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T-1743-98

North Shore Health Region (demanderesse)

c.

Cosmos Shipping Lines S.A., et les propriétaires et toutes les autres personnes ayant un droit sur les navires "Alpha Cosmos", "Stellar Glory", "Sky Moon", "Sky Run", "Sunfalcon"et "White Manta" (défendeurs)

Répertorié: North Shore Health Regionc. Alpha Cosmos (Le)(1re  inst.)

Section de première instance, protonotaire Hargrave" Vancouver, 26 et 28 octobre 1998.

Droit maritime Pratique SignificationRequête visant à l'obtention d'un jugement déclaratoire portant que la déclaration a été validement signifiée au propriétaire du navire défendeur en vertu de la règle 135Un membre d'équipage s'était grièvement blessé en montant à bord du navireLe propriétaire du navire avait payé les frais médicaux par l'entremise d'un cabinet d'avocats en sa qualité d'agent d'affairesLa demanderesse a poursuivi le propriétaire du navire en signifiant la déclaration à l'agentLa signification n'a pas été acceptéeLa règle 135 traite de la signification à personne à une entité étrangère faisant des affaires au CanadaS'assurer qu'un membre d'équipage se fasse soigner et soit hospitalisé fait partie des affaires normales du propriétaire d'un navireLa règle 135 exige qu'une opération commerciale soit effectuée au CanadaLe propriétaire du navire est une entreprise étrangère utilisant une entité canadienne afin de l'aider dans une opération commercialeIl a reçu une signification valide en vertu de la règle 135.

AvocatsUn cabinet d'avocats avait agi à titre d'agent d'affaires pour une société de transport maritime étrangère en acquittant les frais d'hospitalisation d'un membre d'équipage qui s'était blesséLa demanderesse a voulu signifier la déclaration à la société de transport maritime en la signifiant à un cabinet d'avocatsLe cabinet d'avocats a pris la position selon laquelle, en l'absence d'instructions, il n'accepterait pas la significationLa signification était valide en vertu de la règle 135La signification avait été effectuée au cabinet d'avocats non en leur qualité d'avocats, mais en leur qualité d'agent d'affairesEffectuer la signification à un cabinet d'avocats agissant pour le défendeur mais auquel on n'a pas demandé d'accepter la signification ne serait pas ouvrir la porte aux abus et ne serait pas tourner en dérision la procédure visant à signifier la déclaration à personne au défendeur.

La demanderesse a présenté une requête visant à l'obtention d'un jugement déclaratoire portant que la déclaration a été validement signifiée au propriétaire du navire défendeur, Cosmos Shipping Lines S.A., en vertu de la règle 135 des Règles de la Cour fédérale (1998). En mai 1998, un membre d'équipage de l'Alpha Cosmos s'était grièvement blessé en tombant dans le port de Vancouver pendant qu'il montait à bord du navire. Il a été amené à un hôpital exploité par la demanderesse pour être traité et subir une intervention chirurgicale. Les frais médicaux ont été payés par le propriétaire du navire, par l'entremise de son agent, Campney & Murphy, jusqu'au 28 juillet 1998. Dans une lettre datée du 7 août 1998, l'agent a informé l'hôpital qu'il agissait pour le compte du propriétaire de l'Alpha Cosmos. Étant donné que le propriétaire du navire n'assumait aucune responsabilité additionnelle à l'égard des frais médicaux engagés après le 28 juillet 1998, la demanderesse a déposé une déclaration en vue d'être dédommagée de ces frais. En raison d'une certaine confusion au sujet de l'adresse de Cosmos Shipping, et en se fondant sur la déclaration que son agent avait faite dans la lettre du 7 août, la demanderesse a décidé de signifier la déclaration à l'agent. Le cabinet Campney & Murphy a dit qu'en l'absence d'instructions expresses, il n'accepterait pas pareille signification. La demanderesse a soutenu que la signification avait été effectuée au cabinet Campney & Murphy, non en leur qualité d'avocats de Cosmos Shipping, mais en leur qualité de personnes résidant au Canada dont la société de transport maritime avait, dans le cours normal des affaires, régulièrement utilisé les services, conformément à la règle 135.

Jugement: la requête est accueillie.

