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     A-375-98

Peter Ndebele Gwala (appelant)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (intimé)

Répertorié: Gwalac. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.)

Cour d'appel, juges Strayer, Décary et Robertson, J.C.A."Vancouver, 21 mai 1999.

Citoyenneté et Immigration Contrôle judiciaire Compétence de la Cour fédérale Question certifiéeL'agent d'immigration supérieur n'était pas implicitement investi du pouvoir de se prononcer sur des questions de droit, pour les motifs exposés par le juge de la Section de première instance de la C.F. dans [1998] 4 C.F. 43.

Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Question certifiéeContrairement à ce que le juge de première instance a conclu dans [1998] 4 C.F. 43, la Section de première instance de la C.F. a compétence, sur recours en contrôle judiciaire, pour entendre une contestation de la validité constitutionnelle d'un article de la Loi sur l'immigration, bien que le tribunal n'ait pas la compétence pour trancher une telle questionLes dispositions pertinentes de la Loi sur la Cour fédérale ont été modifiées depuis qu'ont été rendues les décisions sur lesquelles le juge de première instance s'est fondéeUn tribunal qui fonde sa décision sur une disposition qui n'est constitutionnellement pas valable commet ainsi une erreur de compétencePour dire si le tribunal a agi dans les limites de sa compétence, il faut évaluer la constitutionnalité de la disposition qui lui confère cette compétence.

    lois et règlements

        Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 12.

        Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

        Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 46.4 (édicté par L.C. 1995, ch. 15, art. 11), 83(1) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 73).

    jurisprudence

        décisions appliquées:

        Gwala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 4 C.F. 43; (1998), 147 F.T.R. 246; 44 Imm. L.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.) (pour ce qui est de l'absence de compétence de l'AIS pour trancher une question de droit); Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.).

        décision non suivie:

        Gwala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 4 C.F. 43; (1998), 147 F.T.R. 246; 44 Imm. L.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.) (pour ce qui est de la compétence de la Section de première instance de la C.F. pour trancher, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, une question constitutionnelle dans le cas où le tribunal n'a pas une telle compétence).

        décisions citées:

        Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 2 R.C.S. 22; (1991), 81 D.L.R. (4th) 358; 91 CLLC 14,023; 126 N.R. 1; Canada (Procureur général) c. Sirois (1988), 90 N.R. 39 (C.A.F.).

APPEL concernant des questions certifiées dans Gwala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 4 C.F. 43; (1998), 147 F.T.R. 246; 44 Imm. L.R. (2d) 1 (1re inst.). Questions répondues et appel rejeté.

    ont comparu:

    Carolyn McCool pour l'appelant.

    Brenda Carbonnell pour l'intimé.

    avocats inscrits au dossier:

    Legal Services Society, Immigration & Refugee Law Clinic, Vancouver, pour l'appelant.

    Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par

[1]Le juge Décary, J.C.A.: Il s'agit d'un appel concernant la question suivante que Mme le juge Tremblay-Lamer1 a certifiée conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par L.C. 1992 ch. 49, art. 73)] (la Loi):

Les agents d'immigration supérieurs sont-ils implicitement investis du pouvoir de se prononcer sur des questions de droit? Dans la négative, la Section de première instance a-t-elle compétence, sur recours en contrôle judiciaire exercé en application de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, pour entendre une contestation de la validité constitutionnelle d'un article de la Loi sur l'immigration?

Le juge de première instance a conclu que les agents d'immigration supérieurs n'étaient pas implicitement investis du pouvoir de se prononcer sur des questions de droit. En conséquence, se fondant sur l'arrêt Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l'Emploi et de l'Immigration)2 de la Cour suprême du Canada et sur l'arrêt Canada (Procureur général) c. Sirois3 de notre Cour, elle a statué que la Section de première instance de la Cour fédérale elle-même n'avait pas la compétence, sur recours en contrôle judiciaire, pour trancher des questions constitutionnelles qu'un agent d'immigration supérieur n'aurait pu traiter.

[2]Le juge a poursuivi, au cas où elle aurait statué à tort qu'elle n'avait pas la compétence voulue, en examinant les arguments des parties concernant la validité constitutionnelle de l'article 46.4 [édicté par L.C. 1995, ch. 15, art. 11] de la Loi. Elle a conclu que cet article ne violait ni l'article 7, ni l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte) et a rejeté la demande de contrôle judiciaire.

[3]Nous sommes d'accord avec le juge de première instance, pour les motifs mêmes qu'elle a exposés, que l'agent d'immigration supérieur n'a pas la compétence pour trancher des questions de droit. La première partie de la question certifiée recevra donc une réponse négative.

[4]Cependant, avec égards, nous ne souscrivons pas à sa conclusion selon laquelle il s'ensuit que la Cour fédérale du Canada n'a pas la compétence, sur recours en contrôle judiciaire, pour trancher des questions constitutionnelles. À cet égard, nous sommes généralement d'accord avec les motifs que M. le juge Muldoon a exposés aux paragraphes 18 à 31 (aux pages 168 à 170) de la décision qu'il a récemment rendue dans l'affaire Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)4. Il a résumé ces motifs de la façon suivante, au paragraphe 18 (à la page 168):

On peut cependant dire, avec égards, que, comme le distingué juge paraissait elle-même s'en douter, l'affaire Gwala semble avoir été incorrectement tranchée en ce qui concerne la question de savoir si la Cour est compétente pour connaître, dans les circonstances présentes en l'espèce, d'une mise en cause de la constitutionnalité de certaines dispositions. Il y a pour cela deux raisons: d'abord, les dispositions plus larges de la Loi sur la Cour fédérale, qui n'étaient pas en vigueur aux dates où ont été tranchées les affaires Poirier c. Canada (Ministre des Affaires des anciens combattants), [1989] 3 C.F. 233; 96 N.R. 34 (C.A.F.), et Tétreault-Gadoury (mais auxquelles s'est référé le juge Nadon dans l'affaire Mobarakizadeh, précitée); ensuite, parce qu'un tribunal qui fonde sa décision sur une disposition qui n'est constitutionnellement pas valable commet une erreur de compétence. Pour dire si un décideur a agi dans les limites de sa compétence, il faut donc implicitement évaluer la constitutionnalité de la disposition qui lui confère cette compétence.

La deuxième partie de la question certifiée recevra donc une réponse affirmative.

[5]Le juge de première instance pouvait donc, comme elle l'a effectivement fait, poursuivre en examinant si l'article 46.4 de la Loi portait atteinte à l'article 7 et à l'article 12 de la Charte. Comme elle a refusé de certifier une question à l'égard de la conclusion qu'elle a tirée sur cette question, nous nous abstiendrons de faire des remarques sur ce point.

[6]La question certifiée recevra la réponse suivante:

    Les agents d'immigration supérieurs sont-ils implicitement investis du pouvoir de se prononcer sur des questions de droit?

    Réponse: Non

    Dans la négative, la Section de première instance a-t-elle compétence, sur recours en contrôle judiciaire exercé en application de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)], pour entendre une contestation de la validité constitutionnelle d'un article de la Loi sur l'immigration?

    Réponse: Oui

L'appel sera rejeté.

1 ;Gwala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 4 C.F. 43 (1re inst.), à la p. 63.

2 [1991] 2 R.C.S. 22.

3 (1988), 90 N.R. 39 (C.A.F.), à la p. 42.

4 (1998), 157 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.).

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