nouvelles questions en matière de preuves et étant ainsi privée de la possibilité de faire valoir ces points en appel, l’appelante a déposé le 27 septembre 1996 un avis de question constitutionnelle, qui était signifié à tous les procureurs généraux. Il s’agissait de savoir si l’article 83 de la Loi sur l’immigration, qui prescrit qu’une question doit être certifiée par un juge de la Section de première instance pour pouvoir être portée devant la Cour d’appel, est inconstitutionnel au regard des articles 7 et 15 et du paragraphe 24(1) de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. Il y a lieu de noter que cet avis a été déposé quelque 12 jours avant la date fixée pour l’audition de l’appel.

L’avocat de l’appelante a ouvert son argumentation orale en informant la Cour qu’il n’entendait pas contester la validité constitutionnelle du paragraphe 83(1) puisque tout récemment, le 15 avril 1996, la Cour avait rejeté ce moyen dans Huynh c. Canada[2]. Présumant que la Cour le rejetterait de nouveau, il voulait juste faire consigner cette question constitutionnelle au dossier au cas où l’affaire irait jusqu’en Cour suprême du Canada. La Cour a fait savoir alors qu’elle verrait si la question constitutionnelle était irrecevable ou si elle se contenterait de la considérer comme faisant partie de l’argumentation pour statuer là-dessus conformément à la jurisprudence en vigueur.

Réflexion faite, je conclus qu’il faut rejeter la question constitutionnelle comme étant irrecevable en appel. En bref, elle n’est pas régulièrement soumise à la Cour en ce qu’elle n’a pas été certifiée conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l’immigration. Elle n’aurait pu être certifiée non plus, car la possibilité d’appel contre la décision que le juge des requêtes n’a pas encore rendue à l’époque n’aurait pu être un facteur pertinent à ce moment-là. Cela ne signifie pas que la constitutionnalité du paragraphe 83(1) ne peut être remise en question dans d’autres instances, comme cela a été le cas par exemple dans l’affaire Huynh où deux questions de droit ont été formulées pour décision préliminaire sous le régime de la Règle 474 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 (mod. par DORS/79-57, art. 14)]. Dans cette dernière affaire, la conclusion par la Section de première instance [[1995] 1 C.F. 633 que l’article 83 n’allait pas à l’encontre de la Charte a été portée en appel devant notre Cour. Une autre voie possible serait une action en jugement déclaratoire. Mais il ne fait aucun doute qu’en l’état actuel du droit, il n’y a pas, en matière d’immigration, droit d’appel au sujet d’un point quelconque qui ne fait pas l’objet d’une question certifiée.

Quand bien même ce serait le cas, j’exercerais le pouvoir discrétionnaire de la Cour pour ne pas connaître en appel d’un point qui n’avait pas été soulevé en première instance. Le retard même mis à soulever ce point—par suite de la demande très tardive en date du 5 septembre 1996 de réexamen de la décision du 26 juin 1995—m’engage à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour refuser d’admettre de nouveaux moyens d’appel en cet état tardif de la cause. D’ailleurs notre Cour a tranché cette question dans la cause Huynh et, depuis l’audition de l’appel en instance, la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation de pourvoi dans cette cause, avec dépens[3].

Le nouveau moyen d’appel introduit sous forme de question constitutionnelle n’est donc pas recevable.

Le point litigieux

Compte tenu de la formulation de la question certifiée, nous devons interpréter l’argument tiré de l’attente légitime comme tributaire de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il convient donc essentiellement d’examiner si, sur le plan juridique, cette Convention fait à l’agent ou au ministre exerçant le pouvoir discrétionnaire qu’ils tiennent du paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration, l’obligation de reconnaître, dans leur décision, une certaine primauté à l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a lieu de rapporter la mesure d’expulsion déjà prise contre le père ou la mère de cet enfant. Étant donné la jurisprudence de la Cour[4], la question doit s’interpréter, s’il faut vraiment y répondre, comme étant limitée aux facteurs déterminants. En l’espèce, le juge des requêtes a constaté que la situation des enfants constituait « un important facteur dans le processus décisionnel » suivi par l’agent Caden. Cela n’ajouterait donc rien aux arguments de l’appelante si la Cour prenait acte que le bien-être des enfants de la personne à expulser doit être un facteur, si cette personne l’invoque, dans toute décision sur la question de savoir s’il y a des raisons d’ordre humanitaire pour l’exempter de l’expulsion. Personne ne conteste qu’il en soit ainsi. La question qui se pose implicitement, sinon explicitement, est de savoir si la règle de droit pose que l’intérêt supérieur des enfants l’emporte sur un grand nombre d’autres facteurs. Si cet intérêt doit être « une considération primordiale », cela sous-entend qu’il peut y avoir d’autres considérations tout aussi importantes qui, au même titre que l’intérêt des enfants, ont préséance sur d’autres considérations de moindre importance. Dans ce contexte, « considération primordiale » doit s’entendre au sens de « facteur plus important » et non pas du simple fait de prendre en considération l’intérêt des enfants, comme l’a conclu le juge des requêtes. En d’autres termes, la question porte sur le fond, et non la procédure, de la décision de savoir si des raisons d’ordre humanitaire justifient d’exempter l’intéressé de l’expulsion.