L'argument invoqué par l'avocat de Cosmos Shipping, à savoir que la déclaration pouvait uniquement être signifiée de la manière énoncée aux règles 128 à 133, n'était pas valable, car toutes les autres règles concernant la signification à personne deviendraient superflues. La règle 135 comporte un certain nombre d'éléments qui sont tous présents en l'espèce. Premièrement, la règle 135 se rapporte aux personnes résidant à l'étranger, ce qui semble être le cas de Cosmos Shipping. Deuxièmement, pour que la règle 135 s'applique, la partie à qui la signification est effectuée doit conclure des contrats ou effectuer des opérations commerciales au Canada. Les mesures prises par Cosmos Shipping lorsqu'elle a payé certains frais d'hospitalisation constituent une opération qui fait partie du cours normal des affaires d'un propriétaire de navire. Le terme "affaires" est un terme général ayant une portée étendue et ne signifie rien en droit. Le propriétaire d'un navire n'exploite pas simplement un commerce dans le cadre duquel il transporte des marchandises. Il prend notamment toutes les mesures accessoires nécessaires à l'exploitation du navire et veille notamment au soin et à l'entretien des membres de l'équipage. Troisièmement, la règle 135 exige qu'une opération commerciale soit effectuée au Canada. La conclusion de pareille opération commerciale est établie lorsque Cosmos Shipping a acquitté les frais d'hospitalisation de son membre d'équipage. Quatrièmement, il doit y avoir une certaine utilisation régulière des services de la personne résidant au Canada. Dans ce cas-ci, quatre opérations de ce genre ont été effectuées depuis que le membre d'équipage s'est blessé. Cinquièmement, Cosmos Shipping a en fait utilisé les services d'une personne à l'égard d'une opération liée à ses affaires. Enfin, l'instance doit découler de l'opération, comme c'est ici le cas. Selon le critère adopté par la Cour fédérale, il ne s'agit pas de faire des affaires mais d'effectuer des opérations commerciales dans le cours normal des affaires. C'est précisément ce que Cosmos Shipping a fait. S'occuper des membres de l'équipage est une obligation commerciale, d'autant plus lorsque cette obligation est imposée par la loi, comme l'a concédé l'avocat de Cosmos Shipping. Il s'agissait d'une relation inhabituelle pour un cabinet d'avocats tel que Campney & Murphy; c'était une relation d'affaires, étant donné qu'il agissait à titre d'agents d'affaires de Cosmos Shipping. Par conséquent, statuer qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, la signification était valide et permettre la signification à un cabinet d'avocats auquel on n'a pas demandé d'accepter la signification ne serait pas ouvrir la porte aux abus et ne tournerait pas en dérision la procédure visant à signifier la déclaration à personne au défendeur. Il s'agissait clairement d'un cas dans lequel une entreprise étrangère avait utilisé une entité canadienne afin de l'aider dans une opération commerciale, sur une base régulière, cette opération s'étant échelonnée sur un certain nombre de mois. Cosmos Shipping avait reçu une signification valide en vertu de la règle 135.

lois et règlements

Convention relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, 15 novembre 1965, 658 R.T.N.U. 163.

Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 35(1) "personne".

Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9, art. 285.

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 91(4).

Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 12.1 (édicté par DORS/93-44, art. 12).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 2 "personne", 127(1), 128, 129, 130(1)a )(i), c), 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 147.

Rules of Court, B.C. Reg. 221/90, R. 11(2)(b).

jurisprudence

décision examinée:

Central Trust Co. of China v. Dolphin SS. Co., [1950] 2 W.W.R. 516 (C.A.C.-B.).

décision citée:

Harris v. Amery (1865), L.R. 1 C.P. 148.

doctrine

Black's Law Dictionary, 4th ed. St. Paul, Minn.: West Publishing Co., 1951, "business".

REQUÊTE de la demanderesse visant à l'obtention d'un jugement déclaratoire portant que la déclaration a validement été signifiée au propriétaire du navire défendeur en vertu de la règle 135 des Règles de la Cour fédérale (1998). Requête accueillie.

ont comparu:

Doug G. Morrison pour la demanderesse.

H. P. Swanson pour la défenderesse Cosmos Shipping Lines S.A.

avocats inscrits au dossier:

Bull, Housser & Tupper, Vancouver, pour la demanderesse.

Campney & Murphy, Vancouver, pour la défenderesse Cosmos Shipping Lines S.A.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le protonotaire Hargrave: Ces motifs se rapportent à une requête présentée par la demanderesse, visant notamment à l'obtention d'un jugement déclaratoire portant que la déclaration a été validement signifiée au propriétaire du navire défendeur, Cosmos Shipping Lines S.A. (Cosmos Shipping), ainsi qu'à la requête présentée par Cosmos Shipping en vue de l'obtention d'un jugement déclaratoire contraire.

En résumé, la déclaration a été signifiée de la façon appropriée à Cosmos Shipping, compagnie qui semble être de quelque façon liée à Singapour, la signification ayant été effectuée au cabinet Campney & Murphy, non en leur qualité d'avocats de Cosmos Shipping, mais en leur qualité de personnes résidant au Canada dont Cosmos Shipping a, dans ce cas-ci et dans le cours normal des affaires, régulièrement utilisé les services, conformément à la règle 135 [des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106]. J'examinerai maintenant l'affaire plus à fond, en exposant d'abord certains faits pertinents.

LES FAITS PERTINENTS

Le 30 mai 1998, M. Terrance Dalgado, quatrième mécanicien de l'Alpha Cosmos, s'est grièvement blessé en tombant dans le port de Vancouver. La passerelle de l'Alpha Cosmos par laquelle M. Dalgado montait à bord du navire avec Mme Dalgado aurait apparemment bougé, aurait glissé et se serait séparée du navire et, étant donné qu'il n'y avait pour ainsi dire aucun filet de sécurité, M. et Mme Dalgado sont tous les deux tombés à l'eau. Tous ces faits sont énoncés dans une action connexe, qui a été intentée en août 1998 contre Cosmos Shipping par un autre cabinet d'avocats, la signification de la déclaration dans cette dernière action ayant été acceptée par Campney & Murphy. M. Dalgado a été amené à l'hôpital Lions Gate, qui est exploité par la demanderesse, North Shore Health Region, pour être traité et subir une intervention chirurgicale. M. Dalgado, qui est toujours dans le coma, est encore à cet endroit.

Cosmos Shipping, qui a peut-être bien une obligation légale à l'égard des frais médiaux engagés par M. Dalgado, en vertu du paragraphe 91(4) de la Loi sur l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2], de l'article 285 de la Loi sur la marine marchande du Canada [L.R.C. (1985), ch. S-9] et de l'article 12.1 du Règlement sur l'immigration de 1978 [DORS/78-172 (édicté par DORS/93-44, art. 12)], a été facturée pour soins médicaux par la demanderesse, par l'entremise de Pacnord Agencies, agent maritime local, et de la clinique médicale Mariners, les factures étant datées des 4 et 18 juin ainsi que des 2 et 30 juillet, et s'élevant en tout à 185 000 $. Les factures ont toutes été payées au moyen de chèques, par l'entremise de Campney & Murphy, jusqu'au 28 juillet 1998 inclusivement. La facture finale n'a pas été payée au complet. Cela nous amène à la lettre du 7 août que Campney & Murphy a envoyée à l'hôpital Lions Gate, laquelle commence ainsi:

[traduction]

Nous agissons comme avocats pour le compte du propriétaire de l'"Alpha Cosmos".

Dans la lettre, il est ensuite reconnu ce qui suit:

[traduction]

Notre cliente a payé les frais d'hospitalisation dus [. . .]

Dans la lettre, on dit qu'après avoir obtenu l'autorisation d'un médecin, le propriétaire de l'Alpha Cosmos a pris des dispositions pour assurer le transfert de M. Dalgado à Bombay, en Inde, le 28 juillet 1998, mais que Mme Dalgado, sur les conseils d'un avocat américain, a refusé de permettre qu'on donne congé à son mari et qu'on le transfère. Cela nous amène à l'avis figurant dans la lettre du mois d'août, lequel a donné lieu au litige:

[traduction] Par conséquent, notre cliente avise par les présentes l'hôpital Lions Gate qu'elle n'assume aucune responsabilité à l'égard des frais médicaux engagés après le 28 juillet 1998 et que l'hôpital devrait s'adresser à Sheryl Dalgado et à ses avocats pour obtenir le paiement des frais médicaux dus.

Tout cela met l'hôpital Lions Gate dans la situation difficile où il doit continuer à soigner M. Dalgado au coût d'environ 1 100 $ par jour. En effet, l'hôpital Lions Gate et la North Shore Health Region sont pris entre d'une part, Mme Dalgado et son avocat, qui maintiennent apparemment que Cosmos Shipping est légalement tenue de s'occuper de M. Dalgado, et d'autre part, Cosmos Shipping qui nie toute responsabilité additionnelle.