La jurisprudence de la Cour

En ce qui concerne les points incorporés dans la question certifiée, je partage entièrement les conclusions du juge des requêtes, qui étaient fondées sur la jurisprudence de notre Cour. N’eût été le fait que la question de la Convention relative aux droits de l’enfant continue d’être soulevée par l’avocat de l’appelante et puisse faire l’objet d’autres appels pendants, il semblerait inutile de revenir sur des conclusions déjà tirées par la Cour. L’avocat de l’appelante invoque aussi certains récents précédents qui sont diamétralement opposés, lesquels, bien qu’à mon avis dénués d’effet en l’espèce, n’ont pas été portés à l’attention de la Cour avant que ne fussent rendues les décisions dont l’analyse suit.

L’arrêt de la Cour d’appel fédérale qui fait jurisprudence en la matière est Langner c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[5]. Dans cette cause, un couple en provenance de Pologne et entré au Canada grâce à des visas de visiteur, est resté dans ce pays où il a donné naissance à deux enfants. Il a invoqué les raisons d’ordre humanitaire pour demander à être exempté de l’impératif de quitter le Canada pour faire une demande de résidence permanente. Les parents et les enfants ont demandé à la Section de première instance de juger qu’en vertu des articles 7 et 15 de la Charte, les enfants ont en quelque sorte le droit de ne pas être séparés de leurs parents ou devraient avoir le droit de parrainer leur demande de résidence permanente. Ils soutenaient aussi que par application des articles 9 et 10 de la Convention relative aux droits de l’enfant, il ne fallait pas renvoyer les parents du Canada. En appel, le juge Décary a tiré les conclusions suivantes à l’audience même :

1. Le gouvernement du Canada n’a rien à voir avec la décision que la famille pourrait prendre au sujet des enfants. Qu’ils accompagnent leurs parents ou demeurent au Canada serait une décision privée des parents, et la Charte ne saurait être invoquée à ce sujet.

2. La Charte ne donne nullement aux parents le droit de demeurer au Canada ni aux enfants celui

… d’exiger du gouvernement canadien qu’il n’applique pas à leurs parents les sanctions prévues pour la violation des lois canadiennes en matière d’immigration[6].

3. Un enfant ne tient nullement de l’article 7 de la Charte

… [le] droit constitutionnel à n’être jamais séparé de ses parents : il suffit de penser à l’emprisonnement, à l’extradition, voire au divorce, pour constater que le droit de l’enfant est d’être là où son meilleur intérêt demande qu’il soit, et ce n’est pas nécessairement dans le meilleur intérêt d’un enfant qu’il soit en compagnie de ses parents[7].

4. Tout en concluant qu’en l’espèce, les parents prendraient la décision nécessaire dans l’intérêt des enfants, la Cour a noté que :

… si d’autres membres de la famille étaient d’avis que semblable décision n’était pas prise dans l’intérêt des enfants, le droit des enfants de demeurer au Canada pourrait faire l’objet d’un débat privé au terme duquel les tribunaux canadiens seraient appelés à juger si la décision des parents est contraire aux intérêts des enfants[8].

En d’autres termes, il appartient aux parents ou à la cour provinciale, et non à l’agent d’immigration, de décider ce qui est conforme à l’intérêt de l’enfant.

5. La Convention relative aux droits de l’enfant n’avait pas application en la matière puisqu’elle ne faisait pas partie des lois internes du Canada et, de toute façon, il suffit de prendre connaissance de ses articles 9 et 10 pour voir qu’ils ne s’appliquent pas aux faits de la cause.