La déclaration a été produite le 3 septembre 1998. Il y est mentionné que Cosmos Shipping est représentée, en Colombie-Britannique, par Campney & Murphy. L'avocat de la demanderesse a eu de la difficulté à découvrir l'adresse de Cosmos Shipping. Il a appris que l'Alpha Cosmos était à un moment donné géré par Sanko Steamship Co. Ltd., de Tokyo, et par la suite, en septembre 1998, par United Oceans Ship Management Pte. Ltd. de Singapour, mais il n'a pas pu obtenir l'adresse de Cosmos Shipping à l'aide des sources habituelles, soit le registre de la Lloyd, les modifications et ajouts apportés au registre, ou le registre des propriétaires de navires de la Lloyd. L'adresse utilisée dans la déclaration à l'égard de Cosmos Shipping semble donc être celle du dernier gestionnaire du navire.

C'est peut-être en raison de cette confusion au sujet de l'adresse de Cosmos Shipping que la demanderesse a décidé de prendre une mesure qui semblait alors pratique et peu coûteuse à l'égard de la signification, en se fondant sur le fait que dans la lettre du 7 août 1998, le cabinet Campney & Murphy avait déclaré agir pour le compte de Cosmos Shipping.

Le 4 septembre 1998, l'avocat de la demanderesse, North Shore Health Region, a téléphoné à Me Wharton, chez Campney & Murphy, pour l'informer qu'un étudiant en droit se présenterait pour signifier la déclaration, ce à quoi Me Wharton ne s'est pas opposé. Je remarque que l'avocat de la demanderesse souligne que Me Wharton et le cabinet Campney & Murphy n'ont pas reçu signification en leur qualité d'avocats de Cosmos Shipping, mais plutôt en leur qualité d'agents d'affaires, cette désignation découlant du fait que le cabinet Campney & Murphy avait acquitté les factures au nom de Cosmos Shipping, comme il en était fait mention dans la lettre du 7 août 1998.

L'avocat de la demanderesse a également écrit à Me Wharton le 4 septembre pour confirmer que la North Shore Health Region voulait obtenir à bref délai un engagement de Cosmos Shipping au sujet du paiement de la facture et a mentionné la possibilité d'un jugement sommaire, étant donné qu'à son avis, il n'y avait pas de moyen de défense. N'ayant pas obtenu de réponse, l'avocat de la demanderesse a de nouveau écrit à Me Wharton, le 6 octobre, pour se renseigner et pour l'informer de la possibilité d'un jugement par défaut. Le 9 octobre, Me Wharton, qui faisait face à la possibilité d'un jugement par défaut, a déclaré par écrit que le cabinet Campney & Murphy n'avait pas accepté la signification et qu'en l'absence d'instructions écrites, il n'accepterait pas pareille signification.

Étant donné que les déclarations, devant la Cour fédérale, doivent maintenant être signifiées dans un délai de 60 jours et étant donné les délais généralement brefs prévus par les Règles de la Cour fédérale (1998), l'avocat qui estime que la signification n'a pas été effectuée d'une façon appropriée devrait immédiatement faire consigner la chose au dossier, car de nos jours les litiges coûtent fort cher et on ne devrait pas les retarder en omettant de tenir compte des lettres qui ont été reçues et en jouant des jeux. Cependant, l'avocat n'a pas tenu compte des lettres et il a attendu plus d'un mois pour faire connaître sa position.

EXAMEN

À première vue, les frais de signification à Singapour, qui s'élèvent à 300 ", sont élevés, mais la demanderesse aurait peut-être dû faire signifier la déclaration aux personnes qui semblaient gérer Cosmos Shipping à Singapour, en se fondant sur le fait que c'était peut-être bien également l'adresse de Cosmos Shipping. Toutefois, étant donné que contrairement à la plupart des propriétaires de navires, Cosmos Shipping ne publie pas son adresse dans le système de la Lloyd's et qu'elle a récemment changé de gérant, on peut comprendre pourquoi l'avocat de la demanderesse a agi comme il l'a fait.