La demande d’autorisation de porter l’affaire Langner devant la Cour suprême du Canada a été rejetée avec dépens le 17 août 1995 [[1995] 3 R.C.S. vii]. La jurisprudence Langner a été suivie par notre Cour dans Naredo et Arduengo c. Ministre de l’emploi et de l’immigration[9], où s’était posée la question de savoir si l’article 7 de la Charte créait pour les parents d’enfants nés au Canada le droit de demeurer dans ce pays, question à laquelle la Cour a répondu par la négative. La demande d’autorisation de pourvoi contre cette dernière décision a été rejetée par la Cour suprême du Canada le 11 janvier 1996 [[1996] 1 R.C.S. viii]. Dans Alouache c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[10], la Cour a également appliqué la jurisprudence Langner pour conclure qu’un enfant ne pouvait faire valoir lui-même aucun droit qu’il tiendrait de la Constitution contre l’expulsion de son père ou de sa mère et qu’en conséquence, il n’avait nullement le droit de se faire entendre lors de la procédure d’expulsion.

Bien que la décision Langner ait été la seule à porter expressément sur la Convention relative aux droits de l’enfant, les principes qui sous-tendent ces causes sont fondamentaux : la question de savoir si les enfants seront séparés ou non de leurs parents qui doivent être expulsés relève de la décision de ces parents et des autorités en matière de protection de l’enfance; et ce qui est en jeu dans une expulsion, ce sont les droits du père ou de la mère et non pas de l’enfant, puisque les familles ne tiennent pas de la Constitution le droit de rester ensemble dans n’importe quelle circonstance.

Applicabilité de la Convention relative aux droits de l’enfant

Comme noté supra, la question certifiée se limite au point de savoir si la Convention fait aux autorités canadiennes l’obligation exécutoire de considérer prioritairement le meilleur intérêt des enfants lorsqu’il s’agit d’exercer le pouvoir discrétionnaire qu’elles tiennent du paragraphe 114(2) pour exempter de l’expulsion. Telle qu’elle a été débattue, cette question présente deux facettes : la Convention impose-t-elle cette obligation aux autorités directement, ou le fait-elle indirectement en créant l’attente légitime que cette priorité sera accordée?

Il est nécessaire à ce propos d’avoir à l’esprit certains principes fondamentaux de droit constitutionnel et de droit administratif. Il est constant qu’un traité signé par l’exécutif n’a pas d’effet juridique sur les droits et obligations à l’intérieur du Canada, s’il n’a pas été mis en vigueur par une loi adoptée à cet effet[11]. La Convention dont il s’agit n’a jamais été adoptée par une loi fédérale ou provinciale au Canada[12]. Il est clair qu’une loi mettant en vigueur un traité doit être interprétée à la lumière de ce traité même en l’absence de toute ambiguïté[13], mais il n’a été nullement démontré que la Loi sur l’immigration est la loi qui donne effet à la Convention relative aux droits de l’enfant. Si, d’après un principe général, les tribunaux doivent interpréter toutes les autres lois de façon à ne pas entraîner une violation par le Canada de ses obligations internationales[14], ce principe ne saurait s’appliquer de façon à produire un résultat inconstitutionnel.

Le législateur a, par le paragraphe 114(2), investi le gouverneur en conseil du pouvoir d’autoriser le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration :

114.

(2) … à accorder, pour des raisons d’ordre humanitaire, … ou à faciliter l’admission de toute autre manière.

Ainsi donc, le législateur a laissé au ministre le soin de décider, dans les circonstances de la cause, s’il y a lieu d’exempter de l’expulsion pour des raisons d’ordre humanitaire. C’est en ces termes que le législateur a conféré le pouvoir discrétionnaire en la matière. Il n’a entendu ni définir les raisons d’ordre « humanitaire » ni en ordonner l’observation prioritaire.

Il est de règle au Canada que l’exécutif ne peut accorder des pouvoirs ou créer des droits ou obligations à l’intérieur du pays, sans s’autoriser de la prérogative traditionnelle, de la common law, ou d’une loi fédérale ou provinciale. Il s’ensuit que par application du principe de la séparation des pouvoirs, il ne saurait par ce moyen indirect modifier une loi fédérale qui a conféré un pouvoir discrétionnaire pratiquement absolu, et qui laisse au ministre ou à son délégué le soin de décider si une personne se trouvant illégalement dans ce pays doit être exemptée des prescriptions normales de la loi, et ce pour des raisons d’ordre humanitaire. L’exécutif ne saurait non plus, par ce moyen indirect, obliger les tribunaux du Canada à donner à des lois une interprétation qui ne s’accorde pas avec leur texte.