L'avocat de la demanderesse a invoqué un certain nombre d'arguments, tant en vertu des Règles de la Cour fédérale (1998) qu'en vertu des Rules of Court [B.C. Reg. 221/90] de la C.-B., ces dernières étant incorporées dans notre procédure par l'alinéa 130(1)c) des Règles, en vertu duquel la demanderesse a signifié d'une façon valable la déclaration à Cosmos Shipping.

Je ne suis pas prêt à reconnaître que la signification qui a été effectuée chez les avocats de Cosmos Shipping, Campney & Murphy, est conforme au sous-alinéa 130(1)a)(i) des Règles, en vertu duquel la signification s'effectue par remise d'une copie du document "à l'un des dirigeants ou administrateurs de la personne morale ou à toute personne employée par celle-ci à titre de conseiller juridique". Dans le contexte de cette disposition, qui mentionne un dirigeant ou administrateur de la personne morale, il est clair que l'avocat mentionné est un avocat interne de la société.

Comme je l'ai fait remarquer, l'alinéa 130(1)c) des Règles incorpore la procédure de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en ce qui concerne la signification, en particulier dans ce cas-ci une partie de la règle 11(2)b) qui autorise la signification à une personne morale étrangère en présumant que toute personne, en Colombie-Britannique, qui [traduction] "conclut des opérations ou fait des affaires pour cette personne morale (étrangère) est le représentant de cette personne morale étrangère". Le libellé de cette disposition est plus restreint et précis que celui de la règle 135 de la Cour fédérale. Je n'ai pas appliqué la règle de la Colombie-Britannique étant donné que les Règles de la Cour fédérale (1998) prévoient à peu près la même chose à la règle 135. J'examinerai la règle 135 après m'être prononcé sur l'argument invoqué pour le compte de la demanderesse.

L'avocat de la demanderesse soutient également qu'il y a eu signification en vertu de la règle 147 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui est une disposition réparatrice visant à valider une signification irrégulière:

147. Lorsqu'un document a été signifié d'une manière non autorisée par les présentes règles ou une ordonnance de la Cour, celle-ci peut considérer la signification comme valide si elle est convaincue que le destinataire en a pris connaissance ou qu'il en aurait pris connaissance s'il ne s'était pas soustrait à la signification.

Dans ce cas-ci, l'affidavit d'un des avocats de Cosmos Shipping établit que cette dernière n'a jamais reçu de copie de la déclaration. Il serait surprenant que Cosmos Shipping n'ait pas été au courant de la déclaration. Toutefois, étant donné la façon dont j'aborde la question, en me fondant sur la règle 135 des Règles de la Cour fédérale (1998), je n'ai pas à déterminer si la règle 147 s'applique en l'espèce.

Pour utiliser la règle 135 aux fins de la signification d'un acte introductif d'instance, il faut d'abord examiner cette disposition dans le contexte des dispositions relatives à la signification dans leur ensemble. Tout d'abord, le paragraphe 127(1) prévoit que, sauf dans certaines circonstances, qui ne s'appliquent pas ici, un acte introductif d'instance, par exemple une déclaration "est signifié à personne conformément aux règles 128 à 133". L'avocat de Cosmos Shipping affirme que la déclaration peut uniquement être signifiée de la manière prévue aux règles 128 à 133, qui se rapportent à la signification à personne à une personne physique, à la signification à personne à une personne morale par remise du document à l'un des dirigeants ou administrateurs ou à un conseiller juridique, la signification selon le mode prévu par une loi fédérale ou la signification selon le mode prévu par les règles d'une cour supérieure de la province en cause. Les règles 128 à 133 traitent également de la signification à une administration municipale, à une société de personnes, à une association sans personnalité morale et à la Couronne.

Contrairement à l'argument invoqué par l'avocat de Cosmos Shipping, la règle 134 prévoit expressément la signification à personne auprès de l'avocat d'une partie si celui-ci en accepte la signification. La règle 136 traite de la signification substitutive, si la signification à personne est impossible, ce qui comprend clairement la signification d'un acte introductif d'instance. La règle 137, qui concerne la signification à l'étranger, traite de la signification conformément à la Convention de La Haye [Convention relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, 15 novembre 1965, 658 R.T.N.U. 163] et précise qu'en général, la signification à personne à l'étranger peut être effectuée de la manière prévue aux règles 127 à 136. La règle 135 se glisse entre toutes ces dispositions. Elle traite clairement de la signification à personne à une entité étrangère qui fait des affaires au Canada. Il faut attribuer un sens à la règle 135, compte tenu en particulier de sa note marginale: "Signification présumée". Je ne retiens donc pas l'argument de l'avocat de Cosmos Shipping lorsqu'il dit que la déclaration peut uniquement être signifiée de la manière énoncée aux règles 128 à 133; en effet, si cet argument était retenu, toutes les autres dispositions des Règles concernant la signification à personne deviendraient superflues.

La règle 135 est ainsi libellée:

135. Dans une instance découlant d'un contrat ou d'une opération commerciale, la signification à personne d'un document à une personne résidant au Canada vaut signification à la personne résidant à l'étranger si cette dernière, à la fois:

a) dans le cours normal des affaires, conclut des contrats au Canada ou effectue des opérations commerciales au Canada dans le cadre desquelles elle utilise régulièrement les services de la personne résidant au Canada;

b) a utilisé les services de la personne résidant au Canada relativement à ce contrat ou à cette opération commerciale.

La règle 135 comporte un certain nombre d'éléments.

Premièrement, la règle 135 se rapporte aux personnes résidant à l'étranger. La règle 2 de la Cour fédérale définit le mot "personne" comme s'entendant notamment d'un office fédéral, d'une association sans personnalité morale et d'une société de personnes. Toutefois, le paragraphe 35(1) de la Loi d'interprétation , L.R.C. (1985), ch. I-21, définit également le mot "personne" comme comprenant une personne morale. En l'espèce, on ne sait pas trop où réside Cosmos Shipping, mais il s'agit d'une personne morale qui ne semble pas résider au Canada.

Deuxièmement, pour que la règle 135 s'applique, la partie à qui la signification est effectuée doit conclure des contrats ou effectuer des opérations commerciales au Canada. Je ne puis constater l'existence d'aucun contrat entre Cosmos Shipping et l'hôpital Lions Gate, mais les mesures prises par Cosmos Shipping lorsqu'elle s'est occupée de son quatrième mécanicien, en payant certains frais d'hospitalisation, constituent une opération qui fait partie du cours normal des affaires d'un propriétaire de navire. Plus précisément, le terme "affaires" ne signifie rien en droit: voir par exemple l'édition de 1951 de Black's Law Dictionary , à la page 248. En outre, il s'agit d'un terme général ayant une portée étendue. De fait, la portée de ce terme est plus étendue que celle du mot "commerce": voir par exemple Harris v. Amery (1865), L.R. 1 C.P. 148, à la page 154. Le propriétaire d'un navire n'exploite pas simplement un commerce dans le cadre duquel il transporte des marchandises. Il prend notamment toutes les mesures accessoires nécessaires à l'exploitation du navire et veille notamment au soin et à l'entretien des membres de l'équipage. S'assurer qu'un membre de l'équipage se fasse soigner et soit hospitalisé fait clairement partie des affaires normales du propriétaire de navire.

Troisièmement, la règle 135 exige qu'une opération commerciale soit effectuée au Canada. Or, en l'espèce, la conclusion de pareille opération commerciale est clairement établie étant donné que Cosmos Shipping a acquitté un certain nombre de factures se rapportant à l'hospitalisation de M. Dalgado. Dans ce cas-ci, l'avocat de Cosmos Shipping soutient que les factures n'ont pas été acquittées par Cosmos Shipping, mais plutôt par les assureurs de Cosmos Shipping. Toutefois, la lettre du 7 août 1998 de Campney & Murphy est claire sur ce point. Elle dit que le cabinet Campney & Murphy agit pour le compte du propriétaire de l'Alpha Cosmos. Il s'agit d'une déclaration sur laquelle la demanderesse s'est clairement fondée pour agir. Lorsqu'une personne agit en présumant qu'une autre personne est bien celle pour laquelle elle se fait passer, cette dernière est irrecevable à nier l'exactitude de pareille représentation.

Quatrièmement, il doit y avoir une certaine utilisation régulière des services de la personne résidant au Canada. Dans ce cas-ci, quatre opérations de ce genre ont été effectuées depuis que M. Dalgado s'est blessé.

Cinquièmement, Cosmos Shipping a en fait utilisé les services d'une personne à l'égard d'une opération liée à ses affaires.

Enfin, l'instance doit découler de l'opération, comme c'est ici le cas. Par conséquent, comme le dit la règle 135, "la signification à personne d'un document à une personne résidant au Canada vaut signification à la personne résidant à l'étranger".