Qui plus est, le pouvoir exécutif du Canada ne peut pas se servir des conventions internationales de ce genre pour toucher aux droits et obligations qui relèvent de la compétence des législatures provinciales[15]. Dès lors, si l’argument de l’appelante est correct, des dispositions telles que l’article 3 de la Convention, qui par ses termes mêmes porte plus directement sur des matières intéressant les droits de propriété et les droits civils que des matières de compétence fédérale, auraient pour effet d’obliger les pouvoirs exécutif et judiciaire provinciaux à appliquer les normes établies par la Convention même en l’absence de toute loi à cet effet.

Par ces motifs d’ordre constitutionnel, je ne suis pas enclin à reconnaître aux dispositions de la Convention l’effet juridique de limiter le pouvoir discrétionnaire conféré par une loi fédérale.

Il y a indiscutablement aussi des motifs de droit administratif pour ne pas permettre à l’exécutif d’entraver, par la ratification d’un traité, le pouvoir discrétionnaire que le ministre tient du paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration. En effet, notre Cour a été saisie à maintes reprises de plaintes contre pareille limitation par l’exécutif de ce pouvoir discrétionnaire[16]. À supposer que nous acceptions l’argument qu’en ratifiant cette Convention, l’exécutif avait imposé aux agents d’immigration l’obligation de considérer prioritairement l’intérêt supérieur des enfants, que pourrait-on dire du refus par un agent d’immigration d’annuler l’expulsion du père ou de la mère brutal par ce motif que ce refus est conforme à l’intérêt supérieur de ses enfants, qui doit se voir reconnaître une priorité de premier rang? Ou de la décision de permettre l’expulsion pour des raisons d’ordre humanitaire parce que la personne expulsée retournerait dans le pays où résident son ou ses enfants et qu’il a été démontré que son retour auprès d’eux serait conforme à leur intérêt supérieur, lequel doit être une considération primordiale aux termes de la Convention?

L’analyse ci-dessus s’attache à la difficulté juridique qu’il y a à appliquer les normes prescrites par la Convention en l’absence d’une loi interne valide de mise en vigueur de ces normes, mais la faiblesse fondamentale de l’argument de l’appelante tient à ce que les normes de la Convention qu’elle invoque ne s’appliquent pas, d’après leurs termes mêmes, aux faits de la cause. J’examinerai successivement les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant (le seul instrument international mentionné dans la question certifiée) telles que les invoque l’appelante.

L’appelante ne cite que le paragraphe 1 de l’article 3, mais il faut envisager cet article dans son ensemble. Le voici :

Article 3

1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

2. Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.

3. Les États parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié.

Le paragraphe 1, qui nous intéresse en particulier, prévoit que « [d]ans toutes les décisions qui concernent les enfants … l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » [soulignements ajoutés]. Cette disposition est au cœur de l’argument de l’appelante qu’il faut répondre par l’affirmative à la question certifiée. Telle n’est pas ma conclusion. À mon avis, la procédure d’expulsion du père ou de la mère n’est pas plus une décision concernant les enfants qu’elle n’est une décision concernant le conjoint, les parents ou les frères et sœurs de la personne à expulser. Nul doute que cette décision aura des répercussions graves sur certains ou l’ensemble de ces gens, mais cela n’en fait pas pour autant une décision qui les « concerne ». Ce n’est qu’en cas d’expulsion de l’enfant lui-même que le réexamen pour raisons d’ordre humanitaire entraîne une décision qui le « concerne ».

Alors que les conventions internationales multilatérales manquent souvent, lamentablement, de précision et de clarté, il ressort clairement d’un examen de l’article 3 pris dans son ensemble qu’il prescrit des mesures de protection des enfants et des soins à leur assurer, et qu’il est dans le droit fil de cette insistance que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale. À l’inverse, donner au membre de phrase « qui concernent les enfants » le sens proposé par l’appelante reviendrait à appliquer cet article à toute procédure où le sort du père ou de la mère est en jeu, par exemple l’application de la peine pour un crime grave ou l’extradition. Je ne peux concevoir qu’en ratifiant cette Convention, l’exécutif ait imposé aux tribunaux du Canada, par exemple, l’obligation d’accorder la préséance au meilleur intérêt des enfants d’un criminel dangereux lorsqu’il s’agit de décider quelle devrait être la peine à appliquer. Nul doute que la situation de la famille de la personne reconnue coupable doit être prise en considération par le juge qui prononce la sentence, tout comme la situation de la famille de l’appelante a été prise en considération par l’agent d’immigration Caden. Mais ce serait vraiment étonnant s’il était prévu que la Convention doit avoir pour effet d’obliger le juge qui prononce la peine à tenir pour une considération primordiale le meilleur intérêt des enfants du criminel.