En tirant cette conclusion, je n'ai pas omis de tenir compte des plaidoyers oraux et écrits que l'avocat de Cosmos Shipping a présentés en se reportant à la décision que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a rendue dans l'affaire Central Trust Co. of China v. Dolphin SS. Co., [1950] 2 W.W.R. 516, à savoir que [traduction] "le paiement par un cabinet d'avocats des frais d'hospitalisation conformément à une obligation légale ne constitue pas un "contrat" ou une "opération commerciale" au Canada". Il faut se rappeler que, sur le plan de la procédure, les litiges étaient plus simples en 1950, lorsqu'un bref pouvait être signifié dans un délai d'un an, et non simplement de 60 jours comme c'est maintenant le cas pour cette Cour. Toutefois, indépendamment de cela, il existe une différence entre le libellé de la règle de la Colombie-Britannique, qui date de 1950, et celui de la règle actuelle de la Cour fédérale. La règle de la Colombie-Britannique met l'accent sur l'exploitation d'une entreprise, alors que selon l'article 135 des Règles de la Cour fédérale (1998) , ce sont les opérations commerciales plutôt que l'exploitation d'une entreprise dans son ensemble qui entrent en ligne de compte. On peut constater, par exemple, dans les motifs que M. le juge Sidney Smith a prononcés (page 526) dans l'arrêt Dolphin SS., que la Cour d'appel a mis l'accent sur l'exploitation d'une entreprise. Le juge signale que s'il se rendait en voiture à Seattle pour acheter des provisions, se loger et acheter un complet, il ne ferait pas des affaires. Par contre, s'il faisait le commerce de vêtements et achetait 100 complets, il ferait des affaires. Toutefois, selon le critère adopté par la Cour fédérale, il ne s'agit pas de faire des affaires mais d'effectuer des opérations commerciales dans le cours normal des affaires. C'est précisément ce que Cosmos Shipping fait. S'occuper des membres de l'équipage est une obligation commerciale, d'autant plus lorsque cette obligation est imposée par la loi, comme l'a concédé l'avocat de Cosmos Shipping.

L'avocat de Cosmos Shipping exprime une préoccupation valable: si la signification à un avocat ou à un cabinet d'avocats, qui agit pour un défendeur, mais auquel on n'a pas demandé d'accepter la signification était une signification valide en vertu de la règle 135, ce serait ouvrir la porte aux abus et tourner en dérision la procédure visant à trouver le défendeur et à lui signifier à personne la déclaration. Toutefois, les conclusions qui sont ici tirées ne sont aucunement fondées sur l'existence de la relation avocat-client habituelle entre le cabinet Campney & Murphy, à titre d'avocats, et Cosmos Shipping, à titre de client. Il s'agit plutôt d'une relation inhabituelle pour un cabinet d'avocat. C'est une relation d'affaires, Campney & Murphy agissant à titre d'agents d'affaires de Cosmos Shipping et faisant ce que le propriétaire d'un navire fait habituellement directement lui-même ou indirectement en utilisant un agent, afin de faciliter une opération commerciale ordinaire habituelle nécessaire à l'exploitation du navire. Comme je le dis, la situation serait tout à fait différente si les services de Campney & Murphy avaient été des services juridiques fournis à l'égard d'un dossier ou de dossiers, par opposition à leur engagement actuel, à titre d'agents de Cosmos Shipping, à l'égard d'un certain nombre d'opérations connexes.

CONCLUSION

Il s'agit clairement d'un cas dans lequel une entreprise étrangère a utilisé une entité canadienne afin de l'aider dans une opération commerciale, sur une base régulière, cette opération s'étant dans ce cas-ci échelonnée sur un certain nombre de mois. Par conséquent, la règle 135 s'applique. Cosmos Shipping a reçu une signification valide le 4 septembre 1998.

En plus de la requête qu'elle a présentée, la demanderesse cherche à obtenir un jugement par défaut. Toutefois, l'octroi d'un jugement par défaut est toujours discrétionnaire. En l'espèce, Cosmos Shipping avait énormément d'arguments à soulever au sujet de la validité de la signification. Étant donné que les frais d'hospitalisation continuent à s'accumuler au rythme de 1 100 $ par jour, il est important que le retard ne se poursuive pas. Cosmos Shipping disposera d'un délai de 14 jours pour déposer une défense.

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