On peut mieux saisir le sens du membre de phrase « qui concernent les enfants » au paragraphe 1 de l’article 3 en le comparant aux termes du paragraphe 2 de l’article 12 de la même Convention. Ce dernier article, qui sera textuellement reproduit et brièvement analysé autre part, prévoit pour l’enfant le droit d’être entendu.

Article 12

2. … dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant … [Soulignement ajouté.]

À mon avis, la procédure devant l’agent d’immigration Caden était, au mieux, une procédure « intéressant » les enfants de l’appelante, et non une procédure les « concernant ». Il est intéressant de noter que la Convention elle-même fait cette distinction.

L’appelante invoque aussi le paragraphe 1 de l’article 9, mais on ne peut saisir pleinement le sens de celui-ci qu’en l’envisageant dans son ensemble :

Article 9

1. Les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant.

2. Dans tous les cas prévus au paragraphe 1 du présent article, toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues.

3. Les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.

4. Lorsque la séparation résulte de mesures prises par un État partie, telles que la détention, l’emprisonnement, l’exil, l’expulsion ou la mort (y compris la mort, quelle qu’en soit la cause, survenue en cours de détention) des deux parents ou de l’un d’eux, ou de l’enfant, l’État partie donne sur demande aux parents, à l’enfant ou, s’il y a lieu, à un autre membre de la famille les renseignements essentiels sur le lieu où se trouvent le membre ou les membres de la famille, à moins que la divulgation de ces renseignements ne soit préjudiciable au bien-être de l’enfant. Les États parties veillent en outre à ce que la présentation d’une telle demande n’entraîne pas en elle-même de conséquences fâcheuses pour la personne ou les personnes intéressées. [Non souligné dans l’original.]

L’appelante s’appuie sur le paragraphe 1 qui pose pour principe général que les enfants ne doivent pas être séparés de leurs parents contre leur gré. Sur ce point encore, un examen de l’article 9 pris dans son ensemble montre que les paragraphes 1, 2 et 3 visent les cas tels que la rupture du mariage ou le mauvais traitement des enfants au sein de la famille. Une interprétation plus large donnerait lieu aux mêmes difficultés, en matière par exemple d’application de la peine ou d’extradition, que celles qu’entraîne une interprétation large de l’article 3. Qui plus est, il ressort du paragraphe 4 de l’article 9 qu’un régime spécial s’applique à la séparation tenant à une mesure des autorités comme l’emprisonnement ou l’expulsion, autant de cas dans lesquels l’État n’est tenu qu’à l’obligation de donner des renseignements sur l’endroit où se trouvent les membres absents de la famille.

Enfin, l’appelante invoque l’article 12, en particulier son paragraphe 2. Voici ce que prévoit cet article :

Article 12

1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.

Je ferai juste deux observations au sujet du paragraphe 2. Pour autant que je sache, ce point n’a pas été soulevé devant le juge des requêtes ni de quelque façon que ce soit dans la question certifiée. Par ailleurs, compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je ne pense pas qu’il soit possible, sur le plan du droit constitutionnel, d’interpréter la Convention comme ayant pour effet d’imposer aux tribunaux judiciaires, au moyen d’une mesure prise par le pouvoir exécutif fédéral, une obligation que ne prévoit pas la loi. À cet égard, il y a lieu de noter que l’obligation imposée de cette façon tomberait en grande partie sur les autorités provinciales administrant le droit provincial de la famille et assurant l’aide juridique civile.

En ce qui concerne l’argument de l’attente légitime, l’appelante soutient que cette attente découle de l’engagement pris par le pouvoir exécutif fédéral, en ratifiant la Convention, de conduire l’ensemble de l’administration publique conformément aux prescriptions de ce texte. À part le fait que j’ai conclu que les termes de la Convention ne s’appliquent pas à l’affaire en instance, pareille application de la doctrine de l’attente légitime n’est pas possible. Il est de droit constant que l’attente légitime ne crée aucun droit matériel[17]. Comme indiqué supra, ce que fait valoir l’appelante en l’espèce, ce n’est pas juste un droit procédural de demander qu’il soit tenu compte du meilleur intérêt des enfants (ce qui a été fait selon les conclusions du juge des requêtes), mais un résultat spécifique au terme de cette prise en considération. C’est-à-dire que le meilleur intérêt des enfants doit être une « considération primordiale » ou, en d’autres termes, avoir priorité dans l’appréciation des divers facteurs. Il s’agit là d’une considération de fond, et non de procédure. Je n’examinerai donc pas la question intéressante de savoir s’il est réaliste de considérer la ratification de conventions multilatérales comme une proclamation valide à l’intention de tous les Canadiens que les affaires publiques seront subséquemment conduites conformément à ces conventions.

J’en viens maintenant, en dernier lieu, aux récentes jurisprudences néo-zélandaise et australienne que cite l’appelante. L’une et l’autre touchaient à l’exercice du pouvoir discrétionnaire soi-disant fondé sur des raisons d’ordre humanitaire, pour permettre au père ou à la mère des enfants nés dans le pays d’y demeurer. Dans chaque cas, la Convention relative aux droits de l’enfant a été invoquée par le père ou la mère pour soutenir que « l’intérêt supérieur » des enfants n’avait pas été convenablement pris en considération ainsi que le prescrit la Convention.

Dans Tavita v Minister of Immigration[18], la Cour d’appel de Nouvelle-Zélande s’est expressément abstenue de se prononcer de façon définitive sur cet argument[19]. Comme dans cette affaire, la naissance d’un enfant en Nouvelle-Zélande et le mariage de sa mère avaient eu lieu après que le ministre se fut refusé à intervenir sur la base de raisons d’ordre humanitaire, toutes les parties ont convenu qu’il n’avait pas eu l’occasion de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant ou la Convention. Ce dont la Cour était saisie, c’était l’appel formé contre le rejet du recours en contrôle judiciaire visant la décision du ministre. La Cour d’appel a simplement ajourné l’appel pour que le ministre pût revoir l’affaire compte tenu de la situation de l’enfant.

La décision qui nous intéresse davantage est celle qu’a rendue la Haute Cour de l’Australie dans Minister for Immigration and Ethnic Affairs v Teoh[20]. Dans cette affaire, Teoh, citoyen de la Malaisie, est entré en Australie en 1988 où il s’est marié la même année. Trois enfants sont nés de ce mariage. Il a demandé en 1989 la résidence permanente, mais avant que ce statut ne lui eût été accordé, il a été reconnu coupable de plusieurs chefs d’importation et de possession d’héroïne, et condamné à un emprisonnement de six ans. Subséquemment, il s’est vu refuser la résidence permanente, vu son manque de moralité ainsi que l’indique son casier judiciaire. Il a demandé au tribunal d’appel de l’immigration de revoir cette décision. Il était convenu de part et d’autre qu’un facteur dans ce recours était la question de savoir s’il y avait des [traduction] « raisons impérieuses d’ordre humanitaire » d’accorder la résidence permanente. Le tribunal était saisi entre autres des preuves relatives à la situation de famille de Teoh et il a reconnu dans sa décision que si Teoh était expulsé, sa famille serait [traduction] « confrontée à un avenir sombre et difficile ». Le tribunal a cependant accordé plus d’importance à la gravité des crimes de Teoh et a conclu que les raisons d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisamment impérieuses.

Le recours en contrôle judiciaire contre cette décision est parvenu en dernier ressort à la Haute Cour, où la majorité a jugé qu’il fallait l’annuler. Les conclusions des quatre juges formant la majorité ont été exprimées dans trois opinions séparées, avec avis dissident du juge McHugh. Par motifs conjoints, le juge en chef Mason et le juge Deane font observer que la Convention relative aux droits de l’enfant, bien que ratifiée par l’Australie, ne faisait pas partie des lois nationales de ce pays. Ils rappellent que quand une loi est ambiguë et se prête à une interprétation compatible avec les obligations internationales de l’Australie, c’est cette interprétation qui prévaut, mais que cela

[traduction] … n’a pas pour effet d’incorporer les dispositions du traité ou de la convention dans notre droit civil à titre de source de droits et d’obligations individuels[21].

En réalité cependant, ce jugement donne indirectement effet à l’article 3 de la Convention (le seul invoqué par Teoh) par ce motif qu’en la ratifiant, le gouvernement de l’Australie a créé l’attente légitime qu’il agirait conformément à ses prescriptions. Il s’ensuit, selon ce jugement, que s’il n’incombe pas à l’autorité administrative de voir dans l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale, elle est tenue d’en informer le père ou la mère afin de lui donner la possibilité de présenter des arguments contre cette manière de voir. Le juge en chef Mason et le juge Deane confirment effectivement que cela n’oblige pas l’autorité administrative à découvrir elle-même quel serait l’intérêt supérieur des enfants. Tout en prenant acte qu’en l’occurrence, le tribunal d’appel de l’immigration avait pris en considération l’intérêt de la famille, dont celui des enfants, et avait mis dans la balance cet intérêt et la mauvaise moralité notoire du demandeur, les deux juges concluent que cela ne suffisait pas pour faire de l’intérêt supérieur des enfants « une considération primordiale » comme le prescrit l’article 3 de la Convention. Ils concluent donc qu’il faut annuler la décision de l’instance administrative, laquelle était, à leur avis, une décision « qui concerne les enfants » au sens de cet article.

Le juge Toohey souscrit pour l’essentiel au raisonnement tenu par le juge en chef Mason et le juge Deane.

De son côté, le juge Gaudron exprime son accord avec l’avis du juge en chef Mason et du juge Deane [à la page 375] [traduction] « pour ce qui est du statut de la Convention au regard de la loi australienne ». On ne sait pas trop à quelle partie de leur jugement il fait référence ni s’il embrasse l’approche de l’attente légitime par laquelle ils ont appliqué la Convention. Par contre, il insiste sur l’obligation qu’a l’État de protéger ses citoyens, c’est-à-dire les enfants en question, et d’agir dans leur intérêt. Il souscrit en dernière analyse au jugement de la majorité.

Par jugement dissident, le juge McHugh a rejeté la solution de la majorité. Ses conclusions les plus importantes pour notre propos sont que l’attente légitime ne crée pas un droit matériel, et que la Convention ne donne lieu à aucune attente légitime en l’occurrence. La première conclusion est fondée sur des principes connus. La seconde est fondée à la fois sur la structure constitutionnelle de l’Australie (qui ressemble à cet égard à celle du Canada) et sur la non-applicabilité du contenu spécifique de l’article 3 de la Convention. En ce qui concerne le premier point, il conclut que si la ratification par l’exécutif d’une convention internationale devait donner lieu à l’attente légitime que celle-ci serait appliquée en Australie, cela signifierait que par cette ratification, le pouvoir exécutif a effectivement modifié la loi australienne. Non seulement cette modification lierait par la suite toutes les autorités et tribunaux fédéraux, y compris ceux qui sont légalement indépendants de l’exécutif, mais elle modifierait aussi les responsabilités des autorités des États[22]. En ce qui concerne le second point, savoir le sens de la Convention, le juge McHugh s’est prononcé en ces termes :

[traduction] À supposer que l’article 3 s’applique de façon générale aux mesures prises en application de la Loi sur la migration, je ne pense pas qu’il ait été conçu pour s’appliquer à une mesure qui a des conséquences pour l’enfant mais qui ne le vise pas directement. L’article 3 aura des conséquences énormes pour le processus administratif dans ce pays s’il s’applique aux mesures qui ne visent pas les enfants mais ne font qu’avoir des conséquences pour eux. Il semble par exemple peu probable qu’il ait été conçu dans le but d’obliger une juridiction répressive à voir dans l’intérêt supérieur d’un enfant une considération primordiale lorsqu’elle prononce une peine contre le père ou la mère de cet enfant. Et il est un grand nombre d’autres domaines administratifs où on ne saurait concevoir que l’intérêt supérieur d’un enfant puisse être la considération primordiale dans des décisions qui ont des conséquences pour lui. Une autorité publique doit-elle faire de l’intérêt supérieur d’un enfant une considération primordiale lorsqu’il s’agit de décider s’il y a lieu d’exproprier son père ou sa mère? Le commissaire à l’impôt doit-il faire de l’intérêt supérieur d’un enfant la considération primordiale lorsqu’il exerce les pouvoirs qu’il tient de la loi fédérale Income Tax Assessment Act 1936? Les questions de ce genre engagent à conclure que les dispositions de l’article 3 ont été conçues pour s’appliquer aux « décisions » visant des enfants et non à celles qui ont juste des conséquences pour eux.

Il n’était donc pas prévu que l’article 3 s’applique à la demande du statut de résident par un adulte. En l’espèce, la décision visait M. Teoh, elle ne visait pas ses enfants. Je ne pense pas que l’article 3 prescrive que les délégués du ministre font de l’intérêt supérieur des enfants une considération primordiale pour se prononcer sur la demande de M. Teoh, pas plus qu’il n’a obligé le juge qui l’a condamné à en faire une considération primordiale dans l’application de la peine[23].

Soit dit en passant, je suis parvenu aux mêmes conclusions dans la recension de la jurisprudence de cette Cour.

En conséquence, je rejette le raisonnement tenu par la majorité dans la cause Teoh et, comme l’a fait le juge des requêtes, adopte celui du juge McHugh. Le jugement de la majorité dans Teoh a été critiqué par au moins un auteur[24]. Par ailleurs, le gouvernement australien a expressément réfuté la conclusion, tirée par la Cour, que la ratification de la Convention valait engagement public de sa part de l’appliquer en Australie et, de ce fait, donnait lieu à une attente légitime en la matière. Le 10 mai 1995, le ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur et le procureur général ont fait la déclaration suivante :

[traduction] … Au nom du gouvernement, nous tenons à rappeler que la conclusion d’un traité international n’est pas une raison de s’attendre à ce que les autorités gouvernementales se conforment à ce traité, si les dispositions pertinentes n’en ont pas été incorporées dans la législation nationale australienne. Ce n’est pas légitime, pour l’application de la loi australienne, que de s’attendre à ce que les autorités doivent appliquer les dispositions d’un traité qui n’a pas été mis en vigueur par voie législative. Pareille attente n’est pas un moyen de contestation d’une décision. Il en est ainsi des traités existants comme des traités auxquels l’Australie pourra adhérer à l’avenir[25].

Cette déclaration rappelle que les autorités administratives, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qu’elles tiennent de la législation applicable, pourraient tenir compte de ces conventions, mais que les traités qui n’ont pas été incorporés dans la loi australienne ne pourraient créer ni droits ni obligations.

Conclusion

De ce qui précède, je conclus que la Convention relative aux droits de l’enfant, n’ayant pas été mise en vigueur par voie législative au Canada, ne saurait, du point de vue du droit constitutionnel, créer des droits ou des obligations quant au mode d’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu par le paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration. Cela signifie que cette Convention ne peut prévoir l’obligation, susceptible d’exécution judiciaire, d’accorder à l’intérêt supérieur des enfants d’un étranger en instance d’expulsion, la préséance sur certains autres facteurs. Une telle obligation créerait un droit matériel, non pas purement procédural; elle ne saurait faire l’objet d’une attente légitime. Qui plus est, les articles 3 et 9 de la Convention, qui sont les seuls susceptibles d’être invoqués dans cet appel, ne visent pas à prescrire, par leurs termes mêmes, la considération prioritaire du meilleur intérêt de l’enfant dans l’application du paragraphe 114(2) en cas d’expulsion de son père ou de sa mère et non de l’enfant lui-même.

Il convient de rappeler que cette conclusion ne dénie nullement l’importance qu’il faut accorder à l’intérêt des enfants des personnes en instance d’expulsion lorsque le ministre ou son délégué exerce son pouvoir discrétionnaire sur la base des raisons d’ordre humanitaire, si la situation de ces enfants est portée à leur attention. Mais c’est aux parents ou aux autres personnes qu’autorise la loi provinciale, qu’il appartient de décider, dans l’intérêt de l’enfant, si celui-ci doit accompagner le père ou la mère qui est expulsé.

Décision

Par ces motifs, il faut rejeter l’appel et répondre par la négative à la demande certifiée.

Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris aux motifs ci-dessus.

Le juge McDonald, J.C.A. : Je souscris aux motifs ci-dessus.



[1] À la p. 116.

[2] [1996] 2 C.F. 976(C.A.)

[3] 24 octobre 1996.

[4] Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.), à la p. 5.

[5] (1995), 29 C.R.R. (2d) 184 (C.A.F.).

[6] Id., à la p. 187.

[7] Ibid.

[8] Ibid.

[9] (1995), 184 N.R. 352 (C.A.F.).

[10] (1996), 197 N.R. 305 (C.A.F.).

[11] Voir p. ex. Hogg, Constitutional Law of Canada (3e éd., 1992), aux p. 285 à 287.

[12] Le Parlement du Canada n’a fait que prendre acte de l’existence de la Convention et proclamer un jour en son honneur; voir la Loi sur la journée de l’enfant, L.C. 1993, ch. 18.

[13] National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, aux p. 1371 et 1372.

[14] Voir p. ex. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd., 1994), aux p. 330, 464 et 465.

[15] Voir p. ex. Attorney-General for Canada v. Attorney-General for Ontario, [1937] A.C. 326 (P.C.).

[16] Voir p. ex. Yhap c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 1 C.F. 722 (1re inst.).

[17] Voir p. ex. Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, aux p. 557 et 558.

[18] [1994] 2 NZLR 257 (C.A.).

[19] Id., à la p. 266.

[20] (1995), 128 ALR 353 (H.C. Aust.).

[21] Id., à la p. 362.

[22] Id., à la p. 385.

[23] Id., à la p. 387.

[24] Piotrowicz, Ryszard. « Unincorporated Treaties in Australian Law », [1996] Public Law 190.

[25] Id., à la p. 194.

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